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Livres - Page 89

  • [Livre] Il était 2 fois dans l'ouest

     

    Je remercie les éditions Sarbacane  pour cette lecture

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    Résumé : Cet été, quand Luna arrive avec sa mère à Monument Valley, en territoire indien, elle ne sait pas...qu'elle vient de mettre les deux pieds dans l'aventure !
    Ça commence par sa rencontre avec Josh, un garçon navajo, et ça continue avec de la magie, des croyances indiennes, des animaux sauvages…
    Bref : Luna et Josh vont tester les "mille façons de frémir en Arizona" !!!

     

    Auteur : Séverine Vidal

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : jeunesse

     

    Date de parution : 26 août 2015

     

    Prix moyen : 11€

     

    Mon avis : Ma première impression sur ce livre est venue de sa couverture. J'ai beaucoup aimé le style des illustrations qui m'ont rappelé celle des "je bouquine" de mon enfance.
    Ensuite mais alors là ça n'a absolument rien à voir avec le livre mais plutôt de la maison d'édition, et je vous préviens c'est complètement idiot, j'ai adoré le tampon service de presse sur la tranche du livre et qu'on ne peut ainsi voir correctement que lorsque le livre est fermé. Je trouve ça vraiment plus original qu'un simple tampon sur la page de garde et j'aime bien me rappeler d'où est-ce que je tiens certains livres.

    Concernant le livre, il est écrit sur le site de la maison d'édition qu'il peut-être lu à partir de 8 ans. Alors soit c'est moi qui sous-estime les enfants de 8 ans soit c'est la maison d'édition et l'auteur qui les surestiment mais j'ai trouvé que les subtilités de l'histoire étaient peut-être hors de portée pour les enfants de cet âge-là. Bien que l'histoire en elle-même peut plaire à tout âge, je pense que les enfants de moins de 10 ans (environ l'âge des personnages d'ailleurs) ne la comprendront pas tout à fait.

    Pour ma part, j'ai beaucoup aimé le style et l'humour de l'auteur ainsi que les bonus intégrés à l'histoire.
    Chaque chapitre est raconté du point de vue de Josh ou de Luna, ce qui est précisé non pas par une mention écrite mais par une petite illustration au-dessus du titre du chapitre (avec parfois une petite bulle pour que le personnage puisse faire un petit commentaire).
    Les notes de bas de page (traduction des mots anglais ou Navajo, explications de certains termes) sont également écrites comme si elles étaient de la main du personnage du point de vue duquel est écrit le chapitre.

    J'ai commencé à lire ce livre dans la soirée, dans l'idée d'en lire quelques chapitres afin de me faire une idée du style d'écriture et finalement, je l'ai lu d'une seule traite sans pouvoir le lâcher.

    On s'attache immédiatement aux personnages, l'histoire est pleine de rebondissements et jusqu'aux dernières pages, on n'est pas bien sûr de comment elle va se terminer (même si on se répète comme un mantra que comme c'est un livre pour enfant, il n'est pas censé se finir mal… mais bon…allez savoir…).

    Dans tous les cas une chose est sûre, ce livre m'a donné envie de cuisiner de nouveau du Sloppy Joe, et ça, il faudra le lire pour savoir pourquoi.

     

    Un extrait : Sans prévenir, Solal m'a sauté dans les bras. Et puis il m'a serrée comme si on n’allait plus jamais, jamais, jamais se revoir. Il m'a chuchoté « notre » phrase au creux de l'oreille, et moi j'ai simplement laisser sa petite haleine mi-sieste, mi-Nutella faire le chemin jusqu'à mo :
    « Je t'aime ma sœur la Lune du fin fond de l'univers des étoiles du monde de la Terre entière jusqu'à l'infini ! »

    - Allez, lâche ta sœur, mon chéri. murmure maman en essayant de l'arracher de moi. On va rater l'avion !

    Mais Solal sait très bien qu’un mois, c'est long : il a converti en nombre de dodos. Alors il me serre encore plus fort.

    - Allez bonhomme ! Se marre papa en tirant son tour. Arrête de faire le koala sur sa branche !

    La branche, c'est moi : Luna.  Et cet été, notre arbre familial en prend un sacré coup, puisque je pars un mois aux États-Unis avec maman pendant que mon petit frère reste ici avec papa. C'est la première fois qu'on fait « vacances séparées » mais on n'avait pas le choix. Maman est maquilleuse pour le cinéma : un tournage en Arizona, ça ne se refuse pas. D'ailleurs, elle avait des milliards d'arguments pour m'emmener avec elle. Moi, j'aurais préféré faire comme d'hab : une semaine en Bretagne chez papy et deux semaines avec les parents de Julia dans les Landes, ça m'allait très bien. Mais non, elle est restée ferme :

    - Ne râle pas trop, Luna : un mois aux US, tout le monde en rêve ! Tu vas parler anglais, découvrir une autre culture, voir du pays…

    - Mouais. Je vais surtout explorer l’intérieur de ta caravane, non ? Parler anglais, au mieux, ce sera avec Odette…qui est loin d’être bilingue, je te rappelle !

    Elle a souri ; faut dire qu’Odette est ma poule en peluche (enfin ce qu'il en reste, après onze ans de bons et loyaux services, dont au moins quatre passés à lui téter les plumes… On dirait plutôt la version « nuggets » d’Odette).
    Viviane Aigly-Sibelius - alias ma mère – a clos le débat à sa manière : un simple « Luna, tu exagères », suivi d’un rapide double claquement de mains qui veut dire « point final » (ma mère est experte en ponctuation mimée).
    Comme je restais là sans bouger, elle a ajouté un petit mouvement de menton en direction de l'escalier, qui signifiait : « Monte dans ta chambre et commence à faire tes valises ! » (bon, en fait ma mère est experte en mime tout court).

     

  • [Livre] Les grands crimes de l'histoire Tome 01

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    Résumé : "Comment devient-on le plus grand criminel de tous les temps ? Le hasard ? Le destin ? Il y a les deux dans la vie de Gilles de Rais, une vie qu'aucun romancier n'aurait osé inventer".

     

    Auteur : Pierre Bellemare et Jean-François Nahmias

     

    Edition : Le livre de poche

     

    Genre : historique

     

    Date de parution : 03 juillet 2013

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : La manière de raconter de Pierre Bellemare est toujours aussi prenante.
    Dans ce premier tome des histoires criminelles il nous fait découvrir, ou redécouvrir, 15 histoires, du Moyen-âge à nos jours.
    J'ai apprécié de découvrir complètement des affaires telles que celle de Gérard Hauser ou des époux Rosenberg, de découvrir le déroulement d’affaire que je connaissais de nom comme Sacco et
    Vanzetti ou Robert François Damiens, ou encore de connaître plus en détails des affaires plus connues comme Mata Hari, l'enlèvement du bébé Lindbergh ou encore l'affaire de Gilles de Rais.

    Parfois j’ai trouvé que Pierre Bellemare rentrait même trop dans le détail, notamment lorsqu'il nous décrit le supplice de Robert François Damiens qui avait tenté de poignarder Louis XV. La description précise de ce qu’on lui a fait subir m’a soulevé le cœur, et pourtant, il est bien accroché.

    La dernière histoire centrée sur Jack l'éventreur m'a semblé superflue tant celle-ci a été vue et revue au point que presque tout le monde puisse la citer par cœur.
    J'aurais préféré que l’auteur choisisse de nous faire découvrir ou redécouvrir une affaire plus méconnue. Sur celle ci, il donne les détails de chaque meurtre (sans parler pour autant des fameuses lettres que Jack adressait à l’inspecteur et qui commençaient toutes par « patron », ni des inscriptions mettant en cause les juifs et qui ont été probablement faites pour entraîner les policiers sur une fausse piste).
    Malgré cette « erreur de casting » à mon avis dans le choix de cette dernière histoire, c'est une lecture que j'ai vraiment appréciée et qui m'a donné envie de rechercher et de lire le deuxième tome de ces histoires criminelles.


    Un extrait : Un homme fend la file des laquais, pose une main sur l'épaule du souverain, le frappe de toutes ses forces du côté droit et disparaît dans la nuit…

    Cela a été si rapide que personne n'a bougé. Louis XV porte la main à sa poitrine.

     Cet ivrogne m'a donné un coup de poing en passant !

    Il s'aperçoit alors qu'il saigne et se met à crier d'une voix blême :

     Je suis blessé ! C'est ce coquin ! Qu'on l'arrête mais qu'on ne le tue pas.

    Le coquin en question ne s'est pas enfui. Il est là, à contempler le spectacle. Il se laisse maîtriser. Dans ses poches, il a un canif à deux lames et trente-cinq louis d'or. Il ne fait aucune difficulté pour dire son nom : il s'appelle Robert François Damiens…

    C'est l'émoi à Versailles. Transporté dans sa chambre, Louis XV n'a qu'une pensée, qu'un cri :

    « Un confesseur »

    Louis XV se confesse donc, et ce n'est qu'ensuite que les chirurgiens examinent sa plaie. C'est à peine plus qu'une égratignure : la lame a pénétré d'un centimètre environ, entre la quatrième et la cinquième côte. S'il le voulait, le roi pourrait se lever tout de suite après avoir été pansé. Comme l'a dit son ministre Choiseul : « Une telle blessure n'aurait pas empêché l'homme au courage le plus médiocre d'aller souper normalement le soir même… »

    Mais dans la chambre du roi, le mélodrame continue. Louis XV fait venir sa femme et son fils. A l'arrivée de la reine, il s'écrie :

     Je suis assassiné, madame !

    Il promet solennellement de mettre fin à sa vie dissolue, c'est-à-dire à sa liaison avec Mme de Pompadour, puis ce sont les ultimes recommandations au dauphin qu'il prononce d'une voix mourante… 

    Le roi garde la chambre dix jours et puis, comme les médecins lui disent qu'il est décidément guéri, il oublie sa terreur. Le 15 janvier, Louis XV rejoint les appartements de Mme de Pompadour et signe le décret traduisant Robert François Damiens devant le Parlement de Paris pour crime de régicide…

     

  • [Livre] Je ne suis pas un serial killer

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    Résumé : 1) Ne pas regarder les gens trop longtemps.
    2) Ne pas éviscérer les animaux.
    3) Ne nourrir que des pensées positives.
    Son psy en convient, John Wayne Cleaver est sociopathe.
    À 15 ans, le charmant jeune homme fait de son mieux pour contrôler ses pulsions homicides, règles à l'appui. Ce qui n'a rien d'évident : sa mère tient le funérarium local. Là justement où finissent les victimes du «démon», serial killer décomplexé en pleine furie meurtrière dans sa ville. 
    John est peut-être le mieux placé - et pour cause ! - pour l'arrêter...

     

    Auteur : Dan Wells

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 14 avril 2011

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce thriller raconté du point de vue d’un adolescent qui se sait sociopathe, qui sait qu’il a tout pour devenir un tueur en série mais qui fait tout pour que cela n’arrive pas en suivant des règles de vie très strictes.
    A la place de John, je pense que j’aurais déjà pété un plomb avec la mère qu’il a : elle est intrusive, limite méchante dans ses remarques, elle semble manquer clairement d’intelligence… Elle demande quand même à son fils de faire un effort et d’arrêter d’être un sociopathe… et lui, comme son psy, ont beau lui expliquer qu’on ne choisit pas d’être sociopathe, elle ne veut rien entendre. A 15 ans, John n’a pas le droit de choisir ses déguisements pour Halloween, ni le droit de ne pas aller à une fête du lycée. Elle le harcèle littéralement, ce qui rend très difficile pour lui le respect de ses règles destinées à l’empêcher de plonger dans la psychose (et quand on sait que la sœur de John est partie de la maison à 17 ans et n’adresse quasiment plus la parole à sa mère, on se dit que ce n’est pas d’hier que cette dernière est ainsi).
    Ce qui dérange, que ce soit sa mère ou les autres personnes qu’il côtoie, c’est que John est fasciné par les serials killer : il les étudie, se documente, est quasiment incollable sur eux. Il explique d’ailleurs à son psy que son obsession pour eux n’a d’autre but que de lui montrer le comportement à ne pas suivre. Etudier les tueurs lui permet d’éviter d’en devenir un.
    Quand un tueur en série commence à faire des ravages dans la minuscule ville de John, il ne peut s’empêcher de l’étudier…et de le chercher…
    J’ai un peu regretté que l’histoire bascule dans le fantastique, je pense que l’histoire aurait été tout aussi exaltante et la situation dangereuse pour John s’il avait eu affaire à un tueur particulièrement tordu. Le recours au fantastique m’a donc un peu déçue, mais je comprends ce choix.
    On peut dire que l’enquête est en deux parties : d’abord John doit identifier le tueur, puis une fois cela fait, il doit trouver comment le mettre hors d’état de nuire.
    Les évènements s’enchainent assez vite et on n’a pas le temps de s’ennuyer. En parallèle à la traque du tueur qui sévit en ville, on se demande sans cesse si John va réussir à contenir celui qui sommeille en lui ou s’il va basculer.
    Lorsqu’on referme la dernière page, on n’a qu’une envie, se jeter sur la suite !

    Un extrait : Mrs Anderson était morte.

    Rien de spectaculaire, la vieillesse, voilà tout : un soir, elle était allée se coucher et ne s’était jamais réveillée. Aux infos, ils avaient parlé d’une mort paisible et digne, ce qui, certes, techniquement n’était pas faux, toutefois les trois jours qu’il avait fallu pour se rendre compte qu’on ne la voyait plus depuis un bout de temps retiraient beaucoup de dignité à la situation. Après s’être enfin décidée à lui rendre visite, la fille de Mrs Anderson avait trouvé son cadavre qui pourrissait et puait la charogne. Mais le pire, ce n’est pas le pourrissement, c’est les trois jours : trois jours pleins avant que quelqu’un finisse par se demander : «Au fait, elle est passée où, la vieille dame qui habite au bout de la rue, près du canal ? »

    Pour la dignité, on repassera.

    Paisible, en revanche… Sans aucun doute. D’après le coroner, elle était morte doucement dans son sommeil, le 30 août, autrement dit deux jours avant que le démon ne laisse Jeb Jolley les tripes à l’air dans une flaque derrière la laverie. À ce moment-là, on ne le savait pas encore, mais sur une période de près de six mois, cela faisait de Mrs Anderson la dernière personne de Clayton County à mourir de causes naturelles. Le démon se chargea de toutes les autres.

    Toutes… à une exception près.

    Nous réceptionnâmes le corps de la vieille dame le samedi 2 septembre, quand le médecin légiste en eut fini avec elle. Enfin, je devrais plutôt dire que c’est ma mère et tante Margaret qui réceptionnèrent le corps, pas moi. Ce sont elles qui dirigent le funérarium ; moi je n’ai que quinze ans. Après avoir passé presque toute la journée en ville à regarder la police nettoyer le merdier laissé par Jeb, je revins à la tombée de la nuit et rentrai discrètement par l’arrière au cas où ma mère se serait trouvée à l’entrée : je n’avais pas vraiment envie de la voir.

    Personne n’était encore arrivé dans la chambre mortuaire, il n’y avait que moi et le cadavre de Mrs Anderson. Il gisait, parfaitement immobile sur la table, recouvert d’un drap. Ça sentait la viande pourrie et l’insecticide ; l’unique ventilateur à hélices qui tournait furieusement au plafond n’aidait pas beaucoup. Sans bruit, je me lavai les mains à l’évier tout en m’interrogeant sur le temps dont je disposais, puis, doucement, je me mis à toucher le corps. La vieille peau, c’était ma préférée : sèche et ridée, avec la texture d’un parchemin. L’équipe de légistes ne s’était pas foulée pour nettoyer, sûrement trop occupée par Jeb, mais à l’odeur je savais qu’ils avaient au moins pensé à tuer les insectes. Après trois jours dans une chaleur de fin d’été, il devait y en avoir eu un paquet.

    Une femme ouvrit à la volée la porte de devant et entra, toute de vert vêtue, comme un chirurgien, avec sa blouse et son masque. Je me raidis, croyant qu’il s’agissait de ma mère, mais la femme se contenta de me jeter un regard avant de se diriger vers une table.

    « Salut, John », dit-elle en rassemblant quelques compresses stériles.

    Ce n’était pas ma mère, mais sa sœur Margaret  – elles étaient jumelles et lorsqu’elles portaient un masque, j’arrivais à peine à les distinguer.

     

    Cependant ma tante avait une voix un peu plus claire, un peu plus… tonique. Peut-être parce qu’elle n’avait jamais été mariée.

     

  • [Livre] Nymphéas noirs

    Une fois n'est pas coutume, voici ici l'avis de ma très chère Yas sur ce livre. Moi, ça m'a donné envie de le lire!

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    Résumé : Tout n'est qu'illusion, surtout quand un jeu de miroirs multiplie les indices et brouille les pistes. Pourtant les meurtres qui troublent la quiétude de Giverny, le village cher à Claude Monet, sont bien réels. Au coeur de l'intrigue, trois femmes : une fillette de onze ans douée pour la peinture, une institutrice redoutablement séduisante et une vieille femme aux yeux de hibou qui voit et sait tout. Et puis, bien sûr, une passion dévastatrice. Le tout sur fond de rumeur de toiles perdues ou volées, dont les fameux Nymphéas noirs. Perdues ou volées, telles les illusions quand passé et présent se confondent et que jeunesse et mort défient le temps.

     

    Auteur : Miche Bussi

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 20 janvier 2011

     

    Prix moyen : 8€

     

    L’avis de Yas : Commençons par le commencement : je n'avais pas l'intention de lire ce livre. J'avais déjà dévoré et adoré trois autres livres de Michel Bussi, mais, pour celui-ci, j'avais eu des échos selon lesquels il fallait être calé en peinture et en histoire de l'art pour le comprendre. Et puis on m'a assuré que non, et puis on me l'a proposé alors que je n'avais plus rien à lire… Et puis je l'ai dévoré en trois jours.

    Il y a beaucoup de personnages, mais on en suit trois en particulier : Fanette, 11 ans, déjà considérée par son entourage comme une grande artiste, qui rêve de faire un tableau suffisamment impressionnant pour remporter un concours de jeunes talents et partir dans une grande école d'arts à l'autre bout du monde. Stéphanie, institutrice du village, mariée sans être heureuse, qui rêve de s'enfuir loin avec un homme dont elle tomberait éperdument amoureuse. Et enfin, la narratrice, une vieille femme toujours habillée en noir, qui répond parfaitement au stéréotype de la personne âgée qui espionne tout, voit tout, entend tout, sait tout et se fond dans le paysage tellement bien que personne ne la voit. Puis, au milieu de tout ça, il y a un meurtre, celui de Jérôme Morval, un homme marié mais infidèle qui avait deux grandes passions : les femmes et les tableaux de Monet.

    On suit donc la vie de ces trois personnages ainsi que l'enquête concernant le meurtre de Jérôme. Celle-ci avance à pas hésitants, les enquêteurs essayant toutes les pistes possibles, en privilégiant certaines par instinct, d'autres grâce à de minces preuves. En bon lecteur, nous aussi, on enquête ! On recoupe les éléments, on se pose des questions, on fait des déductions et on tombe la tête la première dans les quelques fausses pistes et impasses que l'auteur s'est amusé à glisser dans cette enquête, tout fier que l'on est de penser avoir tout compris avant tout le monde. Pour la première fois dans un livre de Bussi, j'avais trouvé qui était le meurtrier, et je peux vous assurer que j'étais sacrément fière de moi ! Sauf qu'il y a autre chose à comprendre, un élément clé qui bouleverse toute l'histoire et qui, lorsqu'il nous est révélé, nous donne l'envie d'arrêter de lire pour recommencer depuis le début en ayant connaissance de cet élément. Sur cet élément clé, les indices sont relativement minces : quelques incohérences auxquelles on trouve rapidement une explication un peu bancale, une remarque ou deux qui nous font tiquer, puis hausser les épaules en nous disant "je vais continuer à lire, on verra si c'est fait exprès…". Sur ce point là, je me suis complètement fait avoir, je ne l'avais pas vu venir et suis restée sciée pendant un moment en le découvrant. Était-il possible de le deviner par soi-même ? Peut-être. C'est uniquement sur ce point là que je rejoins l'avis qu'on m'avait donné avant que je commence à le lire : être calé en histoire de l'art nous permet d'avoir les connaissances nécessaires pour repérer le plus gros indice de cet élément. Pour le reste, je ne suis pas d'accord, il n'y a pas besoin d'avoir une bonne culture générale pour lire, comprendre et apprécier ce livre.

    En conclusion, c'est un policier exactement comme je les aime : Une enquête hésitante qui avance tout doucement et permet au lecteur d'avancer en même temps, un meurtrier et un dénouement pas simples à trouver sans pour autant être impossibles et des personnages attachants pour lesquels on espère de toutes nos forces qu'ils arriveront au bout de leur rêve. Le contexte est magnifique et la précision, dès le début, que tous les lieux cités sont bien réels, nous donne envie de nous ruer à Giverny pour voir le moulin de la sorcière, la rivière, l'école, puis de filer au musée Marmottant à Paris pour admirer les fameux "Nymphéas" de Monet qui y sont exposés. Un policier poignant et attachant que l'on referme le cœur un peu serré et qui, mine de rien, nous trotte dans la tête pendant plusieurs jours après l'avoir reposé.


    Un extrait
     : Trois femmes vivaient dans un village.

    La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste.

    Leur village portait un joli nom de jardin. Giverny.

    La première habitait dans un grand moulin au bord d’un ruisseau, sur le chemin du Roy ; la deuxième occupait un appartement mansardé au-dessus de l’école, rue Blanche-Hoschedé-Monet ; la troisième vivait chez sa mère, une petite maison dont la peinture aux murs se décollait, rue du Château-d’Eau.

    Elles n’avaient pas non plus le même âge. Pas du tout. La première avait plus de quatre-vingts ans et était veuve. Ou presque. La deuxième avait trente-six ans et n’avait jamais trompé son mari. Pour l’instant. La troisième avait onze ans bientôt et tous les garçons de son école voulaient d’elle pour amoureuse. La première s’habillait toujours de noir, la deuxième se maquillait pour son amant, la troisième tressait ses cheveux pour qu’ils volent au vent.

    Vous avez compris. Toutes les trois étaient assez différentes. Elles possédaient pourtant un point commun, un secret, en quelque sorte : toutes les trois rêvaient de partir. Oui, de quitter Giverny, ce si fameux village dont le seul nom donne envie à une foule de gens de traverser le monde entier juste pour s’y promener quelques heures.

    Vous savez bien pourquoi. A cause des peintres impressionnistes.

    La première, la plus vieille, possédait un joli tableau, la deuxième s’intéressait beaucoup aux artistes, la troisième, la plus jeune, savait bien peindre. Très bien, même.

    C’est étrange, vouloir quitter Giverny. Vous ne trouvez pas ? Toutes les trois pensaient que le village était une prison, un grand et beau jardin, mais grillagé. Comme le parc d’un asile. Un trompe-l’œil. Un tableau dont il serait impossible de déborder du cadre. En réalité, la troisième, la plus jeune, cherchait un père. Ailleurs. La deuxième cherchait l’amour. La première, la plus vieille, savait des choses sur les deux autres.

    Une fois pourtant, pendant treize jours, pendant treize jours seulement, les grilles du parc s’ouvrirent. Très précisément, du 13 mai au 25 mai 2010. Les grilles de Giverny se levèrent pour elles ! Pour elles seules, c’est ce qu’elles pensaient. Mais la règle était cruelle, une seule d’entre elles pouvait s’échapper. Les deux autres devaient mourir. C’était ainsi.

    Ces treize jours défilèrent comme une parenthèse dans leur vie. Trop brève. Cruelle, aussi. Cette parenthèse s’ouvrit par un meurtre, le premier jour, et se termina par un autre, le dernier jour. Bizarrement, les policiers ne s’intéressèrent qu’à la deuxième femme, la plus belle ; la troisième, la plus innocente, dut enquêter toute seule. La première, la plus discrète, put tranquillement surveiller tout le monde. Et même tuer !

    Cela dura treize jours. Le temps d’une évasion.

    Trois femmes vivaient dans un village.

    La troisième était la plus douée, la deuxième était la plus rusée, la première était la plus déterminée.

    A votre avis, laquelle parvint à s’échapper ? 

    La troisième, la plus jeune, s’appelait Fanette Morelle ; la deuxième s’appelait Stéphanie Dupain ; la première, la plus vieille, c’était moi.

     

     

  • [Livre] Trois pas de deux

     

    Je remercie les éditions Mon petit éditeur pour cette lecture

     

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    Résumé : Pas de deux: entrée de ballet dansée par deux personnes... Alma et Samuel, Alma et Elie, Alma et Noé. Une danse en trois mouvements, comme un voyage initiatique, une quête des origines, au rythme des passions de la danseuse et de ses partenaires.

     

    Auteur : Marie Cosimo

     

    Edition : mon petit éditeur

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 2010

     

    Prix moyen : 25€

     

    Mon avis : Le livre est bien écrit. La plupart des phrases sont courtes et vont droit au but, il n’y a pas de longues descriptions lyriques. Les descriptions sont toujours courtes et efficaces, afin de ne pas casser le rythme du roman.
    Le roman est séparé en trois parties, chacune tournant autour d’Alma et de ses relations avec l’un des trois autres personnages principaux. Tous les personnages ne sont pas présents dès le début, ils s’ajoutent au « casting » au fur et à mesure des parties.
    Il y a donc 4 personnages principaux qui par ordre d’apparition sont Samuel, Alma, Elie et Noé.
    Le fil conducteur est Alma puisque tout ou presque tourne autour d’elle.
    Le problème que j’ai rencontré avec ce livre est, qu’à part Elie, je n’ai ressenti aucune empathie pour aucun des personnages. Alma et Samuel me sont profondément antipathiques. Ils sont égoïstes : Alma est une gamine capricieuse qui veut tout, tout de suite, qui fait des crises de colère dès qu’elle n’obtient pas ce qu’elle veut dans la seconde. Samuel est instable, il ne veut rien qui puisse déranger sa petite vie, il prend des décisions qu’il regrette et qu’il fait payer aux autres.
    Au final, je n’ai pas eu l’impression de lire un roman construit avec un début, un milieu et une fin (on dirait qu’on a qu’un milieu).
    On a surtout l’impression d’assister à une tranche de vie des personnes qui n’ont pas grand-chose d’intéressant, rien qui justifie l’écriture d’un roman.


    Un extrait : Samuel claque la porte du taxi et franchit en courant les quelques mètres qui le séparent du portail, sous une pluie battante. Il s’arrête un instant sous le porche, reprend son souffle et essore la masse dégoulinante de ses cheveux. Il pousse la porte de la maison, tend l’oreille, surpris du silence qui règne dans la cuisine. Ce soir, la musique d’Alma, qui d’habitude jaillit du sous-sol et gravit un à un les trois étages, est absente. Samuel défait les boutons de son imperméable, se débarrasse de ses chaussures, pose son journal sur une chaise. Un chausson de danse traîne sous la table. Alma est là. Elle ne l’a pas entendu rentrer. Samuel monte les marches qui mènent au premier étage. Pas un bruit. Tout est sombre. Il n’est pourtant que dix-neuf heures. Samuel appuie un instant son front contre la vitre de la fenêtre du palier du premier étage. La blancheur des façades, de l’autre côté de la rue, est devenue grise, battue, griffée par la pluie qui s’obstine. L’été en Angleterre a parfois l’allure d’une nuit de novembre. À cet étage aussi, le silence règne. Samuel sait déjà où il va la trouver. Alma. Pourtant, un doute discret, léger, diffus, l’étreint. L’angoisse de la solitude non choisie, celle de l’attente déçue. Et si elle n’était pas là ? Si elle ne rentrait plus ? Une maison déserte et mutique. Une maison sans elle. L’inquiétude douce-amère qu’il sent s’immiscer en lui, à l’instant, parfois très bref, où l’absence est une possibilité, a fini de le surprendre. Elle noue l’estomac une seconde, se mue en un souffle joyeux à la suivante. Le souffle qui guide le pas enjoué franchissant la porte. Le souffle qui porte la voix lançant un bonsoir comme une interrogation. Samuel franchit la dernière marche, celle qui mène au troisième étage, sous les toits. La télévision est allumée, le son coupé. Un documentaire sur les danses d’Afrique. Couleurs tapageuses, mouvements déchaînés, scènes de liesse auxquelles le silence fait injure. Samuel s’agenouille près du canapé sur lequel Alma semble endormie. Des rubans de cheveux bruns encadrent son visage impassible, la peau très blanche même en plein été, les lèvres placides. Samuel se penche et pose un baiser sur la petite pierre de lune qui orne le lobe de l’oreille d’Alma. Une pierre brute, taillée dans les souvenirs d’une vie indienne. Le foulard soyeux noué autour du cou de Samuel vient caresser sa joue.

    — Bonsoir Alma ! Samuel a chantonné.
    Alma sourit, les yeux toujours clos.

    — Tu croyais que je dormais ?
    — Point du tout…
    Samuel hoche la tête. Alma est debout. Elle esquisse trois pas d’une danse tribale farfelue avant de se jeter au cou de Samuel. Une seconde d’immobilité. Une seconde, dont on ne peut jamais prévoir s’il va en jaillir la colère ou l’hilarité. La seconde d’Alma. Samuel a appris à soutenir ce regard absorbant. Il sait deviner si le coin des lèvres va s’affaisser dans une moue chagrine ou s’élever vers une pommette arrondie. Sourire. Elle agrippe les pointes de son foulard et approche le visage de Samuel du sien. Dans un éclat de rire qui dévoile ses dents imparfaites, elle saisit à pleines mains les cheveux bouclés qui tombent dans le cou de Samuel.
    — J’ai toujours l’air de dormir, peut-être ?

     

     

  • [Livre] Petits goûters entre amies

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    Résumé : Callie élève seule sa fille de six ans. Elle est heureuse de pouvoir compter sur le soutien de Suzie, sa voisine et meilleure amie, mère modèle de trois garçons. Mais une nouvelle habitante au comportement étrange s’installe dans leur rue. Leur vie aux apparences bien tranquilles va basculer... 

     

    Auteur : Louise Millar

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Suspense

     

    Date de parution : 19 mars 2015

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Dans le premier chapitre on se dit que franchement, si le plus gros problème de Callie est d’annoncer à sa meilleure amie qu’elle a l’intention de retourner travailler après 5 ans d’arrêt pour raison médicale (sa petite fille avait une malformation cardiaque à la naissance), et bien, nous, sa vie, on la veut bien.
    Quant à Suzie que dire de sa vie parfaite : trois adorables petits garçons, un mari issu de la haute société britannique…Bon les grands espaces de son Amérique natale lui manquent bien un peu, mais à part ça…
    en revanche cette nouvelle voisine, qui vient de s’installer et de trouver du travail à l’école des tous petits est franchement bizarre : paranoïaque, ne supportant pas le moindre bruit, on a envie de lui dire d’aller s’installer dans un igloo en Alaska et de faire attention sur quel ton elle demande aux ours polaires de grogner moins fort.
    Et puis au fil des chapitres, il semblerait que tout s’effrite : La vie de Suzie n’est pas si parfaite que ça : son petit garçon, l’ainé, n’est pas si mignon mais plutôt une vraie petite terreur, son mari la délaisse, il semble avoir l’intention de mettre ses petits anges dans l’horrible internat qu’il a pourtant lui-même tant détesté…
    Callie de son coté semble étouffer littéralement dans cet univers où il n’y a que sa fille et son amie. Son ex mari, Tom, bien que souvent odieux avec elle, prend en charge toutes les factures pour qu’elle puisse rester au foyer s’occuper de leur fille et n’apprécie pas qu’elle envisage de reprendre un travail (pendant que lui voyage aux 4 coins du monde pour effectuer des reportages). Et puis il y a aussi les autres mamans du quartier qui l’ont mise à l’écart sans qu’elle comprenne pourquoi.
    Quand les ennuis s’accumulent, l’évidence saute aux yeux de Callie : la nouvelle voisine est folle et tout est de sa faute.
    Après tout n’a-t-elle pas un passé douteux ?
    Mais au fil des incidents le doute s’installe. Chaque chapitre est raconté du point de vue de l’une des protagonistes : Callie, Suzie, et la nouvelle voisine : Debs. Et s’il est évident pour le lecteur que l’une d’elle est effectivement folle, impossible de savoir laquelle des trois. Chacune raconte l’histoire comme elle la perçoit et on se pose sans cesse des questions :
    - Les incidents sont-ils réels ou seulement dans la tête de Debs ?
    - Les incidents sont-ils réels ou bien Suzie les exagèrent-elle parce qu’elle se sent seule ?
    - Les incidents sont-ils réels ou exagérés par Callie, qui vit dans la peur que quelque chose n’arrive à sa fille ?
    Au fur et à mesure que les indices nous sont révélés, on cerne un peu plus chacune de ces trois personnalités. Mais ce n’est vraiment que dans les derniers chapitres que l’on est enfin face à la vérité. Une vérité qui force un peu trop sur les coïncidences, à laquelle on s’attendait un peu, sans avoir imaginer l’ampleur qu’elle revêtait.

     

    Un extrait : Le soleil chaud me picote le visage, ce qui m’est légèrement désagréable. Je tâche de me détendre en me focalisant sur les sons qui m’entourent. J’ai pris l’habitude de relever les bruits intéressants et de les garder pour plus tard, en cas de nécessité. Ils sont tous répertoriés dans ma tête, du plus faible fredonnement au plus charmant murmure du vent. Aujourd’hui, j’enregistre le chant d’un pinson, le bruissement des brasses de Suzy dans l’eau, le craquement d’une branche sous un écureuil. 

    Rien à faire. J’ai beau étirer mes jambes le plus possible, la tension qui noue mes fesses et mes hanches ne se relâche pas. Mon esprit mouline à toute vitesse. Il faut que j’en parle à Suzy. Je ne peux pas garder le silence plus longtemps; je lui cache déjà suffisamment de choses. Je me redresse une nouvelle fois et la cherche du regard. Elle a traversé l’étang et revient vers la rive.
    Oh, et merde ! Maintenant que je suis là… Je me lève et me dirige vers les marches, puis descends avec précaution dans les eaux sombres. Un panneau indique qu’il y a des tortues d’eau douce et des écrevisses là-dessous.

    — Bravo, c’est bien ! lance Suzy en applaudissant pour m’encourager.

    Je manifeste mon scepticisme en roulant des yeux. L’eau est froide et boueuse. Je frissonne, sentant le froid m’encercler au fur et à mesure que mon corps s’immerge.

    — Arrête d’hésiter et nage ! hurle mon amie.

    Son fort accent américain ricoche sur l’eau, si bien que la femme maître-nageur se tourne de son côté.
    Je m’élance loin du bord. La natation n’a jamais été mon fort. Suzy se rapproche de moi en dos crawlé, les yeux braqués vers le ciel et la cime des arbres.

    — C’est tellement agréable ! La semaine prochaine, je nous réserve une journée au spa dont tu m’as parlé à Covent Garden.

    Mes jambes sont attirées par le fond, je bois la tasse et tousse en me débattant.

    Je n’ai pas pied.

     

  • [Livre] Fashion victim

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    Résumé : Moi, une Fashion Victim ? Vous avez vu le look du mannequin-star de la couverture ? Vous ne croyez quand même pas que je vais me déhancher dans une robe rouge ultramoulante qui franchement ne cache rien, uniquement pour être in ? De toute façon, les potins de stars et les conseils bidon, ce n'est pas mon truc... Et il ne faut surtout pas croire ce que raconte ce magazine. Je suis bien placée pour le savoir, puisque je suis l'auteur de certains de ses articles ! Moi qui rêvais de gloire littéraire, me voilà réduite, pour faire mon trou dans cette boîte, à me battre bec et ongles avec des folles furieuses que le mot " complot " rend hystériques ! Et croyez-moi, sur la planète People, tous les coups sont permis

     

    Auteur : Lynn Messina

     

    Edition : Harlequin

     

    Genre : Chick lit

     

    Date de parution : 2004

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Fashion victim, c’est le titre du magazine pour lequel bosse l’héroïne de ce livre, Vig (apparemment, diminutif d’Hedwig) Morgan.
    Dès les premières pages, je fais deux constatations :
    La première, la description du magazine me rappelle furieusement « Grazia » : aucun article de fond, tout ramené aux peoples, articles conçus sur un seul modèle avec les noms des célébrités qui changent, aucune idée un tant soit peu originale… bref, un torchon dont les rédacteurs osent quand même se nommer journalistes.
    La seconde : Une jeune femme qui rêve d’être une vraie journaliste mais qui fait ses premières armes dans un magazine de mode, un passage obligé d’assistante pendant deux ans auprès de la rédactrice en chef avant de devenir rédactrice junior, une rédactrice en chef odieuse, une nouvelle rédactrice senior ennemie jurée de la rédactrice en chef… Oui oui, vous ne révez pas, c’est bien la base de « Le diable s’habille en Prada ».
    Alors, soyons juste : en France, Fashion victim est sorti avant le diable s’habille en Prada. Au USA, je ne sais pas… Alors savoir laquelle s’est « inspiré » de l’autre.
    Ce qui change, en revanche, entre les deux bouquins, c’est que là où l’héroïne du diable s’habille en Prada accepte plus ou moins de faire des concessions de plus en plus énormes, celle de fashion victim intègre joyeusement un complot visant à faire virer par les éditeurs (les big boss) la vilaine rédactrice en chef dans l’espoir de la faire remplacer par la gentille nouvelle rédactrice senior.
    Et c’est un peu là que le bât blesse dans ce livre : c’est qu’il n’y a quasiment pas de rebondissements. Il y a bien quelques scènes qui font sourire mais jamais l’impression que tout va être découvert que les conspiratrices vont se faire prendre sur le fait…
    Au final, ce n’est que dans les derniers chapitres que l’on a quelques « coups de théâtre » : la révélation du vrai visage d’une personne, un changement important pour une autre et bien sûr, le résultat du complot dont je ne vous dirait pas s’il a fonctionné, s’il a échoué ou s’il a réussi au-delà des espérances de notre héroïne.
    En résumé, c’est un livre qui se lit facilement, parfait pour la plage ou pour lire à la terrasse d’un café, mais sans plus.
    Pour le style, je ne sais pas lequel des deux romans a été écrit en premier, mais j’ai quand même préféré « le diable s’habille en Prada » que j’ai trouvé mieux écrit avec des personnages plus travaillés.


    Un extrait : —   Vig, elle ressemble à quoi, votre colocataire ?

    —   Une grande blonde aux yeux verts.

    —   Est-ce qu’elle a des allures de garçon, comme vous ?

    —   Euh... c'est-à-dire...

    —   Vous voyez ce que je veux dire... le look fil de fer et œufs sur le plat, la grande perche droite comme un I, le genre Twiggy des années 60...

    —   A vrai dire...

    —   En d'autres termes, plate comme une limande. Pas question de déceler sur elle l'ombre d’une courbe, même en mettant sur le coup les meilleurs cartographes de la planète.

    —   Eh bien...

    —   Parce que si jamais elle a des formes, vous savez que ça ne marchera pas. On ferait bien appel à vous, mais la déontologie maison nous empêche d'utiliser nos propres employés. Bien sûr, je pourrais vous virer, mais il faudrait que je fasse des pieds et des mains pour trouver une autre assistante et je n'ai pas vingt minutes à perdre en ce moment! Ecoutez, allez voir l'agence Ford à Soho, et dites-leur qu'on recherche une fille exactement comme vous pour notre papier sur les demoiselles d'honneur qui ont des silhouettes pas possibles... Insistez bien sur le fait que la fille doit faire vrai. Elle doit ressembler à l’une de nos lectrices, en moins tarte quand même. Dites-leur aussi qu'il nous faut une autre fille, du genre costaud — mais pas trop, un bon 44, par exemple — avec un joli visage. Surtout, assurez-vous qu’elle a un beau visage. Pas la peine de travailler dans le monde de la mode pour ouvrir nos colonnes à des laiderons. Allez, qu'est-ce que vous attendez? La fonte des neiges ? Je veux que vous soyez de retour dans une demi-heure, et n'oubliez pas de me prendre mon déjeuner en route. Du pain de seigle grillé avec du thon sur une feuille de laitue, ce sera parfait. Attention ! Qu'ils mettent bien la salade en dessous. Je suis incapable d'avaler un sandwich avec la laitue dessus ! Vous n'avez qu'à le commander chez Mangia. Vous avez leur numéro dans votre base de données. Bien, maintenant si vous arrêtiez de me regarder avec ces yeux de merlan frit ? Bougez-vous un peu... Vous n'êtes pas payée pour passer votre temps à papoter près du distributeur d'eau sur les derniers programmes télé. Ah, et n'oubliez pas mon café. Noir, bien entendu.

     

  • [Livre] Cliente

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    Résumé : Fanny et Marco sont mariés depuis quatre ans. Ils s'aiment. Elle travaille dans un salon de coiffure, lui exécute de petits boulots sur des chantiers. Du moins, c'est ce qu'elle croit, jusqu'au jour où elle découvre son vrai métier : escort boy. Marco se prostitue. Il vend ses charmes à des femmes riches et solitaires. Parmi ces dernières, Judith, animatrice d'une émission de télé-achat, qui s'est prise d'affection pour le jeune homme au point de le recevoir chez elle... 

     

    Auteur : Josiane Balasko

     

    Edition : Livre de poche

     

    Genre : Inclassable

     

    Date de parution : 2005

     

    Prix moyen : 6€

     

    Mon avis : J’ai lu ce livre par curiosité, pour voir ce que valait Josiane Balasko en tant qu’écrivaine. Le livre est court mais bien écrit. L’histoire est néanmoins sans surprise et les personnages un peu caricaturaux. La femme de Marco, Fanny, est une petite garce qui veut le beurre et l’argent du beurre : elle a plongé son couple dans des difficultés financières énormes en achetant un salon de coiffure sans tenir compte du marché, ce qui fait que non seulement elle croule sous les dettes, mais qu’elle a engagé également les biens de sa mère pour un salon qui, dans les meilleurs jours, fait 4 clientes.
    Marco, son mari, fait des chantiers avec son meilleur ami, mais cela ne suffit pas à éponger les dettes de sa femme et, par un concours de circonstance, il découvre le monde des escorts boys. Comme il présente bien, il peut gagner en une heure ce qu’on le paye pour plusieurs jours de chantier. Alors il se lance là dedans et le couple se porte mieux. S’ils ne peuvent toujours pas prendre un appartement à eux et doivent continuer à vivre chez la mère de Fanny, Marco peut payer les traites du salon et la menace de saisie s’éloigne.
    La mère de Fanny est comme sa fille, en plus de la participation de Marco aux frais de la maison, elle n’arrête pas de lui demander de l’argent sous forme de réflexions : « j’achèterais bien du thon, mais c’est hors de prix », « Je n’ai toujours pas pu payer le téléphone »… et à chaque fois, Marco sort des billets.
    Quand Fanny découvre son vrai métier, elle exige qu’il arrête mais, dès que l’argent cesse d’arriver, elle le prend mal, et fini par demander à son mari de reprendre le boulot.
    Fanny est une fille qui se veut moderne et sophistiquée mais qui ne dépasse pas le stade du vulgaire. Elle manque d’intelligence et de clairvoyance.
    Judith, de son coté, est une femme qui assume le fait qu’elle est seule et que de temps en temps, elle a recours aux services d’un gigolo. Oui mais elle n’avait pas prévu toute cette histoire. Pour elle, Marco lui rendait un service, assurait une prestation qu’elle payait et point barre, et elle est entraînée un peu malgré elle dans ses histoires avec sa femme.
    Honnêtement, j’aurais été elle, je l’aurais viré.
    Marco n’aime pas particulièrement ce qu’il fait, mais en période de crise, il était prêt à tout pour empêcher sa femme de perdre son salon et sa belle-mère de voir saisis ses biens. La méthode qu’il a employée est certes peu conventionnelle, mais pour commencer, si Fanny avait eu un peu plus de jugeote, il ne se serait pas trouvé dans cette situation.
    Mais au final, quand on lit la conclusion du roman, je me dis qu’on a les partenaires qu’on mérite. 

     

    Un extrait : La première, c’était sur un chantier, avec Tou-toune. C’était la proprio. Elle avait la quarantaine frétillante, on sentait qu’elle en voulait, toujours à plaisanter, mais classe. Et puis Toutoune a commencé un autre chantier, j’ai fini celui-là tout seul. Et elle est devenue plus précise. Elle me faisait du café, elle venait de plus en plus tôt. Elle était pas mal, un peu forte, avec une grande bouche prête à rigoler.

    C’était au moment où Fanny déprimait, le salon avait ouvert depuis six mois, ça démarrait pas, c’était limite on lâche tout. Le dernier soir, je rangeais mon matos, elle est arrivée, j’étais pas en forme ce soir-là, et je faisais rien pour le cacher. Elle m’a demandé ce qui n’allait pas, et je lui ai tout raconté, le salon de coiffure, les traites, tout, notre vie, quoi. Alors elle m’a proposé de me dépanner. Elle a dit exactement : « On pourrait peut-être faire un échange de services. » J’ai pas compris tout de suite, alors elle a posé sa main sur ma cuisse. Je l’ai regardée, mais à vrai dire je l’ai pas vue. Je pensais à Fanny.

    Elle m’a pris dans ses bras, elle était plus grande que moi, et elle m’a serré contre elle. Je me suis laissé faire. C’était confortable. Je me suis mis à bander sans effort. C’est elle qui m’a fait l’amour. Après elle m’a donné de l’argent. C’était pas le tarif que je demande maintenant, mais c’était correct. Elle s’appelait Liliane.

    Je suis sorti de là comme si j’avais la gueule de bois. Je suis rentré à la maison, j’ai dit à Fanny que j’avais chopé la crève et je suis resté une demi-heure sous la douche. Ça m’a calmé et je me suis mis à réfléchir, sous la douche. J’avais gagné en une heure deux jours de boulot. À l’école j’étais super fort en maths, la seule matière où je me défendais. C’est ça qui m’a sauvé. Le calcul mental. L’argent qu’on devait, ce qu’il fallait que je gagne, comment je pouvais me démerder.

    Si je voulais vraiment faire les choses sérieusement, il fallait que j’investisse. Je suis retourné voir Liliane, quatre ou cinq fois. C’était une femme sympa, facile à contenter. Je me suis acheté des fringues, un costard, une veste en daim, j’ai installé la mansarde chez Mémée, l’ordinateur, le site Internet. 

    En trois mois, Fanny était à jour, avec les traites du salon… Pour elle, je faisais des chantiers en solo.

     

  • [Livre] Hanna était seule à la maison

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    Résumé : En très peu de temps, deux affaires de meurtre échouent sur le bureau du commissaire Conny Sjöberg. Une jeune fille, issue d'une famille à problèmes, est étranglée sur un ferry qui fait la liaison entre Stockholm et la Finlande. En faisant son jogging, l'inspectrice criminelle Petra Westman découvre au milieu des buissons un nourrisson dans un état d'épuisement avancé, à proximité du cadavre d'une femme sans aucun papier d'identité. Au même moment, une petite fille de 3 ans se réveille et découvre qu'elle est seule chez elle. Son papa est en voyage à l'étranger et sa maman est sortie avec son petit frère. Hanna se retrouve sans personne, enfermée à clé dans l'appartement familial. Et le temps s'écoule...

    Auteur : Carin Gerhardsen

    Edition : Fleuve noir

    Genre : Thriller

    Date de parution : 09 février 2012

    Prix moyen : 8€

    Mon avis : On est ici en présence d’un thriller haletant. Au début de la lecture, il ne semble y avoir aucun lien ou presque entre la plupart des événements. Le lien entre Hanna et l’un des meurtres se devine assez vite, bien qu’il n’y ait aucune certitude, mais il ne semble pas y en avoir entre les deux meurtres, ni entre les meurtres et les actes d’Elise, la petite sœur de la victime du Ferry, d’autant plus qu’elle n’était pas à bord.
    Ce que j’ai apprécié dans ce livre, c’est que le lecteur découvre les indices en même temps que la police. Aucun des deux n’en sait plus que l’autre. A chaque indice qui est découvert, il se passe assez de temps, avant que la police ne comprenne ce qu’il signifie pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion.
    L’enquête avance relativement lentement, ce qui est plus réaliste que certains livres où les enquêteurs ont des soudaines illuminations et trouvent la solution en deux coups de cuillère à pot.
    Et au fur et à mesure des enquêtes qui sont menées en parallèle, les indices se recoupent, des noms apparaissent dans les deux affaires, des trajets sont similaires… Mais comme il s’agit de deux enquêtes bien distinctes, il va encore falloir du temps aux enquêteurs pour se rendre compte qu’elles sont peut être liées : mais comment ?
    En parallèle des enquêtes policières, on suit Hanna, qui s’est réveillée seule, enfermée chez elle et qui, à 3 ans, est persuadée que sa maman l’a abandonnée pour aller vivre ailleurs avec ce nouveau petit frère qui ne fait que pleurer. Bien qu’elle soit très dégourdie, les petits accidents s’accumulent et à chaque fois on se dit que le prochain sera le bon, qu’Hanna ne sera pas retrouvée assez vite. Mais pour être retrouvée, il faut être cherchée. Or personne ne sait qu’une petite fille est seule dans un appartement. Personne à part la vieille femme qu’Hanna a appelée en appuyant au hasard sur les touches du téléphone. Mais si c’est déjà un miracle que cette personne prenne l’enfant au sérieux, ce n’est pas le cas de la police, qui pense ne pas avoir de temps à perdre avec une retraitée hystérique qui leur raconte une histoire invraisemblable : car qui laisserait une enfant si jeune toute seule ?
    La vieille dame est vraiment tenace, et la police a de la chance que l’histoire se passe en Suède, parce qu’aux Etats-Unis, elle aurait déjà alerté la presse sur le refus de la police de venir en aide à un enfant en danger.
    A coté des ces affaires strictement professionnelles, nous avons un petit aperçu de la vie privée des enquêteurs, mais qui ne prend pas le pas sur le reste du récit.
    En revanche je suis restée sur ma faim sur un point : une des enquêtrices, Petra, a été violée plusieurs mois auparavant semble-t-il. Son agresseur a été arrêté mais tout laisse à penser qu’ils étaient 2. Elle reçoit des appels anonymes etc… A un moment, son supérieur, suite à un ensemble d’événements récents, en déduit que le 2nd homme fait parti de la police. Petra a un doute dont elle ne fait part à personne et qu’elle essaie de vérifier… et ça s’arrête là : on ne sait pas si son doute est confirmé, on ne sait pas si des recherches sont engagées par son supérieur, on ne connaît pas l’aboutissement des événements qui les ont poussés à soupçonner un flic… bref… j’aurais aimé qu’il y ait un terme à cette histoire.
    Mais en dehors de ce détail, ce livre est vraiment bien construit et on essaie de lire le plus vite possible, comme pour essayer de choper le tueur plus vite !

    Un extrait : — Tu fais quoi, ce soir ?

    Elise est presque obligée de crier pour se faire entendre à cause du brouhaha général.

    — J’en sais rien, lance Jennifer. Je vais peut-être voir Jocke. Ou pas. En fait, je m’en fous.

    Jennifer a un mec. Elise sort avec des garçons de temps en temps, mais Jennifer, elle, a un vrai mec. Un homme.

    Jocke a vingt-quatre ans et une barbe. Les copains d’Elise ont à peine mué. Ils ont quelques poils de barbe par-ci, par-là, mais ils sont ridicules et infantiles. Jennifer, elle, a un vrai mec, et elle ne sait même pas si elle a envie de le voir ! En plus, il est gentil et attentionné. Elise n’a jamais rencontré un type pareil. Une fois, elle les a vus tous les deux ensemble, de loin. Jocke la tenait par la taille, comme si Jennifer lui appartenait. Comme pour dire : c’est ma nana et j’en suis fier. Et puis il l’a regardée dans les yeux, longtemps, en lui passant la main sur la joue, tout doucement, comme si elle était aussi fragile que de la porcelaine. Elise aurait bien voulu avoir quelqu’un comme lui.

    — Comment ça, tu t’en fous ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

    Jennifer finit son verre cul sec et Elise s’empresse de faire de même.

    — Je sais pas.

    — Vous êtes plus ensemble ?

    — Peut-être ou peut-être pas… Il est trop… Laisse tomber. T’en veux un autre ?

    — Ouais. Je veux bien une clope aussi.

    Jennifer se lève et se fraie un chemin jusqu’à la table entre les chaises et les corps qui se balancent. Dagge étire ses grands bras et la saisit fermement par les hanches avant de l’asseoir sur ses genoux. Mais elle se relève d’un bond, attrape une bouteille et un paquet de cigarettes avant de regagner sa place près du réfrigérateur.

    — Minute papillon ! tu vas pas t’en tirer comme ça, grogne Dagge. Tu me piques mon pinard et j’ai même pas droit à un petit bisou ?

    Dagge est blond, un peu rougeaud, il a les yeux injectés de sang et de grandes oreilles poilues. Bizarrement, il porte une chemise à carreaux plutôt mode, mais son jean est plein de taches de peinture et pue la vieille crasse incrustée. Elise peut le sentir de l’autre bout de la cuisine.

    — Je t’en ferai peut-être un si tu es sage, rétorque Jennifer pendant qu’elle remplit son verre et celui de sa sœur de vin blanc tiède.

    Elise frissonne de dégoût à la seule idée d’avoir à effleurer ce jean dégueulasse.

    — C’est moi qui mérite un bisou, c’est mon vin, merde ! braille la mère.

    La honte, comme toujours. Plus facile de la gérer quand elle est à moitié déprimée. Ce soir, elle est d’humeur positive et joyeuse. Elle a envie de se faire remarquer. Elise essaie d’oublier qu’elle est là.

    — Je te rappelle que tu me devais une bouteille, lance Dagge.

    Et la conversation se met à tourner sur les dettes, l’injustice, et soudain, tout le monde autour de la table se retrouve à faire les comptes.

    Jennifer propose une cigarette à Elise et en prend une pour elle, avant de glisser le paquet dans son décolleté puisque personne ne l’a réclamé pour l’instant. Elise allume sa cigarette avec la précédente et la tend à sa sœur.

    — Tu sors, ce soir ? l’interroge Jennifer.

    Elise vide la moitié de son verre en grimaçant.

    — Carrément, confirme-t-elle. Avec Nina. Tu peux me prêter du fric ?

    — Dans tes rêves, j’ai pas une thune, moi. T’as qu’à leur demander. Apparemment, ils ont les poches pleines ce soir.

    Jennifer pointe le menton en direction de la table. Elle vide son verre et se lève, visiblement prête à partir. Elise sent qu’elle a les joues qui chauffent. Le vin lui donne le sourire. Et du courage.

    — Jennifer, attends !

    — Quoi ?

    — Tu veux pas me prêter ta veste ?

    — Quelle veste ?

    — Ta veste en cuir. La Gina Tricot.

    — Et je vais mettre quoi, moi ?

    — Je sais pas, autre chose. S’il te plaît, juste pour ce soir.

    Jennifer, peut-être ivre elle aussi, cède sans plus de discussion.

    — Ça marche. Mais tu me la rends demain.

    — Je te le promets. T’es trop sympa. 

    — Elle est dans l’entrée, précise Jennifer. J’y vais.

     

  • [Livre] Le prince d'été

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    Résumé : La ville luxuriante de Palmares Tres oscille entre technologie et tradition, bruissant des scandales sur les castes et les pratiques politiques douteuses. Au milieu de cette métropole vibrante, June Costa est une artiste qui aspire à devenir un jour légendaire. Mais ses rêves de gloire vont se muer en quelque chose de plus grand encore quand elle rencontre Enki, le nouveau et audacieux Roi d'été. Toute la ville est déjà sous son charme (y compris le meilleur ami de June, Gil). Mais June voit bien plus en Enki que ses yeux d'ambre et sa samba mortelle. Elle voit en lui un artiste.
    Ensemble, June et Enki vont mettre en scènes des projets explosifs aux mises en scènes audacieuses, si spectaculaires que Tres Palmares ne les oubliera jamais. Ils vont alors donner l'énergie nécessaire à la rébellion croissante qui s'oppose aux limites strictes du gouvernement en matière de nouvelles technologies. Et June tombera profondément, mais malheureusement aussi, amoureuse d'Enki. Malheureusement, car comme tous les rois d'été avant lui, Enki est destiné à mourir

    Auteur : Alaya Dawn Johnson

    Edition : Robert Laffont

    Genre : Young adult

    Date de parution : 28 mars 2013

    Prix moyen : 18€

    Mon avis : Alors dès les premières pages, une chose me dérange un peu : le livre s’appelle « le prince d’été », or, pas de prince d’été dans cette histoire mais uniquement un roi d’été. Le terme « Prince d’été » n’est utilisé que de manière péjorative, comme pour lui retirer son pouvoir en le rétrogradant. Et nous ne sommes témoins de cette appellation qu’une fois, par la mère de June, la narratrice.
    Dès lors, je me demande pourquoi avoir choisi un titre aussi peu en accord avec l’histoire.

    L’histoire en elle-même est assez intéressante et je n’ai pas ressenti de lassitude à la lecture. Le style est vivant, clair et entraînant.
    Cependant, je trouve que l’univers dans lequel on évolue n’est pas expliqué, l’auteur écrit comme si tout le monde le connaissait déjà, sans faire, comme d’autres auteurs de dystopie, d’explications déguisées. De plus, le texte est parsemé de mots portugais qui ne sont pas expliqués et si certains sont relativement évidents, d’autres, qui pourtant semblent avoir une importance dans ce monde, restent obscurs.
    L’autre « problème » est que je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages. D’ordinaire, quand je lis une dystopie, je tremble pour l’héroïne ou le héros, je peste contre certains personnages importants, je vais jusqu’à haïr les dirigeants et souhaiter leur mort, de préférence dans d’atroces souffrances, je m’insurge contre les règles, les lois, les traditions contre lesquelles les personnages se battent.
    Ici rien, j’ai lu sans ressentir cette empathie pour les « gentils », cette colère contre les « méchants »…
    Qu’une méchante s’en sorte et au lieu de pester, de râler, de dire que c’est injuste, je me suis dit : « bah fallait s’y attendre »
    Qu’un gentil subisse un coup dur et je me suis dit « Ah merde, c’est con ça… »
    A aucun moment je n’ai eu envie d’entrer dans le livre pour mettre une paire de claque à quelqu’un ou pour essayer de sauver quelqu’un d’autre.
    L’histoire aurait pu mettre en scène des opossums qu’elle m’aurait sans doute plus touchée.
    De plus, j’ai trouvé que les personnages ne remettent pas en cause le système, pas vraiment. L’héroïne, June, est presque ridicule avec son « art ». Elle se désigne elle-même comme la meilleure artiste de la ville, mais ne fait pas grand-chose d’autre que se plaindre de ne pas être reconnue à sa « juste valeur ».
    Il n’y a pas de prise de conscience réelle. Les personnages ne se disent pas : « cette loi, tradition, coutume » est ridicule, barbare, anormale, nous allons nous battre pour faire changer les choses.
    Non, pour eux la mise à mort des rois d'été est normale et acceptable du moment qu'Enki, le roi d’été actuel, soit épargné au seul prétexte qu'ils sont amoureux de lui.
    D’ailleurs, c’est encore une chose incompréhensible : Enki et Gil tombent amoureux, June est un peu à l’écart, et d’un coup elle devient au centre de l’attention et on se pose des questions : Est-ce qu’elle aime Enki, ou son art ? Est qu’Enki se sert d’elle ? Est-ce qu’il l’aime ? Est-ce qu’il aime Gil ? Est ce qu’il s’est rapproché de Gil pour atteindre June ?
    Rien n’est jamais vraiment expliqué. On est un peu dans l’optique : je vous balance des scènes et chacun les interprète comme il le sent…
    Après, comme je l’ai dit, elle est bien écrite et je ne me suis pas ennuyée. Mais je suis restée imperméable aux sentiments des personnages.
    Et ça, pour moi, ça reste quand même un gros point négatif, quelque soit la qualité de l’écriture.

     

    Un extrait : J’avais huit ans la première fois que mon papai m’a emmenée au jardin public pour regarder mourir un Roi.

    Je n’ai d’abord vu que des adultes vêtus de bleus, de verts et de rouges éclatants, plumes et sequins sur des étoffes chatoyantes brodées d’or et de pierreries. Des adultes costumés pour le carnaval, qui avaient jeté des manteaux et des châles plus sombres sur leurs épaules afin de se protéger de la fraîcheur matinale. J’ai levé les yeux sur cette foule de grandes comme si on venait de m’abandonner au milieu d’une assemblée d’orixás. Je ne distinguais pas leurs visages, mais j’apercevais leurs mains s’enrouler l’une autour de l’autre ou égrener des chapelets. Certains portaient des bougies, d’autres des fleurs. Ils avaient revêtu leurs habits de fête, mais demeuraient plus silencieux que dans mes souvenirs des années précédentes. Ils se frayaient un chemin en jouant des coudes, pourtant, personne ne dansait. Quelques hommes pleuraient. Pour la première fois de ma vie, je découvrais le carnaval sans la musique.

    Je tenais la main de mon papai. Il ne me regardait pas. Soudain un étrange soupir a parcouru la foule, semblable au hurlement du vent sur les falaises pendant une tempête d’hiver. Une voix de femme s’est élevée sur le jardin public, mais j’étais trop petite, trop près du sol pour comprendre.

    — Je ne vois rien ! me suis-je plainte en tirant sur la main de mon papai.

    En se contorsionnant – nos voisins nous serraient de si près, entraînés par le mouvement de la foule, qu’il avait à peine la place de se retourner –, il s’est accroupi à ma hauteur.

    — Ce sont les rouages du monde, June…, m’a-t-il dit. Tu es vraiment sûre de vouloir les connaître ?

    Je ne comprenais pas sa mine grave, ni les pleurs ni la triste fatalité de la voix féminine dans les haut-parleurs de notre ville. La période du carnaval était pour moi synonyme de fête et de beauté. Je savais pourtant que je devais peser ma réponse avec soin, parce que mon papai ne me posait jamais une question à la légère. Si je répondais « non », il me laisserait par terre, où je ne verrais rien de ce que je ne comprenais pas, et ne comprendrais rien de ce que j’entendrais. Si je répondais « oui », ma vie en serait changée.

    J’ai fait « oui » de la tête. Il m’a alors soulevée, bien que je sois lourde pour mon âge, et installée sur ses épaules. Si je bloquais la vue à quelqu’un, nul n’a protesté.

    Il y avait un holo dans le ciel. Les images étaient projetées à quelques mètres au-dessus de la tête des gens rassemblés dans le parc, près de la cascade où je venais jouer avec mamãe en été. La Reine Serafina se tenait debout dans une austère pièce de bois et de pierre – le Haut Sanctuaire. Je l’aimais beaucoup à cause de sa peau noire et satinée, de ses cheveux aussi doux que la soie. On m’avait même offert une poupée Serafina pour mon anniversaire en juin dernier. Mais aujourd’hui, son visage farouche semblait de marbre et elle tenait un poignard à la main.

    À côté de moi, un homme récitait une prière en secouant la tête. J’ai trouvé ça très beau, et j’ai regretté de ne pouvoir me joindre à lui. Mamãe ne fréquentait guère les sanctuaires de la ville et je ne connaissais pas de prières.

    Puis l’holo est passé en grand-angle, montrant un autel devant une projection miniature de notre cité qui étincelait de toutes ses lumières. Un homme entravé par des cordes y était attaché, et la grande pyramide creuse de Palmares Três lui faisait comme une couronne. Symbole sur mesure pour notre dernier Roi en date, élu il y avait un an jour pour jour.

    — Pourquoi le Roi d’été Fidel est-il attaché ? ai-je demandé à papai.

    — Regarde, June, m’a-t-il chuchoté en me serrant la main.

    — J’honore la mémoire de nos ancêtres sortis de l’esclavage ainsi que l’héritage qu’ils nous ont légué et qui a donné son nom à notre ville, psalmodiait Serafina, impassible et glaciale dans un turban cérémonial immaculé et une simple robe blanche.

    Depuis l’autel, Fidel lui a répondu d’une voix ferme, mais ses épaules tremblaient et ses yeux brillaient du noir artificiel de ses pupilles dilatées à l’extrême.

    — J’honore la mémoire de ceux qui sont tombés comme la canne sous la machette. J’honore la mémoire des hommes qui gisent sous nos pieds et la mémoire des femmes dont la force et la sagesse nous ont sauvés.

    — Héritier du grand Roi Zumbi, tu es corrompu, a poursuivi la Reine, usant de mots presque familiers, mais dont le sens m’échappait au bout du compte. Acceptes-tu de faire à cette grande ville le don du sacrifice ? Au nom de Yemanjá, au nom d’Oxalá, aussi appelé Jésus-Christ, acceptes-tu d’offrir ton âme aux orixás, et ton choix à Palmares Três ?

    Fidel a hoché lentement la tête, comme s’il flottait déjà dans l’océan de Yemanjá. Ses yeux trop noirs se sont ouverts tout grands, m’arrachant un frisson. Nous étions à l’abri dans le jardin public du Niveau Huit, alors qu’il était ligoté sur l’autel sacré du Niveau Dix, mais j’avais quand même l’impression qu’il me regardait.

    — Oui, je le veux, a répondu Fidel avant de se laisser retomber sur la table de pierre.

    À côté de moi, le spectateur sanglotait à présent sans retenue, et même papai s’est essuyé les yeux.

     

    J’avais huit ans, on ne m’avait jamais expliqué ce qui arrivait aux Rois à la fin de l’hiver.