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[Livre] La déposition

 

Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

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Résumé : « Quand Guillaume Agnelet a quitté la barre, j'ai baissé la tête, je tremblais. Sur mon carnet j'ai griffonné mise à mort d'un homme. Deux jours après la déposition du fils, la cour d'assises a déclaré son père, Maurice Agnelet, 76 ans, coupable de l'assassinat de sa maîtresse et l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle. L'affaire avait trouvé son épilogue judiciaire.
C'était l'histoire d'un secret de famille. Personne n'avait rien su, rien deviné. J'avais la scène sans les coulisses, la lumière sans les ombres. J'ai voulu comprendre. J'ai écrit une longue lettre à Guillaume Agnelet. Et tout a commencé."

 

Auteur : Pascale Robert-Diard

 

Edition : L’iconoclaste

 

Genre : Témoignage

 

Date de parution : 20 janvier 2016

 

Prix moyen : 19€

 

Mon avis : Habituellement je lis très vite. Un livre de cette taille, 236 pages, je le lis généralement en une soirée. Mais ici, j’ai voulu prendre mon temps tant l’affaire est complexe.
Parce qu’il y a les faits, bien sûr, que je vais rappeler, mais il y a surtout ce que l’on découvre dans ce livre, toute la dimension humaine qui a entourée ces près de 40 ans d’attente entre la disparition d’Agnès et la condamnation définitive de son meurtrier.
Petit rappel des faits, car je me suis rendu compte en parlant du livre autour de moi que tous ne connaissaient pas l’affaire dont il est question. Petit rappel rapide, uniquement de la procédure judiciaire, ceux qui s’y intéressent trouveront de plus amples détails sans difficultés sur internet.
En 1977, Agnès Le Roux, jeune femme assez fortunée, disparaît sans laisser de traces. Son corps ne sera jamais retrouvé. Très vite, les soupçons se portent sur son amant, l’avocat niçois Maurice Agnelet. Mais suite au témoignage d’une autre de ses maitresses, il bénéficie d’un non lieu en 1985. La maitresse en question ayant fourni l’alibi s’étant rétractée, Maurice Agnelet est remis en examen en 2000 et comparait devant les assises de Nice en 2006.
C’est là que commence le récit de Pascale Robert-Diard. Sur ce procès qui s’ouvre près de 30 ans après les faits.
L’affaire, on la suit de l’intérieur, l’auteur ayant bénéficié de l’éclairage du fils du meurtrier, Guillaume.
Au travers les yeux de ce fils qui pendant plus de 30 ans a apporté un soutien sans faille à son père malgré sa conviction de sa culpabilité, on découvre Maurice Agnelet comme un homme arrogant, sûr d’échapper à la justice, méprisant envers tous et surtout envers ceux qui ne se « prosternent » pas devant lui.
On cherche à comprendre ce qui a pu pousser ce fils modèle à « trahir » son père tout en louant son courage car il sait, avant même de prendre sa décision, qu’il se retrouvera seul contre tous.
Devant les assises de Nice, Maurice Agnelet est acquitté. Le parquet fait appel. Renvoi est fait devant les assises d’Aix en Provence. Là il est condamné. 20 ans. Guillaume Agnelet peut respirer. Mais Maurice Agnelet se défend. Il saisi la Cour Européenne des droits de l’homme qui condamne la France en 2013. Un nouveau procès doit avoir lieu.
Il se tiendra devant les assises de Rennes.
C’est ce procès qui est le procès de trop pour Guillaume. Il craque et « déballe » tout ce qu’il sait. Son témoignage portera un coup fatal à son père. Son témoignage ou l’arrogance de cet homme qui n’a pas hésité à clamé devant sa famille que « tant qu’ils ne retrouvent pas le corps, je suis tranquille. Et le corps, je sais où il est. ».
Pascale Robert-Diard nous livre une chronique judiciaire qu’on lit presque comme un roman, même si on ne s’y plonge pas aussi profondément car le style ne nous fait jamais oublier qu’il ne s’agit pas là d’un récit fictif, mais d’une véritable affaire et que Maurice Agnelet est un monstre tout ce qu’il y a de plus réel.
Voilà d’ailleurs un petit bémol sur cette œuvre : A trop coller au style narratif qui éloigne un peu de la simple chronique judiciaire, j’ai trouvé que c’était par moment « trop long », et j’ai failli décrocher à une ou deux reprises. Je n’ai gardé le cap qu’en m’accrochant aux faits en m’efforçant d’occulter les pensées et sentiments du fils Agnelet.

Un extrait : Il est le fils du milieu. L’aîné était brillant et épatait son père. Le dernier était handicapé et accaparait sa mère. Les premières années, la famille se serrait au premier étage du 13, cours Saleya à Nice, dans une bâtisse vieil ocre le long du marché aux fleurs, qui abritait l’appartement et le cabinet de maître Maurice Agnelet. L’avocat aimait le reflet de sa silhouette dans le miroir, ses longues jambes serrées dans une toile de velours ras, le pull fin à col romain qui lui rappelait le temps où il se rêvait séminariste et le hoquet de stupeur et d’indignation que provoquait, aux beaux jours, son arrivée au palais, les pieds nus dans des sandales dépassant de sa robe. Il attirait les garçons et plaisait aux femmes, espérait beaucoup de ses amitiés maçonniques, guignait la présidence de la Ligue départementale des droits de l’homme et appréciait que son épouse, Anne, ferme les yeux sur ses infidélités nocturnes.

Guillaume était fasciné par l’épaisse porte capitonnée du cabinet de son père et par la mallette en peau de crocodile avec serrure à code qu’il avait rapportée de Suisse. Mais ce qu’il préférait, c’était sa moto, une vieille BMW 750 que Maurice Agnelet avait achetée aux Domaines lors d’une vente de matériel de la police et avec laquelle il venait parfois le chercher à la sortie de l’école.
L’enfant se hissait à l’arrière, ses jambes de 7 ans trop courtes encore pour atteindre les cale-pieds. Le visage collé au dos de son père, il guettait le moment où, passé les faubourgs de la ville, la route devient étroite et serpente dans la montagne. A l’approche de chaque virage, dans l’odeur des pins brûlés de soleil et le sifflement du vent, Guillaume sentait la moto ralentir puis basculer comme si elle allait se coucher dans le fossé avant de se redresser sous l’accélération. Il fermait les yeux de peur et de plaisir en comptant les lacets qu’il leur restait à parcourir, serrait plus fort la taille de son père ; jamais il ne s’est senti plus proche de lui que dans ces moments-là.
Leur maison se trouvait tout au bout de la route de mont Macaron. La cabane de cantonnier où ils passaient autrefois les dimanches était devenue une grande villa avec terrasse qui dominait toute la baie de Nice. Anne portait les cheveux longs et libres, elle coulait des bougies dans des pots en verre colorés en écoutant Jean Ferrat, Georges Moustaki ou Joan Baez et interdisait à ses fils d’approcher du métier à tisser à deux pédales qui trônait dans le salon. Bientôt, il y aurait une piscine et des fêtes auxquelles Maurice Agnelet, devenu vulnérable de sa loge et conseiller municipal, convierait chaque année plus de monde.
Dans le jardin, les trois garçons jouaient à dévaler en hurlant le toboggan de métal dont le rouge commençait à faner au soleil. Thomas inventait des blagues qui le faisaient beaucoup rire.
« Quelle est la différence entre un avion et une pomme de terre ? Réponse : l’avion il vole, et la pomme de terre, elle va dans la terre ».
Jérôme, l’aîné, avait un privilège que Guillaume lui enviait. Son père l’emmenait une fois par semaine au cinéma voir des films « de grands ». Il avait promis aux deux cadets qu’il ferait la même chose avec eux, plus tard.

Mais plus tard est arrivée « l’affaire ». Guillaume avait 8 ans. Il ne se souvenait pas que la brune souriante aux yeux noirs qui lui avait offert une glace un jour qu’elle raccompagnait Maurice Agnelet en voiture s’appelait Agnès. Ce n’est que bien après que ce prénom a envahit sa vie.

 

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