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Livres - Page 75

  • [Livre] Jeux macabres

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    Résumé : Ancienne inspectrice, Stacy Killian s'est installée à La Nouvelle-Orléans dans l'espoir d'y oublier les horreurs dont elle a été témoin. Mais lorsqu'elle découvre sa voisine Cassie abattue chez elle de deux balles dans le dos, son instinct de flic reprend le dessus : déterminée à venger son amie, elle passe outre les conseils de la police et enquête elle-même du côté des jeux de rôle dont la victime était adepte. Très vite, la piste se confirme, car deux autres personnes sont retrouvées mortes. Les meurtres, de plus en plus rapprochés, visent tous des hommes et des femmes ayant eu affaire un jour à Leo Noble, richissime inventeur d'un jeu de rôle très prisé des initiés. Un jeu noir et violent, dont les participants s'affrontent tour à tour jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un en lice... Stacy comprend alors que l'assassin a engagé une partie bien réelle avec la police. Dans l'esprit de ce psychopathe, une seule règle : tuer. Tuer jusqu'à son dernier adversaire, afin de rester seul maître du jeu...

     

    Auteur : Erica Spindler

     

    Edition : Harlequin Best-Seller

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 8 août 2008

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : J’aime beaucoup l’écriture d’Erica Spindler qui est toujours très fluide et sans longueurs.
    Stacy a beau avoir quitté la police, elle refuse de faire confiance à la police de la Nouvelle Orléans pour découvrir le meurtrier de son amie Cassie. Bien décidée à le trouver elle-même, elle se plonge dans l’univers des jeux de rôle et surtout dans White Rabbit, un nouveau jeu auquel s’intéressait Cassie.
    Inspiré d’Alice au pays des merveilles, White Rabbit semble être un jeu violent et plus noir que la plupart des jeux de rôle. A chaque fois qu’on parle du jeu, j’ai l’impression de voir Alice au pays des merveilles illustré par Tim Burton et Benjamin Lacombe, un Alice dérangeant, aux dessins glauques et malsains.
    Le concepteur du jeu, Leo, a même appelé sa fille Alice, on se demande à quel point il est obsédé par son œuvre, quoi qu’il dise ne plus avoir joué depuis des années.
    Le tandem Spencer/Tony fonctionne bien. On voit qu’ils se font confiance et qu’ils travaillent efficacement ensemble. Mais Spencer semble presque tenir rigueur à Stacy d’avoir osé quitter la police, comme si elle avait commis une trahison, et ce, bien sûr, sans avoir la moindre idée de ce qui a pu la pousser à prendre cette décision. Il n’apprécie pas de la voir enquêter, c’est certain, mais à chaque fois qu’il lui parle, on dirait qu’il la provoque pour qu’elle continue malgré ses interdictions.
    Quoi que, comme dans beaucoup de thriller, on se dit qu’il la tient trop à distance pour être honnête. Elle semble ne pas le laisser indifférent…
    Au fil de l’enquête et des meurtres, on se croirait vraiment dans Alice au pays des merveilles : les pistes se croisent, chaque victime potentielle devient à un moment ou un autre un suspect potentiel, on ne sait plus sur combien d’affaire différente l’enquête porte… chaque élément élucidés en fait apparaître deux nouveaux… bref, un vrai casse tête !
    Quand on sait enfin la vérité, on tombe des nues et puis, on se repasse les différents indices avec un regard neuf, averti, et on se dit que ce n’est pas si illogique que ça, et que finalement, tout se regroupe.

    On a donc ici un thriller bien ficelé, qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

    Un extrait : Stacy Killian fut réveillée en sursaut par le bruit d’un coup de feu.
    Elle s’assit et cherche immédiatement le Glock 40 qui était rangé dans le tiroir de sa table de nuit. Dix années passées dans la police l’avaient conditionnée pour réagir sans la moindre hésitation sitôt qu’elle entendait une détonation.
    Elle vérifia le chargeur, marcha jusqu’à la fenêtre et écarta légèrement le rideau. Dans le jardin illuminé par la lune, elle distingua les quelques arbres chétifs, le portique déglingué et le petit enclos de César, le chiot de sa voisine Cassie.
    Aucun bruit. Aucun mouvement.
    Sur la pointe des pieds, Stacy sortit de la chambre et pénétra dans la pièce voisine qui lui servait de bureau. Elle louait la moitié d’une shotgun house plus que centenaire – ces habitations de plain-pied, colorées et tout en longueur, qui avaient connu leur heure de gloire bien avant l’invention de la climatisation.
    Son arme braquée devant elle, Stacy pivota sur la gauche, puis sur la droite, enregistrant chaque détail : la pile de livres destinée à l’écriture de son article sur le Mont Blanc de Mary Shelley, son ordinateur portable ouvert, la bouteille de vin blanc à moitié vide. L’obscurité. Profonde. Immobile.
    Comme elle s’y attendait, elle ne trouva rien de plus dans les autres pièces. Le bruit qui l’avait réveillée ne provenait pas de son appartement.

    Elle gagna la porte d’entrée, l’ouvrit et sortit sous le porche. Le bois craqua sous ses pieds et déchira le silence qui régnait dans la rue déserte. Le froid humide de la nuit la fit frissonner.
    Tout le quartier semblait endormi, même si quelques rares fenêtres étaient éclairées. Scrutant la rue du regard, Stacy remarqua quelques voitures qu’elle ne connaissait pas – ce qui n’avait rien de très étonnant dans un quartier habité en grande partie par des étudiants de l’UNO, l’université de la Nouvelle-Orleans. Tous les véhicules semblaient vides.
    Stacy resta ainsi quelques minutes dans la pénombre de son porche, à sonder le silence. Non loin, une poubelle métallique se renversa avec fracas. Des rires s’élevèrent. Sans doute des gamins en train de pratiquer un équivalent urbain du cow tipping, ce jeu qui consiste à renverser sur le côté des vaches endormies.
    La jeune femme fronça les sourcils. Était-ce ce bruit qui l’avait réveillée et qu’elle avait pris pour un coup de feu ?

     

  • [Livre] Orgueil et préjugés

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    Résumé : Élisabeth Bennet a quatre sœurs et une mère qui ne songe qu'à les marier. Quand parvient la nouvelle de l'installation à Netherfield, le domaine voisin, de Mr Bingley, célibataire et beau parti, toutes les dames des alentours sont en émoi, d'autant plus qu'il est accompagné de son ami Mr Darcy, un jeune et riche aristocrate. Les préparatifs du prochain bal occupent tous les esprits...
    Jane Austen peint avec ce qu'il faut d'ironie les turbulences du cœur des jeunes filles et, aujourd'hui comme hier, on s'indigne avec l'orgueilleuse Élisabeth, puis on ouvre les yeux sur les voies détournées qu'emprunte l'amour...

     

    Auteur : Jane Austen

     

    Edition : Milady

     

    Genre : Classique étranger

     

    Date de parution :

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Enfin, après avoir lu et adoré Raison et sentiments, vu orgueil et préjugés en mini-série de 6 épisodes avec les excellents Colin Firth et Jennifer Ehle, lu de multiples réécriture de ses œuvres, j’ai enfin trouvé le temps de m’attaquer à Orgueil et préjugés !
    Rien à dire sur l’écriture, je retrouve tout ce que j’avais aimé dans Raison et Sentiments : une héroïne sympathique et raisonnable, une famille qui l’est moins, un style addictif…
    Elisabeth et Jane sont vraiment les deux seules Bennet qu’on puisse sauver dans cette famille de fou, quoique Elisabeth ait tendance à porter des jugements à l’emporte-pièce et Jane, au contraire, à se montrer trop bienveillante : leurs deux plus jeunes sœurs sont à l’image de leur mère : stupide, égoïste et mal élevée, avec un sens des convenances frisant le zéro absolu. Leur père, quoique plus intelligent, semble avoir pour habitude de dire ce qu’il pense sans se soucier de qui peut l’entendre et de ce que cela peut avoir comme effet négatif sur sa propre réputation et celle de ses filles, et surtout de ses filles aînées. Quant à l’enfant du milieu : Mary, elle se sert de la culture comme un moyen d’être au centre de l’attention sans aucune capacité de parler à bon escient ou de savoir s’arrêter, surtout quand elle joue de la musique.
    On passera sur le cousin éloigné, Mr Collins, qui est ridicule avec ses manières et ses certitudes qui cachent une âme de cloporte.

    Devant le portrait de cette famille, peut-on vraiment blâmer Mr Darcy d’avoir eu des réserves et même de sacrés inquiétudes à l’idée de voir son ami se lier de manière définitive avec eux ?
    S’il a un tort (et il en a) c’est de ne pas être assez franc avec son ami, de le manipuler, et de trop l’être avec Elisabeth, l’humiliant volontairement au nom de la franchise.

    Je reproche également à Mr Bingley de ne pas être capable de prendre la moindre décision sans l’approbation de Darcy et les applaudissements de ses sœurs, lesquelles sont hautaines et prétentieuses.

    Même si on peut facilement deviner comment les choses vont se terminer, le plus intéressant est de voir le cheminement jusqu’à cette fin.

    Il est difficile de ne pas raconter tout le roman tant on a l’impression que tout le monde le connaît. Avant même de le lire, de lire une de ses réécriture ou de voir la série, je savais déjà ce qui se passait et comment ça se terminait (un peu comme autant en emporte le vent).

    Du coup, je vais arrêter là en disant que c’est un super roman et que, même si vous croyez le connaître, si vous ne l’avez jamais lu, foncez !


    Un extrait : C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l’une ou l’autre de leurs filles.

    – Savez-vous, mon cher ami, dit un jour Mrs. Bennet à son mari, que Netherfield Park est enfin loué ?

    Mr. Bennet répondit qu’il l’ignorait.

    – Eh bien, c’est chose faite. Je le tiens de Mrs. Long qui sort d’ici.

    Mr. Bennet garda le silence.

    – Vous n’avez donc pas envie de savoir qui s’y installe ! s’écria sa femme impatientée.

    – Vous brûlez de me le dire et je ne vois aucun inconvénient à l’apprendre.

    Mrs. Bennet n’en demandait pas davantage.

    – Eh bien, mon ami, à ce que dit Mrs. Long, le nouveau locataire de Netherfield serait un jeune homme très riche du nord de l’Angleterre. Il est venu lundi dernier en chaise de poste pour visiter la propriété et l’a trouvée tellement à son goût qu’il s’est immédiatement entendu avec Mr. Morris. Il doit s’y installer avant la Saint-Michel et plusieurs domestiques arrivent dès la fin de la semaine prochaine afin de mettre la maison en état.

    – Comment s’appelle-t-il ?

    – Bingley.

    – Marié ou célibataire ?

    – Oh ! mon ami, célibataire ! célibataire et très riche ! Quatre ou cinq mille livres de rente ! Quelle chance pour nos filles !

    – Nos filles ? En quoi cela les touche-t-il ?

    – Que vous êtes donc agaçant, mon ami ! Je pense, vous le devinez bien, qu’il pourrait être un parti pour l’une d’elles.

    – Est-ce dans cette intention qu’il vient s’installer ici ?

    – Dans cette intention ! Quelle plaisanterie ! Comment pouvez-vous parler ainsi ?… Tout de même, il n’y aurait rien d’invraisemblable à ce qu’il s’éprenne de l’une d’elles. C’est pourquoi vous ferez bien d’aller lui rendre visite dès son arrivée.

    – Je n’en vois pas l’utilité. Vous pouvez y aller vous-même avec vos filles, ou vous pouvez les envoyer seules, ce qui serait peut-être encore préférable, car vous êtes si bien conservée que Mr. Bingley pourrait se tromper et égarer sur vous sa préférence.

    – Vous me flattez, mon cher. J’ai certainement eu ma part de beauté jadis, mais aujourd’hui j’ai abdiqué toute prétention. Lorsqu’une femme a cinq filles en âge de se marier elle doit cesser de songer à ses propres charmes.

    – D’autant que, dans ce cas, il est rare qu’il lui en reste beaucoup.

    – Enfin, mon ami, il faut absolument que vous alliez voir Mr. Bingley dès qu’il sera notre voisin.

    – Je ne m’y engage nullement.

    – Mais pensez un peu à vos enfants, à ce que serait pour l’une d’elles un tel établissement ! Sir William et lady Lucas ont résolu d’y aller uniquement pour cette raison, car vous savez que, d’ordinaire, ils ne font jamais visite aux nouveaux venus. Je vous le répète. Il est indispensable que vous alliez à Netherfield, sans quoi nous ne pourrions y aller nous-mêmes.

    – Vous avez vraiment trop de scrupules, ma chère. Je suis persuadé que Mr. Bingley serait enchanté de vous voir, et je pourrais vous confier quelques lignes pour l’assurer de mon chaleureux consentement à son mariage avec celle de mes filles qu’il voudra bien choisir. Je crois, toutefois, que je mettrai un mot en faveur de ma petite Lizzy.

    – Quelle idée ! Lizzy n’a rien de plus que les autres ; elle est beaucoup moins jolie que Jane et n’a pas la vivacité de Lydia.

    – Certes, elles n’ont pas grand’chose pour les recommander les unes ni les autres, elles sont sottes et ignorantes comme toutes les jeunes filles. Lizzy, pourtant, a un peu plus d’esprit que ses sœurs.

     

  • [Livre] La vérité sur Alice

     Ma vie livresque et moi-même participons à un challenge.
    Ce challenge consiste à sélectionner trois livres dans la PAL de notre binôme. Celui-ci choisi lequel des trois il lira et chroniquera. Ma vie livresque et moi avons choisi de lire les trois livres que chacune à choisi pour l'autre (c'est qu'on a une PAL assez conséquente à faire descendre!)

    Ce livre est le second que m'a choisi Ma vie livresque dans le cadre du challenge Livra'deux sur livraddict. Pour sa part je lui avais choisi "Je ne sais plus pourquoi je t'aime" de Gabrielle Zevin dont vous trouverez la chronique ICI

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    Résumé : Alice Franklin a mauvaise réputation. Lors d’une soirée, elle aurait couché avec deux garçons et provoqué la mort accidentelle de l’un d’eux. C’est forcément vrai puisque c’est écrit partout sur les murs des toilettes du lycée.
    Tout le monde a son avis sur Alice : son ancienne meilleure amie, l’entourage de la victime, son admirateur secret…
    Au sujet d’Alice, chacun a sa vérité… Quelle sera la vôtre ?

     

    Auteur : Jennifer Matthieu

     

    Edition : Pocket jeunesse

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 13 janvier 2016

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : 4 personnes se relaient pour raconter Alice, donner leurs impressions sur elle… Leur jugement est lapidaire : Alice est une garce depuis qu’elle a couché avec deux garçons lors d’une soirée et Alice serait même responsable de la mort du quaterback du lycée… Tout ça, c’est selon la rumeur… Mais la rumeur…. Impossible de l’arrêter, surtout quand personne ne la remet en cause.
    Sur les 4 personnes, je trouve que Kurt est celui qui a le moins de reproches à se faire. Certes, il n’a rien fait pour empêcher la rumeur d’enfler, mais quand on voit le niveau de sa popularité, on se demande si son intervention n’aurait pas été pire que son silence.
    En revanche Kelsie, l’ex meilleure amie d’Alice est la plus minable. Et elle en a parfaitement conscience, mais a bien l’intention de continuer ainsi.
    Au fur et à mesure que les 4 collègues donnent leurs « avis » sur Alice, on se fait une idée plus précise de la jeune fille.
    Ce n’est pas une sainte. Elle est un peu trop « amicale » avec les garçons selon les critères puritains des américains. Elle est un peu livrée à elle-même du fait d’un père absent et d’une mère de toute évidence indifférente.
    Je crois que ce qui pose vraiment problème c’est qu’Alice et jolie et n’a pas vraiment de complexes. Elle attire les garçons et n’en fait pas tout un plat comme d’autres, elle est populaire mais ne se comporte pas comme une reine des abeilles, et je crois que c’est cette désinvolture qui dérange, elle ne suit pas « le programme » des filles populaires à savoir se faire passer pour des oies blanches tout en se conduisant comme elles l’entendent ou encore faire en sorte que le « clan » des populaires reste un groupe fermé.
    Alice, elle, n’intervient qu’à la fin du livre.
    En fait on en sait d’Alice que ce que l’on raconte sur elle et c’est par recoupement entre les différents avis et les confessions que laissent échapper les personnages dans leur récit que l’on peut se faire notre propre opinion sur Alice.

    J’ai beaucoup aimé le style d’écriture qui arrive à nous faire clairement distinguer chaque personnage sans pour autant avoir une ligne de coupure trop marquée.
    Le changement de personnage régulier a également pour effet d’accélérer le rythme de lecture. Chaque chapitre est court et à chaque fois que l’on change de narrateur, on reprend les informations d’un point de vue différent.
    Ce n’est pas un coup de cœur, mais c’était une lecture agréable montrant les failles de chacun qui expliquent pourquoi ils ont alimentés ainsi la rumeur.

    Un extrait : Moi, c’est Elaine O’Dea, et j’ai deux choses incroyables à vous raconter :

    1. L’été dernier, juste avant qu’on rentre en première, Alice Franklin a couché avec deux mecs d’affilée sous mon toit. Elle s’est tapé le premier et genre… cinq minutes après, paf ! l’autre. Sérieux. Tout le monde est au courant.
    2. Il y a deux semaines, juste après le bal de promo, un des deux mecs, Brandon Fitzsimmons (un type hyper populaire ; lui et moi on se connaissait très… intimement, si vous voyez ce que je veux dire) est mort dans un accident de voiture. C’est la faute d’Alice. Tout le monde le sait aussi.

    Le deuxième, c’est un étudiant, Tommy Cray… un ancien de Healy High. Mais je crois qu’avant de parler des garçons, il faut que je vous en dise plus sur Alice.

    C’est bizarre. Alice Franklin, c’est pas un nom de fille à scandale. Ça fait plutôt élève parfaite qui note bien tout en cours ou qui passe ses vendredis soir à faire du bénévolat à la maison de retraite en servant du punch et des biscuits (ou autre : je ne sais pas ce qu’ils font le vendredi soir, à la maison de retraite). D’ailleurs, Alice, c’est un prénom de grand-mère. Vous savez, le genre qui cache des mouchoirs dans ses manches, qui perd sans cesse son sac et passe son temps devant Des chiffres et des lettres ? Rien à voir avec Alice, quoi. Mais alors, pas du tout.

    Alice Franklin, c’est une grosse salope.

    En la voyant, on ne dirait pas pourtant. Elle est un petit peu plus grande que la moyenne, sans être une girafe, et je dois admettre qu’elle est plutôt bien foutue. En tout cas, elle n’a jamais eu de problèmes de poids. Peut-être que sa mère lui fait compter les points Weight Watchers, comme la mienne, mais j’en doute. La sienne n’a même pas l’air de s’inquiéter que toute la ville traite sa fille de traînée. Quant à son père, je ne sais pas ce qu’il en pense. Je ne l’ai jamais vu depuis qu’on se connaît et on se connaît depuis toujours.

    Alice a les cheveux courts, à la garçonne. Elle fait partie de ces filles qui ont la bouche naturellement pulpeuse et elle porte tout le temps du rouge à lèvres framboise. Son visage est joli, sans plus. Elle a plusieurs piercings aux oreilles, mais elle n’est pas punk, ni… bizarre. En fait, elle s’habille plutôt bien. Du moins, c’était le cas avant toutes ces histoires. Sa tenue fétiche, c’était jupe droite et haut moulant, pour faire ressortir sa poitrine, avec des sandales. Même en février.

    Après tout ce qui s’est passé, on dirait qu’elle a arrêté de se préoccuper de son look. Ces derniers temps, elle ne met plus que des jeans et des sweats, la capuche le plus souvent relevée. Par contre, elle n’a pas renoncé au rouge à lèvres. Je trouve ça bizarre.

    Elle n’a jamais été hyper populaire comme moi (on dirait que je me la raconte, mais c’est la vérité, j’y peux rien)… mais elle n’était pas non plus au niveau de Kurt Morelli, la bête de foire du lycée, avec son QI de 540, qui ne parle à personne sauf aux profs. Imaginez un peu que la popularité soit un immeuble : quelqu’un comme Brandon Fitzsimmons occupe l’appartement-terrasse, tout en haut. Les métalleux dorment par terre dans la cave, et Kurt Morelli n’a même pas le droit d’entrer dans le bâtiment. Alice, elle, a passé une grande partie de sa vie dans les étages supérieurs.

    Du coup, elle était assez cool pour venir à ma fête.

     

  • [Livre] Ma raison de respirer

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    Résumé : Deux ans après avoir brisé le cœur d'Evan, Emma ne parvient pas à l'effacer de sa mémoire. Quand un carton plein de souvenirs ressurgit, l'armure d'Emma se fissure. Toutes ses émotions passées reviennent l'assaillir. Pour oublier, elle devient accro à l'adrénaline. Soirées, alcool, garçons : rien ne semble pouvoir combler ce vide qui la consume. Jusqu'à une rencontre décisive, qui bouleversera toutes ses certitudes...

     

    Auteur : Rebecca Donovan

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 19 Mai 2016

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Cette fois ci, ce ne sera pas un coup de cœur. J’ai beaucoup aimé ce livre, mais j’ai été très dérangée par le choix de l’auteur d’alterner les points de vue d’Emma et d’Evan.
    S’il y avait eu un chapitre Emma, un chapitre Evan, pourquoi pas. Mais là, les points de vue alternent d’un paragraphe à l’autre, sans aucune indication, et, Emma comme Evan s’exprimant à la première personne, on en sait pas qui parle tant qu’on n’a pas eu un pronom personnel, un accord de participe passé, ou le nom de l’autre protagoniste prononcé. En ce qui me concerne, j’ai trouvé ça très désagréable.
    Pourtant, avant qu’Evan débarque et que cette alternance s’installe, le roman était bien parti pour être un coup de cœur.

    Meg, la colocataire d’Emma, m’a beaucoup plu dans son « remplacement » de Sara auprès d’Emma. Sara et elle communiquent beaucoup pour faire en sorte de soutenir Emma en toute circonstance.
    Peyton, la seconde colocataire, est un peu pénible : elle est sans gêne, se moque visiblement de l’avis de ses copines et quand elle décide quelque chose, peu importe si cela dérange, elle fait ce qu’elle veut.

    J’ai beaucoup aimé Cole. Il ne prend pas la tête d’Emma pour savoir en permanence ce qu’elle pense, pour connaitre son passé, il est là, il ne lui en demande pas plus que ce qu’elle est capable de donner. Je ne sais pas si leur histoire peut déboucher sur quelque chose, mais il aura au moins le mérite d’avoir ramené Emma dans le monde des vivants.
    En revanche Evan m’a vraiment énervée et déçue lorsqu’il arrive. Il passe son temps à lui forcer la main. Elle ne veut pas le voir, elle ne veut pas lui parler, il s’impose et quand on le met face au fait qu’il ne lui a pas demandé son avis, il clame le droit qu’il croit avoir, au prétexte qu’ils sont longtemps sortis ensemble. Doit-elle lui donner sa vie entière parce qu’il a été là à un moment difficile ? J’espère qu’il va se rendre compte que son attitude laisse à désirer et qu’il va changer son fusil d’épaule et arrêter d’essayer de forcer les choses.
    C’est un peu une habitude dans l’entourage d’Emma : sous prétexte de la protéger, beaucoup de personnes tentent de décider de sa vie à sa place et mériterait de se faire un peu remettre à leur place.
    Et puis il y a Jonathan. Même si on ne le voit pas vraiment, son ombre plane au-dessus d’Emma. Elle porte seule le secret de ce qu’il a fait et n’en a parlé à personne, pas même à Sara, à qui elle confie tout d’ordinaire. On se rend vite compte qu’elle ne pourra pas revivre totalement tant qu’elle n’aura pas dévoilé cette affaire.

    Pour la fin, je m’y attendais. Je n’imaginais pas que l’histoire puisse finir différemment jusque dans ses moindres détails. Mais ce n’est pas un livre qui demande une fin extraordinaire et imprévue. Je suis contente que l’histoire se finisse ainsi.
    Même si le premier tome reste mon préféré, j’ai beaucoup aimé cette trilogie et je la conseille fortement.

    Un extrait : — Je me demande pourquoi j’ai décroché… Je te reparlerai quand tu seras moins con.

    J’ai entendu Sara pousser un soupir exaspéré. J’étais sur le palier, près de la chambre, une pile de cahiers dans les bras. J’ai supposé qu’elle avait raccroché. Pour lui signaler ma présence, j’ai fait un peu de bruit devant la porte.

    Elle m’avait fait part de sa décision de mettre fin à sa relation avec Jared. Je l’avais écoutée, même si je me sentais incapable de l’aider. Ces derniers temps, Sara se confiait peu à moi. Elle craignait de me perturber davantage.

    — C’est bon ? a-t-elle demandé avec un sourire en me voyant entrer.

    Malgré ses efforts, elle ne parvenait pas à masquer la lueur de tristesse dans ses yeux.

    — Tu peux m’en parler, tu sais, ai-je tenté d’un air peu convaincu.

    — Non, ça va.

    Puis, contemplant les nombreux cartons qui l’entouraient, elle a ajouté :

    — Comment on va ranger tout ça… Cette pièce est minuscule.

    Visiblement, elle préférait changer de sujet. J’ai respecté son choix.

    — Je n’ai besoin de rien, je t’assure, ai-je insisté.

    — Tu me l’as déjà dit. C’est pour ça que je n’ai apporté qu’une chose pour décorer ta chambre.

    Elle a attrapé son sac à main – presque aussi grand qu’un sac de voyage – et en a sorti un cadre. C’était une photo de nous deux, devant la grande baie vitrée qui donnait sur le jardin de sa maison. Anna, sa mère, l’avait prise durant l’été où j’habitais chez eux. Nous avions les yeux brillants et rieurs.

    — Non, j’y crois pas ! s’est-elle exclamée. Je rêve ou tu as souri ? Je me demandais si je reverrais ça un jour.

    Ignorant sa remarque, je me suis tournée vers l’espace bureau aménagé dans un coin de la chambre.

    — Parfait ! a-t-elle commenté en admirant la photo après l’avoir posée sur la commode.

    — Bon, on va déballer tes affaires, maintenant. C’est cool que tu n’habites plus le dortoir du campus. En plus, j’adore Meg. Et Serena, même si elle refuse de suivre mes conseils vestimentaires. Cela dit, je ne désespère pas… Et Peyton, qu’est-ce qui se passe avec elle ?

    — Juste une embrouille. Mais elle n’est pas méchante.

    — Il y a toujours un psychodrame, dans une maison, a-t-elle conclu en rangeant une pile de chemises dans un tiroir. Et tant que ça ne concerne que Peyton, ça me va.

    — C’est aussi ce que je pense, ai-je confirmé en accrochant des vêtements dans le placard.

    Sara a posé une grande boîte à chaussures noire sur le lit.

    — Est-ce qu’on laisse les bottes dedans ? a-t-elle questionné en soulevant le couvercle.

    D’un geste rapide, je l’ai refermé. Elle m’a dévisagée d’un air perplexe.

    — Ce ne sont pas des bottes, ai-je glissé d’une voix sourde.

    — OK, pas de problème, a-t-elle conclu devant mon air sombre. Où veux-tu que je la mette ?

    — Je m’en fiche. Ça m’arrangerait même de ne pas savoir. Je vais aller chercher un truc à boire. Tu veux quelque chose ?

    — De l’eau, s’il te plaît.

    Lorsque je suis revenue, Sara était en train de faire le lit et la boîte avait disparu. Je me suis assise sur la chaise à roulettes tandis qu’elle s’allongeait sur le matelas.

    — J’ai rompu parce que je n’arrivais pas à gérer la relation à distance, a-t-elle lancé.

    J’ai haussé les sourcils d’un air surpris. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle aborde le sujet.

    — Tu as toujours eu du mal avec ça.

    Elle avait connu la même situation lorsque nous étions au lycée, dans le Connecticut, et que Jared était à l’université, à New York. Elle avait tenu le coup en lui rendant visite presque chaque week-end durant la fin de notre année de terminale.

    — Mais quand je serai en France, ça va être pire. Je ne peux pas l’obliger à m’attendre.

    — Et ça ne te pose pas de problème s’il voit une autre fille quand tu seras à Paris ? Parce que, en rompant, tu lui donnes la permission de le faire. Mais qu’est-ce qui se passera à ton retour ?

    Le menton entre les mains, Sara a laissé flotter son regard. Elle semblait calme.

    — S’il sort avec une autre, je préfère ne pas le savoir. De la même manière, si je rencontre quelqu’un à Paris, il n’a pas besoin d’être au courant. En fin de compte, je sais que nous sommes faits l’un pour l’autre. Mais je ne sais pas si nous sommes prêts à l’admettre, lui comme moi.

    J’avais un peu de mal à suivre sa logique, mais ça n’était pas le moment de poser des questions. Elle s’est avancée au bord du lit et a lâché, d’une voix hésitante :

    — Est-ce que tu crois que… comme je m’en vais… je pourrais dire quelques trucs sur toi à Meg ? Pas tout, juste assez pour que je puisse compter sur elle pendant mon absence. Je déteste l’idée d’être si loin avec personne pour…

    — S’occuper de moi, ai-je achevé.

    — Ouais…, a-t-elle acquiescé avec un sourire. Parfois tu te fermes comme une huître pendant des semaines, et je n’aime pas ça. Évidemment, je t’appellerai tous les jours, mais ça m’angoisse de te laisser seule… au cas où…

    Elle a baissé les yeux, incapable de finir sa phrase.

    — Ne t’inquiète pas pour moi, Sara, ça va aller, ai-je promis d’une voix faible.

    — Facile à dire…

     

  • [Livre] Miss pain d'épices

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    Résumé : Je m'appelle : Cannelle
    Mon âge : 13 ans
    Je suis : rousse
    J'aime : Sam, un garçon décalé que ma meilleure amie déteste
    Je rêve : d'assumer mes sentiments
    Mon problème : j'ai peur de perdre mes amis et de redevenir celle dont tout le monde se moque...

    Auteur : Cathy Cassidy

     

    Edition : Nathan jeunesse

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 8 Octobre 2015

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : Après des années de primaire désastreuses, Cannelle est enfin populaire et amie avec Shannon, la fille la plus populaire du collège.
    J’ai beaucoup aimé l’écriture de l’auteur, comme toujours, mais je trouve qu’elle a mal situé son histoire : les actions de Shannon, en particulier, sont plus celles d’une ado de 15 ou 16 ans que celles d’une préado de 12 ans. Quand j’ai lu, à un moment du récit qu’elle allait fêter son 13ème anniversaire, je me suis sentie comme arrachée de l’histoire, ça ne collait pas du tout : les sorties, le maquillage outrancier, les tenues provocantes, la manière de parler, rien ne permet vraiment de s’identifier à une gamine de 12 ans. Tout aurait été plus cohérent, à mon sens, si Cannelle avait changé à son entrée au lycée, plutôt qu’à son entrée au collège.
    Dès son apparition, j’ai beaucoup aimé Sam (faut dire que je ne supporte pas les profs qui se prennent trop au sérieux et qu’il ne se laisse pas démonter par eux). En revanche, au fil de ma lecture, j’ai très vite commencé à me méfier de Shannon. Je l’ai trouvée superficielle et très calculatrice. J’aurais aimé que Cannelle la remette à sa place un peu plus souvent, mais je comprends ses raisons.
    Emily, ancienne « amie » de Canelle en primaire, est très touchante, autant par sa gentillesse que par sa découverte d’un nouveau « elle ». Elle est l’exemple type qu’on peut se relooker et devenir plus populaire sans changer sa nature.
    Quant à Cannelle, c’est plus compliqué. Elle a été un peu traumatisée par ses année de primaire et du coup vit dans la crainte d’être de nouveau rejetée, mais je trouve qu’elle ne vit pas sa vie pour le coup. Faire semblant d’aimer un groupe de musique ou une couleur de vernis à ongle pour être « en phase » avec son amie, passe encore, mais n’avoir aucun autre avis que ceux qu’elle « approuve », c’est un peu exagéré. Des amies, des vraies amies, ne sont pas toujours d’accord, et cela leur importe peu.

    La fin était sans surprise pour un roman dédié à un jeune public, mais agréable tout de même.

    Un extrait : Cannelle Brownie… on dirait une couleur de peinture ou de teinture pour les cheveux. Ou encore un gâteau bizarre un peu écœurant. Quel genre de parents appellerait leur fille ainsi ? Réponse : les miens.

    Ils n’avaient pourtant pas l’intention de me gâcher la vie. Ils ont simplement trouvé original de choisir les prénoms de leurs enfants en s’inspirant des jolis bocaux en verre de leur placard à épices. Si mon père n’avait pas été un si grand amateur de cuisine, rien de tout cela ne serait arrivé.

    Ma grande sœur s’appelle Mélissa, d’après la plante aromatique qu’on retrouve souvent dans les tisanes. J’ai eu moins de chance qu’elle. Si encore je n’avais pas eu les cheveux roux foncé, ça aurait pu passer.

    Mais avec une combinaison pareille, j’étais condamnée à devenir la cible de toutes les plaisanteries.

    Je l’ai compris dès mon premier jour à l’école primaire, quand la maîtresse a réprimé un sourire en faisant l’appel. Les garçons m’ont tiré les tresses en riant, et les filles m’ont demandé si mes parents étaient pâtissiers. Très drôle.

    Ce soir-là, en rentrant à la maison, j’ai annoncé à mes parents que je voulais changer mon prénom en Emma ou Sophie. Ils se sont gentiment moqués de moi. D’après eux, c’était une bonne chose de ne pas ressembler à tout le monde, et Cannelle était un très joli prénom.

    Ça ne m’aidait pas beaucoup.

    – Ne les laisse pas t’atteindre, m’a conseillé ma sœur. Ris avec eux ou ignore-les.

    Facile à dire. Mélissa allait déjà au collège et c’était une fille sûre d’elle, populaire et entourée d’amis. Elle avait beau avoir les mêmes cheveux que moi, personne ne la taquinait jamais à ce sujet.

    J’ai fini par m’apercevoir que le plus simple était de me faire la plus discrète possible.

    – C’est une élève très réservée, a confié Mlle Kaseem à mes parents au début de mon année de CM2. Elle est adorable, mais elle ne se mêle pas beaucoup aux autres. Rien à voir avec Mélissa.

    Heureusement, elle ne leur a pas tout raconté – que personne ne me choisissait lorsqu’il fallait composer une équipe en sport ou préparer un exposé, que mes camarades ne m’invitaient jamais à leurs soirées pyjamas, leurs fêtes ou leurs sorties au cinéma. J’étais le mouton noir de la classe. Assise toute seule à la cantine, je rêvais de devenir invisible tout en mangeant une seconde part de tarte pour m’occuper et combler le vide que la solitude creusait dans ma poitrine.

     

  • [Livre] Une mère parfaite

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    Résumé : Un coup de fil en pleine nuit et la vie de Jennifer Lewis bascule. Sa fille, Emma, vient d’être arrêtée. On l’accuse du meurtre d’un étudiant qu’elle aurait sauvagement poignardé à plusieurs reprises. Emma, une meurtrière ? Pour sa mère, c’est tout simplement impossible. Jennifer se précipite pour l’innocenter et la faire sortir de prison. Mais, pour la police, Emma est la coupable idéale et chaque détail sordide de l’histoire sort dans la presse. Avec l’aide d’un détective privé, Jennifer décide de mener sa propre enquête. Au fil des découvertes, cette mère qui se croyait parfaite, se rend compte qu’elle connait finalement peu de choses de la fille qu’elle a élevée. Peu à peu, un doute terrible s’insinue : Emma est-elle une victime manipulée ou une jeune femme particulièrement machiavélique ? Connaît-on vraiment son enfant ?

    Auteur : Nina Darnton

     

    Edition : City Editions

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 2015

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Dès les premières pages, j’ai été convaincue de la culpabilité d’Emma. Pour moi ça ne faisait aucun doute tant sa version des faits était truffée d’incohérences. Et quelque soit la fin de ce roman, qu’elle soit innocentée, ou qu’elle soit condamnée, pour moi, elle est coupable, et soit elle est confondue, soit elle a réussi à tromper son monde (je ferais un très mauvais juge d’instruction, je sais).
    La vraie question était donc pour moi : Va-t-elle réussir à échapper à la justice espagnole ?
    Et très vite, une seconde question a pointé son nez dans mon esprit : Quelle est le degré de responsabilité de Jennifer, la mère d’Emma, dans ce qu’est devenue sa fille ?
    Les parents Mark et Jennifer m’ont énervée tous les deux sur leur manière de toujours mettre en avant la façon de faire espagnole, que ce soit dans l’action de la justice ou dans la vie de tous les jours, comme une façon de faire anormale. J’ai trouvé les avocats très patients de leur rappeler sans cesse, avec beaucoup de gentillesse, qu’ils n’étaient pas aux Etats-Unis et que le pays n’allait pas changer juste pour eux.
    Mark m’a semblé plus lucide que Jennifer mais totalement démissionnaire. Au fil de ses apparitions, il parle de faits concernant Emma, de faits qui l’ont dérangé ou qu’il n’a pas apprécié mais à aucun moment il n’est intervenu ou n’a imposé son avis. Il s’est effacé devant son épouse.
    Quant à Jennifer, elle obtient le pompom ! On en oublie presque qu’il s’agit de l’arrestation et du possible procès d’Emma tant son attitude est révoltante.
    Si au début, elle agit comme toute mère aimante dont la fille se trouve dans une situation plus que délicate, ses pensées, ses réactions et ses souvenirs me l’ont très vite rendue très antipathique.
    J’ai trouvé que c’était une mère égoïste et possessive. Qui fait tout pour ses enfants, non tant pour leur bien être mais pour que l’on loue la manière dont elle s’est sacrifiée pour eux. Leur père n’est quasiment qu’un donneur de spermatozoïdes et un compte en banque, qui n’a pas à être consulté. Elle veut être seule à prendre les décisions, seule à tout faire pour eux.
    Quelques anecdotes dont elle se souvient corroborent le coté « je suis une mère parfaite et rien ne doit venir entacher mon image ». Ainsi, elle lit les livres de l’école pour aider sa fille cadette à faire ses dissertations (histoire qu’elles soient parfaites) ou encore quand Emma est surprise à tricher en copiant mot pour mot une source internet dans un devoir, elle crie à la méprise et à l’erreur (comme si c’était possible) mais surtout ne donne aucune punition à sa fille, s’offusquant presque qu’on l’ait accusée.
    Pour moi la vraie question n’est pas : Connaît-on vraiment son enfant ? Mais : Qu’est-on capable de faire de son enfant pour conserver l’image de la perfection aux yeux des autres ?

     

    Un extrait : Les filles la traitaient comme une confidente, elles lui racontaient tout, et, même si elles n’étaient sans doute pas parfaites, elle leur faisait confiance. Elles travaillaient dur, terminaient toujours dans les premiers de leur classe, participaient aux associations scolaires et ne dénigraient jamais leurs professeurs. Quand les enfants de certains de leurs amis prenaient des drogues ou avaient de mauvaises fréquentations, ou bien qu’ils se rebellaient contre leurs parents, devenaient haineux, elle en discutait avec ses filles. Elle ne le disait jamais, même à Mark, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que le secret de cette réussite apparente venait de son choix de rester mère au foyer, d’être toujours présente pour elles, de les prévenir des erreurs potentielles et de communiquer en permanence. Elle était fière d’elles, et fière de l’éducation qu’elle leur donnait.

    Ses paupières devenaient lourdes. Même si elle ne dormirait certainement pas, elle se dit qu’elle ferait bien de s’allonger et de fermer les yeux quelques minutes.

    Elle fut réveillée en sursaut par la sonnerie du réveil, à six heures et demie, l’heure de réveiller Eric et Lily. Sa fille était déjà sous la douche, mais Eric était étendu sur le dos par-dessus ses couvertures en bouchon, le Spider-Man de son pyjama la dévisageant en silence. Comme elle se penchait sur lui pour l’embrasser, il tendit les bras pour la serrer contre lui, et elle enfonça son nez dans son cou, inhalant la douce odeur du shampoing qu’il avait utilisé la veille. Elle prépara des crêpes, et, pendant qu’ils prenaient le petit-déjeuner, elle leur annonça calmement qu’Emma avait eu un petit accident de voiture, qu’elle avait une jambe cassée.

    — Je pars en Espagne veiller sur elle.

    Son histoire ne sembla pas éveiller de soupçons. Ni ses enfants ni ses parents, quand elle les joignit, ne suspectèrent qu’elle dissimulait un événement plus terrible. Toutes ses leçons d’art dramatique hors de prix et son expérience d’actrice avaient fini par servir à quelque chose dans la vraie vie, songea-t-elle. Elle se fit couler une tasse de café et entra dans le bureau de Mark pour qu’il lui dise où il en était. Le décalage horaire avait joué en leur faveur (il était six heures de plus en Espagne) : il avait déjà réservé un vol, trouvé le meilleur avocat et s’était arrangé pour que l’homme quitte son domicile de Madrid et retrouve Jennifer à Séville quand elle arriverait le lendemain après-midi. Il était trop tôt pour appeler les contacts de Mark au sein du Département d’État, mais il lui assura qu’il le ferait dès l’ouverture des bureaux.

    Elle alla se doucher. Sans raison, elle commença à penser à l’époque où elle était enceinte d’Emma. C’était sa première grossesse ; elle s’inquiétait des choses dont on parlait autour d’elle : le spectre du baby blues, la peur de ne pas s’attacher au bébé. Ensuite était venu le temps des grandes décisions : crèche ou nounou, la maternité à temps plein ou la poursuite de sa prometteuse carrière d’actrice. Bien sûr, les douleurs de l’enfantement lui faisaient peur, mais elle avait quand même insisté pour accoucher naturellement, sans épidurale ni aucun médicament. Elle avait senti la douleur. Elle se rappelait qu’elle pressait la main de Mark tout en poussant comme une forcenée, jusqu’au moment où elle avait supplié l’obstétricien de lui donner des analgésiques.

    — Trop tard, avait-il répondu tandis qu’Emma venait au monde dans une explosion de souffrances.

    Mais ses inquiétudes avaient disparu dès que l’infirmière avait déposé le bébé dans ses bras. Elle l’avait regardé, avait compté les doigts de ses mains et de ses pieds, s’était émerveillée de sa perfection miraculeuse, et elle avait éprouvé un amour si farouche et si protecteur, un lien du sang si total, et une telle montée d’hormones, qu’elle avait su que jamais elle ne quitterait cet enfant. Cette apesanteur avait duré un bon moment, et c’est ainsi que son ancienne vie s’était achevée et que Jennifer avait commencé la suivante.

    Elle se souvenait qu’il était dur de ne pas exclure Mark. Tout à coup, son seul centre d’intérêt était son bébé. Elle voulait que tout soit parfait, et il fallait qu’elle contrôle tous les aspects de la vie du bébé. Elle rechignait à lui laisser certaines choses : elle choisissait elle-même ses vêtements, elle apaisait ses pleurs, la berçait pour l’endormir. Pourtant, elle savait que reléguer Mark à un rôle secondaire était mauvais pour lui, mauvais pour leur couple, mauvais pour son lien avec sa fille, et cela lui rendait difficile d’offrir l’aide et le soutien dont elle avait besoin. Elle avait essayé de le faire participer, de partager certains soins, certaines décisions, mais pour finir il était retourné à son travail et elle était restée à la maison, où elle était devenue le centre de la vie familiale. Le schéma s’était reproduit à l’arrivée de leur deuxième enfant ; il s’était même renforcé par le poids des habitudes. Mark était si occupé à essayer de devenir un associé dans son bureau, il voyageait tout le temps, restait tard au travail… Il fallait bien quel quelqu’un assume la famille, et elle pensait qu’il lui était reconnaissant de le faire. Il jouait avec les enfants, donnait son avis quand elle le consultait, les accompagnait dans les sorties que Jennifer préparait et assistait aux goûters d’anniversaire qu’elle organisait. Les enfants l’adoraient, songea-t-elle avec satisfaction. Il avait une aura aussi réconfortante et fiable que la lune. Mais dans le petit univers de la famille, Jennifer, elle, était le soleil.

     

  • [Livre] Dans de beaux draps

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    Résumé : Jade Toussaint, 16 ans, s'apprête à prendre l'avion pour voir sa meilleure amie Clem qui vit au Québec. Mais la voiture est coincée dans les embouteillages. Cela donne le temps à Jade d'apercevoir, dans une laverie, Rodolphe, son demi-frère qu'elle n'a pas vu depuis deux ans. La jeune fille se souvient... Rodolphe est arrivé un soir, quasi à l'improviste. Il a expliqué qu'il était le fils d'Eric, le beau-père de Jade, et qu'il allait rester chez eux pendant un moment.

    Il a suffi que Jade mette sur son compte Facebook une photo de lui endormi dans son lit pour que le cercle vicieux du mensonge commence. Afin de gagner en popularité, Jade fait croire à tout son collège qu'elle sort avec Rodolphe, beau jeune homme d'une vingtaine d'années. En l'espace de quelques semaines, la situation de la jeune fille vire au cauchemar... Les remarques féroces et les insultes fleurissent sur son mur.

    Un groupe est même créé et il porte un nom sans équivoque : Pas besoin d'avoir 20 ans pour se faire la petite Jade.

     

    Auteur : Marie Colot

     

    Edition : Alice Tertio

     

    Genre : jeunesse

     

    Date de parution : 29 Octobre 2015

     

    Prix moyen : 12€

     

    Mon avis : J’aime bien l’écriture de l’auteur. Elle écrit à la première personne, se mettant ainsi dans la peau de Jade, et réussi le pari d’avoir une écriture addictive tout en donnant l’impression qu’on lit bien les mots et pensées d’une adolescente.
    J’ai trouvé la famille de Jade agaçante pour le peu qu’elle nous en parle. Je trouve que sa mère a tendance à se plaindre de sa famille nombreuse et à se décharger de ses deux plus jeunes garçons sur Jade, la seule de ses filles à être disponible pour du baby-sitting, quoique contre son gré. C’est un peu comme si elle avait trouvé très amusant de faire 4 gosses de 4 pères différents mais que les gérer au quotidien était beaucoup moins drôle.
    Jade est une gamine de 14 ans comme les autres, à la recherche d’un peu de popularité. Elle se sent seule dans cette famille ultra recomposée dont elle ne supporte pas les membres excepté sa mère, son demi-frère Victor et le chien de la famille. D’ailleurs on remarque qu’elle ne parle jamais de ses sœurs ou de ses frères, elle précise toujours : demi-sœur, demi-frère, sœur par alliance… On voit qu’elle met une distance entre elle et eux. Sans compter que sa meilleure amie a déménagé au Canada et que leurs échanges se réduisent comme peau de chagrin.

    Alors l’arrivée de Rodolphe, le fils inconnu de son beau père, véritable demi-dieu aux yeux de l’adolescente, est une véritable bouffée d’air pur.
    Son mensonge semble innocent au début, juste de quoi se faire mousser un peu. Mais, avec la réaction des autres élèves, que ce soit par jalousie (comme Marion) ou par dépit (comme Nathan qui s’était de toute évidence fait des illusions sur les sentiments de Jade pour lui et supporte mal le rejet), cela prend des proportions énormes et tourne au véritablement harcèlement de la gamine. Et comme elle ne veut pas qu’on découvre son mensonge, elle ne peut pas se plaindre à sa mère de ce qui se passe.
    Rodolphe est très mystérieux : il reste secret sur ses déplacements, sur la raison de sa présence… Jade découvre des noms, des numéros de téléphone, et le mystère s’épaissit. En plus, à force de raconter des cracks sur elle et Rodolphe, Jade fini par se prendre au jeu et à imaginer une histoire entre eux, malgré la différence d’âge.
    Pour donner plus de corps et de réalisme à l’histoire, le récit est émaillé de « capture » d’écran de facebook, montrant les statuts et commentaires que lit Jade sur le réseau social.

    Pour nous aussi les choses sont mystérieuses car on ne les découvre que petit à petit.

    Le roman débute deux ans après les faits, en 2015, alors que Jade a pris un certain recul sur l’histoire. Les chapitres se déroulant en 2013 sont donc les souvenirs de Jade. D’ailleurs les chapitres « 2015 » sont narrés au présent alors que les chapitres « 2013 » le sont au passé.

    J’ai trouvé la fin sans surprise car le récit nous emmenait lentement mais sûrement vers ce dénouement.
    Ce roman a beau être court, il était intense et je l’ai lu d’une traite, sans pouvoir le poser.

     

    Un extrait : Ma petite théorie, c’est que les catastrophes surgissent pile au moment où on les attend le moins. Comme une crise cardiaque aux toilettes, un tremblement de terre lors d’un bain de soleil ou un morceau de gâteau coincé dans le gosier d’une vieille dame le jour de ses cent ans. Moi, j’ai seize ans et je frôle l’étranglement, l’asphyxie et l’arrêt du cœur en même temps.
    Rodolphe est là, à quelques mètres de moi, derrière la vitre du salon-lavoir. J’ai mal aux yeux tellement je les écarquille. J’aurais été moins surprise de me noyer dans ses gouttes de pluie que d’apercevoir sa silhouette au milieu des bulles de savon autocollantes de la devanture du Raton-Laveur.
    Il y avait autant de probabilités de tomber sur lui que sur le président des Etats-Unis dont Eric écoute les déclarations aux infos. Mon beau-père préfère le désastre à la musique. Il est 8 heures 30 et il monte le son de l’autoradio. Il ne rate jamais une miette de l’actualité, histoire de s’indigner de l’avenir alarmant du monde.
    Là, c’est plutôt le mien, d’avenir, qui m’inquiète. Je ne parviens pas à détacher mon regard de Rodolphe qui fourre son linge dans une machine. Il faut absolument que cette voiture avance avant que mes souvenirs m’étouffent.
    J’essaie de me concentrer sur la voix du journaliste qui annonce pour la dixième fois de la matinée les dernières nouvelles avec une vois presque guillerette. Il communiquerait le prix de la promo de la semaine sur les mandarines avec le même enthousiasme. Un fruit ou une bombe, pour lui, c’est pareil. Pas pour moi : j’en ai une sous le nez qui me déchire sans même exploser.
    Rodolphe fait sa lessive à deux pas de moi. Je n’y crois pas, vraiment ! Pourtant, c’est lui. Mal rasé, avec ses cheveux bouclés plus courts qu’à l’époque. C’est dingue qu’il me fasse toujours autant d’effet.

     

  • [Livre] La fille seule dans le vestiaire des garçons

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    Résumé : Marion est une adolescente qui vit avec un petit frère étonnant (incapable de se taire mais apte à tenir plusieurs sujets de conversation simultanément) et sa mère. Son père les a abandonnés brutalement, laissant une famille désœuvrée, une ex-épouse branchée à son site de rencontres et des enfants en manque de repère. Au collège, Marion est étiquetée "Intello". Bonne élève de 3e, sérieuse, passionnée par la musique, joueuse de guitare, chanteuse et compositrice. Relativement isolée, sa vie amoureuse est aussi désertique que celle de sa mère est mouvementée.
    Enzo, beau gosse populaire dans l'établissement, s'amuse à la draguer. Marion reste froide à ses provocations. Mais un jour, à la fin des cours, les choses dérapent. Enzo dépasse les bornes, Marion se défend et écorne à la fois l'image et l'entrejambe de l'adolescent. A partir de là, une escalade commence. De basses vengeances en règlement de compte, les choses dégénèrent.

    Auteur : Hubert Ben Kemoun

     

    Edition : Flammarion

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 27 Avril 2013

     

    Prix moyen : 13€

     

    Mon avis : Enzo c’est le type même de gosse (parce que ne lui en déplaise, c’est un gosse) qu’on a envie de fracasser contre un mur et ses parents avec lui. Parce qu’on n’atteint pas ce niveau de provocation envers les profs et d’actes répréhensibles (racket, harcèlement) avec ses camarades sans avoir une éducation d’enfant roi à la maison.
    C’est le genre d’ado qui, s’il n’est pas remis à sa place, là, quand il a 15 ou 16 ans, sera probablement condamné pour viol dans les 10 ans qui suivent. Car si on refuse le « non » d’une fille pour un baiser à 15, quel « non » refusera-t-on à 25 ans ?
    Marion est une jeune fille fragile. Depuis le départ brutal (et pas très glorieux) de son père, elle voit sa mère se plonger dans les sites de rencontre et ramener tocard sur tocard, ce qui la rend hostile envers toute la gent masculine.
    Alors quand Enzo, vexé par les rebuffades, l’embrasse de force, la réaction de Marion est immédiate : elle cogne et écorne l’orgueil du petit coq auquel personne ne tient jamais tête. Lui et ses copains sont bien décidés à se venger, à trois ou quatre contre une, comme les lâches que sont toujours ces petits caïds.
    Marion se sent seule, elle ne pense pas pouvoir se confier à sa mère, son frère, quoique très intelligent, est trop jeune pour saisir tous les problèmes auxquels est confronté sa sœur et de toute évidence le personnel du lycée ne traite pas le problème que pose cette petite bande avec beaucoup de sévérité.
    Le livre montre ensuite l’escalade dans la violence qui peut se produire quand une victime de harcèlement, même isolée, décide de ne pas se laisser faire par ses agresseurs sans pour autant en parler.
    Même s’il ne comprend pas tout, ce qui donne parfois des phrases assez drôles quand il se trompe de mot, Barnabé semble être celui qui a le plus d’empathie. Mais qu’est ce qu’il est difficile à suivre… Si c’était mon frère, j’aurais autant envie de lui faire des câlins que de l’étrangler.
    J’ai trouvé que la fin était « jolie » mais je déplore qu’il n’y ait pas eu un accent plus marqué sur les conséquences des actes de chacun des protagonistes. De ceux des harceleurs, bien sûr, mais aussi de ceux de Marion, car si sa première réaction (quand Enzo l’embrasse malgré son refus) est légitime, elle n’agit ensuite que par vengeance. Or la vengeance n’est jamais la solution appropriée.
    D’ailleurs, même si sa mère est dans son monde, dans la recherche d’un compagnon, on peut voir qu’elle peut se plier en quatre et rameuter la moitié de la ville pour protéger ses enfants.
    L’écriture de ce livre reste agréable et l’auteur a su capter avec beaucoup de justesse ce qui peut se passer dans la tête d’une adolescente mal dans sa peau, isolée, et affublée de l’insulte suprême chez des collégiens « l’intello ».

     

    Un extrait : Enzo avait commencé très fort, ce jour-là.

    J’aurais dû faire attention, depuis quelques jours, il attaquait sans cesse, mais je n’y avais pas porté plus d’intérêt que ça. Ce lundi, il a vraiment mis toute la gomme.

    Cela avait débuté dès le matin, avec des petites piques lourdes et assez lamentables. J’avais fait mine de ne pas les entendre. Les blagues d’Enzo sur les filles étaient rarement fines et elles ne méritaient jamais qu’on s’y attarde. Il avait continué dans la file de la cantine, en me demandant si je ne préférais pas un repas en tête à tête aux chandelles dans un bon resto, plutôt que le bœuf bourguignon qu’on nous servait au self.

    — Je suis au régime des garçons dans ton genre ! avais-je répliqué en laissant passer mon tour et une quinzaine d’élèves pour m’éloigner de lui et de ses copains si facilement hilares.

    Il m’avait fichu la paix, et je croyais être débarrassée de ce lourdaud quand il a réattaqué de front.

    C’était juste avant notre dernière heure de cours. Espagnol. L’horreur absolue !

    — Marion, je parie que quand on tape « jolie » sur Internet, on trouve ta photo !

    J’aurais pu sourire. Une autre que moi aurait souri. En temps de pénurie d’amour, un compliment émanant du plus beau garçon de la classe pouvait se goûter avec plaisir. Mais pas pour moi.

    Je me suis contentée de lui décocher une grimace amusée. Faussement amusée, comme je savais si bien le faire. Les autres nous observaient toujours avec curiosité.

    — Ou alors « séduisante » ou « craquante ». Ça marche aussi, je suis sûr.

    Enzo était le genre de garçon qui ne savait jamais s’arrêter à temps. C’était un de ses nombreux problèmes. Il freinait trop tard, et souvent après s’être payé le mur.

    — Ou bien « folle dingue d’Enzo »… Sur Wikipédia, ils renvoient tout de suite à toi…

    — OK, Enzo, et quand on clique sur « gros lourd », on tombe sur ta tronche et tes mensurations ? j’ai demandé, histoire de lui faire comprendre qu’il était largement temps qu’il me lâche.

    Mauvaise idée. Très mauvaise.

    — Mes mensurations ? Mais poupée, si tu veux connaître mes mensurations, faut pas taper ou cliquer… faut tâter ! il a osé répondre bien fort pour continuer à placer les ricaneurs dans son camp.

    C’est le « poupée » que j’ai mal supporté. Très mal ! Et pourtant, je suis certaine qu’il avait fait un effort en usant pas le « pouff » ou le « meuf » qui sortaient à longueur de temps de sa bouche.

    — Lâche-moi, Enzo, c’est pas sur Internet que je vais taper !

    — Pas taper, Marion, tâter ! Tu confonds ! Pour une super intello comme toi, c’est étonnant, a-t-il fait fièrement, histoire de ne pas me laisser le dernier mot.

    Là encore, une autre que moi aurait laissé couler et se serait contentée de hausser les épaules pour abandonner Enzo à ses vannes à deux balles, et entrer dans la salle de cours. Mais la prof était en retard, et puis j’ai toujours beaucoup de mal à être une autre que moi, et enfin Enzo me barrait volontairement le passage, sa main posée sur le chambranle de la porte avec une fermeté de propriétaire.

    — J’ai rêvé de toi cette nuit, j’ai dit d’un air sérieux.

    — Oui ? il a fait, surpris et déjà triomphant.

    — Ouais, c’était étonnant. Tu nageais et tu étais nu… Tout nu…

    La grimace d’Enzo s’est un peu rectifiée. L’idée que je sois en train de lui préparer une sale blague l’a effleuré, mais il n’arrivait pas à s’arrêter d’espérer.

    — Nu ? Alors, Marion, tu es au courant de tout au sujet de mes mensurations exceptionnelles ! il a lancé toujours aussi fort et toujours aussi fièrement.

    — Ben non ! Tu ne nageais pas vraiment, tu flottais plutôt. Tu flottais en rond, et ça durait, ça durait. Et puis j’en ai eu marre… Et j’ai tiré la chasse !

    Enzo a encaissé en éclatant de rire très fort, vraiment très fort. Je crois qu’il voulait surtout couvrir de son rire gras les éclats si joyeux des autres qui m’accordaient la victoire et le tournaient en ridicule.

     

  • [Livre] Ne pars pas sans moi

    Les lectures de Gribouille et moi-même participons à un challenge.
    Ce challenge consiste à sélectionner trois livres dans la PAL de notre binôme. Celui-ci choisi lequel des trois il lira et chroniquera. Les lectures de Gribouille et moi avons choisi de lire les trois livres que chacune a choisis pour l'autre (c'est qu'on a une PAL assez conséquente à faire descendre!)

    Ce livre est le troisième et dernier que m'a choisi Les lectures de Gribouilles dans le cadre du challenge Livra'deux sur livraddict. Pour sa part je lui avais choisi La nostalgie de l'ange d'Alice Sebold dont vous trouverez la chronique ICI

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    Résumé : Une joyeuse sortie en forêt. Le désir d'une mère de rendre son enfant indépendant en le laissant marcher quelques mètres devant elle. C'est ainsi que Rachel décrit le moment où Ben, son fils de huit ans, a disparu. Les médias relaient cette version, comme l'image de Rachel éplorée et prête à tout pour retrouver son fils. Alors qu'une chasse à l'homme est lancée pour retrouver Ben, elle doit faire face au chagrin, à la peur, mais aussi à la suspicion qui entoure son histoire : Rachel est-elle une bonne mère ? N'est-elle pas fautive, elle qui a laissé son fils marcher seul dans la forêt ?
    Bientôt, le soupçon se transforme en violence : Rachel est soumise à la vindicte populaire et à l'acharnement aveugle des réseaux sociaux. Sur la toile, les blogueurs se déchaînent et, sur les murs de sa maison, les tags l'accusent sans merci.
    Dans l'attente de nouvelles, rongée par le doute, assaillie par ceux qui la croient coupable et alors que ces dernières certitudes s'écroulent, elle ne sait plus quoi faire. Attendre patiemment que les forces de l'ordre lui ramènent son fils ou suivre son instinct et mener elle-même son enquête ?

     

    Auteur : Gilly MacMillan

     

    Edition : Les escales

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 04 février 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Tout le livre est écrit à la première personne mais en alternant les points de vue de Rachel, la mère du petit disparu et de Jim, l’inspecteur chargé de l’affaire. Intercalés entre ces récits, on peut lire les gros titres des journaux, les pages web, les commentaires d’internautes, les blogs, les mails reçus par la police, ainsi que la transcription des séances de psychothérapie que suit Jim un an après les faits.
    Le livre s’ouvre d’ailleurs sur deux courts chapitres, de chacun des deux narrateurs, plus d’un an après les faits, sans que rien dans ces deux chapitres ne nous donne d’indices sur le sort de l’enfant : a-t-il été retrouvé ou non ? Est-il vivant ou mort ? Mystère.

    Du coté des personnages, j’ai bien aimé Rachel et, bizarrement John, le père de Ben.
    Rachel c’est évident, on ressent de l’empathie pour elle. Non seulement son fils a disparu, probablement kidnappés, mais la police la prie de rester à l’écart, la tiens peu informée du déroulement de l’enquête et elle n’a rien d’autre à faire qu’attendre et se ronger les sangs. De plus, les messages sur les réseaux sociaux, de gens qui n’ont pas de vie et se posent en Sherlock Holmes alors qu’ils ne connaissent pas les détails de l’affaire, ainsi que les journaux, se montrent particulièrement odieux envers elle.
    Pour John, c’est plus compliqué. Il n’a à prime abord rien de vraiment sympathique : il a quitté le domicile conjugal du jour au lendemain, sans prévenir, pour s’installer avec une autre femme. Mais, pour le peu qu’on le voit, même s’il a parfois des mouvements d’humeur contre son ex-femme, il fait globalement front avec elle non seulement dans l’angoisse mais aussi contre les horreurs qu’on dit sur elle et contre les suspicions de la police (ce qui est normal, dans ce genre d’affaire, tout le monde est suspect).

    J’ai moins apprécié les membres de la police. Rachel ne réagissant pas comme un bon petit soldat stoïque et obéissant, ils n’écoutent que d’une oreille les infos qu’elle leur transmet, comme s’ils l’avaient définitivement classée dans la catégorie des hystériques qu’il faut ignorer. Ils semblent en oublier qu’elle est la mère de l’enfant disparu, celle qui le connaît le mieux, celle qui est le plus à même de remarquer des détails qui ne collent pas sur l’emploi du temps et les fréquentations de son fils.
    J’ai vraiment pensé que l’affaire aurait été réglé bien plus vite, quelque en soit l’issue, s’ils avaient été un peu plus attentif aux dires de cette maman.

    La sœur de Rachel aussi m’a agacée. Elle se lance dans l’affaire comme si elle en tenait les rênes, disant à Rachel ce qu’elle doit faire, les questions qu’elle doit poser à la police, ce qu’il vaut mieux garder pour soit… Je l’ai trouvé très énervante dès les premières pages, quand Rachel raconte son divorce et la réaction de sa sœur quand elle lui annonce le départ de son mari.

    J’ai aussi apprécié que, pour une fois, l’action ne se déroule pas aux USA, mais en Angleterre. Les manières de fonctionner ne sont pas les mêmes, même si le plan Alerte enlèvement existe aussi. Mais ici, pas d’agent fédéraux en renfort, la police doit se contenter de ses moyens, qu’ils soient financiers ou humains ce qui est très frustrant à la fois pour les parties que pour le lecteur.

    Parfois, Rachel apostrophe directement le lecteur et on regrette presque de ne pas pouvoir lui répondre, l’assurer qu’on ne fait pas parti de la bande de charognard qui s’acharne sur elle, qu’on est de tout cœur avec elle et qu’on la soutient.

    On a les indices au fur et à mesure que la police les découvre et franchement, tout comme eux, je n’aurais pas trouvé le coupable avant le moment où ils l’ont effectivement découvert. J’avais pensé à beaucoup de scénarios, mais franchement pas à celui-ci. J’ai vraiment été bluffé.

    Alors qu’il s’agit d’un livre d’un peu plus de 600 pages, je l’ai lu en une journée à peine, ce qui vous donne une idée d’à quel point il m’a plu. C’est mon sixième coup de cœur de l’année (largement dominée par les coups de cœurs policiers !)

    Un extrait : Mon ex-mari s’appelle John. Sa nouvelle femme, Katrina. Elle est menue et sa silhouette incite la plupart des hommes à la dévorer des yeux. Ses cheveux châtain foncé paraissent toujours soyeux comme après une couleur, ou comme ceux des mannequins des magazines. Ils sont coupés au carré et coiffés avec soin autour de son visage de lutin de façon à encadrer sa bouche mutine et ses yeux noirs.
    Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, lors d’une réception à l’hôpital organisée par mon mari, des mois avant qu’il parte, j’ai admiré ces yeux. Je les ai trouvés vifs et pétillants. Ils lançaient des étincelles, jaugeaient, se faisaient séducteurs, aguicheurs, charmeurs. Mais après que John nous a quittés, ils m’ont évoqué ceux d’une pie voleuse – perçant et sournois -, qui pille le trésor des autres pour tapisser son nid.
    John a quitté la maison le lendemain de Noël. Il m’avait offert un iPad et avait offert un chiot à Ben. Ces cadeaux m’avaient semblé pleins d’attention et de générosité jusqu’à ce que je le regarde partir en marche arrière dans l’allée, des sacs bien empaquetés sur les sièges de la voiture tandis que le jambon cuit au four refroidissait sur la table de la salle à manger et que Ben pleurait car il ne comprenait pas ce qui se passait. Quand, finalement, je me suis retournée pour rentrer à la maison et commencer ma nouvelle vie de mère célibataire, j’ai compris que c’était des cadeaux dictés par la culpabilité : des choses pour remplir le vide qu’il laisserait dans notre vie.
    Les premiers temps, il est vrai qu’ils nous ont occupés, mais peut-être pas comme John en avait eu l’intention ? Deux jours après Noël, Ben s’était approprié l’iPad et moi, grelottant, sous le choc, j’avais passé des heures dehors sous un parapluie – dans les chaussons Cath Kidston tout neufs que ma sœur m’avait envoyés pour Noël, trempés, couverts de boue -, pendant que le chien essayait de déterrer un pied de clématite alors que j’aurais dû l’encourager à faire ses besoins.
    Katrina a attiré John dans ses filets exactement dix mois avant la disparition de Ben. J’y voyais là un plan magistral qu’elle aurait mis à exécution : La Séduction et le Vol de Mon Mari. Je ne savais pas dans le détail comment leur histoire avait commencé mais j’y pensais comme à une intrigue digne d’une mauvaise série télé qui se passe dans le milieu hospitalier.

     

  • [Livre] La petite princesse de papa

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    Résumé : Cathy Glass, mère d’accueil, aime raconter les histoires de ses petits protégés avec toujours à cœur d’insuffler de l’espoir. Le jour où on lui confie Beth, la mission semble anodine : prendre soin de la petite fille pendant l’hospitalisation de son père. Mais très vite Cathy soupçonne une anomalie dans leur relation fusionnelle…

     

    Auteur : Cathy Glass

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : Le placement de Beth a eu lieu au début de la carrière en tant que mère d’accueil de Cathy Glass.
    Pas facile de gérer un placement d’enfant avec deux enfants à soi de 2 et 6 ans et un mari qui est absent toute la semaine.
    Pas facile non plus de mettre des mots sur une impression vague, quoi que persistante, un certain malaise, sans aucune formation.
    Et encore moins facile de gérer une fillette déboussolée quand on obtient aucune information des assistantes sociales qui semblent penser que les familles d’accueil ne sont là que pour gérer le quotidien et n’ont pas à connaître les détails d’un dossier.
    Dans ce placement, parmi les premiers que Cathy a effectué, tout semble au premier abord très simple : un père, seul, sans famille, souffrant de dépression, a demandé à être admis à l’hôpital pour y être soigné. C’est une réaction très saine pour ce père qui, sentant qu’il n’allait pas bien, n’a pas voulu laisser la situation s’aggraver. Comme il n’a plus de famille, hormis un père très âgé vivant en maison de retraite et que la mère de sa fille les a abandonnés, la fillette doit être placée le temps des soins de son père.
    Ici, il est hospitalisé pour dépression, mais s’il avait été hospitalisé pour une hernie ou pour une appendicite, le résultat aurait été le même, la fillette aurait été confié temporairement à une famille d’accueil.
    Quand elle voit les photos et les vêtements de la fillette, Cathy ressent un malaise qu’elle n’arrive pas à définir. La maitresse d’école de la fillette et l’ancienne compagne du père semblent ressentir la même chose sans pour autant mettre des mots dessus.
    Cathy est inquiète mais ne sait pas comment réagir. Elle trouve que la fillette et son père ont une relation fusionnelle, trop fusionnelle, pas vraiment la relation que l’on attend entre un père et sa fille.
    Il va falloir un signalement aux services sociaux de la part de Cathy, puis de la maitresse et enfin un ressenti direct de l’assistante sociale de ce « malaise «  pour qu’une enquête soit diligentée par les services sociaux.
    Finalement, c’est à un sujet peu connu que vont être confronté les différents acteurs de l’histoire de Beth. Un sujet dans lequel j’ai du mal à trouver un coupable. Peut être y en t-il, mais j’ai eu plus l’impression d’être confronté à plusieurs victimes.
    Du coté de la vie personnelle de Cathy, j’ai trouvé que son mari John, est vraiment minable, surtout vers la fin du roman. Je l’ai trouvé arrogant et puéril. En revanche Cathy a fait preuve d’une grande dignité et d’une grande maîtrise d’elle-même.

    Un extrait : J’étais sur le point de croire qu’ils ne viendraient pas. L’assistante sociale s’occupant de Beth avait téléphoné dans l’après-midi pour m’informer qu’elle l’amènerait « vers l’heure du thé ». Il était 19 heures, l’heure du thé était passée depuis longtemps et Adrian, Paula et moi avions déjà dîné. Je préparerais quelque chose d’autre à manger si Beth arrivait. La nuit était froide et la petite Beth serait déjà assez contrariée d’avoir été séparée de son père, elle ne devait pas en plus souffrir de la fatigue et de la faim. Je savais que, dans le domaine de l’aide sociale, les plans changeaient souvent à la dernière minute, mais j’avais pensé que l’assistante sociale m’aurait appelée pour me tenir informée. Nous étions bien au chaud dans le salon, à l’arrière de la maison, les rideaux fermés nous protégeant de la nuit froide et noire. Paula et Adrian étaient assis par terre. Paula avait construit un château avec des cubes et Adrian feuilletait un livre illustré sur de vieilles voitures et motos, un cadeau de Noël qu’il avait reçu trois semaines plus tôt. Tosha, notre adorable et paresseux chat, était pelotonné sur sa chaise préférée.
    — Je croyais qu’une fille allait venir, s’enquit Adrian en levant les yeux de son livre.
    — Moi aussi, répondis-je. Peut-être que son père n’est pas aussi malade qu’on le croyait et qu’elle a pu rester chez elle.
    À six ans, Adrian avait déjà une idée de ce que l’accueil signifiait; d’autres enfants avaient séjourné chez nous. Paula, elle, n’était pas assez âgée pour comprendre, même si j’avais essayé de lui expliquer qu’une fillette de sept ans, appelée Beth, viendrait peut-être vivre chez nous pendant un temps. De cette enfant, à part son âge, je savais seulement qu’elle vivait avec son père, que celui-ci était malade et allait probablement être admis en hôpital psychiatrique. C’est tout ce que l’assistante sociale m’avait dit au téléphone et j’espérais en apprendre davantage quand elle amènerait Beth. Je me levai du canapé et rejoignis Paula pour l’aider à ranger ses briques.
    — C’est l’heure d’aller au lit, ma chérie, lui dis-je.
    — Mais je croyais qu’une fille allait venir, me répondit-elle en répétant les mots d’Adrian.
    C’était l’âge où elle copiait souvent son grand frère. J’entendis Adrian soupirer doucement.
    — Je ne pense pas qu’elle viendra maintenant, il est déjà tard.
    Mais à l’instant où je commençais à ramasser les cubes en plastique, la sonnette retentit, nous faisant tous sursauter. Les enfants me regardèrent, impatients. Comme mon mari John travaillait loin, j’étais assez prudente si l’on sonnait le soir. Laissant Adrian et Paula dans le salon, je me rendis dans l’entrée, pour regarder par le judas. Grâce à la lumière extérieure, je distinguai une femme et un enfant. Rassurée, j’ouvris la porte.
    — Désolée, nous sommes en retard, s’excusa immédiatement la femme. Je m’appelle Jessie, je suis l’assistante sociale de Beth. Nous nous sommes parlé au téléphone. Vous devez être Cathy ? Voici Beth.
    Je souris et regardai Beth, qui se tenait debout à côté de l’assistante. Elle portait un manteau d’hiver gris, boutonné jusqu’au col. Elle était pâle mais ses joues étaient roses et ses yeux gonflés d’avoir pleuré. Dans sa main, elle serrait un mouchoir qu’elle pressa sur son nez.
    — Oh! ma chérie, tu dois être tellement fatiguée et inquiète, dis-je. Entre donc.
    — Je veux mon papa, fit Beth, les yeux se remplissant de larmes.
    — Je comprends, lui répondis-je en lui touchant le bras d’un geste rassurant.
    Jessie aida Beth à franchir la marche et entra avec une très grosse valise.
    — Nous nous sommes arrêtées chez Beth pour prendre ses habits, expliqua-t-elle alors que je refermais la porte d’entrée. Cela a pris plus de temps que je le pensais. Beth a voulu ôter son uniforme d’écolière. Puis nous avons dû faire la valise. Elle s’inquiétait de son linge à laver et de la nourriture laissée dans le réfrigérateur. Je lui ai dit de ne pas s’en faire, qu’elle pourrait laver son linge ici et que tout irait bien à la maison.
    Je souris à nouveau à Beth.
    — Absolument, tu ne dois t’inquiéter de rien, je m’occuperai de toi, lui dis-je, même si je me demandais comment une fillette de sept ans pouvait penser à la lessive à faire et à la nourriture qui se perd. Veux-tu enlever ton manteau? Nous l’accrocherons ici, au portemanteau dans l’entrée. Beth commença à se déboutonner, puis laissa Jessie lui retirer son manteau.
    Je le suspendis et Jessie fit de même avec le sien.
    — Je veux être avec mon papa, répéta Beth.
    — Cela ne durera pas longtemps, la rassura Jessie, seulement jusqu’à ce que papa aille mieux.