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Livres - Page 92

  • [Livre] Pourquoi m'ont-ils fait ça?

    La faute doit-elle être portée par celui qui a commis l’acte le plus violent ? Ou faut-il chercher plus loin ?

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    Résumé : Abandonnée par sa mère à la naissance, Anya est confiée à son oncle. La fillette grandit dans la peur de cet homme violent. Dès l'âge de six ans, le cauchemar commence : Anya est battue et humiliée. Elle pense que sa vie ne peut pas être pire. Jusqu'au jour où celui qui est devenu son « père » la viole devant les autres enfants. Et personne ne dit rien. Anya devient alors le véritable souffre-douleur de la famille. Un jour, celle que tout le monde appelle « la putain » n'en peut plus. Elle décide de s'enfuir et se retrouve sans-abri, à devoir survivre dans la rue. Après de si longues années d'abandon et de souffrances, comment reconstruire une vie ? Le terrible témoignage d’une petite fille dont l'enfance a été ravagée.

    Auteur : Anya Peters

    Edition : Editions city

    Genre : Témoignage

    Date de parution : 2012

    Prix moyen : 17,49€

    Mon avis : Le quatrième de couverture de ce livre est une véritable honte car il ne reflète absolument pas le bouquin.
    Tout d’abord Anya n’a pas été à proprement dit abandonnée par sa mère, mais est confiée à sa tante pour des raisons particulières à l’Irlande catholique dans laquelle existaient encore les couvents des sœurs madeleine.
    Aucun viol n’a jamais lieu devant les autres enfants, mais deux d’entre eux vont surprendre des choses. Mais le reste de la famille ne sait absolument rien. Et lorsque celle qu’elle appelle « maman », sa tante, le découvre, elle fait ce qu’il faut pour y mettre un terme.
    Mais le calvaire d’Anya ne va pas s’arrêter là.
    Exclue de la famille parce qu’elle rappelle par sa seule présence ce qu’il s’est passé, elle est envoyée en internat. S’ensuivent quelques années relativement normales mais après ses études, Anya, qui a été conditionnée à se voir comme une moins que rien va être entraînée dans une relation toxique et c’est cette relation qui va la conduire à vivre dans la rue. Ça et la trahison de tout son entourage. Si son oncle s’est montré violent et abusif, le reste de la famille s’est montré d’un égoïsme sans nom et c’est cela, plus encore que les horreurs qu’elle a subi aux mains de ce monstre qui va détruire la vie d’Anya.
    Au final, toutes les mains qui lui seront tendues le seront par de parfaits inconnus.
    C’est grâce à ces inconnus autant qu’à sa volonté de fer, même si elle a parfois l’impression qu’elle ne s’en sortira jamais, qu’Anya va relever la tête et s’en sortir.

    J’ai bien aimé le fait que, pour une fois, on ne se retrouve pas dans une histoire où tout est bien qui finit bien une fois que le père/oncle/beau-père maltraitant est mis hors d’état de nuire. Ce livre montre bien comment les choses qui se sont déroulées dans l’enfance peuvent affecter la vie entière de la victime, surtout quand elle n’obtient pas le soutien dont elle a besoin.
    L’oncle est un vrai monstre, un monstre au visage découvert, mais l’attitude de Brendan (oui pour savoir qui c’est il faudra lire le livre, sinon, j’en dis trop !) m’a semblé, dans un sens, encore plus méprisable. L’oncle a malmené le corps d’Anya mais Brendan lui, l’a peut être trahie d’une façon pire encore, peut être parce qu’Anya n’avait rien à attendre de son oncle alors qu’elle comptait sur Brendan et lui faisait confiance. Quant à Kathy, la mère biologique, si je comprends son attitude du début (il suffit de connaître l’existence des couvents des sœurs madeleine pour la comprendre) je trouve qu’elle a ensuite été lamentable.
    Bref en un mot comme en cent, je pense que ce n’est pas la maltraitance et les viols qui ont le plus détruit Anya, mais tout ce qui s’est passé ensuite !

    Un extrait : Maman n’était pas ma vraie mère. C’était sa plus jeune sœur, Katherine, que tout le monde appelait « Kathy ». J’ai l’impression de l’avoir toujours su. De toute façon, mon oncle, que j’avais fini par appeler « papa » comme mes frères et sœurs, n’aurait jamais permis que cela reste secret. Il saisissait la moindre occasion pour me rappeler que maman n’était pas ma vraie mère, que je ne faisais pas partie de leur famille et qu’un jour ou l’autre, j’allais être renvoyée chez ma « pute de mère, en Irlande ».

    Kathy avait douze ans de moins que maman et était très belle. Elle était mince et élégante. De longues boucles cuivrées lui tombaient dans le dos, et ses yeux étaient pratiquement bleu marine. Elle avait les mains les plus petites que nous ayons jamais vues, mes frères, mes sœurs et moi, chez un adulte ; des mains de poupée, avec de grands ongles oblongs arborant toujours une teinte rose nacré. Cette femme me fascinait par sa beauté, son calme et sa gaieté, par son léger accent irlandais et la douceur qu’elle me manifestait. Mais je me méfiais également d’elle, et j’étais constamment sur mes gardes, déterminée à garder une certaine distance avec elle. Déterminée à ce que maman voie que c’était elle, ma mère, et non sa sœur Kathy.

    Pendant des années, Kathy a porté un bracelet en or lourd de breloques qui cliquetaient chaque fois qu’elle remuait le bras, et, à chacune de ses visites, elle en arborait toujours une ou deux nouvelles. Mes frères et sœurs se rassemblaient autour d’elle et choisissaient leur préférée. L’un de mes plus anciens souvenirs est de regarder du coin de l’œil mon frère Liam, dans son pyjama à rayures, blotti dans ses bras devant la télé, dans le petit salon de notre appartement. Il soulève le bras de Kathy et, d’un air endormi, passe en revue chaque breloque en essayant de choisir sa préférée entre le Parlement et un chat avec de minuscules yeux incrustés de diamants. Je regarde la petite main de Kathy caresser ses cheveux blonds, ses boucles rousses tombant sur la poitrine de Liam, et je me raidis soudain, encore trop jeune pour mettre un mot sur ce mélange de jalousie et de haine que je ressens en les voyant. J’ai huit mois de moins que Liam, mais mon oncle interdit à qui que ce soit de me tenir ou de me toucher ainsi.

    Kathy vivait en Irlande avec ses parents, mais je suis née en Angleterre, sur l’un des lits de la grande chambre du fond, dans l’appartement de maman. Dix jours après ma naissance, Kathy a dû retourner en Irlande et m’a laissée sous la garde de maman.

    C’était censé être seulement temporaire, jusqu’à ce qu’elle puisse revenir me chercher. Mais ce jour n’est jamais arrivé. Elle est revenue – elle nous rendait visite quatre ou cinq fois par an –, mais elle ne m’a jamais emmenée avec elle, même si, chaque fois, j’étais terrifiée à l’idée qu’elle le fasse, que se réalisent les menaces incessantes de mon oncle que, « cette fois », il s’assurerait qu’elle prenne « sa valise » avec elle.

    Maman avait trois autres sœurs. Elle était l’aînée, et Kathy, la benjamine. Kathy n’était encore qu’une enfant lorsque maman est partie en Angleterre pour faire sa vie et la seule qui restait à la maison pour s’occuper de leurs parents.

    Elle n’avait jamais eu de petit ami avant de rencontrer mon père. Je ne le connaissais pas, mais j’avais fini par découvrir que c’était un homme marié avec qui elle avait eu une liaison. C’est maman qui me l’avait raconté, un soir, lorsque mon oncle était parti se coucher après l’une de leurs fameuses disputes. On avait envoyé mes frères et sœurs au lit plus tôt dans la soirée, mais, comme souvent, mon oncle m’avait obligée à rester écouter leur conversation. C’étaient ces soirs-là, une fois qu’il était parti se coucher et avant que mes frères et sœurs ne reviennent discrètement l’un après l’autre, que maman me racontait ses anecdotes d’enfance en Irlande.

    Parfois, lorsque nous nous retrouvions seules, elle me parlait de Kathy et de la manière dont elle s’était débrouillée pour prendre le ferry jusqu’en Angleterre afin de me mettre au monde. Seule une part de moi voulait entendre ces histoires, mais, peu à peu, après toutes ces discussions et toutes ces années, et grâce aux réponses à mes questions – ou, plutôt, à celles de mes frères et sœurs –, je finissais par rassembler les morceaux de mon histoire.

  • [Livre] Le joyau Tome 1

    Les mères porteuses sont si précieuses qu'elles ne peuvent que mener une vie merveilleuse au sein du joyau, auprès de la royauté...ou pas...

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    Résumé : Arrachée enfant à sa famille en vertu de son patrimoine génétique prometteur, Violet Lasting, 16 ans, vit son dernier jour en tant qu'être humain. Elle est désormais le Lot 197, sa beauté et ses remarquables aptitudes psychomagiques font déjà jaser dans tout le Joyau. Et de fait, elle est acquise comme Mère-Porteuse, lors de l'Enchère, pour une somme défiant l'imagination...
    Au sein du Joyau de la Cité Solitaire, tout est question de naissance et de caste. Si vous ne faites pas partie de la noblesse, alors vous la servez. Dans ce monde où technologie et magie s'entremêlent, le glamour et l'opulence ne voilent qu'imparfaitement la cruauté innée de ceux qui tirent les ficelles : les luttes intestines pour la succession au trône se règlent à coups de dague et de poison plutôt que sur un champ de bataille.
    De jeunes filles issues des faubourgs miséreux entourant le Joyau voient leur sort scellé comme Mères-Porteuses pour les femmes de la noblesse,
     atteintes de stérilité depuis plusieurs générations. En échange du luxe et du confort qui leur sont accordés, elles ont la lourde tâche d'offrir à la famille qui les acquiert un héritier en bonne santé, et ce, grâce à leurs pouvoirs psychomagiques.
    Mais ainsi que va vite le découvrir Violet à ses dépens, les Mères-Porteuses sont maltraitées, humiliées, voire assassinées. Alors que Violet s'accroche à l'espoir ténu d'une vie meilleure et lutte pour survivre dans cet univers impitoyable, une romance interdite vient bouleverser la donne. Elle va devoir faire face à un danger autrement plus mortel que ceux qu'elle a dû affronter jusqu'ici...


    Auteur : Amy Ewing

    Edition : Robert Laffont

    Genre : Young adult

    Date de parution : 18 septembre 2014

    Prix moyen : 17,90€

    Mon avis : Ce livre n’est pas vraiment une dystopie car à aucun moment le monde dans lequel vit Violet ne semble être construit pour être « parfait ».
    Des gamines de 12 ans, parce qu’elles présentent des signes génétiques particuliers, sont brutalement arrachés à leur famille pour être « internées » dans des centres de préparation afin de les préparer à leur avenir de mère porteuse pour la haute noblesse.
    Lorsqu’elles sont jugées prêtes, elles sont vendues aux enchères, dépouillées de leur nom, nommées seulement par leur numéro de lot (de vente).
    On leur dit qu’après avoir mis au monde l’enfant de leur maitresse, elles seront stérilisées puis envoyées dans un centre semblable à celui où elles ont été formées… et là on commence à se poser des questions : pourquoi ? Pourquoi ne pas les renvoyer dans leurs familles ? Pourquoi les emprisonner ?
    Pour des personnes si précieuses (sans mère porteuse, la royauté est destinée à s’éteindre), elles sont incroyablement maltraitées (plus ou moins selon leur propriétaire).
    Dans le cas de Violet, on se demande si sa propriétaire n’est pas schizophrène : un jour elle la gifle, un autre elle lui offre de splendides cadeaux, le lendemain elle la menace et ainsi de suite…
    Mais à coté de certaines de ses camarades d’infortune, on peut dire qu’elle a de la chance parce que certaines sont vraiment « mal tombée » : maltraitance, expérimentations dangereuses, assassinat même dans le but d’atteindre leur maîtresse toujours dans ce jeu de pouvoir cruel auquel la noblesse se livre.

    Et comme dans tout bon roman qui a des airs de dystopie, il y a les éléments essentiels : un pouvoir qui semble tout puissant et qui forme une dictature (des sortes de policiers les régimentaires, des exécutions publiques pour les filles qui essaient d’échapper à leur sort de mères porteuses, donc probablement pour d’autres raisons aussi, des « quartiers » appelés cercles qui vont du plus riche au plus pauvre…), des rebelles qui veulent faire tomber le système (quoi que pour l’instant on n’a eu qu’un aperçu et on ne sait pas encore quels sont leurs véritables buts et motivations), un amour interdit, des alliés improbables…

    Comme dans toutes les séries, le 1er tome a pour fonction de mettre en place l’histoire. Ici il doit mettre en place un univers tout entier et il y parvient parfaitement.
    L’auteur parle des pratiques étranges de cette société comme si on était censé les connaître et en même temps les explique dans les discussions de manière si naturelle que finalement on a l’impression qu’on connaissait déjà ces pratiques et l’univers du joyau sans avoir à subir de longues explications.
    La fin du tome ne donne qu’une envie : lire la suite !

    Un extrait : Je contemple Raven, qui verse du lait dans son café, et me demande comment je vais pouvoir vivre sans elle à mes côtés.

    — Tu connais ton numéro de lot ? demandé-je.

    Sa cuiller retentit contre sa tasse et sa main tremble un instant.

    — Oui.

    Ma question est stupide. Nous avons toutes appris notre classement la nuit dernière. Si je tiens à connaître le sien, c’est pour avoir une idée du temps qu’il nous reste à passer ensemble.

    — Et donc ?

    — Je suis le lot 192. Et toi ?

    — Le numéro 197.

    Raven affiche un grand sourire.

    — Apparemment, on est des produits très recherchés.

    Le nombre de mères porteuses varie en fonction des Ventes aux Enchères, et toutes les filles sont numérotées. Les dix dernières sont considérées comme la fine fleur de la Vente et donc la marchandise la plus désirable. Cela fait des décennies que la Vente aux Enchères n’a pas enregistré un nombre si élevé de mères porteuses. Au total, nous sommes deux cents à être présentées cette année.

    Dans le fond, je me fiche pas mal de mon classement. Je préfère me retrouver avec un couple agréable plutôt que riche. Mais ce numéro signifie que Raven et moi allons être ensemble jusqu’à la toute fin.

    Trois filles pénètrent dans le réfectoire et les bourdonnements de voix s’interrompent. On se lève toutes et on salue celles qui se joindront à nous demain dans le train. Deux d’entre elles vont s’installer au centre de la salle. Quant à la troisième, une blonde aux immenses yeux bleus, elle se précipite à notre table.

    — Bonjour les filles ! s’exclame Lily en se laissant choir sur un siège, un magazine people entre les mains. Vous êtes nerveuses ? Moi, je trépigne d’impatience ! Demain, on découvrira le Joyau ! Vous imaginez un peu ?!

    J’aime bien Lily malgré son enthousiasme frénétique et sa naïveté. Elle appartient à la catégorie de filles qui se représentent le Joyau comme le paradis sur terre. Issue d’une famille peu recommandable, elle n’a pas eu la vie facile. Son père lui cognait dessus et sa mère était alcoolique. Qu’elle ait été diagnostiquée mère porteuse lui a sans doute rendu service.

    — C’est sûr que ça va être un sacré changement, répond sèchement Raven.

    — Tu m’étonnes ! s’écrie Lily qui ne détecte pas l’ironie de la remarque.

    — Tu rentres chez toi, aujourd’hui ? demandé-je.

    Ça m’étonnerait que Lily veuille revoir sa famille.

    — Patience m’a dit qu’on n’était pas obligées. Mais j’aimerais bien voir ma mère, précise Lily. En plus, je vais être escortée par un régimentaire. Au cas où papa serait tenté de me frapper…

    Elle ponctue ses paroles d’un large sourire et une pointe de compassion monte en moi.

    Je change de sujet.

    — Tu as ton numéro de lot ?

    — Oui. Le 53, tu imagines ? Sur 200 ! Je vais sûrement tomber sur une famille de riches négociants du Commerce.

    Chaque année, les membres de la royauté autorisent un nombre limité de familles du Commerce, le deuxième cercle, à assister aux Enchères. En revanche, ils peuvent seulement enchérir sur les mères porteuses les moins bien classées. Les femmes du Commerce n’ont pas un besoin absolu de mères porteuses. Contrairement à celles de la royauté, elles peuvent porter elles-mêmes leurs enfants. Pour elles, nous ne sommes qu’un signe extérieur de richesse.

  • [Livre] Perdue et retrouvée

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    Résumé : Essayez d'imaginer:
    Une enfant kidnappée. Une famille déchirée.
    Lentement, au fil des ans, cette famille va recoller les morceaux.
    Elle reste un peu fragile, bien sûr, mais toujours unie.
    Et voilà que l'enfant, devenue adulte, revient à la maison...
    C'est là que l'histoire commence. Et si la fin du cauchemar n'était que le début d'un autre ?


    Auteur : Cat Clarke

    Edition : Robert Laffont

    Genre : Thriller psychologique

    Date de parution : 23 avril 2015

    Prix moyen : 17,90€

    Mon avis : L’histoire semble presque « banale » au début. Une enfant, Laurel, kidnappée à l’âge de 6 ans est rendue à sa famille 13 ans plus tard. Alors on se demande bien pour quelle raison son kidnappeur l’a relâchée au lieu de s’en débarrasser puisqu’elle a vu son visage pendant 13 ans et pourrait donc l’identifier, mais le roman semble être basé sur la reconstruction de cette famille du point de vue de la petite sœur (2 ans plus jeune). Et puis, au fil des pages, un certain malaise m’a gagné…
    Ce n’était pas tant les parents qui semblent ne s’intéresser qu’à leur aînée et plus du tout à leur cadette, car on se dit qu’après 13 ans d’absence, ils ont peur de la perdre de vue, de la contrarier etc….
    Ce n’est pas non plus la mère, qui semble bien décidée à accumuler de l’argent grâce aux interviews rémunérées, aux propositions diverses… On se dit que c’est son caractère et que, même s’il est un peu écœurant, il n’est pas non plus anormal…
    Ce n’est pas davantage l’oscillement entre adoration, surprotection et jalousie que développe Faith, la cadette, à l’égard de cette sœur aînée qui « débarque du ciel »…
    Non, ce qui a provoqué mon malaise, c’est Laurel elle-même. Elle semble…trop enthousiaste à l’idée de se montrer, de faire face aux journalistes, de répondre aux propositions rémunérées qu’elle reçoit. Elle semble aussi dissimuler des choses et malgré le fait que les psychologues parlent de possibilité de flash-back, de stress post traumatique, je n’arrive pas à me convaincre qu’il ne s’agit que de cela.
    Laurel ne se souvient pas de certains faits de son absence, panique quand les policiers veulent lui faire un test ADN… Tout est explicable bien sur : après 13 ans aux mains d’un psychopathe, il n’est pas étonnant qu’elle ne se souvienne pas d’un élément datant d’avant ses 6 ans et qu’elle refuse un examen qu’elle peut trouver invasif… mais le malaise persiste, pas tant à cause de ces deux éléments que de son attitude générale. Elle semble ne rien éprouver de réel, être toujours dans la représentation…
    Les indices disséminés tout au long du roman permettent assez facilement de découvrir une partie de la solution, mais ce n’est qu’une partie. Les révélations des derniers chapitres ont vraiment été une surprise !

    Un extrait : Le téléphone sonne. Maman m’embrasse sur la joue avant d’aller répondre. Ses lèvres sont sèches et gercées.

    — Allô ? Oui, c’est elle-même…

    Elle cale le combiné entre son épaule et son oreille avant d’essuyer les miettes sur le comptoir de la cuisine. Je monte à vive allure préparer mon sac. Je n’ai pas besoin de grand-chose – j’ai des vêtements et des affaires de toilette à l’appartement de mon père. Ce qui se révèle assez embêtant, parfois, quand je laisse ma veste préférée chez maman, alors que je reste chez lui, et vice versa. Pourtant, ça vaut la peine de s’échapper de là deux jours par semaine. Je me sens différente, chez papa et Michel. C’est comme si je respirais mieux, d’une certaine manière. C’est sûrement à cause de l’air conditionné.

    Ma mère est debout, le dos tourné, quand j’entre dans la cuisine. Elle ne repose pas le combiné à la fin de l’appel.

    — Maman ?

    Elle m’ignore.

    — Maman ? Ça va ?

    Le « Je vais bien, chérie » attendu ne vient pas. Elle déroge au scénario habituel.

    Je contourne donc la table en traînant les pieds pour aller me planter devant elle. Elle est pâle. Une larme roule sur sa joue gauche. Je la regarde se frayer un chemin le long de sa mâchoire, puis dans son cou.

    Au bout d’un moment, elle lève enfin les yeux sur moi. Ils ont quelque chose de différent. Impossible de savoir quoi exactement, sauf que ça m’inquiète.

    Maman se racle la gorge. Elle commence à marmonner un truc quand elle s’interrompt. Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’entendre ce qu’elle a à dire, mais il semble que je n’ai pas le choix.

    — C’était la police.

    Non. S’il vous plaît, mon Dieu, non ! Pas aujourd’hui. Pas le coup de fil qu’elle redoute tant depuis treize ans. Il ne peut pas tomber maintenant.

    Ma mère chancelle légèrement, comme si elle était sur le point de s’évanouir. Je lui attrape le bras et l’aide à marcher jusqu’à la table. Elle s’effondre sur une chaise. Le téléphone rebondit bruyamment sur le plateau de bois. Elle prend mes mains dans les siennes. Je m’accroupis devant elle.

    — Explique-moi ce qu’il se passe, maman. S’il te plaît.

    Elle s’éclaircit de nouveau la voix.

    — Ils ont trouvé une fille. À Stanley Street.

    Stanley Street est la rue où nous vivions à l’époque où c’est arrivé.

    — Ils pensent que… Ils pensent que c’est Laurel… (Elle serre mes doigts si fort que j’en ai mal.) Ils me demandent d’aller l’identifier au poste de police.

    Mes jambes cèdent sous moi. Heureusement que je me tiens déjà au niveau du sol.

    — Oh, maman, je suis tellement désolée ! Je ne peux pas… Oh, mon Dieu !

    Ma mère me sourit alors.

    — Oh, non, Faith ! Ce n’est pas ce que… Quelle imbécile, j’aurais dû réfléchir avant de parler !

    Elle lâche mes mains et tend la sienne pour me caresser la joue.

    — Ils pensent que c’est elle… Ils en sont quasi sûrs… Faith… Elle est en vie ! Laurel est vivante !

  • [Livre] Les noces meurtries

    Je remercie les éditions chemin vert et la masse critique de Babelio pour cette lecture

     

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    Résumé : " Robe blanche, hiver blanc, journée blanche... Ses illusions, en ce matin de février 1979, étaient aussi pures que ce blanc qui avait recouvert tout le vignoble, immaculé. " D'un point de vue extérieur, Hélène semble mener une existence paisible au cœur du vignoble champenois, mais une fois la porte de la chambre conjugale refermée, qui peut se douter de l'enfer qu'elle vit au quotidien ? En parallèle, sa fille Gaby, va peu à peu perdre ses illusions sur la vie familiale et se construire dans la douleur. Deux femmes face à l'adversité : deux femmes en quête d'indépendance.

    Auteur : Sandra Banière

    Edition : Chemin vert

    Genre : Roman contemporain

    Date de parution : 18 septembre 2014

    Prix moyen : 23€

    Mon avis : Pour une fois, on commence « par la fin ». Je veux dire que dans la plupart des livres sur les relations toxiques, on commence à la rencontre et le livre se termine au moment où la femme obtient enfin le divorce (et le courage de le demander).
    Ici, on commence au moment où la prise de conscience se fait et où l’épouse, Hélène, décide de divorcer. On va suivre le développement personnel d’Hélène, de sa fille Gaby mais aussi de son fils Marc, face à l’attitude plus que déplorable de l’ex mari et père, un type écœurant dont l’attitude ne cesse d’étonner tant on se dit que ça ne peut pas être pire dans l’abjection et qu’on se rend compte que si, ça peut.

    Le livre se fait à deux voix : Hélène et sa fille Gaby mais il n’y a aucune chance de confondre les deux. Le point de vue d’Hélène est écrit à la troisième personne et celui de Gaby à la 1ère personne.

    On peut voir l’évolution des deux femmes et leurs visions non seulement de leur mari et père mais aussi de comment leur fils et frère vit les choses.
    J’ai bien aimé le style d’écriture qui est très contemporain sans être dans le style « parlé » que prennent trop souvent les textes à la 1ère personne.

    S’il faut vraiment trouver un reproche à faire à ce livre c’est qu’il y a quelques petits accrocs à la syntaxe et à la terminologie juridique (on dit la partie adverse et non le parti adverse, sauf si on parle de parti politique). Mais rien qui ne gêne la lecture ni qui fait réellement grincer des dents.
    En général, je ne suis pas une grande fan des romans dits contemporains, je préfère plus de fantaisie ou plus de drame, mais là je n’ai absolument pas regretté ma lecture. La preuve ? Je l’ai dévoré en une nuit !


    Un extrait : Robe blanche, hiver blanc, journée blanche… Ses illusions, en ce matin de février 1979, étaient aussi pures que ce blanc qui avait recouvert tout le vignoble, immaculé. Cela rendait le paysage irréel, bien loin de l’habituelle image des vignes bien vertes avec leurs belles grappes de raisins gorgées de saveurs sucrées, illuminées par le soleil. Le ciel encore très chargé obscurcissait tous les petits détails, et, à l’horizon, se mêlait même à la terre, au point qu’on ne distinguait plus que les piquets, reliés par des fils de fer, qui longent les routes traversant les vignobles.

    Tous les ceps nouvellement taillés étaient enveloppés d’une chape blanche voluptueuse, qui faisait disparaître les différentes parcelles. Sans y faire la moindre anicroche, quelques oiseaux s’étaient posés sur ce vaste champ de neige, délicatement perchés sur les fils de fer.

    De la fenêtre de sa chambre de jeune fille, Hélène avait longtemps admiré ce décor, qui surgit à peine une fois l’an, tout en pensant qu’il rendait ce jour encore un peu plus particulier, et qu’à chaque fois qu’elle évoquerait son mariage, elle pourrait se souvenir du temps qu’il faisait, de l’épaisse couche de neige qui avait tout stoppé pour quelques heures, quelques jours…

    Même si Hélène n’était pas naïve au point de croire que tout serait idyllique, elle était convaincue qu’elle faisait le bon choix en épousant Bertrand. Il était issu, comme elle, d’une famille de vignerons, il partageait les mêmes valeurs et avait les mêmes envies. Pour la première fois de sa très jeune vie, elle éprouvait de vrais sentiments amoureux et désirait ardemment fonder une famille.

    Il était si beau au pied de l’autel dans son élégant costume noir, avec son air enfantin et ses yeux bleus brillants d’émotion ! Toute la journée, envoûtée par la chaleur de la salle des fêtes et la gaieté des invités, elle avait contemplé son époux, s’était plu à se retrouver dans ses bras pour ouvrir le bal et faire tournoyer sa robe couleur de neige, avait ri avec lui des blagues de quelques bons fêtards. Malgré le froid hivernal, la journée avait été douce et lumineuse.

    Mais la première désillusion, qu’elle pensait n’avoir à envisager qu’au bout de plusieurs années de vie commune, advint dès la nuit de noces. Vierge comme le voulait la tradition, elle connut sa première expérience sexuelle au petit matin, une fois que les derniers invités étaient allés se coucher. En bonne petite fille sage, obéissante et timide, elle n’avait jamais beaucoup flirté avec les garçons et avait encore moins osé s’aventurer plus loin que quelques chastes baisers. Lors de cette première étreinte, elle l’avait laissé faire, ne sachant comment s’y prendre et n’ayant aucune idée de la manière dont son corps allait réagir.

     

    Ils se retrouvèrent nus, côte à côte, dans le noir d’une petite chambre qu’un ami leur avait prêtée pour l’occasion, sans avoir pris la peine de se découvrir au préalable. Bertrand l’embrassa, la caressa quelques minutes, puis il y eut une douleur aiguë, et un corps lourd qui s’affala sur le sien très vite après. C’était donc ça ! Elle comprenait pourquoi sa mère ne lui en avait presque pas parlé ; il n’y avait finalement que peu à en dire. Ce qu’elle venait de vivre n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait lu dans les livres, du moins ce qu’elle croyait être la vérité quand deux êtres étaient épris l’un de l’autre. Où était l’osmose ? Le petit frisson électrique qui aurait dû parcourir sa chair ?

     

  • [Livre] Accords imparfaits

    Il l'énerve...Elle l'exaspère...

    Je remercie les éditions Artalys pour cette lecture

     

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    Résumé : Quand Derrick rencontre Laura, cela fait des étincelles. Toutes sortes d’étincelles, de toutes les couleurs. Les deux jeunes gens savent qu’ils sont faits l’un pour l’autre, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils pourront s’entendre car pour eux, se disputer devient tout un art. Ni l’un ni l’autre ne savent s’ils auront un avenir ensemble ni même s’ils devraient s’y essayer.
    Pourtant, ils vont s’efforcer d’abattre un à un les obstacles qu’ils se sont eux-mêmes employés à dresser pour découvrir ce qu’aimer veut dire…


    Auteur : Rose Darcy

    Edition : Artalys

    Genre : Romance

    Date de parution : 4 septembre 2013

    Prix moyen : 14,90€

    Mon avis : Le genre romance est difficile à écrire. Pas dans le style mais plutôt à cause du fait qu’il y a tant de romans de ce style sur le marché qu’il est difficile de trouver une approche originale.
    C’est peut être parce que je lis peu de romances et beaucoup d’autres genres de littérature que je n’ai pas du tout accroché.
    J’ai trouvé l’histoire banale et cousue de fil blanc. J’aurais apprécié plus de rebondissements plutôt qu’une quasi ligne droite vers l’épilogue.
    J’ai trouvé l’écriture trop simpliste. Mais encore une fois c’est peut être parce que je lis beaucoup de genres différents dans lequel l’écriture est radicalement différente.
    Les dialogues manquent un peu de naturel. Le récit m’a semblé bourré de clichés (la description de la fille sortant de l’eau en rejetant ses cheveux en arrière en arc de cercle et les disputes constantes entre les personnages et leur « conscience » étaient de trop et n’apportaient pas grand-chose à l’histoire à mon sens).
    Au début du chapitre 5, on a droit à une « note de l’auteur » :
    Note de l’auteur : la scène suivante se passe dans le salon puis la salle de bains. L’auteur précise à ses lecteurs curieux que la baignoire ici mise en scène est vide. Ben oui, des personnages trempés, ça le fait moyennement quand même ! Enfin, l’auteur laisse aux soins de la lectrice avisée (ou du lecteur) d’imaginer de l’eau ruisselant sur le torse nu de Derrick… *soupirs*.

    Alors ce genre de choses, c’est carrément rédhibitoire pour moi. J’ai eu l’impression, à ce moment, de lire une fanfiction de twilight même s’il y en a de très bien écrites (et d’ailleurs un certain Edward est mentionné dans les pensées de l’un des personnages).
    A un moment, le récit fait un bond dans le temps, à priori de plusieurs années, sans qu’aucun signe de ce bond ne soit donné, si ce n’est une remarque d’un des personnages.
    De 8, les colocataires passent à deux sans que l’on sache ce qu’il est advenu des autres. Il y a un couple qui voulait s’installer ensemble, ce qui fait 4 disparus…

    L’écriture s’améliore un peu à vers la fin, elle devient un peu plus fluide, et même si la fin est sans surprise, j’ai quand même pris plaisir à la lire.

    Un extrait : « Qu’est-ce que c’est ? demanda Derrick.

    — Ça, c’est un mot de ta voisine de chambre. Tu verras, elle en colle partout et nous refait la déco de la maison à coups de bouts de papier fluo », lui expliqua Lucas.

    Le jeune homme décolla le post-it vert de sa porte et le fixa comme s’il était radioactif.

    Chez moi…

    Ben voyons ! pensa-t-il.

    « Tu peux m’expliquer ? demanda-t-il à son ami en serrant la note dans son poing.

    — C’est Smiley ! répondit Lucas en souriant.

    — Smiley ?

    — Le surnom de Laura, la plus jeune du groupe. Tu la rencontreras tout à l’heure. Tu vas l’adorer ! »

    Rien que ça !

    « Je te trouve bien sûr de toi sur ce dernier point. Tu me connais pourtant », lâcha-t-il, légèrement amer.

    Derrick ne voulait plus adorer ni aimer personne.

    Apparemment, c’est pas gagné !

    Il souhaitait juste qu’on lui foute la paix. Partisan depuis la mort de sa mère de l’exposition minimale, il n’avait que peu d’amis, dont Lucas faisait partie. C’est pour ça qu’il était venu ici, vivre dans la maison que son ami avait hérité de sa grand-mère. Cette option avait semblé idéale à Derrick, avec un loyer modique, il pourrait subvenir à ses besoins en trouvant un job d’appoint le temps de terminer ses études et d’entamer sa formation. Un compromis qu’il était prêt à faire, lui qui ne ressentait pas le besoin de s’intégrer à un groupe, d’appartenir à quelque chose ou à quelqu’un. La solitude lui convenait parfaitement, lui offrant la liberté dont il avait tant besoin. Pas d’attaches, pas de complications, pas de souffrances. Derrick s’était retranché.

    Et celui qui me délogera de là n’est pas encore né !

    « Oh oui, je te connais ! reprit Luc’. Mais surtout, je la connais, elle.

    — Développe, intima Derrick.

    — Plus tard peut-être », rétorqua Lucas sur un clin d’œil.

    Derrick enfonça le post-it écrit par Laura dans la poche de son jean, sans plus y prêter attention. Alors qu’il poursuivait la visite de sa nouvelle maison, une affirmation de la jeune femme se mit à tourner en boucle dans son esprit.

    Chez moi.

    Une part de lui ne put s’empêcher de savourer ces deux petits mots qui avaient perdu tout leur sens à ses yeux quelques années auparavant.

    Chez moi.

    Si seulement…

    Après avoir fait le tour des étages, Lucas conduisit Derrick au sous-sol. Ils étaient à mi-chemin dans le couloir menant à la buanderie quand ils discernèrent des voix provenant de la pièce dont la porte était ouverte. Comprenant qu’on y parlait de Derrick, Lucas fit signe à ce dernier de continuer à avancer en silence. Le jeune homme tendit malgré lui l’oreille et décela deux voix féminines. Il reconnut celle de Juliette, la copine de Lucas qu’il avait déjà rencontrée. Quant à la seconde, elle ne lui était pas familière, non plus que l’électricité qui parcourut sa colonne vertébrale lorsqu’il entendit son prénom prononcé par elle.

    « Non, tu me fais marcher ! s’exclama Laura.

    — Je te jure que non, se défendit Juliette.

    — Nan, je ne te crois pas.

    — C’est la stricte vérité.

    — Et tu penses qu’il va se pointer avec ses lunettes à double foyer et son costume aux couleurs passées qui sent la naphtaline ?

    — Il est loin de ressembler à son célèbre homologue, tu peux me croire. Je dirais même qu’il est plutôt canon, si tu veux mon avis.

    — Ouais… m’enfin, avoue quand même qu’il est difficile de croire que des parents aient pu appeler leur enfant, de leur propre volonté, Derrick. Pas après avoir subi la série ô combien soporifique ! Ça me dépasse !

     

    — Et pourtant, ils l’ont fait », coupa Derrick, glacial, dans le dos de Laura.

      

  • [Livre] Le monstre de Milwaukee: L'affaire Jeffrey Dahmer

    Le visage d’ange cachait le pire tueur de la décennie.

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    Résumé : Milwaukee, Wisconsin. Un quartier populaire, un immeuble banal. Le 22 juillet 1991, la police pénètre dans l'appartement 213 et arrête Jeffrey Dahmer, trente et un ans. Un locataire discret qui, en douze ans, a assassiné dix-sept jeunes gens. On retrouvera dans les placards, dans le réfrigérateur, les restes de ses dernières victimes.

    Auteur : Don Davis


    Edition : J’ai lu

    Genre : biographie

    Date de parution : 26 février 2001

    Prix moyen : 18€

    Mon avis : Un livre-documentaire très intéressant sur la vie du célèbre tueur en série qui fit 17 victimes entre 1978 et 1991.
    L’auteur essaie, sans grande conviction, de donner des explications au comportement de Dahmer.
    Il m’a semblé qu’il ne faisait que relater les explications avancées à l’époque, de la plus basique (le traumatisme du divorce de ses parents) à la plus farfelue (son signe astrologique et l’alignement des planètes à sa naissance).
    Même si le divorce de ses parents coïncide avec le premier meurtre de Dahmer, je ne pense pas que ce soit cet évènement qui l’ait transformé en monstre (déjà, si tous les enfants de divorcés devaient se mettre à tuer, on n’aurait plus de problème de surpopulation depuis longtemps). Il est certes possible que le divorce ait été l’élément déclencheur de sa folie meurtrière puisqu’il semblerait qu’il ait été obsédé par l’idée de l’abandon, mais il ne faut quand même pas oublier que Dahmer montrait, dès son enfance, des signes d’instabilité (il s’amusait, enfant, à dissoudre des cadavres d’animaux).
    Je ne suis pas psy, mais je pense qu’il avait un problème dès le départ (sociopathe, psychopathe ?).
    Ce qui m’a vraiment rendue folle est de penser au nombre de morts qui auraient pu être évitées si la justice, les officiers de probation, et la police avaient juste fait leur travail. Pas un fabuleux travail d’enquête, pas un zèle du feu de Dieu : juste leur travail.
    Quand on voit que Dahmer, après des actes de pédophilie est remis en liberté très vite, sans obligation de soin en centre fermé, que son alcoolisme n’est jamais pris en compte, que malgré une surveillance maximum, aucun agent de probation n’est jamais ne serait-ce que venu voir où il vivait et ce même quand il ne venait pas aux rendez-vous... ou encore la police, qui est appelée pour une agression et qui conclut à une simple dispute entre un couple homosexuel, dispute dont ils ne veulent surtout pas se mêler et ce sans même vérifier les identités des personnes mises en cause…
    Dahmer aurait pu être arrêté une dizaine de fois, on dirait qu’il a lancé des fusées de détresse pour écrire dans le ciel : Je suis un meurtrier ! Et personne n’a bougé…

    L’auteur nous donne les détails sur ce que faisait exactement Dahmer à ses victimes, selon ses propres aveux et les éléments de l’enquête et il est effrayant de penser qu’il ait pu faire de telles choses. Pas dans une maison isolée au fond des bois, pas dans un entrepôt au fin fond d’une zone industrielle, non, dans un immeuble, entouré de voisins.
    Le livre est très détaillé et se termine sur une chronologie détaillé des faits.


    Un extrait : Ayant bien pris la situation en main, les flics voulurent éviter d'attiser la curiosité de la petite foule qui commençait à se rassembler. Ils décidèrent de monter à l'appartement de l'homme blanc, qui tentait de les persuader que le jeune homme nu était son compagnon. Mais les jeunes filles qui avaient appelé les secours ne l'entendaient pas de cette oreille et elles harcelèrent les policiers jusqu'à ce qu'ils prennent leur nom et les inscrivent comme témoins. Sandra Smith déclara plus tard qu'on les avait priées de s'en aller en disant qu'on n'avait plus besoin d'elles. Ce qu'elles firent. Mais en rentrant chez elles, encore bouleversées et en colère, elles racontèrent toute l'affaire à Glenda Cleveland, la mère de Sandra, et déclenchèrent ainsi une avalanche d'événements qui allaient prendre une tournure bizarre. Glenda Cleveland, à la suite du récit de sa fille, téléphona elle-même à la police et cet appel allait finalement être diffusé dans le monde entier.

    Mais, pour le moment, les policiers poussaient les deux vedettes masculines de ce mélodrame dans le grand immeuble et tous montèrent à l'appartement 213, indiqué par le grand homme blanc élancé à la fine moustache. Il poursuivait ses explications, comme s'il s'excusait, apparemment honteux d'être mêlé à un tel scandale. Comme il s'exprimait calmement, posément, les policiers se dirent qu'il y avait des crimes plus importants qui les attendaient dans les rues. Il y avait des cambrioleurs et des agresseurs, des revendeurs de drogue et des assassins qu'il fallait traquer, arrêter, et ils étaient en train de gaspiller un temps précieux à jouer les arbitres dans ce qui était manifestement une querelle de ménage.

    Le grand blond s'exprimait remarquablement bien, sans s'énerver, alors que le petit Asiatique paraissait ivre et incapable de formuler une phrase cohérente. Qui croire, dans ce genre de situation ? Le grand blond reconnaissait qu'il savait très bien que son ami était parti dans la rue, que c'était pour ça qu'il essayait de le ramener à la maison. C'était déjà arrivé. Ils étaient tous deux homosexuels, ils vivaient ensemble dans cet appartement et ce soir ils avaient bu un peu plus que de raison et s'étaient disputés assez aigrement. Le gosse avait en réalité dix-neuf ans, il était bien plus âgé qu'il n'en avait l'air.

    L'homme assura qu'il regrettait beaucoup cette histoire et promit que cela ne se reproduirait plus. Les policiers virent plusieurs photos du jeune homme, sur lesquelles il n'était vêtu que d'un slip.

    Konerak était si terrifié qu'il ne pouvait articuler un mot pour se défendre. Il restait assis en silence sur le canapé, pendant que les hommes causaient. Les flics avaient l'air de croire le grand type ! Et ces photos éparpillées sur le sol ou épinglées sur tous les murs, ces photos d'hommes nus ? Konerak avait été violé ! Et cette odeur à tomber raide, qui provenait d'un cadavre dans la pièce voisine ? L'appartement en était imprégné, et les trois flics interrogeaient sagement le grand type sur le jeune Asiatique !

    Mais le travail de patrouille dans les rues d'une grande ville finit par cuirasser d'acier toute émotion humaine normale. Si un officier de police prend à coeur chaque scène de crime, chaque victime, chaque histoire dramatique, s'il se laisse atteindre, émouvoir, il ne tarde pas à allonger la liste des suicides. Mieux vaut garder ses distances, prendre les choses froidement, ne pas se laisser toucher personnellement.

     

    Les trois policiers établirent qu'ils avaient affaire à un couple d'homosexuels. Les flics, qui n'aiment déjà pas se mêler de discussions entre mari et femme, ont absolument horreur de mettre le nez dans des brouilles d'homosexuels. Si le devoir les appelle chez ces gens-là, ils préfèrent prétendre que les livres et les photos pornos qu'ils voient traîner sont la règle plutôt que l'exception. Surtout, ne nous excitons pas et passons à autre chose.

  • [Livre] Autant en emporte le vent

    En pleine guerre de sécession, une jeune fille insouciante doit devenir sans scrupule pour sauver le domaine familial. Ce qui ne sera pas du goût de tout le monde

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    Résumé : En pleine guerre de Sécession, la ravissante et très déterminée Scarlett O'Hara voit le bel avenir qui lui était réservé à jamais ravagé. Douée d'une énergie peu commune, elle va se battre sur tous les fronts, dans la Géorgie en feu, pour sauver la terre et le domaine paternels: Tara. Ses amours? Le fragile et distingué Ashley Wilkes et Rhett Butler, forceur de blocus et séduisante canaille, attiré par Scarlett parce qu'elle n'a pas plus de scrupules que lui...Amours romantiques, violentes, impossibles, rythment ce grand moment de l'histoire américaine, le drame du Sud.

    Auteur : Margaret Mitchell

    Edition : Gallimard

    Genre : Romance, Drame

    Date de parution : dans cette édition : 2003 Mais première parution en 1936

    Prix moyen : 30€

    Mon avis : Le film j'en ai entendu parlé toute ma vie, mais bien sur je n'avais jamais le temps de le regarder. Mon père me disait que quand les femmes voulaient pleurer, elles allaient voir autant en emporte le vent.
    Bien sur je savais que le film était tiré d'un livre, mais j'étais pas curieuse plus que ça.

    Et puis j'ai été opérée. 3 jours d’hôpital où je m'ennuyais comme un rat mort. Ma mère m'a acheter les 4 premier Harry Potter (le 5 était pas encore sortit): dévoré en 1 journée et demi. Alors elle a cherché un pavé... un qui aurait une chance de faire le temps restant. Et elle m'a ramené autant en emporte le vent.
    Dès que je l'ai ouvert, je n'ai plus pu le refermer, j'ai complètement été happée dans l'histoire.

    Dès le début, Suellen m’a profondément déplu. Mais je n’étais pas franchement fan de Scarlett non plus. Je la trouvais arrogante, dans le genre : « Mais comment ? Tous les hommes ne sont-ils donc pas à mes pieds ? Oh I’m shocking ! » Et je trouvais Mama bien patiente (ce que j’ai pensé d’un bout à l’autre du roman d’ailleurs, c’est une des rares personnes sensées présentes).
    J’ai commencé à apprécier davantage Scarlett quand la guerre la rattrape alors qu’elle est à Atlanta avec Mélanie. Sa manière de protéger cette dernière, à sa façon un peu brusque, quoi qu’il arrive, malgré le fait que Mélanie ait épousé l’homme que Scarlett aime ou du moins crois aimer car je ne pense pas qu’elle sache encore ce qu’est l’amour à ce moment là.
    Quand le docteur déconseille à Mélanie de voyager et que Scarlett, malgré le fait que les Yankees marchent sur la ville, refuse de fuir tant qu’elle le peut encore pour rester avec sa belle-sœur m’a vraiment touché, c’est à ce moment là que j’ai commencé à vraiment l’apprécier. Et à détester toutes les vieilles rombières bigotes qui n’ont de cesse de pointer le moindre petit défaut.
    Après l’avoir apprécié, j’ai commencé à l’admirer devant son acharnement à sauver Tara, en mettant la main à la pâte, elle qui a eu une vie choyée et protégée jusque là. Elle n’hésite devant rien, pas même à se vendre elle-même en épousant un homme plus âgé, qu’elle n’aime pas, uniquement dans le but de sauver Tara de la saisie. Et même si cela doit lui aliéner encore un peu plus son égoïste de sœur, Suellen qui, si on la laissait faire, vendrait sûrement Tara pierre par pierre pour ne pas avoir à lever le petit doigt.

    J’ai suivi son histoire avec Rhett avec avidité. Enfin elle ne se mariait pas par dépit, ni vraiment par intérêt car elle avait les moyens de ne pas se remarier si elle l’avait voulu.
    Je me suis demandé si ces deux là allaient finir par tomber le masque de froideur et d’arrogance qu’ils portaient en permanence tant leur peur d’être rejeté parait grande. J’attendais qu’enfin ils s’avouent leurs sentiments.
    La célèbre phrase de Rhett « Franchement ma chère, c’est le cadet de mes soucis » m’a fait grincer des dents.

    Bref, il y a tant à en dire qu’il y aurait matière à faire un roman sur le roman. En tout cas, il est vraiment devenu LE livre, celui que je relis avec une tasse de chocolat les soirs de blues. Je le connais presque par cœur, mais qu'importe. J'ai, comme Scarlett, à la fois haïs et adoré Rhett. Envie de lui foutre des baffes pour son arrogance comme de la voir se réfugier auprès de lui, lui qui trouve des solutions a tout...

    En résumé un super roman (et la suite « Scarlett » d'Alexandra Ripley est digne de lui)

    Un extrait : Alors, tandis que les giboulées de mars obligeaient tout le monde à rester chez soi, Scarlett apprit l’affreuse nouvelle. Les yeux brillants de joie, baissant la tête pour dissimuler sa fierté, Mélanie lui annonça qu’elle allait avoir un enfant.

    « Le docteur Meade m’a dit que ce serait pour la fin d’août ou le début de septembre, fit-elle. J’en avais bien l’impression…Mais jusqu’à aujourd’hui je n’en étais pas sûre. Oh ! Scarlett, n’est-ce pas merveilleux ? J’étais si jalouse de ton Wade, je voulais tant avoir un enfant. J’avais si peur de ne pas pouvoir et, ma chérie, j’en veux une douzaine ! »

    Scarlett était en train de se peigner avant de se coucher quand Mélanie lui apprit l’événement. Elle s’arrêta, le bras à demi levé.
    « Mon Dieu ! » s’exclama-t-elle. Et pendant un moment elle ne comprit pas très bien ce que cela signifiait. Enfin elle revit brusquement se fermer la porte de la chambre à coucher de Mélanie et elle eut l’impression d’avoir reçu un coup de
    poignard. Elle éprouvait une peine aussi déchirante que si Ashley avait été son propre mari et qu’il l’eût trahie ! Un enfant !
    l’enfant d’Ashley ! Oh ! comment avait-il pu, quand c’était elle qu’il aimait et non pas Mélanie ?

    « Je sais que ça t’étonne, reprit Mélanie, le souffle court. N’est-ce pas trop beau ? Oh ! Scarlett, je me demande comment je pourrai l’écrire à Ashley ! Ce ne serait pas aussi gênant si je pouvais le lui dire ou… ou… Tiens, ne rien dire du tout, mais
    simplement lui laisser remarquer petit à petit, enfin tu sais…

    — Mon Dieu ! » répéta Scarlett, presque dans un sanglot.

    Elle lâcha le peigne et s’appuya au-dessus du marbre de la coiffeuse.

    « Ma chérie, ne fais pas cette tête-là. Ça n’a rien de laid d’avoir un enfant. Tu l’as dit toi-même. Et puis, ne te tracasse pas pour moi. Oh ! je sais bien, tu es si bonne que tu vas te mettre martel en tête. Naturellement, le docteur Meade a dit que j’étais… que j’étais… bafouilla Mélanie en rougissant, que j'étais très étroite, mais que peut-être je n’aurais pas d’ennuis, et… Scarlett, dis-moi, as-tu écrit à Charlie quand tu as su pour Wade, ou bien est-ce ta mère ou M. O’Hara qui ont écrit pour
    toi ? Oh ! chérie, si seulement j’avais ma mère ce serait elle qui écrirait. Moi, je ne vois pas du tout…

    — Tais-toi ! lança Scarlett avec violence. Tais-toi !

    — Oh ! Scarlett, je suis bête. Je suis désolée. Je crois que tous les gens sont égoïstes. J’avais oublié, Charlie… le…

    — Tais-toi ! » lança de nouveau Scarlett en s’efforçant de ne pas trahir son émotion. Pour rien au monde Mélanie ne devait voir ou deviner ce qui se passait en elle.

    Mélanie, la plus délicate des femmes, pleurait de sa propre méchanceté. Comment avait-elle pu faire évoquer à Scarlett d’aussi terribles souvenirs, lui rappeler que Wade était né des mois après la mort du pauvre Charlie. Comment avait-elle pu être étourdie à ce point ?

    « Laisse-moi t’aider à te déshabiller, ma chérie, demanda-t-elle d’un ton humble. Je te masserai la tête.

    — Laisse-moi tranquille », fit Scarlett, le visage durci.

    Honteuse de sa maladresse, Mélanie éclata en sanglots et quitta la chambre précipitamment. Restée seule, Scarlett, jalouse, déçue, blessée dans son orgueil, se mit au lit sans une larme.

  • [Livre] Une fille parfaite

    La victime a-t-elle été choisie au hasard ?

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    Résumé : « Je la suis depuis plusieurs jours. Je sais où elle fait ses courses, où elle travaille. Je ne connais pas la couleur de ses yeux ni comment est son regard quand elle a peur. Mais je le saurai bientôt. »

    Auteur : Mary Kubica

    Edition : Mosaïc

    Genre : Thriller

    Date de parution : 29 avril 2015

    Prix moyen : 20€

    Mon avis : Les chapitres sont du point de vue de trois personnages : Eve, la mère de Mia, Gabe, le policier chargé de l’enquête, et Colin, le kidnappeur. Ils alternent entre précédemment et après, le point de référence étant le retour de Mia auprès de sa famille.
    Dans précédemment nous voyons le déroulement de l’enquête, l’angoisse de la mère et le déroulement réel du kidnapping et de la détention de Mia. Dans Après, Mia semble avoir perdu la mémoire et sa mère et le policier essaient désespérément de l’aider à la retrouver, l’une parce qu’elle veut retrouver sa « parfaite » petite fille à tout prix, l’autre parce qu’il craint que le kidnappeur n’ait eu des complices et que Mia soit toujours en danger tant qu’il n’en saura pas plus.
    Il est très facile de passer d’un personnage à l’autre, bien que chacun parle à la première personne. Ce n’est pas que le fait que le personnage concerné est identifié en début de chapitre ainsi que la période à laquelle il s’exprime, mais un changement de ton qui fait que l’on sait d’instinct que l’on ne lit plus les pensées du même personnage.
    Le père de Mia, James, est odieux, à plus d’un titre et on se demande ce qui a bien pu attirer sa femme chez lui. On se demande aussi comment un couple aussi conventionnel a pu élever deux filles aussi différentes l’une de l’autre. Grace, l’ainée, semble être le portrait de son père, bien qu’elle soit quasi inexistante du récit. Mia, elle, a refusée de suivre le chemin préétabli par ses parents et a décidé d’évoluer dans sa propre voie, ce qui, aux yeux de son père, semble être le pire des crimes.

    Quand j’ai lu le résumé, dans un premier temps, j’avais pensé à une histoire de harcèlement. Je n’avais pas pensé à un kidnapping. Mais on comprend très vite de quoi il retourne, dès les premières pages.
    J’ai beaucoup aimé l’évolution de la relation entre Mia et son kidnappeur lorsqu’ils se retrouvent dans cet endroit isolé, avec des températures si basses qu’ils doivent collaborer s’ils ne veulent pas mourir de froid.
    On imagine très bien les lieux et bizarrement la maison des parents de Mia avec tout son luxe et son confort est aussi lugubre que le chalet perdu au fin fond d’une forêt, sans chauffage et plein de courants d’air. L’un est lugubre du fait de sa composition (la forêt, le lac gelé, l’isolement), l’autre l’est du fait de la froideur des personnes qui l’habitent et en particulier de James qu’on sent presque indifférent à ce qu’il se passe et seulement préoccupé de sa « réputation ».
    Quand je suis arrivée à la fin de ce livre, j’ai presque eu l’impression qu’il avait deux fins distinctes : le dernier chapitre qui clôt plus ou moins l’histoire dans les sentiments et les pensées des personnages narrateurs ; et l’épilogue, le seul raconté par Mia, qui fait l’effet d’un coup de poing dans l’estomac tant on ne s’attendait pas à ce qu’elle nous révèle, à nous les lecteurs, et qu’elle a tu et continue de taire à son entourage.
    Il n’y avait pas beaucoup d’action dans ce roman, et, contrairement à beaucoup de polars, il ne faisait pas peur, mais il m’a tenue en haleine jusqu’au bout !


    Un extrait : Rien de bien compliqué. J’ai payé un type pour qu’il reste à son travail un peu plus longtemps que prévu. J’ai suivi la fille jusqu’au bar et me suis assis à un endroit d’où je pouvais l’observer sans être vu. J’ai attendu le coup de téléphone et quand elle a compris qu’il lui avait posé un lapin, j’ai fait mon approche.

    Je ne sais pas grand-chose sur elle. J’ai vu une photo. Une photo floue d’elle sortant du métro, prise depuis une voiture garée à quelques mètres de là. Une dizaine de personnes séparent le photographe de la fille, si bien que quelqu’un avait pris la peine d’encercler son visage au stylo rouge. La cible. Au dos du cliché, les mots « Mia Dennett » et une adresse. On me l’a donnée il y a près d’une semaine. Je n’ai encore jamais fait un truc pareil. Quelques larcins. Du harcèlement. Jamais encore de kidnapping. Mais j’ai besoin d’argent.

    Je la file depuis quelques jours. Je sais où elle fait ses courses, où elle donne son linge à nettoyer, où elle travaille. Je ne lui ai jamais parlé. Je serais incapable de reconnaître le son de sa voix. Je ne connais pas la couleur de ses yeux ou leur expression quand elle est effrayée. Mais je ne vais pas tarder à le découvrir.

    J’ai commandé une bière que je ne bois pas. Pas question de prendre le risque d’être soûl. Pas ce soir. Pour autant, je ne tiens pas non plus à attirer l’attention sur moi. D’où la bière pour ne pas rester les mains vides. Le coup de téléphone la met en colère. Elle sort pour répondre et, quand elle revient, son visage affiche un air frustré. Elle envisage de partir, puis décide de terminer sa consommation. Elle sort un crayon de son sac et commence à gribouiller sur une serviette en papier, écoutant l’abruti qui déclame de la poésie sur scène.

    J’essaye de ne pas y penser. J’essaye de ne pas penser au fait qu’elle est mignonne. Je me concentre sur l’argent. J’ai besoin de cet argent. Ça ne doit pas être bien difficile. Dans deux heures, tout sera fini.

    — C’est beau, dis-je en indiquant le dessin d’un signe de tête.

    C’est tout ce que j’ai trouvé. Je ne connais rien à l’art.

    Au début, elle me snobe. Elle ne veut rien avoir affaire avec moi. Ce qui me facilite les choses. Elle lève à peine les yeux de la serviette quand je la complimente sur la bougie qu’elle a dessinée. Elle veut que je la laisse tranquille.

    — Merci, dit-elle sans me regarder.

    — C’est un peu abstrait.

    Apparemment, j’aurais mieux fait de me taire.

    — Vous pensez que c’est de la merde ?

    Un autre homme aurait éclaté de rire. Il aurait dit qu’il plaisantait et l’aurait abreuvée de compliments. Pas moi. Pas avec elle.

    Je me glisse sur la banquette. Face à n’importe quelle autre fille et n’importe quel autre jour, j’aurais tourné les talons. Je ne me serais même pas approché de la table pour commencer, la table d’une fille qui ressemble à une garce, en rogne qui plus est. Je laisse le baratin, le flirt et toutes ces conneries à d’autres.

    — Je n’ai pas dit ça.

    Elle pose la main sur sa veste.

    — J’allais partir, dit-elle en vidant son verre d’un coup et en le reposant sur la table. Je vous laisse la place.

    — Comme Monet. Monet dessine ce genre de trucs abstraits, n’est-ce pas ?

    J’ai dit cela exprès.

    Elle me regarde. Je suis sûr que c’est la première fois. Je souris en me demandant si ce qu’elle voit est assez intéressant pour qu’elle retire la main de sa veste. Le ton de sa voix s’adoucit. Elle prend conscience de s’être montrée un peu sèche. Peut-être pas une garce, finalement. Peut-être juste une fille en colère.

    — Monet est un impressionniste, explique-t-elle. Picasso fait de l’art abstrait. Tout comme Kandinsky ou Jackson Pollock.

    Jamais entendu parler de ces types. Elle a toujours l’air décidée à partir. Je ne m’inquiète pas. Si elle part, je la suivrai jusque chez elle. Je sais où elle habite. Et j’ai tout mon temps.

     

  • [Livre] J'étais sportif mais ça va mieux

    Je savais bien que les sportifs étaient de grands malades

    Je remercie les éditions Société des écrivains pour cette lecture

     

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    Résumé : Et puis tout à coup, le drame. Le geste inévitable, la bavure...! Un des policiers venus en renfort est soudain pris d'une frénétique envie de dégainer. Dans un hommage ultime à John Mac Lane et à l'inspecteur Harry, il tente le coup de folie, le geste que personne n'attend et qui transforme un policier ordinaire en sauveur de l'humanité. Clint Eastwood et Bruce Willis n'auraient certainement pas fait mieux. Notre héros a le même rictus que les plus grands justiciers, ce fameux mélange de concentration avec une pointe d'arrogance et de jouissance intérieure. Les yeux concentrés sur la future victime, il se lance vers Alain Bernard d'un pas ferme et décidé. Il dégaine un stylo et se met à hurler: “un autographe pour mon fils Jonathan s'il vous plaît”!
    En cette après-midi de mars 2008, j'ai moi aussi replongé dans la maladie du sport. Je suis reparti trente ans en arrière... Retour au sport-étude, retour au début de l'histoire. Je vais tout vous dire, tout avouer, c'est promis


    Auteur : Robert Leroux

    Edition : Société des écrivains

    Genre : Témoignage

    Date de parution : 2013

    Prix moyen : 18€

    Mon avis : L’auteur, sportif de haut niveau en escrime, décrit le monde du sport professionnel.
    Tout commence lorsqu’il décide d’intégrer la section sport-étude au collège. Puis il intégrera l’INSEP. Passant du Pentathlon (qu’il décrit comme un « sport de bourrin ») à l’escrime.
    Il ira jusqu’aux jeux olympiques.
    De tout ce parcours, il garde de bon souvenirs et des moins bons mais qu’il décrit toujours avec une plume acérée et pleine d’humour. Il aborde également ce qu’il a fait après sa carrière sportive.
    D’ailleurs, en parlant d’humour, j’espère que tous ceux qu’il a croisé dans sa carrière en ont, de l’humour…Parce qu’il ne les rate vraiment pas ! S’il a une forte tendance à l’auto dérision, il n’épargne ni ses camarades, ni ses adversaires et encore moins les « officiels ».
    En réalité, il se moque de tout ce qui fait le sport de haut niveau comme de lui-même.
    Le style n’en est que plus agréable et facile à lire.

    Cependant, je trouve que le livre aurait gagné à avoir cinquante pages de moins. L’humour est bien tourné, mais un peu répétitif au bout d’un moment et j’ai fini par m’ennuyer sur les dernières pages. Peut être certains événements n’auraient pas du être autant détaillé, ce qui lui aurait permis d’aller au bout de son histoire sans provoquer de lassitude.
    Je me suis vraiment amusé pendant les 4/5ème du livre, ce qui est un bon « score », pour rester dans le sportif, pour un livre biographique humoristique…

    Un extrait Les bases, c’est le bon qualificatif pour juger mon court cursus militaire. C’est vrai qu’à l’armée, ils n’aiment pas trop les mecs malades. Quand il y a une tête qui dépasse ou un virus qui pointe, ça les rend dingues. Du coup, ils te mettent en quarantaine. Moi, on m’avait mis en quarantaine au BJ : le bataillon de Joinville situé comme son nom l’indique à Fontainebleau. C’est vrai que c’était trop simple de le mettre à Joinville-le-Pont…c’est à trois km de l’INSEP, quand c’est trop simple, le gradé est méfiant, il renifle l’arnaque. C’est comme dans les films avec Rambo, quand tout est calme ça pue l’embuscade. Même si on ne peut pas vraiment comparer le Bus de la ligne 112 (celui qui dessert l’INSEP) et un char Russe, ni le chauffeur avec Rambo d’ailleurs, force est de constater qu’il a parfois tous les attributs d’un bon boat people Viêt. Pointez-vous le matin alors qu’il est tombé une pellicule de 2 cm de neige et vous verrez bien que le chauffeur vietcong de la RATP n’aime pas les vacances à Chamonix. Il estime qu’il prend autant de risques à être au volant de sa machine infernale que Rambo quand il fonce dans le tas en défouraillant.
    Résultat : tu es obligé de rejoindre l’INSEP à pince et en traversant un bois hostile…le bois de Vincennes.
    Ne riez pas, il y a des blindées en planques dans chaque contre-allée et les potes de DSK en train de vider les chargeurs façon Inglorious Bastards. Risqué…zone hostile.

     Bref, le BJ c’est un endroit où il y a des militaires de carrière et des gard comme nous, les vérolés du sport. Du coup, pour ne pas que tu contamine les bérets verts Français, on ne te garde pas longtemps. Tu viens, on te refile une dotation dans laquelle il n’y a pas de Nike air mais en revanche il a des sortes de pataugas qui te filent de l’air sous la peau. Des ampoules comme ils disent.
    C’est moins glamour que la dotation des JO mais c’est toujours ça de pris à l’ennemi. Une fois que l’on t’a donné les pompes à ampoules, c’est bon tu peux partir. Mais attention, si jamais les Boches ou les Viêts décident d’envahir le Périgord ou le midi, maladie ou pas, il faut que tu rapplique illico pour défendre la patrie. C’est le deal.
    Comme la scoumoune me poursuit depuis le début de ma carrière de malade, forcément à un moment donné, il y a quelque chose qui va rater. Les occasions peuvent être nombreuses.
    Par exemple, il peut y avoir un colonel qui voudra se faire mousser pour passer général et qui sonnera l’alerte parce que le Rhin a été franchi par une cohorte de caravanes Allemandes en route pour les sud de la France. On n’est jamais trop prudent, on a beau avoir construit des lignes Maginot et des barrières à péages, ça ne va pas les arrêter. Finalement, le bug est venu d’ailleurs. Comme prévu, les Allemands en short nous ont envahis avec leurs caravanes. Comme prévu les Restoroutes ont été pris d’assaut et toutes leurs saucisses anéanties.
    Mais l’agression est passée inaperçue à l’état-major. Oui, ils étaient trop occupés à l’époque. Ils avaient un autre souci… On venait de leur livrer leur dernier porte-avions, le Charles de Gaulle. Le nouveau fleuron de la marine française. On en connaissait certains déjà, il y avait par exemple eu le Redoutable et le Terrible, des sous-marins dont le nom a fait flipper les guérilléros du onde entier et là, coup de bol ils leur ont livré leur petit dernier : le Charles de Gaulle.
    « Je vous ai construit » aurait-pu crier le grand Charles de son vivant ! Ceci dit, il vaut mieux qu’il soit mort. Oui parce qu’ils ont fabriqué un porte-avions avec une piste d’atterrissage trop courte… Si, si, véridique, vous pouvez vérifier.
    C’est ballot quand même ! Du coup ils se sont tous mis à recompter pour vérifier.
    Tout le monde s’y est mis, les généraux, les colonels, les gradés, les dégradés, tous. On a même vu deux pseudo-amiraux descendants directs du grand Charles, faire appel à une commission de contrôle pour recompter : la COCOE. Une officine présidée par un vieux spécialisé dans le droit soviétique.
    Vraisemblablement, la piste ne devait peut-être pas être droite non plus.
    C’est vrai qu’il valait mieux réétudier la question attentivement. Un porte-avions avec des ULM qui décollent dans une chicane c’est moins efficace…, ça dissuade moins bien les assaillants potentiels.
    Bref, pendant qu’ils étaient tous à chercher comment faire pour redresser et rallonger la piste du rafiot, forcément ils ont oublié tout le reste. Toi tu attends qu’un gradé envoie la lettre pour te libérer parce que tu es en train de préparer les JO…et l’autre est sur l’eau en train de mesurer… !

    Ca prend du temps, d’autant plus de temps qu’il faut mesurer en pleine mer parce qu’un des deux amiraux s’est barré avec le bateau en disant que c’est le sien parce qu’il l’a gagné dans une tombola…Dans la marine on appelle ça un pacha…ailleurs aussi.

    Bilan : C’est toi le couillon. Faute de dérogation, fini le BJ et direction la base aérienne de Creil pour que l’on nous enseigne à devenir des chiens de guerre. Les commandos du SAS, la Delta force à coté c’est un vulgaire camping, une maison de retraite pour papi en manque d’action. Ca va saigner aux JO…

    Heureusement qu’avec Fort-Romeu, j’avais certains acquis au niveau dortoirs et bouffe pour chiens. En revanche, à part la guerre ouverte avec la grosse Thérèse à cause des tranches de saucisson que je planquais dans mon slip, rien ne m’avait préparé à vivre le camping en milieu hostile. La tente kaki, partagée avec un copain d’infortune qui devait avoir une autre maladie très grave au niveau des pieds, ainsi qu’une espèce d’homme de Cro-Magnon qui venait juste de savoir comment il s’appelait, c’est délicat comme tout le reste de ton séjour.
    Quand tu es sportif, les caporaux, sergents et autres, ne t’aiment pas. Ils ont toujours envie de te montrer que c’est eux les plus forts et ça rejaillit forcément sur ton bien-être de bleusaille. Ils adorent te démontrer qu’ils sont capables de faire la guerre sans dormir. Ceci dit, c’est important de bien assimiler les décalages horaires et la vision nocturne.
    Il n’y a qu’à voir l’Amerloc être obligé de s’éclairer au napalm pendant que le Viêt lui tombe dessus en traître pour accepter d’être sans cesse obligé de te lever dans l’hystérie à quatre heures du matin parce qu’un adjudant voudrait te faire croire que les Boches ont passé la frontière.

    Même si leur chancelière a parfois tendance à dépasser les bornes, le mensonge est fatiguant à la longue.
    D’ailleurs, un jour, il risque d’y avoir un problème.
    C’est comme Pierre et le loup, à force de crier au loup, plus personne ne va les croire. Si un jour les Boches arrivent en caravanes à chenilles et que la moitié des soldats français reste au plumard, il ne faudra pas se plaindre !

    Bref, tout ça pouvait encore passer…mais il y a une chose que je n’ai toujours pas comprise. Pourquoi m’ont-ils décerné le titre honorifique d’aviateur alors que là où nous étions il n’y avait ni un avion, ni même les potes de Pépé Boyington ?
    Etre aviateur et passer ton temps à récurer les toilettes des gradés, ce n’est pas comme ça que tu apprends à bombarder en piqué. Les Kamikazes japonais, eux, ils ne s’entraînaient pas au maniement du manche à balai, ils allaient droit à l’essentiel. C’est tout le drame de l’armée française, les gradés croient qu’avec des toilettes propres, ça va faire peur aux adversaires et qu’ils vont se rendre illico :
    « Ok les frenchies, on a vu vos chiottes, franchement vous êtes les plus forts, on dépose les armes » Utopique !

     

  • [Livre] Danseuse et maman

    Jusqu’à quel point peut-on accepter une descente aux enfers? Quand on est seule face à un monstre, a-t-on une chance de s’en sortir ?

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    Résumé : À 18 ans, Martine tombe amoureuse d'Herby, soi-disant étudiant en médecine. Pour l'aider à financer ses études, elle accepte de danser nue dans un bar de Laval. Elle découvrira assez rapidement qu'Herby lui ment depuis les premiers jours. Il n'est pas étudiant mais plutôt assisté social, près d'un gang criminel. Prise dans l'engrenage de la violence conjugale, Martine se soumet tout de même aux volontés d'Herby, de qui elle tombera enceinte, et continue sa carrière de danseuse.

    Auteur : Mark Fisher et Martine Jeanson

    Edition : Québec Amériques

    Genre : Drame

    Date de parution : 2014

    Prix moyen : 30€

    Mon avis : J’ai bien aimé ce livre même si j’ai parfois eu du mal à comprendre du fait d’expression québécoise que je ne connaissais absolument pas. Heureusement, même si elles sont nombreuses, la plupart se comprennent dans le contexte. Pour les autres, ça ne m’a pas empêché de comprendre le texte.
    Alors les mauvais points d’abord (non parce que si, il y en a quand même) : Tout d’abord je trouve que l’auteur insiste trop sur le coté ésotérique, le bracelet, qui est censé accélérer son karma et « grâce auquel » il arrive des choses incroyables à toutes les personnes à qui elle le confie, la voyante, l’homme et l’enfant mystérieux qui apparaissent et disparaissent comme par enchantement (et qui ne servent pas à grand-chose à mon sens) et genre tout ce qui lui arrive a un coté surnaturel. A se demander si elle écrit une histoire vécue ou une fiction. Je me suis posé la question à plusieurs reprises tant certaines choses paraissaient invraisemblables. Et je continue à me demander si cette histoire est une histoire vraie ou si l’auteur se cache derrière le thème de l’histoire vraie parce qu’elle pense que c’est ce qui fait vendre.
    Le livre est un peu long, parfois je trouve qu’elle décrit certains passages sans grand intérêt avec beaucoup trop de détails.
    La ponctuation est un peu perturbante également. Entre les phrases tronquées avec un point à deux ou trois mots avant la fin de la phrase qui elle-même devient une phrase à elle seule (Ex : Moi – et je sais que c’est stupide de ma part, mais c’était plus fort que moi –, j’ai esquissé un sourire et je lui ai fait un petit salut de la main, comme fait la reine dans ses bains. De foule. ), les questions qui commencent ET finissent par un point d’interrogation (est-ce une règle de ponctuation québécoise ?), c’est un peu dur d’avoir une lecture fluide.
    Coté positif, elle raconte avec une grande précision et une grande simplicité comment une jeune fille de 18 ans s’enfonce dans une relation toxique. Elle montre à quel point les apparences peuvent être trompeuses et à quel point certaines personnes sont prêtes à tout, même au pire, pour se faire du fric sans avoir à lever le petit doigt.
    Elle montre aussi comment la honte et la peur peut pousser quelqu’un à rester dans une telle situation de crainte de se retrouver dans une situation pire encore.
    Le titre est peut être mal adapté puisque l’auteur n’est jamais danseuse et maman en même temps, mais c’est vraiment l’arrivée de l’enfant qui lui donnera la force d’affronter son bourreau.
    Le pire dans ce livre c’est le crédit que l’entourage accorde à cet homme, sa propre mère est plus encline à le croire lui qu’à croire sa propre fille, les policiers, qui interviennent à plusieurs reprises à son domicile, croient sur paroles tout ce qu’il peut leur dire (encore que contrairement à d’autres situations du même genre, il ne semble pas arriver à la couper de ses amies).


    Un extrait : C’est un oiseau de nuit, mon prince haïtien, mais qu’il soit encore debout à quatre heures du matin, c’était mauvais signe. Habituellement, il s’endormait au plus tard vers trois heures.

    J’étais quand même contente qu’il soit debout, parce que je pouvais lui apporter, dans la corbeille de mon amour fou, tout l’argent que j’avais gagné, même en sautant à pieds joints sur ma fierté de femme.

    Il avait bu visiblement et il était en slip, avec une camisole qui montrait le tatouage sur son bras gauche, un ange rouge et noir : j’avais aimé, le premier soir, ensuite je m’étais dit que c’est peut-être pas normal, un ange rouge et noir, et de mauvais augure pour la suite des choses.

    Amoureuses.

    Les seules qui comptaient vraiment pour moi à l’époque. Je te fais cette confidence, lectrice, ma complice dans le désespoir amoureux trop souvent, parce que dans mes cahiers d’écolière, comme j’étais toujours première, les anges qu’on collait comme récompense de mes hauts faits d’armes intellectuels, ils avaient les ailes blanches et bleues et faisaient plus penser à Dieu qu’au diable avec sa queue.

    Regarde mon amour, que je lui ai dit en lui tendant fièrement mon butin de guerre, parce que l’argent, c’est le nerf… de la guerre : amoureuse ou pas. J’ai gagné plus de deux cents dollars !

    Il a pas sauté de joie, comme s’il savait pas s’il devait ou non se réjouir du montant. Moi, j’étais un peu déçue. Je m’attendais à tout sauf à cette réaction, surtout après avoir tant travaillé et m’être tant humiliée.

    Herby m’a pris un peu brusquement l’argent des mains, et tout de suite il l’a compté.

    Il y a juste cent quatre-vingt-quinze dollars !

    Non, il y en a deux cent vingt-cinq, compte bien, mon amour ! On va pouvoir payer notre loyer en retard.

    Il a recompté, plus lentement. Le compte y était. Il aurait dû être content mais il aimait pas quand j’avais raison. Alors il a dit :

    Je pensais que tu aurais fait plus.

    Ben, on est payé juste cinq dollars la danse !

    Il a rien dit. Il est allé se réfugier dans la chambre à coucher.

    Moi, j’étais dans tous mes états. Je me sentais « ordinaire » et affreusement coupable. Comme si je venais de trahir notre amour. J’avais peut-être pas fait exprès, mais je l’avais déçu, mon amoureux.

    Je suis allée le rejoindre dans la chambre. Il se déshabillait. J’ai entrepris de me dévêtir moi aussi. Véritable Sherlock Holmes de ma petite personne, il a alors noté que je portais mon bas de bikini noir :

    Elle est où, ta petite culotte rose ?

    Ben… je…

    De nouveau, je suis troublée. Par l’accusation qui me fait sentir coupable d’un crime que j’ai pas commis. Comme je réponds pas tout de suite, il insiste, pousse plus loin son investigation :

    Tu comprends pas que, quand on aime une femme comme je t’aime, on peut pas tolérer la moindre petite cachette ? Moi, je te dis tout, parce que je suis fou de toi. Toi, pourquoi tu me caches des choses ?

    Non, je… je te cache rien. Ma culotte, je l’ai donnée à Cassandra.

    Cassandra, c’est qui ça ?

    Une danseuse avec qui je suis devenue amie et qui m’a aidée à passer ma première soirée. C’était pas évident, si tu savais, mon amour, se mettre à poil devant cinquante étrangers…

    T’es rendue lesbienne, en plus de ça ! Elle t’a demandé ta culotte comme un trophée après t’avoir baisée ?

    Ben non, on a pas baisé, voyons ! Et ma culotte rose, je lui ai pas donnée, je lui ai vendue. Pour vingt-cinq dollars.

    Pourquoi elle t’aurait donné vingt-cinq dollars pour une culotte que t’as payée cinq dollars en solde chez Zellers ? Je le sais, j’étais avec toi. C’est même moi qui l’ai choisie parce qu’elle était sexy et te faisait un beau cul.

    Je voulais juste lui rendre service, c’est à cause d’un client…

    J’ai voulu lui expliquer le truc du client qui se masturbait en respirant les slips (blancs ou roses), mais j’en avais plus la force. Et en plus, il trouverait sans doute ça hyper dégueulasse, lui qui était si romantique ! Il m’a regardée sans rien dire. Je tremblais intérieurement.

    C’est vrai, ce que tu me racontes là ?

    Oui, je te jure, mon amour, c’est vrai, je te le jure sur la tête de ma mère.

    Je pouvais pas savoir s’il me croyait ou pas. D’ailleurs, il disait rien, ça aidait pas. Finalement, il m’a poussée sur le lit. Il est entré en moi. Sans préavis. Mais ça, j’avais l’habitude. Depuis le premier soir. Qui était un après-midi.

    L’absence de préliminaires, avec Herby, c’était à prendre ou à laisser. Mais là, je sais pas pourquoi, peut-être parce qu’il était plus violent que d’habitude, je lui ai dit :

    Tu me fais mal, mon amour.

    Il m’a ordonné :

    Arrête de pleurer comme un bébé !

    J’ai obéi. J’ai été témoin de sa prise de Troie, je veux dire de moi. Je l’ai regardé s’escrimer, retenant mes larmes auxquelles j’avais pas droit : il est resté en moi quarante, cinquante secondes seulement, mais elles me semblaient si longues, comme des minutes, des heures.

    J’ai eu le sentiment qu’il voulait me défoncer, presque me tuer, comme pour me punir de ma trahison amoureuse. Pour la première fois, je me suis pas plainte, même dans mon esprit, qu’il soit précoce, je veux dire qu’il connaisse vite la volupté, en oubliant comme d’habitude la mienne, quantité négligeable.

    Après avoir eu son moment de joie, il m’a repoussée comme on jette un sac de chips que tu prends même pas la peine de froisser quand il est vide.

    Je suis restée immobile dans le lit, j’osais pas bouger ou fermer les yeux. Dans l’appart d’à côté, qui est pas insonorisé, mais alors là pas du tout, j’entendais nos voisins qui se sont mis à faire l’amour. Bruyamment et longuement. Comme à leur habitude.

    La femme a poussé des cris, puis a ri, puis a gémi. Puis a poussé des cris, puis a ri, puis a gémi. Elle a dit : « Oh my God, oh my God, mon amour, mon amour, tu me tues, tu me rends folle ! Encore, encore, encore ! T’arrête pas ! Dévaste-moi, laisse plus rien ! Je t’appartiens. »

    Lui aussi proférait des gentillesses religieuses et autres, je l’entendais crier, et jouir et rire, et quand je pensais que c’était enfin fini, ça recommençait parce qu’il avait la politesse d’attendre la volupté de sa femme.

    Et je me suis dit que, Jenny, elle devait pas exagérer au sujet de son dernier amant qui avait presque tous les défauts de la Terre mais qui la faisait monter au septième ciel. Deux fois, trois fois et même quatre ou cinq d’affilée quand elle travaillait pas trop tôt le lendemain. Ça ressemblait pas trop à mes émois. Qui se produisaient pas.

    Herby, lui, il a pas pu être contrarié par les extases sonores et autres des voisins. Tout de suite après avoir joui, il s’est endormi. Je le sais, parce qu’il s’est mis à ronfler.

    Quand j’ai été certaine qu’il dormait assez profondément – parce que des fois il ronfle et il ouvre l’œil trois secondes plus tard : je pense qu’il fait de l’apnée ou des mauvais rêves, je sais pas –, entre le cinquième ou le sixième orgasme de la voisine, j’ai pas fait le décompte exact, je me suis levée et j’ai quitté la chambre à pas de loup. Pour aller me laver.

    Je me sentais si sale. Et surtout, je me sentais si seule. Parce que tout ce que j’avais fait, et qui était humiliant, j’avais le sentiment de l’avoir fait pour rien. Parce que mon prince était pas content.

    On dirait qu’il m’a pas crue quand je lui ai dit que j’avais pas baisé avec Cassandra. Ou bien il a fait semblant de pas me croire pour que je me sente encore plus coupable, et devienne plus complètement son esclave, va savoir !

    En me regardant dans le petit miroir des toilettes, je me suis sentie encore plus sale, comme si ça faisait non pas vingt-quatre heures mais vingt-quatre ans que je dansais. Ça doit être la relativité d’Einstein encore une fois ! En plus, je me trouvais laide, moi qui me suis jamais trouvée belle !

    Alors j’ai pris une douche plus longue que d’habitude, et j’ai aussi fait une prière plus détaillée que les autres soirs en demandant aux autorités concernées si mon ange gardien avait pas pris congé. Remarque, chacun a droit à ses vacances, vu que le burnout, c’est le mal du siècle, et même en haut lieu ils sont peut-être pas épargnés, surtout si tu penses à tout ce qui se passe ici-bas et les heures supplémentaires que ça doit demander, mais alors là ! Et dire qu’on est censé entrer dans l’ère du Verseau, où tout le monde il est beau et gentil ! Je suis pas Nostradamus, alors j’aimerais qu’on m’explique !

    Le lendemain, à son réveil, Herby m’a parlé comme si rien s’était passé. Je veux dire après avoir recompté son argent pour voir si je lui en avais pas piqué, quand même ! Il a juste dit :

    — Mon café ! Qu’est-ce que tu attends ?

    Devant notre premier café, il m’a donné un billet de vingt dollars en expliquant :

    - Ça, c’est pour hier soir, le reste, c’est pour le proprio.