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[Livre] Dysfonctionnelle

 

Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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Résumé :Fidèle, alias Fifi, alias Bouboule, grandit dans une famille dysfonctionnelle ; Papa enchaîne les allers-retours en prison, Maman à l’asile ; mais malgré le quotidien difficile, Fidèle vit des moments de joie,  entourée de ses six frères et sœurs aux personnalités fortes et aux prénoms panachés : Alyson, JR, Dalida, Jésus… Cette tribu un peu foldingue demeure Au Bout Du Monde, le bar à tocards que tient le père dans Belleville, théâtre de leurs pleurs et rires…
À l’adolescence, la découverte de son « intelligence précoce » va mener fidèle à « l’autre » bout du monde : un lycée des beaux quartiers où les élèves se nomment Apolline ou Augustin, et regardent de haut son perfecto, ses manières de chat de gouttière et ses tee-shirts Nirvana. Mais c’est là que l’attend l’amour, le vrai, celui qui forme, transforme… CELUI QUI SAUVE.

 

Auteur : Axl Cendres

 

Edition : Sarbacane

 

Genre : Jeunesse

 

Date de parution : 7 octobre 2015

 

Prix moyen : 15,50€

 

Mon avis : Alors…Comment dire… Il va être très dur de dire ce que j’ai pensé de ce roman sans spoiler mais je vais essayer de ne rien révéler d’important.
Que la famille de Fidèle soit dysfonctionnelle, c’est le moins qu’on puisse dire si on s’appuie sur la définition qu’a la société d’une famille fonctionnelle, à savoir un papa et une maman, présents, pas violents, qui travaillent (ou avec un des parents au foyer parce que l’autre gagne suffisamment pour le permettre), qui n’ont aucun problèmes graves…la famille Ingalls mais en mieux quoi…
Et bien au fil de ma lecture, j’ai pu constater que les parents des familles « fonctionnelles » sont bien plus affligeants que la famille de Fidèle. Alors certes, son père n’aime pas l’idée que sa fille soit plus intelligente que lui, certes sa mère a « un grain » provoqué par un traumatisme qui est tout à fait compréhensible, mais quand Fidèle, 10 ans, raconte à son père qu’elle a embrassé sa copine Mélanie sur la bouche, il n’a aucune réaction négative tandis que la famille parfaitement fonctionnelle selon les normes établies de Mélanie retire la gamine de l’école et va jusqu’à déménager pour que cette anormalité ne se reproduise pas… et ce n’est pas le seul exemple que l’on rencontre dans le roman.
Fidèle nous présente ses frères et sœurs, expliquant leurs prénoms atypiques ; elle nous raconte sa vie, à la maison, auprès de Zaza, sa grand-mère, au Bar de son père, à l’école. La seule chose que nous ne saurons pas, c’est ce qu’il s’est passé quand elle a été placée trois mois en famille d’accueil pendant que son père était en prison, sa mère à l’asile et sa grand-mère jugée incapable de s’occuper des enfants par les services sociaux. Elle nous donne quelques micro-indices, à nous d’imaginer le pire.
Je suis sans arrêt passée du rire aux larmes, avec un petit détour par l’agacement voire l’indignation.
Le personnage de Dalida m’a vraiment écœurée, pas tant dans son attitude de tous les jours quand elle était adolescente mais pour celle qu’elle adopte une fois adulte.
Fidèle n’est pas non plus l’adolescente parfaite, elle fait des erreurs, part un peu à la dérive, s’emporte, mais elle a bon fond, et c’est ce qui est important.
J’ai adoré le personnage de l’oncle. Avec Zaza, la grand-mère, il se tient toujours légèrement en retrait mais semble être le ciment de la famille, toujours prêt à aider, toujours prêt à trouver des solutions, toujours à l’écoute…
Certaines réactions complètement contradictoires du père m’ont fait rire (Il défend l’exécution du mouton de l’Aïd comme étant une tradition ancestrale chez les musulmans et donc dans leur famille et à coté de ça, il s’enfile tous les jours du Sauvignon et du saucisson…)
Bref, on a ici un livre addictif, tendre et dur à la fois et qui inclut l’homosexualité sans appuyer dessus, sans en faire trop, sans brandir une pancarte pour dire « vous avez vu, ici, nos personnages sont homosexuels, on est moderne, hein ? ».
Comme le dit Sarah, l’amie de Fidèle : « 
Je pense qu’on ne tombe pas amoureux d’un garçon ou d’une fille, mais d’une personne. ».
Tout est dit, et cela résume bien l’ensemble du roman : ce qui compte, c’est l’amour.

Un extrait : « Jésus ?! »
C’est ce que tout le monde s’était exclamé au bar quand mon père leur avait annoncé le prénom de son deuxième fils. J’avais six ans quand il est né.
« Mais vous allez en faire un dingo ! » disait l’un.
« Mais on va le massacrer à l’école ! » renchérissait l’autre.
« Mais il aura jamais de gonzesse ! » rigolait encore un autre.
Et ainsi de suite.
C’est alors que j’ai vu Papa faire ce truc encore plus classe que de sortir son flingue : comme l’objet se trouvait sous le comptoir, il a laissé son bras droit sous le comptoir, et a posé le coude de son bras gauche sur le comptoir, de sorte qu’on ne savait pas si oui ou non, il tenait son flingue…Et puis il a déclaré avec un mélange de calme et de menace dans la voix :
« Si Natouchka veut appeler son fils Jésus, ce sera comme ça. »
Et plus personne n’a jamais fait de remarques sur le prénom.

Parfait mélange polono-kabyle, Jésus avait les traits fins de Maman, le teint clair de Papa, les yeux bleus et les cheveux bruns.
A cette époque, Maman arrivait au paroxysme de son amour du Christ, l’érigeant au rang de rock-star : poster, portraits et crucifix ornaient sa chambre au dessus du bar – et jusque dans la salle, où elle avait cloué une photo du visage de Jésus ensanglanté…
« Y’m’fout le bourdon », se plaignit un jour un habitué en le fixant.
« Change de bar », rétorqua mon père.
« Sers-moi plutôt un aut’verre, j’ai l’impression qu’y m’regarde de travers… »
Je soupçonne d’ailleurs cette photo d’avoir augmenté le chiffre d’affaires du bar ; mais je n’ai pas les chiffres pour le prouver.
Quoi qu’il en soit, le bébé était bien là, et il se nommait Jésus.


Plus tard, lorsque j’en avais parlé au médecin de ma mère, l’Einstein sans moustache, il m’avait dit sur un ton tout à fait neutre :
« C’est classique que des survivantes, devenues ferventes catholiques, poussent leur délire jusqu’à croire enfanter le Christ… Votre mère était assez instable pour être diagnostiquée comme déséquilibrée, mais pas assez pour être internée… Si on devait enfermer tous les gens dans ce cas, il faudrait interner au moins dix pour cent de la population française ! »
Il s’était fait rire tout seul.
« Votre mère ne vous a jamais voulu aucun mal. Je ne devrais pas vous raconter ça, mais nous connaissons le cas d’une survivante atteinte du même syndrome que votre mère qui a tué tous ses enfants avant de se donner la mort ! »
Merci de me l’avoir raconté quand même, Docteur.

 

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