Résumé : Jade Toussaint, 16 ans, s'apprête à prendre l'avion pour voir sa meilleure amie Clem qui vit au Québec. Mais la voiture est coincée dans les embouteillages. Cela donne le temps à Jade d'apercevoir, dans une laverie, Rodolphe, son demi-frère qu'elle n'a pas vu depuis deux ans. La jeune fille se souvient... Rodolphe est arrivé un soir, quasi à l'improviste. Il a expliqué qu'il était le fils d'Eric, le beau-père de Jade, et qu'il allait rester chez eux pendant un moment.
Il a suffi que Jade mette sur son compte Facebook une photo de lui endormi dans son lit pour que le cercle vicieux du mensonge commence. Afin de gagner en popularité, Jade fait croire à tout son collège qu'elle sort avec Rodolphe, beau jeune homme d'une vingtaine d'années. En l'espace de quelques semaines, la situation de la jeune fille vire au cauchemar... Les remarques féroces et les insultes fleurissent sur son mur.
Un groupe est même créé et il porte un nom sans équivoque : Pas besoin d'avoir 20 ans pour se faire la petite Jade.
Auteur : Marie Colot
Edition : Alice Tertio
Genre : jeunesse
Date de parution : 29 Octobre 2015
Prix moyen : 12€
Mon avis : J’aime bien l’écriture de l’auteur. Elle écrit à la première personne, se mettant ainsi dans la peau de Jade, et réussi le pari d’avoir une écriture addictive tout en donnant l’impression qu’on lit bien les mots et pensées d’une adolescente.
J’ai trouvé la famille de Jade agaçante pour le peu qu’elle nous en parle. Je trouve que sa mère a tendance à se plaindre de sa famille nombreuse et à se décharger de ses deux plus jeunes garçons sur Jade, la seule de ses filles à être disponible pour du baby-sitting, quoique contre son gré. C’est un peu comme si elle avait trouvé très amusant de faire 4 gosses de 4 pères différents mais que les gérer au quotidien était beaucoup moins drôle.
Jade est une gamine de 14 ans comme les autres, à la recherche d’un peu de popularité. Elle se sent seule dans cette famille ultra recomposée dont elle ne supporte pas les membres excepté sa mère, son demi-frère Victor et le chien de la famille. D’ailleurs on remarque qu’elle ne parle jamais de ses sœurs ou de ses frères, elle précise toujours : demi-sœur, demi-frère, sœur par alliance… On voit qu’elle met une distance entre elle et eux. Sans compter que sa meilleure amie a déménagé au Canada et que leurs échanges se réduisent comme peau de chagrin.
Alors l’arrivée de Rodolphe, le fils inconnu de son beau père, véritable demi-dieu aux yeux de l’adolescente, est une véritable bouffée d’air pur.
Son mensonge semble innocent au début, juste de quoi se faire mousser un peu. Mais, avec la réaction des autres élèves, que ce soit par jalousie (comme Marion) ou par dépit (comme Nathan qui s’était de toute évidence fait des illusions sur les sentiments de Jade pour lui et supporte mal le rejet), cela prend des proportions énormes et tourne au véritablement harcèlement de la gamine. Et comme elle ne veut pas qu’on découvre son mensonge, elle ne peut pas se plaindre à sa mère de ce qui se passe.
Rodolphe est très mystérieux : il reste secret sur ses déplacements, sur la raison de sa présence… Jade découvre des noms, des numéros de téléphone, et le mystère s’épaissit. En plus, à force de raconter des cracks sur elle et Rodolphe, Jade fini par se prendre au jeu et à imaginer une histoire entre eux, malgré la différence d’âge.
Pour donner plus de corps et de réalisme à l’histoire, le récit est émaillé de « capture » d’écran de facebook, montrant les statuts et commentaires que lit Jade sur le réseau social.
Pour nous aussi les choses sont mystérieuses car on ne les découvre que petit à petit.
Le roman débute deux ans après les faits, en 2015, alors que Jade a pris un certain recul sur l’histoire. Les chapitres se déroulant en 2013 sont donc les souvenirs de Jade. D’ailleurs les chapitres « 2015 » sont narrés au présent alors que les chapitres « 2013 » le sont au passé.
J’ai trouvé la fin sans surprise car le récit nous emmenait lentement mais sûrement vers ce dénouement.
Ce roman a beau être court, il était intense et je l’ai lu d’une traite, sans pouvoir le poser.
Un extrait : Ma petite théorie, c’est que les catastrophes surgissent pile au moment où on les attend le moins. Comme une crise cardiaque aux toilettes, un tremblement de terre lors d’un bain de soleil ou un morceau de gâteau coincé dans le gosier d’une vieille dame le jour de ses cent ans. Moi, j’ai seize ans et je frôle l’étranglement, l’asphyxie et l’arrêt du cœur en même temps.
Rodolphe est là, à quelques mètres de moi, derrière la vitre du salon-lavoir. J’ai mal aux yeux tellement je les écarquille. J’aurais été moins surprise de me noyer dans ses gouttes de pluie que d’apercevoir sa silhouette au milieu des bulles de savon autocollantes de la devanture du Raton-Laveur.
Il y avait autant de probabilités de tomber sur lui que sur le président des Etats-Unis dont Eric écoute les déclarations aux infos. Mon beau-père préfère le désastre à la musique. Il est 8 heures 30 et il monte le son de l’autoradio. Il ne rate jamais une miette de l’actualité, histoire de s’indigner de l’avenir alarmant du monde.
Là, c’est plutôt le mien, d’avenir, qui m’inquiète. Je ne parviens pas à détacher mon regard de Rodolphe qui fourre son linge dans une machine. Il faut absolument que cette voiture avance avant que mes souvenirs m’étouffent.
J’essaie de me concentrer sur la voix du journaliste qui annonce pour la dixième fois de la matinée les dernières nouvelles avec une vois presque guillerette. Il communiquerait le prix de la promo de la semaine sur les mandarines avec le même enthousiasme. Un fruit ou une bombe, pour lui, c’est pareil. Pas pour moi : j’en ai une sous le nez qui me déchire sans même exploser.
Rodolphe fait sa lessive à deux pas de moi. Je n’y crois pas, vraiment ! Pourtant, c’est lui. Mal rasé, avec ses cheveux bouclés plus courts qu’à l’époque. C’est dingue qu’il me fasse toujours autant d’effet.