Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices
Résumé : Printemps 1963. Sur la Grand-Place de Tilliers-en-Beauce, une Dauphine jaune se gare à l'ombre du monument aux morts. Ses passagers reviennent de loin. Abraham est médecin et il cherche du travail. Son fils Franz n'a pas dix ans et aucun souvenir de leur vie passée. Bientôt, ils emménagent dans une maison trop grande pour eux. Ensemble et séparément, ils vont découvrir la France du Général, de la télévision d'État, du Canard Enchaîné, des commémorations et des secrets empoussiérés.
Auteur : Martin Winckler
Edition : POL
Genre : Roman contemporain
Date de parution : 11 février 2016
Prix moyen : 23€
Mon avis : Le bon point de ce livre, c’est l’écriture. C’est le genre d’écriture qui fait que l’on ne peut pas poser le livre, même si on n’accroche pas vraiment à l’histoire.
La narration alterne entre le point de vue de Franz, fils d’Abraham, amnésique depuis « l’accident » qui semble avoir couté la vie à sa mère, récit à la première personne, et le point de vue d’un narrateur quasi omniscient, dont on ne découvrira l’identité qu’à la fin du livre. Ce récit là est à la troisième personne.
Les personnages principaux sont attachants, que ce soit Abraham qui couve son fils à l’extrême, Franz et sa passion de la lecture, Claire et sa fille Lucianne, qui viennent compléter la petite famille.
En fait, les personnages secondaires sont, dans leur grande majorité, assez sympathiques aussi, excepté Gérald, le camarade de classe de Franz, une petite brute, et l’étrange homme qui parle à plusieurs reprise au jeune garçon, mais dont on ne sait rien.
L’histoire se passe juste après la guerre d’Algérie, ce qui fait que, que ce soit entre les personnages, au travers de l’histoire du village ou encore lors des cours d’histoire que reçoit Franz à l’école, on parle beaucoup des deux guerres mondiales et des évènements en Algérie.
La seconde guerre mondiale est la plus importante dans le livre car la plupart des personnages secondaires étaient présent et assez âgés pour comprendre ce qu’il se passait à cette période.
En revanche, ce qui m’a dérangée dans ce livre c’est d’une part qu’on apprend à la fin qu’il doit y avoir une suite. Or, j’ai horreur de me plonger dans un livre sans savoir à l’avance qu’il y aura d’autres tomes. Je trouve que c’est prendre les lecteurs en otage.
D’autre part, j’ai eu l’impression de perdre mon temps. On assiste certes à une très belle compilation de moments entre un père et son fils, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait un but à l’histoire. 568 pages sans réelle « histoire », sans but, sans « fin » digne de ce nom. Même s’il y a, à l’intérieur du récit principal, des histoires parallèles qui elles, trouvent leur résolution, j’ai eu l’impression de lire « pour rien »
Un extrait : Commençons par leur apparition un beau jour de printemps, au début des années soixante, sur la Grand-Place de Tilliers, ma petite ville au milieu des blés.
Enfin, quand je dis « leur apparition », c’est une image : ils sont arrivés en voiture.
Et, pardon, j’ai oublié de vous le préciser : ce que je vous raconte, je n’en ai pas toujours été le témoin direct.
J'en ai vu se dérouler la plus grande partie - l'essentiel, pour ainsi dire. Le reste, je le tiens de source sûre.
Un jour, j’ai entendu parler d’individus à la mémoire infaillible, qui se souviennent de tout ce qu’ils ont vécu. Il n’y en a qu’une poignée sur toute la Terre, et ce sont surtout des femmes.
Elles se rappellent précisément ce qu’elles ont fait le 14 juillet 1973 entre le bal et le feu d’artifice ; elles peuvent décrire les vêtements que portait la belle-mère du marié aux noces de leur meilleure amie ; elles sont capables de nommer tous les objets qu’elles ont mis en carton après la mort de leur père.
Je suis un peu comme ces femmes-là. J’ai une très bonne mémoire. Pas parfaite – parfois, j’ai des trous -, mais bien meilleure, tout de même, que la plupart des gens.
Je me souviens de tout ce qui s’est passé entre ces murs, de tout ce qui s’y est dit, de tout ce qui s’y est vu, de ce qu’on y a caché.
Et je me souviens aussi de tout ce qu’on m’a raconté, de près ou de loin. C’est un bienfait et une malédiction.
Quand on a une mémoire comme la mienne, on ne se rappelle pas seulement les faits et gestes, mais aussi les mots, les soupirs, les émotions. Surtout les émotions. Ces souvenirs-là sont les plus délicats, parfois les plus inconfortables.
Et ils ne reviennent pas quand on l’a décidé : dans le grenier de ma mémoire, tout n'est pas rangé dans l'ordre, les épisodes jouent à cache-cache avec le temps. Certains sont devant, frais et vifs comme s'ils venaient d'être vécus. D’autres, assoupis au fond, se réveillent sans prévenir… Alors vous me pardonnerez si, parfois, je prends des chemins de traverse, si je vais et viens au point que vous ne savez plus de quand je parle, si je me répète de temps à autre, et si tout ce que je vous raconte n'est pas tout à fait dans l'ordre. Mes souvenirs se superposent et se chevauchent. Pour tout vous dire, les digressions, c'est un peu mon péché mignon.