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Drames - Page 3

  • [Livre] La maladroite

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    Résumé : Inspiré par un fait divers récent, le meurtre d'une enfant de huit ans par ses parents, La maladroite recompose par la fiction les monologues des témoins impuissants de son martyre, membres de la famille, enseignants, médecins, services sociaux, gendarmes. Un premier roman d'une lecture bouleversante, interrogeant les responsabilités de chacun dans ces tragédies de la maltraitance.

     

    Auteur : Alexandre Seurat

     

    Edition : Rouergue Eds

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 19 août 2015

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : On a ici un livre très court (8 chapitres + l’épilogue). Sa particularité est qu’il est raconté par les avis successifs des personnes ayant été proche de la petite Diana. Les institutrices successives de l’enfant, la grand-mère, la tante, les médecins scolaires, les gendarmes etc… chacun donne son point de vue.
    On avance donc dans l’histoire, au rythme de ces points de vue différents, de ces témoignages qui, réunis, nous permettent d’avoir une vision d’ensemble que ces témoins n’ont pas eue au moment des faits.
    Alexandre Seurat s’est inspiré de l’affaire Marina Sabatier, utilisant les minutes du procès pour les différents aspects de l’affaire et ne romançant que les passages qui sont restés inconnus du public.
    Si certaines personnes ont tout tenté pour protéger l’enfant, comme les institutrices, les directrices et le second médecin scolaire, les autres se sont plus ou moins désintéressés du cas de l’enfant.
    Chacun, que ce soit la tante, la grand-mère ou les assistantes sociales, ont laissé faire. Parce que le père était affable, parce que la gamine racontait au mot près la même version que son père pour expliquer ses blessures (ce qui à mon sens aurait dû mettre la puce à l’oreille des enquêteurs). La seule défense des services sociaux ? Le parquet a classé sans suite pour manque de preuve, donc on clôt le dossier. Alors que justement, ils auraient dû les chercher, ces preuves, pour les transmettre au parquet. Et ces preuves, c’était quoi qu’ils voulaient ? Des aveux ? Parce que de toute évidence, les nombreux signalements des différentes écoles, l’hospitalisation en urgence de Diana, décidée par le médecin scolaire, tout ceci n’était pas suffisant pour protéger cette enfant.
    Quand on lit les articles sur l’affaire, on voit à quel point chacun essaie de sauver sa peau, d’expliquer les défaillances des différents services.
    On se demande comment des parents qui font l’objet d’une suspicion de maltraitance n’ont qu’à simplement déménager pour mettre un frein à l’enquête.
    Le livre ne va pas au-delà des points de vue des protagonistes au cours de l’affaire, mais il suffit de taper le nom de la fillette pour savoir qu’à l’issue de leur procès, les parents ont été condamnés à 30 ans de réclusion criminelle et qu’une association de défense des enfants a porté plainte contre la France début 2015 devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme quand il a été clair qu’aucune mesure ne serait prise contre les institutions qui ont si gravement manqué à leur devoir.

    Un extrait : LA TANTE

    Alors j’ai vu. La première fois, j’étais dans leur cuisine avec Diana, quand elle a renversé un verre. Il s’est cassé. Un court instant qui a semblé durer une heure, elle m’a regardée très fixement, terrorisée, mais je ne comprenais pas. J’ai à peine eu le temps de dire, Ce n’est pas grave, que ma sœur était là. Elle s’était précipitée. Elle l’a prise, l’a emmenée dans la salle de bains, j’ai entendu le bruit de l’eau qui coulait dans la douche, et les cris de Diana. C’est allé tellement vite, j’ai vu Diana qui ressortait, trempée. Dans la stupéfaction, j’ai dit à ma sœur, Tu ne crois pas que tu y vas un peu fort ?, mais elle a dit, Et comment veux-tu qu’elle comprenne ? Je me souviens seulement de la petite robe blanche de Diana qui lui collait au corps, et de sa peau qu’on voyait à travers. Elle est repartie grelottante, toute seule, dans sa chambre. Cette nuit-là, je me rappelle que je me suis levée pour aller voir ma fille, pour vérifier qu’elle respirait, je posais une main contre sa joue, et sa joue était chaude dans ma main, et j’entendais son souffle sous ma main. Nous avons continué à les voir, peut-être que je voulais être sûre. Un soir que nous prenions l’apéritif chez eux, leurs enfants étaient là, à côté de la table basse. Et pendant que nous parlions, Diana s’est approchée de la table basse, elle a tendu le bras vers une coupelle, son père a attendu que la main de Diana prenne un gâteau, tandis qu’elle levait les yeux l’air interrogateur, mais ça venait un peu tard. Qu’est-ce que tu fais ?, a dit son père, et, sans prévenir, avant que j’aie eu le temps de rien comprendre, il a frappé le genou de Diana d’une série de petits coups de poing très secs, très durs, qui ont fait une rafale de petits bruits mats. Diana n’a rien dit, elle encaissait, les yeux baissés. J’ai fini par dire, Mais ça va pas ? Alors son père m’a regardée, et il a dit, Il faut bien qu’elle comprenne, ma sœur ne disait rien. Diana avait gardé les yeux baissés. Tout s’est passé très vite, la seule chose que je revois nettement, c’est le regard d’Arthur fixé sur moi, les yeux grands ouverts. Arthur muet, figé de peur ou d’étonnement. Alors on s’est levés, on est partis, et depuis ce jour-là on ne les a plus revus.

     

  • [Livre] Une femme blessée

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    Résumé : Fatimah vit au Kurdistan irakien avec son mari, ses enfants et sa belle-famille. Un jour, elle est emmenée à l’hôpital de Souleymanieh, très grièvement brûlée – soi-disant victime d’un accident domestique. Tandis que Fatimah lutte pour vivre malgré ses blessures, la vie dans son village s’organise sans elle. A tel point qu’il semble qu’elle n’ait jamais existé. Seule sa fille aînée continue à évoquer son souvenir.
    Que va devenir Fatimah ? Que s’est-il passé le jour de l’ »accident » ? Quels mystères planent sur cette femme ?

     

    Auteur : Marina Carrère d’Encausse

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 16 octobre 2014

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : L’auteur s’est inspirée d’une rencontre faite au Kurdistan irakien pour écrire ce roman.
    Omar est médecin au Kurdistan dans le service des grands brûlés.
    Tous les jours il soigne des femmes qui sont là pour des accidents domestiques. Et cela n'est guère étonnant puisque la plupart d'entre elles utilisent du matériel vétuste, alimenté au kérosène et souvent mal utilisé. Mais Omar sait aussi que sous couvert d'accident domestique se cache souvent d’autre raisons aux « accidents », parfois des tentatives de suicides de femmes qui ne se sentaient pas la force d’affronter leur famille pour une raison ou une autre, parfois un crime d'honneur.
    Il est médecin, il est là pour soigner ces femmes, mais il ne sait jamais à quel genre de vie il va les renvoyer. Il ne sait pas si, après qu'il se soit battu pour sauver leur vie, elles ne vont pas être agressées à nouveau au nom de l'honneur ou tenter à nouveau de mettre fin à leur jours.
    Il est très difficile de le savoir puisque le crime d'honneur c'est aussi la loi du silence.
    Une loi du silence qui fait que Fatimah ne parle pas de ce qui lui est arrivé, ne parle quasiment pas d'ailleurs, et qui fait que, de leur côté, ses filles ne savent pas ce que leur maman est devenue. Personne ne répond à leurs questions, on leur interdit même d'en poser, d'évoquer simplement leur mère ou même de pleurer son absence.
    Les doutes du médecin sont de plus en plus grands car, malgré le fait que le mari de Fatima vienne régulièrement demander de ses nouvelles, on a clairement l'impression que les nouvelles de bon rétablissement que lui donne le docteur ne lui conviennent pas.
    Mais là encore, quand l’honneur est en jeu, comment distinguer le vrai du faux, comment savoir ce qui se cache sous les apparences ?
    Le Maître d'école de l'aînée des filles de Fatimah semble choqué et même bouleversé d'apprendre l'hospitalisation de cette dernière. Je ne sais pas s'il soupçonne un crime d'honneur et le désapprouve ou s’il y a quelque chose de plus ambiguë entre lui et la mère de famille.
    Il faut noter que les crimes d'honneur ne sont pas uniquement commis par les pères, frères ou maris, mais que se sont parfois les femmes elles-mêmes qui perpétuent cette tradition barbare dont elles sont les premières victimes.
    Dans le cas de Fatimah, les choses sont encore plus compliquées car chaque membre de la famille ne connaît que certains éléments de l’affaire. Une seule personne sait tout et est bien décidée à ce que personne ne puisse relier les différents éléments entre eux.
    À la fin du livre, une page recto-verso nous donne les chiffres effarants du nombre de victimes des crimes d'honneur (5000 par an), nous explique les raisons pour lesquelles une femme peut-être agressée, qui vont de la simple rumeur jusqu'à la relation sexuelle consentie en passant par le viol ou le simple fait de rentrer un peu tard. Bien que la perte de la virginité semble être l'excuse la plus souvent invoquée, les chiffres officiels prouvent que plus de 80% des victimes étaient vierges au moment de leur mort.
    Malgré les actions des organisations internationales et humanitaires, les crimes d'honneur sont en expansion du fait du laxisme de la loi les concernant. Les meurtriers, qui sont accueillis comme des héros dans leur famille, sont en effet souvent condamnés à de simples peines symboliques (6 mois à 2 ans dont ils ne purgent jamais la totalité) et sont même régulièrement salués et félicités par les autorités pour leur « courage » qui leur a permis de faire « ce qui devait être fait ».

    On pourrait se dire que ce livre n'est qu'un énième récit de l'horreur que vivent ces femmes, mais il est important de continuer à en parler, le plus possible, afin de lutter contre ces pratiques inhumaines.

    Un extrait : Premier jour, Souleymanieh, Kurdistan irakien, hôpital des grands brûlés.

    Il est 15 heures. Le soleil est au plus haut. Il fait chaud, l'air est étouffant. La rue est bruyante, la poussière omniprésente.
    À l'intérieur de l'hôpital, le calme n'en est que plus remarquable. Les stores baissés tamisent la lumière, il fait bon. Un havre de paix, en quelque sorte…
    On pourrait le penser si, dehors, il n'y avait l'enfer de la guerre. Cela fait près de trente ans déjà que le pays, hommes, femmes, enfants subissent l'horreur, la peur, la violence.
    Pourtant, l’horreur s'étend jusque dans les chambres de l'hôpital. On perçoit des gémissements. Pas des cris -  les malades sont plutôt courageux, dignes -, mais des plaintes sourdes.
    Et puis, il règne une odeur fade, douceâtre, une odeur de pourri. C'est celle des corps grièvement brûlés. On a beau tout faire pour couvrir cette odeur - le sol vient d’être nettoyé, un chariot rempli de produits détergents et antiseptiques est parqué dans le hall -, elle est là, lancinante, elle s'infiltre dans les narines, occupe le terrain.
    C’est un hôpital de brûlés, peut-être la pire des blessures que le corps et l'esprit puissent endurer. Et ici, ce sont les femmes qui souffrent.

    Elles sont trois, allongées dans le sas de réanimation, antichambre de ce lieu où les médecins se battre pour sauver des vies. Quand ils le peuvent… Dans ce sas sont installés les cas les plus graves, les derniers arrivés.
    Trois jeunes femmes : Bada, seize ans, Awira, dix-neuf, et Fatimah, vingt-trois.
    On ne distingue que des formes, mais ce sont bien des corps qui gisent sous les couvertures de survie posées sur eux. Des couvertures conçues pour maintenir une température suffisamment élevée et retenir la chaleur qui fuit, menaçant la vie à chaque instant.
    Seuls les visages émergent. Les visages ou ce qu'il en reste.

    Fatimah occupe le lit près de la fenêtre ; d'elle, on ne voit que la bouche. Le front, les joues sont recouverts d'un épais bandage qui masque ses blessures.

    Dès qu'elle est arrivée, on lui a donné de la morphine pour apaiser ses souffrances et pour qu’elle supporte les premiers soins.
    Même plongé dans le coma, un brûlé peut ressentir la douleur, et les premiers gestes sont forcément éprouvants.
    Un médecin et un infirmier l'ont douchée, afin d'enlever toutes les peaux mortes mais aussi de rincer le kérosène encore sur sa peau qui risquait de pénétrer un peu plus dans le derme.
    Ensuite, ils l’ont emmenée jusqu'au sas, l'ont installée le plus délicatement possible dans un lit stérile. Ils ont longuement, patiemment recouvert toutes ses  brûlures de pommade désinfectante, puis de compresses et de bandes.
    On dirait une momie. Un tube sort de sa bouche - il faut l'aider à respirer, toute seule elle n'y arrivera pas, ses poumons ont inhalé la fumée toxique. Enfin, une perfusion est installée, et goutte après goutte, du liquide se répand dans ses veines, beaucoup de liquide, pour éviter la déshydratation, un des ennemis mortels, avec l’infection, qui menacent le grand brûlé.
    Les médecins ont appliqué ces mesures indispensables, mais ils doutent que Fatimah puisse survivre : elle a été brûlée au troisième degré sur plus de la moitié du corps.
    Et plusieurs heures se sont écoulées avant qu'elle n'arrive ici.

     

  • [Livre] Trois pas de deux

     

    Je remercie les éditions Mon petit éditeur pour cette lecture

     

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    Résumé : Pas de deux: entrée de ballet dansée par deux personnes... Alma et Samuel, Alma et Elie, Alma et Noé. Une danse en trois mouvements, comme un voyage initiatique, une quête des origines, au rythme des passions de la danseuse et de ses partenaires.

     

    Auteur : Marie Cosimo

     

    Edition : mon petit éditeur

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 2010

     

    Prix moyen : 25€

     

    Mon avis : Le livre est bien écrit. La plupart des phrases sont courtes et vont droit au but, il n’y a pas de longues descriptions lyriques. Les descriptions sont toujours courtes et efficaces, afin de ne pas casser le rythme du roman.
    Le roman est séparé en trois parties, chacune tournant autour d’Alma et de ses relations avec l’un des trois autres personnages principaux. Tous les personnages ne sont pas présents dès le début, ils s’ajoutent au « casting » au fur et à mesure des parties.
    Il y a donc 4 personnages principaux qui par ordre d’apparition sont Samuel, Alma, Elie et Noé.
    Le fil conducteur est Alma puisque tout ou presque tourne autour d’elle.
    Le problème que j’ai rencontré avec ce livre est, qu’à part Elie, je n’ai ressenti aucune empathie pour aucun des personnages. Alma et Samuel me sont profondément antipathiques. Ils sont égoïstes : Alma est une gamine capricieuse qui veut tout, tout de suite, qui fait des crises de colère dès qu’elle n’obtient pas ce qu’elle veut dans la seconde. Samuel est instable, il ne veut rien qui puisse déranger sa petite vie, il prend des décisions qu’il regrette et qu’il fait payer aux autres.
    Au final, je n’ai pas eu l’impression de lire un roman construit avec un début, un milieu et une fin (on dirait qu’on a qu’un milieu).
    On a surtout l’impression d’assister à une tranche de vie des personnes qui n’ont pas grand-chose d’intéressant, rien qui justifie l’écriture d’un roman.


    Un extrait : Samuel claque la porte du taxi et franchit en courant les quelques mètres qui le séparent du portail, sous une pluie battante. Il s’arrête un instant sous le porche, reprend son souffle et essore la masse dégoulinante de ses cheveux. Il pousse la porte de la maison, tend l’oreille, surpris du silence qui règne dans la cuisine. Ce soir, la musique d’Alma, qui d’habitude jaillit du sous-sol et gravit un à un les trois étages, est absente. Samuel défait les boutons de son imperméable, se débarrasse de ses chaussures, pose son journal sur une chaise. Un chausson de danse traîne sous la table. Alma est là. Elle ne l’a pas entendu rentrer. Samuel monte les marches qui mènent au premier étage. Pas un bruit. Tout est sombre. Il n’est pourtant que dix-neuf heures. Samuel appuie un instant son front contre la vitre de la fenêtre du palier du premier étage. La blancheur des façades, de l’autre côté de la rue, est devenue grise, battue, griffée par la pluie qui s’obstine. L’été en Angleterre a parfois l’allure d’une nuit de novembre. À cet étage aussi, le silence règne. Samuel sait déjà où il va la trouver. Alma. Pourtant, un doute discret, léger, diffus, l’étreint. L’angoisse de la solitude non choisie, celle de l’attente déçue. Et si elle n’était pas là ? Si elle ne rentrait plus ? Une maison déserte et mutique. Une maison sans elle. L’inquiétude douce-amère qu’il sent s’immiscer en lui, à l’instant, parfois très bref, où l’absence est une possibilité, a fini de le surprendre. Elle noue l’estomac une seconde, se mue en un souffle joyeux à la suivante. Le souffle qui guide le pas enjoué franchissant la porte. Le souffle qui porte la voix lançant un bonsoir comme une interrogation. Samuel franchit la dernière marche, celle qui mène au troisième étage, sous les toits. La télévision est allumée, le son coupé. Un documentaire sur les danses d’Afrique. Couleurs tapageuses, mouvements déchaînés, scènes de liesse auxquelles le silence fait injure. Samuel s’agenouille près du canapé sur lequel Alma semble endormie. Des rubans de cheveux bruns encadrent son visage impassible, la peau très blanche même en plein été, les lèvres placides. Samuel se penche et pose un baiser sur la petite pierre de lune qui orne le lobe de l’oreille d’Alma. Une pierre brute, taillée dans les souvenirs d’une vie indienne. Le foulard soyeux noué autour du cou de Samuel vient caresser sa joue.

    — Bonsoir Alma ! Samuel a chantonné.
    Alma sourit, les yeux toujours clos.

    — Tu croyais que je dormais ?
    — Point du tout…
    Samuel hoche la tête. Alma est debout. Elle esquisse trois pas d’une danse tribale farfelue avant de se jeter au cou de Samuel. Une seconde d’immobilité. Une seconde, dont on ne peut jamais prévoir s’il va en jaillir la colère ou l’hilarité. La seconde d’Alma. Samuel a appris à soutenir ce regard absorbant. Il sait deviner si le coin des lèvres va s’affaisser dans une moue chagrine ou s’élever vers une pommette arrondie. Sourire. Elle agrippe les pointes de son foulard et approche le visage de Samuel du sien. Dans un éclat de rire qui dévoile ses dents imparfaites, elle saisit à pleines mains les cheveux bouclés qui tombent dans le cou de Samuel.
    — J’ai toujours l’air de dormir, peut-être ?

     

     

  • [Livre] Les fleurs sauvages

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    Résumé : Misty, Star, Jade et Cathy : ces quatre jeunes inconnues ne se seraient jamais rencontrées sans les tragiques événements qui ont bousculé leur vie et les ont conduites dans le cabinet d'une psychiatre. Tout les différencie et, pourtant, au terme de leur thérapie de groupe, chacune connaît les autres mieux que quiconque au monde. Ces liens vont-ils se rompre, passée la porte du docteur Marlowe ?
    Les quatre jeunes filles ont envie de se revoir. Elles formeront même une sorte de club : les orphelines avec parents. Une nuit, Géraldine, la mère de Cat, s'effondre sans vie. Que s'est-il passé ? Cat ne le sait pas mais elle appelle les filles au secours. Inconscientes mais déterminées, les quatre amies décident d'enterrer Géraldine au fond du jardin et de tout oublier, de recommencer une nouvelle vie. 

    Auteur : Virginia C. Andrews

    Edition : France Loisirs

    Genre : Drame

    Date de parution : 2003

    Les tomes : Tome 1 : Misty
                      Tome 2 : Star
                      Tome 3 : Jade
                           Tome 4 : Cat
                      Tome 5 : Au fond du jardin

    Prix moyen : 8€ par tome

    Mon avis : Les quatre premiers tomes sont le récit, par chacune d’elle, de ce que les filles ont vécu et quels sont les événements qui les ont conduits dans le cabinet du Dr Marlowe.
    De toutes, c’est clairement Cat qui a vécu l’histoire la plus horrible et la plus traumatisante, car, même s’ils s’y prennent mal, même s’ils les font souffrir, les parents de Jade et de Misty ainsi que la grand-mère de Star les aiment. Cat est aux prises avec une mère qui la hait. Et d’ailleurs, quelque ait été le passé de sa mère, Géraldine, son comportement est pathologique. Elle est hystérique et méchante, profondément méchante. Je me demande même comment, après les événements qu’a racontés Cat, on a pu lui laisser la garde de sa fille sans même un suivi des services sociaux.
    Mais comme on dit : il n’y aurait pas eu de suite alors.
    Parce que le dernier tome réunit les 4 filles mais est quand même focalisé sur Cat. Depuis qu’elle a raconté son histoire, sa mère est pire encore qu’avant, ce qui semblait impossible.
    Quand elle s’écroule au milieu de la nuit, on n’est pas étonné que Cat soit, certes, choquée mais qu’elle ne semble éprouver aucun chagrin. Comment pourrait-elle en éprouver alors qu’elle a vécu toute sa vie dans un tel climat de haine, de rejet ?
    Quand les filles décident, sur un coup de tête d’enterrer le corps et de ne rien dire, cela part d’un bon sentiment : éviter à Cat d’être placée en famille d’accueil puisqu’elle n’a plus personne.
    Mais ensuite, je les ai trouvé plus qu’inconscientes : alors que Géraldine était, disons les choses comme elles sont, pingre, les filles font des dizaines d’achats avec la carte de crédit de cette dernière pour « relooker » la maison, sans se demander une seule seconde ce que le conseiller financier de Géraldine pourrait penser de ce comportement anormal pour sa cliente.
    J’ai trouvé Jade, Misty et Star un peu égoïste, leur seule préoccupation semble être d’avoir une maison à elles, sans adulte, dans laquelle elles peuvent faire ce qu’elles veulent.
    A l’instar de sa mère, elles n’hésitent pas à culpabiliser Cat, voire à la forcer à faire ce qu’elles jugent bon (faire une soirée, nager, voir des garçons, repeindre la maison…)…
    Malgré leurs promesses, elles laissent Cat seule face à ses angoisses lorsqu’elle est persuadée que son père adoptif va revenir.
    Mais comme dans toute amitié, malgré leurs différences et leurs bisbilles, elles peuvent quand même compter les unes sur les autres.
    J’ai bien aimé suivre les évolutions de ces quatre adolescentes jusqu’à leur entrée dans l’âge adulte.

    Un extrait : En dépit de mes nombreuses et fréquentes visites dans son cabinet, je n’avais jamais remarqué l’horloge miniature qui trônait au centre de la dernière étagère, à gauche du bureau du Dr Marlowe. Avec son coffre de merisier et son cadran à chiffres romains, elle n’avait certes rien de très remarquable. Elle ne sonnait pas, ne carillonnait pas, ne marquait l’heure d’aucune façon. Mais le mouvement régulier de son petit pendule avait attiré mon regard et je demeurais figée, hypnotisée par ce balancement obstiné, pendant que les autres attendaient en silence que je voulusse bien commencer.

    Les battements de mon cœur semblaient synchronisés avec l’oscillation du petit balancier et j’ai songé : Et si notre cœur n’était qu’une simple horloge décomptant le temps qui nous est imparti ? Avant même que nous ne soyons nés, par la magie de leur amour, nos parents en auraient remonté le mécanisme. Peut-être la durée de notre vie dépendait-elle de la force avec laquelle ils nous avaient désirés ? Peut-être quelque comportementaliste devrait-il entreprendre une étude comparée sur le sujet : d’un côté, les enfants indésirables, et de l’autre, la bien-aimée progéniture de parfaites petites familles unies ? Aucune, dans cette pièce, ne serait heureuse du résultat, je le crains.

    Je sentais les yeux des autres filles fixés sur moi et n’avais nul besoin de les regarder pour deviner ce qu’elles pensaient : mais que venais-je donc faire ici, moi qui semblais tout droit sortie d’une de ces familles idéales, justement ? Qu’avais-je bien pu vivre de si horrible ? Pourquoi aurais-je donc eu besoin d’un psychiatre ?

    Oh ! Je comprenais parfaitement pourquoi elles se posaient toutes ces questions. Quoi qu’il arrive, aussi violents que soient les orages qui éclataient entre ma mère et mon père, aussi dévastatrices qu’en soient les conséquences pour moi, je conservais mon calme souverain et mon port de reine. Je savais comment me comporter en toutes circonstances : sang-froid, retenue et assurance à toute épreuve, tel était mon credo. Je suppose que je tiens cela de ma mère – ce qui ne veut pas dire que mon père manque de confiance en lui, bien au contraire. Le fait est que ma mère ne laissera jamais quiconque soupçonner quelle pourrait se trouver en position d’infériorité. Même quand elle est dans son tort, elle s’arrange toujours pour que le vainqueur ne puisse jamais être tout à fait certain d’avoir remporté la bataille. Elle ne capitule jamais. Jamais elle ne laissera le désespoir assombrir ses prunelles ; jamais elle ne courbera le dos sous les coups de l’adversaire ; jamais elle ne baissera la tête dans la défaite.

    Mère se met en colère, mais Mère ne perd jamais son self-control. La maîtrise est au cœur même de son système vital : son essence. Mon père veut d’ailleurs me faire croire que c’est cette volonté obsessionnelle de toujours tout maîtriser qui est à l’origine de ce qu’il appelle leur « apocalypse conjugale ».

    Il a probablement raison – quant à sa façon de voir les choses, du moins. En un sens, c’est effectivement la fin du monde ; de mon monde, en tout cas ; d’un monde que j’ai été assez naïve pour croire, si ce n’est éternel, du moins aussi immuable que le balancement du pendule dans la poitrine de mes parents, et tout aussi durable. Je les croyais si épris qu’à mes yeux le pendule de l’un ne pouvait s’arrêter sans que celui de l’autre n’en fasse autant, à très brève échéance.

    Ce qui, bien entendu, ne pourrait survenir que dans un futur très très lointain ; pas avant que je ne fusse moi-même parvenue au seuil de la sénilité, assurément. Notre monde était si préservé que je m’imaginais vivre à l’intérieur d’une grosse bulle qui nous protégeait de tout : accident grave, maladie mortelle, crime, malheur, etc. Je quittais une luxueuse propriété de Beverly Hills pour monter dans une limousine capitonnée et me rendre dans une école privée aux couloirs immaculés et aux bureaux flambant neufs. Je n’étais sortie du cocon maternel que pour entrer dans un autre cocon tout aussi sûr et douillet, de sorte que je n’eusse jamais ni trop chaud ni trop froid. 

    T03 - Jade

     

  • [Livre] La voleuse de livres

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    Résumé : 1939, en Allemagne nazie. Liesel et son jeune frère sont envoyés par leur mère dans une famille d'adoption en dehors de Munich. Sur la route, la Mort s'empare du frère de Liesel et remarque la petite fille. Ce sera la première d'une longue série d'approches. Durant l'enterrement de son frère, la vie de Liesel va basculer : elle trouve un objet singulier, partiellement caché sous la neige, un livre intitulé Manuel du fossoyeur. Avec son père adoptif, elle décide d'apprendre à lire, d'abord le Manuel du fossoyeur, puis, plus tard, des trésors volés, dont un livre banni qu'elle sauve, malgré les dangers, d'un autodafé. Les vols que commet Liesel viennent de sa faim intense de comprendre ce qui se passe autour d'elle. Sans argent pour acheter des livres, elle les subtilise.

    Auteur : Marcus Zusak

    Edition : Pockett

    Genre : Drame

    Date de parution : 20 mars 2008

    Prix moyen : 8€10

    Mon avis : La première chose qui m’a frappée dans ce livre c’est que la narratrice est particulière. Dans un certain sens, il n’est pas faux de dire que c’est un personnage à part entière du livre. Mais c’était, en tout cas, inattendu.
    Au delà de cet aspect narratif, j’ai apprécié de lire une histoire sur la guerre du point de vue allemand. Une histoire qui montre que non, tous les allemands n’adhéraient pas aux idées nazies mais que, s’ils n’avaient pas la carte du parti, si leurs enfants n’étaient pas inscrits aux jeunesses hitlériennes, alors on commençait à les regarder d’un sale œil et si ils persistaient à ne pas rentrer dans le rang, leur vie devenait vite impossible.
    Le livre nous montre les enfants qui, parce qu’ils sont trop « bons » à l’école, sont emmenés pour aller dans des écoles spécialisées, chargées de faire d’eux de futurs officiers du troisième Reich.
    Liesel se retrouve dans une famille adoptive qui n’approuve pas les idées nazies et qui les combattent à leur manière, discrètement. S’ils ne peuvent pas le faire plus ouvertement, c’est uniquement parce que leur vie s’en trouverait aussitôt menacée. Liesel est inscrite aux jeunesses hitlériennes même si elle y va à contrecœur.
    Et si « Papa », son père adoptif, fini par se résigner à demander sa carte du parti, cela ne l’empêche pas de laisser Liesel se procurer des livres interdit ou de cacher un juif dans sa cave.
    Ce livre est bouleversant et il n’est pas conseillé aux amateurs de happy end. Il n’est pas non plus conseillé pour les amateurs de suspense parce que la narratrice n’hésite pas à nous dire à l’avance ce qu’il va se passer.
    Mais je l’ai lu d’une traite, même quand je pleurais comme une madeleine en tournant les pages.
    En revanche, je n’ai toujours pas vu le film, parce que j’ai tellement aimé ce livre que j’ai peur d’être déçue…


    Un extrait : Il y avait aussi un homme dans la voiture. Il resta avec Liesel pendant que Frau Heinrich disparaissait à l'intérieur de la maison. Il ne disait pas un mot. Elle pensa qu'il était là pour l'empêcher de s'enfuir ou pour la faire entrer de force le cas échéant. Pourtant, quand un peu plus tard le problème se posa, il ne leva pas le petit doigt. Peut-être n'était-il que l'ultime recours, la solution finale.

    Au bout de quelques minutes, un homme de très haute taille sortit de la maison. C'était Hans Hubermann, le père nourricier de Liesel. Il était encadré par Frau Heinrich, qui était de taille moyenne, et par la silhouette trapue de sa femme, qui ressemblait à une petite armoire sur laquelle on aurait jeté une robe. Rosa Hubermann marchait en se dandinant et l'ensemble aurait été plutôt sympathique si son visage, qui ressemblait à du carton ridé, n'avait eu une expression agacée, comme si elle avait du mal à supporter tout ça. Son mari avait une démarche assurée. Il tenait entre ses doigts une cigarette allumée. Il roulait lui-même ses cigarettes.

    * * *

    L'ennui, c'est que Liesel ne voulait pas descendre de voiture.

    « Was ist los mit dem Kind? » demanda Rosa Hubermann. Elle répéta sa phrase. « Qu'est-ce qui se passe avec cette enfant?» Elle glissa la tête à l'intérieur de la voiture. « Na, komm. Kornm. »

    Le siège de devant fut repoussé et un couloir de lumière froide invita Liesel à sortir. Elle ne bougea pas.

    À l'extérieur, grâce au cercle qu'elle avait dessiné sur la vitre, elle pouvait voir les doigts de l'homme de haute taille. Ils tenaient toujours la cigarette, au bout de laquelle la cendre formait un mince boudin qui pencha vers le sol et se redressa à plusieurs reprises avant de tomber enfin. Il fallut presque un quart d'heure d'efforts pour persuader la fillette de quitter la voiture. C'est Hans Hubermann qui y parvint.

    En douceur.

    Ensuite, il fallait passer le portail. Elle s'y accrocha. 

    Les larmes traçaient des sillons sur ses joues. Un attroupement commença à se former tandis qu'elle refusait d'entrer. Au bout d'un moment, Rosa Hubermann envoya les gens au diable et ils repartirent comme ils étaient venus.

     

  • [Livre] Fils unique

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    Résumé : Lydia Danse croit avoir enfin trouvé le bonheur du foyer. Son mari semble le meilleur des hommes. Leur jeune fils est merveilleux. Pourtant le Mal se cache sous son propre toit. Les années passant, la façade s'effrite, et son mari, sûr de sa toute-puissance, resserre son emprise sur sa famille. Tous les moyens de coercition sont bons, pourvu qu'ils lui procurent l'ivresse du pouvoir. Prête à tous les sacrifices et à se mettre elle-même en danger, Lydia fera tout son possible pour tirer son fils de ses griffes. Mais Arthur Danse n'est pas homme à renoncer à ce qui lui appartient. Ce qu'il prend par la force, il s'y accroche et ne le lâche pas... Voici la lutte désespérée d'une femme démunie, épouvantée par la souffrance de son fils, terrorisée par un mari violent, mais qui trouvera la force de s'opposer à lui, alors que toutes les armes finissent par se retourner contre elle. 

    Auteur : Jack Ketchum

    Edition : Bragelonne

    Genre : Drame

    Date de parution : 15 février 2009

    Prix moyen : 20€

    Mon avis : « Une fille comme les autres », autre livre de l’auteur m’avait bouleversée. Celui-ci m’a en plus mis en rogne et d’autant plus que l’histoire est tirée d’un fait réel.
    Ici, contrairement à bon nombre de témoignage sur l’inceste, la mère, Lydia, ne ferme pas les yeux, ne se voile pas la face, elle agit. D’abord en se protégeant elle-même puis, dès qu’elle découvre ce qu’il se passe avec son fils, elle se jette immédiatement dans la bataille. Mais voilà, elle est abandonnée par tous : amis de son ex mari qui n’hésitent pas à faire de faux témoignages, avocat qui cherche à faire influencer le juge, son propre avocat qui est dépassé par ses propres problèmes et ne se montre pas toujours très efficace, le juge lui-même qui a un à priori contre elle et qui laisse cet à priori dicter son jugement…
    Le système, censé protéger les enfants, se retourne ici contre Lydia et son fils, donnant le beau rôle à son mari, élevé dans l’idée qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait sans avoir de compte à rendre à personne. Dès les premières pages, avant même leur rencontre, on a un aperçu de la vraie nature de ce monstre.
    Je ne sais même pas comment ce juge a pu continuer à se regarder dans une glace.
    Parfois, même si c’est injuste, car ce n’est qu’un petit garçon de 8 ans, j’ai eu envie de secouer le gamin et de lui hurler de parler, d’enfin dire la vérité ! De lui dire qu’il ne faisait qu’envenimer les choses pour lui-même en se taisant.

    Certaines décisions prises dépassent l’entendement. Et la fin est au-delà de tout. A se demander si les personnes qui ont pris ces décisions ont une conscience et un QI plus élevé que celui d’une huître (et cette phrase est insultante pour les huîtres).
    Le sheriff de la petite ville où se déroule l’histoire dit à un moment à une de ses subordonnées : « je pense que beaucoup de monde a commis des erreurs dans cette affaire ». Et pourtant, alors qu’il se blâme pour n’avoir rien fait, il est le seul à toujours avoir vu le vrai visage d’Arthur Danse, le seul à avoir voulu l’empêcher de nuire. Mais il n’a jamais pu trouver les preuves qui lui auraient permis d’agir.
    Quant à la mère d’Arthur, Ruth, dès la première page, j’ai trouvé qu’elle méritait d’être jetée dans une oubliette et qu’on perde la clef. Cette femme est peut être pire que son fils et il me parait évident que c’est elle, et uniquement elle, qui en a fait ce qu’il est devenu.
    En postface, Jack Ketchum a écrit quelques mots sur l’histoire qui a inspiré le livre. Et rajoute ainsi une couche d’horreur en nous rappelant que ces faits, même s’il les a sûrement romancés, se sont réellement produits.

    Un extrait : Enfant, il était souvent venu par ici, La propriété jouxtait celle de ses parents. Le terrain pentu descendait jusqu’à un ruisseau sinueux et isolé où, l’été, on pouvait attraper des écrevisses. Et même en ce moment, en plein hiver, le cours d’eau se frayait un chemin au bas de la montagne, bravant la peau de glace qui menaçait de se refermer sur lui.

    Après avoir traversé le torrent, il suffisait de grimper en haut de la berge pour se retrouver dans un champ d’herbe haute et brune, parsemé de broussailles. Il avait souvent chassé à cet endroit – la caille, parfois un lapin. Il n’avait pas le droit, mais le vieux Wingerter – déjà vieux à l’époque – ne venait presque jamais par là. Aujourd’hui, il était mort et les filles qui lui survivaient se disputaient la propriété, tout le monde se fichait bien de ce qu’il faisait dans le coin.

    — Silence, maintenant, ordonna-t-il au garçon.

    Après avoir gravi la berge, ils respiraient tous les deux avec peine et Robert avait froid, il tremblait. Mais Arthur le sentait également excité. Quel gosse ne le serait pas ? En plein air, avec son père et son AK-47 flambant neuf ? C’était comme jouer aux cow-boys et aux Indiens, mais en mieux. Parce que l’arme était absolument, froidement réelle et que même un enfant effacé comme Robert pouvait percevoir une partie de sa puissance. Hé, le gamin avait vu Rambo, pas vrai ?

    Mais il leur fallut progresser plus de une heure – lentement et avec précaution – à travers l’herbe et les broussailles avant d’apercevoir quelque chose. À ce stade, il apparaissait clairement que Robert commençait à s’ennuyer. Les gosses d’aujourd’hui…, pensa-t-il. Incapables de rester concentrés. Au même âge, Arthur pouvait passer une journée entière avec une pitoyable carabine 22 long rifle. Elle avait le pouvoir d’arrêt d’un moucheron, mais il l’aimait quand même. La chasse nécessitait une bonne dose de patience – de désir aussi.

    Visiblement, son fils ne possédait ni l’un ni l’autre.

    Il entendit Robert soupirer derrière lui. Comme si Arthur lui faisait subir une corvée.

    Quel ingrat !

    Au moins ne manifestait-il pas son ennui de manière bruyante, comme beaucoup d’autres enfants qui gâchaient le plaisir de la chasse. C’était déjà ça.

    Quand le lapin surgit des broussailles à un peu plus de un mètre d’où ils se trouvaient, Arthur était prêt, l’arme en position automatique. Il arrosa le sol en décrivant un arc de cercle serré qui explosa à travers les taillis secs et nus en les pulvérisant. Il toucha aussi le lapin, le réduisant à une masse de fourrure brune et rouge, gisant sur la neige.

    Une oreille en moins.

    Une patte presque arrachée.

    — Nom de Dieu ! Nom de Dieu ! répétait Robert derrière lui.

    Le môme était stupéfait. Il n’en croyait pas ses yeux.

    Arthur poussa un cri de joie et rit aux éclats, brandissant le lapin afin de leur permettre de l’examiner de plus près. Robert ne pourrait plus trouver la chasse ennuyeuse après ça. Impossible. Plus maintenant.

    — Tu as vu ça ? On lui a presque marché dessus ! La plupart du temps, sans chien, on n’arrive même pas à les débusquer. Un sacré coup de chance !

    Le gamin continuait à balbutier : « Nom de Dieu » en secouant la tête, les yeux écarquillés comme s’il avait vu un fantôme.

    Alors il prit conscience que le visage de son fils n’affichait pas que de la stupéfaction, même si cette dernière émotion était bien présente.

    Il y avait aussi – inexplicablement – de l’horreur.

     

  • [Livre] Un matin différent

    Parfois la vie joue de drôles de tours. Des tours pas très sympathiques !

     Je remercie les éditions Artalys pour cette lecture

     

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    Résumé : Tout sépare la Balinaise Iluh Semarang de l’Australien William Fitzgerald. Elle est née dans la campagne indonésienne et a grandi dans la spiritualité ; il collectionne des bimbos conquises d’avance pour se livrer à la débauche. Mais ils travaillent au quatre-vingt-seizième étage de la tour nord du World Trade Center et se rencontrent.

    Touché par la grâce de la jeune femme, William parvient à gagner le cœur d’Iluh et obtient un rendez-vous dans un restaurant. C’est alors le matin du 11 septembre 2001. Minute par minute, la catastrophe approche. Il va leur rester très peu de temps pour vivre leur amour.

    À huit heures quarante-six, William revient vers Iluh après avoir rapidement parcouru la cinquantaine de mètres qui sépare son bureau de celui de son amie. La webmaster est installée au centre de la façade nord de la tour. Ils regardent tous les deux les vitres qui dominent la ville. Vingt-six secondes plus tard, l’impensable survient. Une ombre gigantesque obstrue le ciel…

    Auteur : Oksana et Gil Prou

    Edition : Artalys

    Genre : Drame

    Date de parution : 23 mars 2015

    Prix moyen : 14,90 €

    Mon avis : Ce livre est écrit dans un style qui plaira sans aucun doute à certaines personnes : Un mélange d’histoire d’amour, de drame et d’essai philosophique. Malheureusement ce n’est pas mon cas.
    Dès les premières pages du livre, je remarque que les auteurs répètent à plusieurs reprises les informations qui leur semblent importantes mais après avoir lu la moitié du roman, je pense qu’il n’était plus nécessaire de les rappeler (la date, la nationalité de la jeune femme, l’étage où ils se sont rencontrés et où ils travaillent).

    J’ai aussi été déroutée par les changements systématiques et intempestifs de temps : présent, passé simple, imparfait… J’ai trouvé la concordance des temps un peu hasardeuse et cela m’a gênée dans ma lecture, du moins au début.

    Ensuite, mais là c’est vraiment un détail, je trouve assez peu agréable de lire les dates en toutes lettres : deux mille un ; mille neuf cent quatre vingt dix huit…
    J’ai eu la sensation, avec les passages de réflexions existentielles, d’être coupée dans mon élan de lecture. Ce n’était pas forcément des passages inutiles ou inintéressants mais je les ai trouvés mal placés, le changement était trop brutal entre l’histoire et ces passages.

    Au fil de ma lecture, je n’ai pas réussi à entrer dans l’histoire à cause d’un style lourd et qui manque de fluidité. La rédaction est ampoulée et verbeuse, il est assez difficile de suivre le fil du récit.

    Ce n’est que dans le dernier paragraphe du chapitre 13 que l’histoire s’anime un peu (et pour cause…)
    Je n’ai pas compris le chapitre 14. Plutôt que de décrire la réactions des différents personnages secondaires lorsqu’ils entendent le bruit provoqué par l’avion, il ne s’arrête que sur l’ami de William, dont on a certes entendu parler mais que l’on a pas suivi un instant de tout le livre, et sur la colocataire d’Iluh, que l’on a à peine « croisée » mais dont il semble soudain important à l’auteur de nous raconter le passé. Je me suis dit, sur le moment, que ce chapitre avait sans doute sa raison d’être et que je la comprendrais dans les derniers chapitres.

    Et puis c’est fou tout ce qu’ont le temps de penser les personnages entre le moment où ils voient arriver l’avion qui se trouve à 22 mètres et avance (ce n’est pas moi qui le dis, c’est les auteurs qui le précisent) à une vitesse de 219 mètres/secondes.

    Alors il est clair que c’est voulu par les auteurs et cela montre bien le temps qui se fige pour ces personnes qui voient la mort arriver, mais je n’ai pas accroché. Il est vrai que c’est bien écrit et que le stress monte à chaque fois que l’on voit la mention de la distance qui reste à parcourir à l’avion avant l’impact (ça doit être pour ça que ça ne m’a pas plu, trop stressant, je suis une petite nature).

    Quant à la fin, elle est abrupte. Sans doute était-ce voulu par les auteurs, mais je me demande pourquoi avoir consacré un chapitre aux deux personnages secondaires si ce n’était pas pour faire un épilogue sur eux, sur leur ressenti après le drame ?

    C’est dommage ne n’avoir pas su mieux exploiter une idée qui était prometteuse. Le résumé donnait vraiment envie de lire le livre et la déception a été dure.

    En revanche, un des points forts du livre, à mon sens, c’est le vocabulaire recherché et varié que les auteurs emploient. J’ai été surprise de découvrir qu’on ne disait pas les infractuosités, comme je le croyais, mais les anfractuosités ! Comme quoi, on en apprend tous les jours sur notre langue ! 

     

    Un extrait : Planté devant la boutique de la fleuriste située au coin de sa rue, William hésite un instant. Un instant seulement car le nom de cette boutique est suffisamment évocateur : « Fleurs de feu, arbres de soie ».

    Il entre et se plante aussitôt devant la vendeuse.

    La jeune femme brune le regarde avec une mine interrogative car l’Australien semble presque fébrile. Quelques gouttelettes de sueur commencent à perler sur son front et à la lisière de ses cheveux alors que la température extérieure n’est pas encore caniculaire. Loin de là.

    « Puis-je vous aider ?

    — Oui. »

    William ne prolongeant pas sa phrase, la vendeuse insiste :

    « Vous voulez un bouquet ? Une plante d’appartement ?

    — Je veux un beau bouquet. »

    Puis, après un instant de silence, il complète :

    « Pour une femme. »

    La jeune vendeuse sourit et se dirige vers plusieurs bouquets composés, soit de roses, soit de fleurs très panachées, mais dont l’apparente fragilité semble inquiéter le spécialiste des voyages de rêves dans des contrées lointaines.

    « J’aimerais un bouquet qui tienne assez longtemps car…

    — Car ?

    — Je souhaite l’offrir à une personne qui compte beaucoup pour moi. »

    Ravie par cette confidence dont le caractère légèrement romantique l’émeut sans doute à l’orée de cette belle matinée de septembre, la vendeuse se campe alors face à William et lui dit :

    « J’ai ce qu’il vous faut !

    — Ah ?

    — Des Broméliacées. »

    Travaillant depuis plusieurs années déjà avec des hôtels nichés dans des zones équatoriales ou tropicales au climat privilégié, William connaît parfaitement l’apparence et l’exubérance des Broméliacées dont l’espèce la plus connue, bien qu’elle ne soit presque jamais utilisée dans des bouquets bien sûr, est l’ananas que l’on peut consommer en tranches craquantes ou en jus.

    Mais il n’avait pas pensé à ça en un premier temps et cette suggestion le désarçonne un peu.

    Il reprend donc :

    « Vous pensez que des Bromélac…

    — Ce sera parfait ! » tranche la jeune vendeuse qui prend fait et cause pour un homme pensant à offrir des fleurs à la femme qu’il aime avant huit heures du matin.

    Elle se retourne vers l’arrière de la petite boutique nichée entre deux immeubles imposants et montre un présentoir avec trois bouquets magnifiquement colorés.

    « Regardez celui-ci !

    — Au centre ?

    — Oui. Au centre.

    — Il est superbe en effet. C’est quoi ?

    — Essentiellement des Tillandsias cyanea et un beau Guzmania. »

    William Fitzgerald regarde très attentivement les belles inflorescences roses en forme de raquettes allongées qui se poursuivent par une vingtaine de fleurs violettes sur chaque Tillandsia cyanea. Au centre, trône un Guzmania conifera dont le feuillage vert et rubané forme une rosette au milieu de laquelle se loge une hampe florale érigée. Composée de bractées imbriquées de couleur orange et jaune, l’inflorescence ovoïde semble quasiment sortie d’une bande dessinée tant sa géométrie est parfaite.

    L’Australien est très satisfait. C’est ce bouquet-là qu’il veut offrir à Iluh !

    Il est persuadé que ces fleurs feront vaciller le cœur d’Iluh. Lors de leur discussion d’hier, la jeune femme lui a précisé à quel point les Balinais sont fascinés par l’élégance naturelle de la nature. C’est pour cette raison que les offrandes qu’ils font chaque jour à leurs divinités propitiatoires sont principalement réalisées avec des palmes, des feuilles de Pandanus et des fleurs. Plein de fleurs.

    Des monceaux de fleurs !

    Lors de ses deux premiers voyages à Bali (Darwin est à moins de deux mille kilomètres de l’« Île des Dieux » et c’est une destination fétiche pour les Australiens…), William avait moins de vingt ans. Il privilégiait donc le surf, la bière et les jolies filles. Mais, depuis qu’il travaille pour Beyond the Paradise, il regarde désormais l’île avec un regard très différent et une certaine affection, il faut bien le reconnaître.

    Cette multiplicité d’offrandes confectionnées à la hâte, piétinées dans l’heure qui suit et immédiatement refaites, l’a convaincu que l’éphémère peut acquérir une puissance qui outrepasse, parfois, le pérenne.

    Cependant, il aimerait bien que ce bouquet remémore d’excellents souvenirs à son amie balinaise pendant plusieurs semaines.

    Il demande donc :

    « Ce bouquet durera combien de temps ?

    — Avec une vaporisation tous les trois ou quatre jours, il peut tenir ainsi pendant au moins trois mois.

    — Trois mois ! C’est parfait. Je le prends. »

    À l’instant précis où la jeune vendeuse brune se dirige vers le bouquet qu’il a choisi, William précise :

    « Pouvez-vous le faire parvenir à un endroit précis et à une heure précise ?

    — Bien sûr. Donnez-moi le nom du destinataire, l’adresse et l’heure, et nous nous occuperons de tout.

    — O.K.. Il faudra le remettre à mademoiselle Iluh Semarang aujourd’hui à dix-sept heures trente.

    — Quelle adresse ?

    — Tour nord du WTC, quatre-vingt-seizième étage, société : Tropical Foods Incorporated.

    — Ce sera fait.

    — Je vous règle tout de suite. »

  • [Livre] Le pacte du silence

    Des vies gâchées, un pacte diabolique... le mal se cache là où on ne s'y attend pas

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    Résumé : Jumelles, Sarah et Kate ont été séparées à l'adolescence. Elles ont aujourd'hui vingt-six ans. Sarah est missionnaire en Amérique du Sud. Kate, condamnée pour meurtre à l'âge de treize ans, a passé sa jeunesse dans un pénitencier en Angleterre mais vient d'être libérée pour bonne conduite. Soudain, Sarah tombe gravement malade et doit être rapatriée dans un couvent anglais. Ses troubles semblent d'origine psychique et Michael Falcone, un jeune prêtre, est chargé d'enquêter sur son passé. Ayant découvert l'existence de Kate, il pressent que les jumelles sont liées par un terrible secret.

    Auteur : Marcelle Bernstein

    Edition : France Loisirs

    Genre : Drame

    Date de parution : 1998

    Prix moyen : 6€

    Mon avis : L’écriture est directe et agréable. Je n’ai pas trouvé qu’il y ait de réelles longueurs, mais il ne faut pas perdre de vue que ce n’est pas un thriller, il n’y a pas de suspense haletant. Très vite, on se doute de ce qu’il s’est passé. Mais en réalité, on ne devine que la partie émergée de l’iceberg ! J’avais imaginé tout un scénario et il s’est révélé que si j’avais en partie raison, tout un pan de la vie des jumelles, le plus important, m’avait totalement échappé ! C’est un livre très dur à lâcher !

    En préparant cet article, j'ai appris que ce livre a été adapté au cinema en 2003 avec Depardieu dans le rôle de Michael Falcone, qui dans le film se nomme Joachim et est médecin (ce qui n'est pas le cas de Falcone) et Elodie Bouchez dans le rôle de soeur sarah (sarah devenu soeur gideon dans le livre) et de sa jumelle, dont je ne sais s'ils ont aussi changé le nom.
    Déjà, je trouve anormal qu'en adaptant un roman en film on change le nom des protagonistes, je ne vois pas l'intérêt. Et puis, bien que j'aime bien le jeu de Depardieu (plus celui qu'il avait avant, que celui qu'il peut avoir aujourd'hui d'ailleurs), je trouve qu'embaucher un homme de 55 ans alors que le personnage du livre en a tout juste 36, c'est dénaturer tout un pan du livre.

    C'est souvent le cas remarquez, voyez Harry Potter, Severus Rogue et Sirius Black sont censés avoir 20 ans de plus qu'Harry, soit 33 ans dans le tome 3, et on ne peut pas dire qu'Alan Rickman et Gary Oldman, aussi talentueux soient-ils aient été dans le bon rapport d'age. De même que pour les fantôme des parents de Harry, qui sont morts à 21 ans et qui sont joués par des quadragénaires portant bien leur âge!
    Je trouve tout ça un peu pénible, car ce n'est pas comme si nous avions une pénurie de "jeunes" acteurs dans l'industrie du cinéma!

    Un extrait : Il y avait dans ce journal intime des pages blanches aussi minces que du papier de soie. Il était fermé par une serrure, de telle sorte que personne ne pouvait lire ce qu'on y avait écrit.
    Elle passait sa main sur la couverture, dont le cuir bleu était piqué de fleurs d'or. Sa grand-mère les nommait fleurs de lys. C'était de l'or véritable.
    Mais il lui fallait le faire. Avec un couteau de cuisine, elle entailla profondément le cuir pour y graver des mots. Elle brûla les lettres avec le bout ardent d'allumettes à peine éteintes pour noircir son message et le rendre menaçant.
    Cela lui demanda beaucoup de temps.

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