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Livres - Page 87

  • [Livre] La fille du tigre

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    Résumé : Lorsque Torey rencontra Sheila pour la première fois, celle-ci refusait de parler, et ne communiquait qu’à travers ses explosions soudaines de violence et de destruction.
    Au terme de cinq mois intenses, Torey remporta la bataille et réussit à la faire accepter dans une classe normale.
    Torey ne revit pas Sheila avant que celle-ci n’ait 13 ans. A son plus grand étonnement, Sheila n’avait que peu de souvenirs de leurs extraordinaires moments passés ensemble. Tandis que Torey s’efforçait de renouer avec l’adolescente, les souvenirs ont lentement refait surface, amenant avec eux sentiments d’abandon et hostilité.

     

    Auteur : Torey Hayden

     

    Edition : Presse de la cité

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 1995

     

    Prix moyen : 30€

     

    Mon avis : Ce livre est la suite peu connue de « l’enfant qui ne pleurait pas ». Il m’a fallu des années pour mettre la main dessus et, ma foi, je ne l’ai pas regretté.
    J’ai vraiment aimé retrouver Sheila car c’est la seule enfant dont s’est occupée Torey dont on connaît autant la suite de l’histoire.
    Le livre commence par un rappel des faits du premier livre avant d’approfondir les raisons qui l’ont poussée à quitter la ville et son petit ami.
    Pendant un temps, elle a eu des nouvelles régulières de Sheila par son amie Sandy qui accueillait la petite dans sa classe et par son ancien second, Anton, qui vivait toujours près de la fillette. Mais très vite celle-ci et son père déménagent et Torey perd tout contact.
    Longtemps elle a essayé de la retrouver en vain et en a été très affectée.
    Viennent ensuite les raisons qui l’ont poussée à écrire « L’enfant qui ne pleurait pas ». Déterminée à faire lire le livre à Sheila pour avoir son accord pour la publication, elle reprend ses recherches et cette fois, retrouve la trace de la gamine.
    7 ans se sont écoulées et c’est une adolescente de près de 14 ans qu’elle retrouve.
    Première surprise pour Torey, si Sheila se souvient d’elle, elle a quasiment tout oublié de ses mois passés dans la classe spécialisée.
    Les souvenirs vont peu à peu remonter à la surface, mais Sheila, toujours aux prises avec les mêmes problèmes, confond les situations et particulièrement mélange l’abandon par sa mère et le départ de Torey.
    Le plus dur pour l’institutrice est de se rendre compte que non seulement les problèmes de Sheila ne se sont pas arrangés après son passage dans sa classe, mais qu’en plus elle n’a pas vu que la fillette, à cette époque, subissait des agressions chez elle.

    Malgré une certaine hostilité de la part de Sheila et de son père, Torey est bien décidé à ne pas abandonner une nouvelle fois l’adolescente à son sort.
    Sheila n’est plus violente comme dans le premier livre, elle choisit maintenant de fuir les situations conflictuelles en fuguant.
    L’opinion qu’elle a d’elle-même est désastreuse ce que Torey a du mal à supporter.
    Sheila l’accuse aussi d’avoir dressé un portrait d’elle-même trop lisse, trop parfait alors qu’elle pense que son institutrice a commis des erreurs qu’elle s’est bien garder de révéler dans son livre.
    J’ai bien aimé connaître la suite de l’histoire de Sheila et surtout de la suivre jusqu’à l’âge adulte.
    C’était une vraie conclusion à l’histoire de Sheila, même si celle-ci ne faisait que commencer.

    Un extrait : Sheila allait avoir quatorze ans quand je finis par la localiser. Il y avait sept ans que je ne l’avais pas vue, soit la moitié de sa vie, et, hormis le poème qu’elle m’avait envoyé deux ans plus tôt, elle ne s’était jamais manifestée. Elle vivait à nouveau avec son père. Ils habitaient dans la grande banlieue de Broadview. Après une conversation téléphonique avec lui, je demandai si je pouvais venir la voir.
    Ils habitaient une petite bâtisse dont la peinture marron s’écaillait, dans un quartier défavorisé où les jardins étaient jonchés de carcasses de voitures et d’appareils ménagers rouillés. Toutefois, comparé au camp de saisonniers où avait vécu Sheila, l’endroit était luxueux.

    Je frappai à la porte. Un long moment passa. Il n’y avait aucun bruit à l’intérieur. Je m’aperçu avec surprise que je tremblai d’émotion. Tandis que j’attendais, tous les fantômes du passé resurgissaient devant moi. Et je les entendais si distinctement…L’écho d’un rire d’enfant, des cris, des hurlements, les bruits de la classe, et puis le souffle du silence, lugubre, sinistre, que j’avais senti passer sur moi alors que je me tenais sur le seuil de la baraque en carton goudronné qui avait servi de maison à Sheila dans le camp de saisonniers…Puis, je revins brusquement au présent. Des pas se rapprochaient de la porte. Et elle s’ouvrit.
    Je ne crois pas que j’aurais reconnu le père de Sheila si je n’avais pas tenu pour acquis que ce serait lui qui m’ouvrirait. En sept ans, il avait terriblement changé. Le buveur courtaud et obèse dont je me souvenais avait disparu. L’homme qui venait de m’ouvrir la porte était mince, d’allure athlétique et, ce qui est plus frappant, avait l’air jeune. J’avais une vingtaine d’années la dernière fois que je l’avais vu, et j’avais toujours pensé qu’il appartenait à la génération de mes parents. Et voilà que je découvrais, choquée, qu’il était, en fait, à peine plus âgé que moi.

     

  • [Livre] Les adieux à la reine

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    Résumé : Une femme, Agathe-Sidonie Laborde, ancienne lectrice de Marie-Antoinette, se souvient de Versailles et, plus précisément (parce que c'est pour elle une hantise), des 14, 15, et 16 juillet 1789, jours d'effondrement durant lesquels, Louis XVI ayant cédé sur tout, les intimes de la famille royale et une grande partie de la Cour se dispersent. 

     

    Auteur : Chantal Thomas

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Historique

     

    Date de parution : 28 août 2002

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : 1810. Agathe-Sidonie Laborde, ancienne lectrice de la reine, se souvient, quasiment heure par heure, de ses trois derniers jours à Versailles. Cette jeune femme, qui n’est pas une aristocrate mais pas tout à fait non plus une domestique, fascinée par la Reine qu’elle idolâtre, refuse la réalité. Elle refuse de croire que la Bastille est tombée, elle refuse de croire que le peuple se soulève, elle refuse de croire que la royauté touche à sa fin.
    Ce déni ne va pas résister aux nouvelles qui arrivent à la Cour ainsi qu’à la Panique, qu’elle personnifie comme étant une femme vêtue de haillons ensanglantés.
    Contrairement au film du même nom, Mme Laborde ne se retrouve que très rarement en présence de la Reine pendant son récit. Le plus souvent elle est dans les couloirs, avec le reste de ceux qui logent sur place, à essayer d’en savoir plus sur les événements. Alors que dans le film la Reine lui montre de l’amitié et de la tendresse, ici, c’est à peine si elle lui jette un regard, à peine si elle l’écoute d’ailleurs lors des séances de lectures.
    Pourtant, à être trop près des puissants, Sidonie en oublie qu’elle n’est pas des leurs. Elle regarde de haut domestiques, valets et peuple, comme les aristocrates la regardent. Pour le peuple et pour la domesticité, elle fait partie des « grands » ; pour l’aristocratie, elle est entre-deux : pas assez insignifiante pour qu’on l’ignore totalement, pas assez importante pour être leur égale.
    Certains passages historiques sont assez pointus, lorsque Sidonie parle de familles nobles. On peut vite être perdu dans les personnages. Mais cela ne dure pas et il n’y a pas de personnages importants excepté le Roi, la Reine, la duchesse de Polignac et Sidonie. Les autres personnages sont presque secondaires car il s’agit ici d’un tout, de la réaction de la noblesse et non pas des sentiments de tel ou tel autre personnage particulier.
    Chantal Thomas décrit parfaitement les dessous de Versailles. Exit la splendeur, les meubles richement décorés, bonjour l’humidité, le délabrement d’un domaine impossible à garder en état, les aliments qui pourrissent dans les appartements, dans les couloirs, les punaises, les puces, les odeurs des corps qui ne sont jamais lavés (On regardait Marie-Antoinette avec méfiance car elle se lavait avant de s’habiller le matin, quelle extravagance !), les rats qui devenaient, le soir tombé, les vrais maîtres des lieux…
    Ce qui frappe, c’est l’incompréhension. Parce que les personnes que l’on croise, à l’instar de Sidonie, ne s’occupent pas de politique. Ils ne comprennent donc pas pourquoi le peuple est mécontent. Bon c’est vrai que la Reine est parfois un peu froide, mais c’est une autrichienne… mais le roi, il est si gentil, comment peut-on lui en vouloir ? Ils n’ont aucune conscience des réalités vécues par le peuple et cela les rend d’autant plus angoissés des événements car ils ne les comprennent pas.
    Et puis, il y aura la demande insensée de la Reine, que Sidonie n’imagine pas refuser, mais qui démontre tout de même l’indifférence de Marie-Antoinette à son égard.
    Malgré quelques longueurs, ce fut une bonne lecture, qui égratignait un peu le mythe de Versailles tout en racontant les choses de l’intérieur.

    Un extrait : C’était un matin un peu frais pour un mois de juillet, voilà ce que je me disais, je crois, montée sur un escabeau, la tête passée à travers la fenêtre mansardée de ma chambre, scrutant un ciel de pluie. Je m’habillai rapidement. J’enfilai des bas d’hiver et glissai, par-dessus le jupon de coton épais avec lequel j’avais dormi, une robe violet sombre presque noire. J’ajoutai un paletot gris, un foulard et empoignai un grand parapluie. Pour le missel, je n’avais pas à le prendre, il était toujours dans la poche de ma robe ; je le déplaçais quand je changeais de robe. Je me hâtai vers l’église Saint-Louis pour y entendre la première messe. Je connaissais le chemin par cœur, cela ne m’empêcha pas de me tromper et de continuer trop loin par la rue de la Chancellerie, au lieu de prendre à droite tout de suite par la rue des Récollets. Erreur légère certes en termes de distance, mais dont je sentis la gravité en atteignant les abords du marché. Des grappes de miséreux y végétaient dans la pourriture et la crasse. Ils étaient prêts à tout pour améliorer un ordinaire constitué des pires déchets, des immondices que les chiens n’auraient pas mangés : il leur arrivait de se battre pour boire l’huile dans laquelle baignaient les mèches des réverbères. Je ne les voyais pas, mais je les devinais, massés contre des baraquements, disséminés, cachés dans tout ce qui pouvait servir d’abri, ou simplement couchés ivres morts dans le ruisseau. Je marchais le plus vite possible. Je dérapai sur ce qui me sembla être quelques pelures de légumes et lâchai ma robe un peu trop longue, dont l’ourlet, par ce mouvement, trempa dans la boue, dans l’horrible mixture de crasse et de sang où baignait cet agglomérat de baraques. Ça bougeait tout près de moi, il y avait des trafics, des voix d’hommes. J’aurais dû faire attention, ne pas traverser seule et dans le jour gris qui ne se levait pas, ce mauvais quartier du Parc-aux-Cerfs.

    Lorsque j’atteignis l’église Saint-Louis, j’avais le cœur battant et m’absorbai avec ferveur dans la prière. Il nous était recommandé de beaucoup prier pour le salut du royaume et pour l’âme du Dauphin, ce pauvre enfant, décédé le 4 juin. Le Roi avait ordonné mille messes pour l’âme de son fils. Je priai passionnément, avec le sentiment confus qu’il y avait un lien entre la mort du fils aîné du Roi et quelque chose d’inquiétant qui menaçait la France. Malgré l’heure matinale, l’église était pleine. Le long des rangées, des silhouettes sombres, agenouillées, chuchotaient. Les cierges éclairaient en bordure, c’était d’eux et non des vitraux qu’un peu de lumière venait. Le prêtre monta en chaire. Ce n’était pas l’abbé Jean-Henri Gruyer, vicaire de Saint-Louis, mais l’abbé Bergier, confesseur de la Reine, du comte de Provence, frère du Roi, et de son épouse. Tout ce que ce prêtre savait, et taisait ! À travers ses mots, j’essayai de distinguer un autre message, subtil, qu’il nous aurait indirectement révélé, d’après ce qu’il avait appris dans le secret de la confession. L’abbé Bergier, bien sûr, ne laissa rien passer. Sur le ton plutôt sec et exceptionnellement modeste qui était le sien, il fit l’apologie de saint Bonaventure, dont c’est, le 14 juillet, la fête.

    Pour rentrer au château je pris le bon chemin, le long du Potager du Roi puis par la rue de la Surintendance. Ce trajet pouvait paraître plus sûr, de l’extérieur ; en fait, il m’émut encore davantage. Dans cet ancien quartier, qui avait été autrefois le village de Versailles, s’étaient logés beaucoup de députés du Tiers État. La perspective de croiser ces hommes en habit triste et qui parlaient entre eux comme d’autres gens se frappent n’avait rien d’engageant. Pourtant, je surmontai mon appréhension et réussis à parcourir toute la rue sans rien voir. Ce n’est que lorsque je touchai à la première grille du château que je me sentis assez en sécurité pour retrouver le don de la vue. Dans la Cour Royale, la relève de la garde se faisait. J’accompagnai en chantonnant la musique des trompettes et des tambours ; je pris au passage un broc d’eau dans la soupente de la petite Alice, femme de chambre de madame de Bargue (laquelle avait la chance d’avoir un appartement avec une fontaine), et rejoignis ma chambre pour me faire une grande toilette. Je changeai mes bas de laine contre des bas de filoselle, et remplaçai mon foulard par un châle écossais noir et blanc. Je me coiffai avec soin. Je voulais aussi mieux préparer l’ordre des lectures que j’avais prévues pour la Reine. J’en avais été avertie la veille : ce jour était un jour où elle me demandait.

     

  • [Livre] L'enfant qui ne pleurait pas

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    Résumé : Sheila, six ans, a enlevé un bébé, l’a ligoté à un arbre et a mis le feu. Il est dans un état critique et la coupable a été arrêtée.
    C’est elle que Torey voit apparaître dans sa classe d’enfants inadaptés. La police ne peut plus rien et l’hôpital psychiatrique l’a rejetée.
    Alors commence une lente approche entre la jeune pédagogue et l’enfant sauvage qui dit toujours non et ne pleure jamais. Des gestes, des mots, des jeux…et Sheila se révèle sensible, intelligente.
    Chaque soir, hélas ! elle retrouve son taudis, son père irresponsable et violent.
    Saura-t-elle jamais pleurer…et rire ?

     

    Auteur : Torey Hayden

     

    Edition : J’ai lu

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 1982

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Ce livre est le premier livre de Torey Hayden que j’ai lu. Dès les premières pages, j’ai été littéralement happée par le style, l’écriture et bien sûr l’histoire.

    On ressent bien le fatalisme de Torey, quand elle dit qu’elle aurait du se douter que Sheila échouerait dans sa classe.
    Il faut dire qu’elle est spécialisée dans l’enseignement auprès des enfants dits « à problèmes » : autisme, mutisme volontaire, tentative de suicide, accès de violence, les raisons qui amènent les enfants dans la classe de Torey ne manquent pas.
    Pour Sheila, le placement est temporaire. Elle n’est censée rester dans la classe spécialisée que le temps que se libère pour elle une place à l’hôpital psychiatrique.
    Malgré l’hostilité que montre la fillette, Torey refuse de se contenter d’être une gardienne de prison et va tout faire pour faire classe à Sheila comme aux autres gamins.
    Le plus dur dans ce roman est de voir la facilité avec laquelle la plupart des adultes balaient la vie de Sheila comme si elle ne valait rien.
    Quand Torey décide de se battre contre l’envoi de la gamine en hôpital psychiatrique, peu de personnes la soutiennent d’abord, l’accusant même d’outrepasser ses fonctions (même s’ils reviennent sur leurs dires pour la plupart).
    Personne, à part Torey, ne semble s’être donné la peine de connaître le passé de Sheila et pourtant, à seulement 6 ans, elle a vécu plus d’épreuves que la plupart des gens.
    Sheila ne pleure peut-être pas, mais je l’ai fait pour elle car je n’ai pas arrêté du début à la fin.
    Au-delà de l’histoire de Sheila, on voit le combat de Torey pour que ces enfants dits « particuliers » cessent d’être considérés comme quantité négligeable par la société (le meilleur exemple étant le médecin qui refuse d’anesthésier un enfant autiste avant de le recoudre car « ces gens là ne sentent pas vraiment la douleur »).
    On ne peut être que touché, à la fois par Sheila et pour Torey, pour qui une année réussie se solde par un petit garçon autiste qui dit enfin « Maman ».

    Un extrait : J’aurais du m’en douter.
    C’était un article très court, juste quelques paragraphes coincés en page six sous les bandes dessinées.
    Il parlait d’une petite fille de six ans qui avait kidnappé un enfant du quartier. Par cette froide soirée de novembre, elle avait emmené le gamin de trois ans, l’avait attaché à un arbre d’un bosquet voisin puis avait mis le feu. L’enfant était à l’hôpital, dans un état critique. La petite fille avait été appréhendée.
    Je lus l’article de l’œil indifférent dont je parcourrais le reste du journal, avec un vague sentiment d’indignation sur l’évolution de la société.
    Plus tard, au cours de la journée, il me revint en mémoire tandis que je faisais la vaisselle. Je me demandai ce que la police avait fait de la petite fille. Pouvait-on mettre une enfant de six ans en prison ? J’eus quelques visions Kafkaïennes de la gamine errant dans la vieille prison sinistre de la ville. Mais j’aurais du m’en douter.
    J’aurais dû me douter qu’aucun enseignant n’accepterait dans sa classe une élève ayant un tel antécédent. Qu’aucun parent ne voudrait que son enfant côtoie à l’école une fillette de ce genre. Que personne ne la laisserait se promener en liberté.
    J’aurais dû me douter qu’elle finirait par échouer dans ma classe.

     

  • [Livre] Mon bel oranger

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    Résumé : A cinq ans, Zézé a tout appris seul : la lecture, les grossièretés de la rue, les trafics de billes, les tangos pleins de sentiments du marchand de chansons. Tout le monde le bat, sauf sa sœur Gloria. Ange ou diable, il a un secret dans le cœur : un petit pied d'oranges douces, le seul confident de ses rêves, qui l'écoute et lui répond.

     

    Auteur : José Mauro de Vasconcelos

     

    Edition : Livre de poche

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 1971

     

    Prix moyen : 6€

     

    Mon avis : J’ai lu ce livre quand j’avais 8 ou 9 ans. Et je l’ai relu un grand nombre de fois depuis.
    Zézé est très attachant. Vu que tout le monde, dans sa famille, joue du fait qu’ils sont ses aînés pour le maltraiter, il pourrait agir de même avec son petit frère Luis mais non, au contraire, il fait tout pour l’amuser et l’occuper et surtout le tenir éloigner de la misère qui les entoure.
    Mais la misère n’excuse pas tout : oui la vie est dure, oui Zézé est turbulent, mais l’acharnement que les aînés, en particulier le père et sa sœur Jandira, montrent à l’égard de Zézé ne peut pas être excusé par la pauvreté.
    Zézé a une imagination débordante et il ne l’utilise pas toujours à bon escient, mais sa précocité fait un peu rapidement oublier à tous qu’il n’a que 5 ans (même s’il doit mentir sur son âge pour que sa famille puisse être débarrassée de lui dans la journée en l’envoyant à l’école).
    Sa rencontre avec Portuga, un adulte qui lui parle avec gentillesse et sera un vrai modèle paternel pour lui, va changer sa vie et ramener un peu de bonheur pour cet enfant.
    Mais la vie n’est pas une partie de plaisir et, déjà que le livre en lui-même est triste, la fin m’a fait pleurer comme une madeleine.
    Je sais qu’il y a eu une adaptation ciné, mais la bande annonce ne m’a pas convaincu : Zézé n’a plus 5 ans mais 8, il n’est pas blond (ni Gloria, alors que dans le livre, il insiste beaucoup sur ce point), Portuga est aussi plus âgé que dans le livre… ne pas être capable de respecter ce genre de choses me fait craindre pour le scénario.
    J’ai appris également, il y a peu, qu’il y avait une suite à ce livre, qui raconte l’adolescence de Zézé. J’espère pouvoir la lire bientôt.

    Un extrait : À la maison chacun des aînés devait s’occuper d’un de ses petits frères. Jandira s’était occupée de Glória et d’une autre sœur qui avait été donnée à des gens du Nord. Antonio était son chouchou. Ensuite, Lalà s’était occupée de moi jusqu’à ces derniers temps. Elle avait même l’air de bien m’aimer, mais ensuite elle en eut assez ou bien c’est qu’elle était trop occupée par son amoureux, un gommeux comme celui de la chanson : en pantalon long et veste courte. Le dimanche, quand on allait faire du « footing » du côté de la gare (son amoureux disait comme ça), il m’achetait des bonbons que j’aimais beaucoup. C’était pour que je ne dise rien à la maison. Je ne pouvais même pas interroger l’oncle Edmundo, sinon on aurait tout découvert…

    Mes deux autres petits frères étaient morts tout bébés et j’avais seulement entendu parler d’eux. On disait que c’étaient deux petits Indiens Pinagés. Bien bruns avec des cheveux noirs et raides. C’est pourquoi on avait appelé la fille Aracy et le garçon Jurandyr.

    Enfin venait mon petit frère Luís. C’était surtout Glória qui s’occupait de lui et ensuite moi. Personne, d’ailleurs, n’avait besoin de s’occuper de lui car c’était le petit garçon le plus joli, le plus gentil et le plus sage qu’on ait jamais vu.

    C’est pourquoi, lorsqu’il m’adressa la parole de sa petite voix qui prononçait tout sans faute, moi qui m’apprêtais à gagner le monde de la rue, je changeai d’idée.

    « Zézé, tu veux m’emmener au Jardin zoologique ? Aujourd’hui, il ne risque pas de pleuvoir, n’est-ce pas ? »

    Qu’il était mignon, il disait tout sans se tromper. Ce petit-là serait quelqu’un, il irait loin.

    Je regardai la belle journée, rien que du bleu dans le ciel. Je n’eus pas le courage de mentir. Parce que quelquefois, quand je n’en avais pas envie, je disais :

    « T’es fou. Luís. Tu ne vois pas que l’orage arrive !… »

    Cette fois-ci, je pris sa menotte et nous voilà partis pour les aventures dans le jardin.

    Le jardin se partageait en trois domaines. Le Jardin zoologique. L’Europe qui se trouvait près de la haie bien entretenue de la maison de seu Julinho. Pourquoi l’Europe ? Même mon petit oiseau ne le savait pas. Enfin l’endroit où nous jouions au téléphérique du Pain de Sucre. Je prenais la boîte à boutons et je les enfilais tous sur une ficelle. Ensuite on attachait une extrémité à la haie et Luís tenait l’autre. On mettait en haut tous les boutons et on les laissait glisser lentement un à un. Chaque voiture arrivait pleine de gens connus. Il y en avait un, tout noir, qui était le wagon du nègre Biriquinho. De temps à autre, on entendait une voix dans le jardin voisin.

    « Tu n’abîmes pas ma haie, Zézé ?

    – Non, dona Dimerinda. Vous pouvez regarder.

    – C’est comme ça que je t’aime, jouant gentiment avec ton petit frère. Ce n’est pas mieux ? »

    C’était peut-être mieux mais quand mon « parrain », le diable, s’emparait de moi, il n’y avait rien de plus agréable que de faire des sottises…

     

  • [Livre] Belle époque

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    Résumé : Paris, 1889. Maude Pichon s'enfuit à 16 ans de sa Bretagne natale pour échapper à un mariage forcé et découvre Paris, ville-lumière en ébullition à la veille de l'Exposition universelle. Hélas, ses illusions romantiques s'y évanouissent aussi vite que ses maigres économies. Elle est désespérément à la recherche d'un emploi quand elle tombe sur une petite annonce inhabituelle:

    ON DEMANDE 
    Des jeunes femmes
    pour faire un ouvrage facile.
    Bienséance respectée.
    Présentez-vous en personne 
    à l'agence Durendeau, 
    27, avenue de l'Opéra, Paris.
    L'agence Durendeau propose en effet à ses clients un service unique en son genre:le faire-valoir. Étranglée par la misère, Maude postule...

     

    Auteur : Elizabeth Ross

     

    Edition : Robert Laffont

     

    Genre : Young Adult, historique

     

    Date de parution : 14 novembre 2013

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Ce roman est inspiré de la nouvelle « le repoussoir » d’Emile Zola, que je n’avais pas lu, mais que j’ai eu la surprise et le plaisir de trouver à la fin du roman.
    Il ne s’agit pas ici d’une réécriture, comme on en trouve souvent des œuvres de Jane Austen, mais plutôt d’une suite.
    En effet, le repoussoir raconte en une quinzaine de pages comment Mr Durendeau eu un jour l’idée de faire commerce de la laideur et montre les débuts de son agence.
    Dans Belle époque, l’agence de Mr Durendeau, si elle est discrète, a tout de même pignon sur rue.
    Maude, qui a fuit son petit village breton, son père et une vie de labeur toute tracée auprès d’un homme de plus de 20 ans son aîné a cru qu’il serait facile pour elle de s’installer à Paris. Après tout, sûre de son expérience dans la tenue de l’épicerie familiale, elle ne doute pas trouver rapidement du travail. Mais elle déchante vite, personne ne veut d’une petite provinciale à l’accent prononcé comme il en arrive par dizaines chaque jour dans la capitale.
    Après bien des hésitations et malgré son humiliation, Maude va entrer à l’agence de Mr Durendeau et se louer comme repoussoir.
    Son premier contrat est particulier, en effet, la jeune fille dont elle va être le faire-valoir ne doit pas savoir que Maude est une employée et doit la croire nièce d’une amie de sa mère.
    Maude va devoir jongler entre les exigences de la mère et l’amitié grandissante qu’elle ressent pour la fille.
    Je pense que Maude est aveuglée par la richesse de ses employeurs et qu’elle oublie que l’argent ne fait pas le bonheur. Pourtant, à son niveau modeste, c’est bien un mariage d’argent qu’elle a refusé et fuit : son père la destinait à un commerçant prospère et si sa vie n’aurait pas été oisive, elle aurait eu un toit sur la tête et la table bien garnie, ce que nombre de personnes, à cette époque, n’avait pas.
    Devant les richesses incroyables qu’elle admire chez l’aristocratie parisienne, elle semble ne pas comprendre qu’on puisse vouloir plus que ce confort matériel. Je crois qu’elle voit tout d’abord Isabelle, celle pour qui elle est louée, comme une enfant capricieuse. Et puis, au fil du temps, elle réalise qu’Isabelle veut simplement vivre avec son temps. La monarchie s’est éteinte depuis longtemps, les artistes, les journalistes, les étudiants sont sur le devant de la scène, la tour Eiffel, presque un personnage à part entière tant elle déclenche les passions, est en cours de construction, les femmes ont accès à l’université…
    Malgré tous ces changements, il y a toujours ce petit noyau d’aristocrates qui s’obstinent à vivre comme au temps de la monarchie absolue et l’amitié entre Isabelle et Maude fait se télescoper ces deux mondes.
    La scientifique, la rêveuse, l’aristocrate, la provinciale, chacune cherche à trouver sa voie et sa part de bonheur dans une société qui oscille encore entre traditionalisme et modernité.
    J’ai particulièrement apprécié le fait que ce livre soit un tome unique (et vu la fin, je ne pense pas que l’auteur puisse vraiment nous faire la surprise d’un second tome). C’est agréable d’avoir un début, un déroulement et une vraie fin sans devoir attendre la sortie d’une suite.

    Un extrait : La langue nouée, j’observe à la dérobée ce M. Durandeau dont je ne sais rien. Ses jambes courtaudes peinent à soutenir un corps aussi renflé qu’une barrique et il se rengorge sous son gilet en satin nacré. Il y a une ressemblance frappante avec un pigeon qui plastronne sur le trottoir.

    Il congédie ledit Laurent et retrouve, pas trop tôt, ses bonnes manières.

    — Votre nom, jeune fille ?

    — Maude Pichon, dis-je, la voix rauque.

    — Pichon… où avez-vous pêché un nom pareil ? D’où venez-vous ?

    — De Poullan-sur-Mer.

    Face à sa mine perplexe, j’ajoute :

    — Un village en Bretagne.

    — Voilà qui explique l’accent, mais il faudra remédier à cela, et vite.

    — Un problème avec mon accent ?

    M. Durandeau répond à ma question par une autre :

    — Et votre âge ? Seize ans, dix-sept ?

    — Seize ans, monsieur.

    — Et vos parents ?

    — Rappelés par Dieu l’un comme l’autre.

    Un demi-mensonge ; mon père est vivant mais il pourrait tout aussi bien être entre quatre planches, car il est hors de question que je retourne à Poullan-sur-Mer : non contente de contrarier ses projets de mariage, j’ai aussi dérobé le contenu du tiroir-caisse. Une petite fortune, m’avait-il semblé à l’époque, avant de découvrir que Paris est un ogre qui dévore tout ce que vous avez dans vos poches.

    — Comme c’est triste, répond machinalement M. Durandeau. Ainsi donc, vous avez croisé l’une de nos annonces. Elles ne nous ont pas amené grand-monde jusqu’ici. Quand j’y réfléchis, elles sont peut-être mal formulées.

    L’annonce est avare en informations, je le reconnais, mais un travail, cela ne se refuse pas.

    — Laurent se charge à présent des recrutements, poursuit-il. Un garçon amène, sympathique. Grâce à lui, nous avons de bien meilleurs résultats.

    — Monsieur, en quoi consiste l’ouvrage dont parle l’annonce ?

    Mais M. Durandeau fait la sourde oreille.

    — Les appointements sont plus qu’honnêtes, poursuit-il. Nous vous fournirons une tenue pour chaque sortie. Je vais vous confier aux bons soins de la couturière de la maison, Mme Leroux, au bout du couloir. Elle saura vous préparer une toilette correcte avant l’arrivée des clientes.

    Sur ce, il extirpe une pièce de cinq francs de sa poche et la glisse dans ma main.

     

    — Bienvenue à l’agence, mademoiselle Pichon.

     

  • [Livre] Les plus belles légendes de France

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    Résumé : Il était une fois... Les contes débutent souvent par ces mots qui nous font basculer dans une autre réalité, un monde où tout est possible. Des aventures fantastiques, des personnages hors du commun, des scènes hautement symboliques, voilà la recette d'un conte réussi. Ces histoires, venues d'Alsace, de Provence, de Bourgogne ou d'ailleurs, transmises depuis des siècles, nous envoûtent toujours autant.
    Soixante-huit contes issus du folklore de dix-sept régions, illustrés par des aquarelles originales, sont réunis dans cet ouvrage et nous invitent à un enchantement sans cesse renouvelé.

     

    Auteur : Collectif

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Contes et légendes

     

    Date de parution : 2011

     

    Prix moyen : 28€

     

    Mon avis : Les légendes sont classées par région. Parfois, je suis restée perplexe devant la fin de certaines qui me semblaient incomplètes. En les relisant, j’ai compris qu’elles se basaient en fait sur un personnage folklorique bien connu de la région et protagonistes de nombreuses légendes et que donc ses motivations et particularités n’étaient pas détaillées à chaque fois. Mais effectivement, pour ceux qui ne connaissent pas ledit personnage, c’est un peu déroutant.
    Dans d’autres cas, la légende me paraissait familière et j’ai réalisée que je l’avais déjà lu mais que les détails divergent suivant la région. Par exemple, je connaissais le conte de Perrault dans lequel des fées, charmées par la bonté d’une jeune fille, lui donne en cadeau la capacité de voir sortir de sa bouche des diamants et des perles. La mère, aussitôt, envoie sa fille préférée, espérant un tel cadeau pour elle, mais le caractère emporté de la demoiselle lui vaut de cracher des serpents et des crapauds à la place des joyaux. J’ai retrouvé la même histoire dans une légende de Bretagne où ce sont ici des « danseurs de nuit » qui dispensent cadeaux et punitions…
    Après de savoir qui de la légende ou du conte est arrivé le premier…
    J’ai beaucoup aimé certaines légendes, d’autres moins car elles me paraissaient moins bien écrites. Cela dit, le propre des légendes est d’être une tradition orale qui ne rend pas toujours bien à l’écrit.
    J’ai eu une préférence pour les légendes de Provence, bien sûr, et j’en connaissais certaines, bien que sous des formes différentes. Mais c’est cela les légendes, d’une ville à l’autre, parfois même d’une famille à l’autre, les détails changent et parfois, même, la fin est si différente qu’on en oublie qu’il ne s’agit que d’une seule et même légende.
    En extrait, je vous présente une courte légende bretonne.

    Un extrait : Gabino, le fantôme.
    Ce fantôme n’apparaît qu’au milieu des ténèbres et sous une forme animale indéterminée. Si vous le rencontrez, ne lui dites rien, et soyez sûr qu’il vous laissera passer paisiblement votre chemin. Mais si vous aviez l’imprudence de lui dire un seul mot, il vous maltraiterait cruellement, et, selon le cas, pourrait vous trainer à la rivière ou vous noyer dans un étang !
    Ce spectre aime à rire au détriment des pauvres humains, qu’il mystifie à tout propos ; pourtant il copie leurs manières, leurs actions, leurs ridicules même, et souvent il devient leur ami. Si c’est un domestique qu’il prend en affection, il partage ses peines, il fait la moitié de son travail.
    S’il s’attache à une dame, il travaille à sa toilette, bassine son lit, l’aide à se déshabiller et, si elle est seule, couche avec elle pour lui tenir compagnie et l’empêcher d’avoir peur.
    Ses assiduités deviennent quelquefois incommodes aux habitants des fermes qu’il fréquente…Mais, par bonheur, on se débarrasse aisément de sa personne : Il suffit de placer en équilibre sur son chemin soit une bouteille, soit un pot rempli de blé ; Gobino renverse l’objet en passant, et, honteux, quitte la maison. Mais s’il s’apercevait que cela fut un piège, il pourrait se faire qu’on se repentit du tour qu’on lui aurait joué ! C’est ce qui arriva à la nièce du curé : le spectre vindicatif vint toutes les nuits pendant un mois la fouetter au lit, au point qu’il fallut appeler le garde champêtre pour la garantir de ces attentats.

     

    Vérusmor, Voyage en Bretagne, 1855

     

  • [Livre] 500 expressions populaires sous la loupe

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    Résumé : Dans 500 expressions populaires sous la loupe, Georges Planelles invite les amoureux de la langue française à découvrir les origines passionnantes (et souvent cocasses !) de ces petits trésors qui colorent nos conversations. Il appuie son enquête de réflexions humoristiques et de citations de circonstance, comme il le fait dans le fameux site Expressio, dont il est le créateur. Avec ce livre en main, impossible de bayer aux corneilles, c'est garanti !

     

    Auteur : Georges Planelles

     

    Edition : Guy Saint-Jean

     

    Genre : Dictionnaire

     

    Date de parution : Janvier 2015

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : A vrai dire, je n’ai pas grand-chose à raconter sur ce livre. Comme l’indique le titre, l’auteur se penche en effet sur 500 expressions populaires. Alors, oui, parfois, assez rarement je dois dire, on apprend des choses qu’on ne savait pas déjà (comme le fait que l’expression est bayer aux corneilles, et non bailler aux corneilles), mais en dehors de ces quelques (et trop rares) découvertes, ce livre est globalement une déception.
    Le résumé parle de réflexions humoristiques, j’en cherche encore la trace (mais l’humour, je l’admets, est très subjectif).
    Il y a, en revanche, trois choses qui m’ont heurtées dans ce livre et ce bien plus qu’une simple incompatibilité humoristique :

    La première : Sur bon nombre d’expressions, l’auteur ne peut pas donner d’explication ou d’origine, ce qu’il explique longuement. Si le sujet du livre avait été : les 500 expressions populaires les plus connues, j’aurais compris qu’il les cite, quitte à dire qu’il ne savait pas du tout comment cette petite phrase était devenue une expression. Mais ici, il s’agit de passer à la loupe 500 expressions. Je ne vois donc pas l’utilité de citer des expressions sur lesquelles il n’a rien à dire, puisqu’au final, il ne fait que cela : le citer, sans jamais les passer à la loupe.


    La seconde : Les citations. Les citations dans ce livre sont pour la plupart horriblement frustrantes ! Pourquoi ? Parce que tout simplement, à la fin de bon nombre de paragraphes, l’auteur termine en disant, par exemple, « cette expression était déjà utilisée par Montaigne dans tel ouvrage » suivie d’une citation…qui n’a rien à voir. Alors qu’on s’attend à lire un passage de l’ouvrage dont on vient de nous parler, on se retrouve avec un extrait d’article de presse, ou extrait de roman plus ou moins contemporain. J’ai trouvé frustrant, oui, d’être alléchée par l’annonce d’un auteur et d’un ouvrage et de ne pas découvrir ce passage là.
    C’est comme si dans un grand restaurant on nous vantait les qualités exceptionnelles de la viande avant de nous servir du Cabillaud…

    La troisième : La condescendance de l’auteur. Celui-ci ne se mouche pas du coude, c’est une évidence, mais, à plusieurs reprises, j’ai trouvé sa condescendance envers ses lecteurs insupportable.
    Un exemple parmi d’autres : L’auteur explique que telle expression, utilisée depuis plusieurs siècles, a toujours eu une origine communément admise par le peuple. Il cite alors un obscur linguiste, probablement connu et reconnu par ses pairs, mais dont la renommée ne semble pas dépasser ce cercle restreint, qui a une toute autre opinion des origines de cette expression (c’est son droit, et peut-être a-t-il raison, ou peut-être pas). Qu’il nous cite cette opinion divergente est tout à fait légitime. Mais voilà l’auteur de conclure : « Alors qui a raison ? L’érudit qui propose une opinion qu’il semble être le seul à défendre (mais à laquelle je me rallie bien volontiers, l’homme étant rarement pris en défaut) ou la masse qui en diffuse une autre ? »
    C’est tout de même un comble de faire tout un livre sur les expressions populaires et d’afficher un tel mépris pour ceux qui les emploient.

    J’ai vu que l’auteur avait réitéré l’expérience en se penchant cette fois sur 1001 expressions, mais, étant donné le mal que j’ai eu à arriver au bout de ces 500 là, je passe mon tour.

    En extrait, je vous propose l’explication d’un des rares paragraphes qui m’ait apporté quelque chose.

    Un extrait : Bayer/bâiller aux corneilles

    1. Regarder en l’air, rester sans rien faire.
    2. S’ennuyer.

    Le verbe « bayer » qui, depuis le XIIe siècle, signifie « avoir la bouche ouverte » ne doit pas être confondu avec « bâiller » même si on ouvre généralement grand la bouche. Au XVIe siècle, par ailleurs, le terme « corneille » servait à désigner des objets insignifiants, sans importance. Ce terme pouvait aussi bien désigner l’oiseau, présent en grande quantité à cette époque, que le fruit du cornouiller.

    « Bayer aux corneilles » voulait donc dire « rester bouche ouverte à regarder en l’air » ou « contempler ou désirer des choses sans intérêt ».

    Le verbe « bayer » étant tombé en désuétude (il n’est plus employé que dans cette expression), on le remplace souvent erronément par « bâiller » et l’expression prend alors le second sens proposé ; les corneilles deviennent alors un complément quasiment inutile et incompris dans ce contexte.

     

  • [Livre] Dysfonctionnelle

     

    Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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    Résumé :Fidèle, alias Fifi, alias Bouboule, grandit dans une famille dysfonctionnelle ; Papa enchaîne les allers-retours en prison, Maman à l’asile ; mais malgré le quotidien difficile, Fidèle vit des moments de joie,  entourée de ses six frères et sœurs aux personnalités fortes et aux prénoms panachés : Alyson, JR, Dalida, Jésus… Cette tribu un peu foldingue demeure Au Bout Du Monde, le bar à tocards que tient le père dans Belleville, théâtre de leurs pleurs et rires…
    À l’adolescence, la découverte de son « intelligence précoce » va mener fidèle à « l’autre » bout du monde : un lycée des beaux quartiers où les élèves se nomment Apolline ou Augustin, et regardent de haut son perfecto, ses manières de chat de gouttière et ses tee-shirts Nirvana. Mais c’est là que l’attend l’amour, le vrai, celui qui forme, transforme… CELUI QUI SAUVE.

     

    Auteur : Axl Cendres

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 7 octobre 2015

     

    Prix moyen : 15,50€

     

    Mon avis : Alors…Comment dire… Il va être très dur de dire ce que j’ai pensé de ce roman sans spoiler mais je vais essayer de ne rien révéler d’important.
    Que la famille de Fidèle soit dysfonctionnelle, c’est le moins qu’on puisse dire si on s’appuie sur la définition qu’a la société d’une famille fonctionnelle, à savoir un papa et une maman, présents, pas violents, qui travaillent (ou avec un des parents au foyer parce que l’autre gagne suffisamment pour le permettre), qui n’ont aucun problèmes graves…la famille Ingalls mais en mieux quoi…
    Et bien au fil de ma lecture, j’ai pu constater que les parents des familles « fonctionnelles » sont bien plus affligeants que la famille de Fidèle. Alors certes, son père n’aime pas l’idée que sa fille soit plus intelligente que lui, certes sa mère a « un grain » provoqué par un traumatisme qui est tout à fait compréhensible, mais quand Fidèle, 10 ans, raconte à son père qu’elle a embrassé sa copine Mélanie sur la bouche, il n’a aucune réaction négative tandis que la famille parfaitement fonctionnelle selon les normes établies de Mélanie retire la gamine de l’école et va jusqu’à déménager pour que cette anormalité ne se reproduise pas… et ce n’est pas le seul exemple que l’on rencontre dans le roman.
    Fidèle nous présente ses frères et sœurs, expliquant leurs prénoms atypiques ; elle nous raconte sa vie, à la maison, auprès de Zaza, sa grand-mère, au Bar de son père, à l’école. La seule chose que nous ne saurons pas, c’est ce qu’il s’est passé quand elle a été placée trois mois en famille d’accueil pendant que son père était en prison, sa mère à l’asile et sa grand-mère jugée incapable de s’occuper des enfants par les services sociaux. Elle nous donne quelques micro-indices, à nous d’imaginer le pire.
    Je suis sans arrêt passée du rire aux larmes, avec un petit détour par l’agacement voire l’indignation.
    Le personnage de Dalida m’a vraiment écœurée, pas tant dans son attitude de tous les jours quand elle était adolescente mais pour celle qu’elle adopte une fois adulte.
    Fidèle n’est pas non plus l’adolescente parfaite, elle fait des erreurs, part un peu à la dérive, s’emporte, mais elle a bon fond, et c’est ce qui est important.
    J’ai adoré le personnage de l’oncle. Avec Zaza, la grand-mère, il se tient toujours légèrement en retrait mais semble être le ciment de la famille, toujours prêt à aider, toujours prêt à trouver des solutions, toujours à l’écoute…
    Certaines réactions complètement contradictoires du père m’ont fait rire (Il défend l’exécution du mouton de l’Aïd comme étant une tradition ancestrale chez les musulmans et donc dans leur famille et à coté de ça, il s’enfile tous les jours du Sauvignon et du saucisson…)
    Bref, on a ici un livre addictif, tendre et dur à la fois et qui inclut l’homosexualité sans appuyer dessus, sans en faire trop, sans brandir une pancarte pour dire « vous avez vu, ici, nos personnages sont homosexuels, on est moderne, hein ? ».
    Comme le dit Sarah, l’amie de Fidèle : « 
    Je pense qu’on ne tombe pas amoureux d’un garçon ou d’une fille, mais d’une personne. ».
    Tout est dit, et cela résume bien l’ensemble du roman : ce qui compte, c’est l’amour.

    Un extrait : « Jésus ?! »
    C’est ce que tout le monde s’était exclamé au bar quand mon père leur avait annoncé le prénom de son deuxième fils. J’avais six ans quand il est né.
    « Mais vous allez en faire un dingo ! » disait l’un.
    « Mais on va le massacrer à l’école ! » renchérissait l’autre.
    « Mais il aura jamais de gonzesse ! » rigolait encore un autre.
    Et ainsi de suite.
    C’est alors que j’ai vu Papa faire ce truc encore plus classe que de sortir son flingue : comme l’objet se trouvait sous le comptoir, il a laissé son bras droit sous le comptoir, et a posé le coude de son bras gauche sur le comptoir, de sorte qu’on ne savait pas si oui ou non, il tenait son flingue…Et puis il a déclaré avec un mélange de calme et de menace dans la voix :
    « Si Natouchka veut appeler son fils Jésus, ce sera comme ça. »
    Et plus personne n’a jamais fait de remarques sur le prénom.

    Parfait mélange polono-kabyle, Jésus avait les traits fins de Maman, le teint clair de Papa, les yeux bleus et les cheveux bruns.
    A cette époque, Maman arrivait au paroxysme de son amour du Christ, l’érigeant au rang de rock-star : poster, portraits et crucifix ornaient sa chambre au dessus du bar – et jusque dans la salle, où elle avait cloué une photo du visage de Jésus ensanglanté…
    « Y’m’fout le bourdon », se plaignit un jour un habitué en le fixant.
    « Change de bar », rétorqua mon père.
    « Sers-moi plutôt un aut’verre, j’ai l’impression qu’y m’regarde de travers… »
    Je soupçonne d’ailleurs cette photo d’avoir augmenté le chiffre d’affaires du bar ; mais je n’ai pas les chiffres pour le prouver.
    Quoi qu’il en soit, le bébé était bien là, et il se nommait Jésus.


    Plus tard, lorsque j’en avais parlé au médecin de ma mère, l’Einstein sans moustache, il m’avait dit sur un ton tout à fait neutre :
    « C’est classique que des survivantes, devenues ferventes catholiques, poussent leur délire jusqu’à croire enfanter le Christ… Votre mère était assez instable pour être diagnostiquée comme déséquilibrée, mais pas assez pour être internée… Si on devait enfermer tous les gens dans ce cas, il faudrait interner au moins dix pour cent de la population française ! »
    Il s’était fait rire tout seul.
    « Votre mère ne vous a jamais voulu aucun mal. Je ne devrais pas vous raconter ça, mais nous connaissons le cas d’une survivante atteinte du même syndrome que votre mère qui a tué tous ses enfants avant de se donner la mort ! »
    Merci de me l’avoir raconté quand même, Docteur.

     

  • [Livre] Le doute

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    Résumé : Un an après le décès accidentel de Lydia, l'une de leurs filles jumelles, Angus et Sarah Moorcroft quittent Londres pour oublier le drame. Ils s'installent sur une petite île écossaise, qu'ils ont héritée de la grand-mère d'Angus, au large de Skye.
    Mais l'emménagement ne se passe pas aussi bien que prévu. Le comportement de Kirstie, leur fille survivante, devient étrange : elle se met à affirmer qu'elle est en réalité Lydia. Alors qu'un brouillard glacial enveloppe l'île, l'angoisse va grandissant... Que s'est-il vraiment passé en ce jour fatidique où l'une des deux soeurs a trouvé la mort ?

     

    Auteur : S.K. Tremayne

     

    Edition : Presse de la cité

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 03 septembre 2015

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Au fil de ma lecture, en essayant de démêler les incertitudes, les non-dits et les mensonges qui planent entre les personnages, j’avais élaboré deux théories possibles.
    Et bien, j’avais tout faux ! Ou presque !

    J’avais bien compris trois éléments (mais en même temps, tout le monde les comprendra facilement assez vite, ne rêvons pas, je ne suis pas Sherlock Holmes) à savoir que Sarah, la maman, est totalement dans le déni par rapport à sa propre attitude mais ne laisse rien passer aux autres, qu’Angus, le papa, cache quelque chose et que la petite Kirstie/Lydia (oui quand même pendant tout le livre on ne sait pas vraiment à qui on a affaire) se sent coupable.
    En revanche, j’étais totalement à coté de la plaque concernant le pourquoi de ces sentiments et attitudes.
    Mes belles théories se sont lamentablement effondrées !
    De même, bien qu’ayant fini le roman, je n’arrive toujours pas à déterminer s’il y a eu manifestation surnaturelle ou délire psychologique de la part de l’un des protagonistes (et non, je ne vous dirai pas lequel, ce serait trop facile). Je pense que cette question est volontairement laissée en suspend. Chacun interprétera en fonction de ses convictions.
    Une grande partie du livre, surtout la fin, se déroule à huis-clos, sur une île isolée, accessible uniquement par bateau ou à pied à marée basse mais sur un trajet dangereux.
    L’angoisse monte donc doucement au fil de la lecture et j’ai même fini par avoir vraiment la trouille (ayant fini de lire vers 22h, il a fallu que je lise quelques pages d’un livre plus léger pour pouvoir espérer dormir).
    En bref, un excellent thriller psychologique que je recommande vivement.

    Un extrait : Je longe le couloir, monte l’escalier et m’arrête devant la porte marquée : « Kirstie habite ici » et « Toquez avant d’entrer », des inscriptions faites de lettres découpées maladroitement aux ciseaux dans du papier coloré brillant. Docilement, je frappe.

    J’entends un léger « Hmm » – la version personnelle de Kirstie pour « Entrez ».

    Je pousse la porte. Ma petite fille de sept ans est assise en tailleur par terre dans son uniforme scolaire – pantalon noir, polo blanc –, le nez dans un livre : l’image même de l’innocence, mais aussi de la solitude. L’amour et la tristesse me submergent, palpitent en moi. Je voudrais tellement lui offrir une vie meilleure, lui rendre ce qu’elle a perdu, la faire redevenir elle-même…

    — Kirstie…

    Pas de réaction. Elle continue de lire. Ça lui arrive parfois ; pour elle, c’est une sorte de jeu : « Hmm-pas-parler ». C’est devenu plus fréquent au cours de l’année écoulée.

    — Kirstie. Minouche. Kirstie-koo ?

    Pour le coup, elle lève la tête, me révélant ses grands yeux bleus qu’elle a hérités de moi – mais en plus bleu : bleu Hébrides. Ses cheveux sont d’un blond presque blanc.

    — Maman.

    — J’ai une nouvelle à t’annoncer, Kirstie. Une bonne nouvelle.
    Merveilleuse, même.

     

    Assise par terre à côté d’elle, entourée de ses jouets – ses pingouins, Leopardy le léopard en peluche, et la Poupée manchote –, je lui raconte tout. Les paroles se bousculent dans ma bouche pour lui expliquer que nous allons partir nous installer dans un endroit spécial, un endroit inconnu où nous pourrons commencer une nouvelle vie – magnifique, baigné d’air frais et de lumière : une île rien que pour nous.

    Pendant que je parle, Kirstie ne me quitte pas du regard un seul instant. C’est à peine si elle cille. Muette, passive, comme en transe, me renvoyant mes propres silences. Puis elle hoche la tête et ébauche un sourire. Déconcertée, peut-être. Le calme règne dans la chambre. Je suis à court de mots.

    — Alors ? dis-je enfin. Qu’est-ce que tu en penses ? Aller vivre sur une île, rien que nous trois, tu ne trouves pas ça formidable ?

    Kirstie acquiesce d’un léger mouvement de tête. Baisse les yeux vers son livre, le referme, me dévisage de nouveau.

    — Maman ? Pourquoi tu m’appelles tout le temps Kirstie ?

    Je ne réponds pas. Le silence me semble soudain assourdissant.

    — Je, euh… Excuse-moi, ma puce, tu disais ?

    — Pourquoi tu m’appelles tout le temps Kirstie, maman ? Kirstie est morte. C’est Kirstie qui est morte. Moi, je suis Lydia.

     

     

  • [Livre] L'envol

     

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    Résumé : "Je suis différente de la plupart des gens, car mon origine ne se situe pas dans le ventre de ma mère mais dans le cerveau de mon père. Il m'a inventée, voyez-vous. Un jour, il s'est assis et m'a rêvée."
    Frenenqer Paje, à peine dix-sept ans, a vécu dans plein de pays. La seule constante est la main de fer de son père qui l'éduque avec une sévérité qui confine parfois à la cruauté.
    Mais un jour, la jeune fille ose, elle exige de ramener chez elle un chat mourant trouvé au souk. Sachant que chaque pas vers l'indépendance sera contré, que chaque acte de liberté sera puni.
    Le combat entre père et fille s'engage alors, avec un allié inattendu aux côtés de Frenenqer : le chat, qui s'est transformé en jeune homme aux ailes magiques. Avec lui, Frenenqer peut découvrir le monde entier si elle le désire. Mais est-elle prête à s'émanciper à ce point ?

     

    Auteur : Rinsai Rossetti

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 02 octobre 2013

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : J’ai hésité à lire ce livre car j’avais lu pas mal de critiques négatives, notamment sur deux points :
    La phrase du résumé : "Je suis différente de la plupart des gens, car mon origine ne se situe pas dans le ventre de ma mère mais dans le cerveau de mon père. Il m'a inventée, voyez-vous. Un jour, il s'est assis et m'a rêvée." : Beaucoup de lecteurs ont jugé que cette phrase était fausse car Frenenqer n’a pas été crée par son père dans un labo ou autre mais est bien née de sa mère. Mais je ne suis pas d’accord avec eux. J’ai trouvé cette phrase très juste car, même si la jeune fille est bien née d’une femme, on a l’impression que son père n’a choisi sa compagne que dans la mesure où elle respectait certains critères pour qu’il puisse en obtenir sa fille parfaite. Il ne semble avoir quasiment aucune interaction avec sa femme, hormis pour lui faire des reproches et ne s’occupe que de Frenenqer qu’il veut modeler à l’image qu’il s’est faite d’elle bien avant sa naissance. On sent bien qu’il veut qu’elle soit parfaitement conforme à l’image qu’il se fait de la fille (et femme ?) idéale, qu’il veut la contrôler totalement et cela se ressent jusqu’à son prénom atypique, qu’il a choisi parce qu’il veut dire « retenue » dans une langue que l’héroïne ne révèle pas.
    Le second point qui était reproché au livre était des personnages « caricaturaux », là encore, je ne suis pas d’accord. Le père de Frenenqer est un père et mari abusif. S’il n’y a pas de violence physique, la violence psychologique qu’il exerce est inouïe. Et cette violence se porte sur toute la famille. La mère se désintéresse totalement de sa fille, ne cherchant qu’à se conformer aux désidératas de son époux et Frenenqer elle-même est tellement conditionnée qu’elle s’impose une attitude et des obligations sans même que son père n’ait à prononcer un mot. L’attitude du père est facilité par le fait qu’ils vivent dans un pays du Moyen-Orient, dans une ville entourée par le désert et où la toute puissance du père de famille est communément admise.
    Comme tout bon pervers narcissique, le père utilise l’intimidation, la violence sur les animaux (la scène de l’oisillon est quasiment insoutenable), les décisions et règles arbitraires (interdiction de lecture, interdiction de rester dans sa chambre, d’ouvrir la fenêtre…), la culpabilisation (en particulier l’humiliation qui s’abattrait sur lui si Frenenqer se comportait « mal » devant les gens), et surtout la violence verbale.
    La dureté et la brutalité de ses paroles soulèvent le cœur.
    Le roman est très bien écrit, la peur de Frenenqer et les limites qu’elle s’impose à elle-même, que ce soit réellement ou mentalement, sont très bien décrites ainsi que l’ensemble des contradictions qu’elle ressent au fil du roman.
    J’ai vraiment passé un excellent moment et je suis contente de ne pas m’être laissée freiner par les critiques négatives que j’ai pu voir.


    Un extrait : Je marchai en tête, pour lui montrer le point précis où commençait mon histoire. Nous nous installâmes sur le banc de pierre et, par-dessus notre épaule, jetâmes un coup d’œil au champ de tournesols qui dissimulait le sentier de Saint-Jacques.

    – Bel endroit pour être inventée, fit remarquer Sangris.

    – Sans doute. Sauf que mon père s’imaginait une fille qui…

    J’hésitai. Je n’avais encore raconté cela à personne. Mon père me l’avait dit une seule et unique fois. J’avais neuf ans et nous venions de nous installer en Sardaigne. J’avais été punie pour m’être battue avec un gamin à l’école – même si c’était lui qui avait commencé. Il m’avait envoyé un coup de pied dans les tibias et m’avait piqué mon cartable. J’avais calmement riposté de la même façon, ce dont un professeur avait été témoin. Le soir, à la maison, mon père m’avait déclaré, d’une voix à faire trembler l’univers entier : « Ma fille ne lève jamais la main sous l’effet de la colère, même confrontée à un danger de mort. Ma fille est la docilité incarnée. Elle se jetterait du haut d’une falaise si je lui demandais de le faire. Voilà ce qu’il faut que tu sois. C’est à cette fin que tu existes. Pour être la fille que j’ai décidé d’avoir. Une douce et noble créature. Si c’est pour toi chose impossible – si tu devais à nouveau te battre avec quelqu’un –, c’est que tu n’es pas Frenenqer Paje. Que tu n’es rien ni personne. C’est clair ? »


    Sangris grimaça, tandis que son regard errait entre les arbres, les tournesols desséchés et le puits d’eau fraîche.

    – Je ne vois pas en quoi c’est noble de se jeter du haut d’une falaise, dit-il.

    – Parce que ça exige de la volonté. Et de l’obéissance. Les marques d’affection mettent mon père mal à l’aise, ainsi que le fait de se mettre en avant, et tout le reste… C’est pourquoi il rêve d’une fille silencieuse, obéissante et réservée. La femme idéale, en somme.