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[Livre] Danseuse et maman

Jusqu’à quel point peut-on accepter une descente aux enfers? Quand on est seule face à un monstre, a-t-on une chance de s’en sortir ?

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Résumé : À 18 ans, Martine tombe amoureuse d'Herby, soi-disant étudiant en médecine. Pour l'aider à financer ses études, elle accepte de danser nue dans un bar de Laval. Elle découvrira assez rapidement qu'Herby lui ment depuis les premiers jours. Il n'est pas étudiant mais plutôt assisté social, près d'un gang criminel. Prise dans l'engrenage de la violence conjugale, Martine se soumet tout de même aux volontés d'Herby, de qui elle tombera enceinte, et continue sa carrière de danseuse.

Auteur : Mark Fisher et Martine Jeanson

Edition : Québec Amériques

Genre : Drame

Date de parution : 2014

Prix moyen : 30€

Mon avis : J’ai bien aimé ce livre même si j’ai parfois eu du mal à comprendre du fait d’expression québécoise que je ne connaissais absolument pas. Heureusement, même si elles sont nombreuses, la plupart se comprennent dans le contexte. Pour les autres, ça ne m’a pas empêché de comprendre le texte.
Alors les mauvais points d’abord (non parce que si, il y en a quand même) : Tout d’abord je trouve que l’auteur insiste trop sur le coté ésotérique, le bracelet, qui est censé accélérer son karma et « grâce auquel » il arrive des choses incroyables à toutes les personnes à qui elle le confie, la voyante, l’homme et l’enfant mystérieux qui apparaissent et disparaissent comme par enchantement (et qui ne servent pas à grand-chose à mon sens) et genre tout ce qui lui arrive a un coté surnaturel. A se demander si elle écrit une histoire vécue ou une fiction. Je me suis posé la question à plusieurs reprises tant certaines choses paraissaient invraisemblables. Et je continue à me demander si cette histoire est une histoire vraie ou si l’auteur se cache derrière le thème de l’histoire vraie parce qu’elle pense que c’est ce qui fait vendre.
Le livre est un peu long, parfois je trouve qu’elle décrit certains passages sans grand intérêt avec beaucoup trop de détails.
La ponctuation est un peu perturbante également. Entre les phrases tronquées avec un point à deux ou trois mots avant la fin de la phrase qui elle-même devient une phrase à elle seule (Ex : Moi – et je sais que c’est stupide de ma part, mais c’était plus fort que moi –, j’ai esquissé un sourire et je lui ai fait un petit salut de la main, comme fait la reine dans ses bains. De foule. ), les questions qui commencent ET finissent par un point d’interrogation (est-ce une règle de ponctuation québécoise ?), c’est un peu dur d’avoir une lecture fluide.
Coté positif, elle raconte avec une grande précision et une grande simplicité comment une jeune fille de 18 ans s’enfonce dans une relation toxique. Elle montre à quel point les apparences peuvent être trompeuses et à quel point certaines personnes sont prêtes à tout, même au pire, pour se faire du fric sans avoir à lever le petit doigt.
Elle montre aussi comment la honte et la peur peut pousser quelqu’un à rester dans une telle situation de crainte de se retrouver dans une situation pire encore.
Le titre est peut être mal adapté puisque l’auteur n’est jamais danseuse et maman en même temps, mais c’est vraiment l’arrivée de l’enfant qui lui donnera la force d’affronter son bourreau.
Le pire dans ce livre c’est le crédit que l’entourage accorde à cet homme, sa propre mère est plus encline à le croire lui qu’à croire sa propre fille, les policiers, qui interviennent à plusieurs reprises à son domicile, croient sur paroles tout ce qu’il peut leur dire (encore que contrairement à d’autres situations du même genre, il ne semble pas arriver à la couper de ses amies).


Un extrait : C’est un oiseau de nuit, mon prince haïtien, mais qu’il soit encore debout à quatre heures du matin, c’était mauvais signe. Habituellement, il s’endormait au plus tard vers trois heures.

J’étais quand même contente qu’il soit debout, parce que je pouvais lui apporter, dans la corbeille de mon amour fou, tout l’argent que j’avais gagné, même en sautant à pieds joints sur ma fierté de femme.

Il avait bu visiblement et il était en slip, avec une camisole qui montrait le tatouage sur son bras gauche, un ange rouge et noir : j’avais aimé, le premier soir, ensuite je m’étais dit que c’est peut-être pas normal, un ange rouge et noir, et de mauvais augure pour la suite des choses.

Amoureuses.

Les seules qui comptaient vraiment pour moi à l’époque. Je te fais cette confidence, lectrice, ma complice dans le désespoir amoureux trop souvent, parce que dans mes cahiers d’écolière, comme j’étais toujours première, les anges qu’on collait comme récompense de mes hauts faits d’armes intellectuels, ils avaient les ailes blanches et bleues et faisaient plus penser à Dieu qu’au diable avec sa queue.

Regarde mon amour, que je lui ai dit en lui tendant fièrement mon butin de guerre, parce que l’argent, c’est le nerf… de la guerre : amoureuse ou pas. J’ai gagné plus de deux cents dollars !

Il a pas sauté de joie, comme s’il savait pas s’il devait ou non se réjouir du montant. Moi, j’étais un peu déçue. Je m’attendais à tout sauf à cette réaction, surtout après avoir tant travaillé et m’être tant humiliée.

Herby m’a pris un peu brusquement l’argent des mains, et tout de suite il l’a compté.

Il y a juste cent quatre-vingt-quinze dollars !

Non, il y en a deux cent vingt-cinq, compte bien, mon amour ! On va pouvoir payer notre loyer en retard.

Il a recompté, plus lentement. Le compte y était. Il aurait dû être content mais il aimait pas quand j’avais raison. Alors il a dit :

Je pensais que tu aurais fait plus.

Ben, on est payé juste cinq dollars la danse !

Il a rien dit. Il est allé se réfugier dans la chambre à coucher.

Moi, j’étais dans tous mes états. Je me sentais « ordinaire » et affreusement coupable. Comme si je venais de trahir notre amour. J’avais peut-être pas fait exprès, mais je l’avais déçu, mon amoureux.

Je suis allée le rejoindre dans la chambre. Il se déshabillait. J’ai entrepris de me dévêtir moi aussi. Véritable Sherlock Holmes de ma petite personne, il a alors noté que je portais mon bas de bikini noir :

Elle est où, ta petite culotte rose ?

Ben… je…

De nouveau, je suis troublée. Par l’accusation qui me fait sentir coupable d’un crime que j’ai pas commis. Comme je réponds pas tout de suite, il insiste, pousse plus loin son investigation :

Tu comprends pas que, quand on aime une femme comme je t’aime, on peut pas tolérer la moindre petite cachette ? Moi, je te dis tout, parce que je suis fou de toi. Toi, pourquoi tu me caches des choses ?

Non, je… je te cache rien. Ma culotte, je l’ai donnée à Cassandra.

Cassandra, c’est qui ça ?

Une danseuse avec qui je suis devenue amie et qui m’a aidée à passer ma première soirée. C’était pas évident, si tu savais, mon amour, se mettre à poil devant cinquante étrangers…

T’es rendue lesbienne, en plus de ça ! Elle t’a demandé ta culotte comme un trophée après t’avoir baisée ?

Ben non, on a pas baisé, voyons ! Et ma culotte rose, je lui ai pas donnée, je lui ai vendue. Pour vingt-cinq dollars.

Pourquoi elle t’aurait donné vingt-cinq dollars pour une culotte que t’as payée cinq dollars en solde chez Zellers ? Je le sais, j’étais avec toi. C’est même moi qui l’ai choisie parce qu’elle était sexy et te faisait un beau cul.

Je voulais juste lui rendre service, c’est à cause d’un client…

J’ai voulu lui expliquer le truc du client qui se masturbait en respirant les slips (blancs ou roses), mais j’en avais plus la force. Et en plus, il trouverait sans doute ça hyper dégueulasse, lui qui était si romantique ! Il m’a regardée sans rien dire. Je tremblais intérieurement.

C’est vrai, ce que tu me racontes là ?

Oui, je te jure, mon amour, c’est vrai, je te le jure sur la tête de ma mère.

Je pouvais pas savoir s’il me croyait ou pas. D’ailleurs, il disait rien, ça aidait pas. Finalement, il m’a poussée sur le lit. Il est entré en moi. Sans préavis. Mais ça, j’avais l’habitude. Depuis le premier soir. Qui était un après-midi.

L’absence de préliminaires, avec Herby, c’était à prendre ou à laisser. Mais là, je sais pas pourquoi, peut-être parce qu’il était plus violent que d’habitude, je lui ai dit :

Tu me fais mal, mon amour.

Il m’a ordonné :

Arrête de pleurer comme un bébé !

J’ai obéi. J’ai été témoin de sa prise de Troie, je veux dire de moi. Je l’ai regardé s’escrimer, retenant mes larmes auxquelles j’avais pas droit : il est resté en moi quarante, cinquante secondes seulement, mais elles me semblaient si longues, comme des minutes, des heures.

J’ai eu le sentiment qu’il voulait me défoncer, presque me tuer, comme pour me punir de ma trahison amoureuse. Pour la première fois, je me suis pas plainte, même dans mon esprit, qu’il soit précoce, je veux dire qu’il connaisse vite la volupté, en oubliant comme d’habitude la mienne, quantité négligeable.

Après avoir eu son moment de joie, il m’a repoussée comme on jette un sac de chips que tu prends même pas la peine de froisser quand il est vide.

Je suis restée immobile dans le lit, j’osais pas bouger ou fermer les yeux. Dans l’appart d’à côté, qui est pas insonorisé, mais alors là pas du tout, j’entendais nos voisins qui se sont mis à faire l’amour. Bruyamment et longuement. Comme à leur habitude.

La femme a poussé des cris, puis a ri, puis a gémi. Puis a poussé des cris, puis a ri, puis a gémi. Elle a dit : « Oh my God, oh my God, mon amour, mon amour, tu me tues, tu me rends folle ! Encore, encore, encore ! T’arrête pas ! Dévaste-moi, laisse plus rien ! Je t’appartiens. »

Lui aussi proférait des gentillesses religieuses et autres, je l’entendais crier, et jouir et rire, et quand je pensais que c’était enfin fini, ça recommençait parce qu’il avait la politesse d’attendre la volupté de sa femme.

Et je me suis dit que, Jenny, elle devait pas exagérer au sujet de son dernier amant qui avait presque tous les défauts de la Terre mais qui la faisait monter au septième ciel. Deux fois, trois fois et même quatre ou cinq d’affilée quand elle travaillait pas trop tôt le lendemain. Ça ressemblait pas trop à mes émois. Qui se produisaient pas.

Herby, lui, il a pas pu être contrarié par les extases sonores et autres des voisins. Tout de suite après avoir joui, il s’est endormi. Je le sais, parce qu’il s’est mis à ronfler.

Quand j’ai été certaine qu’il dormait assez profondément – parce que des fois il ronfle et il ouvre l’œil trois secondes plus tard : je pense qu’il fait de l’apnée ou des mauvais rêves, je sais pas –, entre le cinquième ou le sixième orgasme de la voisine, j’ai pas fait le décompte exact, je me suis levée et j’ai quitté la chambre à pas de loup. Pour aller me laver.

Je me sentais si sale. Et surtout, je me sentais si seule. Parce que tout ce que j’avais fait, et qui était humiliant, j’avais le sentiment de l’avoir fait pour rien. Parce que mon prince était pas content.

On dirait qu’il m’a pas crue quand je lui ai dit que j’avais pas baisé avec Cassandra. Ou bien il a fait semblant de pas me croire pour que je me sente encore plus coupable, et devienne plus complètement son esclave, va savoir !

En me regardant dans le petit miroir des toilettes, je me suis sentie encore plus sale, comme si ça faisait non pas vingt-quatre heures mais vingt-quatre ans que je dansais. Ça doit être la relativité d’Einstein encore une fois ! En plus, je me trouvais laide, moi qui me suis jamais trouvée belle !

Alors j’ai pris une douche plus longue que d’habitude, et j’ai aussi fait une prière plus détaillée que les autres soirs en demandant aux autorités concernées si mon ange gardien avait pas pris congé. Remarque, chacun a droit à ses vacances, vu que le burnout, c’est le mal du siècle, et même en haut lieu ils sont peut-être pas épargnés, surtout si tu penses à tout ce qui se passe ici-bas et les heures supplémentaires que ça doit demander, mais alors là ! Et dire qu’on est censé entrer dans l’ère du Verseau, où tout le monde il est beau et gentil ! Je suis pas Nostradamus, alors j’aimerais qu’on m’explique !

Le lendemain, à son réveil, Herby m’a parlé comme si rien s’était passé. Je veux dire après avoir recompté son argent pour voir si je lui en avais pas piqué, quand même ! Il a juste dit :

— Mon café ! Qu’est-ce que tu attends ?

Devant notre premier café, il m’a donné un billet de vingt dollars en expliquant :

- Ça, c’est pour hier soir, le reste, c’est pour le proprio.

 

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