La faute doit-elle être portée par celui qui a commis l’acte le plus violent ? Ou faut-il chercher plus loin ?
Résumé : Abandonnée par sa mère à la naissance, Anya est confiée à son oncle. La fillette grandit dans la peur de cet homme violent. Dès l'âge de six ans, le cauchemar commence : Anya est battue et humiliée. Elle pense que sa vie ne peut pas être pire. Jusqu'au jour où celui qui est devenu son « père » la viole devant les autres enfants. Et personne ne dit rien. Anya devient alors le véritable souffre-douleur de la famille. Un jour, celle que tout le monde appelle « la putain » n'en peut plus. Elle décide de s'enfuir et se retrouve sans-abri, à devoir survivre dans la rue. Après de si longues années d'abandon et de souffrances, comment reconstruire une vie ? Le terrible témoignage d’une petite fille dont l'enfance a été ravagée.
Auteur : Anya Peters
Edition : Editions city
Genre : Témoignage
Date de parution : 2012
Prix moyen : 17,49€
Mon avis : Le quatrième de couverture de ce livre est une véritable honte car il ne reflète absolument pas le bouquin.
Tout d’abord Anya n’a pas été à proprement dit abandonnée par sa mère, mais est confiée à sa tante pour des raisons particulières à l’Irlande catholique dans laquelle existaient encore les couvents des sœurs madeleine.
Aucun viol n’a jamais lieu devant les autres enfants, mais deux d’entre eux vont surprendre des choses. Mais le reste de la famille ne sait absolument rien. Et lorsque celle qu’elle appelle « maman », sa tante, le découvre, elle fait ce qu’il faut pour y mettre un terme.
Mais le calvaire d’Anya ne va pas s’arrêter là.
Exclue de la famille parce qu’elle rappelle par sa seule présence ce qu’il s’est passé, elle est envoyée en internat. S’ensuivent quelques années relativement normales mais après ses études, Anya, qui a été conditionnée à se voir comme une moins que rien va être entraînée dans une relation toxique et c’est cette relation qui va la conduire à vivre dans la rue. Ça et la trahison de tout son entourage. Si son oncle s’est montré violent et abusif, le reste de la famille s’est montré d’un égoïsme sans nom et c’est cela, plus encore que les horreurs qu’elle a subi aux mains de ce monstre qui va détruire la vie d’Anya.
Au final, toutes les mains qui lui seront tendues le seront par de parfaits inconnus.
C’est grâce à ces inconnus autant qu’à sa volonté de fer, même si elle a parfois l’impression qu’elle ne s’en sortira jamais, qu’Anya va relever la tête et s’en sortir.
J’ai bien aimé le fait que, pour une fois, on ne se retrouve pas dans une histoire où tout est bien qui finit bien une fois que le père/oncle/beau-père maltraitant est mis hors d’état de nuire. Ce livre montre bien comment les choses qui se sont déroulées dans l’enfance peuvent affecter la vie entière de la victime, surtout quand elle n’obtient pas le soutien dont elle a besoin.
L’oncle est un vrai monstre, un monstre au visage découvert, mais l’attitude de Brendan (oui pour savoir qui c’est il faudra lire le livre, sinon, j’en dis trop !) m’a semblé, dans un sens, encore plus méprisable. L’oncle a malmené le corps d’Anya mais Brendan lui, l’a peut être trahie d’une façon pire encore, peut être parce qu’Anya n’avait rien à attendre de son oncle alors qu’elle comptait sur Brendan et lui faisait confiance. Quant à Kathy, la mère biologique, si je comprends son attitude du début (il suffit de connaître l’existence des couvents des sœurs madeleine pour la comprendre) je trouve qu’elle a ensuite été lamentable.
Bref en un mot comme en cent, je pense que ce n’est pas la maltraitance et les viols qui ont le plus détruit Anya, mais tout ce qui s’est passé ensuite !
Un extrait : Maman n’était pas ma vraie mère. C’était sa plus jeune sœur, Katherine, que tout le monde appelait « Kathy ». J’ai l’impression de l’avoir toujours su. De toute façon, mon oncle, que j’avais fini par appeler « papa » comme mes frères et sœurs, n’aurait jamais permis que cela reste secret. Il saisissait la moindre occasion pour me rappeler que maman n’était pas ma vraie mère, que je ne faisais pas partie de leur famille et qu’un jour ou l’autre, j’allais être renvoyée chez ma « pute de mère, en Irlande ».
Kathy avait douze ans de moins que maman et était très belle. Elle était mince et élégante. De longues boucles cuivrées lui tombaient dans le dos, et ses yeux étaient pratiquement bleu marine. Elle avait les mains les plus petites que nous ayons jamais vues, mes frères, mes sœurs et moi, chez un adulte ; des mains de poupée, avec de grands ongles oblongs arborant toujours une teinte rose nacré. Cette femme me fascinait par sa beauté, son calme et sa gaieté, par son léger accent irlandais et la douceur qu’elle me manifestait. Mais je me méfiais également d’elle, et j’étais constamment sur mes gardes, déterminée à garder une certaine distance avec elle. Déterminée à ce que maman voie que c’était elle, ma mère, et non sa sœur Kathy.
Pendant des années, Kathy a porté un bracelet en or lourd de breloques qui cliquetaient chaque fois qu’elle remuait le bras, et, à chacune de ses visites, elle en arborait toujours une ou deux nouvelles. Mes frères et sœurs se rassemblaient autour d’elle et choisissaient leur préférée. L’un de mes plus anciens souvenirs est de regarder du coin de l’œil mon frère Liam, dans son pyjama à rayures, blotti dans ses bras devant la télé, dans le petit salon de notre appartement. Il soulève le bras de Kathy et, d’un air endormi, passe en revue chaque breloque en essayant de choisir sa préférée entre le Parlement et un chat avec de minuscules yeux incrustés de diamants. Je regarde la petite main de Kathy caresser ses cheveux blonds, ses boucles rousses tombant sur la poitrine de Liam, et je me raidis soudain, encore trop jeune pour mettre un mot sur ce mélange de jalousie et de haine que je ressens en les voyant. J’ai huit mois de moins que Liam, mais mon oncle interdit à qui que ce soit de me tenir ou de me toucher ainsi.
Kathy vivait en Irlande avec ses parents, mais je suis née en Angleterre, sur l’un des lits de la grande chambre du fond, dans l’appartement de maman. Dix jours après ma naissance, Kathy a dû retourner en Irlande et m’a laissée sous la garde de maman.
C’était censé être seulement temporaire, jusqu’à ce qu’elle puisse revenir me chercher. Mais ce jour n’est jamais arrivé. Elle est revenue – elle nous rendait visite quatre ou cinq fois par an –, mais elle ne m’a jamais emmenée avec elle, même si, chaque fois, j’étais terrifiée à l’idée qu’elle le fasse, que se réalisent les menaces incessantes de mon oncle que, « cette fois », il s’assurerait qu’elle prenne « sa valise » avec elle.
Maman avait trois autres sœurs. Elle était l’aînée, et Kathy, la benjamine. Kathy n’était encore qu’une enfant lorsque maman est partie en Angleterre pour faire sa vie et la seule qui restait à la maison pour s’occuper de leurs parents.
Elle n’avait jamais eu de petit ami avant de rencontrer mon père. Je ne le connaissais pas, mais j’avais fini par découvrir que c’était un homme marié avec qui elle avait eu une liaison. C’est maman qui me l’avait raconté, un soir, lorsque mon oncle était parti se coucher après l’une de leurs fameuses disputes. On avait envoyé mes frères et sœurs au lit plus tôt dans la soirée, mais, comme souvent, mon oncle m’avait obligée à rester écouter leur conversation. C’étaient ces soirs-là, une fois qu’il était parti se coucher et avant que mes frères et sœurs ne reviennent discrètement l’un après l’autre, que maman me racontait ses anecdotes d’enfance en Irlande.
Parfois, lorsque nous nous retrouvions seules, elle me parlait de Kathy et de la manière dont elle s’était débrouillée pour prendre le ferry jusqu’en Angleterre afin de me mettre au monde. Seule une part de moi voulait entendre ces histoires, mais, peu à peu, après toutes ces discussions et toutes ces années, et grâce aux réponses à mes questions – ou, plutôt, à celles de mes frères et sœurs –, je finissais par rassembler les morceaux de mon histoire.