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Livres - Page 81

  • [Livre] A couteaux tirés

     

    Je remercie la masse critique Babelio et les éditions Presse de la cité pour cette lecture

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    Résumé : Henry Pelham se rend en Californie et revoit à cette occasion Celia Favreau, son ancienne maîtresse. Tous deux ont été agents secrets, à Vienne, et ne se sont pas revus depuis l'attentat terroriste qui a coûté la vie à cent vingt personnes dans un avion, cinq ans plus tôt. Celia a quitté la CIA et a fondé une famille. Malgré les sentiments qu'il éprouve encore, Henry a aujourd'hui une mission à remplir : découvrir ce qu'elle sait sur cette terrible journée où tout a basculé. Un huis clos époustouflant où un simple dîner de retrouvailles, du moins en apparence, se transforme en habile joute verbale, chacun jonglant entre discussion personnelle et professionnelle, chacun poussant l'autre dans ses retranchements pour sauver sa peau...

     

    Auteur : Olen Steinhauer

     

    Edition : Les presses de la cité

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 10 mars 2016

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Le livre se découpe en parties : Les parties racontées par Henry se déroulent 5 ans après un attentat en Autriche qui a fait 120 morts dans un avion. Henry enquête sur ce qu’il s’est passé cette journée-là : il cherche un responsable, peut être un agent double. Lorsqu’il donne rendez-vous à Celia, celle-ci a quitté les services secrets et n’est pas emballée à l’idée de revenir sur cette histoire.

    Les parties racontées par Celia se passent au moment de l’attentat et on voit en temps réel comment elle a vécu cette affaire, ce qu’elle a fait, qui elle a contacté etc…

    D’ailleurs son interprétation des faits est souvent contraire à celui d’Henry, surtout en ce qui concerne leur relation.

    Au milieu du livre, il n’y a aucune trace d’un quelconque coupable au sein des services secrets, du moins aucun que j’ai décelé.

    Au fil de la lecture, cependant, j’ai acquis une certitude et je commence à développer une hypothèse.

    Ma certitude est que peu importe que Celia soit coupable ou non, Henry a décidé d’en faire un bouc-émissaire car elle vit à présent à l’écart de tout, ce qui l’isole de ceux qui pourrait s’élever contre sa mise en cause et donc son exécution.

    Quant à mon hypothèse, c’est que Celia n’est pas la taupe, elle ne l’a jamais été, mais elle sait peut-être de qui il s’agit et a essayé de protéger cette personne et cela se retourne contre elle. Je pense que confier l’enquête sur la recherche de la taupe à Henry, reviendrait à confier l’enquête sur les meurtres du fils de Sam à David Berkowitz. Je me trompe peut-être, mais chaque conversation, chaque pensée des protagonistes, les transcriptions des enregistrements… tout me laisse penser à ça… et tout me laisse penser que Celia n’est pas aussi sans ressources que l’imagine Henry.

    Je ne sais pas si elle l’a percé à jour, mais il se passe quelque chose. Est-ce une coïncidence ? Est-ce quelque chose de totalement différent (une autre affaire par exemple) ? Est-ce que je me fais des idées parce que le personnage d'Henry est limite paranoïaque et que je forge mes convictions sur son attitude ? Il faudra, je pense, attendre la fin du livre pour voir mes hypothèses confirmées ou infirmées.

    Un extrait : Je pousse la porte du restaurant Le Rendez-Vous avec une demi-heure d’avance. La présence d’un bar m’apparaît comme un heureux présage, même si je ne vois de bouteilles nulle part. Je suis accueilli par une jeune évaporée toute de noir vêtue, qui a rassemblé ses cheveux en une queue-de-cheval haute et tient un iPad à la main.
    La salle a beau être vide, elle me demande :

    - Vous avez réservé ?

    - Oui, mais il est encore tôt. J’aimerais boire un verre.

    - C’est à quel nom ?

    - Harrison. Euh, non, Favreau.

    - Dix-neuf heures, confirme-t-elle à l’adresse de l’iPad. Je peux vous installer maintenant, si vous le souhaitez.

    Pendant les différents vols, je me suis raccroché à l’image de ma destination finale pour me motiver : un long comptoir et un tabouret sur lesquels reposer mon corps épuisé. C’est ce que je veux que Celia voie en arrivant : un homme occupant sa place d’homme.

    - Je préfère attendre au bar, dis-je en la contournant.

    C’est avec un immense soulagement que je m’assois à l’extrémité du comptoir en laiton martelé. Un jeune barman alerte, tout en noir lui aussi, qui a si soigneusement sculpté sa barbe de trois jours qu’elle paraît peinte sur sa peau, me gratifie d’un petit sourire. Je commande le martini gin dont je rêve depuis vingt-quatre heures.

    - Désolé, nous ne servons que du vin.

    - C’est une blague ?

    Il hausse les épaules, avant de me tendre une carte plastifiée sur laquelle figure la liste des crus proposés.
    Nous sommes au pays du vin, après tout… Je commence à étudier les différents cépages, mais les noms composés ne tardent pas à se brouiller devant mes yeux. Je n’y connais rien. Je referme la carte.

    - Quelque chose de corsé et de bien frais.

    - Blanc ou rosé ?

    - Pour le coup ça m’est égal. Je veux juste un vin sec.

    Je le regarde sortir une bouteille du frigo, puis se colleter un long moment avec le tire-bouchon avant de réussir à l’ouvrir. Il me sert sans aucune élégance : le blanc glougloute et éclabousse le bar. Conscient de sa maladresse, il m’adresse un sourire embarrassé.

    - C’est mon premier jour, désolé.

    Ce qui me le rend un tout petit peu plus sympathique.
    Il pousse vers moi un verre rafraîchi, rempli de ce qui se révèle être un chardonnay de chez Joullian, produit au plus profond de la vallée de Carmel. Il pose à côté un bol de noix de macadamia, me fait un clin d’œil et, l’air encore gêné, s’éloigne.
    Le long miroir en face de moi m’offre une vue dégagée sur la salle.
    Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Certainement pas à ça, en tout cas.

     

  • [Livre] L'enfant que personne n'aimait

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    Résumé : " Nous avons faim, Justin, trouve-nous quelque chose ", répètent ses frères. Mais il n'y a rien à manger. Justin sent les larmes monter, la colère l'envahir aussi. Qu'est-il donc censé faire ? Justin n'a que cinq ans, ses frères ont deux et trois ans. Leur mère, héroïnomane, les a laissés seuls et affamés. Une fois de plus. La fois de trop : ce jour-là, Justin a mis le feu à la maison. Six ans et vingt foyers d'accueil plus tard, Justin est enfin arrivé dans une famille aimante qu'il a, au départ, tout fait pour rejeter. 
    Jusqu'au moment où il s'est progressivement ouvert et confié. Là, il est devenu évident qu'il avait atrocement souffert, au-delà de l'imaginable et du supportable...

     

    Auteur : Casey Watson

     

    Edition : City Editions français

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2012

     

    Prix moyen : 13€

     

    Mon avis : J’ai découvert cet auteur avec « la petite fille qui criait au secours ». En le lisant j’ai pu constater que c’était son second roman, sur le second enfant confié à ses soins et elle cite de temps en temps Justin, celui avec lequel elle a commencé sa « carrière » de famille d’accueil.
    C’est comme ça que je me suis retrouvée avec « l’enfant que personne n’aimait » entre les mains, pour découvrir ce premier enfant et cette première expérience qui n’a pas dû être de tout repos si on en croit le résumé.

    J’apprécie moins Casey Watson que d’autres personnes exerçant les mêmes fonctions qu’elle parce qu’elle semble toujours chercher la reconnaissance chez les enfants placés.
    Ce qui m’a frappé dans son autre livre, et que je retrouve ici est qu’elle passe des jours à décorer la chambre qui va accueillir l’enfant, selon les goûts qu’elle imagine qu’il va avoir, et qu’elle s’attend à des cris émerveillés voire à voir le gosse se jeter dans ses bras éperdu de bonheur devant une telle chambre.
    Elle oublie un peu vite que ces gamins n’ont confiance en personne, qu’ils ne la connaissent pas et qu’une chambre qui a déjà l’air d’appartenir à un autre ne va pas forcément leur plaire ou les mettre à l’aise.
    Je me demande si elle a choisi ce travail par amour des enfants, ou pour le regard des autres : « quelle femme courageuse »…
    La réalité du travail qu’elle a choisi va vite lui remette les pieds sur terre, même si elle et sa famille vont commettre de nombreuses erreurs dues à leur inexpérience.
    Casey a beaucoup de mal avec les services sociaux. Elle ne supporte pas ceux qui traitent les enfants comme des dossiers sans se préoccuper d’eux plus que ça et le protocole qu’on lui impose lui pèse parfois car il n’est pas toujours dans le meilleur intérêt de l’enfant.
    Je crois que le plus dur pour Casey dans ce premier placement a été d’accepter le fait qu’elle ne ferait que passer dans la vie des enfants qui lui sont confiés, que son rôle n’est que de les remettre sur les rails avant de passer la main à une famille d’accueil traditionnelles. Et que les enfants, s’ils peuvent décider de rester en contact avec elle après leur départ, peuvent tout aussi bien décider de couper les ponts.
    Entre chaque enfant qui leur est confié, Casey et son mari n’ont que deux semaines de vacances et leur référant lui rappelle constamment que, même si elle doit se donner à fond pour les enfants qui sont placés chez eux, elle doit s’endurcir et ne pas oublier que ce qu’elle fait est un travail.

    Un extrait : J’avais rencontré Justin le mardi précédent. À vrai dire, cela ne faisait qu’une semaine qu’on nous avait suggéré ce placement, et huit jours que j’avais quitté mon travail à l’établissement secondaire de notre village. La semaine avait été intense, car tout était arrivé très vite.

    Et, même si Mike et moi n’étions pas encore habitués à ce mode de fonctionnement, nous avions saisi la gravité de la situation. John Fulshaw, notre contact dans l’agence de placement en famille d’accueil, avait été très clair : ce n’était pas une décision à prendre à la légère. Nous ne savions pas encore à quel point il avait raison.

    John avait été désigné comme notre contact dès notre inscription à l’agence, et nous nous sommes immédiatement bien entendus. Nous le connaissions assez bien, désormais, et, si John se faisait du souci, je ne pouvais que m’inquiéter. Cela dit, nous ne nous attendions pas à ce que les choses soient faciles. Mike et moi ne nous étions pas engagés dans l’accueil traditionnel. Nous étions censés pratiquer une sorte d’accueil intense, sur du court terme, en appliquant un nouveau programme de gestion du comportement. Après que ce concept eut été testé avec beaucoup de succès aux États-Unis, certaines municipalités du Royaume-Uni avaient décidé de le financer. Il concernait les enfants considérés comme « non plaçables » – ceux qui avaient déjà été en familles d’accueil et pour qui la seule autre option était d’être confiés de façon permanente à une institution. Mais pas n’importe quelle institution ; en principe, ils avaient déjà essayé les maisons d’enfants : il s’agissait malheureusement de centres d’éducation surveillée, la plupart de ces jeunes étant coupables de délits.

    — Le problème, m’avait dit John lors de notre première conversation au sujet de Justin, c’est que nous savons très peu de choses sur lui et son passé. Et ce que nous savons n’est pas d’un grand secours. Depuis ses cinq ans, il a été placé dans vingt foyers différents, sans succès. Il a connu plusieurs familles d’accueil et maisons d’enfants. Autant dire que vous êtes plus ou moins notre dernière chance. J’aimerais donc venir vous parler de lui, à tous les deux. Demain, si je ne vous prends pas trop au dépourvu.

    Notre petite famille avait discuté de ce coup de fil toute la soirée, tentant de déduire ce que nous pouvions du peu d’informations révélées par John au sujet de l’enfant qu’il voulait nous confier. Qu’avait pu faire ce garçon pour avoir connu vingt échecs de placement en seulement six ans ? C’était incompréhensible. Pourquoi était-il perturbé au point d’être « non plaçable » ? Mais, étant donné le peu d’éléments dont nous disposions, il était inutile de spéculer. Nous saurions bien assez tôt de quoi il en retournait.

    Toutefois, le lendemain matin, John ne nous avait pas appris grand-chose de plus. Aussitôt le café servi, il nous avait confié ce qu’il savait.

    — Au départ, c’est une voisine qui a prévenu les services sociaux. Justin avait été plusieurs fois chez elle pour réclamer à manger.

     

  • [Livre] Amélia

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    Résumé : À New York, Kate élève seule sa fille de 15 ans, Amelia. En dépit d'un rythme professionnel soutenu, elle parvient à être à l'écoute de cette adolescente intelligente et responsable, ouverte et bien dans sa peau. Très proches, elles n'ont pas de secrets l'une pour l'autre. C'est en tout cas ce que croit Kate, jusqu'à ce matin d'octobre où elle reçoit un appel de l'école. On lui demande de venir de toute urgence. Lorsqu'elle arrive, Kate se retrouve face à une cohorte d'ambulances et de voitures de police. Elle ne reverra plus jamais sa fille. Amelia a sauté du toit de l'établissement.
    Désespoir et incompréhension. Pourquoi une jeune fille en apparence si épanouie a-t-elle décidé de mettre fin à ses jours ? Rongée par le chagrin et la culpabilité, Kate tente d'accepter l'inacceptable... Mais un jour, elle reçoit un SMS anonyme qui remet tout en question : « Amelia n'a pas sauté. »
    Obsédée par cette révélation, Kate s'immisce alors dans la vie privée de sa fille et réalise bientôt qu'elle ne la connaissait pas si bien qu'elle le pensait.
    À travers les SMS, les mails d'Amelia, les réseaux sociaux, elle va tenter de reconstruire la vie de son enfant afin de comprendre qui elle était vraiment et ce qui l'a poussée à monter sur le toit ce jour-là. La réalité qui l'attend sera beaucoup plus sombre que tout ce qu'elle avait pu imaginer.

     

    Auteur : Kimberly McCreight

     

    Edition : Cherche Midi

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 27 Août 2015

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Ce n’est pas un coup de cœur, mais on en est pas loin.
    Sans même lire le livre, on sait qu’Amelia est morte. La police conclue, un peu rapidement, à un suicide. Sa mère, Kate, va recevoir un texto anonyme lui disant que sa fille n’a pas sauté. A partir de là, elle va tout faire pour découvrir ce qu’il s’est exactement passé.
    Le livre est un récit à deux voix. D’une part, nous avons Kate, racontée à la troisième personne, qui découvre la vie de sa fille, après la mort de celle-ci, en fouillant ses affaires, son portable, son ordinateur… De l’autre, nous avons Amelia, qui raconte elle-même (donc à la première personne) ces mêmes évènements au moment où elle les a vécu.
    La partie de Kate se déroule donc de la mort de sa fille, le 24 octobre, jusqu’au 30 novembre (durée de son enquête).
    La partie d’Amelia débute un mois et demi avant son décès, le 14 septembre.
    Avant certaines des parties de Kate, on peut lire des extraits de ses journaux intimes datant de l’époque de la conception et de la naissance d’Amelia.
    Avant les parties d’Amelia, on peut voir des statuts facebook, des transcriptions de textos reçus et envoyés ainsi que les publications d’un blog de potins dans le style de « Gossip girl » se nommant gRaCeFULLY.
    Au fil des pages, on voit les évènements tels qu’ils se sont exactement passés, puis on voit Kate les interpréter, parfois de travers. On voit aussi Kate découvrir des choses sur ces évènements que sa fille ignorait.
    La culpabilité de Kate est énorme et elle réagit souvent par l’agressivité envers les différents protagonistes. On peut la comprendre car chacun d’entre eux est susceptible d’en savoir plus qu’il ne le dit sur Amelia et, au chagrin et à la colère bien compréhensible qu’elle ressent devant la mort de sa fille s’ajoute ce sentiment que si elle avait été plus présente, si elle n’avait pas donné tout son temps à sa carrière, si Amelia avait pu lui parler, rien ne serait arrivé.
    Pourtant rien n’est moins sûr. Car ce que vit Amelia, pendant deux mois est un véritable harcèlement scolaire.
    La livre décrit bien l’univers adolescent, ses codes, ses « obligations », l’importance de la réputation, et surtout ces « populaires » (surtout les filles) qui, semblant au-dessus des règles et se fichant des conséquences de leurs actes, décident de qui a le droit de vivre tranquillement ou non. Quand elles trouvent une victime, ces membres de gangs en jupes plissées, n’ont plus rien d’adolescentes mais se transforment en hyènes s’acharnant sur celui ou celle qui a eu le malheur de leur déplaire.

    Kate va devoir démêler les fils de ces « relations » sociales toxiques, trouver qui envoie les mots, les textos.
    Si j’ai un reproche à faire à ce livre, c’est l’absence de conséquences sérieuses pour certains protagonistes.
    La personne qui écrit le blog, l’adolescente la plus acharnée contre Amelia, certains membres de l’administration qui ont cherché à minimiser les faits, quitte à faire de l’obstruction, s’en sortent bien avec comme seule punition de « devoir vivre avec ce qu’ils ont fait ». J’aurais préféré des conséquences plus sévères, en lien avec la justice, surtout dans un pays où on fait des procès à tout propos.
    C’était une excellente lecture.

    Un extrait : « Kate Baron à l’appareil.

    − Oui, madame Baron, répondit la femme à l’autre bout du fil. C’est madame Pearl, la CPE de Grace Hall. »

    Un appel urgent. Comment se faisait-il que sa fille ne lui ait même pas traversé l’esprit ?

    « Il est arrivé quelque chose à Amelia ? »

    Les battements de son cœur s’étaient accélérés.

    « Non, non, elle va bien, répondit Mme Pearl avec un soupçon d’agacement. Mais il y a eu un incident. Amelia est exclue pendant trois jours, c’est une sanction immédiate. Il va falloir que vous veniez signer une fiche de sortie et que vous la rameniez à la maison.

    − Exclue ? Que voulez-vous dire ? »

    Amelia n’avait jamais eu de problème de toute sa vie. Ses professeurs ne tarissaient pas d’éloges à son propos : brillante, créative, réfléchie, concentrée. Elle excellait en sport et était inscrite à toutes les activités extrascolaires imaginables. Elle était bénévole une fois par mois à CHIPS, une soupe populaire locale, et apportait régulièrement son aide lors des manifestations organisées avec le lycée. Exclue temporairement ? Non, pas Amelia. Kate, malgré son travail accaparant, connaissait sa fille. Vraiment. Il y avait erreur.

    « Oui, Amelia a été exclue trois jours, répéta Mme Pearl, comme si cela répondait à la question pourquoi. Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons la laisser partir qu’avec un parent ou un tuteur. Cela vous pose-t-il problème, madame Baron, de venir la chercher ? Nous avons conscience que vous travaillez à Manhattan et que le père d’Amelia n’est pas disponible. Mais malheureusement, le règlement scolaire est ce qu’il est. »

    Kate s’efforçait de ne pas se mettre sur la défensive. Elle n’était même pas sûre de percevoir le moindre jugement dans la voix de Mme Pearl. Seulement, au fil des ans, elle avait subi son lot de questions gênantes, de regards interrogateurs et de désapprobation à peine déguisée. Ses propres parents semblaient toujours considérer sa décision de mener à terme sa grossesse non désirée, alors qu’elle était encore à la faculté de droit, comme une forme particulièrement perverse de démence criminelle. Et en effet cette décision ne lui ressemblait pas. Sa vie entière, Kate avait toujours fait la bonne chose au bon moment, dans tous les domaines, excepté celui des hommes. À dire vrai, avec les hommes, elle avait toujours manqué de perspicacité. Cependant, garder son bébé n’avait pas été une décision prise à la légère, et elle ne la regrettait pas.

    « J’arrive tout de suite, je pars immédiatement. Mais pouvez-vous au moins me dire ce qu’elle… »

    Kate s’interrompit, l’avocate en elle lui rappelant soudain qu’elle devait choisir soigneusement ses mots. Elle n’était pas prête à admettre la culpabilité de sa fille.

    « De quoi Amelia est-elle accusée, au juste ?

    − J’ai bien peur que les questions disciplinaires ne puissent être abordées au téléphone, répliqua Mme Pearl. Il y a des règles de confidentialité, des procédures mises en place. Je suis sûre que vous comprenez. M. Woodhouse, le proviseur, vous donnera les détails tout à l’heure. Vous pensez arriver quand, exactement ? »

    Kate regarda sa montre.

    « Je serai là dans vingt minutes.

    − Si c’est le mieux que vous puissiez faire, repartit Mme Pearl d’un ton qui laissait penser qu’elle aurait préféré dire quelque chose de nettement moins conciliant. J’imagine que ça ira. »

     

    Vingt minutes, c’était extrêmement ambitieux. Victor avait bruyamment protesté quand Kate avait essayé de conclure la réunion en avance. Au final, elle n’avait eu d’autre choix que d’appeler Jeremy.

    « Je déteste faire ça », lui dit-elle en venant à sa rencontre dans le couloir qui menait à la salle de conférences.

    Et c’était vrai. Elle détestait partir ainsi en pleine réunion. C’était quelque chose que Daniel − son ancien camarade de la faculté de droit ultracompétitif et désormais coassocié junior, sans enfant et depuis longtemps divorcé − n’aurait jamais fait, quand bien même il aurait été victime d’une hémorragie interne.

    « Mais le lycée d’Amelia a appelé. Je dois aller la chercher.

    − Pas de problème. D’ailleurs, tu viens juste de m’épargner un rendez-vous avec Vera et les entrepreneurs qui s’occupent de notre nouvel appartement. Je préfère de loin une réunion client avec Attila le Hun à une conversation sur les murs porteurs », la rassura Jeremy avec un de ses fameux sourires.

    Il passa la main dans ses cheveux prématurément argentés. Il était grand, séduisant et, comme d’habitude, d’allure élégante dans sa chemise à rayures roses.

    « Tout va bien ?

    − Je ne sais pas, répondit Kate. Apparemment Amelia s’est mise dans je ne sais quel pétrin, mais ça n’a pas de sens. Elle n’est pas du genre à s’attirer des problèmes.

    − Amelia ? Je viens juste de chanter ses louanges dans ma lettre de recommandation pour le programme d’été de Princeton, alors je ne suis peut-être pas objectif, mais je n’y crois pas une seconde. »

    Jeremy posa une main compatissante sur l’épaule de Kate et sourit de nouveau.

    « Tu connais ces écoles privées. D’abord elles accusent, ensuite elles posent des questions. Qu’importe ce qui s’est passé, je suis sûr qu’il y a une explication logique. »

    Il n’en fallut pas plus à Kate pour se sentir un peu mieux. C’était Jeremy tout craché : toujours le mot juste. Juste et manifestement sincère, même aux oreilles de Kate, qui pourtant le connaissait bien.

    « Victor est furieux, commenta-t-elle en désignant la porte close de la salle de conférences. J’ai un peu l’impression de te jeter en pâture aux loups.

    − Ne t’inquiète pas. »

    Il eut un geste nonchalant de la main. Il pouvait travailler jusqu’à l’aube avant d’enchaîner au tribunal avec une cause perdue face à un adversaire agité et un client insatisfait sans jamais se départir de son attitude on-est-tous-copains.

    « Je peux gérer Victor Starke. Va donc t’occuper d’Amelia. »

     

  • [Livre] La drôle d'expédition

     

    Je remercie les éditions sarbacane pour cette lecture

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    Résumé : Une autre aventure de Zach, le petit garçon qui a réussi à s’évader de la prison d’Alcatraz ! Perdu dans le jeu vidéo que son père est en train de créer, Zach cherche une issue. Il finit par se retrouver dans un… cockpit de fusée. Et pas n’importe laquelle : le voilà qui s’envole à bord d’Apollo 11, aux côtés des trois astronautes, Armstrong, Aldrin et Collins ! Zach se fait accepter par l’équipage, s’acclimate à la vie dans l’espace, rencontre un alien pour, au bout du voyage, vivre la plus excitante des aventures humaines : MARCHER SUR LA LUNE 

     

    Auteur : Séverine Vidal

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Enfant

     

    Date de parution : 02 mars 2016

     

    Prix moyen : 11€

     

    Mon avis : Je suis ravie de retrouver la plume de Séverine Vidal que j’avais découvert dans un roman jeunesse « il était 2 fois dans l’ouest » et dans un autre plus mature, abordant un sujet plus difficile « Quelqu’un qu’on aime ». J’aime bien ces auteurs qui maîtrisent aussi bien l’humour que la tendresse et qui savent s’adresser aussi bien aux 8/10 ans qu’aux adolescents.
    Ici, on est dans les 8/10 ans avec une nouvelle aventure de Zach. Mais que les lecteurs se rassurent, Zach lui-même les informe au début de son histoire que son aventure peut être lue indépendamment du 1er tome. Ouf, tant mieux !
    Comme dans « il était 2 fois dans l’ouest », entre les chapitres, nous avons des petits bonus amusants comme par exemple les diverses positions que Chicken, le chat au poil qui ressemble à des plumes, peut prendre dans le but de déranger au maximum (bon Zach ne dit pas ça, c’est moi qui le dit. Les chats ont deux buts dans la vie : nous enquiquiner et conquérir le monde).

    Dans cette aventure, Zach, plus mature que chacun de ses parents et même que les deux réunis (entre le prénom que s’est donné sa mère et celui donné à l’une des jumelles, déjà….), se retrouve par accident aspiré dans le jeu vidéo qu’est en train de créer son père avec son chat, Chicken.
    Mais alors qu’il est guidé par celui-ci pour sortir, voilà que des ennuis supplémentaires se présentent : Zach n’est plus dans un jeu vidéo mais bel et bien dans Apollo 11, en 1969, et directement en partance pour la lune.
    Malgré le danger et les hésitations, les trois astronautes, qui seront bientôt mondialement connus, le gardent à bord avec eux.
    Zach va s’adapter à la vie à bord dont il nous décrit certains aspects dans les bonus.
    Il pose la question de la faille temporelle : sa présence dans la fusée ne va-t-elle pas changer le futur tel qu’il le connaît ? Sa présence ne risque-t-elle pas de provoquer une catastrophe ? Et si la mission était un échec et que Neil Armstrong ne marchait jamais sur la lune ?
    C’est une lourde responsabilité à porter pour un petit garçon, aussi mature soit-il, d’autant qu’il n’a pas cherché à ce que cette histoire se produise.

    Malgré ses aventures, les frayeurs et la beauté de ce qu’il peut voir à travers les hublots, Zach n’en oublie pas son objectif premier : rentrer chez lui pour être un grand frère digne de ce nom pour ses petites sœurs.

    L’écriture, comme toujours dans les romans de Séverine Vidal, est fluide, amusante et bien adaptée à l’âge visé. Les notes de bas de page, toujours de la plume de Zach, sont très drôles.
    Les enfants (et les adultes aussi, ne nous voilons pas la face) apprennent plein de choses sur cette mission primordiale dont on n’a, au final, retenu que Neil Armstrong et sa célèbre phrase.

    Le tome 1 des aventures de Zach va rejoindre ma wish-list, je suis curieuse d’en savoir plus sur cette fameuse évasion !

    Un extrait : Bon, je reconnais : elles sont moins moches que je pensais.
    D’abord, c’est des filles. Ça me rassure un peu. Je ne me voyais pas trop avec deux mini-Caleb à la maison. C’est le risque avec les garçons : qu’ils grandissent en prenant papa comme modèle. Dans notre famille, ça peut être dangereux…
    Ils auraient fini par passer leur vie à se goinfrer de brochettes de bonbons en triturant nerveusement leurs manettes de jeux tout en crachant des morceaux de chips sur l’écran (Ok, je caricature, mais comme ça vous visualisez). Ils auraient appris à dire « Spooïng », « Wraaaam », « Chpioutchou » et « Tak-tak-tak » avant « Maman », « Zach » ou « Gros Caca ».
    Maman et moi, on aurait été en infériorité numérique, on n’aurait pas supporté (euh, je suis bien un garçon, mais pas un garçon « modèle Caleb »).
    Donc, ouf, c’est des filles.
    Ça existe, bien sûr, les filles qui jouent aux jeux vidéo, je le sais. Mais la probabilité est moins grande.
    Question prénom, elles s’en sortent pas trop mal, finalement.
    Ma mère voulait absolument June, « pour rester dans les noms de mois ». Caleb lui a rappelé qu’en vrai elle s’appelle Denise, ainsi que toutes les femmes de sa famille, et j’ai proposé de maintenir cette tradition.
    Maman l’a mal pris.
    J’ai eu l’idée de Matilda, comme dans le livre de Roald Dahl. Maman était pas contre, mais Papa restait bloqué sur Zelda, en hommage « au meilleur jeu de tous les temps ! ».
    Zelda contre Matilda, la bataille a duré deux semaines. On a failli en venir aux mains, pourtant je vous assure qu’on est pas des violents, à la base.
    « Et si on gardait les deux prénoms, avec un trait d’union ? C’est très à la mode » a lancé Maman un soir de lassitude.
    Mais petites sœurs toutes fraîches de lundi dernier, jolies comme des cœurs (et pour lesquelles j’ai prévu d’être un grand frère de super compèt’) s’appellent donc : June et Zelda-Matilda.
    Elles rentrent cet après-midi. On va les chercher à l’hôpital après le déjeuner, « pour entamer notre nouvelle et flamboyante vie à 5 » (Caleb sait être un poil lyrique dans les grands moments). J’ai précisé que, techniquement, avec Chicken, on serait 6. Caleb m’a répliqué que « techniquement, un chat ça compte pas comme un humain » (Caleb sait se montrer de mauvaise foi dans les grands moments).

     

  • [Livre] Le Dahlia Noir

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    Résumé : Le 15 janvier 1947, dans un terrain vague de Los Angeles, est découvert le corps nu et mutilé, sectionné en deux au niveau de la taille, d'une jeune fille de vingt-deux ans : Betty Short, surnommée " Le Dahlia Noir " par un reporter, à cause de son penchant à se vêtir totalement en noir. Le meurtre est resté l'une des énigmes les plus célèbres des annales du crime en Amérique.

     

    Auteur : James Ellroy

     

    Edition : Rivages

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 2006

     

    Prix moyen : 10€

     

    Mon avis : J’ai un peu de mal à entrer dans l’histoire. Tout le début, qui parle de boxe, ne sert à rien et est difficile à digérer. On attaque ce livre dans l’idée de lire une enquête pour meurtre et on a 4 chapitres sur la boxe au terme desquels les deux flics qui vont enquêter sur le meurtre commencent (enfin) à faire équipe. Si à partir de ce 5ème chapitre, on entre enfin dans du travail de police, le meurtre, qui est censé être au centre du livre, n’arrive, lui, qu’au milieu du chapitre 7 soit après plus d’une centaine de pages.
    Une fois passé les 4 premiers chapitres (pour lesquels il a fallu que je m’accroche vraiment. Si je n’avais pas su que le livre allait basculer dans une enquête policière, j’aurais sans doute jeté l’éponge. J’ai mis quasiment autant de temps à lire ces 4 malheureux chapitres qu’à lire le reste du roman), une fois ces quatre chapitres passés, donc, on est plongé dans la frénésie qui suit les premiers pas dans la police en civil de Dwight « Bucky » Bleichert puis dans celle qui s’empare de toute la police à la suite du meurtre.
    Contrairement à son partenaire, pour qui l’affaire du Dahlia noir tourne à l’obsession, Bucky n’est pas franchement ravi d’être sorti de son affectation pour rejoindre l’enquête. Il n’apprécie guère qu’une centaine de policiers soient affecté au meurtre de celle qu’il considère comme une petite roulure et que les autres criminels, les « vrais » criminels comme il dit, soient laissé tranquilles pendant ce temps.
    Sauf que dans ce livre, on se demande qui des gangsters, des voyous, des dealers ou des policiers sont les pires saloparts.
    L’affaire se passe à la fin des années 40, alors déjà, un « nègre » de plus ou de moins dans les rues, cela « n’émotionne » pas la population. Les interrogatoires et tentatives d’arrestation des personnes de couleur se terminent donc de manière souvent radicale.
    Et le reste de la population n’est guère mieux lotie, la violence physique semblant être naturelle au cours des interrogatoires pour obtenir « la vérité ».
    Bien sûr, il y en a, parmi la police, qui recourent plus ou moins volontiers et avec plus ou moins d’ardeur à ce genre de pratique. Certains froncent le nez quand la violence devient trop importante, mais dans l’ensemble, quelques baffes pour faire parler un suspect ne choque personne, et ce même si le pauvre gars est innocent.
    Si on ajoute à ça un arriviste qui se fiche bien de qui sera coffré pour le meurtre du Dahlia noir du moment que cette arrestation lui permettre d’être élu procureur, on comprend puisqu’il s’agit d’une histoire vraie) que le meurtre n’ait jamais été résolu. Je ne suis qu’à un peu plus de la moitié du livre, je ne sais donc pas encore si James Ellroy a choisi de respecter l’Histoire ou s’il avance un coupable (ou du moins un suspect probable) à la fin de son livre.
    Puisque nous suivons Bucky Bleichert, l’enquête sur la mort du Dahlia noir s’arrête à la fin du chapitre 21 pour ne reprendre qu’au chapitre 31. Pendant ces 10 chapitres, on n’en entend parler que de manière détournée et épisodique.
    Pour un roman qui porte le nom « le dahlia noir » et qui comporte 37 chapitres, cela fait 17 chapitres de digressions (les 7 d’introduction, où 2 auraient suffit et les 10 de « pause »). C’est l’un des points noirs de ce roman. S’il s’était intitulé : « Les aventures de Bucky Bleichert » pourquoi pas ? Mais ici j’ai trouvé qu’on s’éloignait trop, et trop souvent, du Dahlia noir pour des évènements qui n’ont pas un grand intérêt.



    Un extrait : Mon secteur se situait à l’est de la 5e Rue, de Main jusqu’à Stanford, bas-fonds et quartier mal famé. Banques de sang, magasins de spiritueux qui vendaient leurs tord-boyaux exclusivement par demi-pintes et carafons, gîtes de passage à cinquante cents la nuit et missions délabrées. La règle tacite, c’était que les flics de peine qui marnaient à pied dans le quartier étaient des travailleurs de force. On mettait fin aux querelles de bouteille en tabassant les poivrots à la matraque ; on virait les négros des boîtes de travail journalier quand ils insistaient pour qu’on les engage. On coffrait sans distinction soûlauds et chiffonniers pour satisfaire aux quotas de la municipalité, et on les tabassait s’ils essayaient de monter dans le fourgon. C’était un travail d’usure, et les seuls agents qui y excellaient, c’était les bouseux transplantés, les fouteurs de merde de l’Oklahoma, qu’on avait embauchés pendant la guerre, quand il y avait pénurie de personnel. Je faisais mes rondes sans enthousiasme : des petits coups de bâton, dix ou vingt sous que je refilais aux poivrots pour les faire dégager des rues et rentrer dans les bistrots où je n’aurais pas à les alpaguer, des quotas très faibles pour mes ramassages d’ivrognes. Je me fis un nom et une réput’ dans l’équipe, à Central : la chialeuse. Par deux fois Johnny Vogel me surprit à distribuer de la menue monnaie et hurla d’un énorme éclat de rire. Le lieutenant Jaskow me classa en catégorie D dans son rapport sur ma forme physique après mon premier mois d’uniforme. Une employée de bureau me dit qu’il avait fait état de ma « répugnance à faire suffisamment usage de sa force avec des délinquants récalcitrants ».

    Kay prit son pied à lire la phrase, mais je voyais, quant à moi, les rapports s’accumuler en une pile si haute que même toute l’influence de Russ Millard ne me permettrait jamais de retourner au Bureau.

    Je me retrouvais donc à l’endroit où j’étais avant le combat et avant l’emprunt, seulement un peu plus à l’est et à pied. Les bruits avaient fait rage au cours de mon ascension jusqu’aux Mandats et Recherches ; aujourd’hui, ma chute était l’objet de spéculations. Pour les uns, on m’avait fait dégringoler pour avoir tabassé Lee, selon d’autres, j’avais débordé sur le territoire de la division d’East Valley et leurs prérogatives de présentations d’assignations, ou bien je m’étais dégonflé au cours d’un combat avec le jeune bleu de la 77e Rue qui avait gagné les Gants d’Or en 46 ; ou encore j’avais encouru les foudres d’Ellis Lœw en laissant filtrer des infos sur le Dahlia jusqu’à une station de radio opposée à sa candidature de futur procureur. Chaque bruit de couloir faisait de moi quelqu’un qui vous poignardait dans le dos, un bolchevik, un lâche et un imbécile ; lorsque le rapport sur ma forme physique, à la fin de mon second mois, se termina par les mots suivants : « Le comportement passif en service de cet agent lui a valu l’hostilité de tous les policiers en patrouille soucieux de faire respecter la loi », je commençai à songer à distribuer des billets de cinq sacs à tous les poivrots et des branlées à tous les uniformes bleus qui me lanceraient un regard, ne serait-ce qu’un tout petit peu chargé de suspicion.

     

  • [Livre] Là où j'irai

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    Résumé : Adam est une rock star adulée dont la réputation sulfureuse attire les paparazzi. Un jour de dérive à New York, il tombe en arrêt devant des yeux noirs sur une affiche. Les yeux de Mia, son ancienne petite amie. Devenue une violoncelliste virtuose, la jeune fille donne ce soir un concert au Carnegie Hall.
    Trois ans plus tôt, Mia est partie sans un au revoir, sans une explication. Leurs retrouvailles sont un choc : les souvenirs bons et mauvais resurgissent, les sentiments encore à vif les submergent, leur amour qu'ils pensaient indestructible se heurte à la réalité de leurs vies.
    Peut-on revivre une passion, malgré les cicatrices du passé ? La musique emporte Mia et Adam dans un tourbillon d'émotions. Est-ce suffisant pour les réunir de nouveau ?

     

    Auteur : Gayle Forman

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Young adult

     

    Date de parution : 4 novembre 2010

     

    Prix moyen : 6€

     

    Mon avis : Même si « Si je reste » pouvait, à mon avis, se suffire à lui-même, j’étais curieuse d’en retrouver les personnages dans cette suite qui se situe trois ans plus tard.
    Mia m’a extrêmement déçue. Quand on voit comment Adam est à ses cotés pendant son coma et qu’on découvre combien il l’a soutenue pendant sa convalescence, son attitude est tout simplement écœurante.
    Il est certain qu’elle a vécu quelque chose d’insoutenable et si elle avait coupé les ponts immédiatement avec Adam, on aurait pu mettre ça sur le compte du chagrin ou du choc, mais elle a continué à profiter de sa présence pendant des mois.
    Ce n’est pas tant qu’elle ait décidé de mettre un terme à leur histoire qui me répugne que la façon qu’elle a eu de le faire. Elle aurait pu lui envoyer un message, un texto, un mail, n’importe quoi plutôt que ce silence soudain, laissant Adam s’inquiéter, s’angoisser puis être dévasté quand il a compris qu’elle ne donnerait plus de nouvelles.
    Et pour seule excuse : J’étais en colère parce que tu m’as demandé de rester.
    Et alors ? Il n’est pas le seul. Kim, ses grands parents, tout le monde priait pour qu’elle vive. Mais couper les ponts aussi brutalement avec ses grands parents n’était pas possible et si elle avait fait ça à Kim, il est fort à parier que celle-ci aurait débarqué à Julliard pour lui botter les fesses. Mais Adam… le gentil Adam… Lui respecterait son choix, il se laisserait marcher dessus comme une serpillère.
    Et comme toujours Mia est égocentrique. Malgré le fait qu’Adam ne cesse d’expliquer à quel point tout a changé, à quel point la musique n’a plus la même importance pour lui, qu’il en souffre même, quand il envisage d’abandonner, la seule réaction de Mia n’est pas : tu es sur de toi ? Tu ne crois pas que tu risques de le regretter ? Plutôt que d’abandonner, tu devrais peut être essayer de modifier ce qui te dérange… bref de chercher à le comprendre LUI, sa seule réaction donc est : je ne veux pas que tu abandonnes pour moi.
    Mais quand va-t-elle arrêter de tout ramener à elle ? Moi, j’étais mal, j’étais en colère…
    Adam aussi a perdu des gens qu’il aimait profondément, sauf que, comme il n’était « que » le petit ami de Mia, tout le monde s’est foutu de sa peine et de sa souffrance. Comme si, en reconnaissant que d’autres avaient souffert, on volait une part de sa douleur à Mia.

    Le roman en lui-même est bien écrit et très agréable, mais je n’ai pas pu passer au dessus de l’antipathie que j’ai ressentie pour Mia.

     

    Un extrait : Mia s'est réveillée au bout de quatre jours, mais on ne lui a rien dit avant le sixième. Cela n'avait pas d'importance, parce qu'elle semblait déjà savoir. On était autour de son lit d'hôpital, dans l'unité de soins intensifs. Son taciturne grand-père avait la pénible tâche de lui annoncer que ses parents, Kat et Denny, avaient été tués sur le coup dans l'accident de voiture qui avait provoqué son hospitalisation. Et que son petit frère, Teddy, était mort aux urgences de l'hôpital local où on les avait transportés, lui et Mia, dans un premier temps, avant qu'elle soit évacuée vers portland.

    Personne ne connaissait la cause de la collision. Mia s'en souvenait-elle ?

    Elle gisait là, clignant des paupières et serrant ma main comme si elle voulait me retenir à jamais, les ongles enfoncés dans ma paume. Elle secouait la tête et répétait « non, non », sans pleurer pour autant, et je me demandais si elle répondait simplement à la question de son grand-père ou si elle refusait d'admettre la situation. Non !

    Et puis l'assistante sociale est entrée et a pris les choses en main. Avec réalisme, elle a expliqué à Mia les interventions qu'elle avait subies :

    « On a fait ce qu'on appelle du triage chirurgical, juste pour te stabiliser, et tu t'en sors remarquablement bien. »

    Elle a ensuite évoqué les opérations qui l'attendaient au cours des prochains mois.

    D'abord une pose de broches métalliques dans sa jambe gauche, puis, quelques jours plus tard, un prélèvement de peau sur la cuisse droite, intacte. Une autre intervention serait nécessaire pour greffer ce lambeau de peau sur sa jambe abîmée, et, comme le prélèvement, elle laisserait malheureusement « quelques vilaines cicatrices ». En revanche, celles du visage pourraient complètement disparaître au bout d'un an grâce à la chirurgie esthétique.

    « Une fois que tu en auras terminé avec les opérations d'urgence, a poursuivi l'assistante sociale, et s'il n'y a pas de complications, comme une infection consécutive à l'ablation de la rate ou des problèmes pulmonaires, tu pourras quitter l'hôpital et aller dans un centre de rééducation. Là, tu auras tous les soins nécessaires, ergothérapie, rééducation, orthophonie et autres. On fera un bilan médical d'ici à quelques jours. »

    Sa litanie m'épuisait, mais Mia buvait apparemment chacune de ses paroles et semblait s'intéresser plus au détail de ses opérations qu'aux nouvelles de sa famille.

    Un peu plus tard, dans l'après-midi, l'assistante sociale nous a pris à part.

    Nous, c'est-à-dire les grands-parents et moi.

    La réaction de Mia, ou plutôt son absence de réaction, nous préoccupait. Nous nous étions attendus à ce que, face à l'horreur de la nouvelle, elle crie, pleure, s'arrache les cheveux bref que son chagrin égale le nôtre. Et devant son calme anormal, nous pensions tous la même chose : le cerveau était atteint.

    L'assistante sociale nous a rassurés tout de suite.

    "Non, ce n'est pas le cas. Le cerveau est un organe fragile et il faudra attendre quelques semaines pour savoir quelles régions ont pu être touchées, mais les jeunes sont incroyablement résistants et, pour Mia, les neurologues sont optimistes. Le contrôle moteur est bon dans l'ensemble. La faculté de langage ne devrait pas être affectée. La partie droite de son corps présente une faiblesse et elle n'a plus d'équilibre. Si c'est là toute l'étendue des dommages cérébraux, elle a de la chance.

     

  • [Livre] Le jour où je n'ai pas pu aller au collège

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    Résumé : L'école peut parfois faire très mal, surtout à l'adolescence. Chaque année, 150 000 enfants de moins de 16 ans s'évaporent de l'Éducation nationale. Beaucoup d'entre eux sont atteints d'un mal peu connu : la phobie scolaire. Stress permanent, nuits sans sommeil, maux de ventre, visites à l'infirmerie pour échapper à une ou deux heures de cours. C'est par ces symptômes presque banals que l'histoire de Justine a commencé. Un matin d'octobre, à 15 ans, elle n'a tout simplement pas eu la force de continuer. Elle a refusé d'aller au collège, et n'y est pas retournée. Quelle famille est préparée à un tel choc ? Quels parents trouvent les bonnes réponses ? Quel adolescent peut entendre raison dans une telle situation ? Commence alors un long cheminement pour tenter de surmonter l'épreuve et pour reprendre le fil de l'apprentissage jusqu'au baccalauréat. Dans un récit à deux voix, Justine et sa mère, Anne-Marie, racontent les étapes de ce combat et lèvent enfin le voile sur ce phénomène encore tabou.

     

    Auteur : Anne-Marie Rocco & Justine Touchard

     

    Edition : Flammarion

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 24 aout 2013

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Même si je pense que nombres de parents ne seront pas d’accord avec moi, je trouve qu’il a fallu un sacré courage à Justine pour un jour dire : Stop !
    Personnellement je n’ai pas eu ce courage. Et pourtant j’ai subi le collège et le lycée comme une peine de prison. Non seulement ça a été la pire période de ma vie, mais je ne m’en suis jamais remise et j’en ai conçu une véritable aversion pour toute espèce de contrainte ou de cadre hiérarchique (je ne supporte pas qu’on me dise ce que je dois faire, j’ai l’impression d’étouffer).
    La phobie scolaire est de toute évidence bien connue par l’éducation nationale (il suffit de voir que le CNED en parle immédiatement et que l’éducation nationale a tout prévu, jusqu’au moindre document nécessaire pour qu’un enfant souffrant de phobie scolaire puisse être scolarisé à la maison) et je me pose la même question que la mère de Justine : pourquoi n’en parle-t-on pas ? Ni sur le site de l’éducation nationale, ni dans les réunions de prérentrée, histoire d’alerter les parents sur ce risque ? Non, la phobie scolaire est comme un secret bien gardé. Comment ? La sacro-sainte éducation nationale, la parfaite école républicaine ne ferait donc pas l’unanimité et pourrait même rendre malade les élèves. Non, du tout, c’est sûrement un complot !
    Il ne faut surtout pas dévoiler au grand public que l’éducation nationale n’est rien d’autre qu’une immense machine à broyer tous ceux qui n’entrent pas parfaitement dans le moule : les timides qui peinent à s’exprimer à l’oral, ceux qui ont besoin de plus de sommeil et ne peuvent donc pas passer leurs soirées à réviser, apprendre, faire des devoirs, toujours plus nombreux, chaque professeur considérant que SA matière est la seule valant la peine, ceux encore qui ont juste plus de mal, qui ont besoin de plus de temps pour comprendre, qui n’écrivent pas vite….Tous ceux-là, à la trappe : on veut des robots à l’éducation nationale, de parfaits adultes en miniature sans états d’âme et sans personnalité, près à obéir avec la docilité d’un chien d’arrêt.
    Le même problème s’est posé avec le harcèlement scolaire : combien de suicide d’adolescents poussés à bout a-t-il fallu avant que les pouvoirs public reconnaissent ne serait-ce que l’existence du phénomène ?
    Dans ce récit à deux voix, on suit la même histoire mais vue alternativement par les yeux de Justine, bien décidée à ne pas remettre les pieds dans un lieu qui la détruit à petit feu, et par ceux de sa mère, qui vénère l’école et qui a beaucoup de mal à accepter les problèmes de sa fille. Même si elle fait des efforts, intérieurement, elle bout, elle ne comprend pas et elle veut à tout prix que sa fille réintègre un cursus normal (et peu importe si elle réussit brillamment par correspondance). D’ailleurs le psy de sa fille résumera parfaitement son attitude en lui disant : « Ce que vous voulez, c’est qu’elle réussisse malgré elle ! ».
    Justine a fini par s’en sortir mais les deux auteurs posent la question cruciale : pour une personne qui s’en sort (et cela grâce à l’opiniâtreté des parents qui remuent ciel et terre pour trouver des solutions alternatives à l’éducation traditionnelle), combien d’adolescents broyés et détruits par le système ?
    On n’a pas les chiffres. L’éducation nationale se garde bien de faire une étude là-dessus.

    Un extrait : Dans le vaste gymnase transformé en salle de réunion, les tapis de sol ont été roulés sur le côté, et des rangées de chaises de classe alignées sur le revêtement synthétique vert balisé de lignes blanches. Devant le mur du fond, sous les paniers de basket-ball, ont été placés deux bureaux, autour desquels sont déjà assis les intervenants. Par ses dimensions et sa disposition, l’installation a quelque chose d’impressionnant, comme si nous allions assister à une grand-messe. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Ce 24 septembre 2007, le principal du collège de la région parisienne dans lequel est scolarisée Justine organise la première réunion de parents d’élèves de 3e, et au seul son de sa voix, on peut deviner que les absents ont encore plus tort que d’habitude. « Il n’y aura pas de passage de justesse en classe de 2de », avertit d’emblée le brave homme à la barbe poivre et sel, qui tient à alerter les parents sur le caractère décisif de l’année scolaire qui commence. Il veut manifestement leur mettre la pression dès cette première réunion, comme il l’a fait à la rentrée pour leurs enfants. Le moment est grave, expliquent tour à tour le principal, les professeurs et le conseiller principal d’éducation (CPE) : il y a le brevet en vue à la fin de l’année, et comme pour les lycéens qui s’apprêtent à passer le baccalauréat, des « brevets blancs » seront organisés plusieurs fois au fil des mois. Une façon d’expliquer aux parents que, dorénavant, leurs rejetons auront droit au même traitement que leurs aînés. Cette fois, l’enfance est bien finie…

    Mais le principal sujet de la réunion, c’est bien sûr la perspective de l’entrée au lycée. Car le type d’établissement vers lequel l’élève sera orienté déterminera ses possibilités d’études après le bac. Filière générale et technologique, ou filière professionnelle ? La bouche en cœur, les enseignants expliquent qu’« entrer en 2de professionnelle n’est pas une voie de garage », la preuve étant qu’il y a « plus de demandes que de places ». Mais tout le monde a bien compris le contraire, et moi la première. J’ai de bonnes raisons pour cela : Justine, ma fille, ne manifeste aucune vocation pour la mécanique, l’hôtellerie ou le secrétariat, et je ne tiens pas à ce qu’on lui fasse faire d’office un choix qu’elle risque de regretter. Pour l’instant, elle n’a pas la moindre idée du métier qu’elle veut faire plus tard, et je ne crois pas avoir remarqué qu’autour d’elle ses camarades aient des projets tellement plus précis. Seulement, l’année dernière, le conseil de classe a été formel, et a inscrit son verdict en bas du dernier bulletin de 4e : « avis favorable de passage en 3e en vue d’une orientation en filière professionnelle ». J’en suis tombée des nues.

    Personne n’avait jugé utile de nous avertir de cette décision, pourtant lourde de conséquences pour l’avenir de Justine, de nous l’expliquer, de nous parler des choix qui ainsi s’ouvraient – ni de ceux qui se fermaient. La décision couperet est donc arrivée anonymement par la poste, à la fin juin. Au début, je n’ai pas compris que cette mention resterait inscrite au fer rouge sur le dossier de Justine jusqu’au terme de sa scolarité. Quant à elle, je ne suis pas sûre qu’elle y ait prêté particulièrement attention, ou qu’elle en ait mesuré la portée exacte. Car une orientation professionnelle pour une adolescente de 15 ans qui ne manifeste pas d’intérêt pour une vocation particulière, mais dont les résultats sont probablement jugés insuffisants, c’est bien une sanction et une voie de garage. Affirmer le contraire s’avère d’une hypocrisie sans borne. C’est cependant le discours qu’on nous sert.

    Pendant cette réunion, tous les propos que j’entends me semblent terriblement éloignés de ce qui pourrait éventuellement concerner ma fille. Laquelle ne me paraît pourtant pas être une martienne, si je la compare à ses camarades. À ceci près que là où d’autres parlent avec aplomb, y compris lorsqu’ils se trompent, elle n’ose pas s’exprimer, craignant de se ridiculiser en proférant une bêtise. Les élèves doivent faire preuve de « maturité », explique gravement le CPE, « acquérir l’autonomie de leur propre travail » et « démarrer une réflexion sur leur projet personnel ». Et les parents se montrer vigilants sur le travail de leurs enfants, ajoutent les enseignants : une heure à une heure et demie par jour, quatre heures le week-end. Un minimum, insistent-ils. Il leur faut aussi veiller à ce que l’ordinateur de leur ado soit éteint quand ils travaillent. Ne parlons même pas de la télévision, évidemment à bannir dans une vie idéale où l’existence de l’adolescent doit être tournée vers sa réussite scolaire, au risque qu’il envoie un jour tout balader. Tout va aller très vite, alertent les professeurs : « Dès la mi-janvier, 50 % des cours de l’année sont faits. »

    À la fin de la réunion, l’ambiance est donc un peu lourde, l’inquiétude se lit même sur certains visages. Sur le mien aussi. Pourquoi cette mise en scène, destinée à susciter l’inquiétude plus qu’à motiver ? On se croirait presque à Guignol, où revient régulièrement la peur des coups de bâton du gendarme. Sauf que là, personne n’a envie de rire. Je repars, guère rassurée, et en me posant mille questions.

     

  • [Livre] Loukas ou l'indésiré

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    Résumé : Que reste-t-il de l'innocence d'un enfant quand le sort s'acharne ? Élevé dans une communauté religieuse, Loukas est le souffre-douleur de sa famille. De santé très fragile, il subit coups et brimades. À l'adolescence viennent s'ajouter les viols... Son journal intime, tenu dès l'âge de 8 ans, nous dévoile sa terrible vérité.

     

    Auteur : Esther Louve

     

    Edition : Nouvelles plumes

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2015

     

    Prix moyen : 16€

     

    Mon avis : Fiction ou témoignage ? C’est un peu dur à dire : sur la couverture, figure seulement le nom d’Esther Louve, ce qui est inhabituel pour un témoignage écrit à la première personne par un autre. Si elle a été la plume permettant au protagoniste de prendre la parole, c’est son nom à lui (ou son pseudonyme) qui aurait dû figurer en priorité. De plus sur sa page facebook, l’auteur parle de la sortie de SON livre, sans jamais citer « Loukas ».
    D’un autre côté, le nom de Loukas Rodrigues figure sur la page de garde, sous le nom d’Esther Louve, et un encart précise que les noms et lieux ont été changés sur la volonté de Loukas pour préserver son anonymat et sa sécurité.

    Si c’est de la fiction, l’auteur a peut être poussé un peu loin le désir de tromper le lecteur.
    L’histoire elle-même se présente sous la forme d’un journal intime entrecoupée d’explications donnée par un « Loukas » adulte et, a priori, libéré de la secte.
    Loukas ne se plaint pas ou presque pas de l’attitude de son père à son égard. Ça viendra avec l’âge mais il ne se rebelle pas vraiment.
    En revanche, il essaie d’alerter son entourage sur ce que lui fait subir son oncle. Je reste d’ailleurs totalement abasourdie de la fin que va connaitre cette histoire.
    A aucun moment Loukas ne remet en question l’autorité du maître dans son journal intime, il semble totalement soumis à la secte. D’ailleurs même aujourd’hui, alors que dans les inserts qu’il fait de son opinion d’adulte il laisse entendre qu’il est parti, il n’aime toujours pas que la communauté soit qualifiée de secte.
    En plus d’être un enfant martyre, Loukas est un enfant malade, ce qui rend encore plus intolérable la description de l’attitude de son entourage envers lui. Dès les premières pages, on sait qu’il souffre de leucémie, avec tous les effets que cela peut avoir sur le corps : fatigue, fragilité osseuse…
    Ce qui révolte, c’est que les rares fois où Loukas a vaincu sa peur des représailles pour parler de ce qu’il subissait, on ne l’a pas cru. Et pourquoi ? Parce que son père était un homme respectable : un notaire. Et c’est bien connu, n’est-ce pas ? Un homme cultivé ne peut en aucun cas être un monstre.
    A la fin du livre, on peut lire quelques témoignages de personnes ayant côtoyé Loukas en dehors du cercle restreint de la famille ou de la secte : une infirmière de l’hôpital, une jeune patiente de son âge qui s’était liée d’amitié avec lui et une voisine de l’étude de son père.
    C’est ce témoignage-là qui m’a le plus marqué. La voisine, vieille dame octogénaire durant l’adolescence de Loukas, a vite compris ce qu’il se passait. Et a été tout bonnement menacée par le père qui lui a fait comprendre que la secte savait se débarrasser des fouineurs. Ça m’a fait penser au témoignage de la nièce du dirigeant de l’église de scientologie qui mettait l’accent sur le fait que la secte était persuadée, et souvent à juste titre, d’être au-dessus des lois et de n’avoir rien à craindre de la police ou de la justice.
    La fin est un peu frustrante. Je trouve qu’on ne va pas assez loin. J’aurais aimé savoir comment le jeune frère de Loukas, Diego, qui affiche très tôt sa rébellion, s’est sorti de cet environnement hostile. Et comment Loukas, qui semble si profondément soumis et acquis aux idées de la secte a pu, si les allusions faites ne m’ont pas trompées, partir à son tour.
    J’aurais voulu savoir si les responsables des actes abominables commis sur Loukas avaient fini par payer pour ça, où s’ils avaient continué leur vie, comme si de rien n’était.
    J’ai beaucoup aimé ce livre, mais je le referme sur un goût d’inachevé.

    Un extrait : Voilà mon cahier qui va me servir à écrire ce que je vis et je vais le cacher très bien pour que plus tard, peut-être, il y a quelqu’un qui le lise et se souvienne de moi. Il faut d’abord que je me présente, c’est comme ça dans les livres pour les grands. Celui qui écrit son histoire, il se présente ! alors voilà : je m’appelle Loukas Rodriguez, j’ai huit ans aujourd’hui (c’est pour ça que j’ai un cahier neuf, c’était mon cadeau d’anniversaire que mon frère m’a donné), c’est la première fois que j’ai un cadeau de mon frère (j’ai deux frère, un grand et un petit), c’est mon grand frère qui m’a donné le cahier, alors ça m’a fait drôlement plaisir, mais il faut que personne le sache, surtout pas notre père. Il faut que je dise aussi que chez nous, on fête jamais les anniversaires, enfin surtout le mien, moi j’ai jamais eu de gateau avec des bougies comme mes copains d’école me racontent et aussi pas de cadeau non plus. Mes frères, ils ont un livre, un livre d’instruction qu’il dit notre père car nous devons être des garçons intelligents et que les jouets, c’est pour les petits enfants et ils ont le droit de manger à la table des adultes le soir de ce jour là ; moi, j’ai jamais le droit. Mon plus petit frère, lui, il reçoit encore des jouets parce qu’il est encore un bébé et puis aussi parce que lui, c’est le préféré de nos parents.
    Je suis un grand garçon et comme toute ma famille, je fais partie de la communauté des « frères de foi ». Mon père, il est notaire et ma mère, elle travaille pour lui, mais à la maison (elle prend les rendez-vous et fait les factures).
    J’ai un grand frère (celui qui m’a offert mon cahier) qui s’appelle Manoël, il a onze ans et un petit frère qui s’appelle Diego et qui a trois ans.
    J’ai eu aussi deux sœurs mais elles sont parties au paradis avant que je vienne sur la Terre. Mary était la plus grande, elle est partie bien avant moi et l’autre (je connais pas son nom), elle était avec moi dans le ventre de notre mère, mais elle est remontée au ciel et moi, je suis restée là.
    J’aurais bien voulu moi, qu’elle m’emmène avec elle auprès de notre seigneur Jésus.
    Je suis un petit garçon normal, sauf que je suis tout maigre et pas aussi fort et grand que mes frères et mes copains d’école. C’est parce que moi, je suis malade : quand j’étais plus petit, j’ai été longtemps à l’hôpital, les docteurs ont trouvé dans mon sang quelque chose qui n’allait pas bien, je ne sais pas ce que c’est exactement, mais mon grand frère a dit que c’était une maladie grave qui s’appelle leucémie. Je suis allé dans un grand hôpital où j’ai connu plein d’enfants comme moi, les dames étaient très gentilles avec nous mais c’était difficile d’être malade et tout seul, enfin moi, j’étais tout seul, les autres, ils avaient leurs parents. Mais ça change pas grand-chose à ma vie, sauf que je vais encore souvent à l’hôpital. Père me punit souvent parce que je suis pas assez fort comme il aimerait que je sois, il dit qu’un garçon à doit être très fort et costaud et que ça pleure pas, que nous devons être des vainqueurs car nous sommes des « zélus ». Moi je ne sais pas ce que c’est les « zélus », je comprends pas pourquoi il faut être toujours les plus forts, les premiers dans tout ce qu’on fait, et puis moi, comme je suis souvent puni, alors il m’arrive de pleurer.
    Il faut dire que mes parents, comme ils voulaient pas encore un garçon, alors ils m’aiment pas.
    Je le sais, parce que j’entends souvent Père dire que si j’étais pas là, ça irait mieux pour tout le monde !

  • [Livre] Où sont mes lunettes

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    Résumé : Un jour, une femme reçoit une lettre de sa caisse de retraite : " Madame, vous avez 59 ans, il est temps de préparer votre dossier... " Elle est stupéfaite. Qui a 59 ans ? Pas elle, tout de même, qui mène une vie trépidante et travaille comme une folle. Non, c'est impossible. Hélas, si ! Elle ouvre alors une grosse malle pleine de papiers et de souvenirs. Toute sa vie lui saute à la figure. Une enfance auprès de grands-parents aristocrates. Une adolescence fauchée. Son premier emploi : secrétaire d'un papa-patron. Ses amours avec un bel officier de marine italien qui lui fait un enfant - qu'elle ne peut pas garder. Un grand mariage à 20 ans. Des déboires conjugaux. Un divorce. Un remariage. Puis c'est le coup de foudre. Elle épouse celui qu'elle appelle le " Grand Salaud ". Ils auront un fils, de belles disputes et trente ans de bonheur.

     

    Auteur : Nicole de Buron

     

    Edition : J’ai lu

     

    Genre : Humour

     

    Date de parution : 19 avril 2000

     

    Prix moyen : 6€

     

    Mon avis : Pour les habitués de la plume de Nicole de Buron, on peut dire qu’elle brouille les pistes : l’Homme est toujours là, constant, parfois sans prénom, ici Alexandre, le mari de l’auteur était Jean Bruel, le patronyme ayant causé certains tracas : « non je ne suis pas la mère de Patrick ».
    Mais pour les enfants, c’est une autre affaire. Ils sont toujours deux. Mais j’avais rencontré Fille ainée (Justine) et petite chérie (Alizée) dans « chéri tu m’écoutes… », Alizée était devenue Joséphine dans « c’est quoi ce petit boulot » (ou inversement, je ne les ai pas lus dans leur ordre de sortie).
    Généralement, malgré l’allusion à un premier mariage, les deux héritières, comme se plait à les appeler l’auteur, sont du même père.
    Ici, le premier mariage a été fructueux et Justine n’est plus Justine mais Pauline, qui n’a pas le titre de « fille ainée » mais de « petite mère », quoi qu’elle ait tout de même 3 enfants (mais pas les même que dans les autres livres) et une boutique.
    Quant à l’héritière de l’homme, Alizée/Josephine, elle disparait au profit du Fils : Balthazar (d’après la page wikipédia de l’auteur, celle-ci aurait 2 filles…).
    Autour de cette famille à la composition et aux prénoms changeant, on retrouve les même anecdotes : l’affaire des épinards de l’enfance de Nicole de Buron, le père militaire qui n’a eu que des filles dans sa course pour avoir un fils (bien fait comme elle dit), les grands parents aristocratiques mais finissant fauchés par le banquier de Grand-père qui a fait faillite, la mère, plusieurs fois mariée, jamais contente, souvent en « maison de santé », les copines, la ferme à retaper, les nuits de travail etc…
    Au travers des papiers rangés (comprendre entassés) dans une malle et qu’il faut trier pour Madame la Cnav, qui, comme toujours se mêle de ce qui ne la regarde pas, puis délaisse les assurés quand il est enfin temps de faire son travail, Nicole de Buron nous entraine dans ses souvenirs de petite fille aristocrate faisant ses études au couvent sous la houlette de Mère Saint-Georges, passant ses vacances soit au château de famille, soit chez l’un ou l’autre de ses parents (rarement), puis de jeune fille fauchée, logée dans la buanderie de cousins et courant les boulots mal payés, devenant aventurière, puis journaliste, scénariste et enfin écrivain, en passant par ses souvenirs de jeune épouse, puis de mère, et enfin de grand-mère.
    Comme toujours, un roman qui se lit vite et qui nous arrache toujours un rire aux pires moments, tant l’auteur a le sens de l’autodérision.

    Un extrait : Vous aimez passionnément vos enfants.

    Mal. Si vous en croyez les psycho-pédiatres. Pour eux, une mère ne peut être qu’une personnalité étouffante ou un monstre d’indifférence.

    Les vôtres vous ont apporté beaucoup de joies égoïstes, des soucis quasi quotidiens et un immense chagrin : quand ils vous ont quittée.

    Ils n’ont pas été faciles à élever.

    Surtout Petite Mère.

    Douée d’une vitalité d’enfer et d’un esprit perpétuellement révolté (les premiers mots qu’elle prononça furent : « c’est pas juste !»), elle a, dès l’enfance, détesté l’École. Qui le lui a rendu.

    Ses carnets scolaires – que vous avez pieusement conservés – ne sont qu’une succession d’appréciations indignées de ses professeurs.

    « … ricane pendant les cours… » « … s’amuse sans arrêt pendant l’étude… » « … empêche les autres de travailler… » « … n’accepte pas le minimum de discipline nécessaire à la bonne marche de la classe… » « … organise chahuts et grèves… » (allons bon ! une future syndicaliste), etc.

    Côté études, ce n’était guère plus brillant : « … ne fait pas ses devoirs… » « … n’apprend pas ses leçons… » « le travail en classe est désastreux… » et pire : « a essayé de tricher en composition !»… (si votre général de père savait cela !).

    De temps en temps, vous piquiez une belle colère. Vous disiez d’un ton dramatique :

    — Pauline, j’ai-à-te-parler ! Veux-tu venir dans mon bureau, s’il te plaît ?

    Et vous vous asseyiez solennellement, tel un juge anglais, derrière votre table de travail tandis que votre fille restait debout, un peu pâle.

    Vous brandissiez alors l’affreux carnet scolaire.

    — Tu as vu tes notes en classe ? Tu n’as pas honte ?

    Pauline ne se démontait pas. Dans ses ravissants yeux gris-vert passait une lueur d’étonnement faussement candide.

    — Montre !

    — Arrête ! Tu es parfaitement au courant. Tu n’as que des zéros. Et quelquefois, par miracle, un 2 ou un 3. Ah ! Pardon ! je vois là un 4 en français…

    — Mais les professeurs notent sévère EXPRÈS ! Un 4 en français, je t’assure, c’est formidable !

    — Et le 1 en anglais, c’est formidable, peut-être ?… après trois séjours en Irlande !

    — Le prof d’anglais me HAIT parce que justement j’ai l’accent irlandais !

    — Et le 1/2 en maths, ce n’est pas parce que tu as l’accent irlandais quand même !

    — Le prof de maths me HAIT aussi…

    (Petite Mère a certainement été l’élève la plus haïe des profs.)

    — … parce que je ne comprends rien aux maths.

    (Vous non plus. Vous ne vous attardez pas.)

    — Et je lis là : « Insupportable… met le désordre partout !» Pauline ! Ce n’est plus possible. Tu choisis. Ou tu es la première de la classe et… heu… tu peux te permettre d’être un peu agitée… Ou tu es nulle et tu te fais oublier. Mais pas à la fois cancre et chahuteuse. Trop, c’est trop ! Si tu te fais renvoyer de cette école, je te mets en pension en Angleterre.

    — Je me fous d’aller en pension en Angleterre.

    — C’est cela : crâne ! Mais telle que je te connais, tu ne supporteras pas d’être enfermée.

    Petite Mère ne répond pas. Elle sait que c’est vrai. Mais elle ne faiblit pas. Elle vous regarde en silence, droit dans les yeux, avec insolence.

    Vous hésitez sur la sanction. Plus de cinéma avec les copines jusqu’au prochain carnet ? Pas de télévision pendant quinze jours ? Aucun argent de poche, ce mois-ci ? Vous balancez lâchement. Parce que vous savez que Pauline va faire la gueule. Et que la gueule de Pauline, vous supportez mal. Lèvres serrées, yeux lançant des éclairs, silence écrasant, elle reste tapie dans sa chambre, statue de l’Enfance Torturée par une Mère Sadique.

    Vous soupirez.

    — Interdiction de téléphone avec tes copines jusqu’à ce que tu saches tes leçons et fasses correctement tes devoirs. Et tu vas m’écrire une lettre d’excuses pour le pion que tu as traité de « crotte de chèvre constipée » !

    Pauline tourne les talons et, à la porte, vous demande, insolente :

    — Est-ce que tu veux que je pleure aussi ?

    Un jour, vous avez essayé la carotte au lieu du bâton. Imprudemment, vous lui promettez la bicyclette bleue de ses rêves contre une place de première. Malheureusement, vous n’avez pas précisé en quoi. Triomphante, elle vous la ramène. En gymnastique (20 sur 20 en épreuve de corde à nœuds).

     

  • [Livre] La petite fille qui criait au secours

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    Résumé : « C’est ma mère, je crois qu’elle est morte. Il y a du sang partout. »
    C’est ce que Sophia ne cesse de répéter en téléphonant à la police. La jeune fille n’a que dix ans. Sa mère vient d’essayer de se suicider et elle ne sortira jamais du coma. 
    Sophia passe alors de famille d’accueil en famille d’accueil et sa vie devient un enfer. Ses sautes d’humeur, ses colères et son comportement agressif laissent deviner de lourdes souffrances remontant à sa petite enfance. A une époque où les amis de sa mère n’hésitaient pas à abuser d’une fillette innocente. 
    Au fur et à mesure, l’histoire de Sophia se dévoile. Terrible, pleine de douleurs, au-delà de l’imaginable.
    Le témoignage émouvant d’une petite fille abandonnée et trahie par les adultes…
     

     

    Auteur : Casey Watson

     

    Edition : City éditions français

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : C’est très dur d’avoir de la compassion pour Sophia. Une gamine de douze ans qui s’habille comme une ado de seize, qui traite les gens comme ses serviteurs personnels, qui devient facilement physiquement violente, qui simule des crises puisqu’elle sait qu’on ne peut pas prendre le risque de l’ignorer… Bref un cauchemar ambulant à la sexualité précoce et dérangeante.
    Alors je suis d’accord que ce n’est pas entièrement sa faute, car elle semble atteinte d’un trouble psychologique, ce qui n’est guère étonnant quand on connaît son histoire familiale. Certes, Sophia ne semble pas avoir réellement été battue, mais elle a été victime d’un dénigrement systématique de son existence. On lui a bien fait comprendre que tout irait mieux si elle n’existait pas, que tous les problèmes arrivaient parce qu’elle était un jour venue au monde.
    Dans ce livre, on n’a guère de connaissance de la personnalité de la mère de Sophia puisque celle-ci est déjà dans le coma quand Casey entre dans la vie de la fillette. Mais au vue de ce que l’on apprend au fil du livre sur le reste de la famille, je pense que la jeune femme devait être tout aussi perdue, déboussolée et perturbée que sa fille.
    Pour moi, les grands-parents, et surtout la grand-mère, devraient être poursuivis en justice pour torture mentale ou quelque chose de ce genre. Cette femme est affreuse. On peut le voir alors même qu’on ne la « voit » que quelques minutes.
    Le gros problème, qui semble récurant car Cathy Glass en parle également dans ses propres livres, c’est l’absence d’indications qui sont données aux familles d’accueil. Surtout dans ces cas-là, où ils accueillent des enfants et adolescents gravement perturbés, parfois encore en danger, il serait normal que les services sociaux et les différents acteurs qui s’occupent de l’enfant (assistante sociale, éducateurs, personnel médical ou administratif) donnent à la famille le plus d’indications possible, le plus d’éléments pour pouvoir s’occuper correctement de l’enfant, mais non, au contraire, il semblerait presque qu’on les laisse volontairement dans le noir, comme si on avait peur qu’ils refusent l’ampleur de la tâche s’ils en avaient pleinement connaissance.
    Je reste ahurie que ces gens-là ne semblent pas avoir de comptes à rendre.
    L’évolution de la vie avec Sophia est difficile et Casey envisage presque d’abandonner. Elle ne se présente pas comme une super héroïne qui sait tout gérer. Elle est moins expérimentée que Cathy Glass et donc peut être moins armée émotionnellement, du moins au moment de l’écriture de l’histoire de Sophia qui était, il me semble, seulement le second accueil qu’elle et sa famille effectuaient.
    Plusieurs fois, elle remet en cause son choix car il s’agit de son propre métier mais cela impacte toute la famille et ce n’est jamais facile.
    Je suis admirative du dévouement qu’elle et les siens donnent à ces enfants, malgré les moments de découragement et de doute.
    Je suis impatiente de lire ses autres livres !

    Un extrait : Au moment où j’atteignais la fenêtre, je vis que les trois voitures étaient déjà garées devant la maison.

    Toutefois, il semblait qu’elles contenaient moins d’occupants : John Fulshaw sortit de la sienne, Linda Samson, de la deuxième, et Sam Davis, de la troisième. Sophia se tenait déjà devant le portail ouvert, tel un véritable général dirigeant les opérations.

    Ou plutôt la reine qui considérait chacun de ses courtisans avançant en procession, car la fillette était vêtue comme une star avec un manteau en fourrure, le bibi assorti et le visage maquillé à l’extrême.

    Devant le tableau qu’ils composaient, j’en restai bouche bée. Je n’arrivais pas à détacher mes yeux de la quantité de bagages qui ne cessait de sortir des coffres des voitures. Sidérée, je comptai quatre énormes valises, au moins six boîtes en carton et ce qui ressemblait à une pile de tableaux.

    Où allions-nous mettre toutes ces affaires ? D’ailleurs, me demandai-je avec plus de pertinence, pourquoi avait-elle apporté autant de choses alors qu’il ne s’agissait que d’un séjour provisoire ?

    Tout aussi incroyable était le fait que – comme je pouvais l’entendre trop bien malgré les fenêtres fermées – cette fillette de douze ans aboyait ses ordres aux adultes qui, chose encore plus inouïe, écoutaient et obtempéraient.

    — Fais donc gaffe aux tableaux ! l’entendis-je hurler à John qui passait devant elle. Si tu les déchires, tu me les rembourseras !

    Elle claqua ensuite des deux mains – toute la scène commençait à ressembler à un vaudeville – en ajoutant :

    — Hop ! hop ! On ne va pas y passer toute la journée !

    Elle tourna alors la tête pour me découvrir, toujours bouche bée, à la fenêtre. Avec un sourire, elle agita la main et (je crus un instant que mes yeux se trompaient) claqua des doigts en me faisant signe de m’approcher de la porte d’entrée.

    Par pur réflexe, et comme ses autres courtisans, je m’empressai d’obéir si vite que je faillis tomber sur la table basse dans ma précipitation.

    — Bonjour, ma puce, dis-je en émergeant à la porte juste alors qu’elle trottinait dans l’allée. Mon Dieu, tu as beaucoup de bagages, non ? Puis-je t’aider ? As-tu besoin d’un coup de main pour quoi que ce soit ?

    — Salut, répondit-elle en me dépassant pour continuer droit devant. Merci, mais tu n’as qu’à leur dire te monter tout dans ma chambre. Je ne porte rien, moi, ajouta-t-elle d’un ton adorable.

    Tu n’as qu’à ?

    Je retrouvai un peu de mes esprits.

    — Je crois que non, commençai-je en m’adressant aussi bien à Sophia qu’au reste de la troupe.

    Les adultes s’étaient rassemblés dans le hall, disparaissant pratiquement sous les affaires de l’enfant.

    — Nous allons laisser tout cela dans l’entrée pour le moment, je pense. Nous monterons (et je pensais vraiment nous) tes affaires plus tard.

    Rien de terrible ne se produisit : ni explosion ni drame. Sa Majesté se contenta de hausser les épaules et de continuer son chemin vers le living en me laissant, la bouche encore grande ouverte, derrière elle, dans son sillage, tandis qu’elle grommelait dans sa barbe quelque chose au sujet des « idiots » et des « incompétents ».

    Honnêtement, cela défiait toute imagination.