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Classiques

  • [Livre] Les dames de Kimoto

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    Lecture terminée le : 04 juillet 2019

     

    Résumé : Elles sont trois, ces dames de la famille Kimoto, avec leurs amours, leurs passions, leurs drames qui racontent le destin de la femme japonaise de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui.


    Auteur : Sawako Ariyoshi

     

    Edition : Folio

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : 2018 dans cette édition. Première édition 1959 ; première édition française 1983

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : La mère, la fille, la petite-fille : de la fin du XIXème siècle à la fin des années 50, ce sont ces trois générations de femmes que l’on va suivre.

    On reste néanmoins du côté du point de vue de Hana que l’on suit de son mariage, à l’âge de 22 ans, à sa mort.
    Hana, élevée par sa grand-mère, construit sa vie selon la plus pure des traditions concernant le rôle et la place de la femme dans la société japonaise.
    Elle refuse catégoriquement l’évolution de la société. Son attitude montre bien que les traditions archaïques qui relèguent les femmes au rôle de quasi-esclave sont pérennisées non pas par les hommes, mais bien par les femmes.
    Quand sa fille, Fumio, cherche à s’émanciper du carcan de la tradition, elle provoque le désespoir de sa mère et même parfois des réactions violentes. Hana va faire pression sur son époux, qui serait plutôt partisan de laisser sa fille agir à sa guise, pour qu’il remette la demoiselle dans le rang, mais en vain.
    Fumio n’est guère délicate, mais il est fort à parier que la douceur ne lui aurait pas permis de s’extirper du destin qui aurait dû être le sien.

    La fille de Fumio, elle, dont la jeunesse va être bouleversée par la seconde guerre mondiale et la transformation politique du pays, va faire le lien entre modernité et tradition par la nostalgie qu’elle ressent pour cette dernière qu’elle n’a pas vraiment vécu.
    L’histoire est belle, bien écrite et prenante.
    Toutefois, j’ai un reproche à lui faire : A chaque fois que Fumio essuie un revers de fortune, c’est lié à son refus de suivre une tradition, comme si le sort la punissait de refuser de se plier aux croyances de sa mère. Je trouve dommage qu’un auteur qu’on a comparé à Simone de Beauvoir entérine l’asservissement de la femme en laissant entendre que tout se serait bien passé pour Fumio si elle était restée à sa place et s’était soumise aux désirs de sa mère.
    Certaines de ces traditions sont incompréhensibles pour un occidental moderne, comme l’obligation pour une jeune fille qui se marie de rompre les liens avec sa famille puisqu’elle « appartient » dorénavant à celle de son mari, ou encore l’obligation pour les fils cadet de partir fonder une nouvelle branche, sans héritage et sans le droit de conserver le nom de famille.
    D’autres semblent ridicules comme devoir nettoyer les toilettes quand on est enceinte pour assurer un accouchement facile (mais au moins, les toilettes seront propres, c’est déjà ça !).
    J’ai quand même eu l’impression constante que l’auteur voyait d’un mauvais œil l’abandon des traditions car elle ne cesse de montrer des conséquences désastreuses à leur non-respect.
    Cette lecture était agréable même si j’ai regretté que le livre prenne le parti des traditions archaïques plutôt que de montrer les côtés positifs de l’évolution.

     

    Un extrait : Tenant sa petite-fille Hana par la main, Toyono gravissait l’escalier de pierre d’une démarche décidée qui surprenait chez une femme de cet âge. Elle allait avoir soixante-seize ans et, renouant avec une habitude abandonnée depuis longtemps, elle avait fait venir, trois jours auparavant, une coiffeuse de Wakayama : ses cheveux blancs gonflés sur les côtés et relevés en arrière en un volumineux chignon – arrangement un peu trop jeune pour elle soulignaient ce que la journée avait d’exceptionnel. Sa chevelure épaisse et luisante gardait la trace de la beauté qu’elle avait eue autrefois, avant de perdre sa couleur de jais. Toyono, vêtue pour cette visite solennelle de deux kimonos superposés à petits motifs réguliers, semblait aider la jeune fille à monter les marches plutôt que s’appuyer sur elle. L’allure imposante de la Dame de Kimoto s’expliquait parce qu’en ce jour sa petite-fille quittait définitivement la demeure familiale pour se marier.

    Le mont Kudo était encore voilé par les brumes matinales de ce début de printemps. La main serrée dans celle de sa grand-mère, Hana franchissait les dernières marches de pierre. Elle aussi était coiffée avec recherche – une coiffure de mariée aux coques luisantes – et l’éclat rosé de son teint de jeune fille transparaissait sous l’austère maquillage blanc. Elle portait un kimono de cérémonie de crêpe de soie violet à très longues manches, et le gland de métal accroché à la pochette glissée entre les pans croisés du kimono tintait légèrement à chaque pas. Hana était si tendue qu’elle vibrait au bruit. L’étreinte de la main autour de la sienne lui rappelait que, maintenant qu’elle allait être admise comme bru dans une nouvelle famille, elle cesserait d’appartenir à celle où elle avait vécu les vingt années de son existence. Elle lui disait aussi la tristesse et le regret de sa grand-mère qui devait se résoudre à la laisser partir.

    Le prieur du temple Jison, averti la veille de leur visite, les attendait devant le pavillon consacré à Miroku. Il n’avait pas revêtu sa robe sacerdotale car Toyono avait précisé qu’elles ne venaient pas assister à son office. Il s’inclina avec déférence devant l’aïeule d’une famille qui, depuis des générations, manifestait un intérêt bienveillant à la trésorerie de son temple.

     

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  • [Livre] Mary Barton

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    Résumé : Beauté émouvante et ambition débordante sont une dangereuse association pour une jeune fille. En 1839, à Manchester, Mary Barton rêve d'échapper à sa dure condition d'apprentie couturière en épousant Henry, fils du patron d'une filature. Elle dédaigne ainsi Jem Wilson, ouvrier émérite, qui l'aime depuis l'enfance. Mary risque-t-elle de tout perdre avec ses rêves de grandeur ?


    Auteur : Elizabeth Gaskell

     

    Edition : Points

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : 1848 ; Dans cette édition : 10 Mars 2016

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : J’avais beaucoup aimé Nord et Sud que j’ai découvert en film (avec Richard Armitage) avant de le découvrir en livre. Du coup, puisque les livres étaient vendus par deux, j’ai ensuite lu Mary Barton et j’ai de nouveau beaucoup aimé.

    J’ai une petite réserve, toutefois. Je trouve que, à chaque fois que l’auteur parle « en faveur » des ouvriers, elle emploie un petit ton paternaliste tout à fait insupportable, comme si elle parlait d’enfants qui ne savent pas ce qu’ils font, sont incapable de discernement, et ne peuvent pas comprendre les problèmes des adultes (ici, les patrons).

    Ça m’a agacée, mais je lui retourne le compliment : n’ayant jamais eu à lutter pour survivre, elle ne pouvait certainement pas comprendre la vie et les souffrances de cette catégorie de la population.

    En dehors de ce petit ton condescendant et moralisateur, l’histoire en elle-même était vraiment prenante.

    Les personnages sont tous fort et indépendant (à part peut-être Jane Wilson, mais vu les pertes qu’elle a subi, on peut la comprendre).

    Comme souvent, quand les personnages sont tous intense, j’ai eu une préférence pour des personnages secondaires.
    Certes, j’ai beaucoup aimé Mary qui agit toujours dans l’intérêt de son père plutôt que du sien, mais j’ai ressenti une affection particulière pour Margaret, son grand-père, Alice et Will Wilson.

    Il y a quelques longueurs, surtout lors des passages les plus descriptifs. Ça a parfois été difficile de passer outre ces lenteurs mais ça valait vraiment le coup.

    J’ai beaucoup aimé la description du procès qui montre combien la justice est expéditive quand l’accusé est pauvre et la victime riche et puissante.

    Il y a un petit côté romance qui s’inscrit parfaitement dans l’histoire, même si les réactions de Jem Wilson m’ont assez souvent exaspérée. Il est amoureux de Mary et ils sont de la même classe sociale et cela semble justifier, à ses yeux, qu’elle doive lui retourner ses sentiments. D’ailleurs Mary est décrite comme frivole et écervelée par l’auteur parce qu’elle n’accepte pas avec reconnaissance la vie de femme d’ouvrier qu’on lui propose et elle lui reproche d’avoir envie d’une vie meilleure.

    Or Mary n’est pas fille à se laisser dicter sa conduite sans broncher.

    Dans ce roman, l’auteur n’idéalise ni les patrons (encore qu’elle leur trouve beaucoup d’excuses), ni les syndicats (qui n’ont pas grand-chose à voir avec les syndicats d’aujourd’hui).
    Elizabeth Gaskell avance que tous les problèmes découlent d’une incompréhension mutuelle entre patrons et ouvriers. Pour ma part, je pense que ce n’est pas complètement faux, mais pas tant dans le sens où ils ne se comprennent pas. Le vrai problème est que les patrons pensent qu’ils n’ont pas à expliquer leurs décisions, les problèmes qu’ils rencontrent et qui les « obligent » à baisser les salaires.

    De leur côté, les ouvriers ne peuvent pas comprendre que les patrons soient eux aussi victimes de la crise quand ils les voient ne rien changer à leur train de vie dispendieux tandis qu’eux même et leurs familles meurent de faim.
    Pour moi, c’est au déjà d’un simple problème de communication.
    C’est un problème de classe dirigeante qui écrase la classe ouvrière pour ne perdre aucun de leurs privilèges (comme quoi, rien ne change !)

     

    Un extrait : Mary devait travailler. Les usines étant, comme je l’ai dit, exclues, restaient deux voies : celle de domestique ou celle de couturière. La jeune fille tendait toute la force de sa volonté affirmée contre la première. Quel effet cette volonté aurait-elle pu avoir si son père s’y était opposé, je ne saurais le dire ; mais John Barton n’avait aucune envie de se séparer d’elle, qui était la lumière de son foyer par ailleurs silencieux. De plus, compte tenu de ses idées et de ses sentiments vis-à-vis des classes nanties, il considérait la servitude domestique comme une forme d’esclavage : elle revenait d’un côté à satisfaire des besoins artificiels, et de l’autre à abandonner tout droit au loisir dans la journée et au repos la nuit. Ces sentiments extrêmes avaient-ils un fond de vérité ? A vous d’en juger.
    A mon sens, le refus de Mary de choisir une vie de domestique se fondait sur des réflexions beaucoup moins sensées que celles de son père sur le sujet. Trois années d’indépendance (car il s’était maintenant écoulé tout ce temps depuis la mort de sa mère) ne la poussaient guère à accepter des contraintes concernant ses horaires et ses fréquentations, à choisir sa tenue en fonction des idées d’une maîtresse en matière de convenances, à renoncer au privilège féminin précieux de bavarder avec une aimable voisine, ou de travailler nuit et jour pour aider quelqu’un qui se trouvait dans la détresse. Tout cela mis à part, les paroles de sa tante absente, la mystérieuse Esther, continuaient à avoir sur Mary une influence insoupçonnée.

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  • [Livre] Le professeur

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    Résumé : « Il ne m'était pas difficile de découvrir la meilleure manière de cultiver l'esprit de Frances, de satisfaire son âme altérée, de favoriser l'expansion de cette force intérieure que le froid et la sécheresse avaient paralysée jusqu'à présent ; une bienveillance continuelle cachée sous un langage austère et ne se révélant qu'à de rares intervalles par un regard empreint d'intérêt ou par un mot plein de douceur, un profond respect dissimulé sous un air impérieux, une certaine sévérité jointe à des soins assidus et dévoués, furent les moyens dont je me servis avec elle, et ceux qui convenaient le mieux à sa nature aussi fière que sensible. »


    Auteur : Charlotte Brontë

     

    Edition : Archipoche

     

    Genre : Classique étranger

     

    Date de parution : 1ère édition : 1857 ; Dans cette édition : 4 février 2015

     

    Prix moyen : 7,65

     

    Mon avis : Le professeur est le tout premier écrit de Charlotte Brontë et on dit souvent qu’il est le moins abouti.
    Personnellement, j’ai bien aimé la simplicité qu’il y a dans l’écriture de ce roman.
    Pour autant, si le professeur est le premier écrit de l’auteur, il n’est pas à proprement parlé une œuvre de jeunesse puisqu’il est daté de 1847 et que Charlotte, qui avait 31 ans, avait déjà occupé un poste d’enseignante à Bruxelle dans la pension de Mme Heger. C’est d’ailleurs probablement le mari de cette dernière qui lui a inspiré le personnage de William et la relation qu’il y a entre lui et Mlle Henri, à la fois élève et sous-maitresse.
    Elle prend un risque en écrivant à la première personne alors que son personnage principal est masculin.
    Difficile de se mettre dans la peau d’un jeune homme quand on n’en fréquente guère, mais, à part quelques petites descriptions un peu trop détaillées des tenues vestimentaires, étonnantes dans les pensées d’un homme, elle s’en tire plutôt pas mal.
    William ne m’a pas semblé très sympathique. Il a beaucoup de principes rigoristes qui ne reposent sur rien si ce n’est son sentiment de supériorité sur toutes ces personnes sans lesquelles il serait sans doute à la rue. Il ne cesse de montrer à quel point il se sent supérieur à eux, sur un plan moral surtout, quand ce n’est pas du fait de sa naissance, dont il n’a pas vraiment de quoi être fier.
    En fait, l’ensemble des personnages, à l’exception notable de Mlle Henri, est plutôt antipathique.
    Bien entendu personne ne va apprécier Edward, le frère de William, qui est un être odieux et méprisable et qui semble rongé par l’appréhension que quelqu’un, fusse son propre frère, puisse ramasser une miette qu’il aurait laissé tomber.
    Je n’ai pas plus apprécié Hudsen, qui, s’il est un peu le salut de William, semble totalement dépourvu de convenance et décide de certaines choses sans l’avis du principal concerné.
    Quant aux directeurs des deux pensions où va travailler William, le seule chose que j’ai apprécié chez eux, que ce soit Mr Pelet ou Mme Reuter, c’est leurs mères respectives, deux bonnes femmes toutes simples et sans malice que j’ai regretté de ne pas voir davantage.
    Quand je vois la haute opinion que William a de lui-même, ainsi que sa perception des femmes qui l’entourent, notamment de ses élèves, je déplore une certaine facilité dans l’atteinte des buts qu’il se fixe.
    Certes, il évolue au fil du roman, mais si peu finalement. J’aurais aimé que quelques désillusions plus sérieuses, sans personne cette fois pour lui tendre une main secourable, balaient un peu sa fierté et le force à se remettre sérieusement en question.
    Malgré cette antipathie pour les personnages, j’ai vraiment aimé l’histoire, l’écriture de Charlotte Brontë, si elle utilise ici un style plus simple que dans Jane Eyre, n’en demeure pas moins aussi belle et prenante. J’ai eu beaucoup de mal à lâcher ce livre, qui, Dieu merci pour mon sommeil en retard, ne fait que 382 pages et n’a donc pas provoqué une trop longue insomnie.

     

    Un extrait : Une belle matinée d’octobre succéda à la soirée brumeuse pendant laquelle j’avais été, pour la première fois, introduit à Crimsworth Hall. J’étais sur pied de bonne heure, et je me promenai dans le parc qui entourait la maison. Le soleil d’automne, en se levant sur les collines, éclairait un paysage qui n’était pas sans beauté. Des bois aux feuilles jaunies variaient l’aspect des champs dépouillés de leurs moissons. Une rivière coulait entre les arbres et réfléchissait un ciel pâle où glissaient quelques nuages ; sur ses rives on apercevait, à de fréquents intervalles, de hautes cheminées cylindriques, tourelles élancées qui indiquaient la présence des manufactures à demi cachées par le feuillage. Çà et là, suspendues au flanc des coteaux, s’élevaient de grandes et belles maisons pareilles à celle de mon frère. A une distance d’environ cinq milles, un vallon, qui s’ouvrait entre deux collines peu élevées, renfermait dans ses plus la cité de X… Un nuage épais et constant planait au-dessus de la ville industrieuse où étaient situés l’usine et les magasins d’Edward. La vapeur et les machines avaient depuis longtemps banni de ces lieux la solitude et la poésie ; mais le pays était fertile et présentait dans son ensemble un aspect riant et animé.

     

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  • [Livre] Les hauts de Hurlevent

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    Résumé : Les Hauts de Hurle-Vent sont des terres balayées par les vents du nord. Une famille y vivait, heureuse, quand un jeune bohémien attira le malheur. Mr. Earnshaw avait adopté et aimé Heathcliff. Mais ses enfants l'ont méprisé. Cachant son amour pour Catherine, la fille de son bienfaiteur, Heathcliff prépare une vengeance diabolique. Il s'approprie la fortune de la famille et réduit les héritiers en esclavage. La malédiction pèsera sur toute la descendance jusqu'au jour où la fille de Catherine aimera à son tour un être misérable et fruste.


    Auteur : Emilie Brontë

     

    Edition : Archipoche

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : 11 Avril 2018 dans cette édition (première publication 1847)

     

    Prix moyen : 9€

     

    Mon avis : Toute ma vie, on m’a seriné que « les Hauts de Hurlevent » était une histoire d’amour tumultueuse dans la veine de « autant en emporte le vent ».
    Mais en fait, non ! Pas du tout ! (remboursez !) (Non, ça va, j’ai bien aimé, vous vous en sortez bien bande de menteurs)
    Hurlevent n’est, à mon sens, pas du tout une histoire d’amour. C’est une histoire de possessivité et surtout de haine et de vengeance.
    Je ne crois pas une seconde au supposé amour de Catherine Earnshaw et Heathcliff.
    La première est une égoïste qui n’a jamais pensé qu’à elle et à comment attirer l’attention, et qui a choisi le confort matériel sans la moindre hésitation.
    Le second est un vrai malade qui ne ressent de satisfaction que dans la destruction d’autrui en réponse à des offenses qui peuvent être réelles comme être totalement imaginaires.
    D’ailleurs sa haine est totalement irrationnelle et s’abat sur tout un tas de personnes qui n’ont eu d’autre tort que de venir au monde.
    Je n’ai jamais eu autant d’antipathie pour quasiment tous les personnages d’un livre.
    J’ai détesté presque chacun d’eux à l’exception d’Edgar Linton et sa fille, Cathy, qui m’ont quand même souvent exaspérée, l’homme à qui l’histoire est racontée et qui fait montre d’une curiosité naturelle et bien sûr Hélène « Nelly » Dean qui est le personnage le plus sensé et le plus moral de tout le livre.
    Comme souvent dans les classiques, le début est un peu rébarbatif, le temps de mettre l’histoire en place, d’autant plus que les filles ont le prénom de leur mère et que les fils ont souvent soit le nom de leur père, soit le nom de jeune fille de leur mère qui fait office de prénom. Ajoutez à ça que Mrs Dean, qui raconte l’histoire appelle indifféremment les personnages par leur prénom ou leur nom de famille et on est complètement perdu le temps de s’habituer à cette famille plus que dysfonctionnelle.
    Au final, j’ai trouvé qu’on entrait vraiment dans l’histoire à partir du chapitre 4. Là, on est familiarisé avec les personnages et on commence vraiment le récit de Mrs Dean.
    Mon antipathie pour les personnages ne m’a pas empêchée de vraiment apprécier l’écriture d’Emilie Brontë et de trouver impressionnant qu’une jeune femme qui ne sortait pas de chez elle ait pu écrire des relations aussi complexes.
    Malgré tout, je suis contente d’avoir lu ce livre dans le cadre d’une LC qui s’est étalée sur tout le mois de novembre, car franchement, si j’avais du le lire d’une traite, je ne sais pas si je serais arrivée au bout, surtout du fait de l’ambiance malsaine présente tout au long du roman.
    J’avoue que j’ai été un peu déçue par la fin. J’espérais une fin qui ait un peu plus de morale, qui fasse un peu payer le mal fait, qui fasse un peu justice. Au lieu de quoi, j’ai eu l’impression que le pire des personnages obtenait exactement ce qu’il désirait, même si on peut voir l’espoir d’une vie meilleure renaitre pour d’autres personnages.
    En fait, je crois tout simplement que mon côté rancunier et vindicatif ne peut pas se satisfaire d’une telle fin.

     

    Un extrait : Quelles pauvres girouettes nous sommes ! Moi qui avais résolu de me libérer de tous rapports sociaux et qui bénissais ma bonne étoile de m’avoir fait enfin découvrir un endroit où de tel rapports sont à peu près impossibles, moi, faible créature, après avoir lutté jusqu’au crépuscule contre l’abattement et la solitude, j’ai été vaincu et forcé d’amener mon pavillon. Sous prétexte de demander des indications sur ce qui était nécessaire à mon installation, j’ai prié Mrs Dean, quand elle a apporté mon souper, de s’asseoir pendant que je mangeais. J’espérais sincèrement que j’allais trouver en elle une vraie commère et que, si elle ne me tirait pas de ma torpeur, elle finirait au moins par m’endormir.
    - Vous êtes ici depuis très longtemps, ai-je commencé. N’avez-vous pas dit depuis seize ans ?

    - Dix-huit, monsieur. Je suis arrivée au moment où ma maitresse se mariait, pour faire son service ; après sa mort, le maitre m’a conservée comme femme de charge.

    - Vraiment.

    Un silence a suivi. Elle n’était pas fort bavarde, craignais-je, sauf peut-être quand il s’agissait de ses propres affaires, qui pouvaient difficilement m’intéresser. Cependant, après s’être recueillie un instant, un poing sur chaque genou, un nuage méditatif sur sa figure rubiconde, elle s’est écriée :

    - Ah ! Les temps ont bien changé depuis lors !

    - Oui, ai-je remarqué, vous avez dû voir beaucoup de transformation, je suppose ?

    - Sans doute ; et de souffrance aussi.

     

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  • [Livre] Nord et Sud

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    Résumé : Après un long séjour à Londres chez sa tante, Margaret Hale regagne le presbytère familial dans un village du sud de l'Angleterre. Peu après son retour, son père renonce à l'Eglise et déracine sa famille pour s'installer dans une ville du Nord. Margaret va devoir s'adapter à une nouvelle vie en découvrant le monde industriel avec ses grèves, sa brutalité et sa cruauté. Sa conscience sociale s'éveille à travers les liens qu'elle tisse avec certains ouvriers des filatures locales, et les rapports difficiles qui l'opposent à leur patron, John Thornton.


    Auteur : Elizabeth Gaskell

     

    Edition : Points

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : 25 novembre 2010 ; première édition : 1855

     

    Prix moyen : 9€

     

    Mon avis : A l’instar de Jane Austen ou des sœurs Brontë, Elizabeth Gaskell, bien que moins connue, dépeint les interactions sociales de son époque.
    Ici, l’héroïne, Margaret, a bien du mal à se faire aux conflits permanent existant entre ouvriers et patrons dans une petite ville industrielle du nord de l’Angleterre.
    Les différences entre la manière de vivre dans le sud, conservateur, ou le travail ne manque pas mais se fait sur un rythme plus lent, la population vivant surtout de l’agriculture, et celle de vivre dans le nord, où la rapidité d’exécution n’est jamais suffisante et où l’industrialisation menace sans cesse le travail des ouvriers. Margaret assiste également à un vrai rapport de force entre ces derniers et les patrons. Elle se montre choquée que l’on puisse de rebeller contre ses supérieurs et, bien qu’elle éprouve un certain mépris pour les patrons qui ne sont à ses yeux que des commerçants, donc indigne de son attention, elle a tendance à leur donner raison dans la lutte qui oppose les deux classes.
    Cependant, puisque Margaret se retrouve au milieu de gens qu’elle considère comme des inférieurs tous autant qu’ils sont, elle arrive à se montrer plus partiale et à écouter les deux parties dans tout ce qui concerne la grève. Elle comprend la souffrance que constitue le manque d’argent chez les ouvriers comme les contraintes économiques qui « empêchent » les patrons d’augmenter les salaires.
    J’ai regretté qu’elle ne dise pas à Thornton qu’il pourrait expliquer à ses ouvriers pourquoi il ne peut augmenter les salaires, plutôt que de leur dire qu’il n’a pas de comptes à leur rendre.
    Si la manière de raconter la société contemporaine de l’auteur évoque celles de Jane Austen et des sœurs Brontë, son héroïne n’est pas tout à fait de la même classe sociale. Chez Jane Austen, même quand elles essuient des revers de fortune, les héroïnes font partie d’une classe plutôt élevée, tandis que chez les sœurs Brontë elles ne peuvent que rarement se dispenser de travailler. Margaret, elle, a certes moins d’argent depuis que son père a renoncé à l’église, nettement moins aussi que sa cousine, mais à aucun moment il n’est question qu’elle trouve du travail.
    Elizabeth Gaskell se distingue également en ne faisant pas du mariage ou de la romance le centre de son roman. Certes, elle tient une place importante, certes, le roman se termine sur la réponse à la question : Margaret et Thornton vont-ils finir par se fiancer ? , mais dans le déroulé de l’histoire on parle plus des conflits sociaux, de l’industrialisation, de la révolte (celle des ouvriers, celle du révérend Hale contre l’église ou encore celle de Frederik, le frère de Margaret, contre un supérieur tyrannique dans la marine) que de l’amour naissant entre les deux jeunes gens.
    Si Thornton est orgueilleux, il en a plus le droit qu’un Mr Darcy ou qu’un Mr Rochester, car lui n’est pas né une cuillère en argent dans la bouche, il a construit sa fortune à la force du poignet et d’un travail acharné. On sait d’ailleurs bien plus que dans les romans d’Austen ou Brontë ce que pense le protagoniste principal masculin car à plusieurs reprises on le suit de manière à savoir ce que lui pense de la situation.
    Malgré quelques longueurs dans les premiers chapitres, ce qui n’est pas étonnant étant donné la nécessité de mettre en place l’histoire, et malgré ses 673p, Nord et Sud est un roman qui se lit très vite car il est difficile de le reposer tant on veut savoir comment chaque personnage va se sortir des difficultés auxquelles il est confronté.
    Si le prochain roman que je possède de cet auteur me plait autant que celui-là, je pense qu’Elizabeth Gaskell va vite rejoindre le rang de mes auteurs classiques britannique préférés !

     

    Un extrait : Margaret, une fois de plus en toilette du matin, rentrait tranquillement chez elle avec son père, qui était venu assister au mariage. Sa mère avait été retenue à la maison par une multitude de faux prétextes que personne n’avait vraiment compris, sauf Mr Hale, qui se rendait parfaitement compte que tous ses arguments en faveur d’une robe de satin gris, à mi-chemin entre le goût du jour et celui de l’ancien temps, s’étaient révélés vains. Faute des moyens nécessaires, il ne pouvait équiper sa femme de pied en cap, aussi ne voulait-elle pas se montrer au mariage de la fille unique de son unique sœur. Si Mrs Shaw avait deviné la vraie raison pour laquelle Mrs Hale avait refusé d’accompagner son mari, elle lui eût offert une profusion de robes ; mais cela faisait vingt ans que la pauvre et ravissante Miss Beresford était devenue Mrs Shaw, et elle avait oublié toutes ses doléances, hormis le désagrément issu de la différence d’âge au sein d’un couple, et sur lequel elle pouvait disserter des heures entières. La chère Maria avait épousé l’élu de son cœur, âgé seulement de huit ans de plus qu’elle, et doté du caractère le plus aimable qui fût et de ces cheveux d’un noir bleuté que l’on rencontre si rarement. Mr Hale était l’un des prédicateurs les plus agréables qu’elle eût jamais entendus, et le parangon des curés de campagne. Peut-être la déduction que tirait Mrs Shaw de ces prémisses lorsqu’elle pensait au sort de sa sœur n’était-elle pas très logique, mais elle était néanmoins caractéristique : « Cette chère Maria a fait un mariage d’amour, que peut-elle souhaiter de mieux dans ce monde ? » A dire vrai, Mrs Hale aurait pu répondre en énumérant une liste toute prête : « Une robe de soie glacée gris argent, un chapeau de paille blanche, oh, des dizaines de choses pour le mariage et des centaines d’autres pour la maison. »

     

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  • [Livre] Persuasion

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    Résumé : Anne est la seconde fille de l'honorable Sir Elliot de Kellynch. Persuadée par son amie Lady Russel, elle a dû rompre ses fiançailles avec le jeune Frederick Wentworth, un officier de marine pauvre, car il ne présentait pas les assurances d'un bon parti. Huit ans plus tard, sa famille connaît des revers de fortune. Son père décide alors de louer le château familial à l'amiral Croft, qui se trouve être le beau-frère de Frederick. Anne appréhende de revoir celui qui est resté son grand amour. Alors que s'achève la guerre avec la France, le capitaine Wentworth, fortune faite, revient avec le désir de se marier pour fonder un foyer. Il a conservé du refus d'Anne la conviction que la jeune fille manquait de caractère et se laissait trop aisément persuader...


    Auteur : Jane Austen

     

    Edition : Archipoche (collector)

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : Avril 2017 (première édition 1818)

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Persuasion est le dernier roman de Jane Austen. Il a été publié après sa mort et, contrairement à ses autres œuvres, elle n’a pas eu le temps de le retravailler.
    Je crois pouvoir dire qu’Anne est mon personnage préféré, non seulement de ce roman, mais de toute l’œuvre de Jane Austen. Elle a la gentillesse et la sagesse d’Eleanor Dashwood et le désir d’indépendance d’Elizabeth Bennet.
    Contrairement à ces deux héroïnes qui, si elles sont affublées de parents souvent pénibles, qui leur font honte ou qui n’ont aucun sens commun, mais dont on ne peut douter de l’amour qu’ils leur portent, Anne est en manque constant d’amour. Son père est vaniteux, imbu de lui-même et totalement indifférent, sa sœur ainée est froide comme la glace et lui préfère son intrigante d’amie et sa sœur cadette, la seule à être mariée, passe son temps à gémir et à se plaindre. La seule personne qui lui témoigne de l’affection dans son entourage immédiat est Lady Russel, une amie de sa défunte mère (et qui est, il me semble, sa marraine).
    Malgré un entourage assez toxique, Anne ne perd jamais patience, elle ménage les uns et les autres, calme les esprits et aplani les conflits naissants.
    8 ans auparavant, Anne s’est laissé convaincre par lady Russel de refuser la demande en mariage de Frederik Wentworth, qu’elle voyait comme un mauvais parti du fait de l’absence de titre et de sa profession de marin.
    Depuis Anne n’a cessé de regretter cette séparation tout en pensant avoir fait son devoir en suivant les conseils de celle qui l’aime comme une mère (autre époque, autre mœurs).
    Les circonstances, que je vous laisse découvrir dans le roman, vont l’amener à revoir Frederik, lequel a fait du chemin en 8 ans.
    Wentworth est sans doute le personnage masculin que j’ai préféré dans ce roman (même si le beau-frère d’Anne m’a aussi beaucoup plu). Comme Anne, il a le sens du devoir. Il a aussi très conscience de son rang, des privilèges et des obligations qui en découlent. Pour autant, il ne semble en tirer ni orgueil ni sentiment de supériorité.
    Il sait à la fois pardonner et se remettre en question, et surtout, il n’hésite pas à s’exposer à un chagrin en faisant le premier pas tout en restant discret.
    La chose que j’ai le plus apprécié est que, si Frederik et Anna ne se jette pas l’un sur l’autre au premier regard, convenances du XIXème siècle obligent (on est pas dans un Hugo romance), ils ne perdent pas non plus de temps en atermoiements inutiles qui s’étirent sur des mois.
    La fin met un poil à mal les morales habituelles, comme si Jane Austen, sentant sa fin proche, s’était dit : Au diable la morale conservatrice et bien-pensante de mon siècle et place aux sentiments véritables qui, eux seuls, doivent compter.

     

    Un extrait : Il n’est pas étonnant que lady Russel n’eût pas songé à un second mariage ; car elle possédait une belle fortune, était d’un âge mûr, et d’un caractère sérieux, mais le célibat de Sir Walter s’explique moins facilement.
    La vérité est qu’il avait essuyé plusieurs refus à des demandes en mariage très déraisonnables. Dès lors, il se posa comme un bon père qui se dévoue pour ses filles. En réalité, pour l’aînée seule, il était disposé à faire quelque chose, mais à condition de ne pas se gêner. Élisabeth, à seize ans, avait succédé à tous les droits et à la considération de sa mère.
    Elle était fort belle et ressemblait à son père, sur qui elle avait une grande influence ; aussi avaient-ils toujours été d’accord. Les deux autres filles de Sir Walter étaient, à son avis, d’une valeur inférieure.
    Marie avait acquis une légère importance en devenant Mme Musgrove ; mais Anna, avec une distinction d’esprit et une douceur de caractère que toute personne intelligente savait apprécier, n’était rien pour son père, ni pour sa sœur.
    On ne faisait aucun cas de ce qu’elle disait, et elle devait toujours s’effacer ; enfin elle n’était qu’Anna.

     

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  • [Livre] Rebecca

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    Résumé : Sur Manderley, superbe demeure de l'ouest de l'Angleterre, aux atours victoriens, planent l'angoisse, le doute : la nouvelle épouse de Maximilien de Winter, frêle et innocente jeune femme, réussira-t-elle à se substituer à l'ancienne madame de Winter, morte noyée quelque temps auparavant ? 


    Auteur : Daphné du Maurier

     

    Edition : Le livre de poche

     

    Genre : Classique étranger

     

    Date de parution : 1938

     

    Prix moyen : 6€

     

    Mon avis : J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire car le début est lent, très lent, avec la description méticuleuse de chaque détail de Manderley. Et ça, ce n’est que le tout début, avant même que l’histoire ne débute vraiment !
    La nouvelle madame de Winter m’a exaspérée. Elle n’a aucune personnalité, passe son temps à s’excuser et à se plaindre.
    Le livre est écrit de telle manière qu’il m’a fallut près de la moitié du roman pour réaliser qu’à aucun moment on ne citait son nom. Ainsi, même par là, elle est invisible, insignifiante. Elle n’a même pas de nom à elle et se contente d’être la nouvelle Madame de Winter.
    L’attitude des domestiques comme de son époux est insupportable. Maxim la traite comme une enfant, mais comment pourrait-il se rendre compte d’à quel point il est condescendant et paternaliste quand son épouse passe son temps à pleurnicher et à s’excuser d’exister.
    Dès le départ, elle aurait du remettre les domestiques à leur place. Au premier « Ah mais on faisait comme ça du temps de Madame de Winter », elle aurait du répondre : « A présent c’est moi, madame de Winter, on fera donc à ma manière et dorénavant vous parlerez de la première épouse de mon époux en l’appelant « la première épouse de monsieur ». Il n’y aura pas deux madame de Winter sous ce toit ».
    Elle passe les trois quarts du roman à être insipide, recroquevillée à l’intérieur d’elle-même, à trembler que la moindre comparaison avec Rebecca ne soit en sa défaveur.
    Elle finira par avoir un déclic mais la quasi-totalité du livre tourne autour de cette rivalité, de ce combat inégal contre un fantôme que tous idéalisent. Elle ne sait même pas si son mari l’a épousé par amour ou si son amour n’appartient qu’à Rebecca et qu’il ne l’a finalement épousé que pour rompre sa solitude.
    La tension est constante, chaque faux pas de la jeune épouse, dû à son manque de connaissance d’un monde auquel elle n’appartient pas autant qu’à l’hostilité de Mme Danvers, la femme de charge, prend des proportions énormes car tout est ramené à ce qu’aurait fait, pas fait, ou dit Rebecca.
    J’ai préféré la jeune femme après son déclic, elle est plus sûre d’elle, plus active, plus maîtresse de sa propre vie, elle montre enfin qu’elle a du caractère.
    La fin est brutale, j’aurais apprécié quelques pages de plus pour « finir » le roman mais dans l’ensemble, je ne regrette pas ma lecture.

     

    Un extrait : J’ai rêvé l’autre nuit que je retournais à Manderley. J’étais debout près de la grille devant la grande allée, mais l’entrée m’était interdite, la grille fermée par une chaîne et un cadenas. J’appelai le concierge et personne ne répondit ; en regardant à travers les barreaux rouillés, je vis que la loge était vide.

    Aucune fumée ne s’élevait de la cheminée et les petites fenêtres mansardées bâillaient à l’abandon. Puis je me sentis soudain douée de la puissance merveilleuse des rêves et je glissai à travers les barreaux comme un fantôme. L’allée s’étendait devant moi avec sa courbe familière, mais à mesure que j’y avançais, je constatais sa métamorphose : étroite et mal entretenue, ce n’était plus l’allée d’autrefois. Je m’étonnai d’abord, et ce ne fut qu’en inclinant la tête pour éviter une branche basse que je compris ce qui était arrivé. La Nature avait repris son bien, et, à sa manière insidieuse, avait enfoncé dans l’allée ses longs doigts tenaces. Les bois toujours menaçants, même au temps passé, avaient fini par triompher. Ils pullulaient, obscurs et sans ordre sur les bords de l’allée. Les hêtres nus aux membres blancs se penchaient les uns vers les autres, mêlant leurs branches en d’étranges embrassements et construisant au-dessus de ma tête une voûte de cathédrale. Et il y avait d’autres arbres encore, des arbres dont je ne me souvenais pas, des chênes rugueux et des ormes torturés qui se pressaient joue à joue avec les bouleaux, jaillissant de la terre en compagnie de buissons monstrueux et de plantes que je ne connaissais pas.

    L’allée n’était plus qu’un ruban, une trace de son ancienne existence, — le gravier aboli — gagnée par l’herbe, la mousse et des racines d’arbres qui ressemblaient aux serres des oiseaux de proie. Je reconnaissais çà et là, parmi cette jungle, des buissons, repères d’autrefois : c’étaient des plantes gracieuses et cultivées, des hydrangéas, dont les fleurs bleues avaient été célèbres. Nulle main ne les disciplinait plus et elles étaient devenues sauvages : leurs rameaux sans fleurs, noirs et laids, atteignaient des hauteurs monstrueuses.

    La pauvre piste qui avait été notre allée ondulait et même se perdait par instants, mais reparaissait derrière un arbre abattu ou bien à travers une flaque de boue laissée par les pluies d’hiver. Je ne croyais pas ce chemin si long. Les kilomètres devaient s’être multipliés en même temps que les arbres et ce sentier menait à un labyrinthe, une espèce de brousse chaotique, et non plus à la maison. Mais voici qu’elle m’apparut tout à coup ; les abords en étaient masqués par ces proliférations végétales et lorsque je me trouvai enfin en face d’elle, je m’arrêtai le cœur battant, l’étrange brûlure des larmes derrière les paupières.

    C’était Manderley, notre Manderley secret et silencieux comme toujours avec ses pierres grises luisant au clair de lune de mon rêve, les petits carreaux des fenêtres reflétant les pelouses vertes et la terrasse. Le temps n’avait pas pu détruire la parfaite symétrie de cette architecture, ni sa situation qui était celle d’un bijou au creux d’une paume.

     

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  • [Livre] La gouvernante suivi d’Eros matutinus

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    Si vous désirez acheter ce livre, vous pouvez cliquer ICI ou sur l'image. Vous serez alors redirigés sur bookwitty. Si vous achetez le livre par ce lien, je touche une petite commission. Cela ne change rien au prix!

     

    Résumé : Deux fillettes surprennent la relation que leur gouvernante entretient avec leur cousin, et c'est pour Zweig l'occasion de raconter l'éveil à la sexualité dans une société du mensonge et de la dissimulation, une société qui fabrique en masse du secret. Cette nouvelle de 1907, proche de «Brûlant secret», est suivie de l'un des meilleurs chapitres du «Monde d'hier», « Eros matutinus », dans lequel Zweig revient avec une rare franchise sur ce que fut cette puberté pour lui et les jeunes garçons de sa génération. 

     

    Auteur : Stefan Zweig

     

    Edition : Payot et Rivages

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : 16 mars 2016

     

    Prix moyen : 6€

     

    Mon avis : Dans ce livre très court comportant une nouvelle de 47 pages et un chapitre de son ouvrage « le monde d’hier » d’environ 45 pages, on peu voir toute la vie de Stefan Zweig.
    La gouvernante, en effet, a été écrite en 1907, alors qu’il avait à peine 26 ans, alors qu’Eros Matutinus est tiré d’un espèce de mémoire qu’il a commencé à écrire en 1934 et qu’il a envoyé à son éditeur 1 jour avant son suicide.
    Malgré le grand nombre d’années qui séparent ces deux textes, je n’ai pas trouvé de grande évolution, ni dans l’écriture ni dans les pensées.
    Zweig dénonce, peut être de manière plus abrupte dans Eros matutinus que dans la gouvernante, l’ignorance des jeunes en matière de sexualité.
    Que ce soit les deux fillettes qui découvrent que leur gouvernante a une relation avec leur cousin, se méprennent sur certaines confidences entendues à travers une porte, puis assistent à des scènes que personne ne leur explique et qui les conduisent à considérer les adultes comme autant d’ennemis chargés de leur mentir sur toute chose, ou les adolescents, presque des adultes, privés d’éducation sexuelle, quelque soit leur sexe d’ailleurs. Alors que le garçon, s’il a un père « attentif » ou des amis plus âgés et plus au fait de ces choses là, aura tôt fait de s’instruire dans les maisons de tolérance, la jeune fille reste ignorante jusqu’à ce qu’elle apprenne brutalement la chose dans son lit de noce. Imaginez le traumatisme que cela doit être pour elle !
    Zweig déplore ce maintien dans l’ignorance au nom d’une soi disant bienséance et pense, à juste titre d’ailleurs, que cette absence d’éducation ne peut qu’apporter des dérives. Il pense surtout aux jeunes garçons, qui inconscient des danger des prostituées de rues, n’ayant pas forcément leurs entrées dans des maisons de tolérance plus sûre mais beaucoup plus chère, n’osant pas s’ouvrir de leurs tourments et interrogations à leurs pères, se mettent en position de contracter ce que l’on appelait les « maladies honteuses » pour lesquelles, à l’époque, on ne connaissait guère de traitement.
    Il n’a pas tort quand il laisse entendre qu’une éducation sur ce sujet, même succincte, épargnerait beaucoup de doutes, d’erreurs et de souffrance à la jeunesse en passe d’entrer dans l’âge adulte.

     

    Un extrait : Pendant ces huit années d’école secondaire, chacun de nous fut confronté à un fait très intime : d’enfants de dix ans, nous devînmes peu à peu des jeunes gens nubiles de seize à dix-huit ans, et la nature commença à réclamer ses droits. Cet éveil de la puberté semble aujourd’hui un problème strictement privé, avec lequel chaque adolescent doit se débattre à sa manière et ne se prête, à première vue, nullement à un débat public. Mais pour notre génération, cette crise dépassa les limites de la sphère personnelle. En même temps, elle donna lieu à l’éveil d’une autre conscience car, pour la première fois, elle nous apprit à observer d’un regard plus critique le monde social où nous avions grandi et ses conventions. Les enfants, et même les jeunes gens, sont en général bien disposés à se conformer aux lois de leur milieu. Mais ils ne se soumettent aux conventions qu’on leur impose que tant qu’ils voient les autres les observer avec la même honnêteté. Un seul mensonge de leurs professeurs ou de leurs parents les pousse inévitablement à considérer tout leur entourage d’un œil méfiant et, partant, plus aigu. Et nous ne mîmes pas longtemps à découvrir que toutes ces autorités auxquelles nous nous étions fiés jusqu’alors – l’école, la famille et la morale publique – traitaient la sexualité d’une manière étrangement peu sincère, voire exigeaient aussi de nous sur ce pont le secret et la dissimulation.

     

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  • [Livre] Emma

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    Si vous désirez acheter ce livre, vous pouvez cliquer ICI ou sur l'image. Vous serez alors redirigés sur bookwitty. Si vous achetez le livre par ce lien, je touche une petite commission. Cela ne change rien au prix! D'ailleurs, j'indique dans la fiche le prix auquel je l'ai acheté, mais si entre-temps une version poche est sortie, je vous mets le lien vers le format le moins cher (après à vous de voir!)

     

    Résumé : Orpheline de mère, seule auprès d'un père en mauvaise santé, Emma Woodhouse, désormais la maîtresse de maison, s'est mis en tête de marier Harriet Smith, une jeune fille qu'elle a recueillie chez elle. Ce faisant, ne s'est-elle pas attribué un rôle qui n'est pas (ou pas encore) pour elle ? Son inexpérience des cœurs et des êtres, ses propres émotions amoureuses, qu'elle ne sait guère interpréter ou traduire, lui vaudront bien des déconvenues et des découvertes.

     

    Auteur : Jane Austen

     

    Edition : Milady

     

    Genre : classique étranger

     

    Date de parution : 1ère parution : 1816
                                  Dans cette édition : 29 Mai 2015

     

    Prix moyen : 7,60€

     

    Mon avis : Je ne sais pas si c’est mon édition ou si on trouve ça dans toutes les éditions, mais une chose a vraiment été pénible dans ma lecture : la tentative de francisation des prénoms. Je dis tentative car ce n’est pas fait à chaque fois. Ainsi, le beau-frère d’Emma se prénomme alternativement John et Jean et son amie passe régulièrement d’Harriet à Henriette et inversement, et ce parfois dans la même page.
    Les premières fois que ça arrive, on se demande de qui l’auteur est en train de parler. Heureusement, on s’y fait vite, mais ça demeure pénible.
    Quand j’ai commencé à lire le livre, je me suis dit : Ah tiens, il n’y a aps de personnage complètement stupide et insupportable, comme Mrs Bennet dans orgueil et préjugés ou profondément méchant comme Fanny dans raison et sentiments pour n’en citer qu’une.

    Les personnages sont plus nuancés que dans les autres œuvres de Jane Austen.
    Certes le père d’Emma est un poil hypocondriaque et donne nombres de conseils à son entourage qui s’en fiche complètement mais fait mine de les observer pour ne pas bouleverser le vieil homme, mais en dehors de ce petit travers, il n’est guère dérangeant. Certes Mlle Bates ne cesse de parler, mais elle n’est pas sans cervelle.
    Emma est moins parfaite qu’Elinor dans raison et sentiments à qui on ne pouvait reprocher qu’un excès de sérieux. Ici, au fil de la lecture, on se rend compte qu’Emma est têtue comme une bourrique, qu’elle refuse souvent d’admettre ses torts. Elle a aussi une haute opinion d’elle-même et est très à cheval sur le rang social (elle semble se sentir un peu supérieure aux autres). Elle est touchante, mais elle m’a parfois agacée.
    Franck Churchill peut apparaître comme un garçon sans scrupules mais il est plus inconscient que méchant. Tout ce qu’il peut faire n’est pas fait dans le but de nuire.
    La tante, Mme Churchill semble être le type même du personnage nuisible, mais il n’est question d’elle que par récit, et on ne la voit pas dans l’histoire.
    Les Elton sont loin d’être sympathique mais ils m’ont semblé plus pathétiques et ridicules que vraiment nocifs.
    Mr Knightley, le frère ainé du beau-frère d’Emma et son plus proche voisin, est le plus sensé et raisonnable de tous les personnages, même s’il est parfois un peu sec dans ses paroles.
    Parfois, tout comme Emma, j’ai été étonnée des relations qui se nouent, même si j’ai désapprouvé l’influence qu’elle a sur Harriet concernant un de ses prétendants.
    Le style inimitable de Jane Austen nous emporte comme toujours dans l’histoire et on se prend au jeu des intrigues au mariage, des empêchements, des mésalliances ou des envies d’ascension sociale.
    Malgré sa longueur, Emma se lit rapidement et facilement, Jane Austen employant, certes, un langage de son époque, mais dépourvu du côté ampoulé que l’on peut trouver chez d’autres auteurs.

     

    Un extrait : Peu après le mariage de Mme Weston, Emma reçut un matin une lettre de Mme Goddard lui demandant en termes respectueux l’autorisation d’amener avec elle, après le dîner, une de ses pensionnaires, Mlle Smith ; il s’agissait d’une jeune fille de dix-sept ans qu’Emma connaissait de vue et dont la beauté l’avait frappée. Elle répondit par une très aimable invitation.

    Harriet Smith était une enfant naturelle ; un anonyme l’avait placée plusieurs années auparavant en pension chez Mme Goddard et ce même anonyme venait de l’élever de la situation d’écolière à la dignité de demoiselle pensionnaire. C’est tout ce qu’on savait de son histoire. Elle ne possédait pas de relations en dehors des amis qu’elle s’était créés à Highbury ; elle venait précisément de faire un long séjour chez d’anciennes compagnes de pension.

    Emma appréciait particulièrement le genre de beauté de Mlle Smith : celle-ci était de petite taille, blonde, la figure pleine avec un beau teint, des yeux bleus, des cheveux ondés, des traits réguliers qu’animait une grande douceur d’expression. Avant la fin de la soirée, les manières de la nouvelle venue avaient également gagné l’approbation d’Emma qui prit la résolution de cultiver cette connaissance. La jeune invitée, sans être timide à l’excès, fit preuve d’un tact parfait ; elle se montra gracieusement reconnaissante d’avoir été admise à Hartfield et naïvement impressionnée de la supériorité ambiante. Emma estima que l’ensemble de ces grâces naturelles formait un trop bel ornement pour la société de second ordre d’Highbury.

    Assurément la jeune fille ne vivait pas dans un milieu digne d’elle ; les amis auxquels elle venait de rendre visite, bien qu’excellentes gens, ne pouvaient que la gâter. Emma connaissait les Martin de réputation : ceux-ci étaient, en effet, locataires d’une grande ferme appartenant à M. Knightley ; elle savait qu’il avait d’eux une excellente opinion, mais à son avis ils ne pouvaient pas devenir les amis intimes d’une jeune fille à laquelle il ne manquait, pour être parfaite, qu’un peu plus de savoir-vivre et d’élégance.

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  • [Livre] Le dernier jour d’un condamné

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    Résumé : Le livre se présente comme le journal qu’un condamné à mort écrit durant les vingt-quatre dernières heures de son existence dans lequel il relate ce qu’il a vécu depuis le début de son procès jusqu’au moment de son exécution, soit environ six semaines de sa vie.

     

    Auteur : Victor Hugo

     

    Edition : Flammarion

     

    Genre : Classique

     

    Date de parution : Dans cette édition : 2013

     

    Prix moyen : 2€

     

    Mon avis : Ce livre est présenté comme un conte engagé contre la peine de mort, mais je cherche encore ce qui peut convaincre contre cette pratique, surtout pour les contemporains de Hugo. De nos jours c’est différent, la peine de mort est abolie depuis des décennies en Europe et ce n’est plus vraiment dans nos mœurs. Mais à l’époque où a été écrite cette nouvelle, je n’ai rien vu qui nous faisait dire : oh la peine de mort quelle horreur ! Je serais plus encline à dire : le bagne, quelle horreur ! Car si le condamné, dont on ne sait ni le nom, ni exactement le crime (mais qu’on peut deviner, entre l’avocat qui pense que la préméditation ne sera pas retenue, et le condamné lui-même qui dit qu’il a fait couler le sang), n’attire pas spécialement la sympathie, la scène du ferrage des forçats est suffisamment horrible (et les « crimes » si faibles comparée à la peine) pour que ces hommes inspirent la pitié.
    J’ai l’impression à être la seule à qui le roman ne donne pas envie de s’insurger contre la peine de mort, mais honnêtement, je n’ai pas eu l’impression d’un plaidoyer contre cette pratique.
    Si on avait eu un doute sur la culpabilité de l’homme et qu’on avait mis l’accent que la peine de mort implique de ne jamais pouvoir réparer une erreur judiciaire, si on martelait : plutôt 10 coupables en liberté qu’un innocent tué par erreur, là oui, ça m’aurait touché.
    L’affaire Ranucci a plus contribué à me positionner contre la peine de mort que ce roman dans lequel l’homme est clairement coupable et semble découvrir, après son crime, que son jeune âge ne va pas le dispense d’en subir les conséquences.
    En revanche, la description du convoi des forçats, comme je l’ai dit plus haut, aurait tendance à me hérisser contre le bagne, d’autant plus que les peines étaient complètement disproportionnées par rapports aux « crimes ».
    En revanche, la préface de Victor Hugo est clairement un plaidoyer non seulement contre la peine de mort mais contre le bagne, les juges, les prisons… c’est un peu idéaliste de croire qu’on peut se passer de l’administration pénitentiaire mais au moins là, on a un plaidoyer… dommage que le texte de la nouvelle n’en soit pas un.

     

    Un extrait : Les juges, au fond de la salle, avaient l’air satisfait, probablement de la joie d’avoir bientôt fini. Le visage du président, doucement éclairé par le reflet d’une vitre, avait quelque chose de calme et de bon ; et un jeune assesseur causait presque gaiement en chiffonnant son rabat avec une jolie dame en chapeau rose, placée par faveur derrière lui.

    Les jurés seuls paraissaient blêmes et abattus, mais c’était apparemment de fatigue d’avoir veillé toute la nuit. Quelques-uns bâillaient. Rien, dans leur contenance, n’annonçait des hommes qui viennent de porter une sentence de mort ; et sur les figures de ces bons bourgeois je ne devinais qu’une grande envie de dormir.

    En face de moi une fenêtre était toute grande ouverte. J’entendais rire sur le quai des marchandes de fleurs ; et, au bord de la croisée, une jolie petite plante jaune, toute pénétrée d’un rayon de soleil, jouait avec le vent dans une fente de la pierre.

    Comment une idée sinistre aurait-elle pu poindre parmi tant de gracieuses sensations ? Inondé d’air et de soleil, il me fut impossible de penser à autre chose qu’à la liberté ; l’espérance vint rayonner en moi comme le jour autour de moi ; et, confiant, j’attendis ma sentence comme on attend la délivrance et la vie.

    Cependant mon avocat arriva. On l’attendait. Il venait de déjeuner copieusement et de bon appétit. Parvenu à sa place, il se pencha vers moi avec un sourire.

    – J’espère, me dit-il.

    – N’est-ce pas ? répondis-je, léger et souriant aussi.

    – Oui, reprit-il ; je ne sais rien encore de leur déclaration, mais ils auront sans doute écarté la préméditation, et alors ce ne sera que les travaux forcés à perpétuité.

    – Que dites-vous là, monsieur ? répliquai-je indigné ; plutôt cent fois la mort !

    Oui, la mort ! – Et d’ailleurs, me répétait je ne sais quelle voix intérieure, qu’est-ce que je risque à dire cela ? A-t-on jamais prononcé sentence de mort autrement qu’à minuit, aux flambeaux, dans une salle sombre et noire, et par une froide nuit de pluie et d’hiver ? Mais au mois d’août, à huit heures du matin, un si beau jour, ces bons jurés, c’est impossible ! Et mes yeux revenaient se fixer sur la jolie fleur jaune au soleil.

    Tout à coup le président, qui n’attendait que l’avocat, m’invita à me lever. La troupe porta les armes ; comme par un mouvement électrique, toute l’assemblée fut debout au même instant. Une figure insignifiante et nulle, placée à une table au-dessous du tribunal, c’était, je pense, le greffier, prit la parole, et lut le verdict que les jurés avaient prononcé en mon absence. Une sueur froide sortit de tous mes membres ; je m’appuyai au mur pour ne pas tomber.

     

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