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[Livre] La fille seule dans le vestiaire des garçons

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Résumé : Marion est une adolescente qui vit avec un petit frère étonnant (incapable de se taire mais apte à tenir plusieurs sujets de conversation simultanément) et sa mère. Son père les a abandonnés brutalement, laissant une famille désœuvrée, une ex-épouse branchée à son site de rencontres et des enfants en manque de repère. Au collège, Marion est étiquetée "Intello". Bonne élève de 3e, sérieuse, passionnée par la musique, joueuse de guitare, chanteuse et compositrice. Relativement isolée, sa vie amoureuse est aussi désertique que celle de sa mère est mouvementée.
Enzo, beau gosse populaire dans l'établissement, s'amuse à la draguer. Marion reste froide à ses provocations. Mais un jour, à la fin des cours, les choses dérapent. Enzo dépasse les bornes, Marion se défend et écorne à la fois l'image et l'entrejambe de l'adolescent. A partir de là, une escalade commence. De basses vengeances en règlement de compte, les choses dégénèrent.

Auteur : Hubert Ben Kemoun

 

Edition : Flammarion

 

Genre : Jeunesse

 

Date de parution : 27 Avril 2013

 

Prix moyen : 13€

 

Mon avis : Enzo c’est le type même de gosse (parce que ne lui en déplaise, c’est un gosse) qu’on a envie de fracasser contre un mur et ses parents avec lui. Parce qu’on n’atteint pas ce niveau de provocation envers les profs et d’actes répréhensibles (racket, harcèlement) avec ses camarades sans avoir une éducation d’enfant roi à la maison.
C’est le genre d’ado qui, s’il n’est pas remis à sa place, là, quand il a 15 ou 16 ans, sera probablement condamné pour viol dans les 10 ans qui suivent. Car si on refuse le « non » d’une fille pour un baiser à 15, quel « non » refusera-t-on à 25 ans ?
Marion est une jeune fille fragile. Depuis le départ brutal (et pas très glorieux) de son père, elle voit sa mère se plonger dans les sites de rencontre et ramener tocard sur tocard, ce qui la rend hostile envers toute la gent masculine.
Alors quand Enzo, vexé par les rebuffades, l’embrasse de force, la réaction de Marion est immédiate : elle cogne et écorne l’orgueil du petit coq auquel personne ne tient jamais tête. Lui et ses copains sont bien décidés à se venger, à trois ou quatre contre une, comme les lâches que sont toujours ces petits caïds.
Marion se sent seule, elle ne pense pas pouvoir se confier à sa mère, son frère, quoique très intelligent, est trop jeune pour saisir tous les problèmes auxquels est confronté sa sœur et de toute évidence le personnel du lycée ne traite pas le problème que pose cette petite bande avec beaucoup de sévérité.
Le livre montre ensuite l’escalade dans la violence qui peut se produire quand une victime de harcèlement, même isolée, décide de ne pas se laisser faire par ses agresseurs sans pour autant en parler.
Même s’il ne comprend pas tout, ce qui donne parfois des phrases assez drôles quand il se trompe de mot, Barnabé semble être celui qui a le plus d’empathie. Mais qu’est ce qu’il est difficile à suivre… Si c’était mon frère, j’aurais autant envie de lui faire des câlins que de l’étrangler.
J’ai trouvé que la fin était « jolie » mais je déplore qu’il n’y ait pas eu un accent plus marqué sur les conséquences des actes de chacun des protagonistes. De ceux des harceleurs, bien sûr, mais aussi de ceux de Marion, car si sa première réaction (quand Enzo l’embrasse malgré son refus) est légitime, elle n’agit ensuite que par vengeance. Or la vengeance n’est jamais la solution appropriée.
D’ailleurs, même si sa mère est dans son monde, dans la recherche d’un compagnon, on peut voir qu’elle peut se plier en quatre et rameuter la moitié de la ville pour protéger ses enfants.
L’écriture de ce livre reste agréable et l’auteur a su capter avec beaucoup de justesse ce qui peut se passer dans la tête d’une adolescente mal dans sa peau, isolée, et affublée de l’insulte suprême chez des collégiens « l’intello ».

 

Un extrait : Enzo avait commencé très fort, ce jour-là.

J’aurais dû faire attention, depuis quelques jours, il attaquait sans cesse, mais je n’y avais pas porté plus d’intérêt que ça. Ce lundi, il a vraiment mis toute la gomme.

Cela avait débuté dès le matin, avec des petites piques lourdes et assez lamentables. J’avais fait mine de ne pas les entendre. Les blagues d’Enzo sur les filles étaient rarement fines et elles ne méritaient jamais qu’on s’y attarde. Il avait continué dans la file de la cantine, en me demandant si je ne préférais pas un repas en tête à tête aux chandelles dans un bon resto, plutôt que le bœuf bourguignon qu’on nous servait au self.

— Je suis au régime des garçons dans ton genre ! avais-je répliqué en laissant passer mon tour et une quinzaine d’élèves pour m’éloigner de lui et de ses copains si facilement hilares.

Il m’avait fichu la paix, et je croyais être débarrassée de ce lourdaud quand il a réattaqué de front.

C’était juste avant notre dernière heure de cours. Espagnol. L’horreur absolue !

— Marion, je parie que quand on tape « jolie » sur Internet, on trouve ta photo !

J’aurais pu sourire. Une autre que moi aurait souri. En temps de pénurie d’amour, un compliment émanant du plus beau garçon de la classe pouvait se goûter avec plaisir. Mais pas pour moi.

Je me suis contentée de lui décocher une grimace amusée. Faussement amusée, comme je savais si bien le faire. Les autres nous observaient toujours avec curiosité.

— Ou alors « séduisante » ou « craquante ». Ça marche aussi, je suis sûr.

Enzo était le genre de garçon qui ne savait jamais s’arrêter à temps. C’était un de ses nombreux problèmes. Il freinait trop tard, et souvent après s’être payé le mur.

— Ou bien « folle dingue d’Enzo »… Sur Wikipédia, ils renvoient tout de suite à toi…

— OK, Enzo, et quand on clique sur « gros lourd », on tombe sur ta tronche et tes mensurations ? j’ai demandé, histoire de lui faire comprendre qu’il était largement temps qu’il me lâche.

Mauvaise idée. Très mauvaise.

— Mes mensurations ? Mais poupée, si tu veux connaître mes mensurations, faut pas taper ou cliquer… faut tâter ! il a osé répondre bien fort pour continuer à placer les ricaneurs dans son camp.

C’est le « poupée » que j’ai mal supporté. Très mal ! Et pourtant, je suis certaine qu’il avait fait un effort en usant pas le « pouff » ou le « meuf » qui sortaient à longueur de temps de sa bouche.

— Lâche-moi, Enzo, c’est pas sur Internet que je vais taper !

— Pas taper, Marion, tâter ! Tu confonds ! Pour une super intello comme toi, c’est étonnant, a-t-il fait fièrement, histoire de ne pas me laisser le dernier mot.

Là encore, une autre que moi aurait laissé couler et se serait contentée de hausser les épaules pour abandonner Enzo à ses vannes à deux balles, et entrer dans la salle de cours. Mais la prof était en retard, et puis j’ai toujours beaucoup de mal à être une autre que moi, et enfin Enzo me barrait volontairement le passage, sa main posée sur le chambranle de la porte avec une fermeté de propriétaire.

— J’ai rêvé de toi cette nuit, j’ai dit d’un air sérieux.

— Oui ? il a fait, surpris et déjà triomphant.

— Ouais, c’était étonnant. Tu nageais et tu étais nu… Tout nu…

La grimace d’Enzo s’est un peu rectifiée. L’idée que je sois en train de lui préparer une sale blague l’a effleuré, mais il n’arrivait pas à s’arrêter d’espérer.

— Nu ? Alors, Marion, tu es au courant de tout au sujet de mes mensurations exceptionnelles ! il a lancé toujours aussi fort et toujours aussi fièrement.

— Ben non ! Tu ne nageais pas vraiment, tu flottais plutôt. Tu flottais en rond, et ça durait, ça durait. Et puis j’en ai eu marre… Et j’ai tiré la chasse !

Enzo a encaissé en éclatant de rire très fort, vraiment très fort. Je crois qu’il voulait surtout couvrir de son rire gras les éclats si joyeux des autres qui m’accordaient la victoire et le tournaient en ridicule.

 

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