Résumé : Ella est mariée à Joe, déjà père de deux enfants. A la mort de celui-ci, deux mauvaises surprises attendent la jeune femme : la trattoria familiale est en faillite, et la mère biologique des enfants resurgit.
Pour Ella, hors de question de laisser "ses petits" à celle qui les a abandonnés. Mais pour revendiquer leur garde, un autre combat l'attend : sauver son unique source de revenus, cette épicerie italienne qui, depuis des générations, fait la fierté de la famille de Joe. Sa solution : révolutionner les traditions... et pour commencer, tout réinventer !
Réussira-t-elle son pari ? Saura-t-elle prouver que la vie, même côté pile, peut encore être belle ?
Auteur : Séré Prince Halverson
Edition : France Loisirs
Genre : Roman contemporain
Date de parution : 18 avril 2015
Prix moyen : 7,50€
Mon avis : Même si le livre commence par un drame, on passe rapidement à « autre chose » sans pour autant oublier Joe.
Très vite après la mort de son mari, Ella se rend compte que son mari lui a caché pas mal de choses. En fait, il semblerait que Joe lui ai caché tout ce qui était désagréable.
Il semblerait que ce soit de famille, dans la famille de Joe, on se contente de ne pas parler de ce qui dérange, qui rappelle de mauvais souvenirs…
Du coup Ella se trouve désemparée devant l’importance des dettes concernant l’épicerie italienne familiale dont elle a hérité.
Comme mettre la clef sous la porte est inenvisageable pour la famille, Ella décide de tenter un nouveau concept.
Et bien sur, comme si tous ces problèmes ne suffisaient pas, voilà que Paige, la mère biologique des deux enfants de Joe, qu’Ella élève comme s’ils étaient les siens depuis trois ans, réapparait, comme une fleur.
Ella n’est pas enchantée et s’inquiète pour ses enfants. Après tout, si Paige n’a pas hésité à les abandonner quand ils avaient 1 mois et 3 ans, pourquoi ne recommencerait-elle pas dès qu’elle se lassera ?
Mais Paige semble bien décidé à ne pas laisser les enfants à celle qu’elle considère comme « l’autre femme » et engage une procédure pour obtenir la garde des enfants.
Paige m’a énervée, profondément. Oh certes, elle a des circonstances atténuantes, et Joe ne s’est pas forcément bien comporté dans cette histoire. Mais là, elle règle ses comptes en se servant des enfants. Qu’elle veuille faire parti de leur vie, c’est compréhensible. Mais qu’elle cherche à séparer les enfants, physiquement et mentalement, de celle qui les a aimé et élevé quand elle-même s’en est révélée incapable, là c’est inacceptable. Elle voit bien, pourtant, que son fils n’a aucun souvenir d’elle et qu’il aime Ella, qu’il la considère comme sa maman, et qu’elle le rend malheureux, mais elle refuse de mettre de l’eau dans son vin.
A l’inverse, Ella pense avant tout au bien des enfants. Elle est prête à laisser entrer Paige dans leur vie pour leur bien.
Elle doit être sur tous les fronts, elle essaye de sauver l’épicerie, de protéger les enfants et de faire ce qui est juste.
Mais sur ce dernier point, elle n’est guère aidée par la famille qui voudrait qu’elle fasse tout, même mentir, pour garder les enfants dans la « famille », comme s’ils étaient leur propriété. A aucun moment, ils ne cherchent à comprendre les raisons de Paige. Tout ce qu’ils voient c’est qu’elle cherche à leur prendre leurs petits-enfants et qu’elle fait appel à la justice. Or, ils ont une méfiance contre le gouvernement depuis la seconde guerre mondiale et l’emprisonnement d’italiens émigrés pour la seule raison d’être ressortissent d’une « pays ennemi ». D’ailleurs ce point là permet de mettre en avant un fait méconnu. On sait que les ressortissants japonais avaient été emprisonnés, mais il y avait aussi des italiens qui soit ont été emprisonnés, soit ont été contraint de déménager des côtes, jugées trop sensibles pour qu’on les laisse les occuper.
L’auteur nous montre une bataille juridique et humaine où il n’y a pas vraiment de méchant, juste des personnes blessées, maladroites.
Paige, comme Ella, vont devoir se replonger dans leur passé pour trouver la meilleure solution pour tout le monde.
Encore un livre qu’on peut difficilement poser une fois commencé.
Un extrait : J’ai lu récemment que les gens ne deviennent pas heureux ; ils naissent ainsi. Une simple question d’hérédité, un gène de la joie qui se transmettrait gaiement d’une génération à la suivante. J’ai vécu assez longtemps pour comprendre qu’on ne peut compter que sur soi pour être heureux et suis convaincue que l’argent ne fait pas le bonheur. Pour autant, je n’adhère pas à cette théorie selon laquelle le bonheur ne dépendrait que du patrimoine génétique.
Trois ans durant, j’ai nagé dans le grand bain de la félicité.
Une joie palpable, souvent sonore. Parfois plus sourde – l’odeur lactée du souffle de Zach sur mon cou, les cheveux d’Annie qui s’enroulaient autour de mes doigts quand je les tressais, et Joe qui fredonnait une vieille chanson du groupe Crowded House sous la douche pendant que je me lavais les dents. La buée sur le miroir troublait mon reflet tel un flou artistique visant à estomper les rides, alors que les miennes ne me gênaient pas. Pour avoir des pattes-d’oie, il faut sourire, et je le faisais souvent.
J’ai aussi découvert autre chose avec le recul des ans : le bonheur le plus sincère ne peut pas être si pur, si profond ou si aveugle.
Au petit matin du premier jour de l’été 1999, Joe écarta l’édredon pour m’embrasser sur le front.
J’ouvris un œil. Son appareil photo était passé en bandoulière sur son sweat-shirt gris. Son haleine parfumée au dentifrice et au café me chatouilla les narines quand il évoqua en murmurant une virée à Bodega avant d’aller ouvrir le magasin. Du bout des doigts, il suivit les taches de rousseur sur mon bras à l’endroit où, comme il disait toujours, elles épelaient son nom. D’après lui, j’en avais tellement qu’il ne lisait pas seulement Joe, mais Joseph Anthony Capozzi, Jr.
- Hé ! « Junior » est même écrit en entier ! lança-t-il ce jour-là avant de me border et d’ajouter : Tu es trop forte !
- Gros malin…
Je me rendormais déjà, un sourire aux lèvres. Nous avions passé une nuit merveilleuse. Il chuchota qu’il m’avait laissé un message, puis je l’entendis sortir de la maison et descendre les marches du perron.
Au léger grincement de la portière de la camionnette succéda le rugissement du moteur, qui crût et décrût avant de s’évanouir complètement.
Plus tard, les enfants me rejoignirent dans le lit ; ils riaient aux éclats. Zach tira le drap éclaboussé de soleil au-dessus de sa tête pour en faire une voile. A son habitude, Annie se proclama capitaine. Avant même d’avoir petit-déjeuné, on naviguait sur une étendue inexplorée, surface lisse dissimulant la face rugueuse et accidentée des choses, en route vers une destination inconnue.
On s’accrochait les uns aux autres sur le vieux matelas cabossé alors qu’on n’avait pas encore appris la nouvelle qui allait bouleverser nos vies. On jouait juste au « bateau ».