Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livres - Page 74

  • [Livre] Abraham et fils

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

     

    abraham et fils.jpg

    Résumé : Printemps 1963. Sur la Grand-Place de Tilliers-en-Beauce, une Dauphine jaune se gare à l'ombre du monument aux morts. Ses passagers reviennent de loin. Abraham est médecin et il cherche du travail. Son fils Franz n'a pas dix ans et aucun souvenir de leur vie passée. Bientôt, ils emménagent dans une maison trop grande pour eux. Ensemble et séparément, ils vont découvrir la France du Général, de la télévision d'État, du Canard Enchaîné, des commémorations et des secrets empoussiérés.

     

    Auteur : Martin Winckler

     

    Edition : POL

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 11 février 2016

     

    Prix moyen : 23€

     

    Mon avis : Le bon point de ce livre, c’est l’écriture. C’est le genre d’écriture qui fait que l’on ne peut pas poser le livre, même si on n’accroche pas vraiment à l’histoire.
    La narration alterne entre le point de vue de Franz, fils d’Abraham, amnésique depuis « l’accident » qui semble avoir couté la vie à sa mère, récit à la première personne, et le point de vue d’un narrateur quasi omniscient, dont on ne découvrira l’identité qu’à la fin du livre. Ce récit là est à la troisième personne.
    Les personnages principaux sont attachants, que ce soit Abraham qui couve son fils à l’extrême, Franz et sa passion de la lecture, Claire et sa fille Lucianne, qui viennent compléter la petite famille.
    En fait, les personnages secondaires sont, dans leur grande majorité, assez sympathiques aussi, excepté Gérald, le camarade de classe de Franz, une petite brute, et l’étrange homme qui parle à plusieurs reprise au jeune garçon, mais dont on ne sait rien.
    L’histoire se passe juste après la guerre d’Algérie, ce qui fait que, que ce soit entre les personnages, au travers de l’histoire du village ou encore lors des cours d’histoire que reçoit Franz à l’école, on parle beaucoup des deux guerres mondiales et des évènements en Algérie.

    La seconde guerre mondiale est la plus importante dans le livre car la plupart des personnages secondaires étaient présent et assez âgés pour comprendre ce qu’il se passait à cette période.

    En revanche, ce qui m’a dérangée dans ce livre c’est d’une part qu’on apprend à la fin qu’il doit y avoir une suite. Or, j’ai horreur de me plonger dans un livre sans savoir à l’avance qu’il y aura d’autres tomes. Je trouve que c’est prendre les lecteurs en otage.
    D’autre part, j’ai eu l’impression de perdre mon temps. On assiste certes à une très belle compilation de moments entre un père et son fils, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait un but à l’histoire. 568 pages sans réelle « histoire », sans but, sans « fin » digne de ce nom. Même s’il y a, à l’intérieur du récit principal, des histoires parallèles qui elles, trouvent leur résolution, j’ai eu l’impression de lire « pour rien »

    Un extrait : Commençons par leur apparition un beau jour de printemps, au début des années soixante, sur la Grand-Place de Tilliers, ma petite ville au milieu des blés.
    Enfin, quand je dis « leur apparition », c’est une image : ils sont arrivés en voiture.

    Et, pardon, j’ai oublié de vous le préciser : ce que je vous raconte, je n’en ai pas toujours été le témoin direct.
    J'en ai vu se dérouler la plus grande partie - l'essentiel, pour ainsi dire. Le reste, je le tiens de source sûre.
    Un jour, j’ai entendu parler d’individus à la mémoire infaillible, qui se souviennent de tout ce qu’ils ont vécu. Il n’y en a qu’une poignée sur toute la Terre, et ce sont surtout des femmes.
    Elles se rappellent précisément ce qu’elles ont fait le 14 juillet 1973 entre le bal et le feu d’artifice ; elles peuvent décrire les vêtements que portait la belle-mère du marié aux noces de leur meilleure amie ; elles sont capables de nommer tous les objets qu’elles ont mis en carton après la mort de leur père.
    Je suis un peu comme ces femmes-là. J’ai une très bonne mémoire. Pas parfaite – parfois, j’ai des trous -, mais bien meilleure, tout de même, que la plupart des gens.
    Je me souviens de tout ce qui s’est passé entre ces murs, de tout ce qui s’y est dit, de tout ce qui s’y est vu, de ce qu’on y a caché.
    Et je me souviens aussi de tout ce qu’on m’a raconté, de près ou de loin. C’est un bienfait et une malédiction.
    Quand on a une mémoire comme la mienne, on ne se rappelle pas seulement les faits et gestes, mais aussi les mots, les soupirs, les émotions. Surtout les émotions. Ces souvenirs-là sont les plus délicats, parfois les plus inconfortables.
    Et ils ne reviennent pas quand on l’a décidé : dans le grenier de ma mémoire, tout n'est pas rangé dans l'ordre, les épisodes jouent à cache-cache avec le temps. Certains sont devant, frais et vifs comme s'ils venaient d'être vécus. D’autres, assoupis au fond, se réveillent sans prévenir… Alors vous me pardonnerez si, parfois, je prends des chemins de traverse, si je vais et viens au point que vous ne savez plus de quand je parle, si je me répète de temps à autre, et si tout ce que je vous raconte n'est pas tout à fait dans l'ordre. Mes souvenirs se superposent et se chevauchent. Pour tout vous dire, les digressions, c'est un peu mon péché mignon.

     

  • [Livre] Ce qu'il nous faut, c'est un mort

     

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

    ce qu'il nous faut, c'est un mort.jpg

     

    Résumé : Trois garçons pleins d'avenir roulent à flanc de falaise.
    C'est la nuit du 12 juillet 1998, celle d'I will survive. Ce que la chanson ne dit pas, c'est à quel prix.
    Les Ateliers Cybelle emploient la quasi-totalité des femmes de Vrainville, Normandie. Ils sont le poumon économique de la région depuis presque cent ans, l'excellence en matière de sous-vêtements féminins, une légende – et surtout, une famille. Mais le temps du rachat par un fonds d'investissement est venu, effaçant les idéaux de Gaston Lecourt, un bâtisseur aux idées larges et au cœur pur dont la deuxième génération d'héritiers s'apprête à faire un lointain souvenir. La vente de l'usine aura lieu dans l'indifférence générale.
    Tout le monde s'en fout. Alors ce qu'il faudrait, c'est un mort.
    De la corniche aux heures funestes de Vrainville, vingt ans se sont écoulés. Le temps d'un pacte, d'un amour, des illusions, ou le temps de fixer les destinées auxquelles personne n'échappe.

     

    Auteur : Hervé Commère

     

    Edition : Fleuve noir

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 10 mars 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Avant toute chose, ce roman est présenté comme un polar et, quand on lit le résumé, on se dit qu’effectivement, on a affaire à un polar. Mais en fait non. Pour moi ce livre n’a rien d’un roman policier.
    Cela ne veut pas dire que je n’ai pas aimé ma lecture, loin de là, mais il est vrai que l’on est un peu déçu quand on ouvre un bouquin avec certaines attentes et qu’il n’y répond pas.
    Ce livre n’est donc pas un roman policier mais plutôt un roman contemporain à suspense. Je pense que j’aurais été plus déçu, et donc moins encline à apprécier ma lecture si on ne m’avait pas prévenu à l’avance.
    Après, coté lecture, rien à redire d’autre. Le style est clair, direct ; le rythme rapide, on n’a guère le temps de reprendre son souffle entre les évènements.
    Les personnages ne m’ont pas emballée. J’entends par là que je n’ai pas ressentie d’empathie particulière pour tel ou tel personnage, ni d’antipathie d’ailleurs, excepté pour le violeur dont on parle dans les premières pages (mais c’est un vrai tordu, on ne peut que le détester).
    Je ne sais pas si c’est une volonté de l’auteur, mais pour moi, le seul personnage qui fasse vibrer, c’est l’entreprise : les ateliers Cybelle. Car c’est autour de cette entreprise familiale que tourne l’histoire.
    Les péripéties des autres personnages ne semblent presque être faites que pour mettre l’entité Cybelle (entreprise et personnel) en avant.
    Parce que finalement c’est elle que l’on suit le plus, c’est en fonction d’elle que la majorité des décisions sont prises. C’est elle que l’on découvre de sa naissance à son déclin.

    On découvre l’histoire de l’entreprise et des personnages qui lui sont attachée au travers de trois époques : 1919, date de création de l’entreprise ; 1998 où l’on rencontre les personnages principaux et 2016 où l’histoire principale se déroule.
    La fin n’est pas explosive comme elle l’est souvent dans un polar ou un roman à suspense. Je dirais que ce n’est pas vraiment une fin dans le genre point final, mais juste la fin d’un moment dans la vie de personnes que le hasard a amené à se croiser et à vivre ensemble un certain temps.

    Ce n’était certes pas ce à quoi je m’attendais lorsque j’ai ouvert ce livre, mais une chose est certaine, je n’ai regretté à aucun moment de l’avoir ouvert.

    Un extrait : Un accident de voiture au milieu de la nuit, une naissance, le grand amour ou un viol, qui sait comment les choses arrivent ? Peut-être que tout ce qui va suivre n’est dû qu’à trois petits buts : nous somment le dimanche 12 juillet 1998 au soir et, depuis quelques heures, la France est championne du monde de football.
    Pour des raisons différentes, cette date va se graver dans les esprits de chacun des personnages de cette histoire. Ce qui se passera dans dix-huit ans dépend absolument de ce qu’ils vont vivre maintenant.

    Pour une jeune fille qui marche seule dans Nancy, rien ne sera plus jamais beau.
    Pour un jeune homme noir, athlétique et sans faille qui entre en discothèque en banlieue parisienne, cette nuit est celle où, à la surprise générale, à commencer par la sienne, il va se laisser dompter.
    En Normandie, près de Dieppe, pour l’instant occupés à se servir de grands verres de vodka, trois étudiants vont briser leur amitié, ainsi que leur avenir.
    Plus au sud, dans le Var, un bébé va venir au monde.
    Sur le pays entier se lève un formidable vent. Combien de temps soufflera-t-il ?

     

  • [Livre] La déposition

     

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

    la deposition.jpg

    Résumé : « Quand Guillaume Agnelet a quitté la barre, j'ai baissé la tête, je tremblais. Sur mon carnet j'ai griffonné mise à mort d'un homme. Deux jours après la déposition du fils, la cour d'assises a déclaré son père, Maurice Agnelet, 76 ans, coupable de l'assassinat de sa maîtresse et l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle. L'affaire avait trouvé son épilogue judiciaire.
    C'était l'histoire d'un secret de famille. Personne n'avait rien su, rien deviné. J'avais la scène sans les coulisses, la lumière sans les ombres. J'ai voulu comprendre. J'ai écrit une longue lettre à Guillaume Agnelet. Et tout a commencé."

     

    Auteur : Pascale Robert-Diard

     

    Edition : L’iconoclaste

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 20 janvier 2016

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Habituellement je lis très vite. Un livre de cette taille, 236 pages, je le lis généralement en une soirée. Mais ici, j’ai voulu prendre mon temps tant l’affaire est complexe.
    Parce qu’il y a les faits, bien sûr, que je vais rappeler, mais il y a surtout ce que l’on découvre dans ce livre, toute la dimension humaine qui a entourée ces près de 40 ans d’attente entre la disparition d’Agnès et la condamnation définitive de son meurtrier.
    Petit rappel des faits, car je me suis rendu compte en parlant du livre autour de moi que tous ne connaissaient pas l’affaire dont il est question. Petit rappel rapide, uniquement de la procédure judiciaire, ceux qui s’y intéressent trouveront de plus amples détails sans difficultés sur internet.
    En 1977, Agnès Le Roux, jeune femme assez fortunée, disparaît sans laisser de traces. Son corps ne sera jamais retrouvé. Très vite, les soupçons se portent sur son amant, l’avocat niçois Maurice Agnelet. Mais suite au témoignage d’une autre de ses maitresses, il bénéficie d’un non lieu en 1985. La maitresse en question ayant fourni l’alibi s’étant rétractée, Maurice Agnelet est remis en examen en 2000 et comparait devant les assises de Nice en 2006.
    C’est là que commence le récit de Pascale Robert-Diard. Sur ce procès qui s’ouvre près de 30 ans après les faits.
    L’affaire, on la suit de l’intérieur, l’auteur ayant bénéficié de l’éclairage du fils du meurtrier, Guillaume.
    Au travers les yeux de ce fils qui pendant plus de 30 ans a apporté un soutien sans faille à son père malgré sa conviction de sa culpabilité, on découvre Maurice Agnelet comme un homme arrogant, sûr d’échapper à la justice, méprisant envers tous et surtout envers ceux qui ne se « prosternent » pas devant lui.
    On cherche à comprendre ce qui a pu pousser ce fils modèle à « trahir » son père tout en louant son courage car il sait, avant même de prendre sa décision, qu’il se retrouvera seul contre tous.
    Devant les assises de Nice, Maurice Agnelet est acquitté. Le parquet fait appel. Renvoi est fait devant les assises d’Aix en Provence. Là il est condamné. 20 ans. Guillaume Agnelet peut respirer. Mais Maurice Agnelet se défend. Il saisi la Cour Européenne des droits de l’homme qui condamne la France en 2013. Un nouveau procès doit avoir lieu.
    Il se tiendra devant les assises de Rennes.
    C’est ce procès qui est le procès de trop pour Guillaume. Il craque et « déballe » tout ce qu’il sait. Son témoignage portera un coup fatal à son père. Son témoignage ou l’arrogance de cet homme qui n’a pas hésité à clamé devant sa famille que « tant qu’ils ne retrouvent pas le corps, je suis tranquille. Et le corps, je sais où il est. ».
    Pascale Robert-Diard nous livre une chronique judiciaire qu’on lit presque comme un roman, même si on ne s’y plonge pas aussi profondément car le style ne nous fait jamais oublier qu’il ne s’agit pas là d’un récit fictif, mais d’une véritable affaire et que Maurice Agnelet est un monstre tout ce qu’il y a de plus réel.
    Voilà d’ailleurs un petit bémol sur cette œuvre : A trop coller au style narratif qui éloigne un peu de la simple chronique judiciaire, j’ai trouvé que c’était par moment « trop long », et j’ai failli décrocher à une ou deux reprises. Je n’ai gardé le cap qu’en m’accrochant aux faits en m’efforçant d’occulter les pensées et sentiments du fils Agnelet.

    Un extrait : Il est le fils du milieu. L’aîné était brillant et épatait son père. Le dernier était handicapé et accaparait sa mère. Les premières années, la famille se serrait au premier étage du 13, cours Saleya à Nice, dans une bâtisse vieil ocre le long du marché aux fleurs, qui abritait l’appartement et le cabinet de maître Maurice Agnelet. L’avocat aimait le reflet de sa silhouette dans le miroir, ses longues jambes serrées dans une toile de velours ras, le pull fin à col romain qui lui rappelait le temps où il se rêvait séminariste et le hoquet de stupeur et d’indignation que provoquait, aux beaux jours, son arrivée au palais, les pieds nus dans des sandales dépassant de sa robe. Il attirait les garçons et plaisait aux femmes, espérait beaucoup de ses amitiés maçonniques, guignait la présidence de la Ligue départementale des droits de l’homme et appréciait que son épouse, Anne, ferme les yeux sur ses infidélités nocturnes.

    Guillaume était fasciné par l’épaisse porte capitonnée du cabinet de son père et par la mallette en peau de crocodile avec serrure à code qu’il avait rapportée de Suisse. Mais ce qu’il préférait, c’était sa moto, une vieille BMW 750 que Maurice Agnelet avait achetée aux Domaines lors d’une vente de matériel de la police et avec laquelle il venait parfois le chercher à la sortie de l’école.
    L’enfant se hissait à l’arrière, ses jambes de 7 ans trop courtes encore pour atteindre les cale-pieds. Le visage collé au dos de son père, il guettait le moment où, passé les faubourgs de la ville, la route devient étroite et serpente dans la montagne. A l’approche de chaque virage, dans l’odeur des pins brûlés de soleil et le sifflement du vent, Guillaume sentait la moto ralentir puis basculer comme si elle allait se coucher dans le fossé avant de se redresser sous l’accélération. Il fermait les yeux de peur et de plaisir en comptant les lacets qu’il leur restait à parcourir, serrait plus fort la taille de son père ; jamais il ne s’est senti plus proche de lui que dans ces moments-là.
    Leur maison se trouvait tout au bout de la route de mont Macaron. La cabane de cantonnier où ils passaient autrefois les dimanches était devenue une grande villa avec terrasse qui dominait toute la baie de Nice. Anne portait les cheveux longs et libres, elle coulait des bougies dans des pots en verre colorés en écoutant Jean Ferrat, Georges Moustaki ou Joan Baez et interdisait à ses fils d’approcher du métier à tisser à deux pédales qui trônait dans le salon. Bientôt, il y aurait une piscine et des fêtes auxquelles Maurice Agnelet, devenu vulnérable de sa loge et conseiller municipal, convierait chaque année plus de monde.
    Dans le jardin, les trois garçons jouaient à dévaler en hurlant le toboggan de métal dont le rouge commençait à faner au soleil. Thomas inventait des blagues qui le faisaient beaucoup rire.
    « Quelle est la différence entre un avion et une pomme de terre ? Réponse : l’avion il vole, et la pomme de terre, elle va dans la terre ».
    Jérôme, l’aîné, avait un privilège que Guillaume lui enviait. Son père l’emmenait une fois par semaine au cinéma voir des films « de grands ». Il avait promis aux deux cadets qu’il ferait la même chose avec eux, plus tard.

    Mais plus tard est arrivée « l’affaire ». Guillaume avait 8 ans. Il ne se souvenait pas que la brune souriante aux yeux noirs qui lui avait offert une glace un jour qu’elle raccompagnait Maurice Agnelet en voiture s’appelait Agnès. Ce n’est que bien après que ce prénom a envahit sa vie.

     

  • [Livre] Red Queen - T02 - Glass Sword

    glass sword.jpg

     

    Résumé : Mare Barrow a le sang rouge, comme la plupart des habitants de Norta. Mais comme les seigneurs de Norta, qui se distinguent par leur sang couleur de l’argent, elle possède un pouvoir extraordinaire, celui de contrôler la foudre et l’électricité. Pour les dirigeants de Norta, elle est une anomalie, une aberration. Une dangereuse machine de guerre.
    Alors qu’elle fuit la famille royale et Maven, le prince qui l’a trahie, Mare fait une découverte qui change la donne : elle n’est pas seule. D’autres Rouges, comme elle, cachent l’étendue de leurs pouvoirs. Traquée par Maven, Mare fait face à sa nouvelle mission : recruter une armée, rouge et argent. Aussi rouge que l’aube, plus rapide qu’un éclair d’argent. Capable de renverser ceux qui les oppriment depuis toujours.
    Mais le pouvoir est un jeu dangereux, et Mare en connaît déjà le prix.

     

    Auteur : Victoria Aveyard

     

    Edition : MSK

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 10 février 2016

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : J’ai retrouvé avec plaisir Mare et Cal dans ce second tome. On les suit après qu’ils aient échappés, à la fin du tome 1, au sort auquel les destinait Maven et Elara.
    A la fin de ce premier tome, Mare avait également appris qu’elle n’était pas la seule Rouge dotés de pouvoirs au travers du royaume.
    Mare doit apprendre à se blinder dans ce tome mais comme, contrairement à Maven et Elara, elle n’est pas une psychopathe, elle lutte pour ne pas sombrer sous le poids de la culpabilité. Contrairement à d’autres chroniques que j’ai pu lire, Mare ne m’a pas énervée. Il ne faut pas oublier qu’elle n’a que 16 ans et le poids de nombreuses morts sur la conscience, même si elle n’a jamais vraiment eu le choix. Au contraire, j’ai trouvé que ses hésitations, ses doutes, ses problèmes de conscience, la rendent encore plus humaine. Parce que oui, les ados de 16 ans qui doivent faire face à tout cela et qui restent de marbre, sans état d’âme, qui n’ont jamais envie de se rouler en boule et de se laisser aller à pleurer toutes les larmes de leur corps, ne sont pas normaux et ne m’inspireraient aucune sympathie. Les héros ne sont pas ceux qui agissent comme des robots sans faille. Tout comme le courage n’est pas l’absence de peur.
    En revanche, la garde écarlate, et particulièrement le Colonel, eux oui, ils m’ont énervée. Tout simplement parce qu’ils ne valent pas mieux que les dirigeants Argents : incapables de comprendre que certains Argents puissent avoir d’autres idées que leurs congénères, avide de pouvoir, prêt à détruire tous ceux qui sont différents (ou du moins à les emprisonner). Bref comme souvent, les deux camps semblent aussi méprisables l’un que l’autre.
    Kilorn aussi m’a énervée. Sa jalousie à peine voilée de ne pas avoir de pouvoirs qu’il tente de cacher sous un mépris des pouvoirs, son obsession à détester Cal, même quand celui-ci montre bien qu’il est de leur coté.
    Mare ne semble pouvoir faire confiance à personne, exceptés à une poignée plus que réduite de personnes, deviennent très vite pénibles.
    Au fil des pages, nous rencontrons de nouveaux personnages et Mare va découvrir que les pouvoirs de ses semblables sont étonnants, très différents de ceux qu’elle a rencontré chez les Argents. Mais si ces pouvoirs semblent plus puissants, il ne faut pas oublier que les « sang-neufs » ainsi que l’on appelle les Rouges avec pouvoirs sont moins entrainés que les Argents, qui exercent leurs pouvoirs depuis l’enfance.
    On voit peu Maven, ce qui est logique puisqu’on suit Mare et qu’elle ne cherche pas vraiment à être en sa présence, mais il fait quelques petites apparitions intéressantes.
    Ce tome met les convictions de Cal à rude épreuve. Car, bien qu’il ait été trahi par son frère et qu’il désire se venger, il ne souhaite pas de révolution, il ne veut pas changer l’ordre établit et les places respectives des Argents et des Rouges. Là, c’est toute son éducation, tout ce qu’on lui a toujours appris qu’il doit remettre en question, et ce n’est pas facile.
    Je m’attendais plus ou moins à une fin comme celle-ci, mais j’avoue qu’elle a dépassé toutes mes prévisions et que j’attends avec impatience le tome 3 pour voir comment l’auteur a prévu de dénouer la situation !

    Un extrait : Shade finit par s’arrêter brusquement, ses talons creusant une balafre dans la terre. J’en profite pour hasarder un regard alentour. Kilorn s’immobilise à notre hauteur, son fusil pointé vers le ciel, en vain. Personne d’autre ne nous a suivis. Je ne vois même plus l’avenue, ni les guenilles rouges se déplaçant à travers les ruines.

    Mon frère scrute les branches d’un œil noir, attendant que les avions s’éloignent.

    — On va où ? lui demandé-je, à bout de souffle.

    C’est Kilorn qui me répond.

    — Le fleuve. Puis l’océan. Tu peux nous emmener ? ajoute-t-il.

    Il pose brièvement les yeux sur les mains de Shade, comme s’il pouvait voir son don inscrit dans sa chair. Pourtant le pouvoir de mon frère reste, à l’image du mien, enfoui. Invisible tant que celui-ci n’a pas décidé de le dévoiler. Il secoue la tête.

    — Pas en un seul saut, c’est trop loin. Et je préfère courir, économiser mes forces.

    Son regard s’assombrit.

    — Pour quand on en aura vraiment besoin.

    Je partage son avis. Je suis bien placée pour connaître la fatigue qui suit l’utilisation de mon pouvoir, une fatigue jusque dans les os, qui interdit presque tout mouvement, sans parler de se battre.

    — Où emmènent-ils Cal ?

    Ma question arrache une grimace à Kilorn.

    — Ça ne pourrait pas m’être plus égal !

    — Eh bien ça ne devrait pas ! rispoté-je d’une voix que l’incertitude rend tremblante.

    Non, il a raison. Et tu devrais l’imiter. Si le prince est parti, tu ne dois pas le retenir.

    — Il peut nous aider à sortir de cette situation. Il peut combattre à nos côtés.

    — Il s’échappera ou nous tuera à l’instant où on lui en fournira l’occasion, cingle-t-il en arrachant son foulard pour montrer sa colère.

    Je vois aussitôt, dans mon esprit, le feu de Cal. Il détruit tout sur son passage, du métal à la chair.

    — Il aurait déjà pu vous tuer.

    Je n’exagère pas, et Kilorn le sait.

    — J’avais imaginé que vous vous seriez, par je ne sais quel miracle, lassés de vos chamailleries, lance Shade en s’interposant. Quelle naïveté de ma part !

    Kilorn marmonne une excuse entre ses dents serrées, pas moi. Je suis trop concentrée sur les avions, laissant leurs cœurs électriques battre contre le mien. Ils s’affaiblissent à chaque seconde, de plus en plus distants.

    — Ils s’éloignent. Si on veut y aller, c’est maintenant.

    Mon frère et Kilorn me considèrent avec la même perplexité, pourtant ni l’un ni l’autre ne proteste.

    — Par ici, dit Shade, pointant le doigt en direction d’un fourré.

    Un ruelle, presque invisible, s’insinue entre les arbres ; la terre a été balayée pour révéler la pierre et l’asphalte dessous. Une fois de plus, Shade me prend par le bras, et Kilorn s’élance devant nous, à une cadence soutenue.

    Les branches nous griffent, elles débordent au-dessus du chemin qui s’étrécit à tel point qu’il nous est bientôt impossible de courir côte à côte. Au lieu de me lâcher, Shade me serre plus fort que jamais. Soudain, je me rends compte qu’il ne me touche plus. C’est l’air tout autour qui se raréfie. Le monde se comprime le temps d’une seconde brûlante, noire. Puis, en un clin d’œil, nous nous retrouvons de l’autre côté du fourré, et nous nous retournons pour voir Kilorn émerger du massif gris.

    — Mais il était devant…, murmuré-je, déconcertée.

    Nous avançons au milieu d’une rue, le ciel et la fumée dérivent au-dessus de nos têtes.

    — Tu…

    Shade me sourit. Sa joie semble inconvenante dans ce contexte, avec le hurlement distant des réacteurs.

    — Disons que j’ai… sauté. Tant que tu ne me lâcheras pas, je pourrai t’emmener, précise-t-il avant de m’entraîner dans une ruelle voisine.

    Mon pouls se précipite à l’idée que je viens de me téléporter. Il serait presque possible d’en oublier notre situation critique. Les avions ne tardent pas à me la rappeler. Un autre missile explose au nord, abattant un bâtiment dans un fracas de tremblement de terre. Une vague de poussière s’engouffre dans la ruelle, nous recouvrant d’une nouvelle couche de gris. La fumée et le feu me sont devenus si familiers que je sens à peine leur odeur, même lorsque la cendre se met à tomber comme de la neige. Nos pieds y déposent des empreintes. Peut-être nos dernières traces…

    Shade sait où il se rend et il y va à un bon rythme. Kilorn n’a aucune difficulté à nous suivre, malgré le fusil qui le ralentit. Le détour nous a ramenés à l’avenue. À l’est, un tourbillon de lumière pénètre la poussière et la brume, apportant avec elle une bouffée d’air marin salé. À l’ouest, le premier immeuble touché par un missile évoque un géant écroulé et nous interdit toute retraite vers la station. Bris de verre, squelettes d’acier et étranges panneaux d’un blanc délavé se dressent tout autour de nous : un véritable palais en ruine.

    Qu’était-ce donc ? me demandé-je vaguement. Julian aurait la réponse.Le simple fait de penser à son nom m’est douloureux, et je repousse cette sensation. Quelques guenilles rouges filent dans l’atmosphère cendrée, et je guette une silhouette familière. Cal demeure pourtant invisible, ce qui me terrifie.

    — Je ne pars pas sans lui.

    Shade ne prend pas la peine de me demander de qui je parle. Il le sait déjà.

    — Le prince vient avec nous, je t’ai donné ma parole.

    Ma propre réaction me lacère le ventre.

    — Je ne te fais pas confiance.

    Shade est un soldat. Sa vie a été tout sauf facile et la souffrance lui est familière. Ce qui n’empêche pas ma réponse de le blesser profondément. Je le lis sur son visage.

    Je m’excuserai plus tard, me rassuré-je. S’il y a un plus tard… Un autre missile passe au-dessus de nos têtes, atteignant sa cible à quelques rues de là. Le coup de tonnerre de l’explosion ne masque pas le bruit plus effrayant qui monte tout autour de nous.

    Le martèlement rythmé de mille pieds.

     

  • [Livre] La véritable histoire de Noël

    la veritable histoire de noel.jpg

     

    Résumé : Au cœur de la Laponie, pays des neiges éternelles, le jeune orphelin Nicolas est recueilli par les habitants de son village. Mais ils sont tous trop pauvres pour pouvoir l’adopter. Le Conseil des Anciens prend alors une décision inédite : chaque année, le garçon sera pris en charge par une famille différente, et il en changera le jour de Noël.
    Avec une étincelle d’espoir et de joie de vivre, Nicolas décide de se consacrer à sa passion : fabriquer des jouets. Le garçon va ainsi raviver l’émerveillement au cœur de cette région glacée. Et pourrait bien être à l’origine d’une des plus belles légendes.

    Auteur : Marko Leino

     

    Edition : Michel Lafon

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 13 Novembre 2014

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : L’écriture est très agréable. Même si parfois les dialogues sont un peu formels et manquent de naturel, ça ne gêne pas vraiment parce qu’on est dans une légende racontée par un grand père à ses petits-enfants.

    Je m’attendais à une histoire assez gaie, vu qu’il s’agit d’expliquer Noël, le père noël, la tradition des cadeaux, etc… mais en fait, j’ai pleuré du début à la fin (alors ok, j’admets, en ce moment je suis fatiguée et je pleure pour un rien, mais tout de même !!).
    Parfois c’est un peu incohérent, comme toutes les légendes, comme quand un enfant de 1 an discute avec sa mère comme un enfant de 10 ans.
    L’histoire est sur le partage, sur le fait de donner sans rien attendre en retour. Mais ce qui m’a le plus marquée ce sont les deuils. La vie de Nicolas m’a semblé être un deuil permanent. Deuil de sa famille, de ses espoirs, de certaines amitiés…
    Nicolas n’a aucune notion du temps qui passe alors que toute son histoire est basée sur le temps avec comme point de départ (ou de fin selon de quel point de vue on se place) le jour de Noël. Comme on suit Nicolas, on en perd la notion du temps nous aussi, on ne le voit ni grandir, ni vieillir. Il reste le petit garçon de 5 ans qui a dû affronter le pire des deuils la veille de Noël.
    Nicolas va commencer à fabriquer de petits jouets en bois pour les enfants du village, en remerciement pour les soins que lui ont prodigués les parents lors de l’année écoulée. Cette petite manie va tourner à l’obsession et donner lieu à la plus grande légende ayant jamais existée.
    Il est intéressant de voir que chacun des éléments les plus importants de la légende du père noël a une explication non seulement parfaitement logique mais parfois loin d’être heureuse.
    L’histoire est composée de 24 chapitres, un pour chaque jour de l’avent. Le premier et le dernier chapitre sont consacrés au présent, aux deux petits garçons qui découvrent cette histoire et avec qui nous la découvrons également.

    La fin laisse songeur entre réalité et légende, on ne sait plus très bien ce qui est réel et ce qui relève de l’imagination.

    Un extrait : – Aada et Nicolas… murmura le grand-père, d’un air déconcerté. C’est étrange. Moi qui croyais que ce n’était qu’une légende.

    Étonnés, les deux frères observèrent leur aïeul.

    – Qu’est-ce qui n’est qu’une légende ? s’empressa de demander Tommi.

    – Une histoire racontée aux enfants dans la région depuis des lustres. On l’appelait La Véritable Histoire de Noël. C’est mon grand-père qui me l’a racontée pour la première fois, avant le Noël précédant mes quatre ans, expliqua le grand-père, incrédule devant le coffret reposant au creux de sa main. Même si j’ai dû l’entendre cinq ou six fois durant mon enfance, je l’avais presque oubliée avec le temps.

    – De quoi ça parle ? interrogea Tommi.

    – C’est une longue histoire, vous n’aurez pas le courage de l’écouter, soupira le grand-père.

    – Mais si ! Allez, raconte ! insistèrent les frères en tirant leur aïeul par les deux manches.

    – Montrez-moi d’abord où vous avez trouvé ce coffret, dit le grand-père en se levant. Emmenez-moi sur place.

    Le grand-père, Tommi et Ossi se retrouvèrent bientôt assis côte à côte sur le rocher d’où les garçons avaient plongé.

    Les deux frères observèrent le grand-père qui, étrangement, semblait ailleurs. Il caressait le couvercle du coffret qu’il tenait toujours à la main, tout en scrutant le large.

    – C’est donc ici, se dit le grand-père. Il était si proche, tout le temps. Et ce vieux pin desséché derrière nous… Tout concorde. C’est incroyable.

    – Allez, raconte ! s’écrièrent à l’unisson les garçons.

    – Bien, finit par acquiescer le grand-père. Je vous raconte La Véritable Histoire de Noël telle que mon grand-père me l’a narrée. Même si elle se racontait traditionnellement avant Noël. Dès le début du mois de décembre, un chapitre par soir, jusqu’à ce que l’histoire arrive à son terme, la veille de Noël.

    – Un peu comme un calendrier de l’Avent ! fit remarquer Ossi.

    – Un peu, reconnut le grand-père. Ça me fait drôle de vous la raconter en plein milieu d’une journée d’été. Mais peu importe, puisque vous n’aurez quand même pas la patience d’attendre jusqu’en décembre. À moins que si ?

    – Non, surtout pas ! s’exclamèrent les garçons.

    – C’est bien ce que je pensais, rit le grand-père avant d’indiquer de la main la ville située au nord. Il y a très, très longtemps, cette ville n’était qu’un petit patelin nommé Korvajoki et ne comptait que huit maisons. C’était l’époque où les gens vivaient essentiellement de la pêche. Mis à part ce village de pêcheurs, la région était à peine habitée. Sauf que… poursuivit le grand-père en se tournant de nouveau vers la mer… tous ne demeuraient pas au village. Il y avait aussi une famille qui habitait une île, précisa-t-il en désignant le large. Elle se trouve à peu près dans cette direction, à environ deux kilomètres, tout droit vers la haute mer. C’est un îlot, à peine plus grand qu’un rocher. À ma connaissance, plus personne n’y possède de chalet aujourd’hui, l’endroit est complètement désert.

    Les deux frères se tournèrent, pour regarder dans la direction indiquée par leur grand-père, et mirent leur main en visière. La mer baignée de soleil scintillait face à eux trois.

    – Alors, qui habitait cette île ? demanda Ossi.

    – Une modeste famille de pêcheurs du nom de Pukki. Ils étaient quatre : le père, Einari Pukki, son épouse, Alexandra, et leurs deux enfants, Nicolas et Aada.

     

  • [Livre] Je sais où tu es

    je sais ou tu es.jpg

    Résumé : Où qu’elle aille, il est là. Il la suit comme son ombre. Il est entré dans sa vie.
    Rafe n’est qu’un lointain collègue de Clarissa.
    Mais depuis qu’ils ont passé une soirée ensemble, pour lui, elle lui appartient, leur amour est absolu.
    Même s’il la menace, même s’il la terrorise.
    Jusqu’où ira-t-il ? Comment l’arrêter ? Comment peut-elle prouver qu’elle court un terrible danger ?

     

    Auteur : Claire Kendal

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 03 février 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Le récit alterne entre la vie de Clarissa, racontée à la troisième personne, et le contenu des carnets qu’elle rédige, sur les conseils  d’une association contre le harcèlement, qui eux, sont à la première personne et dans lesquels elle s’adresse directement au harceleur.
    On peut ainsi suivre le quotidien de Clarissa : la peur, la méfiance, la solitude…
    Clarissa a l’impression de ne pouvoir se tourner vers personne, que chaque action qu’elle entreprend pour dénoncer le harcèlement se retourne contre elle, la faisant passer pour une allumeuse, une paranoïaque…
    Rafe la poursuit jusqu’au tribunal où elle est jurée. Et ce procès, qui devait être une sorte de refuge pour elle, loin de son tourmenteur, devient la preuve qu’elle ne peut trouver aucune aide. Elle voit comment les avocats retournent la situation contre la victime et s’imagine à sa place et ce qu’on lui opposera pour la faire passer pour une folle hystérique qui cherche à détruire la réputation d’un homme respectable.

    Le plus choquant c’est la réaction de la police : « vous n’êtes pas en danger immédiat, il ne vous a pas agressée, vous n’avez pas de preuves… » Sous entendu, on interviendra quand ce sera un meurtrier… Même si c’est un violeur, apportez les preuves et on verra…
    Et après on s’étonne des statistiques que nous révèle l’auteur : les femmes ne portent plainte qu’après 101 incident lié à leur harceleur, 8 femmes meurent chaque mois victimes de violence conjugale… Je suis surtout étonnée qu’elles ne soient pas plus élevées.

    L’auteur nous livre également les conseils que donnent les associations pour lutter contre les harceleurs, mais honnêtement, sans une intervention policière et face à un esprit malade, ils ne sont pas d’une grande aide.

    Rafe est vraiment un grand malade. Clarissa a beau lui dire clairement : Non, je ne veux pas sortir avec toi, non je veux que tu me laisse tranquille… c’est comme si ses paroles n’avaient aucun sens pour lui. Quand elle le repousse, il lui répond qu’elle est fatiguée et qu’elle ne sait pas ce qu’elle dit ; quand elle le fuit, il dit que ce n’est qu’une dispute, qu’elle est de mauvaise humeur… bref, il a toujours une réponse qui le conforte dans son illusion de l’amour de Clarissa. Il est vraiment flippant et de toute évidence, il n’hésiterait pas à recourir à la violence pour arriver à ses fins.

    Au tribunal où elle est jurée, Clarissa rencontre Annie, une mère célibataire avec un sacré caractère, et Robert, un pompier que je n’arrive pas à cerner. Il a beau être plutôt sympathique, il y a un je-ne-sais-quoi dans son attitude qui me dérange.

    Pour la fin, je pense vraiment qu’il aurait été difficile que ça se termine autrement. On aime ou on n'aime pas. Personnellement j'ai apprécié.

    Un extrait : Lorsque j’ouvre ma porte, tu es si près de moi que je respire l’odeur de ton shampoing et de ton savon. Tu sens le frais, le propre. Tu sens la pomme, la lavande et la bergamote – des odeurs que j’aimerais si elles n’étaient pas les tiennes.

    « Tu vas mieux, Clarissa ? »

    La bienveillance n’est pas quelque chose que tu comprends. Ce n’est pas quelque chose que tu mérites. Mais je vais me montrer bienveillante avec toi une dernière fois avant de refuser définitivement de te parler. Ce matin sera complètement différent de lundi.

    Je te parle calmement, d’une voix polie. C’est loin d’être la première fois que je prononce ces mots. « Je ne veux pas que tu t’approches de moi. Je ne veux pas te voir. Je ne veux rien avoir à faire avec toi. Je ne veux aucun contact. Aucune lettre. Aucun cadeau. Aucun appel. Aucune visite. Ne reviens plus jamais chez moi. »

    Mon discours est parfait. Exactement comme je l’ai répété. Je m’éloigne rapidement, sans te regarder. Pourtant, ton visage est suffisamment clair dans ma tête pour pouvoir en faire une description précise.

    Tu mesures 1 mètre 80. Tu es solidement charpenté. Avant, tu avais le ventre plat, mais ce n’est plus le cas. Sans doute bois-tu davantage. Tes hanches se sont élargies aussi, au cours du dernier mois. Ton nez est quelconque au milieu de ton visage rond et bouffi dont les traits ont perdu leur netteté.

    Mais surtout, il y a ta pâleur. Ta pâleur d’esprit, d’âme, de corps. Ta peau est si pâle que tu rougis facilement, passant du blanc au vermillon en un éclair. Tes cheveux châtain clair sont raides et courts, et toujours aussi épais. Ils sont étrangement doux et soyeux pour un homme. Tes sourcils sont châtain clair. Tes yeux sont clairs, bleu délavé. Petits. Tes lèvres sont fines. Pâles elles aussi.

    Tu touches mon bras. Je me libère, descends l’allée jusqu’au taxi qui attend.

    « J’étais venu voir comment tu allais », dis-tu comme si je n’avais pas parlé. « Ton téléphone ne marche toujours pas », dis-tu. « Je m’inquiète quand je n’arrive pas à te joindre », ajoutes-tu.

    Avec toi à côté de moi le chemin passant entre les rosiers de Miss Norton me paraît long, mais me voilà arrivée au taxi. Je suppose qu’en réalité ça ne m’a pas pris beaucoup de temps.

    J’ouvre la portière arrière, monte, puis essaye de la fermer derrière moi, mais tu la retiens.

    « Fais-moi de la place, Clarissa. Je t’accompagne. » Tu te penches en avant. Ta tête et ton torse sont à l’intérieur du taxi. Je sens ton dentifrice – une odeur de menthe prononcée.

    Le sang-froid que j’ai pris soin de conserver se volatilise. « Cet homme n’est pas avec moi », dis-je au taxi, le même que celui qui est venu me prendre hier. « Je ne veux pas qu’il entre. »

    « Arrêtez de l’embêter. Dégagez ou j’appelle la police ! ».

    Ma mère m’a toujours dit depuis que je suis adulte que les chauffeurs de taxi considèrent que protéger leurs clients fait partie de leur travail ; ils savent que c’est la raison pour laquelle les femmes sont prêtes à payer un taxi. Ma mère a souvent raison, et je suis bien tombée avec ce chauffeur. Pour ma mère, les chauffeurs de taxi sont des héros qui vous sauvent, des hommes grands et costauds.

    En l’occurrence c’est une femme, âgée d’une quarantaine d’années, petite, mais corpulente et coriace et intrépide.

    Elle a de beaux cheveux gris dressés sur le crâne qu’elle n’est certainement pas du genre à teindre. Elle porte un jean et un pull orange en laine pelucheuse.

    Elle ne manifeste rien de la chaleur et de la jovialité qui régnait hier dans son taxi lors de notre bref trajet. Elle ouvre sa portière, histoire de te montrer qu’elle est prête à mettre ses menaces à exécution.

    Tu retires ta tête et ton torse et restes à quelques centimètres de la portière que je claque en même temps qu’elle claque la sienne.

    Tu donnes un coup de poing sur le toit.

    « Comment peux-tu me traiter comme ça, Clarissa ? »

    La conductrice appuie sur le bouton pour baisser la vitre avant côté passager, t’adresse quelques menaces bien senties, et le taxi s’éloigne.

    « Clarissa ? Clarissa ! Je ne mérite pas ça, Clarissa ! »

    Je refuse toujours de te regarder.

    J’essaie désespérément de suivre à la lettre les conseils, de faire les choses comme il faut. Je vois du coin de l’œil que tu cours à côté du taxi jusqu’au bout de la rue en donnant de grands coups dans les arbres et les lampadaires près desquels tu passes. Je t’entends m’appeler. La chauffeuse marmonne tout bas que tu es vraiment un connard fini. Elle s’excuse pour sa grossièreté et je m’excuse des problèmes que je lui cause. Elle me dit et je lui dis qu’il n’est nul besoin de s’excuser. Mais je sais qu’elle le fait par politesse − je lui dois vraiment des excuses. Je la remercie de son aide.

    Avant de sortir du taxi je prends sa carte : elle peut me servir de témoin contre toi.

    En dépit du film de sueur qui couvre mon dos et mon front malgré le froid matinal, cette journée a plutôt bien commencé pour ce qui est de te gérer.

    Tandis que je traverse le hall de la gare, hébétée, mon nouveau téléphone bipe, ce qui veut dire que j’ai reçu un mail. Je regarde l’écran comme une petite fille se mettant au défi de se regarder dans un miroir en pleine obscurité tout en redoutant d’y voir apparaître le visage d’un monstre. À ma grande surprise, le mail a été envoyé, au bout d’une longue période de silence, par Rowena. Elle est à Bath ce soir et me demande de venir la retrouver dans un restaurant français où je ne suis jamais allée mais dont Henry a dit un jour qu’il était épouvantable. Je réponds, J’y serai, et ajoute deux baisers. Puis j’éteins mon portable et monte dans le train de Bristol.

     

  • [Livre] Deux gouttes d'eau

     

    J’ai participé à un challenge qui consiste à sélectionner trois livres dans la PAL de notre binôme. Celui-ci choisi lequel des trois il lira et chroniquera. Ma binôme (ma vie livresque) et moi avions choisi de lire les trois livres que chacune a choisis pour l'autre (c'est qu'on a une PAL assez conséquente à faire descendre!)

     Ce livre est le troisième que m'a choisi Ma vie livresque dans le cadre du challenge Livra'deux sur livraddict.
    Pour sa part elle n’a toujours pas commencé ce troisième livre malgré le fait que le challenge soit arrivé à son terme. Je poste donc ma chronique et je vous engage à surveiller son blog pour son troisième livre qui est April, May & June de Robin Benway

    deux gouttes d'eau.jpg

    Résumé : Une jeune femme est retrouvée morte dans son appartement de Boulogne-Billancourt, massacrée à coups de hache. Elle s'appelle Élodie et son ami, Antoine Deloye, est identifié sur l'enregistrement d'une caméra de vidéosurveillance de la ville, sortant de chez elle, l'arme du crime à la main. Immédiatement placé en garde à vue, Antoine s'obstine à nier malgré les évidences. Il accuse son frère jumeau, Franck, d'avoir profité de leur ressemblance pour mettre au point une machination destinée à le perdre. Quand Franck Deloye arrive au commissariat central pour être entendu, le trouble est immense : il est impossible de différencier les deux hommes, qui se ressemblent, littéralement, comme deux gouttes d'eau... Le divisionnaire de la PJ en charge de l'enquête, Robert Laforge, un homme réputé pour sa compétence mais aussi son intransigeance et ses éclats incontrôlés, va devoir tirer au clair avec son équipe ce véritable casse-tête. Lequel des deux jumeaux ment, lequel est le bourreau, lequel la victime ?

     

    Auteur : Jacques Expert

     

    Edition : Sonatines

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 22 Janvier 2015

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Régulièrement, entre les chapitres consacrés à l’enquête, on repart en arrière et on découvre la naissance et les premières années des jumeaux. Dès leurs premiers jours, dès leur naissance même, on sent une atmosphère pesante autour d’eux. La première chose qui vient à l’esprit est : ils ne sont pas normaux. Ils sont étranges. Sans qu’on sache exactement quoi.
    J’en suis à un peu plus d’une centaine de pages de lecture et j’avoue que je n’ai aucune idée duquel des jumeaux est un meurtrier. Est-ce Franck ? Est-ce Antoine ? Et si c’était les deux ? Après tout, quel meilleur moyen d’échapper à la justice que d’instaurer un doute sur la culpabilité. S’il est possible que ce soit l’autre jumeau qui soit le coupable plutôt que celui traduit en justice, comment obtenir une condamnation ? Le doute doit toujours profiter à l’accusé, n’est ce pas ?
    Franck me parait trop poli et trop désireux « d’aider » pour être honnête et Antoine a une attitude assez bizarre pour un innocent.
    Le commissaire Laforge m’énerve un peu. Il est tellement persuadé de son bon droit, ou plutôt tellement persuadé d’être au dessus des règles, tant il terrorise collaborateurs, subordonnés et même supérieurs hiérarchique, qu’il bafoue les règles les plus élémentaires de la procédure, notamment en refusant d’appeler l’avocat d’Antoine.

    Du coup on est partagé : d’un coté on veut que la vérité éclate parce que le meurtre d’Elodie Favereau est vraiment horrible et on ne veut pas qu’il reste impuni ; et d’un autre coté, j’avoue que pour ma part, j’espérais que Laforge se plante et soit sanctionné parce que je trouve que je genre de personne n’a pas sa place dans la police. Etre dans la police ne donne pas tous les droits, ça ne donne que des devoirs.
    Je n’ai pas été surprise par la fin de cette histoire car je m’y attendais mais cela ne m’a pas dérangé car l’important dans ce livre, ce n’est pas tant la fin mais le déroulement qui y mène.
    On se retrouve dans une histoire qui a lieu en grande partie à huis-clos et on ne s’ennuie pas une seule seconde.
    Toutes les certitudes s’effondrent quelques pages après avoir été formées. Chaque indice semble discréditer un témoignage, chaque témoignage invalide un indice.
    C’est un vrai casse-tête. C’est aussi comme une avalanche : on voit arriver la masse qui va nous engloutir, on voit parfaitement ce qu’il va arriver, mais on ne peut pas s’empêcher de continuer à regarder, on ne peut pas détourner les yeux.
    Comme dans son livre « la femme du monstre », il n’y a pas vraiment de personnages sympathiques. On est plutôt pris entre divers degrés d’antipathie et on ne sait plus bien comment on veut que l’histoire se termine.
    Ici pas d’action, de coup de feu, de course poursuite ou de témoin/flic/jeune fille en détresse sauvé in extremis du méchant, parfois (souvent) en lui collant fissa une balle entre les deux yeux (on économise les frais de procès).
    Non, on est dans un casse-tête chinois, un pur thriller psychologique, dans lequel on essaie de ne pas se noyer sous les pièces du puzzle, de ne pas perdre le fil, pour finalement arriver à passer la ligne d’arrivée, content, comme les flics, du devoir accompli…ou peut être pas…

    Un extrait : « Il est neuf heures, un flash d’information. Une jeune femme assassinée à coups de hache à Boulogne-Billancourt… »
    Assis à l’avant du véhicule, le commissaire divisionnaire Robert Laforge se tient droit, raide, comme dans une volonté de compenser sa petite taille et son buste court. Il tend l’oreille, la voir du journaliste est grave quand il annonce : « exclusivité RTL : Une jeune femme de vingt-sept ans a été trouvée assassinée à son domicile de la rue Carnot à Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne, baignant dans son sang. Ce sont ses voisins, alertés par des cris, qui ont avertis la police. La mort serait due à plusieurs coups de hache, dont l’un, fatal, au niveau du crâne. L’enquête a été confiée à la police judiciaire… »
    Tout cela est à peu près exact. Si ce n’est que la réalité est encore pire : la jeune femme que vient de voir le commissaire a été massacrée.
    Et décapitée.

    Le domicile en question est un deux-pièces situé au troisième étage, au numéro « 20 » de la rue Carnot. La jeune femme s’appelle Elodie Favereau.

    Alerté vers trois heures du matin par le commissariat central, Laforge avait rejoint son adjoint le commissaire Étienne Brunet, qui l’avait précédé sur les lieux. La scène de crime était intacte, rien n’avait été déplacé, et personne n’avait touché au corps, conformément aux ordres du divisionnaire. La jeune femme était nue sous un peignoir blanc noirci de sang. Une jambe pâle s’en échappait, laissant apparaître une entaille sur la cuisse. Un autre coup avait été porté sous la poitrine, là où reposait sa main droite.

          Effectivement, comme l’a dit le journaliste à la radio, le corps baignait dans une mare de sang. Mais ce n’est pas cela qui avait impressionné le commissaire. Il en avait tant vu dans sa longue carrière de flic, rien ne semblait plus pouvoir l’horrifier aujourd’hui… Ce qui l’avait laissé sans voix, c’était la tête coupée de la jeune femme, posée sur la table basse. Elle avait été placée toute droite, soigneusement, elle penchait à peine. Coincé à la base du cou, un cendrier l’empêchait de basculer. Le visage était orienté en direction de la porte d’entrée. Les longs cheveux bruns ensanglantés avaient été ramenés sur son visage, comme si on avait voulu le cacher. Le commissaire avait été le premier à les écarter, du bout des doigts. D’une de ses mains gantées, il avait maintenu la tête. De l’autre, il avait écarté les mèches coagulées, avec d’infinies précautions. Alors, il avait découvert le visage d’une jolie jeune femme aux traits fins, aux yeux d’un noir intense. Volontairement, sans aucun doute, son assassin ne les avait pas refermés.

          L’impression qui se dégageait de cette mise en scène était sans équivoque : le tueur l’avait placée là comme un trophée.

          Les gars de la scientifique étaient arrivés vers sept heures. Tout le monde, les flics qui avaient fouillé l’appartement de la jeune femme et relevé des empreintes déjà parties au labo, avait alors dû dégager. Mais pas lui. Incapable de se détacher de cette scène de crime atroce, éprouvant un besoin primordial de s’en imprégner, il était resté assis sur une chaise de paille, un peu à l’écart, comme aux aguets. Autour de lui la police scientifique continuait de s’affairer, dans son ballet parfaitement ordonné et silencieux. Deux hommes en combinaison blanche passaient l’appartement au crible, centimètre après centimètre, tandis qu’un autre multipliait les clichés. Ce rituel l’impressionnait à chaque fois, même s’il faisait partie de ces flics qui préféreront toujours se fier à leur intuition qu’à la technologie. 

          Laforge était là depuis plus d’une heure quand l’un d’eux, qui s’était présenté comme le chef, s’était approché de lui. Il avait ôté ses larges lunettes de protection, puis d’une voix monotone, comme s’il lisait un simple rapport de police, avait annoncé à Laforge qu’ils n’avaient relevé qu’une seule trace d’empreintes. « Probablement celles de la décédée. En revanche, il y a des traces de sang dans le siphon de la baignoire et nous avons des cheveux qui ne sont pas ceux de la décédée. On aura un ADN, commissaire. »

          Laforge n’avait pas aimé ce type et sa façon de répéter « décédée ». Il s’était contenté de lui demander de continuer à chercher. L’autre, avec une assurance agaçante, avait répondu :

          « On ne trouvera rien de plus, commissaire. On range ! »

          Laforge s’apprêtait à lui rentrer dans le lard, mais son portable avait sonné.

          C’était Étienne Brunet, son adjoint. Il appelait depuis le commissariat tout proche de Boulogne. L’information qu’il avait à lui communiquer était une bombe : la caméra de surveillance placée à l’angle de la rue Carnot et de l’avenue André-Morizet avait saisi l’image d’un homme sortant de l’immeuble à 22 h 02. La capuche qui lui dissimulait en partie le visage était retombée au moment où il se penchait pour glisser un objet enveloppé dans un tissu taché de sang dans la bouche d’égout, en face du numéro cinq de la rue. Sur l’image, on le voyait la remettre d’un geste vif, en jetant des regards de part et d’autre, vérifiant s’il avait été vu par des passants. Puis il s’éloignait rapidement, tête baissée. Brunet exultait au téléphone : « Son visage est parfaitement reconnaissable. La bouche d’égout est juste sous un lampadaire. Le type s’est fait choper comme un con ! »

         En quittant les lieux, deux heures et demie plus tard, précédant dans l’escalier étroit le corps de la jeune victime que l’on emporte jusqu’à l’ambulance, le divisionnaire se dit simplement que cette affaire va être rapidement résolue.

     

  • [Livre] Le bonheur coté pile

    le bonheur cote pile.jpg

    Résumé : Ella est mariée à Joe, déjà père de deux enfants. A la mort de celui-ci, deux mauvaises surprises attendent la jeune femme : la trattoria familiale est en faillite, et la mère biologique des enfants resurgit.
    Pour Ella, hors de question de laisser "ses petits" à celle qui les a abandonnés. Mais pour revendiquer leur garde, un autre combat l'attend : sauver son unique source de revenus, cette épicerie italienne qui, depuis des générations, fait la fierté de la famille de Joe. Sa solution : révolutionner les traditions... et pour commencer, tout réinventer !
    Réussira-t-elle son pari ? Saura-t-elle prouver que la vie, même côté pile, peut encore être belle ?

     

    Auteur : Séré Prince Halverson

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 18 avril 2015

     

    Prix moyen : 7,50€

     

    Mon avis : Même si le livre commence par un drame, on passe rapidement à « autre chose » sans pour autant oublier Joe.
    Très vite après la mort de son mari, Ella se rend compte que son mari lui a caché pas mal de choses. En fait, il semblerait que Joe lui ai caché tout ce qui était désagréable.
    Il semblerait que ce soit de famille, dans la famille de Joe, on se contente de ne pas parler de ce qui dérange, qui rappelle de mauvais souvenirs…
    Du coup Ella se trouve désemparée devant l’importance des dettes concernant l’épicerie italienne familiale dont elle a hérité.
    Comme mettre la clef sous la porte est inenvisageable pour la famille, Ella décide de tenter un nouveau concept.

    Et bien sur, comme si tous ces problèmes ne suffisaient pas, voilà que Paige, la mère biologique des deux enfants de Joe, qu’Ella élève comme s’ils étaient les siens depuis trois ans, réapparait, comme une fleur.
    Ella n’est pas enchantée et s’inquiète pour ses enfants. Après tout, si Paige n’a pas hésité à les abandonner quand ils avaient 1 mois et 3 ans, pourquoi ne recommencerait-elle pas dès qu’elle se lassera ?
    Mais Paige semble bien décidé à ne pas laisser les enfants à celle qu’elle considère comme « l’autre femme » et engage une procédure pour obtenir la garde des enfants.

    Paige m’a énervée, profondément. Oh certes, elle a des circonstances atténuantes, et Joe ne s’est pas forcément bien comporté dans cette histoire. Mais là, elle règle ses comptes en se servant des enfants. Qu’elle veuille faire parti de leur vie, c’est compréhensible. Mais qu’elle cherche à séparer les enfants, physiquement et mentalement, de celle qui les a aimé et élevé quand elle-même s’en est révélée incapable, là c’est inacceptable. Elle voit bien, pourtant, que son fils n’a aucun souvenir d’elle et qu’il aime Ella, qu’il la considère comme sa maman, et qu’elle le rend malheureux, mais elle refuse de mettre de l’eau dans son vin.

    A l’inverse, Ella pense avant tout au bien des enfants. Elle est prête à laisser entrer Paige dans leur vie pour leur bien.
    Elle doit être sur tous les fronts, elle essaye de sauver l’épicerie, de protéger les enfants et de faire ce qui est juste.
    Mais sur ce dernier point, elle n’est guère aidée par la famille qui voudrait qu’elle fasse tout, même mentir, pour garder les enfants dans la « famille », comme s’ils étaient leur propriété. A aucun moment, ils ne cherchent à comprendre les raisons de Paige. Tout ce qu’ils voient c’est qu’elle cherche à leur prendre leurs petits-enfants et qu’elle fait appel à la justice. Or, ils ont une méfiance contre le gouvernement depuis la seconde guerre mondiale et l’emprisonnement d’italiens émigrés  pour la seule raison d’être ressortissent d’une « pays ennemi ». D’ailleurs ce point là permet de mettre en avant un fait méconnu. On sait que les ressortissants japonais avaient été emprisonnés, mais il y avait aussi des italiens qui soit ont été emprisonnés, soit ont été contraint de déménager des côtes, jugées trop sensibles pour qu’on les laisse les occuper.

    L’auteur nous montre une bataille juridique et humaine où il n’y a pas vraiment de méchant, juste des personnes blessées, maladroites.
    Paige, comme Ella, vont devoir se replonger dans leur passé pour trouver la meilleure solution pour tout le monde.

    Encore un livre qu’on peut difficilement poser une fois commencé.

    Un extrait : J’ai lu récemment que les gens ne deviennent pas heureux ; ils naissent ainsi. Une simple question d’hérédité, un gène de la joie qui se transmettrait gaiement d’une génération à la suivante. J’ai vécu assez longtemps pour comprendre qu’on ne peut compter que sur soi pour être heureux et suis convaincue que l’argent ne fait pas le bonheur. Pour autant, je n’adhère pas à cette théorie selon laquelle le bonheur ne dépendrait que du patrimoine génétique.
    Trois ans durant, j’ai nagé dans le grand bain de la félicité.

    Une joie palpable, souvent sonore. Parfois plus sourde – l’odeur lactée du souffle de Zach sur mon cou, les cheveux d’Annie qui s’enroulaient autour de mes doigts quand je les tressais, et Joe qui fredonnait une vieille chanson du groupe Crowded House sous la douche pendant que je me lavais les dents. La buée sur le miroir troublait mon reflet tel un flou artistique visant à estomper les rides, alors que les miennes ne me gênaient pas. Pour avoir des pattes-d’oie, il faut sourire, et je le faisais souvent.
    J’ai aussi découvert autre chose avec le recul des ans : le bonheur le plus sincère ne peut pas être si pur, si profond ou si aveugle.

    Au petit matin du premier jour de l’été 1999, Joe écarta l’édredon pour m’embrasser sur le front.
    J’ouvris un œil. Son appareil photo était passé en bandoulière sur son sweat-shirt gris. Son haleine parfumée au dentifrice et au café me chatouilla les narines quand il évoqua en murmurant une virée à Bodega avant d’aller ouvrir le magasin. Du bout des doigts, il suivit les taches de rousseur sur mon bras à l’endroit où, comme il disait toujours, elles épelaient son nom. D’après lui, j’en avais tellement qu’il ne lisait pas seulement Joe, mais Joseph Anthony Capozzi, Jr.

    - Hé ! « Junior » est même écrit en entier ! lança-t-il ce jour-là avant de me border et d’ajouter : Tu es trop forte !

    - Gros malin…

    Je me rendormais déjà, un sourire aux lèvres. Nous avions passé une nuit merveilleuse. Il chuchota qu’il m’avait laissé un message, puis je l’entendis sortir de la maison et descendre les marches du perron.
    Au léger grincement de la portière de la camionnette succéda le rugissement du moteur, qui crût et décrût avant de s’évanouir complètement.
    Plus tard, les enfants me rejoignirent dans le lit ; ils riaient aux éclats. Zach tira le drap éclaboussé de soleil au-dessus de sa tête pour en faire une voile. A son habitude, Annie se proclama capitaine. Avant même d’avoir petit-déjeuné, on naviguait sur une étendue inexplorée, surface lisse dissimulant la face rugueuse et accidentée des choses, en route vers une destination inconnue.
    On s’accrochait les uns aux autres sur le vieux matelas cabossé alors qu’on n’avait pas encore appris la nouvelle qui allait bouleverser nos vies. On jouait juste au « bateau ».

     

  • [Livre] Bleu passion

    bleu passion.jpg

    Résumé : Milan, Italie, 1487

    Giulia, 17 ans, va passer le reste de sa vie au couvent de Sainte Marta. Une chose impossible pour elle, qui voudrait un mari et un foyer. La jeune fille trouve de l'aide auprès d'un sorcier qui lui confectionne un talisman magique: avant l'hiver, son désir le plus cher aura été accompli. Elle entre au couvent, persuadée qu'un miracle se produira. Soeur Humilitià, qui y enseigne le dessin et la peinture, décèle le talent de Giulia et lui offre une place dans son atelier. Cet endroit merveilleux où l'on fabrique en secret la couleur tant convoitée du Bleu Passion. Et si le destin de Giulia était la peinture...?

     

    Auteur : Victoria Strauss

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 3 Février 2014

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : L’auteur a écrit un livre bien documenté, où, au-delà de la fiction, on en apprend beaucoup sur la vie des novices dans un couvent du XVème siècle et sur la manière dont la peinture est faite à cette époque. Beaucoup de termes techniques, que ce soit des termes de couvent ou des termes de peinture, sont assortis d’un petit astérisque et on peut en découvrir une définition détaillée dans le glossaire à la fin du roman. Petit bémol sur le fait de devoir faire des allers-retours entre ce glossaire et le texte, j’aurais préféré que les explications soit en note de bas de page, ça aurait été plus simple pour le lecteur (et rien n’empêchait de faire aussi le glossaire pour tout réunir).

    Giulia est la fille illégitime d’un comte, qui, s’il a toujours donné un toit à sa fille, malgré la mort de sa maîtresse 10 ans plus tôt, n’a jamais pris la peine de la reconnaître. A sa mort, il laisse un testament dans lequel il lègue une somme d’argent à la jeune fille, somme d’argent qui doit, stipule-t-il servir de dot pour qu’elle se marie.
    Mais la femme du comte, exécuteur testamentaire de son défunt mari, voit là sa revanche pour l’humiliation d’avoir eu la bâtarde de son mari employée sous son toit.
    Puisque le désir de son mari était que Giulia soit mariée, et qu’elle se doute que c’est là également le désir de la jeune fille, elle va la marier, oui, mais à Jésus Christ, et l’expédier finir ses jours dans un couvent auquel elle versera sa dot pour son entrée en religion.
    Le monde de Giulia s’effondre, elle qui rêve d’un mari, d’enfants et d’un foyer bien à elle, la voilà novice dans un couvent.
    Cela dit, quand on voit les règles du couvent, on se dit qu’il y a pire dans le genre. Ici les religieuses n’ont pas à se lever la nuit pour les prières comme dans d’autres cloîtres, les repas sont abondants, bref, c’est un couvent  où la vie est moins dure qu’ailleurs, d’autant que la mère supérieure, bien qu’elle ne puisse rien faire contre cela, est révoltée par toutes ces familles qui enferment les filles dont ils ne veulent pas s’occuper.
    Assez vite, Giulia est repérée par sœur Humilata qui l’introduit dans son atelier de peinture. Giulia est impressionnée et il y a de quoi, il faut dire qu’au XVème siècle, les femmes ne peuvent pas être peintre. Pire encore, on ne se contente pas de les exclure de la profession, on les considère comme incapables de peintre du seul fait de leur condition féminine.
    Humilata est si douée qu’elle a crée une couleur éclatante, un bleu flamboyant qu’elle a nommé le bleu passion et dont la recette est gardée secrète.

    Giulia est douée d’une grande force de caractère, mais elle a aussi une grande naïveté, ce qui n’est pas étonnant car elle ne connaît pas grand-chose du monde.
    Elle est fermement décidée à s’enfuir du couvent et à réaliser ses rêves, mais cela lui fait parfois faire des choix stupides, sans songer aux conséquences.
    Il va lui falloir du temps pour admettre que peut-être la voie de l’indépendance et du bonheur est différente de celle qu’elle avait imaginée.

    Autour de Giulia, il y a beaucoup de personnages sympathiques mais aussi quelques belles pestes comme Alessia qui n’a pas l’intention de perdre son statut d’aristocrate.
    Il faut dire que pour un lieu où toutes devraient être égales devant Dieu, la différence de classe est bien marquée entre les sœurs de cœur, issues de la noblesse (ou d’une forte dot) et les sœurs converses, qui servent de domestiques aux premières. J’ai été choquée par cette différence faite au sein même d’une maison de Dieu.
    Une scène m’a marquée : celles où plusieurs religieuses qui semblent être heureuses au couvent expliquent à Giulia comment elles sont devenus religieuses, et elle va pouvoir voir qu’elle est loin d’être la seule à n’avoir pas eu le choix.

    C’est un livre qui se lit vite, personnellement, je l’ai terminé en une après-midi. Et, même si j’ai trouvé la fin un peu trop moralisatrice, j’ai beaucoup aimé cette lecture.

    Un extrait : La femme la conduisit jusqu’à l’escalier de marbre qui menait aux suites et aux chambres de la famille Borromeo, dans les étages supérieurs. L’escalier, réservé aux maîtres et à leurs invités, n’étaient pas plus autorisé aux domestiques qu’aux bâtards. C’était la première fois de sa vie que Giulia y posait le pied.
    La servante laissa Giulia dans une antichambre dépourvue de meubles, mais dont les murs étaient décorés de fresques aux teintes passées représentant des scènes de chasse. Au bout d’un temps interminable, une éternité, la comtesse entre, dans un tourbillon de velours et de brocart.

    - Madame la comtesse…

    Giulia fit une profonde révérence. Elle se rendit compte trop tard que ses doigts étaient tachés de fusain. En se relevant, elle s’efforça de les cacher dans les plis de sa jupe.

    - Mon mari m’a nommée exécutrice testamentaire de sa fortune, et je suis chargée de faire respecter ses dernières volontés, dit la comtesse d’une voix aussi glaciale que le marbre du sol de l’antichambre. Désormais, toutes les décisions passent par moi.

    - Oui, madame la comtesse.

    Giulia avait toujours senti la haine que cette femme lui vouait depuis sa naissance, et elle pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de phrases qu’elle lui avait adressées dans sa vie.

    - Quel âge as-tu ? Seize ans ?

    - Dix-sept depuis le mois de mars, madame la comtesse.

    - Mon mari t’a couchée sur son testament. Il te lègue une somme de trois cents ducats, pour ta dot.

    Giulia resta interdite. Malgré elle, elle leva les yeux vers la comtesse et rencontra son regard sombre et dur. Elle baissa la tête aussitôt.

    - Je vois que tu es surprise. Tout comme moi. Mon mari ne m’avait jamais fait part de cette intention.

    - Madame…je ne savais pas…je veux dire que je ne m’attendais pas à…

    - Aucune importance. (La comtesse balaya d’un geste les propos de Giulia). Je me suis occupée de te trouver un chaperon, comme il se doit. Demain à midi, tu partiras pour Padoue où tu commenceras ton noviciat au couvent de Sainte Marta.

    - Au couvent ? Madame la comtesse…Je ne comprends pas.

    - C’est très simple. Le comte souhaitait que tu te maries. Eh bien, j’ai pris des dispositions pour que tu deviennes l’épouse de Notre Seigneur Jesus-Christ. Ta dot est modeste, mais les religieuses ont bien voulu l’accepter pour rendre service à ma famille. Padoue, comme tu le sais, est la ville où je suis née.

    - Mais… (Giulia eut du mal à reprendre sa respiration.) Madame la comtesse, je ne veux pas devenir religieuse.

    - Et que veux-tu que cela me fasse ? Cette demeure est maintenant la mienne. Et j’exige que tu en partes ! (La comtesse perdait son sang-froid, sa voix était pleine de rage) Qu’est ce que tu t’imaginais ? Tu croyais qu’après la mort de ton père, tout allait continuer comme avant ?

    Bien entendu, Giulia n’était pas assez sotte pour avoir cru cela. Sa mère, la plus douée des couturières de la maison, avait également été la maîtresse préférée du comte, lequel de ce fait avait toujours protégé Giulia. Il avait pris des dispositions pour qu’Annalena, la cuisinière, s’occupe de la jeune fille après le décès de sa mère : qu’elle veille à ce que Giulia lui succède à l’atelier de couture dès qu’elle serait en âge de le faire, et vérifie tous les ans si cette activité lui convenait toujours. Giulia savait pertinemment que la disparition du comte remettait tout en cause. Néanmoins, elle avait espéré qu’on lui permît de rester. La vie au palazzo Borromeo n’était pas toujours facile, mais c’était le seul foyer qu’elle connaissait.
    Elle avait essayé de se préparer au pire. Mais jamais, même dans ses plus terribles cauchemars, elle n’avait imaginé une chose pareille.
    Le legs du comte était inattendu, mais le sort que lui réservait la comtesse était inconcevable.

     

  • [Livre] La princesse blanche

    la princesse blanche.jpg

    Résumé : La Princesse Blanche clôture la saga historique de Philippa Gregory sur la Guerre des Deux-Roses. Ce conflit historique de premier ordre pour la succession du trône d’Angleterre se déroule entre 1455 et 1485, entre deux maisons : les Lancastre et les York. L’emblème de la maison de Lancastre était la rose rouge, tandis que celui des York était la rose blanche, ce qui donna son nom à cette guerre, mais aussi au roman de Philippa Gregory. L’auteur raconte la fin de cette guerre et ses conséquences, à travers le regard de la princesse Elisabeth York (rose blanche) dont le mariage forcé avec Henri VII (victorieux contre Richard III, qu’elle aimait et aurait dû épouser), met fin à la guerre des Deux-Roses et la couronne reine. Son avenir ne sera pourtant pas radieux : ses deux frères Richard et Édouard, sont présumés morts. Elle doit faire face aux intrigues de cour. D’un côté, sa mère fomente des rébellions pour reconquérir le trône. De l’autre, la mère d’Henri prend toutes les décisions à la place de son fils. Plusieurs révoltes menées par des imposteurs se prétendant prince d’York viennent troubler l’équilibre si précaire de la couronne.

     

    Auteur : Philippa Gregory

     

    Edition : Hugo roman

     

    Genre : Historique

     

    Date de parution : 6 novembre 2014

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : J’aime beaucoup l’écriture de Philippa Gregory même si, dans ce livre, elle se base sur des faits historiques non avérés, comme la supposée liaison entre Richard III et sa nièce Elizabeth d’York, voire que l’on sait faux, comme l’influence politique de la mère d’Henry VII.
    J’ai donc pris ce roman comme une fiction historique et non comme un livre historique romancé.
    L’écriture est agréable, il est juste dommage que dans le format Kindle (je ne sais pas si la même erreur s’est glissé dans le format papier) le verbe serrer soit systématiquement remplacé par le verbe servir (ex : Mon oncle me tapote la main tandis que je sers mon bébé contre mon cœur).
    Henry est imbuvable, il est lâche, peureux, accroché aux jupes de sa mère, incapable de prendre une décision sans son assentiment et incapable de comprendre et encore moins d’admettre que ce n’est pas parce que l’on s’empare de la couronne par la force que l’on obtient le respect et l’amour de son peuple.
    Son attitude envers Elizabeth est abjecte.
    Il faut dire que quand on voit sa mère : revêche, avide de pouvoir, cherchant à tout contrôler - jusqu’au nombre de jour qu’une reine accouchée doit passer alitée – on comprend mieux l’attitude du fils.
    La mère d’Elizabeth, continue à œuvrer dans l’ombre pour renverser les Tudors, sans aucune considération pour sa fille et pour son petit-fils, qui seraient renversés avec eux. Sa fille semble n’être qu’un pion sur un échiquier pour elle. On découvre de la veuve d’Edouard IV un visage qu’on n’avait pas perçu dans « la reine clandestine ».
    La sœur d’Elizabeth est plus dure à cerner : son attitude est-elle de la méchanceté, de la stupidité ou de la jalousie ? Elle semble oublier que sa sœur est reine d’Angleterre et elle ne lui montre aucun respect. J’espère toujours qu’elle va en prendre pour son grade.
    Elizabeth d’York est sans nul doute le personnage le plus sympathique de cette triste bande. Elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. Contrainte d’épouser l’assassin de l’homme qu’elle aimait et voulait épouser, elle n’a aucune intention, malgré le peu d’estime qu’elle a pour lui et pour sa mère, de renier ses vœux de mariage. Elle a juré fidélité et loyauté et compte bien ne pas se parjurer. C’est ce respect de sa parole qui fait que sa mère ne la tient informée de rien, ce qui, au lieu de la mettre à l’abri, la met en danger car son époux et sa belle-mère ne peuvent croire qu’on la tienne ainsi dans l’ignorance la plus complète.
    Le roman nous fait traverser les différentes « trahisons » et révoltes auxquelles a dû faire face le roi Henry VII et nous montre son incompréhension, lui qui pensait qu’une fois qu’il aurait conquis le trône, tout le monde ploieraient devant lui en le reconnaissant élu de Dieu.

    Bien sûr, si on connaît un minimum cette période de l’histoire d’Angleterre, on sait à l’avance l’issu des batailles, des révoltes et autre évènement et on sourit même devant certaines phrases prononcées par Elizabeth, qui ne prennent tout leur sens que si l’on sait ce qu’il s’est passé ensuite.
    Le livre s’achève en 1499, soit quelques années avant la mort d’Elizabeth, qui meurt en couche en 1503. A travers les différents livres de Philippa Gregory, on aura donc suivi toute la vie de cette princesse qui a sans cesse servi de trait d’union entre les York et les Tudor.

    Un extrait : Je lis cette lettre avec une certaine prudence car ma mère ne s’est jamais montrée très franche et chacun de ses mots est toujours empreint de sous-entendus. Je suppose qu’elle se réjouit à l’idée d’une nouvelle chance d’accéder au trône d’Angleterre. C’est une femme indomptable ; je l’ai vue rabaissée jusqu’à terre mais jamais, même lorsqu’elle a failli devenir folle de chagrin après la perte de son époux, je ne l’ai vue humiliée.

    Je comprends bien sûr ses instructions : paraître heureuse, oublier que l’homme que j’aime gît dans une tombe sans nom, sceller l’avenir de ma famille en me contraignant à épouser son ennemi. Après avoir passé sa vie à attendre ce moment, Henri Tudor a débarqué en Angleterre et vaincu au combat le roi légitime, mon bien-aimé Richard ; tout comme mon pays, je fais désormais partie du butin de guerre. Si Richard avait gagné la bataille de Bosworth – et qui aurait pu songer le contraire ? – je serais devenue sa reine et sa tendre épouse. Seulement il a péri sous les lames de traîtres, ceux-là mêmes qui avaient juré de combattre à ses côtés ; et voilà qu’il me faut épouser Henri et oublier ces six mois merveilleux passés en compagnie de Richard – la personne la plus chère à mon cœur – comme la reine de sa cour. Du moins, j’espérais que leur souvenir s’effacerait de lui-même, mais c’est à moi qu’incombe cette tâche.

    Sous le porche du corps de garde, à l’entrée du grand château de Sheriff Hutton, je relis la lettre de ma mère avant d’entrer dans la salle. Au centre, dans l’âtre en pierre, brûle un feu dont la fumée rend l’air chaud et brumeux. Je froisse la feuille en une boule que j’enfonce au cœur des bûches rougeoyantes et regarde se consumer. Toute allusion à mon amour pour Richard et à ses promesses à mon égard doit être détruite de la sorte. Je dois aussi cacher d’autres secrets, un en particulier. Princesse loquace, j’ai grandi dans une cour ouverte aux intellectuels, et à tous les écrits, discours et pensées ; toutefois, au cours des années qui ont suivi la mort de mon père, j’ai acquis des talents d’espionne.

    Bien que mes yeux soient remplis de larmes à cause de la fumée, je sais qu’il est vain de pleurer. Après m’être essuyé le visage, je vais retrouver les enfants dans la grande chambre en haut de la tour ouest qui leur sert de salle d’étude et de jeux. Ma sœur Cécile, âgée de seize ans, passe la matinée à chanter avec eux ; en montant l’escalier de pierre, j’entends leurs voix rythmées par le bruit sourd du tambourin. Lorsque j’ouvre la porte, ils s’arrêtent brusquement et me prient d’écouter un canon de leur composition. Depuis toute petite, ma sœur Anne, maintenant âgée de dix ans, reçoit l’enseignement des meilleurs professeurs ; à douze ans, notre cousine Margaret chante parfaitement juste, et son petit frère de dix ans, Édouard, possède une voix de soprano aussi douce qu’une flûte. Je les écoute puis applaudis.

    – J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. 

    Édouard Warwick lève la tête de son ardoise.

    – À moi ? demande-t-il d’un air implorant. À Teddy ?

    – Oui, à toi, à ta sœur Maggie, et à Cécile et Anne. À vous tous. Comme vous le savez, Henri Tudor a gagné la bataille et va donc devenir le nouveau roi d’Angleterre. »

    Malgré leurs visages sombres, ces enfants, membres de la famille royale, sont trop bien éduqués pour exprimer un seul regret au sujet de leur défunt oncle Richard.