Résumé : Gloria et moi avions été prévenus par de vieux routiers que la seule façon de tenir le coup jusqu'au bout dans un marathon de danse, c'était d'utiliser au mieux ces pauses de dix minutes grâce à une méthode précise : apprendre à manger son sandwich tout en se rasant et en se faisant soigner les pieds, apprendre à lire les journaux en dansant, apprendre à dormir sur l'épaule de son ou de sa partenaire ; mais tout cela, c'étaient des trucs de métier qui demandaient de l'entraînement. Au début, nous eûmes beaucoup de peine à nous y mettre, Gloria et moi.
Auteur : Horace McCoy
Edition : Folio
Genre : Drame
Date de parution : 1935 ; 1998 dans cette édition
Prix moyen : 5€
Mon avis : Dans ce livre, tout commence par la fin. Dès la première page, on sait que Robert est devant le juge pour le meurtre de Gloria. Chaque début de chapitre est un fragment de la sentence que le juge prononce à l’égard du jeune homme et, si on sait lire entre les lignes, on sait parfaitement quelle va être cette sentence.
Mon soucis à ce sujet a été que lorsque j’arrivais au chapitre suivant, je ne me souvenais plus de ce que disait le fragment précédent et que du coup j’ai eu du mal à lire cette phrase comme ça par petit bout. J’ai d’ailleurs fini par la lire en une seule fois, en retournant au début de chaque chapitre pour relire chaque fragment les uns après les autres.
Entre ces fragments de sentence, on reprend l’histoire de Robert et Gloria, de leur rencontre jusqu’au geste fatal du jeune homme. Leur histoire va tourner tout entière autour d’un marathon de danse. Il faut dire que le prix pour le gagnant est de 1000 dollars, une sacrée somme pour l’époque, de quoi appâter bon nombre de personnes. Même pour ceux qui ne vont pas gagner, la perspective de plusieurs repas par jour suffit à leur faire relever le défi. Et pourtant, les conditions du « jeu » relèvent plus de l’enfer que de la compétition. Les participants ne doivent jamais cesser de bouger, sauf pendant 10 minutes de pauses accordées toutes les deux heures. Autant dire que les repas chaud promis se prennent sur le pouce, que le sommeil n’est très vite plus qu’un vague souvenir et que l’épuisement, pour des personnes déjà à l’origine pas bien vaillantes, va très vite se révéler dangereux. Et comme si cela ne suffisait pas, les organisateurs mettent en place des « derby », des courses de vitesses au terme desquelles le couple arrivé en dernier sera éliminé. Autant vous dire que si les participants sont enthousiastes après quatre ou cinq heures de danse, ils le sont nettement moins après 700 heures. Car oui, les marathons durent des semaines entières, semaines pendant lesquelles les joueurs sont réduits à l’étant de loque, de zombies, qui ne bougent plus que mécaniquement parce que s’arrêter reviendrait à tout perdre.
L’ouverture d’un bar va attirer la présence de gens peu recommandables et attirer l’œil désapprobateur groupes de moralité : des bourgeoises qui passent leur temps à donner des leçons aux autres et en particulier aux pauvres gens qui ont plus le souci de survivre que de se faire bien voir des rombières.
J’ai bien aimé Robert. Il est enthousiaste et volontaire. Assez conscient de ses faibles chances de percer dans le cinéma mais voulant quand même se donner les moyens de se faire connaître.
A l’inverse, j’ai eu énormément de mal avec Gloria. Ce n’est pas seulement qu’elle soit dépressive. Cela je pourrais le comprendre vu la vie qui est celle des pauvres à cette époque. Mais elle est négative, nocive, cherchant à entraîner quiconque lui parle dans le gouffre sans fond de morosité où elle semble se complaire.
Je ne l’ai appréciée que dans une seule scène : celle où elle dit le fond de sa pensée aux bonnes femmes du groupe de moralité. C’était parfait, un peur instant de bonheur. Et tellement vrai en plus de ça !
J’ai eu l’impression que Gloria arrivait à ses fins en entrainant Robert dans sa chute. Elle aurait pu mettre fin à ses jours seule dans un coin, mais non, insidieusement, elle le pousse à penser qu’il lui rend service.
En à peine un peu plus de 200 pages, Horace McCoy démolit l’image du rêve américain (ce qui, était sûrement un choc pour tous en 1935, mais qui, pour nous lecteurs de 2018, ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà sur le pseudo rêve américain, même s’il n’y a plus de marathon de danse).
C’est un livre qui se lit très vite. Les chapitres sont courts et le rythme, à l’instar de la danse, ne ralentit jamais. On pourrait penser qu’il y aurait un goût de trop peu, mais non, l’histoire est parfaitement dosé et on en ressort en ayant l’impression que tout ce qu’il y avait à dire a été dit.
Un extrait : C’est bizarre la façon ont j’ai connu Gloria. Elle aussi essayait de faire du cinéma, mais je ne l’ai su que plus tard. Je suivais l’avenue Melrose un jour en revenant des studios Paramount, quand j’entendis derrière moi quelqu’un brailler :
« Eh ! Eh ! » Alors je me retournai et c’était elle qui accourait dans ma direction en me faisant de grands signes. Je m’arrêtai et, moi aussi, j’agitai la main. Lorsqu’elle parvint à ma hauteur, elle était hors d’haleine et tout animée, et je me rendis compte que je ne la connaissais pas.
- Vacherie d’autobus ! fit-elle.
Je tournai la tête et, en effet, à une cinquantaine de mètres plus loin, l’autobus descendait l’avenue vers les studios Western.
- Oh ! Pardon ! dis-je. Je croyais que c’était à moi que vous faisiez signe…
- Pourquoi vous aurais-je fait signe ?
Je me mis à rire.
- J’sais pas… Vous allez de mon côté ?
- Tant qu’à faire, autant aller à pied chez Western, répondit-elle.
Alors nous commençâmes à descendre l’avenue en direction de Western.
C’est comme cela que tout a commencé et, à présent, cela me paraît tout à fait étrange. Je n’y comprends rien du tout. J’ai tourné et retourné tout ça dans ma tête et quand même je ne comprends pas.
C’était pas un meurtre. Je veux rendre service à quelqu’un et, en fin de compte, je me fais tuer dans cette histoire.