Résumé : 1692, Salem, Massachusetts. Deux jeunes filles ont perdu conscience suite à une sortie dans les bois. Le révérend Parris, père de Betty, a retrouvé sa fille et sa nièce Abigail dansant nues avec d’autres filles dans la forêt et prie pour sa fille tandis que les villageois en colère crient à la sorcellerie dans son salon ...
Auteur : Arthur Miller
Edition : Robert Laffon
Genre : Théâtre
Date de parution : 15 avril 2010
Prix moyen : 8€
Mon avis : J’ai beaucoup aimé cette pièce, mais je regrette un peu de l’avoir lu dans l’édition que j’ai. En effet, j’ai lu la pièce traduite et adaptée par Marcel Aymé mais, contrairement au texte intégral, du moins d’après ce que j’ai pu déduire d’autres critiques, il n’y avait pas dans mon livre la richesse qu’offre le texte original. En effet, je n’ai eu ni didascalies à rallonge, donnant presque à la pièce des airs de romans, ni description détaillée des personnages.
Il suffit de voir le nombre de pages, 238 dans mon éditions et 435 dans l’édition « Le livre de poche » pour se rendre compte de tout ce qui a disparu entre les deux.
En réalité, je ne sais pas si j’aurais autant apprécié la pièce si je n’avais pas déjà connu l’adaptation cinéma et l’histoire vraie qui l’a inspirée.
Pendant toute la pièce on en peut être qu’outré devant l’attitude des juges. Que les accusatrices soient des manipulatrices, comme dans la pièce, où qu’elles aient été empoisonnées à l’ergot de seigle, ce qui aurait provoqué des hallucinations collectives, puis interrogées jusqu’à ce que, poussées par la peur, elles donnent des noms, comme l’une des explications possibles avancée par les historiens pour expliquer ce phénomène d’hystérie collective, elles restaient des enfants (Si dans la pièce Abigaïl Williams a 17 ans, dans les faits, elle n’en avait que 11) et c’étaient aux juges de faire preuve d’impartialité. Mais on dirait que les juges ont été pris d’une boulimie d’exécution, signant des arrêts de mort à tour de bras sans même s’encombrer de preuves un tant soit peu solides. Comme si faire le plus de victimes possible allait garantir leur salut. Quand on sait qu’il suffisait de ne pas savoir dire ses 10 commandements pour qu’on commence à vous regarder de travers (Et les commandements c’est comme les nains de Blanche-Neige, il en manque toujours 1).
D’ailleurs, l’indignation a été énorme déjà à l’époque puisque c’est le clergé de Boston, indigné, qui est intervenu auprès du gouverneur royal du Massachusetts pour mettre un terme aux agissements des juges de Salem et que l’un d’eux, Increase Mather, a déclaré dans un essai : « Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent échapper, plutôt qu'une personne innocente soit condamnée ». Comme quoi, ils avaient pas tous la même vision des choses !
Un extrait : ABIGAÏL : Mon oncle, je n’ai rien voulu dire devant Suzanna, mais vous savez qu’au village le bruit commence à se répandre d’un mal surnaturel, justement. On va même jusqu’à dire que Betty s’est envolée.
PARRIS : Envolée… Betty envolée… Voilà bien la fable la plus absurde qu’on puisse inventer.
ABIGAÏL : Ne voulez-vous pas descendre ? Le parloir est plein de gens venus aux informations.
PARRIS : Et que veux-tu que je leur dise, moi ? Que j’ai trouvé ma fille et ma nièce en train de danser la nuit comme des païennes dans une clairière de la forêt ?
ABIGAÏL : Pourquoi pas ? Ce serait le meilleur moyen de couper court aux racontars.
PARRIS : Abigaïl, je ne peux pas me présenter devant mes paroissiens alors que vous me cachez la vérité.
ABIGAÏL : Mais je vous l’ai dit, elle est des plus simples, mon oncle. Nous dansions dans la clairière et quand vous avez brusquement surgi des buissons, Betty a eu si peur qu’elle s’est évanouie. Et voilà toute l’histoire. Il n’y a rien à dire de plus.
PARRIS : Enfant, assieds-toi. Si tu sais quelque chose qui puisse aider le médecin, pour l’amour de Dieu, dis-le-moi.
ABIGAÏL, tremble en s’asseyant : Je n’ai pas voulu faire de mal à Betty. J’ai toujours beaucoup aimé Betty.
PARRIS : Réfléchis, mon enfant. Tu vois, je ne te gronde pas, je ne te punis pas. Mais si vous êtes allées dans la forêt pour évoquer les esprits, je dois le savoir tout de suite, car mes ennemis, eux, ne tarderont pas à l’apprendre et ce sera ma ruine.
ABIGAÏL : Mais nous n’avons jamais évoqué les esprits.
PARRIS : Une bouilloire était suspendue sur le grand feu autour duquel vous dansiez avec les autres jeunes filles. Pourquoi cette bouilloire ?
ABIGAÏL : Nous avions froid, et Tituba nous a apporté de la soupe.
PARRIS : Tu m’as dit que vous étiez allées au bois pour vous rafraîchir. Voilà maintenant qu’il vous fallait de la soupe pour vous réchauffer. (Abigaïl baisse les yeux.) Abigaïl, regarde-moi. Comprends-tu que j’ai de nombreux ennemis ?
ABIGAÏL : Je le sais, mon oncle.
PARRIS : Il y a dans le village une faction qui a juré de m’arracher à mon ministère, le comprends-tu ?
ABIGAÏL : Je crois que oui.
PARRIS : Eh bien, c’est précisément cette faction-là qui se réjouira d’apprendre que ma propre famille se livre dans la forêt à je ne sais quelles pratiques obscènes ! À quelles abominations !