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Drames

  • [Livre] La vie qu’on m’a choisie

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    Lecture terminée le :  19 avril 2021

     

    Résumé : Un soir d'été de 1931, Lilly Blackwood remarque les lumières d'un cirque depuis la fenêtre de sa mansarde. La petite fille a interdiction d'explorer les alentours de Blackwood Manor... Elle n'est même jamais sortie de sa petite chambre. C'est pour sa sécurité, lui répète sa mère, car Lilly fait peur. Mais cette nuit-là, elle est emmenée en dehors de la propriété, pour la première fois. Et elle est vendue au cirque.
    Deux décennies plus tard, Julia Blackwood hérite du manoir de ses parents et de leur élevage de chevaux. Elle espère que revenir sur le lieu de son enfance pourra effacer de douloureux souvenirs. Mais elle va découvrir une mansarde jamais ouverte, et les photos d'un cirque mettant en avant une étonnante jeune femme...


    Auteur : Ellen Marie Wiseman

     

    Edition : Faubourg Marigny

     

    Genre : Roman contemporain, Drame

     

    Date de parution : 09 Mars 2021

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Cette lecture a beau avoir été un coup de cœur, je ne crois pas avoir déjà ressenti autant de colère en lisant un livre.

    De la première page à la dernière ligne, j'ai fulminé contre l'un des personnages.

    Ce n'est clairement pas le seul personnage qui a provoqué ma colère, il y en a eu un sacré nombre dans ce roman, mais j'ai trouvé que dans le contexte, le personnage de Mrs Blackwood était vraiment le pire.

    Et étonnamment, c'est également celui que l'on voit le moins.

    Mais son seul souvenir, sa simple évocation, a eu le don de me faire remonter dans les tours en un instant.

    Il faut dire que tout au long du roman, plus on en apprend sur elle, et plus elle apparaît comme méprisable.

    Le récit alterne entre l'histoire de Lilly qui commence en 1931, et celle de Julia qui est se déroule au milieu des années 50.

    La plupart du temps dans ce genre de roman, il y a toujours une période, un personnage, que je préfère nettement à l'autre. Et si je lis sans problème l'intégralité du roman, je suis toujours pressée de revenir aux chapitres concernant ma période ou mon personnage préféré.

    Ici, pas du tout. J'étais tout aussi fascinée par la vie de Lilly que par les découvertes de Julia.

    Lilly, tout d'abord, est une petite fille d'une dizaine d'années qui n'est jamais sortie de ce qui lui sert de chambre. Sa mère est une fanatique religieuse et son père, il fait en sorte de lui apporter un peu de confort et de distraction, me fait rien pour remédier à la situation. Tout ce que l'on dit à la fillette est qu'elle est un monstre et qu'elle doit rester cachée pour sa protection.

    Jusqu'au jour où, en l'absence du père, sa mère l'emmène jusqu'au cirque voisin où elle la vend purement et simplement comme monstre de foire. Il va nous falloir un certain temps avant de savoir ce qui, chez Lilly, la fait qualifier de monstre. Quand on apprend la vérité, je me suis dit qu'il ne fallait pas exagérer, et que je ne voyais pas bien en quoi la jeune fille pouvait être considéré comme un monstre de foire. Hélas, j'avais oublié qu'on était dans les années 30, et plusieurs scènes m'ont montré à quel point l'ignorance des gens, y compris du corps médical, concernant ce qui touche Lilly, la propulse au rang d'anomalie.

    Certes, la jeune fille elle n'est plus enfermée à double tour, mais est-ce que cela change vraiment quelque chose pour elle?

    25 ans plus tard, Julia est informée de la mort de sa mère, survenu un an plus tôt. Il faut dire, que la jeune fille avait fugué de chez elle pour s'éloigner d'un foyer froid régit par un nombres de règles insupportables édictées par une mère intransigeante et facilement cruelle.

    Dès les premières lignes dans cette seconde époque, on sait que la mère de Lilly et Julia et la même personne: Mrs Blackwood.

    Et on peut aussi voir que malgré le temps passé, l'attitude de cette femme et toujours aussi froide et cruelle. Au fur et à mesure que Julia nous livre ses souvenirs, on ne s'étonne plus qu'elle ait décidé de fuir avant même sa majorité.

    À présent propriétaire du domaine des Blackwood, Julia explore la maison et ses nombreuses portes fermées à clé jusqu'à finir pas trouver des éléments faisant mention d'une certaine Lilly.

    Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'au fur et à mesure de sa petite enquête, c'est tout son passé, tout ce qu'elle croyait savoir de son histoire familiale, qui s'effondre lamentablement.

    Que ce soit l'univers impitoyable du cirque des années 30, où le propriétaire ne possédait pas seulement le chapiteau et les animaux mais également les artistes, ou celui tout aussi difficile d'un élevage de chevaux de course, avec ses méthodes plus que discutable, on se trouve embarquée aussi bien dans l'histoire des deux héroïnes que dans celle de leur entourage.

    Lilly et Julia, chacune à son époque, veulent faire bouger les choses, la seconde avec bien plus de succès que la première.

    Dans les parties consacrées à Lilly, il y a des scènes d'une dureté quasi insoutenable. Des scènes qu'après avoir visualisées, j'ai eu beaucoup de mal à chasser de mon esprit.

    Le seul petit reproche que je pourrais faire aux livres, mais qui ne m'a pas trop gêné dans ma lecture, a été le fait que le propriétaire du du cirque s'appelait une fois mr Barlow et la fois d'après mr Marlow. La toute première fois j'ai pensé à une simple coquille, mais ce changement de la première lettre du nom intervient à de nombreuses reprises. Heureusement, il n'y a pas de personnage ayant un nom approchant, et du coup, qu'on l'appelle Barlow ou Marlow, j'ai toujours su facilement de qui il s'agissait.

    Mais en dehors de cela, qui était au final plus amusant qu'autre chose, ce livre était vraiment une histoire géniale, pleine de rebondissements qui pour la plupart me faisaient sortir de mes gongs.

    Comme je le disais au début de ma chronique, ce roman s'est hissé sans difficulté au rang de coup de cœur.

     

    Un extrait : C’était un cirque.

    Et elle parvenait à le voir depuis sa chambre.

    Normalement, tout ce qu’elle voyait par sa fenêtre, c’était des chevaux et des champs, et Papa et son employé qui réparaient les clôtures blanches ou la grange à chevaux. Parfois, Maman traversait la pelouse, avec ses longs cheveux blonds qui flottaient derrière elle comme un voile. D’autres fois, des camions venaient et l’employé de Papa faisait entrer ou sortir des chevaux des remorques ou déchargeait des sacs et des ballots de paille. Une fois, deux hommes en guenilles (Papa les appelait des clochards) s’étaient aventurés dans l’allée et l’employé de Papa était sorti de la grange avec un fusil de chasse. Quand Lilly avait de la chance, un cerf sortait des bois, ou des ratons laveurs filaient le long de la clôture en direction du silo à grains, ou un train passait sur les rails. Dans ces moments-là, si elle collait son oreille à la fenêtre, elle parvenait à distinguer le souffle du moteur ou le sifflement de la vapeur.

    Mais là… il y avait un cirque. Un vrai cirque ! Pour la première fois de sa vie, elle voyait quelque chose de différent, et pas juste dans un livre d’images. Ça la rendait heureuse et en même temps, elle était un peu en colère contre elle-même. Si elle n’avait pas passé l’après-midi à lire, elle aurait peut-être vu le train s’arrêter pour le déchargement. Elle aurait pu assister au montage des tentes et apercevoir les éléphants et les zèbres et les clowns. Désormais, il faisait trop sombre pour distinguer autre chose que des lumières.

    Elle posa son livre et compta les planches autour de la fenêtre. Parfois, compter l’aidait à se sentir mieux. Un, deux, trois, quatre, cinq. Pas cette fois. Elle n’arrêtait pas de penser à ce qu’elle avait raté. Elle pressa son oreille contre le carreau. Peut-être qu’elle pourrait entendre les cris du maître de piste ou la musique du cirque.

    Sur le rebord de la lucarne, Abby se réveilla et cligna des yeux. Lilly passa un bras autour de la chatte rousse tigrée et l’attira contre elle pour enfouir son nez dans sa fourrure. Abby était sa meilleure amie et le chat le plus intelligent au monde. Elle savait se tenir sur ses pattes arrière pour donner des baisers et tendre la patte pour dire bonjour. Elle sautait même sur le lit de Lilly sur demande, et en descendait quand Lilly lui en donnait l’ordre.

    — Je parie que Maman va aller au cirque, dit Lilly. Elle n’a pas à s’inquiéter que les gens aient peur d’elle.

     

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  • [Livre] Par le feu

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    Lecture terminée le : 05 juillet 2020

     

    Résumé : Avant, elle vivait derrière la clôture. Elle n'avait pas le droit de quitter la Base. Ni de parler à qui que ce soit. Parce que Père John contrôlait tout et qu'il établissait des règles. Lui désobéir pouvait avoir des conséquences terribles. Puis il y a eu les mensonges de Père John. Puis il y a eu le feu.


    Auteur : Will Hill

     

    Edition : Casterman

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 06 Mars 2019

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : Moonbeam est une adolescente de 17 ans qui a vécu toute sa vie enfermée dans la base de la légion du seigneur.
    L’histoire débute alors qu’un incendie fait rage sur la base et que le F.B.I. donne l’assaut. On peut dire qu’on débarque en plein chaos : la fumée, l’affolement, les coups de feu, les flammes, les corps…
    Moonbeam est hospitalisée dans une sorte de clinique psychiatrique et rencontre un psychiatre qui lui demande de raconter sa vie sur la base. D’abord réticente à parler aux « étrangers » (comprendre : extérieur à la secte), Moonbeam fini par se livrer.
    Ainsi, on alterne entre les chapitres « Après », donc quand Moonbeam est à l’hôpital, et les chapitres « Avant » qui sont le récit par la jeune fille de sa vie à l’intérieur de la secte.
    Ces passages sont terrifiants. On peut voir le fanatisme de certain et le pouvoir de manipulation du gourou. Moonbeam, dont la foi commençait déjà à vaciller avant l’attaque, remet assez vite en question les enseignements de la secte, avec l’aide de son psychiatre.
    Mais on voit les dégâts causés chez les autres survivants, tous des enfants, qui continuent à s’accrocher aux règles du gourou, le père John.
    Ce père John est effrayant. Il est agressif et souvent irrationnel et on se demande comment il peut conserver cette emprise. Certes, il se sert de « gros bras » pour maintenir la discipline (comprendre semer la terreur) mais la plupart des membres de la secte croient sincèrement à ses salades et sont prêts à tuer et à mourir pour lui.
    Les personnages sont tous vraiment bien décrits, avec des personnalités complexes. Je les ai tous appréciés, même ceux que j’ai détesté de toute mon âme.
    Ce qui fait le plus peur dans ce roman, c’est que ce n’est pas totalement une fiction. Bon nombre de sectes agissent de la sorte et n’importe qui est susceptible de se faire piéger.
    D’ailleurs, l’auteur a eu l’idée de ce roman après avoir vu une exposition sur la secte Waco et le siège qu’en a fait le gouvernement. Siège qui a fait plus de 80 morts parmi les membres de la secte (et où il y a eu notamment un incendie).
    Même si la secte du roman porte un autre nom, les évènements sont très proches de ce qui s’est effectivement passé à Waco.
    Le roman ne jette pas la pierre aux croyants mais vise plutôt l’avidité, la cupidité de ceux qui ne croient en rien d’autre qu’au pouvoir et sont prêts à tout pour le conserver.
    J’ai vraiment adoré le style d’écriture et une fois le livre commencé, je l’ai lu d’une traite.
    Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette lecture m’a marquée.

     

    Un extrait : Je suis assise sur un canapé rouge bordeaux, mes jambes ne cessent de trembler et ma main me fait horriblement mal. J’ai beau me répéter de ne pas avoir peur, je suis terrorisée, parce que j’ignore ce qui va m’arriver.

    Je ne sais même pas où je suis.

    La pièce dans laquelle je me trouve est plus grande que ma chambre sur la Base, mais tout de même assez petite, avec des murs gris clair et une moquette gris foncé. Elle ne contient que le canapé rouge, une grande table et deux chaises placées de l’autre côté, face à moi. Tout est lisse et propre. Il y a un appareil électronique sur la table et une caméra au-dessus de la porte. Quand la femme au visage doux vêtue d’un uniforme blanc – l’infirmière Harrow, murmure la petite voix dans ma tête, elle t’a dit que c’était son nom – m’a conduite ici il y a cinq minutes, j’ai aperçu les mots « Salle de consultation 1 » sur la porte.

    Avant de partir, elle m’a demandé si j’avais besoin de quoi que ce soit. Je n’ai pas su quoi lui répondre.

    Je retiens mon souffle en entendant une clé tourner dans la serrure. Un homme entre, petit, avec une grosse barbe, des cheveux clairsemés et des rides au coin des yeux. Il a un regard gentil. Il est en chemise blanche et cravate, une sacoche en cuir sur l’épaule. Après s’être installé, il sort une pile de carnets et de stylos qu’il aligne soigneusement sur la table devant lui. Une fois satisfait du résultat, il presse un des boutons de l’appareil, attend qu’une petite lumière verte s’allume, puis me sourit.

    — Bonjour, dit-il.

    Je ne réagis pas.

    Il y a quelque temps, quand j’étais allongée sur mon lit, à la dérive, je me suis laissée aller à poser une question à l’homme en costume. Mais j’ai retrouvé mes esprits. Certaines convictions sont si ancrées en moi que je ne me souviens même plus avoir pensé autrement. Malgré tout ce qui s’est passé, elles conditionnent encore mon raisonnement.

    On ne parle pas aux Étrangers. Jamais.

    — Je suis le Dr Robert Hernandez, se présente l’homme. Je dirige le service de psychiatrie de l’hôpital pédiatrique universitaire d’Austin, au Texas. Sais-tu ce que cela signifie ?

    Je ne réponds pas.

    — Cela signifie que je suis spécialisé dans la prise en charge des enfants, et plus particulièrement de ceux qui ont vécu des expériences traumatisantes. Je les écoute, et j’essaie de les aider.

    Dans ma tête, le père John hurle que les Étrangers ne cherchent qu’à me faire du mal, à me torturer et à me tuer.

     

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  • [Livre] La terre qui penche

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    Résumé : Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort! La vieille âme qu’elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu’elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent.
    L’enfance se raconte au présent et la vieillesse s’émerveille, s’étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend.
    Veut-on l’offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais?
    Par la force d’une écriture cruelle, sensuelle et poétique à la fois, Carole Martinez laisse Blanche tisser les orties de son enfance et recoudre son destin.


    Auteur : Carole Martinez

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 17,50€

     

    Mon avis : La terre qui penche est un roman à deux voix. Blanche, fillette de douze ans, raconte son histoire, tandis que la vieille âme de l’enfant, qui a continué à vieillir après sa disparition, se souvient avec la lucidité que donne le recul.
    L’enfance de Blanche n’est pas heureuse. Son père est un homme que la mort en couche de sa femme a rendu amer, violent et cruel. Il tient à sa fille des propos très crus et culbute les servantes sous ses yeux tout en lui soutenant que c’est dans le corps des filles que le Diable trouve refuge.
    Il la maintient dans la peur de ce Diable au point que, lorsqu’il l’emmène en voyage, elle est persuadée qu’il s’en va la sacrifier pour apaiser le malin.
    Et pourtant, ce voyage va changer la vie de Blanche.
    Promise au seul fils du seigneur de Hautepierre, elle va se retrouver dans un lieu où elle va enfin être bien traitée, habillée confortablement et où on va lui apprendre à lire et écrire, chose que son père lui a toujours refusé, dédaignant l’éducation des filles.
    Mais ce n’est pas l’avis de son futur beau-père qui a tenu à ce que Blanche vienne deux ans plus tôt pour l’éduquer correctement.
    Blanche s’installe donc au bord de la Loue, au château de Hautepierre. Son futur mari, Aymond, est un simple d’esprit d’une grande gentillesse. Si Blanche n’est pas enchanté au départ, elle va se prendre d’affection pour le jeune garçon.
    La vieille âme revient donc sur l’histoire de Blanche, son histoire, avec un recul de plusieurs siècles. Elle est blasée, un peu dégoutée par le monde qui l’entoure.
    Elle redécouvre cette histoire à chaque fois qu’elle l’entend, comme si on la lui racontait pour la première fois.

    L’histoire se déroulant au Moyen-Age, la croyance en Dieu côtoie les croyances païennes et la rivière est vue comme une créature vivante, parfois joueuse, souvent malveillante.

    L’écriture réussit le tour de force d’être à la fois poétique et vulgaire.
    Il faut dire qu’au Moyen-Age, on ne prenait pas de gant et on appelait un chat, un chat… Pas de métaphore, pas d’euphémisme…

    Les relations entre les personnages sont magnifiquement bien décrites. Elles sont complexes et les personnages sont faillibles, ont des comportements contradictoires, bref, sont pleinement humains.

    En filigrane de l’histoire de Blanche, la mort est omniprésente : la peste (pestilence), les accidents, les meurtres (dont certains commis par un pédophile), les exécutions sommaires… Malgré son jeune âge, Blanche a depuis toujours été confrontée à la mort.
    Dire que la fin m’a surprise est un euphémisme. Je ne m’attendais vraiment pas à ça, mais j’ai vraiment apprécié cette fin.

     

    Un extrait : À tes côtés, je m’émerveille.

    Blottie dans mon ombre, tu partages ma couche.

    Tu dors, ô mon enfance,

    Et, pour l’éternité, dans la tombe, je veille.

    Tout aurait dû crever quand tu as gagné ton trou, gamine,

    Au lieu de quoi la vie a dominé, sans joie.

    Seule la rivière a tenté quelque chose pour marquer ton départ, ma lumineuse.

    Dans la brume du petit matin, elle a soudain figé ses eaux vertes tout du long, si bien qu’en amont de la Furieuse, les aubes des moulins se sont arrêtées de tourner, comme engluées dans du métal fondu. Dès que l’haleine humide et claire qui la nappait de vapeurs nocturnes est remontée à flanc de coteaux jusqu’à se dissoudre tout à fait dans la chaleur du jour, dès que la rivière est apparue, nue, débarrassée de ses longs voiles laiteux, les meuniers de la vallée ont découvert que la Loue enchanteresse s’était changée en miroir : plus rien ne bougeait dans son lit que le reflet du monde des berges et celui des nuages épars de mai. Alors, à mesure que le jour s’est déplié sur cette terre qui penche, la vie du dehors s’est laissé prendre au piège de sa propre image, étonnée de se voir des contours si nets à la surface des eaux mortes et inquiétantes qu’aucune ondulation ne venait plus troubler. La Loue faisait silence et, jusqu’à ce que les cloches aient sonné sexte, on n’a plus entendu le moindre clapotis contre les pierres. Chut ! Chut ! Même dans les pentes raides des gorges, qui, jamais jusque-là, ni de nuit, ni de jour, n’avaient cessé leurs papotages, les langues d’eau, saisies en pleine course, s’étaient tues. Chut ! Chut !

    Rien ne semblait pouvoir briser le sortilège qui avait pétrifié la rivière. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait, de quelque enchantement !

    Ce matin qui a suivi la fin de notre histoire, mon éclatante, le vent lui-même a renoncé à remuer la surface plombée de la Loue. Aucune de ses caresses ne pouvait froisser l’enveloppe, lisse à pleurer, de la belle serpente. Nul sillage ne ridait cette étrange peau de métal qu’elle s’était forgée en une nuit. Ni frisson sous les ongles des araignées d’eau, ni tressaillement aux frôlements bleus d’une libellule, ni efflorescence sous les branches basses. La Loue ne prenait plus plaisir à lécher ses berges, plus de va-et-vient sur le sable ou la pierre, plus d’ondoiements dans sa chevelure d’algues, plus de soupirs, plus un souffle. Rien ne scintillait à sa surface. Le soleil, qui se faufilait entre les arbres pour la rejoindre, se glaçait à son contact. L’astre était réduit à un cercle blanc, sans feux.

     

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  • [Livre] Juste avant le bonheur

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    Résumé : Julie, 20 ans, qui élève seule son fils Lulu est caissière dans un supermarché. Elle attire l'attention d'un client, quinquagénaire aisé à nouveau célibataire. Généreux et désintéressé, Paul invite Julie à passer quelques jours dans sa belle villa de bord de mer en Bretagne. Ils y retrouvent Jérôme, le fils de Paul, qui se remet mal du suicide de sa jeune femme. Gaieté et optimisme reviennent grâce à l'attachante présence du petit Lulu. Mais au retour, un nouveau drame survient. Une chaîne de soutien, d'affection et de tendresse se forme autour de Julie. Avec elle, à travers elle, des êtres désemparés tentent de réapprendre à vivre et de saisir une deuxième chance. La force des épreuves surmontées, l'espoir d'un nouvel amour, ainsi qu'une bonne dose d'intelligence et d'humour peuvent réussir ce miracle.


    Auteur : Agnès Ledig

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Drame, Contemporain

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Ce livre a été à la fois un coup de cœur et une torture. Un coup de cœur parce que l’écriture est tellement belle, l’auteur fait passer tellement d’émotions à travers ses mots qu’il me semble impossible de ne pas aimer ce livre.
    Les sentiments que décrit l’auteur sonnent si justes qu’on se demande si elle n’a pas fait l’expérience de certaines des situations qu’elle décrit.
    Mais ce roman a également été une torture pour exactement les mêmes raisons qu’il a été un coup de cœur : les émotions qu’il déclenche.
    Je n’ai jamais autant pleuré en lisant un livre.
    Ce roman c’est l’histoire de la vie qui doit continuer car, malgré les épreuves, la terre ne s’arrête pas de tourner et il faut continuer d’avancer car, comme le dit le proverbe arabe cité dans le livre à de nombreuses reprises : « ne baisse pas les bras, tu risquerais de le faire deux secondes avant le miracle », et ce même quand, les miracles, on a plus trop envie d’y croire.
    Je ne peux pas développer les sentiments que j’ai ressenti sans vous dévoiler l’intrigue, ce que je ne veux absolument pas faire, car découvrir au fur et à mesure contribue à la force de ces sentiments. Alors pour conserver toute son intensité à ce roman, je me contenterai de vous dire de foncer, de ne pas hésiter et de le lire sans réserve !
    Juste un conseil : n’oubliez pas la boîte de mouchoirs… Je dis ça, je dis rien…

     

    Un extrait : Elle en a vu d’autres, Julie.

    Elle aurait pu s’opposer, prendre le risque, perdre son travail, mais garder sa dignité.

    Quelle dignité ?

    Ça fait belle lurette que ce petit bout de femme l’a perdue. Quand c’est une question de survie, on range au placard les grands idéaux qu’on s’était fabriqués gamine. Et on encaisse, on se tait, on laisse dire, on subit.

    Et puis, elle a besoin de ce boulot. Vraiment. Ce connard de Chasson le sait. Directeur sans scrupules, capable de virer une caissière pour une erreur de dix euros. Alors cinquante !

    Julie sait pourtant qui lui a volé ces cinquante euros, quand elle avait le dos tourné. Mais il est mal vu de dénoncer les collègues. Très mal vu. Ça vous colle une réputation sur le dos aussi solidement qu’un pou sur une tête blonde. Elle préfère éviter.

    « Mademoiselle Lemaire, je pourrais vous virer sur-le-champ. Cependant, je connais votre situation, je sais que vous ne pouvez pas rembourser. Méfiez-vous, je pourrais vous demander de trouver une solution pour réparer vos erreurs de caisse. Vous voyez de quoi je parle ? Sinon, demandez à certaines de vos collègues, elles ont compris comment faire », lui a-t-il lancé, le regard fixe, sans aucun état d’âme, un mauvais sourire sur les lèvres.

    Salaud !

    Il présente bien, pourtant. Le gendre idéal. Grand, dynamique, souriant, le menton carré et les tempes grisonnantes. Toujours une main dans le dos pour rassurer, encourager. Toujours un mot gentil quand il passe saluer les employés le lundi matin. Une épouse élégante et des enfants polis. Le type qui a commencé petit et a gravi les échelons à la sueur de son front, forçant le respect et l’admiration. Voici pour la face brillante de la médaille. Et puis, quand on la retourne, il y a le loup, le prédateur, l’homme qui veut des femmes à ses pieds pour se prouver qu’il est le plus fort.

    Quelques minutes plus tard, Julie marche d’un pas rapide dans le long couloir qui sépare le bureau du directeur de la galerie marchande. Sa pause touche déjà à sa fin. Elle aurait préféré la passer à autre chose qu’à ce genre de convocation. D’un revers de manche, elle essuie avec rage une larme échouée sur sa joue. Un malheureux signe de faiblesse qu’elle se doit de chasser immédiatement.

    Parce qu’elle en a vu d’autres, Julie.

    Elle fait partie de ces gens que le destin épargne peu.

    Il y en a comme ça…

     

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  • [Livre] Emprise

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    Résumé : Styliste free-lance de 29 ans, Claire est une célibataire heureuse. Tout change lorsqu’elle rencontre Mark, un beau gosse charmeur. Elle qui ne voulait pas d’un homme chez elle le voit s’installer au bout de quelques semaines, et la voilà mariée après quelques mois de relation. Plus encore, elle quitte tout pour suivre Mark en Arabie Saoudite, où il est missionné afin d’ouvrir un laboratoire de haute sécurité. Arrivée à Riyad, elle est à la fois séduite par l’Orient et déroutée par toutes les contraintes imposées aux femmes. Commence alors pour Claire une longue descente aux enfers. Forcée de se soumettre à de nouvelles règles, elle va peu à peu perdre sa combativité et son identité alors que son mari fait preuve d’une violence insoupçonnée...


    Auteur : Valérie Gans

     

    Edition : Le livre de poche

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 02 Mai 2018

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Je ne sais pas si c’est parce que j’ai côtoyé ce type de personnes, ou si c’est vraiment évident pour tout le monde sauf pour les personnages du livre, mais, à l’instant même où on rencontre Marc, j’ai vu les mots « pervers narcissique » qui se sont mis à clignoter en néons tricolores à l’arrière de mon cerveau.
    Vous me direz que si j’avais lu le résumé présent sur livraddict, j’aurais pu voir qu’on nous prévient quand même pas mal. Celui que j’ai mis est plus discret sur le sujet, mais celui présent sur le site est assez explicite et ne fait pas mystère de la personnalité de Marc.
    Mais ce n’est pas grave d’identifier à l’avance la vraie nature de Marc parce que ce qui est prenant, dans ce livre, c’est de voir comment une jeune femme épanouie, équilibrée, avec un métier qui la passionne, très entourée par ses amies et sa famille, avec une vie de quartier d’une grande richesse, a pu tomber sous l’emprise d’un tel homme. Il est vraiment important d’avoir des récits qui montrent que tout le monde, absolument tout le monde, peut être victime de ce genre de manipulateur a haute toxicité (ou manipulatrice d’ailleurs). On voit tout le mécanisme d’isolement et de dénigrement qui permet au prédateur de cerner sa proie.
    Pour arranger les choses, le couple part vivre en Arabie Saoudite. Là est le seul côté négatif que j’ai trouvé à ce roman. Déjà, il n’y a pas besoin d’être dans un pays aussi hostile aux femmes pour être prise au piège d’une relation toxique. Ensuite, Claire tombe des nues quand elle découvre qu’en Arabie les femmes doivent porter le voile intégral, n’ont pas le droit de conduire (droit obtenu il y a seulement quelques mois), d’utiliser les équipements sportifs, d’entrer dans un café etc… Mais honnêtement, on se demande dans quelle grotte elle a vécu pour ignorer l’absence de droits des femmes de ce pays, absence de droits qui sont souvent sur le devant de la scène internationale ! Qu’elle soit ignorante à ce point manque de crédibilité et ne cadre pas avec le personnage. Enfin, l’auteur semble dire que Claire n’aurait pas été sous l’emprise de Marc s’ils n’avaient pas été dans ce pays. Je trouve que c’est extrêmement réducteur. Que ça minimise l’ampleur de la toxicité des pervers narcissique et que ça projette la faute sur l’environnement plutôt que sur le manipulateur.
    En revanche, j’ai beaucoup aimé la description de la vie en Arabie saoudite : le spectre de l’arrivée d’une seconde épouse qui plane sans cesse sur les mariages, l’alcool qui coule à flot à l’abri des maisons alors qu’il est interdit dans le royaume, l’intolérance religieuse, l’exploitation de la main d’œuvre étrangère et en particulier des ouvriers philippins qui sont littéralement prisonnier d’un pays, leur employeur refusant de demander pour eu le visa de sortie nécessaire pour quitter le pays.
    Malgré le danger, on voit que les saoudiennes tentent de s’entraider dans la mesure de leurs faibles moyens.
    C’est vraiment un livre que je recommande car il permet de prendre conscience de certaines choses sur lesquelles on ne s’attarde pas assez souvent.

     

    Un extrait : Le premier rendez-vous eut lieu dans le café de la rue des Abbesse où, lorsqu’elle n’était pas coincée chez elle par une « charrette », à dessiner nuit et jour pour remettre un projet dans les délais, Claire avait l’habitude de descendre, le matin, avaler un café et un croissant en faisant des croquis des passants. Sa manière à elle de prendre des notes, tout en s’imprégnant de l’air du temps.
    Stéphane, le patron, l’aimait bien. Même quand son bistrot était bondé, il lui laissait volontiers occuper deux tables, afin qu’elle pût déployer tout son attirail, comme il disait. Un grand bloc de papier canson, des fusains et une trousse remplie de crayons.
    En échange, Claire lui offrait de temps en temps un dessin, qu’il faisait encadrer et accrochait derrière le bar, non sans une certaine fierté. C’est une amie, disait-il lorsqu’on le complimentait sur ces scénettes au trait nerveux et enlevé, tantôt humoristiques, tantôt pleines de poésie, prises sur le vif sur la terrasse ou au comptoir.
    - Claire ! Je suis content de te voir, ça fait un bail, dis donc ! l’accueillit Stéphane en rapprochant deux tables en terrasse à son intention.

    - Une capsule à rendre !

    Claire l’embrassa sur la joue, avant de s’asseoir et d’étaler ses longues jambes au soleil. Comme Stéphane la regardait avec des yeux ronds, elle précisa :

    - Une capsule, c’est une mini-collection ! Hmm… ça fait du bien de souffler…

    - Tu m’en diras tant ! Je te sers un petit café ?

    Sans attendre la réponse, Stéphane était déjà en train de se diriger vers la machine à expresso.

    - Non, non, Stéph, pas tout de suite ! Je euh… j’attends quelqu’un !

    Claire rougit malgré elle.

    - Ah !

    Imperceptiblement, Stéphane se renfrogna. Sans vouloir se l’avouer, il était un peu amoureux de Claire et, même s’il savait pertinemment qu’il n’y aurait jamais rien entre eux, il détestait l’idée qu’elle pût avoir des amants. S’il la voyait assez souvent pour être quasiment certain qu’elle n’avait personne dans sa vie, le fait que ce matin elle « attende quelqu’un » et le lui confie en rougissant ne lui disait rien qui vaille.

    - Ah ! répéta-t-il avant d’aller passer un coup de torchon sur son zinc, qui n’en avait pas besoin. Tu me diras, alors…

     

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  • [Livre] Esprit d’hiver

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    Résumé : Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d'angoisse inexplicable. Rien n'est plus comme avant. Le blizzards s'est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant...


    Auteur : Laura Kasischke

     

    Edition : Le livre de poche

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 01 octobre 2014

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Dire que ce livre met mal à l’aise est un euphémisme. Pourtant la situation de départ n’a rien d’exceptionnel : une mère un peu prégnante et sa fille en pleine crise d’adolescence se retrouvent seules chez elles quand une soudaine tempête de neige empêche les invités, et le père parti chercher les grands-parents, de les rejoindre pour le repas de noël. Entre la mère et la fille on sent que la dispute couve.
    D’emblée, j’ai eu du mal à supporter Holly qui se pose en victime perpétuelle, pensant que chacun de ses échecs est imputables à quelqu’un qui a fait en sorte de l’empêcher de réussir. Bien qu’elle semble faire de son mieux, elle m’est apparue comme profondément perturbée, éternellement insatisfaite et surtout victime d’un sentiment de persécution assez prononcé : chaque geste fait par autrui qui ne lui convient pas est perçu comme fait spécifiquement contre elle.
    Elle projette ses désirs, peurs, envies et angoisses sur sa fille et réagit comme si le fait que Tatiana avait une individualité qui lui est propre était un rejet de sa personne en tant que mère et une offense personnelle.
    J’ai aussi été très choquée de son attitude concernant la santé. Qu’elle se méfie des vaccins, soit, plein de monde le fait, mais elle va jusqu’à mentir à son mari en prétendant conduire sa fille régulièrement chez le dentiste alors qu’il n’en est rien. On dirait qu’elle a peur que quelqu’un vienne ternir l’image de quasi-perfection qu’elle a de sa princesse russe.
    Bien que l’histoire soit écrite à la 3ème personne, on la découvre du point de vue de Holly ce qui permet d’avoir accès à des pensées qu’elle n’admettrait sûrement pas en public.
    Pendant tout le livre, je n’ai été persuadée que d’une chose : la folie de Holly.
    Je me suis demandée si on allait découvrir que Holly était schizophrène, si elle était en rupture psychotique, si elle était internée et que Tatiana sortait complètement de son imagination, je me suis même demandée si elle n’était pas dans le coma… je me suis aussi demandée si Tatiana n’était pas en train de rendre sciemment sa mère folle, et même si son père n’était pas complice… Bref, vous l’aurez compris, j’ai tout imaginé, des dizaines d’explications, y compris le basculement dans un univers fantastique avec la révélation de la présence d’une entité maléfique…
    N’importe quoi qui puisse expliquer ce malaise qui grandit page après page.
    Le rythme est lent, ça en est même encore plus angoissant ca on s’attend toujours à une action, une sorte d’explosion, qui ferait retomber la tension, quitte à ce qu’elle recommence à monter ensuite, mais non… Impitoyable, l’auteur ne nous apporte pas ce soulagement et continue de jouer avec nos nerfs jusqu’à ce que la réponse à nos questions se révèle, à la toute dernière page.
    Objectivement, une fois cette pages lues, plein d’indices m’ont sauté aux yeux (comme toujours… après coup !).
    C’est vraiment un roman particulier qu’on peut soit adorer soit détester. Personnellement, j’ai beaucoup aimé.

     

    Un extrait : Noël, 20--

    Ce matin-là, elle se réveilla tard et aussitôt elle sut :

    Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux.

    C’était dans un rêve, pensa Holly, que cette bribe d’information lui avait été suggérée, tel un aperçu d’une vérité qu’elle avait portée en elle pendant – combien de temps au juste ?

    Treize ans ?

    Treize ans !

    Elle avait su cela pendant treize ans, et en même temps elle l’avait ignoré – c’est du moins ce qu’il lui semblait, dans son état de demi-veille, en ce matin de Noël. Elle se leva du lit et s’engagea dans le couloir en direction de la chambre de sa fille, pressée de voir qu’elle était là, encore endormie, parfaitement en sécurité.

    Oui, elle était là, Tatiana, un bras blanc passé sur un couvre-lit pâle. Les cheveux bruns répandus sur l’oreiller. Si immobile qu’on aurait dit une peinture. Si paisible qu’on aurait pu la croire…

    Mais ce n’était pas le cas. Elle allait bien. Rassurée, Holly retourna dans sa chambre et se glissa de nouveau dans le lit près de son époux – mais, à peine allongée, elle pensa encore une fois :

    Cela les avait suivis jusque chez eux !

    C’était quelque chose que Holly avait su, apparemment, au plus profond de son cœur, ou de son inconscient ou quel que soit l’endroit où ce genre d’information se terre à l’intérieur d’une femme, à son insu, pendant des années, jusqu’à ce qu’un événement lui fasse prendre conscience qu’elle a oublié, ou refoulé, ou…

    Ou bien était-ce une chose qu’elle avait volontairement ignorée ? À présent, elle s’en apercevait :

    Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux !

    Mais quoi ?

    Et Holly pensa alors : Je dois l’écrire avant que cela ne m’échappe. Elle avait déjà ressenti ça plus jeune – l’envie presque paniquée d’écrire à propos d’une chose qu’elle avait entraperçue, de la fixer sur la page avant qu’elle ne file à nouveau. Certaines fois, il avait failli lui soulever le cœur, ce désir d’arracher d’un coup sec cette chose d’elle et de la transposer en mots avant qu’elle ne se dissimule derrière un organe au plus profond de son corps – un organe un peu bordeaux qui ressemblerait à un foie ou à des ouïes et qu’elle devrait extirper par l’arrière, comme si elle le sortait du bout des doigts d’une carcasse de dinde, si jamais elle voulait l’atteindre une nouvelle fois. Voilà ce que Holly avait ressenti chaque fois qu’elle écrivait un poème, et pourquoi elle avait cessé d’en écrire.

    Mon Dieu, cette pensée était pourtant comme un poème – un secret, une vérité, juste hors de portée. Holly allait avoir besoin de temps pour arracher d’elle cette pensée et l’examiner à la lumière, mais elle était en elle, qu’elle en ait eu ou pas conscience avant ce moment. Comme un poème aspirant à être écrit. Une vérité insistant pour être reconnue.

    Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux !

    Cela expliquait tellement d’événements !

     

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  • [Livre] Too late

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    Résumé : Sloan n'a jamais eu une vie facile et elle a toujours dû se battre pour obtenir ce dont elle avait besoin. C'est justement pour échapper à une situation sans issue qu'elle a accepté de partager la vie de son petit ami, Asa. Depuis, elle étouffe dans cette relation toxique. De plus, c'est un homme à la morale douteuse qui se livre à de multiples trafics. Elle n'a pas le choix de partir et décide de supporter ce qu'il lui fait subir jusqu'à ce qu'elle puisse lui échapper. Seule. Personne ne peut l'aider à sortir de cette situation. Sauf peut-être Carter, cet étudiant aux multiples secrets qu'elle vient de rencontrer. Asa est prêt à tout pour garder Sloan. Il a besoin d'elle et il fait tout pour la persuader qu'elle ne peut pas se passer de lui. Personne ne s'interposera entre Sloan et lui. Sauf peut-être Carter.


    Auteur : Colleen Hoover

     

    Edition : Hugo Roman

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 03 mai 2018

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : Après avoir lu « Jamais plus » j’ai été très réticente à lire un autre roman de Colleen Hoover de crainte de la déception. Ce sentiment a été renforcé par le fait que l’auteur disait que ce livre était différent de ses autres livres. Et justement, ce livre a été pour moi un coup de cœur, donc si ses livres habituels sont différents, est ce qu’ils vont me plaire ou est ce que tout ça va être trop romance pour moi ?
    Et puis est sorti Too late. Et Colleen Hoover de dire que ce livre est différent de ses autres livres. Tiens donc ? Cette information m’a fait me radiner dans ma librairie comme ma chatte quand on ouvre une boîte de thon !
    Et je ne l’ai pas regretté. Si ce livre a failli ne pas entrer dans la catégorie « coup de cœur », j’expliquerais pourquoi, il reste qu’il en est un, et un gros.
    Sloan n’a jamais eu la vie facile et sa relation avec Asa n’est pas pour arranger les choses. Pourtant la jeune fille n’a guère le choix : Asa est la seule chance pour son petit frère handicapé de recevoir les soins dont il a besoin. Et pour son frère, Sloan est prête à tout accepter, à tout subir. Malgré tout la situation commence à lui peser de plus en plus et Asa se montre de plus en plus difficile à vivre.
    Pendant toute la durée du roman, je me suis demandée sui Asa est sociopathe ou schizophrène. Après la fin du roman, je ne suis toujours pas sûre de ce qu’il en est, même si je penche plus pour une option que pour l’autre.
    Le roman alterne entre les points de vue de Sloan, Asa et Carter ce qui nous permet de nous attacher aux personnages (enfin, nettement moins à Asa qu’aux deux autres).
    Asa est vraiment horrible, non content d’être un dealer, il est d’une jalousie maladive, violent (même s’il se contrôle avec Sloan la plupart du temps), infidèle, sans aucun respect pour qui que ce soit. Pour couronner le tout, il impose à plusieurs reprises des relations sexuelles non consenties à Sloan. Et c’est justement ce point qui a failli m’empêcher d’avoir un coup de cœur pour ce livre. Certes, les relations imposées à Sloan font parties du personnage d’Asa, cela participe à nous montrer sa psychologie et a donner du corps au personnage. Mais le problème que j’ai eu avec ses scènes est leur description un peu trop minutieuse. A chaque fois. Je veux bien que la première scène relatée soit décrite de manière assez détaillée, encore que certains détails n’apportent rien à l’histoire, mais je ne vois pas l’intérêt de décrire par le menu chacun de ces rapports, tout comme je ne vois pas l’intérêt de décrire minutieusement les rapports d’Asa avec ses conquêtes. Pour moi, dans ces moments là, on s’est rapproché des romances new adult, toutes conçues sur le même modèle, à savoir flirter avec le porno pour émoustiller les ados pré pubères. Ce n’est pas digne de ce livre qui aborde des sujets difficiles et qui, par ailleurs, le fait avec beaucoup de justesse.
    En plus d’Asa, qui est déjà assez dangereux à lui tout seul, Sloan est aux prises avec la concupiscence des acolytes de ce dernier. Si Asa fait en général assez peur pour que personne n’ose toucher sa copine, on sent que la peur qu’il inspire ne va plus faire le poids longtemps face à la rancœur que ressentent ses hommes en le voyant faire main basse sur leurs propres compagnes.
    Carter est mignon. Il veut sincèrement aider Sloan mais c’est un idéaliste qui veut tout réussir : sa mission, sauver Sloan… Il est assez naïf par certains aspects et ça se retourne à la fois contre lui et contre Sloan.
    Je sais que c’est une chose qui a dérouté beaucoup de lecteurs, mais personnellement, j’ai tout simplement adoré qu’il y ait une sorte de prologue à la fin du livre, ainsi que plusieurs épilogues. Ces aller-retour dans le temps sont vraiment un plus qui rendent la fin de ce roman explosive. A chaque fois qu’on se dit : on peut souffler… Et bien non.
    A tel point que quand c’est vraiment fini, on tourne la page avec une certaine méfiance, se demandant si l’auteur ne nous réserve pas un dernier rebondissement.
    Sérieusement, vraiment un coup de cœur.

     

    Un extrait : Des doigts tièdes entrelacent les miens, enfonçant davantage mes mains dans le matelas. J’ai les paupières trop lourdes pour les rouvrir tellement je manque de sommeil, cette semaine. Ce mois-ci, devrais-je dire.
    Ou plutôt toute cette putain d’année !
    Dans un gémissement, j’essaie de resserrer les jambes mis je n’y arrive pas. Je sens trop de pression partout. Sur ma poitrine, contre ma joue, entre mes cuisses. Il me faut plusieurs secondes pour dégager ma conscience de sa brume de sommeil, mais je suis assez consciente pour savoir ce qu’il est en train de faire. Je murmure d’un ton irrité :
    - Asa. Lâche-moi.
    Il pousse à plusieurs reprises de tout le poids de son corps sur le mien, geignant contre mon oreille, me griffant la joue de sa barbe matinale.
    - J’ai presque fini, chérie, souffle-t-il.
    J’essaie de dégager mes mains mais il les serre trop fort, me rappelant que je ne suis qu’une prisonnière dans mon propre lit, qu’il est le gardien de la chambre.
    Asa m’a toujours fait sentir que mon corps était à sa disposition. Il n’est pas méchant pour autant, il n’utilise jamais la force, mais il a continuellement envie de moi, et ça commence à m’exaspérer.
    Comme en ce moment.
    A six heures du matin.
    Le soleil vient de se lever, un rayon passe sous la porte ; Asa vient à peine de se coucher après la fête d’hier soir. Seulement moi, j’ai cours dans moins de deux heures. J’aurais préféré ne pas être réveillée de cette façon, après tout juste trois heures de sommeil.
    J’enroule les jambes autour de sa taille, en espérant lui donner l’impression que je prends du plaisir aussi. Dès que je me montre un peu intéressée, il termine plus vite.
    Il empaume mon sein droit et je laisse échapper le gémissement qu’il attend, à l’instant où il se met à trembler contre moi.
    - Merde ! grogne-t-il en enfouissant le visage dans mes cheveux.
    Maintenant, il oscille légèrement sur moi. Au bout de quelques secondes, il s’effondre dans un profond soupir, puis m’embrasse sur la joue et roule vers sa place sur le lit. Il se lève, ôte le préservatif, qu’il jette dans la poubelle, puis attrape une bouteille d’eau sur la table de nuit, la porte à sa bouche tout en promenant ses yeux sur mon corps dénudé. Ses lèvres s’étirent en un sourire indolent.
    - Ca me plait de penser que je suis le seul à pénétrer là-dedans.
    Il avale les dernières gorgées, debout, nu, à côté du lit.
    Difficile d’accepter ses compliments quand il surnomme mon corps « là-dedans ».
    Il est séduisant mais est loin d’être parfait. En fait, il n’a que des défauts, il est juste beau mec. Et aussi frimeur, susceptible, parfois difficile à gérer. Sauf qu’il m’aime. Il m’adore. Et je mentirais si je disais que je ne l’aime pas. Il y a tant de choses en lui que je voudrais changer si je le pouvais mais, pour le moment, je n’ai que lui, alors je m’en accommode. Il m’a accueillie quand je n’avais nulle part où aller, personne auprès de qui me tourner. Pour cette seule raison, je le supporte. Je n’ai pas le choix.

     

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  • [Livre] On achève bien les chevaux

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    Résumé : Gloria et moi avions été prévenus par de vieux routiers que la seule façon de tenir le coup jusqu'au bout dans un marathon de danse, c'était d'utiliser au mieux ces pauses de dix minutes grâce à une méthode précise : apprendre à manger son sandwich tout en se rasant et en se faisant soigner les pieds, apprendre à lire les journaux en dansant, apprendre à dormir sur l'épaule de son ou de sa partenaire ; mais tout cela, c'étaient des trucs de métier qui demandaient de l'entraînement. Au début, nous eûmes beaucoup de peine à nous y mettre, Gloria et moi.


    Auteur : Horace McCoy

     

    Edition : Folio

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 1935 ; 1998 dans cette édition

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Dans ce livre, tout commence par la fin. Dès la première page, on sait que Robert est devant le juge pour le meurtre de Gloria. Chaque début de chapitre est un fragment de la sentence que le juge prononce à l’égard du jeune homme et, si on sait lire entre les lignes, on sait parfaitement quelle va être cette sentence.
    Mon soucis à ce sujet a été que lorsque j’arrivais au chapitre suivant, je ne me souvenais plus de ce que disait le fragment précédent et que du coup j’ai eu du mal à lire cette phrase comme ça par petit bout. J’ai d’ailleurs fini par la lire en une seule fois, en retournant au début de chaque chapitre pour relire chaque fragment les uns après les autres.
    Entre ces fragments de sentence, on reprend l’histoire de Robert et Gloria, de leur rencontre jusqu’au geste fatal du jeune homme. Leur histoire va tourner tout entière autour d’un marathon de danse. Il faut dire que le prix pour le gagnant est de 1000 dollars, une sacrée somme pour l’époque, de quoi appâter bon nombre de personnes. Même pour ceux qui ne vont pas gagner, la perspective de plusieurs repas par jour suffit à leur faire relever le défi. Et pourtant, les conditions du « jeu » relèvent plus de l’enfer que de la compétition. Les participants ne doivent jamais cesser de bouger, sauf pendant 10 minutes de pauses accordées toutes les deux heures. Autant dire que les repas chaud promis se prennent sur le pouce, que le sommeil n’est très vite plus qu’un vague souvenir et que l’épuisement, pour des personnes déjà à l’origine pas bien vaillantes, va très vite se révéler dangereux. Et comme si cela ne suffisait pas, les organisateurs mettent en place des « derby », des courses de vitesses au terme desquelles le couple arrivé en dernier sera éliminé. Autant vous dire que si les participants sont enthousiastes après quatre ou cinq heures de danse, ils le sont nettement moins après 700 heures. Car oui, les marathons durent des semaines entières, semaines pendant lesquelles les joueurs sont réduits à l’étant de loque, de zombies, qui ne bougent plus que mécaniquement parce que s’arrêter reviendrait à tout perdre.
    L’ouverture d’un bar va attirer la présence de gens peu recommandables et attirer l’œil désapprobateur groupes de moralité : des bourgeoises qui passent leur temps à donner des leçons aux autres et en particulier aux pauvres gens qui ont plus le souci de survivre que de se faire bien voir des rombières.
    J’ai bien aimé Robert. Il est enthousiaste et volontaire. Assez conscient de ses faibles chances de percer dans le cinéma mais voulant quand même se donner les moyens de se faire connaître.
    A l’inverse, j’ai eu énormément de mal avec Gloria. Ce n’est pas seulement qu’elle soit dépressive. Cela je pourrais le comprendre vu la vie qui est celle des pauvres à cette époque. Mais elle est négative, nocive, cherchant à entraîner quiconque lui parle dans le gouffre sans fond de morosité où elle semble se complaire.
    Je ne l’ai appréciée que dans une seule scène : celle où elle dit le fond de sa pensée aux bonnes femmes du groupe de moralité. C’était parfait, un peur instant de bonheur. Et tellement vrai en plus de ça !
    J’ai eu l’impression que Gloria arrivait à ses fins en entrainant Robert dans sa chute. Elle aurait pu mettre fin à ses jours seule dans un coin, mais non, insidieusement, elle le pousse à penser qu’il lui rend service.
    En à peine un peu plus de 200 pages, Horace McCoy démolit l’image du rêve américain (ce qui, était sûrement un choc pour tous en 1935, mais qui, pour nous lecteurs de 2018, ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà sur le pseudo rêve américain, même s’il n’y a plus de marathon de danse).
    C’est un livre qui se lit très vite. Les chapitres sont courts et le rythme, à l’instar de la danse, ne ralentit jamais. On pourrait penser qu’il y aurait un goût de trop peu, mais non, l’histoire est parfaitement dosé et on en ressort en ayant l’impression que tout ce qu’il y avait à dire a été dit.

     

    Un extrait : C’est bizarre la façon ont j’ai connu Gloria. Elle aussi essayait de faire du cinéma, mais je ne l’ai su que plus tard. Je suivais l’avenue Melrose un jour en revenant des studios Paramount, quand j’entendis derrière moi quelqu’un brailler :

    « Eh ! Eh ! » Alors je me retournai et c’était elle qui accourait dans ma direction en me faisant de grands signes. Je m’arrêtai et, moi aussi, j’agitai la main. Lorsqu’elle parvint à ma hauteur, elle était hors d’haleine et tout animée, et je me rendis compte que je ne la connaissais pas.
    - Vacherie d’autobus ! fit-elle.
    Je tournai la tête et, en effet, à une cinquantaine de mètres plus loin, l’autobus descendait l’avenue vers les studios Western.
    - Oh ! Pardon ! dis-je. Je croyais que c’était à moi que vous faisiez signe…
    - Pourquoi vous aurais-je fait signe ?
    Je me mis à rire.
    - J’sais pas… Vous allez de mon côté ?
    - Tant qu’à faire, autant aller à pied chez Western, répondit-elle.
    Alors nous commençâmes à descendre l’avenue en direction de Western.
    C’est comme cela que tout a commencé et, à présent, cela me paraît tout à fait étrange. Je n’y comprends rien du tout. J’ai tourné et retourné tout ça dans ma tête et quand même je ne comprends pas.
    C’était pas un meurtre. Je veux rendre service à quelqu’un et, en fin de compte, je me fais tuer dans cette histoire.

     

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  • [Livre] Les sorcières de Salem

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    Résumé : 1692, Salem, Massachusetts. Deux jeunes filles ont perdu conscience suite à une sortie dans les bois. Le révérend Parris, père de Betty, a retrouvé sa fille et sa nièce Abigail dansant nues avec d’autres filles dans la forêt et prie pour sa fille tandis que les villageois en colère crient à la sorcellerie dans son salon ...


    Auteur : Arthur Miller

     

    Edition : Robert Laffon

     

    Genre : Théâtre

     

    Date de parution : 15 avril 2010

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé cette pièce, mais je regrette un peu de l’avoir lu dans l’édition que j’ai. En effet, j’ai lu la pièce traduite et adaptée par Marcel Aymé mais, contrairement au texte intégral, du moins d’après ce que j’ai pu déduire d’autres critiques, il n’y avait pas dans mon livre la richesse qu’offre le texte original. En effet, je n’ai eu ni didascalies à rallonge, donnant presque à la pièce des airs de romans, ni description détaillée des personnages.
    Il suffit de voir le nombre de pages, 238 dans mon éditions et 435 dans l’édition « Le livre de poche » pour se rendre compte de tout ce qui a disparu entre les deux.
    En réalité, je ne sais pas si j’aurais autant apprécié la pièce si je n’avais pas déjà connu l’adaptation cinéma et l’histoire vraie qui l’a inspirée.
    Pendant toute la pièce on en peut être qu’outré devant l’attitude des juges. Que les accusatrices soient des manipulatrices, comme dans la pièce, où qu’elles aient été empoisonnées à l’ergot de seigle, ce qui aurait provoqué des hallucinations collectives, puis interrogées jusqu’à ce que, poussées par la peur, elles donnent des noms, comme l’une des explications possibles avancée par les historiens pour expliquer ce phénomène d’hystérie collective, elles restaient des enfants (Si dans la pièce Abigaïl Williams a 17 ans, dans les faits, elle n’en avait que 11) et c’étaient aux juges de faire preuve d’impartialité. Mais on dirait que les juges ont été pris d’une boulimie d’exécution, signant des arrêts de mort à tour de bras sans même s’encombrer de preuves un tant soit peu solides. Comme si faire le plus de victimes possible allait garantir leur salut. Quand on sait qu’il suffisait de ne pas savoir dire ses 10 commandements pour qu’on commence à vous regarder de travers (Et les commandements c’est comme les nains de Blanche-Neige, il en manque toujours 1).
    D’ailleurs, l’indignation a été énorme déjà à l’époque puisque c’est le clergé de Boston, indigné, qui est intervenu auprès du gouverneur royal du Massachusetts pour mettre un terme aux agissements des juges de Salem et que l’un d’eux, Increase Mather, a déclaré dans un essai : « Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent échapper, plutôt qu'une personne innocente soit condamnée ». Comme quoi, ils avaient pas tous la même vision des choses !

    Un extrait : ABIGAÏL : Mon oncle, je n’ai rien voulu dire devant Suzanna, mais vous savez qu’au village le bruit commence à se répandre d’un mal surnaturel, justement. On va même jusqu’à dire que Betty s’est envolée.

    PARRIS : Envolée… Betty envolée… Voilà bien la fable la plus absurde qu’on puisse inventer.

    ABIGAÏL : Ne voulez-vous pas descendre ? Le parloir est plein de gens venus aux informations.

    PARRIS : Et que veux-tu que je leur dise, moi ? Que j’ai trouvé ma fille et ma nièce en train de danser la nuit comme des païennes dans une clairière de la forêt ?

    ABIGAÏL : Pourquoi pas ? Ce serait le meilleur moyen de couper court aux racontars.

    PARRIS : Abigaïl, je ne peux pas me présenter devant mes paroissiens alors que vous me cachez la vérité.

    ABIGAÏL : Mais je vous l’ai dit, elle est des plus simples, mon oncle. Nous dansions dans la clairière et quand vous avez brusquement surgi des buissons, Betty a eu si peur qu’elle s’est évanouie. Et voilà toute l’histoire. Il n’y a rien à dire de plus.

    PARRIS : Enfant, assieds-toi. Si tu sais quelque chose qui puisse aider le médecin, pour l’amour de Dieu, dis-le-moi.

    ABIGAÏL, tremble en s’asseyant : Je n’ai pas voulu faire de mal à Betty. J’ai toujours beaucoup aimé Betty.

    PARRIS : Réfléchis, mon enfant. Tu vois, je ne te gronde pas, je ne te punis pas. Mais si vous êtes allées dans la forêt pour évoquer les esprits, je dois le savoir tout de suite, car mes ennemis, eux, ne tarderont pas à l’apprendre et ce sera ma ruine.

    ABIGAÏL : Mais nous n’avons jamais évoqué les esprits.

    PARRIS : Une bouilloire était suspendue sur le grand feu autour duquel vous dansiez avec les autres jeunes filles. Pourquoi cette bouilloire ?

    ABIGAÏL : Nous avions froid, et Tituba nous a apporté de la soupe.

    PARRIS : Tu m’as dit que vous étiez allées au bois pour vous rafraîchir. Voilà maintenant qu’il vous fallait de la soupe pour vous réchauffer. (Abigaïl baisse les yeux.) Abigaïl, regarde-moi. Comprends-tu que j’ai de nombreux ennemis ?

    ABIGAÏL : Je le sais, mon oncle.

    PARRIS : Il y a dans le village une faction qui a juré de m’arracher à mon ministère, le comprends-tu ?

    ABIGAÏL : Je crois que oui.

    PARRIS : Eh bien, c’est précisément cette faction-là qui se réjouira d’apprendre que ma propre famille se livre dans la forêt à je ne sais quelles pratiques obscènes ! À quelles abominations !

     

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  • [Livre] La couleur des sentiments

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    Si vous désirez acheter ce livre, vous pouvez cliquer ICI ou sur l'image. Vous serez alors redirigés sur bookwitty. Si vous achetez le livre par ce lien, je touche une petite commission. Cela ne change rien au prix! D'ailleurs, j'indique dans la fiche le prix auquel je l'ai acheté, mais si entre-temps une version poche est sortie, je vous mets le lien vers le format le moins cher (après à vous de voir!)

     

    Résumé : Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine, et qui s'occupent des enfants. On est en 1962, les lois raciales font autorité. En quarante ans de service, Aibileen a appris à tenir sa langue. L'insolente Minny, sa meilleure amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses s'enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville. Peut-être même s'exiler dans un autre Etat, comme Constantine, qu'on n'a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables, les Phelan l'ont congédiée.

    Mais Skeeter, la fille des Phelan, n'est pas comme les autres. De retour à Jackson au terme de ses études, elle s'acharne à découvrir pourquoi Constantine, qui l'a élevée avec amour pendant vingt-deux ans, est partie sans même laisser un mot.

    Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Personne ne croirait à leur amitié; moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et en grand secret écrire une histoire bouleversante.

     

    Auteur : Kathryn Stockett

     

    Edition : Edition de la loupe

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 01 Mai 2009

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Encore une fois, en France, on est plus malin que les autres. Le titre original est : the help, qu’on peut traduire par : les bonnes. Nous on a mis comme titre : La couleur des sentiments. C’est très joli, mais quel rapport avec la choucroute ? Le titre du livre qu’on a dans les mains fait l’écho du titre du livre dont il est question dans le roman, ainsi, on a le sentiment de lire ce livre là… Là le titre français ne nous renvoie à rien.
    Dans ce livre s’oppose plus ou moins 3 clans. Il y a les riches blanches dont la première préoccupation sont les ragots, les vêtements et de renouveler leur abonnement au country club. Celles-ci s’opposent à tout rapprochement entre elles et leurs domestiques noires, assez bonnes pour élever leurs enfants, mais pas assez pour utiliser les mêmes toilettes qu’elles.
    Il y a les blanches qui se moque plus ou moins de ces considérations et qui traitent leur domestique comme des amies. C’est le cas de Miss Celia Foote et de Miss Eugenia « Skeeter » Phelam.
    Et il y a les domestiques. Qu’elles soient soumises, résignée, comme Aibileen, ou pleine de colère comme Minny, elles sont confrontées à la réalité du sud des Etats-Unis des années 60. Un simple regard réprobateur peut leur valoir le renvoie et une seule parole d’une employeuse mécontente peut leur fermer les portes du travail dans toute la ville et même alentours. Il ne faut pas oublier qu’on est à une époque où les mariages interraciaux sont interdits, que Martin Luther King commence à peine à faire parler de lui, qu’il y a des cinéma, des plages, des commerces, réservés aux noirs et d’autres aux blancs… La rébellion peut leur couter très cher.
    C’est en cherchant ce qui a pu arriver à Constantine, la domestique noire qui l’a élevée et qui a disparue pendant qu’elle était à la fac, sans un mot, que Skeeter prend conscience de la façon dont on traite les domestiques noires à Jackson.
    Le livre est un roman, mais l’auteur a connu cette période et a elle-même été élevée par une de ces domestiques noires, plus présente pour les enfants que leurs propres mères.
    Hilly est vraiment un Hitler en jupon. Non seulement elle tyrannise sa propre domestique, mais aussi celles des autres, ordonnant les renvois et les embauches, faisant en sorte que la domestique qui la contrarie ne retrouve plus de travail, que ses parents et ses enfants perdent également leur travail. Quant aux blanches qui s’opposent à elle, elle a vite fait de les mettre au pas en les excluant de la bonne société et en les mettant au ban de la ville. Cette femme a une telle influence ! Mais on se rend bien compte qu’il suffirait que trois ou quatre personnes s’élèvent contre elle pour qu’elle se dégonfle comme une baudruche.
    Quand Skeeter fait part de son projet (qui n’est pas son idée, mais celle du fils décédé d’une des bonnes), il m’a semblé qu’au début, elle ne s’intéresse qu’à se faire un nom dans le monde de l’édition, mais, petit à petit, les témoignages qu’elle recueille lui font prendre conscience des choses.
    Au début, d’ailleurs, les bonnes sont réticentes. Elles ont peur de parler, peur des conséquences si elles se font prendre. Mais certains événements vont faire que les langues vont se délier. Et les histoires racontées ne sont pas toutes horribles, certaines ont profondément aimé leurs employeurs, qui le leur rendent bien.
    Le livre alterne entre les voix d’Aibileen, de Minny et de Skeeter et chaque style est parfaitement reconnaissable.
    L’adaptation ciné est très bien, mais bien évidemment, elle a dû couper de très large parties du roman, sinon le film aurait duré 6 ou 7 heures. Du coup, on dirait presque que c’est un résumé.
    Pour une fois, je suis contente d’avoir vu le film avant de lire le livre, comme ça je n’ai pas passé deux heures à me dire : Ah ça c’est pas dans le livre, Ah, ça c’est un sacré raccourci…
    J’ai dévoré ce livre de plus de 600 pages sans même m’en rendre compte tant j’étais plongée dans l’histoire.
    Personnellement j’aime beaucoup, mais certains pourraient être dérangés par le rythme assez lent du livre. J’ai, pour ma part, trouvé que ça nous plongeait un peu plus profondément dans le sud.

     

    Un extrait : Mae Mobley, elle est née de bonne heure un dimanche matin d’août 1960. Un bébé d’église, comme on dit. Moi je m’occupe des bébés des Blancs, voilà ce que je fais, et en plus, de tout le boulot de la cuisine et du ménage. J’en ai élevé dix-sept de ces petits, dans ma vie. Je sais comment les endormir, les calmer quand ils pleurent et les mettre sur le pot le matin, avant que les mamans aient seulement le temps de sortir du lit.

    Mais un bébé qui hurle comme Mae Mobley Leefolt, ça j’en avais jamais vu. Le premier jour que je pousse la porte je la trouve toute chaude et toute rouge à éclater et qui braille et qui se bagarre avec son biberon comme si c’était un navet pourri. Miss Leefolt, elle a l’air terrifiée par son propre enfant. « Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Pourquoi je ne peux pas arrêter ça ? »

    Ça ? Tout de suite, je me suis dit : il y a quelque chose qui cloche ici.

    Alors j’ai pris ce bébé tout rouge et hurlant dans mes bras. Je l’ai un peu chahuté sur ma hanche pour faire sortir les gaz et il a pas fallu deux minutes pour que Baby Girl arrête de pleurer et me regarde avec son sourire comme elle sait faire. Mais Miss Leefolt, elle a plus pris son bébé de toute la journée. Des femmes qui attrapent le baby blues après l’accouchement, j’en avais déjà vu des tas. Je me suis dit que ça devait être ça.

    Mais il y a une chose avec Miss Leefolt : c’est pas juste qu’elle fronce tout le temps les sourcils, en plus elle est toute maigre. Elle a des jambes tellement fines qu’on les dirait poussées de la semaine dernière. À l’âge de vingt-trois ans, la voilà efflanquée comme un gamin de quatorze. Même ses cheveux bruns sont tellement fins qu’on voit au travers. Elle essaie de les faire bouffer, mais ça les fait seulement paraître plus fins. Et sa figure, elle ressemble à celle du diable rouge sur la bonbonnière, avec le menton pointu et tout. Pour tout dire, elle a le corps tellement plein de pointes et de bosses qu’il faut pas s’étonner si elle arrive jamais à calmer ce bébé. Les bébés, ils aiment les grosses. Ils aiment fourrer la tête sous votre bras pour s’endormir. Ils aiment les grosses jambes, aussi. Ça, je peux vous le dire.

    Mae Mobley, à un an, elle me suivait déjà partout où j’allais. Quand arrivait cinq heures elle se cramponnait à mes Scholl, elle se traînait par terre et elle bramait comme si j’allais jamais revenir. Après, Miss Leefolt me regardait de travers, à croire qu’il aurait pas fallu décrocher ce bébé qui criait à mes pieds. Je pense que c’est le risque qu’on prend, quand on laisse quelqu’un d’autre élever ses enfants.

     

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