Lecture terminée le : 19 avril 2021
Résumé : Un soir d'été de 1931, Lilly Blackwood remarque les lumières d'un cirque depuis la fenêtre de sa mansarde. La petite fille a interdiction d'explorer les alentours de Blackwood Manor... Elle n'est même jamais sortie de sa petite chambre. C'est pour sa sécurité, lui répète sa mère, car Lilly fait peur. Mais cette nuit-là, elle est emmenée en dehors de la propriété, pour la première fois. Et elle est vendue au cirque.
Deux décennies plus tard, Julia Blackwood hérite du manoir de ses parents et de leur élevage de chevaux. Elle espère que revenir sur le lieu de son enfance pourra effacer de douloureux souvenirs. Mais elle va découvrir une mansarde jamais ouverte, et les photos d'un cirque mettant en avant une étonnante jeune femme...
Auteur : Ellen Marie Wiseman
Edition : Faubourg Marigny
Genre : Roman contemporain, Drame
Date de parution : 09 Mars 2021
Prix moyen : 21€
Mon avis : Cette lecture a beau avoir été un coup de cœur, je ne crois pas avoir déjà ressenti autant de colère en lisant un livre.
De la première page à la dernière ligne, j'ai fulminé contre l'un des personnages.
Ce n'est clairement pas le seul personnage qui a provoqué ma colère, il y en a eu un sacré nombre dans ce roman, mais j'ai trouvé que dans le contexte, le personnage de Mrs Blackwood était vraiment le pire.
Et étonnamment, c'est également celui que l'on voit le moins.
Mais son seul souvenir, sa simple évocation, a eu le don de me faire remonter dans les tours en un instant.
Il faut dire que tout au long du roman, plus on en apprend sur elle, et plus elle apparaît comme méprisable.
Le récit alterne entre l'histoire de Lilly qui commence en 1931, et celle de Julia qui est se déroule au milieu des années 50.
La plupart du temps dans ce genre de roman, il y a toujours une période, un personnage, que je préfère nettement à l'autre. Et si je lis sans problème l'intégralité du roman, je suis toujours pressée de revenir aux chapitres concernant ma période ou mon personnage préféré.
Ici, pas du tout. J'étais tout aussi fascinée par la vie de Lilly que par les découvertes de Julia.
Lilly, tout d'abord, est une petite fille d'une dizaine d'années qui n'est jamais sortie de ce qui lui sert de chambre. Sa mère est une fanatique religieuse et son père, il fait en sorte de lui apporter un peu de confort et de distraction, me fait rien pour remédier à la situation. Tout ce que l'on dit à la fillette est qu'elle est un monstre et qu'elle doit rester cachée pour sa protection.
Jusqu'au jour où, en l'absence du père, sa mère l'emmène jusqu'au cirque voisin où elle la vend purement et simplement comme monstre de foire. Il va nous falloir un certain temps avant de savoir ce qui, chez Lilly, la fait qualifier de monstre. Quand on apprend la vérité, je me suis dit qu'il ne fallait pas exagérer, et que je ne voyais pas bien en quoi la jeune fille pouvait être considéré comme un monstre de foire. Hélas, j'avais oublié qu'on était dans les années 30, et plusieurs scènes m'ont montré à quel point l'ignorance des gens, y compris du corps médical, concernant ce qui touche Lilly, la propulse au rang d'anomalie.
Certes, la jeune fille elle n'est plus enfermée à double tour, mais est-ce que cela change vraiment quelque chose pour elle?
25 ans plus tard, Julia est informée de la mort de sa mère, survenu un an plus tôt. Il faut dire, que la jeune fille avait fugué de chez elle pour s'éloigner d'un foyer froid régit par un nombres de règles insupportables édictées par une mère intransigeante et facilement cruelle.
Dès les premières lignes dans cette seconde époque, on sait que la mère de Lilly et Julia et la même personne: Mrs Blackwood.
Et on peut aussi voir que malgré le temps passé, l'attitude de cette femme et toujours aussi froide et cruelle. Au fur et à mesure que Julia nous livre ses souvenirs, on ne s'étonne plus qu'elle ait décidé de fuir avant même sa majorité.
À présent propriétaire du domaine des Blackwood, Julia explore la maison et ses nombreuses portes fermées à clé jusqu'à finir pas trouver des éléments faisant mention d'une certaine Lilly.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'au fur et à mesure de sa petite enquête, c'est tout son passé, tout ce qu'elle croyait savoir de son histoire familiale, qui s'effondre lamentablement.
Que ce soit l'univers impitoyable du cirque des années 30, où le propriétaire ne possédait pas seulement le chapiteau et les animaux mais également les artistes, ou celui tout aussi difficile d'un élevage de chevaux de course, avec ses méthodes plus que discutable, on se trouve embarquée aussi bien dans l'histoire des deux héroïnes que dans celle de leur entourage.
Lilly et Julia, chacune à son époque, veulent faire bouger les choses, la seconde avec bien plus de succès que la première.
Dans les parties consacrées à Lilly, il y a des scènes d'une dureté quasi insoutenable. Des scènes qu'après avoir visualisées, j'ai eu beaucoup de mal à chasser de mon esprit.
Le seul petit reproche que je pourrais faire aux livres, mais qui ne m'a pas trop gêné dans ma lecture, a été le fait que le propriétaire du du cirque s'appelait une fois mr Barlow et la fois d'après mr Marlow. La toute première fois j'ai pensé à une simple coquille, mais ce changement de la première lettre du nom intervient à de nombreuses reprises. Heureusement, il n'y a pas de personnage ayant un nom approchant, et du coup, qu'on l'appelle Barlow ou Marlow, j'ai toujours su facilement de qui il s'agissait.
Mais en dehors de cela, qui était au final plus amusant qu'autre chose, ce livre était vraiment une histoire géniale, pleine de rebondissements qui pour la plupart me faisaient sortir de mes gongs.
Comme je le disais au début de ma chronique, ce roman s'est hissé sans difficulté au rang de coup de cœur.
Un extrait : C’était un cirque.
Et elle parvenait à le voir depuis sa chambre.
Normalement, tout ce qu’elle voyait par sa fenêtre, c’était des chevaux et des champs, et Papa et son employé qui réparaient les clôtures blanches ou la grange à chevaux. Parfois, Maman traversait la pelouse, avec ses longs cheveux blonds qui flottaient derrière elle comme un voile. D’autres fois, des camions venaient et l’employé de Papa faisait entrer ou sortir des chevaux des remorques ou déchargeait des sacs et des ballots de paille. Une fois, deux hommes en guenilles (Papa les appelait des clochards) s’étaient aventurés dans l’allée et l’employé de Papa était sorti de la grange avec un fusil de chasse. Quand Lilly avait de la chance, un cerf sortait des bois, ou des ratons laveurs filaient le long de la clôture en direction du silo à grains, ou un train passait sur les rails. Dans ces moments-là, si elle collait son oreille à la fenêtre, elle parvenait à distinguer le souffle du moteur ou le sifflement de la vapeur.
Mais là… il y avait un cirque. Un vrai cirque ! Pour la première fois de sa vie, elle voyait quelque chose de différent, et pas juste dans un livre d’images. Ça la rendait heureuse et en même temps, elle était un peu en colère contre elle-même. Si elle n’avait pas passé l’après-midi à lire, elle aurait peut-être vu le train s’arrêter pour le déchargement. Elle aurait pu assister au montage des tentes et apercevoir les éléphants et les zèbres et les clowns. Désormais, il faisait trop sombre pour distinguer autre chose que des lumières.
Elle posa son livre et compta les planches autour de la fenêtre. Parfois, compter l’aidait à se sentir mieux. Un, deux, trois, quatre, cinq. Pas cette fois. Elle n’arrêtait pas de penser à ce qu’elle avait raté. Elle pressa son oreille contre le carreau. Peut-être qu’elle pourrait entendre les cris du maître de piste ou la musique du cirque.
Sur le rebord de la lucarne, Abby se réveilla et cligna des yeux. Lilly passa un bras autour de la chatte rousse tigrée et l’attira contre elle pour enfouir son nez dans sa fourrure. Abby était sa meilleure amie et le chat le plus intelligent au monde. Elle savait se tenir sur ses pattes arrière pour donner des baisers et tendre la patte pour dire bonjour. Elle sautait même sur le lit de Lilly sur demande, et en descendait quand Lilly lui en donnait l’ordre.
— Je parie que Maman va aller au cirque, dit Lilly. Elle n’a pas à s’inquiéter que les gens aient peur d’elle.