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Livres - Page 77

  • [Livre] Aurora Teagarden – T02 - Un Crime en Héritage

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    Résumé : Dans la petite ville de Lawrenceton, en Géorgie, Aurora "Roe" Teagarden, a la surprise d’être désignée seule héritière d’une vieille femme qui n’était qu’une connaissance. La voilà à la tête d’une somme d’argent rondelette, de bijoux et surtout d’une maison. Mais lorsqu’elle découvre, dans cette demeure, un crâne humain caché sous une banquette, elle comprend qu’elle a surtout hérité d’un meurtre à résoudre. Mais comment mener l’enquête auprès du voisinage, sans éveiller leurs soupçons ?

     

    Auteur : Charlaine Harris

     

    Edition : J’ai lu 

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 03 juillet 2013

     

    Prix moyen : 9€

     

    Mon avis : J’ai trouvé l’histoire mieux menée que dans le tome 1. Depuis la fin du tome précédent, un an s’est écoulé et, dans les premiers chapitres, on apprend tout ce qui s’est passé pendant cette année. Le plus important de ces évènements est la mort de Jane Engle qui va léguer tous ses biens à Roe : sa maison, son argent, ses bijoux… et un crâne humain caché dans une banquette. Bien qu’elles aient toujours entretenu d’excellents rapports lorsqu’elles faisaient toutes deux partie du club des amateurs de meurtres, elles n’étaient si proches que ça et Roe est vraiment étonnée d’être son héritière.
    Comme dans le premier tome, Roe oscille entre excitation devant cet argent qui tombe du ciel et culpabilisation d’être heureuse alors que Jane est morte.
    Pour une raison que je ne m’explique pas, Roe n’appelle pas la police quand elle découvre le crâne. Elle le dissimule et cherche à qui il peut appartenir.
    Enfin, cherche… c’est un bien grand mot car elle ne fait aucune enquête, elle passe plus de temps à se demander ce qu’elle va faire qu’à agir de quelque manière que ce soit.
    Bien qu’on nous vende cette saga comme des livres policiers, pour l’instant je ne vois aucun travail d’enquête amateur qui justifierait le classement de cette saga dans cette catégorie.
    La lecture n’en est pas moins agréable et l’écriture toujours aussi fluide.
    Roe parait moins écervelée par moment et l’instant d’après elle prend des décisions ahurissantes qui me feraient presque douter de sa santé mentale.

    Aurora a également un nouveau soupirant, bien qu’elle pense beaucoup à Robin, l’écrivain et qu’elle vienne à peine de se remettre de sa rupture avec Arthur, l’inspecteur, qui vient d’épouser la rivale d’Aurora : Lynn.
    J’ai beaucoup aimé voir Aurora s’affirmer face à sa mère et se laisser beaucoup moins marcher sur les pieds.
    Bien qu’on ne soit pas vraiment dans un roman policier, j’ai hâte de lire la suite, en espérant qu’Aurora sera plus active dans les prochaines enquêtes.

    Un extrait : Le jour du premier mariage, celui du mois de janvier précédent, je m'armai comme pour partir au combat. Je relevai ma tignasse brune en un chignon de tresses sophistiqué - c'était du moins l'effet que je souhaitais obtenir -, je choisis le soutien-gorge qui optimisait au mieux mes atouts les plus visibles et enfilai une robe à épaulettes or et bleu, flambant neuve. Les escarpins étaient ceux que j'avais achetés pour aller avec une tenue portée lors d'un dîner avec Robin Crusoe. Je poussai un long soupir en les chaussant. Je ne l'avais pas vu depuis des mois. Ce n'était pas une bonne idée de penser à lui. Je trouvais la journée déjà suffisamment déprimante. Au moins, les talons me donneraient de la hauteur. Je me maquillai ensuite, mon nez touchant presque le miroir : sans mes lunettes, je ne vois pas grand-chose. Après avoir appliqué autant de fard que possible, j'en rajoutai encore un peu : mes yeux ronds s'arrondirent encore et mes cils s'allongèrent. Puis je recouvris le tout de mes grosses lunettes rondes.

    Après avoir glissé un mouchoir dans mon sac - simple mesure de précaution -, je m'examinai dans la glace avec inquiétude. J'étais déterminée à projeter une image digne et assurée. Enfin, je descendis l'escalier de ma maison pour prendre mes clés et mon plus beau manteau, avant de partir vaillamment me jeter dans la fosse aux lions que représentent les noces d'un ex-petit ami.

    Arthur Smith et moi nous étions rencontrés au club des Amateurs de meurtres. L'un de nos membres avait été assassiné puis toute une série de meurtres s'était ensuivie et il avait prêté son assistance pour l'enquête. Après la résolution de ces affaires, j'étais sortie avec lui pendant des mois. Brûlante et passionnelle, notre relation avait constitué pour moi une expérience unique. Ensemble, nous crépitions littéralement d'une ardeur qui éclipsait nos personnages ordinaires - une bibliothécaire trentenaire et un policier divorcé.

    Ensuite, aussi brusquement qu'il était né, le feu était retombé pour s'éteindre. De son côté de l'âtre en premier. J'avais finalement compris le message : « Je poursuis cette relation jusqu'à ce que je trouve un moyen de me défausser sans tapage. » Rassemblant tous mes efforts, je m'étais drapée dans ma dignité pour mettre fin à la relation moi-même - et sans tapage. Ce qui m'avait coûté toute mon énergie et ma volonté. J'avais pleuré dans mon oreiller pendant six mois environ.

    Je commençais à me sentir mieux et n'étais pas même passée devant le commissariat depuis une semaine, lorsque j'aperçus l'annonce des fiançailles dans le Sentinel.
    Un kaléidoscope de couleurs passa devant mes yeux : vert, pour la jalousie, rouge, pour la rage, et bleu pour le blues. Jamais je ne me marierais. Jusqu'à la fin de ma vie, je me contenterais d'aller aux cérémonies nuptiales des autres. J'allais m'arranger pour ne pas être en ville ce jour-là et ne pas être tentée d'emprunter le chemin de l'église.

    Puis le faire-part arriva dans ma boîte aux lettres.

    Lynn Liggett, fiancée et collègue d'Arthur, m'avait jeté son gant à la figure. C'est du moins ainsi que j'interprétai l'invitation.

    Je relevai le défi. Je choisis une assiette impersonnelle et coûteuse dans la liste de mariage de Lynn et laissai ma carte dessus. À présent, armée de ma robe or et bleu et de ma coiffure extravagante, je me rendais à la fête.

     

  • [Livre] Aurora Teagarden – T01 - Le Club des Amateurs de Meurtres

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    Résumé : Chaque petite ville a ses mystères et Lawrenceton, en Georgie, n'échappe pas à la règle. Le club des Amateurs de meurtres se réunit une fois par mois pour étudier de célèbres cold cases. Pour Aurora Teagarden, jeune bibliothécaire, c'est un passe-temps aussi agréable qu'inoffensif. Jusqu'au jour où elle découvre le corps sans vie d'une des membres du cercle. Étrangement, la scène du crime ressemble à une ancienne affaire. Des fidèles du club sont assassinés et ces meurtres ont des allures de copycat. Tous les membres, y compris Aurora, sont des coupables plausibles, et des victimes potentielles. Qui se cache derrière ce jeu macabre ?

     

    Auteur : Charlaine Harris

     

    Edition : J’ai lu 

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 15 mai 2013

     

    Prix moyen : 9€

     

    Mon avis : Ce premier tome était une petite lecture agréable. Même si je connaissais l’identité du coupable pour avoir vu le film tiré de ce tome (film qui présente se sacré différence sur pas mal de choses, mais qui relate l’essentiel), j’ai pris plaisir à chercher les indices qui pouvait mener à cette conclusion. Je n’en ai pas vraiment trouvé, mais quand Aurora se récapitule ce qui aurait du la mettre sur la voie, j’avoue que j’ai eu la flemme d’aller vérifier si j’aurais pu avoir les mêmes impressions en relisant les passages.
    J’ai retrouvé avec plaisir l’écriture de Charlaine Harris. Ayant constaté qu’elle avait tendance à laisser se détériorer son écriture lorsqu’elle se lasse de son personnage principal (comme dans la communauté du sud), j’espère conserver ce plaisir au fil des tomes d’Aurora Teagarden.
    A priori, le prénom Aurora est un prénom vraiment inhabituel aux Etats-Unis car l’accent est mis sur cette particularité (cela dit, il y a bon nombre de prénoms parfaitement courant aux Etats-Unis qui nous paraîtrait à coucher dehors).
    Ce que j’ai aimé chez Aurora, c’est qu’elle est loin d’être la fille parfaite : elle va à l’église en dilettante, plus pour s’y montrer et donner l’image de la respectabilité que par piété, elle avoue elle-même se montrer assez méprisante avec certaines personnes, lorsque le premier meurtre est commis elle est plus surexcitée d’avoir affaire à un « vrai » meurtre que désolée pour la victime…
    J’ai regretté qu’on n’en sache pas plus sur l’inspecteur chargé de l’affaire, Jack et qu’on ne se focalise que sur Arthur, qui est certes un soupirant d’Aurora, mais un simple assistant sur cette affaire. J’aurais par exemple aimé savoir pourquoi il refuse d’admettre que les crimes copient des crimes anciens.
    J’aurais aimé en savoir un peu plus sur les motivations du coupable, je suis un peu restée sur ma faim à ce niveau, mais bon, d’un autre coté, on n’a pas toujours la réponse à la question « pourquoi ».

    Malgré une lecture agréable, j’ai trouvé que l’histoire peinait un peu à trouver son rythme. Peut être une difficulté de l’auteur à gérer un nouveau personnage. A voir dans les prochains tomes si l’on trouve plus de fluidité.

    Un extrait : — Ce soir, je voudrais vous parler d'un cas des plus fascinants, celui de l'affaire Wallace.

    Je m'adressais à mon miroir, essayant d'abord l'enthousiasme, puis la sincérité, et enfin le sérieux.

    Ma brosse s'accrocha dans un nœud, ce qui avait le don de m'agacer.

    Je repris, optant cette fois-ci pour la détermination.

    — Nous aurons largement de quoi nous occuper ce soir : je vous présente l'affaire Wallace.

    Notre club comptait une douzaine de membres, ce qui s'accordait parfaitement au rythme de nos réunions mensuelles : chacun présentait tour à tour un meurtre en particulier. Le Meurtre du Mois, comme nous aimions l'appeler, ne suffisait pas toujours à remplir la séance. Pour l'étoffer dans ce cas, l'animateur faisait venir un invité : un officier de police de la ville par exemple, un psychologue spécialisé en thérapie des criminels, ou encore le responsable du Centre de secours aux victimes de viol. Il nous arrivait également de regarder un film.

    Pour ma part, j'avais eu de la chance. L'affaire Wallace était idéale : elle comportait suffisamment de détails pour intéresser mon public, tout en me permettant de les exposer correctement sans me presser. Ce n'était pas toujours ainsi : nous avions dû allouer deux séances à Jack l'Éventreur. Pour son exposé, Jane Engle avait choisi l'une des victimes ainsi que les circonstances qui entouraient chacun des meurtres. Arthur Smith quant à lui s'était chargé de l'enquête policière et des suspects. Car Jack, c'est du sérieux.

    — Les éléments dans cette affaire sont les suivants : un homme prétendant se nommer Qualtrough, un tournoi d'échecs, une femme à l'apparence anodine du nom de Julia Wallace, et bien sûr l'accusé, son époux, à savoir William Herbert Wallace.

    Je rassemblai mes cheveux bruns en queue de cheval. Allais-je en faire un chignon ou une natte ? J'hésitais également à les laisser libres en les retenant simplement d'un bandeau... La natte. Pour avoir l'impression d'être intellectuelle et branchée. Tandis que je divisais ma chevelure en trois mèches, mon regard se porta sur une photo de ma mère. C'était un portrait professionnel encadré qu'elle m'avait offert pour mon anniversaire.

    — Tu m'avais dit que tu en voulais une, s'était-elle expliquée avec désinvolture.

    Ma mère ressemble à Lauren Bacall. Grande et élancée, elle est toujours élégante, jusqu'au bout des ongles. Elle s'est taillé un véritable petit empire immobilier. De mon côté, je mesure 1,52 mètre, je porte de grosses lunettes rondes et j'ai réalisé mon rêve d'enfance en devenant bibliothécaire. Ma mère m'a prénommée Aurora. À sa décharge, elle s'appelle Aida. Pour elle, Aurora ne devait pas sembler si extravagant.

     

  • [Livre] Le silence de Mélodie

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    Résumé : Quand j'ai eu deux ans, tous mes souvenirs avaient des mots, et tous mes mots avaient une signification.

    Mais seulement dans ma tête.

    Je n'ai jamais prononcé un seul mot. J'ai presque onze ans.

    Mélodie n'est pas une enfant ordinaire. À cause de sa maladie, elle ne peut ni marcher ni parler, mais elle a une mémoire photographique : elle se souvient de tout ce qu'elle a vécu dans les moindres détails. À seulement 11 ans, elle est déjà plus intelligente que les adultes qui veulent la diagnostiquer, et bien plus encore que ses camarades de classe, les mêmes qui pensent qu'elle est attardée car elle ne peut pas les contredire. Mais Mélodie refuse d’être définie par son handicap, et elle est déterminée à le faire savoir au monde entier, d'une manière ou d'une autre. Aussi, lorsqu’elle reçoit un ordinateur qui lui permet, pour la première fois, de communiquer, sa vie change du tout au tout. Avec l'aide de la machine qu'elle nomme Elvira, Mélodie a enfin une voix... mais tout le monde n’est pas prêt à l'entendre.

     

    Auteur : Sharon M. Draper

     

    Edition : Michel Lafon

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 22 Janvier 2015

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : Melodie, 11 ans, est atteinte de paralysie cérébrale. Mais si son corps ne lui obéit pas (elle ne peut ni parler, ni marcher, ni attraper quelque chose, ni se tenir assise ou se retourner, seul ses pouces sont mobiles et sous contrôle), son esprit lui fonctionne à plein régime.
    Non seulement elle est synesthésique (La synesthésie peut prendre plusieurs formes, Melodie voit les sons sous forme de couleur) mais elle est dotée d’une mémoire eidétique. Elle se souvient d’absolument tout ce qu’elle voit, lit ou entend. Comme elle ne peut pas tenir un livre, soit on doit lui tenir le livre ou les fiches, soit elle écoute des livres audio.
    Les parents de Melodie sont persuadés de l’intelligence de leur fille, alors même que tout le monde leur affirme qu’elle est forcément déficiente mentale (puisqu’elle ne peut pas s’exprimer).
    Même si parfois ils perdent patience (ce qui se conçoit, car même s’ils l’aiment beaucoup, s’occuper d’une enfant aussi lourdement handicapée que Melodie est exténuant) ou n’arrivent pas à la comprendre, jamais ils ne capitulent face aux médecins arrogant ou aux institutrices démissionnaires.
    Si j’ai un reproche à leur faire, c’est d’être bien trop laxiste avec Penny, leur seconde fille. Peut être le soulagement que celle-ci ne souffre pas d’handicap a-t-il influencé leur comportement avec elle, mais ils ne lui rendent pas service.
    Je n’avais pas lu quarante pages que j’avais déjà envie de baffer le médecin qui considère Melodie comme gravement attardée alors qu’elle répond parfaitement à ses questions. Il est juste incapable de réfléchir au-delà de ses petites fiches et la mère de Melodie lui tient un discours parfait, j’ai beaucoup aimé sa tirade !
    A l’école, les choses ne sont guère mieux, bien qu’une de ses institutrices lui ait fait découvrir les livres audio.
    Les choses vont commencer à changer en Cm2 grâce à plusieurs éléments : l’arrivée de Catherine, l’assistante scolaire de Melodie, son professeur de Cm2 qui ne la traite pas en attardée, sait reconnaître son potentiel et organise des incursions dans certaines matières des classes dites normales et surtout, l’acquisition, laborieuse, d’un ordinateur spécialisé qui va donner à Melodie ce qui lui manquait depuis si longtemps : une voix.
    Si les élèves « normaux » se montrent assez stupides, comme Rose et Connor, oscillant entre gentillesse et condescendance, si d’autres sont  vraiment odieux, comme Molly et Claire, ils restent des enfants de 11 ans, et on le sait, les enfants sont souvent cruels devant la différence.
    J’ai été beaucoup plus choquée par l’attitude du professeur d’histoire.
    Melodie surprend tout le monde en se sélectionnant pour un concours dont la finale doit se tenir à Washington et être retransmise à la télévision.
    Malgré le fait qu’elle donne plus de bonnes réponses que ses coéquipiers, elle semble être toujours considérée comme à part, comme une sorte de singe savant. On ne lui reconnaît quasiment pas de capacité de réflexion. Lorsqu’elle réussi, on parle presque de coup de chance.
    Au final, c’est une véritable trahison que ce professeur et les membres de l’équipe vont faire subir à Melodie. Et j’ai été bien contente des conséquences pour eux.
    Enfin, une mention spéciale pour Mme V., la première a avoir vraiment compris le potentiel de Melodie et a avoir tout mis en œuvre pour la montrer au monde entier.
    Ce livre est un véritable coup de cœur qui montre avec beaucoup de tendresse ce que peut ressentir un handicapé prisonnier de son propre corps et à quel point les actions et réactions des autres peuvent le blesser, même s’il ne peut pas le montrer.

    Un extrait : Je ne peux ni parler, ni marcher, ni manger, ni aller aux toilettes toute seule. Pas cool.
    Mes bras et mes mains sont plutôt raides, mais j’arrive à enfoncer les touches de la télécommande, et à déplacer mon fauteuil roulant grâce à des poignées sur les roues. Je suis incapable de tenir une cuillère ou un crayon sans les faire tomber. Quand à mon équilibre, il est quasiment nul. Un culbuto serait plus stable que moi.
    Quand on me regarde, j’imagine qu’on voit une brune aux cheveux courts et bouclés, sanglée dans un fauteuil roulant rose. Soit dit en passant, un fauteuil roulant rose n’a rien de mignon, rose ou pas, ça ne change rien.
    Une brune, donc, avec des yeux marron foncé qui brillent de curiosité, excepté peut être qu’un des deux part légèrement de traviole.
    Sa tête oscille un peu.
    Parfois elle bave.
    Elle est vraiment toute petite pour une fille de dis ans trois quart.
    Ses jambes sont très maigres, sans doute car elles n’ont jamais servi.
    De temps en temps, son corps, qui a tendance à n’en faire qu’à sa tête, la pousse à envoyer des coups de pied inopinés et à faire des moulinets avec les bras, heurtant tout ce qui se trouve à proximité : pile de CD, bol de soupe, vase rempli de roses.
    C’est pas vraiment sous contrôle, tout ça.
    Quand les gens ont fini de dresser la liste de mes problèmes, ils prennent peut-être le temps de remarquer que j’ai un sourire assez joli et de larges fossettes – elles sont plutôt cool, mes fossettes.
    Je porte de minuscules boucles d’oreilles en or.
    Parfois on ne me demande même pas mon prénom comme si ça n’avait pas d’importance. Pourtant ça compte.
    Je m’appelle Melodie.
    Je me souviens de l’époque où j’étais toute petite. Bien sûr, difficile de distinguer mes propres souvenirs des vidéos que mon père a tournées avec son Caméscope. Je les ai visionnées des milliers de fois.
    Maman qui me ramène de la maternité, le visage souriant mais le regard inquiet.
    Melodie repliée dans une minuscule baignoire pour bébé. Mes bras et mes jambes avaient l’air vraiment maigrichons. Je ne barbotais pas et je n’agitais pas les pieds.
    Melodie enveloppée dans des couvertures sur le canapé du salon, l’air contente d’être là. Je ne pleurais pas beaucoup, bébé. C’est maman qui le dit.
    Ma mère qui me masse avec de la lotion, après un bain – je me rappelle encore son parfum de lavande – puis qui m’emmitoufle dans une serviette douillette avec une petite capuche en pointe.
    Papa qui fait des vidéos de moi quand on me donnait à manger, quand on me changeait, et même quand je dormais. Je suppose que plus je grandissais, plus il attendait que je me retourne, que je m’asseye et que je marche toute seule.
    Ça n’est jamais arrivé.

     

  • [Livre] Les filles de joie – T03 – La grimace du tigre

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    Résumé : Au fil des saisons, Victoire a appris à vivre sereinement au sein de la maison close qui l'a accueillie quelques années plus tôt. La jeune femme a su profiter de diverses occasions pour se mettre en valeur et devenir la favorite du Magnolia, oû elle est appréciée des clients comme des autres filles de joie. C'est elle, désormais, qui mène la danse. Dans les chambres de l'étage, elle sait comment amadouer les hommes, et il y en a plus d'un avec qui elle a développé une véritable complicité. À défaut d'amour, Victoire ne manque pas d'amitié. Ni de contact physique. L'amour, elle le réserve à Émile, le seul qui ne lui réclame rien. Mais alors que le jeune peintre se dérobe devant les questions importantes, Laurent, lui, cherche de plus en plus à s'imposer. Et, surtout, il y a le petit Félix, dont l'arrivée est un bouleversement majeur. Au milieu de la tourmente, Victoire est plus déterminée que jamais à réaliser son rêve de retrouver une vie normale, loin de Madame Angèle et des hommes qui passent chaque soir. Mais pour ce faire, il va lui falloir de l'argent, beaucoup d'argent, et le soutien de ceux qu'elle aime. Car si elle attend avec impatience le moment où elle claquera de façon définitive la porte du bordel, rien n'est encore gagné et le temps joue contre elle…

     

    Auteur : Lise Antunes Simoes

     

    Edition : Les éditeurs réunis

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Troisième et dernier tome des péripéties de Victoire, la grimace du tigre marque aussi une volonté de plus en plus farouche de la jeune femme de sortir du Magnolia.
    Victoire a eu son fils, un petit Félix qu’elle a pu garder près d’elle 6 mois avant de le mettre en nourrice. Contrairement à Toinette qui a du s’en remettre à Madame Angèle pour trouver une nourrice avec tout ce que cela comporte de désagréments financiers (tarif élevé, commission de Madame Angèle, impossibilité de voir sa fille…), Victoire a la chance de voir son client Laurent tout prendre en charge, du choix de la brave femme au paiement de celle-ci. De plus la nourrice étant en ville, il l’emmène voir son fils chaque fois qu’il la sort.
    La nourrice est vraiment gentille, elle semble traiter Félix comme son propre enfant et ne fait pas la moralisatrice avec Victoire qu’elle traite comme une femme à part entière et non pas comme une prostituée. Son mari, artisan, même si on le voit peu, semble agir de même. Comme quoi, il reste des braves gens à Montréal.
    Cependant, Victoire va vite réaliser que cet arrangement lui coûte bien plus chez que de l’argent.
    Laurent est de plus en plus lunatique et tyrannique. Sous prétexte qu’il paye pour elle, il lui fait perdre des heures de travail en la réservant mais en attendant plusieurs heures pour venir, il essais de s’approprier l’enfant, comme pour nier le fait que Victoire ne couche pas qu’avec lui, il ne supporte pas les relations qu’entretiennent Victoire et Emile. Tout, en lui, transpire la jalousie et la possessivité. Pour autant, jamais il ne propose de prendre Victoire comme maîtresse officielle et de la sortir du bordel. Il prend, sans jamais s’inquiéter d’elle, comme si son argent lui donnait tous les droits.
    Victoire va devoir apprendre à se servir de lui sans scrupules si elle veut s’en sortir, car s’il joue les grands seigneurs, il est clair qu’il ne fera rien pour lui venir réellement en aide.
    Décidée à sortir du Magnolia pour élever elle-même son fils, elle a perdu sa naïveté et commence à faire des choix plus calculé. On est bien loin de la petite adolescente enceinte, fraichement débarquée de Boucherville. Victoire a grandi, s’affirme, et son intelligence lui permet de prendre des décisions en calculant soigneusement les risques qu’elle prend.
    Entre ses clients réguliers qui l’aime bien et se montre généreux et les arrangements qu’elle va prendre pour gagner encore plus d’argent, Victoire a bon espoir de pouvoir rembourser sa dette.
    Reste deux problèmes : le premier, cacher à Madame Angèle ses projets car la tenancière n’hésiterait pas à lui infliger amende sur amende pour l’empêcher de réussir son projet. Le second réussir à être rayée du registre des prostituées tenu par la police, ce qui ne va pas être une mince affaire, car s’ils n’ont aucun problème à « encarter » une nouvelle fille, la rendre à la « vie civile » ne leur plait pas du tout.
    J’ai regretté deux choses : la première qu’à la fin, on ne connaisse pas la réaction des clients à ce qu’a fait Victoire. Et la seconde, qu’on ait plus eue de nouvelles d’Adémar. Comme c’est un luthier célèbre, j’aurais aimé qu’un des clients de Victoire l’emmène avec lui pour acheter un violon. J’aurais aimé voir la réaction de ce petit artisan bouffi d’orgueil.
    J’ai lu ces trois tomes rapidement, en quelques jours. C’était vraiment une lecture agréable avec une écriture fluide. Même si cela rappelle parfois un peu trop la série « maison close » on se laisse prendre au jeu.

    Un extrait : Madame Angèle n’était pas aussi dure qu’avait pu l’être Monsieur Masson, le logeur de Victoire, qui n’avait pas hésité à se montrer violent du temps où celle-ci travaillait en usine, mais la tenancière avait le regard assez sévère pour lui signifier qu’elle ne se laisserait pas attendrir. Le message était on ne peut plus clair : puisque Victoire s’entêtait à vouloir garder son enfant, elle ne devait pas s’attendre au moindre traitement de faveur.

    Ce fut d’ailleurs un coup dur lorsque cette dernière apprit un matin qu’elle devrait continuer de travailler tout au long de sa grossesse, jusqu’à l’accouchement. C’est à peine si la tenancière lui accordait trois jours de repos juste après la naissance.

    — Tu ne comptes tout de même pas sur moi pour te loger et te nourrir gratuitement ? s’était exclamée sa patronne.

    — Non, mais je pensais que vous pourriez rajouter ces frais sur ma note. Je travaillerai dur pour rembourser tout ça…

    — Et qui va s’occuper de mes clients, pendant que tu te prélasseras au lit avec ton marmot ? Tu préfères peut-être que j’embauche une nouvelle fille pour te remplacer ? Non, ma jolie. Si tu veux garder ta place, tu travailleras, c’est comme ça.

    Madame Angèle n’était pas une mauvaise femme. À défaut d’être véritablement maternelle, elle savait se montrer agréable lorsqu’elle encadrait ses filles au quotidien. Par contre, dès qu’il était question d’argent, elle devenait intraitable. L’enfant de Victoire mettait en péril la bonne marche de son commerce et puisqu’en dépit de ses efforts la tenancière n’avait pas pu mettre fin à ce projet, elle s’organisait pour que cela lui cause le moins de souci possible, sans considération pour Victoire.

    La jeune femme avait alors réalisé que cette grossesse serait probablement tout aussi difficile à supporter que la première. Elle n’avait pas oublié les journées interminables dans les ateliers de Goudreau, avec son dos qui ne la soutenait plus, ses jambes enflées, son souffle court quand elle montait les marches ou arpentait les immenses salles de travail en dandinant son gros ventre devant elle. Heureusement que ses camarades d’alors avaient fait preuve d’un peu de compassion en lui donnant un tabouret sur lequel elle pouvait se reposer un peu, sans quoi son contremaître l’aurait laissée debout toute la journée.

    Cette fois, elle n’aurait pas à traverser la ville en traînant ses jupes dans la neige ni à travailler durement pendant plus de dix heures. Au Magnolia, elle pourrait se reposer dans la journée et manger à sa faim. En revanche, il lui faudrait continuer à veiller jusqu’au petit matin sans manifester le moindre signe de fatigue, se laisser toucher, prendre, se soumettre aux caprices les plus bizarres, écarter les jambes cinq ou six fois, endurer sans broncher le poids et la volonté des hommes sur son corps.

    Si Victoire avait rêvé de profiter de cette période pour prendre enfin un peu de distance avec les clients, c’était peine perdue. On ne lui en laisserait pas la possibilité.

     

  • [Livre] Tuée pour l'honneur

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    Résumé
     : La belle-mère de Sarbjit vient de réunir la famille. Elle regarde autour d'elle avant d'annoncer : " Nous devons nous débarrasser d'elle. ". " Elle ", c'est la sœur de l'auteur de ce livre. Sa faute : avoir fui l'homme auquel elle était mariée de force. Deux semaines plus tard, la jeune femme est enlevée, droguée et étranglée.
    Froidement assassinée. Personne n'aurait rien su si Sarbjit n'avait décidé de révéler ce crime d'honneur insupportable. Elle décide de réclamer justice pour sa sœur.
    Mais dans sa communauté, ce sont des choses qui ne se font pas, et Sarbjit est, à son tour, menacée de mort. Un témoignage unique, à la fois terrifiant et courageux.
    L'histoire vraie d'une femme qui ose briser la loi du silence.

     

    Auteur : Sarbjit Kaur Athwal

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Le résumé, comme souvent, induit en erreur sur les liens existant entre les protagonistes.
    « Elle », ce n’est pas la sœur de l’auteur, mais sa belle-sœur, la femme du frère de son mari. Celle-ci n’est pas seulement enlevée, elle est victime d’une véritable machination.
    Quant à l’auteur, elle n’est pas menacée de mort parce qu’elle a parlé, elle est menacée bien avant cela, dès l’assassinat de sa belle-sœur. Pendant des années, d’ailleurs, elle n’a pas parlé, terrorisée par les menaces de son beau-frère et de sa belle-mère ainsi que par l’indifférence de son mari devant tout ceci.
    La belle-mère est une vraie actrice qui, bien qu’elle n’en respecte pas les principes, a réussi à se présenter comme une femme très pieuse devant la communauté Sikhe, si bien que celle-ci ne peut pas croire ce dont sa belle-fille l’accuse et la rejette.
    D’ailleurs, on se rend compte que cette communauté ne respecte pas les préceptes Sikhs. Même les parents de Sarbjit, qui la soutiennent dans cette épreuve dès lors qu’ils en ont connaissance, n’en respectent pas les préceptes.
    En effet, les préceptes de cette religion veut, entre autre, une parfaite égalité entre homme et femme ainsi que le choix de son conjoint par les personnes. Or, les filles sont cantonnées à la cuisine et ne disposent d’aucune liberté contrairement aux garçons, et les mariages sont arrangés par les parents, les futurs époux n’ayant pas leur mot à dire dans l’affaire.
    Contrairement à d’autres témoignages, Sarbjit n’est absolument pas rebelle. Elle est l’épouse presque parfaite, se soumettant sans broncher à ce qu’on lui a appris.
    Mais elle est aussi très pieuse et pour elle, l’assassinat de sa belle-sœur ne peut pas être autorisé par la religion et c’est à cause de sa religion que sa vie devient un enfer car elle est tiraillée entre sa conscience, dictée par sa foi, et sa peur de sa belle-famille ainsi que les coutumes qu’on lui a enseignées, même si elle les juge contraire à la religion sikhe.
    Malgré le rejet de sa communauté, elle va suivre ce que sa foi lui dicte et une fois que sa peur est sous contrôle, rien ne peut l’empêcher d’obtenir justice pour sa belle-sœur.
    Clive, l’inspecteur, est d’un grand secours, aussi bien matériel que moral.
    Ce qui prouve que les crimes « d’honneur » n’ont rien à voir avec la religion est que les parents de Sarjbit et ceux de sa belle-sœur, qui sont très traditionalistes, s’élèvent immédiatement contre cette action et font tout pour convaincre Sarjbit de parler à la police.
    La police d’ailleurs, parlons en, avant que Clive entre en scène, Sarjbit a tenté par deux fois de les prévenir du danger que courrait sa belle-sœur, la famille de la jeune femme signale également sa disparition, mais rien n’est jamais fait. Il suffit que le beau-frère de Sarbjit déclare que sa femme l’a quitté pour que l’enquête soit aussitôt classée. On croit rêver !
    Au final, c’est plus d’une quinzaine d’année de sa vie que Sarjbit a perdu auprès de cette famille toxique qui se donne des airs de sainteté en public et méprise ouvertement non seulement la vie d’autrui mais aussi les lois du pays où ils vivent.

    Un extrait : J’ai été éduquée pour être une sikhe respectueuse, honorer ma famille et ma communauté et leur obéir. A treize ans, j’étais une fille disciplinée. Ayant été initiée aux rites du temple avant mon deuxième anniversaire, il ne pouvait pas en être autrement.
    Et pourtant, aussi rigides et traditionnels que soient mes parents, ma famille indienne était plus stricte encore, notamment à mon égard. S’il existait deux interprétations d’une règle, ils choisissaient la plus sévère. Je crus d’abord que ce n’était que leur « façon de faire ». Puis je compris que ce n’était pas juste à cause de moi. Mais à cause de ce que j’étais. Pas la fille de papa.
    Une fille.
    Le sikhisme traite d’égalité, de parité entre toutes les castes, des similitudes et non des différences entre hommes et femmes. Alors, quand j’y repense, pourquoi ne pouvais-je pas sortir sans être accompagnée ? Pourquoi m’obligeait-on à me couvrir dès que je mettais un pied hors de la maison ? Pourquoi devais-je couvrir ma tête d’un voile dès qu’un homme entrait dans le même bâtiment, même si ce n’était qu’un de mes oncles ? Si ma religion le demandait, je l’aurais accepté. Mais cela ne semblait n’être lié qu’à mon sexe.
    Si je pouvais être un garçon…
    Mes cousins étaient dispensés de tout ce que je devais endurer. Ils allaient à l’école du coin, peu après que je leur avais préparé le petit déjeuner. On ne leur demandait jamais de lever le petit doigt pour aider aux corvées. Et ils pouvaient se promener librement dans la propriété, le village et au-delà. Il y avait une règle pour eux et une autre pour moi.
    Cuisiner, coudre, ou aider à la récolte me laissait beaucoup de temps pour réfléchir à la raison pour laquelle on me traiter de manière si différente.
    Puisqu’on m’avait appris à respecter mes aînés et à ne pas douter d’eux, je ne pouvais interroger mon grand-père de peur de paraître impertinente.
    Mais il devait bien y avoir une raison. Je me souviens de m’être douchée un soir, cette même question me trottant dans la tête. Pourquoi étais-je entravée quand la liberté était accordée à d’autres ? Etait-ce uniquement dû à mon sexe ? Etait-ce vraiment pour cela qu’on attendait de moi que je travaille aussi dur qu’un homme, mais sans avoir aucun de leurs privilèges ? Ca ne pouvait se limiter à cela.
    Devant mon reflet dans le miroir en pied embué, je vis le visage de mes parents qui me renvoyait mon regard. Mais je vis aussi autre chose, que je n’avais pas encore remarqué. Après 18 mois de dur labeur et de chaleur torride, j’avais perdu du poids et je flottais dans mes vêtements. Mes bras et mes jambes ne montraient pas un gramme de graisse superflue. Ce n’était pas tout. Mes hanches me semblaient différentes, plus larges, plus souples. Je n’avais plus la poitrine plate de garçonnet que j’avais avant. Je ne savais ni comment ni pourquoi cela arrivait, mais j’avais des courbes, je changeais.
    Et j’avais peur.

     

  • [Livre] Les filles de joie – T02 – L’heure bleue

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    Résumé : Au Magnolia, Victoire s'habitue tant bien que mal à sa nouvelle vie. La routine y est lourde, cependant, avec ces hommes qui défilent sur elle soir après soir, comme un flot qui ne s'arrête jamais. Les permissions de sortir pour se changer les idées sont rares et les filles de joie doivent se soutenir mutuellement pour supporter leur vie particulière. Cela devient d'autant plus difficile avec Madame Angèle, qui ne manque pas une occasion de leur soutirer un maximum d'argent, et avec le fils de la matrone qui se fait de plus en plus envahissant. Victoire, d'abord éblouie par cette vie de luxe, découvre le revers de la médaille. Et ce n'est pas joli à voir… Heureusement, même si Clémence est toujours la grande favorite de la maison, Victoire a su se faire une place auprès des clients. Parmi eux, il y a Laurent, qui s'est pris d'une étrange passion pour elle et qui l'invite maintenant à des soirées privées. Là, la jeune femme fait la connaissance d'Émile, un artiste peintre sans le sou qui la fait poser pour lui et avec qui, pour la première fois, elle se sent en confiance. Mais une compétition entre Laurent et Émile s'installe, et Victoire est encore trop inexpérimentée aux jeux de la courtisanerie pour en saisir les véritables enjeux. Avant tout, elle doit apprendre à se protéger. Vendre son corps, oui, mais préserver son âme à tout prix et ne jamais perdre de vue son objectif : quitter le Magnolia. Y parviendra-t-elle un jour ?

     

    Auteur : Lise Antunes Simoes

     

    Edition : Les éditeurs réunis

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Ce que j’apprécie beaucoup dans ce livre (et même dans cette série), qui nous vient du Quebec, c’est qu’il n’est pas émaillé d’expressions typiquement québécoises qui rendent la lecture difficile pour ceux qui ne les connaissent pas. Il y a certains livres que j’ai du abandonner à cause de ça. Ici, je suis déjà à la moitié du second tome et je n’ai croisé que « chicane » (et ça va, jusque là, j’y vais !).

    Dans ce tome, Victoire, bien qu’encore naïve sur certains points, commence à réaliser ses erreurs et les réalités de la vie et surtout de celle qu’elle mène.
    Elle s’est plus ou moins habituée à ses clients et contrôle du mieux qu’elle peut ses économies dans l’intention de rembourser au plus vite sa dette, ce qui n’est pas facile tant Madame Angèle est prompte à appliquer des amendes faramineuses à la moindre incartade (réelle ou inventée).
    Deux évènements graves ont eu lieu, qui ont mis en péril cet équilibre qu’elle a péniblement acquis, mais elle s’accroche. Elle est peut être parfois butée et inconsciente, mais une chose est sûre, elle s’accroche.
    Elle va même commencer à s’enhardir, consciente que le seul moyen de tourner le dos à ses activités de prostituée est de rembourser sa dette.
    Madame Angèle est une vraie garce mais j’ai l’impression qu’elle oscille entre désir de conserver le pouvoir, de gagner de l’argent sans vendre son propre corps et la peur de voir sa maison s’effondrer devant la révolte des filles.
    Le fils de Madame Angèle, Henri, est vraiment un salopard et j’espère toujours qu’il va recevoir la monnaie de sa pièce. Quand on se conduit comme ça avec ceux qu’on considère comme inférieur, on fini par le faire avec quelqu’un de pas très recommandable et à l’époque, un coup de couteau est si vite parti. J’espère vraiment qu’il finira par avoir ce qu’il mérite.
    La décision de Victoire a de quoi surprendre quand on sait non seulement ce qu’elle a déjà vécu et ce que son amie Toinette lui a raconté.
    Elle m’a surprise et j’ai hâte de lire le troisième tome pour connaître les conséquences de sa décision.

    Un extrait : Cela faisait maintenant plusieurs mois que Victoire était arrivée au Magnolia. Dehors, la neige ne tombait plus aussi souvent. C’était le temps des grands froids, et l’épaisse couche blanche qui recouvrait la ville avait glacé en figeant tout sur son passage. Les rues principales, dégagées à grand mal, restaient encore praticables, mais les rues secondaires disparaissaient sous la neige et Montréal vivait au ralenti, comme si rien ne comptait plus en dehors de la chaleur des foyers. La rue Clark n’échappait pas à la règle : des congères énormes s’amoncelaient sur les trottoirs, rendant périlleuse la circulation des piétons et impossible celle des voitures. Depuis les fenêtres du Magnolia, où Victoire aimait se poster pour observer la vie au-dehors comme une chatte qui s’ennuie, il n’y avait maintenant plus grand-chose à regarder. Quant au joli jardin où les filles déambulaient habituellement pendant des heures, il était enfoui sous trois pieds de neige. On y avait ménagé quelques sentiers pour que les filles puissent se dégourdir un peu les jambes, mais le froid était si vif qu’il les décourageait. Aucune d’elles ne possédait de vêtements assez chauds pour supporter des températures si basses.

    Parfois, le ciel extraordinairement bleu et la lumière vive attiraient les gens dehors. On venait alors par centaines patiner sur les étangs et sur le fleuve gelé, on organisait de grandes fêtes, on allumait partout des braseros et des flambeaux, et le peuple redécouvrait sa ville sous la neige. Mais cette vie-là ne parvenait pas jusqu’au bordel de Madame Angèle, où les filles cloîtrées ne sortaient guère que pour se rendre discrètement à l’église ou bien pour accompagner un client en ville. Elles devaient se contenter de rêver en écoutant les hommes raconter leurs sorties familiales, d’autant que la maison elle-même semblait rapetisser pendant l’hiver. On ne lésinait pas sur le bois pour chauffer les salons le soir, quand les clients étaient là et que les filles s’effeuillaient lentement tout au long des heures, mais dans la journée seul le premier des trois était allumé. Entre la chaleur relative de leurs lits, au grenier, et celle du premier salon ou du foyer de la cuisine, les options étaient restreintes pour passer la journée.

    Cette vie recluse rendait Victoire nostalgique. Les grands prés immaculés de Boucherville lui manquaient, ainsi que le Saint-Laurent gelé sur lequel elle s’était toujours aventurée avec intrépidité, même lorsque la glace, pas encore assez solide, craquait sous ses pas. Elle aurait bien aimé, elle aussi, s’emmitoufler jusqu’au nez dans des pelisses et des écharpes de laine douce et aller assister aux fêtes hivernales qui se déroulaient sur le bord du fleuve, mais elle devait se contenter des jeux de cartes au coin du feu. Dans ce contexte, aider Anne à passer l’argenterie au blanc d’Espagne ou bien confectionner ces petits pains dont Dorine avait le secret devenait une activité de choix. Tout était bon pour tuer le temps, en attendant huit heures, heure à laquelle le Magnolia ouvrait ses portes. C’étaient les clients qui, en s’installant dans les salons, apportaient les nouvelles de l’extérieur et le vent frais dont les filles avaient besoin pour ne pas mourir d’ennui dans le confinement de leur maison.

     

  • [Livre] Les filles de joie – T01 – Le magnolia

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    Résumé : Élevée dans un cocon bourgeois étouffant, Victoire est une jeune femme passionnée et pleine de vie qui rêve de liberté. Séduite par un gentil garçon, elle n'a que dix-sept ans lorsqu'elle tombe enceinte, ce qui lui vaut de se faire jeter à la rue. Désormais seule, reniée par tous ceux qu'elle aime, Victoire part s'installer dans la grande ville de Montréal où elle doit travailler pour gagner sa vie. À aucun moment elle ne songe à garder son enfant, qu'elle abandonne dès sa naissance, ne souhaitant pas rester fille mère, rejetée par la société. Les mois passent et Victoire tient bon, mais le travail est dur, la misère est partout. Même si elle réduit son train de vie au minimum, les dettes s'accumulent de façon alarmante et la faim se fait sentir isolée, sans personne pour l'aider, la pauvre femme touche le fond. C'est alors que se présente une issue qui pourrait la tirer de cette situation infernale. On lui conseille d'aller frapper à la porte du Magnolia, une maison luxueuse tenue par une certaine Madame Angèle. La tenancière est toujours à la recherche de belles filles intelligentes et éduquées pour « tenir compagnie » aux riches messieurs qui viennent passer la soirée dans son établissement. Victoire doit se résoudre. Elle fera la putain, puisque c'est le seul moyen dont elle dispose pour rembourser ses dettes. Ici, au moins, elle est bien traitée, mange tous les jours, et s'est même fait une alliée. Les clients? Ils ne sont pas tous faciles, mais la jeune fille de joie s'adapte. Elle n'a pas vraiment le choix. Elle qui rêvait de liberté, la voilà enfermée dans une maison close ...

     

    Auteur : Lise Antunes Simoes

     

    Edition : Les éditeurs réunis

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Dès le début, j’ai trouvé Victoire naïve au point d’en être agaçante. Elle est insouciante et pense toujours que les choses vont s’arranger en un claquement de doigts, que rien n’est grave et qu’elle peut n’en faire qu’à sa tête sans jamais en supporter les conséquences.
    Alors forcément, elle tombe de très haut. Plusieurs fois. Car malgré les expériences malheureuses et les mises en garde, elle s’obstine à ne faire que ce qu’elle veut et s’offusque quand son attitude lui attire des ennuis.
    Même si je comprends la catastrophe qu’est une grossesse sans mari à cette époque, la réaction du père est abominable. Je n’arrive pas à comprendre que le frère ainé se laisse menacer ainsi pour abandonner tout secours à sa sœur.
    Il faut attendre la moitié du roman pour entendre parler du Magnolia mais il n’y a aucune longueur. L’auteur prend le temps de camper correctement son personnage et de l’emmener avec patience mais fermement vers la suite de son histoire.
    Ce livre me fait beaucoup penser à la série « Maison close », avec la tenancière vêtue de noir, surveillant ses « filles » d’un œil de lynx et pratiquant des retenues sur leur « salaire » qui les empêchent quasiment de pouvoir rembourser leur dette, l’enregistrement des prostituée à la police (l’encartement), l’interdiction par la loi aux prostituées de sortir de la maison close, même dans la journée, sous peine d’être accusée de racolage et de finir en prison.
    Le livre est écrit à la troisième personne mais le texte est entrecoupé des pensées de Victoire, ce qui nous conforte à chaque fois dans l’impression de naïveté qui se dégage de ce personnage sur l’ensemble du roman.
    D’ailleurs Victoire est complètement inconsciente, elle n’a pas l’air de se rendre compte que tenir tête à la tenancière et n’en faire qu’à sa tête sur ce point précis pourrait la conduire soit à se retrouver en prison, soit à être vendue à une maison close beaucoup moins cotée où elle aurait affaire à des clients bien pires que ceux qu’elle côtoie au Magnolia.
    Elle ne se rend pas compte non plus que ses décisions (souvent mauvaises) pèsent sur d’autres personnes qu’elle.
    Elle semble ne pas supporter qu’on lui dise qu’elle doit rester à sa place. Elle clame qu’elle ne veut rendre de comptes à personne, ni père, ni mari, ni patron… mais ça, ce n’est pas une question d’époque. Quelque soit l’époque, on a toujours des comptes à rendre sur ses décisions, ne serait-ce qu’à son patron ou à la police quand on enfreint la loi. A moins de vivre sur une ile déserte, rattachée à aucune nation, il est impossible d’y échapper, même si on en a parfois très envie.
    J’espère que Victoire va enfin grandir mentalement dans les prochains tomes car son attitude pourrait très vite devenir lassante.

    Un extrait : Je dois absolument parler à papa, je n’ai pas le choix. Faustine a raison : je ne peux pas attendre de Joseph, d’elle ou du père Thomas qu’ils s’occupent de moi tout le temps. C’est ma vie, c’est à moi de m’en charger.

    Il me fait peur, maintenant, papa. Avant, je n’avais pas peur de lui, je savais seulement qu’il fallait éviter de lui tenir tête. C’était presque drôle de lui désobéir sans qu’il s’en rende compte. Mais le soir où il a su que j’étais enceinte, il m’a vraiment fait peur. Je ne l’avais jamais vu comme ça.

    Pourtant, il faudra bien que j’aille lui parler. Je suis sa fille, non? Il ne va pas me tuer, tout de même !

    Et puis, je le connais, il a surtout peur du scandale. Mais pour le moment, il n’y a aucun scandale, et si l’on se débrouille bien, personne n’apprendra jamais ce qui s’est passé. Je ne serai pas comme Delphine.

    Je vais lui dire que je veux abandonner l’enfant. Il n’aura qu’à m’envoyer très loin d’ici pendant quelques mois, on dira que j’ai rendu visite à une vieille tante ou quelque chose dans ce goût-là. Je pourrai finir cette grossesse, sortir cet enfant de mon ventre, le donner à quelqu’un, et revenir. Personne ne saura jamais ce qui s’est passé, on dira à Élias et à Nathaël de tenir leur langue. De toute façon, papa ne peut pas me chasser comme ça : si je disparaissais de la ville, tout le monde se demanderait où je suis passée ! Il est connu, il ne peut pas faire n’importe quoi sans attirer l’attention.

    C’est la meilleure solution. Il ne va sans doute pas aimer ça, mais il finira par accepter.

    Toute cette histoire devient ridicule.

    Ma place est à la maison.

    ***

    — Bonjour, papa…

    Adémar sortait tout juste de la mairie et faillit passer devant sa fille sans la voir. Après l’interdiction formelle qu’elle avait reçue de ne pas se montrer, il ne s’attendait pas à la voir en plein jour, encore moins sur le trottoir de la mairie.

    Il ouvrit d’abord de grands yeux, interloqué de voir avec quelle effronterie sa fille lui désobéissait. Puis, il comprit que s’il haussait le ton on allait très vite les remarquer et que les gens allaient se demander ce qui se passait. Alors Adémar ravala la colère qu’il sentait grimper en lui et se força à serrer les dents.

    — Que fais-tu ici ? souffla-t-il. Je croyais t’avoir interdit de sortir de chez ton frère !

    — J’avais besoin de vous parler, répondit timidement Victoire.

    — Je n’ai rien à te dire. Fiche le camp.

    — J’ai une proposition à vous faire, insista la jeune fille. Je ne peux pas passer ma vie entière chez Joseph, c’est ridicule. Je voudrais revenir à la maison.

    — Il n’y aura pas de fille grosse sous mon toit ! grinça Adémar, qui retenait mal son emportement.

    — Mais je ne veux pas de cet enfant ! Je suis prête à le confier à des gens qui sauront en prendre soin. Il suffirait que je m’absente quelques mois ; quand tout sera fait, je reviendrai et personne ne saura jamais ce qui s’est passé…

    Adémar, cette fois, resta sans voix. Il dévisagea sa fille comme s’il ne la reconnaissait pas. Victoire soutint bravement son regard.

    — Tu prétends pouvoir réparer ta faute simplement en en faisant disparaître les traces ? reprit le luthier après un instant.

    Puis, il eut un rire moqueur, la bouche mauvaise.

    — Tu ne manques vraiment pas de culot ! Mais tu ne comprends pas que ce n’est pas la présence de cet enfant qui importe ? C’est toi ! Même sans un mioche pendu à tes jupes, tu n’en restes pas moins une putain !

    Victoire rougit violemment. Elle voyait ses espoirs s’effondrer.

    Mais alors que son père commençait à s’éloigner, mettant fin à la discussion comme si l’intervention de Victoire était sans importance, il fit volte-face et revint vers elle. Il la saisit par le bras et se pencha à son oreille pour lui murmurer d’un ton terrible :

    — Dis à ton frère que si je te trouve encore chez lui demain, c’est à lui que je m’en prendrai. Je ne veux plus te voir chez lui ni nulle part ailleurs. Tu ne fais plus partie de cette famille…

    Comme la jeune fille, encore sous le choc, ne réagissait pas, Adémar esquissa un revers de la main, comme s’il allait la frapper encore.

    — Disparais ! siffla-t-il.

    Puis, il afficha un sourire aimable et se dirigea vers un groupe d’hommes qui bavardaient un peu plus loin.

    ***

    Il me chasse encore ? Mais il ne peut pas ! Il n’a pas le droit !

     

  • [Lire] The revolution of Ivy

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    Résumé : Ce serait si facile de capituler, de fermer les yeux et d’attendre que la faim et la soif aient raison de moi. Ou bien qu’une bête sauvage me trouve. Ou même un autre survivant… Mais je refuse d’abandonner. J’en ai terminé avec la lâcheté. Il est temps pour moi d’agir, enfin.
    Bishop me l’avait bien dit, cet univers hostile ne pardonne pas la moindre erreur. Et au-delà de la barrière, c’est encore pire. L’hiver approche, et si je veux survivre, il va me falloir trouver de l’eau, des vivres, un abri. D’autres condamnés avec lesquels m’allier. Mais surtout, je vais devoir faire un choix : dois-je oublier ma vie d’avant, me venger de ceux qui m’ont trahie… ou mener, purement et simplement, la révolution ?
    Car je ne suis plus une Westfall, ni une Lattimer. Simplement Ivy. Et je suis enfin libre.

     

    Auteur : Amy Engel

     

    Edition : Lumen

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 5 mars 2015

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé sortir du système de la trilogie avec ce livre. En effet, depuis quelques temps, la trilogie semble être la forme imposée de la plupart des romans ayant pour thème la dystopie. Ici, l’auteur a décidé de boucler son histoire en 2 tomes, ce qui n’est pas facile. Aller à l’essentiel sans donner l’impression de bâcler, d’aller trop vite, est certainement plus difficile que meubler et rajouter des scènes inutiles pour remplir trois livres.
    Au niveau des personnages on retrouve, à divers stades du roman, ceux du premier tome mais on en découvre de nouveaux : Caleb et Ash, deux personnes ayant toujours vécu « à l’extérieur » et s’en sortant d’ailleurs très bien. Ash est adorable, très ouverte et amicale, un vrai remède sur patte pour Ivy. Caleb est plus réservé mais tout aussi indispensable et attachant à sa manière.
    On retrouve aussi un personnage moins agréable : Mark, celui pour lequel, dans le premier tome, Ivy avait eu de la peine en apprenant son expulsion avant d’apprendre les raisons de sa condamnation : le viol et la mutilation d’une petite fille. Pervers un jour, pervers toujours, Mark va poser quelques problèmes à Ivy.
    Bishop va apparaître moins lisse dans ce tome, toujours avec le même mental, mais sans doute moins englué par les aspirations de ses parents et l’image qu’il doit donner auprès des habitants de la ville, selon son père. Dans ce tome, il est plus libre, plus lui-même.
    Souvent entre deux tomes, je suis inquiète de comment va commencer le second, s’il ne va pas être abrupt ou si on ne va pas être perdu, en ayant oublié ce qu’il y avait dans le premier tome. Mais ici, pas de soucis, le tome 2 reprend là où s’arrêtait le tome 1 et sans la moindre incohérence. On voit que l’auteur a écrit le tome 2 en gardant le tome 1 à portée de main pour vérifier les détails et que la relecture a été rigoureuse.
    Dans ce tome 2 il y a plus d’action car la vie à l’extérieur est plus dure que dans la ville. Ivy va devoir apprendre à chasser, dépecer des animaux, se défendre et pour cela, elle a de bons professeurs.
    La fin est assez rapide, mais on n’a pas cette impression de « j’en termine vite fait et je passe à autre chose » qu’on peut avoir dans d’autres livres. Tout est extrêmement logique, et après l’avoir lu, on se dit que ça n’aurait pas pu finir autrement.
    L’épilogue nous offre une vraie coupure avec le reste des deux tomes, comme pour nous détacher clairement de l’univers de Westfall tout en ouvrant sur un avenir qu’il nous appartient d’imaginer.
    La couverture est toujours aussi belle, bien que mettant toujours en scène cette improbable robe blanche.
    Cette saga en deux tomes n’est pas un coup de cœur, mais pas loin.

    Un extrait : Au début, je crois être en train de rêver du chien qui m’avait mordu. Celui que Callie avait étranglé avec sa propre chaîne. J’entends ses grognements, je perçois l’odeur de son pelage mouillé et son haleine putride. Je m’agite en tous sens et mes doigts rencontrent une surface dure et lisse. J’ouvre les yeux en catastrophe, vois l’intérieur de la voiture, ma main sur la banquette de cuir… Mon corps commence déjà à se recroqueviller, percevant la menace avant que mon esprit ne puisse l’enregistrer. Dans l’embrasure qui recevait autrefois l’une des portières du véhicule se trouve un coyote. Il est gris-brun, la fourrure emmêlée et incrustée de boue, et de la bave coule de sa gueule. Il découvre des crocs jaunâtres et se remet à grogner. C’est la première fois que je me retrouve nez à nez avec un coyote – que j’en vois un tout court, même – mais, d’après mon père, ces bêtes rôdent en meute de ce côté-ci de la barrière. Pour l’instant, il semble seul, mais ses congénères ne doivent pas être bien loin. Je donne des coups de pied vers lui et crie :

    — Va-t’en !

    Gagnée par la panique, je me dis que je dois me calmer, réfléchir, mais je n’ai qu’une seule envie : prendre mes jambes à mon cou. Mon pied finit par atteindre le coyote à la tête, et il recule – mais pas pour longtemps. Il revient, pose cette fois les pattes avant sur la banquette et me scrute de ses yeux de prédateur. J’ignore s’il est assez fort pour me tuer, mais il peut sans conteste m’infliger de graves blessures.

    Je plie la jambe pour prendre un nouvel élan et le chien s’élance en avant. Il referme les mâchoires à quelques millimètres seulement de mes orteils. Avec un hurlement, je recule en battant des bras et je me mets à chercher du regard un objet qui puisse me servir d’arme. L’espace d’une seconde, j’envisage de me jeter par-dessus le coyote pour sortir de la voiture, mais je sais qu’à terrain découvert, il me rattrapera en un éclair. Je jette des coups d’œil désespérés autour de moi et je finis par m’arrêter sur le pare-brise. Une partie de l’encadrement en métal, presque coupée en deux morceaux aux extrémités acérées, pend vers l’intérieur. Les yeux rivés sur l’animal, je me déplace doucement vers l’avant. Je n’ose pas donner un nouveau coup de pied, car s’il parvient à s’emparer de mon membre, il le réduira en bouillie en un rien de temps. Je respire un grand coup puis bondis vers le siège avant et hurle de nouveau quand la bête s’introduit dans la voiture. Son souffle chaud vient effleurer ma nuque.

     

  • [Livre] The book of Ivy

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    Résumé : Voilà cinquante ans qu’une guerre nucléaire a décimé la population mondiale. Un groupe de survivants d’une dizaine de milliers de personnes a fini par se former, et ce qui reste des États-Unis d’Amérique s’est choisi un président. Mais des deux familles qui se sont affrontées pour obtenir le pouvoir, la mienne a perdu. Aujourd’hui, les fils et les filles des adversaires d’autrefois sont contraints de s’épouser, chaque année, lors d’une cérémonie censée assurer l’unité du peuple.
    J’ai seize ans cette année, et mon tour est venu.
    Je m’appelle Ivy Westfall, et je n’ai qu’une seule et unique mission dans la vie : tuer le garçon qu’on me destine, Bishop, le fils du président. Depuis ma plus tendre enfance, je me prépare pour ce moment. Peu importent mes sentiments, mes désirs, mes doutes. Les espoirs de toute une communauté reposent sur moi. Le temps de la rébellion approche…
    Bishop doit mourir. Et je serai celle qui le tuera.


    Auteur : Amy Engel

     

    Edition : Lumen

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 5 mars 2015

     

    Prix moyen : 11€

     

    Mon avis : Depuis le temps qu’on me parle de cette dystopie, il était temps que je la sorte de ma PAL.
    Au vue du résumé (toujours trop détaillé, comme d’habitude) et du genre, je n’en attendais pas grand-chose et ce malgré les commentaires plus que positifs.
    J’ai été agréablement surprise. Même si une grande partie de l’histoire est cousue de fil blanc, j’ai quand même été surprise par une partie de la fin parce que je ne m’attendais pas à ce qu’Ivy fasse ce choix là précisément.
    Au niveau des personnages, j’ai beaucoup aimé Ivy, cette jeune fille révoltée par bon nombres de lois de leur société et clairement manipulée par son père et sa sœur aînée. D’ailleurs, une fois soustraite à leur influence, elle commence à se poser des questions.
    Je suis plus mitigée vis-à-vis du Président, j’ai du mal à le cerner. Il se livre peu et du coup on ne sait pas grand-chose de la force de ses convictions personnelles : agit-il uniquement pour poursuivre l’œuvre de son père sans trop se poser de question ou agit-il vraiment selon ses convictions ?
    Mme Lattimer est odieuse et semble oublier qu’elle vient du même côté de la ville qu’Ivy.
    S’il y a bien deux personnes opposées, c’est bien Bishop, qui est compatissant, intelligent et à clairement envie de faire bouger les choses même s’il ne sait pas vraiment comment, et Claire, la sœur d’Ivy, qui est obnubilée par la « cause » mais en réalité simplement avide de pouvoir à mon avis.
    Les personnages secondaires sont également bien décrits, même lorsque ce n’est que succinct : Victoria, David, Meredith, Dylan, pour ne citer qu’eux.
    L’écriture est facile à lire, le style de l’auteur est vraiment agréable et il est difficile de lâcher le livre avant la fin. D’ailleurs, à peine le premier tome achevée, j’ai entamé le second tome, ne m’interrompant que le temps d’écrire cet avis.
    Le roman reste une dystopie, donc rien de très original on reste dans le schéma : une société injuste mais censée être parfaite, une héroïne (oui dans les dystopie ce sont souvent les demoiselles qui jettent un pavé dans la mare) qui se rebelle contre le destin tracé pour elle, un beau mec responsable du changement de comportement ou de la prise de conscience de la demoiselle, une rébellion qui couve… mais au travers de cette société, l’auteur essaie de sortir du lot en abordant des sujets rarement abordé dans ce genre comme la violence conjugale, l’égalité entre les hommes et les femmes ou encore la place des femmes dans la société.
    La fin est frustrante, même si on a aimé que moyennement le livre (ce n’est pas mon cas, j’ai beaucoup aimé ce livre), si on est curieuse comme moi, impossible de ne pas lire la suite.
    Si j’ai une chose à reprocher, curieusement, c’est la couverture. Entendons nous bien, elle est superbe. Mais elle montre une femme en robe de mariée blanche alors que la première phrase du livre est « De nos jours, plus personne ne porte de robe blanche à son mariage. » 
    Alors, aussi belle que soit cette couverture, on a l’impression que celui qui s’est chargé de la choisir n’a même pas pris la peine de lire un minimum le livre.
    Mais bon, comme je ne suis pas obnubilée par les couvertures, ce n’est qu’anecdotique (et elle n’en demeure pas moins magnifique).
    Si vous aimez les dystopies, n’hésitez pas et si vous ne connaissez pas ce genre, ce livre est un moyen de s’y initier.


    Un extrait : De nos jours, plus personne ne porte de robe blanche à son mariage. Trop difficile de trouver du tissu de cette couleur, trop coûteux et compliqué de s'en procurer assez pour fabriquer des robes par dizaines. Y compris pour la cérémonie d'aujourd'hui — à laquelle participe pourtant le fils de notre leader, puisqu'il est l'un des futurs mariés. Mais même lui ne sort pas assez du lot pour se permettre d'épouser une fille vêtue de blanc.

    — Tiens-toi tranquille ! râle ma sœur derrière moi.

    De ses mains glacées, elle tente de boucler le laçage récalcitrant au dos de ma robe bleu pâle. Confectionné pour le mariage auquel elle n'a jamais eu droit, le vêtement est un peu serré pour moi.

    — Voilà ! conclut-elle lorsqu'elle parvient enfin à le fermer jusqu'en haut. Retourne-toi.

    Je m'exécute à contrecœur en tapotant du bout des doigts le tissu soyeux. Je n'ai pas l'habitude de porter des robes. J'ai l'impression d'être presque nue en dessous et, déjà, je n'ai plus qu'une envie : remettre un pantalon et me débarrasser du corsage trop étroit qui m'empêche de respirer normalement. Comme si elle lisait dans mes pensées, ma sœur baisse les yeux sur le corset.

    — Tu as des formes plus généreuses que les miennes, constate-t-elle avec une moue amusée. Mais ça m'étonnerait qu'il s'en plaigne...

    — C'est bon, Callie... Tes remarques, tu peux te les garder.

    Ma réponse manque cruellement de conviction. Je n'aurais jamais cru être aussi nerveuse. Ce n'est pas comme si cette journée était inattendue, en plus ! J'ai su toute ma vie qu'elle s'annonçait à l'horizon — j'ai même passé chaque minute des deux dernières années à m'y préparer. Et à présent que le grand jour est arrivé, je ne parviens ni à maîtriser le tremblement de mes mains, ni à dompter mon estomac révulsé. Serai-je capable d'accomplir mon devoir ? Je n'ai pas le choix, je le sais.

    Callie rabat une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille.

    — Tout va bien se passer, me promet-elle d'un ton ferme. D'accord ? Tu sais quoi faire.

    Je relève la tête et je réponds simplement :

    — Je sais, oui.

    Ses paroles me font me sentir plus forte : elle a raison, je n'ai pas besoin d'être traitée comme une enfant.

    Elle me regarde un long moment, les lèvres pincées. Est-elle mécontente que je prenne la place qui lui revenait de droit, ou se sent-elle au contraire libérée de son fardeau ? Soulagée de ne plus être celle sur qui reposent tant d'espoirs ?

    — Les filles ! appelle mon père depuis le rez-de-chaussée. C'est l'heure !

    — Vas-y, dis-je à ma sœur. Je te suis...

    J'ai besoin d'un dernier instant de calme, d'une dernière occasion de contempler la chambre qui ne sera plus jamais la mienne. Callie sort, mais laisse la porte entrouverte. J'entends mon père qui s'impatiente en bas, elle qui le rassure à voix basse.

    Sur mon lit se trouve une valise usée aux roulettes cassées depuis longtemps — je vais devoir la porter. Je la soulève et je fais lentement un tour sur moi-même. Je sais que je ne dormirai plus jamais dans ce lit étroit, ne me brosserai plus jamais les cheveux devant la coiffeuse, ne m'endormirai plus jamais au son de la pluie contre cette vitre. Je respire un grand coup et je ferme les yeux pour retenir les larmes que je sens monter. Quand je les rouvre, ils sont secs. Je sors de la pièce sans un regard en arrière.

     

  • [Livre] Alex

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    Résumé : Qui connait vraiment Alex ? Elle est belle. Excitante.

     Est-ce pour cela qu'on l'a enlevée, séquestrée, livrée a l'inimaginable ? Mais quand la police découvre enfin sa prison, Alex a disparu. Alex, plus intelligente que son bourreau. Alex qui ne pardonne rien, qui n'oublie rien, ni personne.

     

    Auteur : Pierre Lemaître

     

    Edition : Le livre de poche

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : mai 2012

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Le début de ce livre est extrêmement frustrant car on ne sait rien des raisons de cet enlèvement brutal. Pourtant cet enlèvement semble trop bien préparé pour être le fruit du hasard. Ce n’est qu’au bout de presque une centaine de pages que l’on a la confirmation que rien n’est du au hasard mais on n’en sait pas plus. On ne sait pas pourquoi, on ne sait rien à part qu’Alex a compris qui était son ravisseur.
    Au fil de la première partie on en apprend plus sur les raisons de cet enlèvement et Alex de simple victime passe à un statut plus ambigu.
    Malheureusement, le quatrième de couverture révèle la fin de cette première partie (le livre en compte trois). Comme souvent, à trop vouloir attirer les lecteurs, les éditeurs en disent trop. Cela dit, cela ne dérange pas vraiment la lecture car tout l’intérêt est le cheminement qui mène à ce premier dénouement qui ouvre l’intrigue de la partie deux.
    La seconde partie s’attache à en savoir plus sur Alex. Bien qu’on ne sache pas les raisons de son comportement, on la suit à la trace.
    Pour l’instant, tout ce que je sais vraiment sur elle c’est qu’elle a une mère horrible et que son frère n’a pas l’air franchement mieux. Cela dit, rien n’est jamais clairement dit. Comme à son habitude, Pierre Lemaître nous balade au gré de ses envies, la tension monte et quand elle devient intolérable, elle redescend un peu avant de reprendre son ascension.
    Chaque chapitre, dès le début du roman, alterne entre Alex et la police qui la recherche, d’abord comme victime, puis comme suspecte.
    Tout l’intérêt (enfin peut être pas pour eux) est qu’ils recherchent une femme dont ils ignorent tout, jusqu’au nom. Tout ce qu’ils ont, c’est un portrait robot tiré d’une mauvaise photo. Ce qui provoque quelques petites tensions, surtout quand un juge, arrogant et ne connaissant rien au travail de police, se mêle de tout.
    L’inspecteur chargé de l’affaire l’a prise à contrecœur, une affaire d’enlèvement lui rappelant trop celui de sa propre épouse qui s’est terminée de façon tragique.
    Alex étant le second livre mettant en scène cet inspecteur, peut être que le premier, Travail soigné, en révèle plus sur cette affaire.
    L’inspecteur, Camille Verhoeven, fils d’une artiste dont le tabagisme excessif pendant sa grossesse l’a condamné à une taille d’1m45, compense sa taille par une attitude brusque et des méthodes bien à lui impliquant un certain mépris de la hiérarchie que son divisionnaire tolère au vu de ses bons résultats.
    La fin de la seconde partie fait l’effet d’une bombe. Je ne m’attendais vraiment pas à ça, surtout en voyant qu’il restait toute une partie à lire. Qu’est ce qu’il pouvait bien y avoir après ça ?
    Et bien la fin de la seconde partie, c’est un pétard mouillé à coté de la troisième qui remet en cause tout ce qu’on croyait avoir compris de l’affaire dans les deux parties précédentes.
    Pierre Lemaitre s’amuse avec nous. Ses personnages passent au fil des pages du statut de victimes à celui de suspects avant de redevenir des victimes, en passant par des monstres… impossible de savoir qui est qui avec certitude, jusqu’à la fin. Cette valse est déstabilisante mais ne perd jamais en crédibilité.
    Un coup de cœur.

     

    Un extrait : Alex adore ça. Il y a déjà près d’une heure qu’elle essaye, qu’elle hésite, qu’elle ressort, revient sur ses pas, essaye de nouveau. Perruques et postiches. Elle pourrait y passer des après-midi entiers.

    Il y a trois ou quatre ans, par hasard, elle a découvert cette boutique, boulevard de Strasbourg. Elle n’a pas vraiment regardé, elle est entrée par curiosité. Elle a reçu un tel choc de se voir ainsi en rousse, tout en elle était transformé à un tel point qu’elle l’a aussitôt achetée, cette perruque.

    Alex peut presque tout porter parce qu’elle est vraiment jolie. Ça n’a pas toujours été le cas, c’est venu à l’adolescence. Avant, elle a été une petite fille assez laide et terriblement maigre. Mais quand ça s’est déclenché, ç’a été comme une lame de fond, le corps a mué presque d’un coup, on aurait dit du morphing en accéléré, en quelques mois, Alex était ravissante. Du coup, comme personne ne s’y attendait plus, à cette grâce soudaine, à commencer par elle, elle n’est jamais parvenue à y croire réellement. Aujourd’hui encore.

    Une perruque rousse, par exemple, elle n’avait pas imaginé que ça pourrait lui aller aussi bien. Une découverte. Elle n’avait pas soupçonné la portée du changement, sa densité. C’est très superficiel, une perruque mais, inexplicablement, elle a eu l’impression qu’il se passait vraiment quelque chose de nouveau dans sa vie.

    Cette perruque, en fait, elle ne l’a jamais portée. De retour chez elle, elle s’est aussitôt rendu compte que c’était la qualité la plus médiocre. Ça faisait faux, moche, ça faisait pauvre. Elle l’a jetée. Pas dans la poubelle, non, dans un tiroir de la commode. Et de temps en temps, elle l’a reprise et s’est regardée avec. Cette perruque avait beau être affreuse, du genre qui hurle : « Je suis du synthétique bas de gamme », il n’empêche, ce qu’Alex voyait dans la glace lui donnait un potentiel auquel elle avait envie de croire. Elle est retournée boulevard de Strasbourg, elle a pris le temps de regarder les perruques de bonne qualité, parfois un peu chères pour son salaire d’infirmière intérimaire, mais qu’on pouvait vraiment porter. Et elle s’est lancée.

    Au début, ce n’est pas facile, il faut oser. Quand on est, comme Alex, d’un naturel assez complexé, trouver le culot de le faire demande une bonne demi-journée. Composer le bon maquillage, assortir les vêtements, les chaussures, le sac, (enfin, dégotter ce qui convient dans ce que vous avez déjà, on ne peut pas tout racheter chaque fois qu’on change de tête…). Mais ensuite vous sortez dans la rue et immédiatement, vous êtes quelqu’un d’autre. Pas vraiment, presque. Et, si ça ne change pas la vie, ça aide à passer le temps, surtout quand on n’attend plus grand-chose.

    Alex aime les perruques typées, celles qui envoient des messages clairs comme : « Je sais à quoi vous pensez » ou « Je suis aussi très bonne en maths ». Celle qu’elle porte aujourd’hui dit quelque chose comme : « Moi, vous ne me trouverez pas sur Facebook. »

    Elle saisit un modèle nommé « Urban choc » et c’est à ce moment qu’elle voit l’homme à travers la vitrine. Il est sur le trottoir d’en face et fait mine d’attendre quelqu’un ou quelque chose. C’est la troisième fois en deux heures. Il la suit. Maintenant, c’est une certitude. Pourquoi moi ? C’est la première question qu’elle se pose. Comme si toutes les filles pouvaient être suivies par des hommes sauf elle. Comme si elle ne sentait pas déjà en permanence leurs regards, partout, dans les transports, dans la rue. Dans les boutiques. Alex plaît aux hommes de tous les âges, c’est l’avantage d’avoir trente ans. Quand même, elle est toujours surprise. « Il y en a tellement de bien mieux que moi. » Toujours en crise de confiance, Alex, toujours envahie par le doute. Depuis l’enfance. Elle a bégayé jusqu’à l’adolescence. Même encore aujourd’hui, quand elle perd ses moyens.

    Elle ne le connaît pas, cet homme, un physique pareil, ça l’aurait frappée, non, elle ne l’a jamais vu. Et puis, un type de cinquante ans suivre une fille de trente… Ce n’est pas qu’elle soit à cheval sur les principes, ça l’étonne, voilà tout.