Résumé : Beauté émouvante et ambition débordante sont une dangereuse association pour une jeune fille. En 1839, à Manchester, Mary Barton rêve d'échapper à sa dure condition d'apprentie couturière en épousant Henry, fils du patron d'une filature. Elle dédaigne ainsi Jem Wilson, ouvrier émérite, qui l'aime depuis l'enfance. Mary risque-t-elle de tout perdre avec ses rêves de grandeur ?
Auteur : Elizabeth Gaskell
Edition : Points
Genre : Classique
Date de parution : 1848 ; Dans cette édition : 10 Mars 2016
Prix moyen : 8€
Mon avis : J’avais beaucoup aimé Nord et Sud que j’ai découvert en film (avec Richard Armitage) avant de le découvrir en livre. Du coup, puisque les livres étaient vendus par deux, j’ai ensuite lu Mary Barton et j’ai de nouveau beaucoup aimé.
J’ai une petite réserve, toutefois. Je trouve que, à chaque fois que l’auteur parle « en faveur » des ouvriers, elle emploie un petit ton paternaliste tout à fait insupportable, comme si elle parlait d’enfants qui ne savent pas ce qu’ils font, sont incapable de discernement, et ne peuvent pas comprendre les problèmes des adultes (ici, les patrons).
Ça m’a agacée, mais je lui retourne le compliment : n’ayant jamais eu à lutter pour survivre, elle ne pouvait certainement pas comprendre la vie et les souffrances de cette catégorie de la population.
En dehors de ce petit ton condescendant et moralisateur, l’histoire en elle-même était vraiment prenante.
Les personnages sont tous fort et indépendant (à part peut-être Jane Wilson, mais vu les pertes qu’elle a subi, on peut la comprendre).
Comme souvent, quand les personnages sont tous intense, j’ai eu une préférence pour des personnages secondaires.
Certes, j’ai beaucoup aimé Mary qui agit toujours dans l’intérêt de son père plutôt que du sien, mais j’ai ressenti une affection particulière pour Margaret, son grand-père, Alice et Will Wilson.
Il y a quelques longueurs, surtout lors des passages les plus descriptifs. Ça a parfois été difficile de passer outre ces lenteurs mais ça valait vraiment le coup.
J’ai beaucoup aimé la description du procès qui montre combien la justice est expéditive quand l’accusé est pauvre et la victime riche et puissante.
Il y a un petit côté romance qui s’inscrit parfaitement dans l’histoire, même si les réactions de Jem Wilson m’ont assez souvent exaspérée. Il est amoureux de Mary et ils sont de la même classe sociale et cela semble justifier, à ses yeux, qu’elle doive lui retourner ses sentiments. D’ailleurs Mary est décrite comme frivole et écervelée par l’auteur parce qu’elle n’accepte pas avec reconnaissance la vie de femme d’ouvrier qu’on lui propose et elle lui reproche d’avoir envie d’une vie meilleure.
Or Mary n’est pas fille à se laisser dicter sa conduite sans broncher.
Dans ce roman, l’auteur n’idéalise ni les patrons (encore qu’elle leur trouve beaucoup d’excuses), ni les syndicats (qui n’ont pas grand-chose à voir avec les syndicats d’aujourd’hui).
Elizabeth Gaskell avance que tous les problèmes découlent d’une incompréhension mutuelle entre patrons et ouvriers. Pour ma part, je pense que ce n’est pas complètement faux, mais pas tant dans le sens où ils ne se comprennent pas. Le vrai problème est que les patrons pensent qu’ils n’ont pas à expliquer leurs décisions, les problèmes qu’ils rencontrent et qui les « obligent » à baisser les salaires.
De leur côté, les ouvriers ne peuvent pas comprendre que les patrons soient eux aussi victimes de la crise quand ils les voient ne rien changer à leur train de vie dispendieux tandis qu’eux même et leurs familles meurent de faim.
Pour moi, c’est au déjà d’un simple problème de communication.
C’est un problème de classe dirigeante qui écrase la classe ouvrière pour ne perdre aucun de leurs privilèges (comme quoi, rien ne change !)
Un extrait : Mary devait travailler. Les usines étant, comme je l’ai dit, exclues, restaient deux voies : celle de domestique ou celle de couturière. La jeune fille tendait toute la force de sa volonté affirmée contre la première. Quel effet cette volonté aurait-elle pu avoir si son père s’y était opposé, je ne saurais le dire ; mais John Barton n’avait aucune envie de se séparer d’elle, qui était la lumière de son foyer par ailleurs silencieux. De plus, compte tenu de ses idées et de ses sentiments vis-à-vis des classes nanties, il considérait la servitude domestique comme une forme d’esclavage : elle revenait d’un côté à satisfaire des besoins artificiels, et de l’autre à abandonner tout droit au loisir dans la journée et au repos la nuit. Ces sentiments extrêmes avaient-ils un fond de vérité ? A vous d’en juger.
A mon sens, le refus de Mary de choisir une vie de domestique se fondait sur des réflexions beaucoup moins sensées que celles de son père sur le sujet. Trois années d’indépendance (car il s’était maintenant écoulé tout ce temps depuis la mort de sa mère) ne la poussaient guère à accepter des contraintes concernant ses horaires et ses fréquentations, à choisir sa tenue en fonction des idées d’une maîtresse en matière de convenances, à renoncer au privilège féminin précieux de bavarder avec une aimable voisine, ou de travailler nuit et jour pour aider quelqu’un qui se trouvait dans la détresse. Tout cela mis à part, les paroles de sa tante absente, la mystérieuse Esther, continuaient à avoir sur Mary une influence insoupçonnée.