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Livres - Page 78

  • [Livre] Le sacrifice du soir: vie et mort de Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI

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    Résumé : Orpheline à l'âge de trois ans, Madame Elisabeth, la petite sœur de Louis XVI, la dernière de la famille, bénéficie pourtant d'une instruction complète. Sportive, passionnée d'équitation, excellente en mathématiques et en dessin, vive, active et rapide, elle étonne son entourage par la diversité de ses talents et la fermeté de son caractère. Avec sa maison princière et ses amies, elle forme une petite cour au milieu de la cour, y faisant régner la piété et la paix. Elle ne se marie pas, n'entre pas au couvent. Sa vocation est de rester avec les siens, le roi, la reine et leurs enfants. Dans les dernières années de l'Ancien Régime, comme avertie de la tragédie, elle se prépare pour les secourir. A partir de 1789, elle les assiste et les réconforte. Refusant de les abandonner, elle quitte avec eux Versailles pour les Tuileries, et les Tuileries pour la prison du Temple. Après le roi et la reine, elle est guillotinée. Le régime ne peut pas l'épargner. Elle est son ennemie. Elle a toujours vu dans la Révolution un mensonge et une illusion. Elle a toujours déploré la faiblesse de son frère, et n'a jamais pu y remédier. Ange consolateur, grande figure de la résistance spirituelle à la persécution antichrétienne, elle est aussi l'exhortatrice. Elle encourage ses amies à la perfection chrétienne. Dans la voiture du retour de Varennes, elle convertit Barnave à la cause du roi. Sur le chemin de l'échafaud, elle exhorte à la mort ses compagnons de supplice. Puis elle quitte ce monde sans regret, tout à l'espérance de se " retrouver dans le sein de Dieu " avec sa " famille ".

     

    Auteur : Jean de Viguerie

     

    Edition : Cerf histoire

     

    Genre : Historique

     

    Date de parution : 2010

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : L’auteur ne cache pas dans sa biographie sa sympathie pour son sujet (on le comprend), ni son scepticisme quant à la Révolution (on le comprend encore plus).
    Tout au long des jours, voire des semaines qui précédent les événements de 1789, elle pressent que quelque chose va se produire sans en mesurer la gravité (Elle n’imagine pas l’ampleur de la révolte).
    Sans cesse elle pense que la bonté du roi plaidera à sa faveur.
    Toute sa vie, même en captivité, elle continue à vivre selon les principes inculqués par ses gouvernantes, principes issus de l’école de Saint-Cyr, fondée par Madame de Maintenon.

    A plusieurs reprises, du moins jusqu’à la mort du roi, elle aurait pu fuir le pays, les révolutionnaires l’auraient probablement laissée partir. Peut être aurait-elle-même pu emmener Madame Royale, fille du couple royal et seule survivante de la famille.
    Et pourtant, même si elle reste à ses côtés sans jamais faillir, chose qui lui sera reprochée lors de son pseudo procès, elle est souvent en désaccord avec les choix politiques de son frère qu’elle juge faible. Mais sa soumission à son frère et à son roi l’empêcheront toujours de lui dire ouvertement le fond de sa pensée.
    En toute chose, elle trouve du réconfort dans la religion. Elle a dévoué sa vie à Dieu sans pour autant entrer au couvent. Le fait qu’aucun mariage n’ait été envisagé pour elle par Louis XVI, alors qu’elle est mineure, montre que son frère la soutient dans son choix.
    Son grand-père, Louis XV, avait exigé que son éducation soit complète et, malgré l’opposition sur ce sujet des hommes des lumières, hostiles à l’éducation des femmes, on lui a très tôt enseigné la philosophie et ainsi apprit à penser par elle-même.
    Un regret sur cette biographie : qu’on ne sache pas quelle a été sa réaction à l’annonce de la mort du roi, puis de la reine (elle n’a appris la mort de cette dernière que 7 mois après son exécution), ce qui montre l’isolement subi par Madame Elisabeth et Madame Royale dans les derniers mois de la réclusion de Madame Elisabeth.

    Un extrait : Elle est bien chétive cette petite fille que l’on vient de baptiser. Dans ses premiers mois on craint pour sa vie. Ensuite sa santé s’affermit, mais son père et sa mère viennent à mourir. Elle a un an et demi à la mort de son père, à peine trois ans au décès de sa mère. Elle dira souvent « Je suis une enfant de la providence ».
    Le Dauphin et la Dauphine étaient tous les deux animés d’une foi très vive. Leurs deux filles, Marie-Clotilde et Elisabeth, auront la même vertu à un degré héroïque.
    La Dauphine, avant de mourir, les a recommandées à son amie, la comtesse de Marsan, gouvernante des enfants de France. Marie-Louise de Rohan, comtesse de Marsan, est veuve sans enfants. Elle n’a peut-être pas été toujours un prix de vertu, mais c’est une personne très entendue et d’expérience. Elle a élevée les trois garçons, Berry, Provence et Artois, jusqu’à leur passage aux hommes, et tout le monde à la cour s’accorde à dire qu’elle a bien réussi dans cette tâche.
    Maintenant, il lui reste à éduquer les deux sœurs et à les gouverner jusqu’à leur majorité. Louis XV, cela est nouveau de sa part, suit les progrès de ses petites-filles et s’en fait rendre compte.
    Madame de Marsan les conduit tous les jours saluer « grand-papa roi ».
    Malgré une différence d’âge de quatre ans et huit mois, elles sont élevées ensemble. C’est bon pour la petite qui veut imiter la grande. Elles sont logées dans la partie du château réservée aux Enfants de France, au bout de l’aile du Midi, du côté de l’Orangerie, au rez-de-chaussée ouvrant sur une terrasse et dominant le parterre. Les deux enfants peuvent sortir facilement et même se promener autour de la pièce d’eau des Suisses toute proche.
    Le lieu est tranquille, éloigné des agitations de la cour.

  • [Livre] Un hiver en enfer

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    Résumé : "Edward avait l'impression de se trouver dans un cauchemar. À regarder sa mère si calme, si parfaite, déblatérer les preuves criantes de l'isolement dément qu'elle lui faisait subir, Edward comprit qu'elle était vraiment dangereuse. Complètement tarée. Je n'aurai pas le temps de trouver les preuves avant de devenir dingue, moi aussi, pensa-t-il. C'est peut-être ce qu'elle cherche. M'emporter dans son délire. Il faut que je me casse d'ici, et vite !" Pour échapper à l'enfer familial, Edward, adolescent fragile, se réfugie dans sa vie virtuelle. Prisonnier des liens malsains d'une mère qui n'a jamais su l'aimer et soudain l'étouffe, l'isole. En plein coeur de l'hiver, Edward se sent en danger de mort. Deux êtres. Deux folies ? Une seule vérité sera possible. 

     

    Auteur : Jo Witek

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 20 aout 2014

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : Le roman se divise en deux parties. Au début du livre, la mère d’Edward sort d’une « cure de repos », probablement dans un institut psychiatrique. Edward fait preuve d’une méfiance presque maladive envers sa mère qui ne lui a jamais montré la moindre preuve d’affection, au grand désespoir de son père.
    Dès le début, cette famille a un coté glauque. Certes, il y a une grande complicité entre Edward et son père et on voit bien que ces deux là s’adorent, mais le choix du père de ne garder les jeunes femmes qui travaillent pour eux qu’au maximum deux ans afin que son fils ne puisse pas forger de lien affectif trop fort avec elles est vraiment malsain.
    Edward n’a aucune relation positive avec sa mère et plutôt que le laisser avoir une relation de substitution, son père lui retire cela. Il croit sans doute forcer son fils et sa femme à se rapprocher, mais tout ceci à l’effet inverse et Edward déteste encore plus sa mère pour le départ de certaines de ces personnes.
    Puis il y a le drame, qui laisse en tête à tête la mère et le fils.
    Dans la première partie du livre, l’histoire se met en place : Edward, en plein deuil, partagé entre le déni et la colère, sombre lentement, d’autant plus qu’il ne peut pas s’appuyer sur sa mère pour l’aider à se remettre de son chagrin.
    Toute cette partie permet de mettre en place et d’expliquer le huis clos ou presque qui se met en place dans la seconde partie et de justifier les réactions des personnes qui entourent le jeune homme.
    Personnellement, j’ai décidé de croire Edward envers et contre tout, peut être parce que son entourage ne le croit pas. Pourtant, il y a des moments ou c’est difficile. Non seulement ce que dit et pense Edward est délirant, mais en plus, certains faits semblent conforter la thèse qu’il invente beaucoup de choses et qu’il devient paranoïaque.
    D’un autre coté certains autres faits semblent au contraire conforter ses dires. Cependant, même si le roman est raconté à la troisième personne, la plupart du temps, excepté certains passages concernant deux autres personnages, l’histoire est racontée du point de vue d’Edward : on ne sait que ce qu’il sait. On est alors en droit de se demander si l’histoire que l’on lit n’est pas altérée par l’interprétation des faits que fait Edward.
    C’est assez tard dans le livre qu’on connaît enfin la vérité et celle-ci dépasse franchement tout ce qu’on aurait pu imaginer.
    Malgré quelques coquilles (« coup » pour « cou » ; « réveille » pour « réveil »…), l’écriture est fluide et l’intrigue très bien menée.
    Ce livre est mon troisième coup de cœur de l’année. Les thrillers ont la côte cette année : trois coups de cœur, deux thrillers !

    Un extrait : Sa mère jouait du piano quand ils arrivèrent. Une suite de Philippe Glass. De la musique contemporaine dans un mobilier design très épuré. Tout était calme, rangé, à sa place. Un décor de magazine, sans bazar ni bibelots. Rose s’interrompit à leur entrée dans le salon. Elle se contenta de tourner légèrement la tête vers lui, les mains en suspens sur le clavier.

    — Bonsoir, Edward. Je suis contente de te voir. Tu as bonne mine. Tu as eu des notes aujourd’hui ?

    Il la détestait en réalité, même après quinze jours d’absence. Guérison ou pas, son sentiment demeurait intact. Il aurait voulu l’aimer, il avait espéré cet amour, mais ça n’avait pas été possible. Ça ne s’était pas fait. Sa mère avait toujours été si distante avec lui et, depuis la mort de sa grand-mère deux ans auparavant, cela avait empiré. “Maniaco-dépressive”. Les médecins avaient ainsi mollement diagnostiqué l’étrange comportement de cette femme qui passait sa vie enfermée dans la maison à jouer du piano, à disparaître dans ses pensées ou à courir les magasins pour acheter quantité de vêtements qu’elle finissait par donner au personnel de la maison ou aux bonnes œuvres. Elle ne s’occupait de rien, ni de personne. Une figurante. Une ombre. Avec cet épouvantable regard de tristesse qu’un léger sourire permanent ne réussissait pas à camoufler. Depuis quelque temps, Edward ne supportait plus cette tristesse, et encore moins les phases d’excitation de sa mère, qui se mettait alors à ranger la maison, à donner des ordres sans queue ni tête au personnel ou encore à nettoyer sa chambre d’ado, pourtant toujours parfaitement ordonnée. Il avait ses repères, ses habitudes de rangement, il lui avait interdit de fouler son territoire mais Rose, dans ses phases “maniaques”, n’écoutait rien ni personne. La seule chose dont elle était capable était de lui acheter des fringues qu’il ne mettait pas, des livres qu’il ne lisait pas. Elle était tarée, cette brute de Traval avait raison. Tarée et insensible. Incapable de le prendre dans ses bras, de lui organiser une fête d’anniversaire, de l’emmener à l’école, de lui faire des crêpes, un gâteau ou de lui offrir un de ces gestes tendres que les mères savent normalement prodiguer à leurs enfants.

    — Salut Ed, tu vas être content, j’ai fait du tiramisu ! le prévint Helena, en ébouriffant son épaisse chevelure brune. Vous voulez boire quelque chose ?

    — Pas tout de suite, merci, répondit son père à la jeune étudiante qui fit un passage éclair dans le salon, avant de filer en cuisine. Nous allons d’abord écouter un peu Rose. N’est-ce pas, Ed ? La musique a manqué à cette maison, ma chérie. Tu nous as manqué, murmura Paul-Thomas en embrassant délicatement la nuque de sa femme.

    Voilà, c’était comme ça chez les Barzac. Du grand mensonge organisé. Une mise en scène de vie familiale. Sa mère jouait du piano à longueur de temps et autour d’elle chacun faisait son possible pour que tout ait l’air normal. Son père affichait un air éternellement jovial et embauchait tous les deux ans une nouvelle “dame de maison” qui interprétait à merveille le rôle de la maman de substitution. Câlins, histoires du soir, après-midi au parc, goûters d’anniversaire puis, plus tard à l’adolescence, sorties ciné, rendez-vous scolaires ou chez le dermatologue. Les employées étaient nourries, logées et même très bien rémunérées pour ça, triées sur le volet et embauchées en contrat à durée déterminée. Deux ans de service, pas plus. Il fallait que ces femmes comblent les défaillances affectives de la mère, mais pas qu’elles la remplacent. Paul-Thomas y mettait un point d’honneur. De la tendresse, mais pas de lien affectif prolongé.
    Pourtant, Edward s’était attaché à elles, lui. Il avait eu le cœur brisé plusieurs fois au départ de ces femmes qui, parfois, sentaient bon la tendresse maternelle. Il avait même pleuré et supplié, mais son père, malgré l’amour qu’il lui témoignait, n’avait jamais voulu déroger à cette règle. Pas plus de deux ans. Pas d’attaches. Tout cela à cause de sa mère et de sa foutue maladie qui emportait tout sur son passage.

     

  • [Livre] Une autre idée du silence

    Les lectures de Gribouille et moi-même participons à un challenge.
    Ce challenge consiste à sélectionner trois livres dans la PAL de notre binôme. Celui-ci choisi lequel des trois il lira et chroniquera. Les lectures de Gribouille et moi avons choisi de lire les trois livres que chacune à choisi pour l'autre (c'est qu'on a une PAL assez conséquente à faire descendre!)

    Ce livre est le premier que m'a choisi Les lectures de Gribouilles dans le cadre du challenge Livra'deux sur livraddict. Pour sa part je lui avais choisi La colline aux esclaves de Kathleen Grissom dont vous trouverez la chronique ICI

     

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    Résumé : Angleterre, 1255. À seulement dix-sept ans, Sarah décide de devenir anachorète. Dévouée à Dieu, elle vivra recluse dans une petite cellule mesurant neuf pas sur sept à côté de l’église du village. Fuyant le deuil de sa sœur adorée, morte en couches, et la pression d’un mariage imposé, elle choisit de renoncer au monde – à ses dangers, ses désirs et ses tentations – pour se tourner vers une vie de prière. Mais petit à petit elle comprend que les murs épais de sa cellule ne pourront la protéger du monde extérieur. 

     

    Auteur : Robyn Cadwallader

     

    Edition : Denoël

     

    Genre : historique

     

    Date de parution : 3 septembre 2015

     

    Prix moyen : 22,50€

     

    Mon avis : Dans ce roman, on ne découvre les personnages et les évènements présents et passés qu’au travers deux personnages : Sarah et Ranaulf.
    Ce qui m’a interpellé en premier lieu dans ce livre, c’est le manque de foi des personnages principaux eut égard à leur choix de vie.
    Sarah, 17 ans, a décidé de devenir recluse. Elle se destine à passer sa vie en prière dans une cellule de neuf pas sur sept, accolée à l’église et dont tous les accès vers l’extérieur sont condamnés à l’exception d’une fenêtre donnant dans la chambre de ses servantes par laquelle on lui transmet le nécessaire et d’une meurtrière donnant dans l’église, masquée par un lourd rideau, à travers laquelle elle peux parler, mais sans les voir, à son confesseur et aux femmes du village qui viennent lui demander des conseils ou des prières.
    La vie qu’à choisi Sarah est une vie de sacrifice et de dévotion envers Dieu, plus encore qu’une vie de simple religieuse. Or, la jeune fille, si elle est pieuse, n’est pas vraiment dans l’état d’esprit d’une femme se dévouant à son créateur. Elle est pleine de colère, dit ses prières sans y penser, comme une routine. Lorsqu’elle réalise que sa cellule n’est pas totalement hermétique, elle s’en offusque, mais est incapable de se couper des bruits, des odeurs, avec sérénité. On sent bien que ce n’est pas la dévotion qui l’a conduise dans ce reclusoir, mais un évènement de son passé et je ne suis pas certaine que ce soit le décès de sa sœur en couche comme le dit résumé et comme Sarah elle-même ne cesse de le rappeler.
    Elle semble supporter également très mal de devoir conseiller les femmes du village, d’autant plus qu’elle ne peut rien faire de plus que prier pour elles.
    Ranaulf, lui, est un prêtre copiste du prieuré qui gère la vie de la recluse. Il devient son confesseur en remplacement d’un prêtre trop âgé pour effectuer le trajet. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’en est pas content. Il affiche un mépris des femmes surdéveloppé, bien plus fort que l’église elle-même puisqu’il ne considère pas les recluses comme des saintes femmes mais comme, semble-t-il, des pécheresses qui expient leurs fautes, rien de plus.
    Au niveau de sa foi, j’ai l’impression qu’il n’est devenu prêtre que pour avoir accès à ses précieux livres, il montre à plusieurs reprises que toute autre tâches dévolues aux prêtres, telle que le fait d’être confesseur ou de devoir assister aux offices, n’ont aucunes importances à ses yeux et sont même presque indigne de figurer au rang de ses activités, la copie des ouvrages étant placées au dessus de tout.

    Du coté des personnes qui entourent ces deux là, on a tout un florilège de personnages, essentiellement des femmes ! Maud, Lizzie, Louise, Anna, Ellie… Les hommes, on en entend parler par elles, qu’ils soient leurs époux ou leurs voisins, à l’exception du père Simon, du père Peter et de Sir Thomas, 3 hommes que connaissait Sarah avant d’entrer en réclusion et qui vont interagir soit avec elle, soit avec Ranaulf.
    Le plus antipathique, est clairement Thomas. Fils du seigneur qui a payé pour que Sarah puisse entrer en réclusion, il a hérité de cette charge de protecteur à la mort de son père. De toute évidence, il a un passé avec Sarah, que celle-ci dévoile par bribes. Son opinion sur la vie que la jeune fille a choisie est lapidaire et il ne cesse de la tourmenter pour ébranler ses résolutions.
    Comme tout seigneur à cette époque (XIIIème siècle), il est convaincu de son impunité quoi qu’il fasse, ce qui le rend particulièrement dangereux pour tous. J’espère vraiment qu’il recevra la monnaie de sa pièce.
    Il est impressionnant de la part de l’auteur de nous tenir en haleine comme ça dans un livre où il n’y a que peu d’action, la quasi-totalité de l’histoire se passant entre les 4 murs de la cellule de Sarah et parfois dans l’enceinte du prieuré.
    C’est un huis clos presque total et pourtant, on ne peut s’empêcher de tourner les pages pour savoir la suite.

    Un extrait : J’étais près de la porte, là où les femmes devaient attendre. Allongée face contre terre, bras écartés sur le sol dur qui me refusait et que j’embrassais, désirant cette vie, cette mort. Je savais qu’il y avait des gens à proximité, des villageois venus pour regarder ou pour prier, mais je n’en ai vu aucun. Des voix dans le sanctuaire qui semblaient très éloignées psalmodiaient un chant, un chant funèbre, des prières pour moi. J’en connaissais les paroles : je les avais lues et relues, mémorisées, mais à présent elles n’étaient qu’un son. L’humidité froide de la pierre m’a pénétrée jusqu’aux os ; je n’ai pas senti les gouttes d’eau sur mon dos, leur fraîcheur bienfaisante. J’étais devenue pierre.
    L’évêque m’a relevée, mes jambes étaient lourdes, et il m’a guidée vers l’autel. J’ai pris les cierges qu’on me donnait ; une flamme brillait à présent dans mes mains et je ne pouvais rien voir au-delà. Quelque part à l’extérieur du halo de lumière, les paroles de l’évêque m’ont implorée :

    - Aime de tout cœur Dieu et ton prochain.

    Je me suis agenouillée et j’ai prié.
    Il y a eu des mots, des pages et encore d’autres mots : j’ai signé tout ce qu’on me demandait. J’ai entendu tinter la chaîne de l’encensoir. Lentement, le parfum doux-amer de l’encens m’a enveloppée comme un voile, comme des bras qui m’enlaçaient.
    Ils m’ont conduite jusqu’à la porte d’entrée, loin des gens et de la lumière des cierges, puis dehors dans la nuit, noire et glaciale. Nous avons traversé le cimetière ; l’herbe était mouillée sous mes pieds, les morts m’entouraient.
    Un chant s’est élevé dans les ténèbres, « Que les anges te guide jusqu’au paradis » ; c’était le cantique que nous avions chanté pour maman quand elle était morte, et plus tard pour Emma. Nous nous sommes arrêtés devant la cellule et les mains chaudes qui me tenaient les bras se sont retirées. Je me suis mise à frissonner. L’évêque a lancé :

    - Si elle veut entrer, qu’elle entre.

    La porte s’ouvrait sur les ténèbres. J’ai pris une profonde inspiration et ai pénétré à l’intérieur. Tout autour de moi n’était qu’obscurité et je sentais l’humidité sur mon visage. Des voix douces chantaient : « fais preuve de patience, ton désir de Dieu est proche. » Ils m’ont déposée par terre ; de la poussière et des mots sont tombés sur moi, à l’intérieur de ma bouche et dans mes yeux. La mort me désirait et je l’ai acceptée :

    - Je resterais ici pour toujours ; c’est la maison que j’ai choisie.

    Je pouvais sentir mes os, blancs et inertes contre le sol noir ; des vers se tortillaient entre mes côtes comme de la laine sur un métier à tisser. Au cœur de ces ténèbres, je suis morte. Mon corps s’est décomposé, désagrégé, est retourné à la terre. Ils sont partis et m’ont laissée seule.

     

  • [Livre] Les descendants - T01 - L'île de l'oubli

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    Résumé : Il y a vingt ans, les Méchants ont été bannis du royaume d’Auradon et emprisonnés sur l'ile de l'Oubli, un lieu sombre et morne protégé par un champ de force.

    Privés de leurs pouvoirs magiques, les Méchants et leurs descendants vivent désormais dans l'isolement le plus total.

    Cependant, au cœur de la Forêt Interdite, se cache l'Oeil de Dragon, la clé des véritables ténèbres, et de leur liberté.

    Seul le plus perfide, le plus sournois, le plus machiavélique pourra s'en emparer.

     

    Auteur : Melissa De La Cruz

     

    Edition : Hachette

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 1 Juillet 2015

     

    Prix moyen : 16€

     

    Mon avis : On m’avait dit beaucoup de bien de ce livre et j’en attendais beaucoup, mais j’ai finalement été un peu déçue.
    Adepte des réécritures de contes, j’ai pris l’habitude de texte assez travaillé avec un ton adapté à l’adolescence mais largement lisible par des adultes.
    Ici, j’ai eu l’impression d’avoir un mauvais livre pour enfant entre les mains sur les deux tiers du livre.
    Déjà, les descendants semblent être sortis de nulle part. Si on suit la chronologie du livre, ils sont nés sur l’île de l’oubli. Mais alors où est la seconde moitié du duo parental ? Jay n’a qu’un père, Carlos qu’une mère… La seule dont le père est cité est Mal, la fille de Maléfique, mais ce n’est que pour dire que c’est un humain. Est-ce à dire qu’il y a des humains prisonniers avec les méchants sur l’île ? Les gentils ne sont donc pas si gentils que ça s’ils n’ont pas hésité à condamner des innocents, juste pour donner l’illusion d’une vraie ville. Et si le père de Mal est un humain, et que l’île est si petite où est-il ? Qui est le père de Carlos ? La mère de Jay ?
    Au-delà de cet aspect, l’écriture en elle-même est vulgaire, pas dans le sens où le texte est bourré d’injures mais dans le sens où il n’y a aucune finesse.
    Par curiosité, j’ai regardé le film Disney Channel dont ce livre est le prequel et je ne m’étonne plus de mon sentiment sur le texte quand je vois la médiocrité du téléfilm. Quand on voit les merveilles, d’animation ou en prises réelles que les studios Disney sont capables de produire, on se demande vraiment comment ils peuvent également produire une médiocrité pareille.
    J’ai trouvé que l’histoire devenait un peu plus élaborée et intéressante à partir du moment où les descendants entre dans la forteresse, mais cela n’arrive que tardivement dans le bouquin et c’est dommage car c’est quand même le but final de l’histoire, la quête principale. Tout ce qui est écrit avant ne sert qu’à meubler et à remplir des pages.
    On parle très peu des « gentils », bien que quelques chapitres leurs soient consacrés, et tout ceci pour se rendre compte que leur monde est bourré d’inégalités destinées à améliorer les confort des « grands » au détriment du bien-être des « petits ». Pas si gentils que ça, donc. Heureusement, le futur roi, le prince Ben, fils de figures emblématiques des contes de fées, semble être prêt à faire changer les choses.
    J’ai été perturbée par le manque d’imagination des créateurs des descendants. Les prénoms des descendants des méchants, rien que cela, donne le ton : Jay pour le fils de Jaffar, Evie pour la fille de la méchante reine (evil queen), Mal pour la fille de Maléfique, Gaston junior et Gaston III pour les fils de Gaston… c’est affligeant… Au moins les « gentils » ont des noms différents de leurs parents (Audrey, fille de la belle aux bois dormant, qui est la seule dont l’auteur parle dans le livre, mais dans le film on rencontre aussi Doug, fils de simplet, Lonnie, fille de Mulan ou encore Jane, fille de la marraine la bonne fée).
    J’ai trouvé qu’il n’y avait pas de vraie fin, même pour un livre destiné à avoir une suite, même pour un prequel.
    On a l’impression de lire un article promotionnel de 300 pages incitant à voir le film.
    Je suis d’autant plus déçue qu’avec une réécriture de conte, d’autant plus en se concentrant sur les enfants des méchants, ce qui est en général peu exploité, il y avait la possibilité de faire un bouquin vraiment génial.

    Un extrait : Je suis forcément dans un rêve, ça ne peut pas être vrai, se dit Mal.

    Assise au bord d’un lac merveilleux, sur les pierres d’un temple en ruine, elle croque une belle fraise sucrée. Autour d’elle s’étend la forêt luxuriante, à ses pieds coule l’eau claire.

    « Mais où suis-je ? lance-t-elle à voix haute, en attrapant la gourde d’ambroisie dans le panier de pique-nique.

    — Tu es à Auradon, au bord du lac enchanté », lui répond le garçon allongé près d’elle.

    Tiens, elle ne l’avait pas remarqué, celui-là. Mais à présent, elle l’enverrait volontiers batifoler ailleurs. Parce que ce garçon est pire que tout – mais pire que quoi au juste ? Il est grand, il est blond comme les blés, il est terriblement beau. Son sourire doit remuer le cœur des demoiselles et les faire tomber en pâmoison.

    Mais pas Mal, qui n’a rien d’une fille à papa.

    La panique commence à monter, elle le sent. C’est comme si on l’avait coincée quelque part. À Auradon, qui plus est. Ce ne serait donc pas un rêve ?

    « Qui es-tu, toi ? Une sorte de prince ? »

    Elle le toise d’un regard mauvais, lui et sa chemise bleue brodée de fil d’or.

    « Tu sais bien qui je suis. Je suis ton ami. »

    Cette réponse soulage Mal instantanément.

    « Oh ! C’est bien un rêve alors ! dit-elle, fine mouche. Je n’ai pas d’amis ! »

    Le garçon blêmit, mais, avant qu’il ne puisse répondre, une voix gronde dans ce tableau idyllique, les cieux noircissent et l’eau clapote furieusement.

    « Crétins ! Idiots ! Triples buses ! » tonne la voix.

    Mal se réveilla en sursaut.

    Sa mère hurlait après ses sujets depuis son balcon. Il faut dire que Maléfique régentait l’îlot de l’Oubli d’une poigne de fer. Et sa fille n’échappait pas à sa tyrannie.

    Pourtant habituée aux vociférations de sa mère, Mal trouva le réveille-matin un peu rude. Surtout que son cœur s’affolait encore à cause du cauchemar. Elle rabattit les couvertures de satin mauve et s’assit, songeuse.

    Bon sang, mais pourquoi avait-elle rêvé d’Auradon ? Quelle sorte de magie noire avait envoyé un prince charmant roucouler dans le creux de son oreille durant son sommeil ?

    Mal frissonna et secoua la tête pour chasser l’horrible souvenir. Elle fut rassurée d’entendre le cérémonial des villageois tremblants de peur aux pieds de sa mère. Elle regarda autour d’elle. Pas de doute, elle était au bon endroit : dans son gigantesque lit de fer forgé qui grinçait. Le baldaquin pendouillait toujours au-dessus de sa tête en menaçant de s’écrouler. Comme d’habitude, les quatre gargouilles lui tiraient la langue. Rien n’avait changé. La chambre de Mal demeurait sinistre et grise.

    Les braillements de sa mère faisaient trembler les murs. Une ultime secousse fit éructer la commode laquée, projetant une montagne de vêtements mauves sur le parquet. Le mauve, Mal n’en démordait pas : à ses yeux, cette couleur symbolisait la magie et le mystère. Le noir était d’un commun… Tout le monde en portait sur l’île.

    Elle se leva pour gagner la fenêtre. À sa droite, son armoire fatiguée débordait des babioles qu’elle avait chapardées. D’un geste sec, Mal écarta les lourds rideaux de velours. Sous ses yeux s’étendait l’habituel paysage, lugubre à souhait.

    Basse-cour pourrie, chère fosse à purin.

    Il est vrai que l’île de l’Oubli n’avait rien de remarquable : elle n’était ni grande, ni belle, ce n’était pas un coup de pinceau vert sur la carte, mais une simple crotte de mouche avec un entassement de bicoques branlantes adossées les unes aux autres.

     

  • [Livre] Absences

    Ma vie livresque et moi-même participons à un challenge.
    Ce challenge consiste à sélectionner trois livres dans la PAL de notre binôme. Celui-ci choisi lequel des trois il lira et chroniquera. Ma vie livresque et moi avons choisi de lire les trois livres que chacune à choisi pour l'autre (c'est qu'on a une PAL assez conséquente à faire descendre!)

    Ce livre est le premier que m'a choisi Ma vie livresque dans le cadre du challenge Livra'deux sur livraddict
    Pour sa part je lui avais choisi "Si tu m'entends" de Sharon Dogar dont vous trouverez la chronique ICI

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    Résumé : Nick et Dara ont à peine deux ans d’écart et se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Pour le reste, ces deux sœurs sont très différentes. Nick, l’aînée, est aussi discrète et responsable que Dara, la cadette, est excentrique et délurée. En quelques mois leur vie bascule : le divorce de leurs parents, un amour sur fond d’amitié trahie et surtout un mémorable accident de voiture… Ce jour-là, Nick était au volant. Depuis, elle a presque tout oublié du drame dont sa petite sœur, elle, a gardé de nombreuses séquelles. Ce dont Nick se souvient en revanche, c’est que sa sœur et elle s’étaient insensiblement éloignées avant l’accident. Alors pour renouer les liens, Nick décide de préparer à sa Dara une surprise pour son anniversaire. Mais Dara disparaît, laissant un message énigmatique. Il est temps de comprendre, de combler les trous de mémoire et de faire parler les siennes : Nick décide de mener l’enquête.

     

    Auteur : Lauren Oliver

     

    Edition : Hachette

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 1 Juillet 2015

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Ma première impression, après avoir lu environ ¼ du livre, est que la plupart des personnages sont odieux. Que ce soit le père, qui se débarrasse des problèmes en vitesse, la mère, qui se traîne et n’est pas foutu de contrôler sa gamine, la policière qui menace d’arrêter Nick sous le seul prétexte qu’elle a retrouvé un sweat-shirt sur les lieux d’une fête, le propriétaire d’un parc miteux qui croit réellement que des ados sont enthousiastes de bosser chez lui et surtout Dara.
    Dara est pour moi l’exemple même de la petite conne qui pense que tout lui est du et qui est prête à faire n’importe quoi pour arriver à ses fins.
    Nick n’ayant plus tous ses souvenirs autour de l’accident, elle n’est surement pas blanche comme neige, mais je trouve que son entourage lui en demande trop : comme si, en lui demandant d’être parfaite en toute circonstances, cela allait atténuer le comportement désastreux de sa sœur. Comportement qui est induit par ses parents qui semblent ne lui avoir jamais posé la moindre limite, comme si le bon comportement de Nick suffisait à annuler celui de sa sœur.

    On oscille entre passé, avec le journal de Dara et présent avec le fil de l’histoire.
    Mais j’ai le sentiment, depuis quelques chapitres, que quelque chose cloche dans le récit qu’on nous livre. Qu’il manque un élément, quelque chose d’important. Qu’on ne peut pas comprendre l’ensemble du tableau tant qu’on n’en sait pas plus sur l’accident. Je commence à me poser certaines questions qui remettent en cause tout ce que je pense depuis le début de ce livre.
    Une théorie commence à se dégager dans mon esprit, et plus les pages défilent, plus je suis sûre de moi, mais il me manque encore des détails pour tout comprendre.
    En revanche, je ne vois pas de rapport avec la disparition de la fillette dont tout le monde parle en filigrane de l’histoire. Je ne sais pas si j’ai manqué un indice, si d’autres révélations vont venir éclairer cet aspect de l’histoire, ou encore s’il s’agit d’un leurre chargé de nous cacher le plus important.

    Chaque aspect de l’affaire est bien expliqué et logique, à aucun moment on a l’impression qu’un élément tombe comme un cheveu sur la soupe.
    J’avais compris plusieurs choses, bien que pas forcément très longtemps avant d’en avoir la preuve écrite mais à chaque fois, il me manquait des détails.
    Concernant la gamine disparue, je n’avais pas réussi à comprendre le rapport qu’il y avait et, si son affaire peut presque paraître inutile, elle permet d’amener le personnage principal exactement où on a besoin qu’il soit pour que l’histoire garde non seulement sa cohérence mais son rythme.
    Vu la vitesse à laquelle j’ai terminé ce roman et le fait qu’il m’a été très difficile de le lâcher, on peut dire qu’il s’agit d’un coup de cœur !

    Un extrait : — En sous-vêtements, Nicole ?

    Il y a beaucoup de mots, ou expressions, que l’on aimerait ne jamais entendre dans la bouche de son père. Lavement. Orgasme. Déception.

    « En sous-vêtements » figure en bonne position sur cette liste, surtout à 3 heures du matin, après avoir quitté un commissariat vêtue d’un pantalon de la police et d’un sweat-shirt qui appartenait selon toute vraisemblance à un sans-abri ou à un serial-killer potentiel, parce qu’on s’est fait piquer ses fringues et son sac – contenant papiers d’identité et liquide.

    — C’était une blague, dis-je pour me justifier, ce qui est complètement débile.

    Se faire arrêter, quasiment nue, au milieu de la nuit, à l’heure où on devrait être dans son lit, n’a rien d’une blague. Les phares partagent la nationale en taches de lumière et d’obscurité. Je me félicite d’une chose au moins : le visage de mon père est plongé dans le noir.

    — À quoi est-ce que tu pensais, Nicole ? Je ne m’attendais pas à ça de ta part. Et ce garçon, Mike…

    — Mark.

    — Peu importe son prénom. Quel âge a-t-il ?

    Je conserve le silence, cette fois. Je sais qu’il vaut mieux garder la réponse pour moi. Vingt ans. Mon père cherche quelqu’un à qui faire porter le chapeau. Autant le laisser croire qu’on m’a forcée la main, qu’un mec exerçant une mauvaise influence sur moi m’a convaincue d’enjamber le grillage de la piscine, de me mettre en sous-vêtements et de sauter dans le grand bain. De faire un énorme plat dans une eau si glaciale que j’en ai eu le souffle coupé, que je suis remontée à la surface dans un éclat de rire, aspirant l’air à grandes goulées, pensant à Dara. Dara qui aurait dû être là avec moi, qui aurait compris.

    Il me semble voir surgir des ténèbres un énorme bloc de roche, un mur de pierre en accordéon, et je ferme les paupières un instant avant de les rouvrir. Il n’y a rien d’autre que la chaussée lisse à perte de vue et les deux entonnoirs découpés par les phares.

    — Écoute, Nick. Ta mère et moi, on s’inquiète pour toi.

    — Je ne savais pas que vous vous parliez encore, dis-je en baissant ma vitre de quelques centimètres, en partie parce que la climatisation crache à peine un filet d’air froid et en partie parce que le bruit du vent noie la voix de mon père.

    Il ne se laisse pas perturber.

    — Je suis sérieux, Nick. Depuis cet accident…

    — Par pitié, l’interromps-je pour l’empêcher d’aller au bout de sa phrase. Pas ça.

    Il soupire et se frotte les yeux derrière ses lunettes. Il a gardé l’odeur de ces bandelettes mentholées qu’il place sur son nez, la nuit, pour ne pas ronfler, et il porte le pantalon de pyjama ultralarge que j’ai toujours connu, celui avec des rennes. L’espace d’une seconde, une terrible culpabilité m’envahit.

    Puis je repense à la nouvelle copine de papa et à l’expression crispée, muette, de maman, qui évoque une marionnette aux mouvements empêtrés.

    — Tu vas bien devoir en parler un jour, Nick.

    Cette fois le ton est plus doux, soucieux.

    — Sinon avec moi, reprend-il, avec le Dr Lichme. Ou avec tante Jackie. N’importe qui.

    — Non, m’entêté-je en baissant la vitre complètement pour que le vent, qui tonne à présent, emporte le son de ma propre voix. Non.

     

  • [Livre] Little sister

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    Résumé : Du haut de ses seize ans, Lena fait preuve d'une assurance étonnante. Pourtant sa vie est loin d'être simple. Lena Rodriguez, c'était son nom avant. Sa nouvelle identité, elle ne peut la révéler à personne... Lena a convaincu ses parents de la laisser partir seule quelques jours à Cadaquès, chez son oncle et sa tante catalans. Elle ne leur a pas tout dit. Là-bas, elle a rendez-vous avec Ivan, son grand frère que personne n'a vu depuis quatre ans... depuis qu'il est parti, sans explication, faire le djihad en Syrie.

     

    Auteur : Benoît Séverac

     

    Edition : Syros

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 3 Mars 2016

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : Je m’attendais à ce qui allait se passer car une grande intelligente a raconté les éléments clefs du roman dans sa critique sur Babelio. J’ai donc perdu une bonne partie de ce qui donne envie de tourner les pages plus vite, à savoir : pourquoi Ivan veut-il voir Lena ?
    L’auteur a daté la lettre de Théo pour Lena du 09 avril 2016 alors que le livre est sorti en mars. Je trouve que c’est une bonne idée car, du moins lorsqu’on lit le livre peu de temps après sa sortie, on a vraiment l’impression de vivre l’histoire en même temps que les personnages.
    L’auteur décrit parfaitement ce qu’à put ressentir cette famille qui croyait leur fils en stage en Angleterre (pas de spoiler, c’est dit dans les 1ère pages, vous inquiétez pas) et qui découvre à la TV qu’il a rejoint un groupe terroriste. Il parle un peu de l’enquête, des interrogatoires mais s’attarde surtout sur la honte ressentie par la famille, l’incompréhension, le sentiment de trahison, et surtout les réactions de l’entourage, des voisins, des camarades d’écoles, tous ses gens sans aucune compassion qui, au lieu de réconforter une famille qui vit un drame, les harcèlent, les insultent, au point de provoquer leur fuite.
    On ressent très bien les sentiments de Lena qui est partagée entre l’amour qu’elle porte encore à son frère et sa colère contre lui pour l’avoir trahie, pour être parti sans un mot. Même si elle a du mal à préciser ce qu’elle ressent, on se rend compte sans mal qu’elle espère que son frère n’est pas là-bas de son plein gré, qu’il est retenu contre sa volonté, qu’on l’a obligé à poser sur les photos vues à la télévision pour l’incriminer, qu’il a subi un lavage de cerveau et va se « réveiller » à un moment et revenir auprès d’elle.
    L’auteur fait le choix de changer de narrateur par deux fois : d’abord Lena, puis Théo, l’ancien meilleur ami de son frère et enfin Joan, un catalan, membre d’un groupe anarchique ayant, en son temps, combattu Franco.
    J’ai apprécié d’avoir le point de vue de différents personnages, mais quand on entre dans l’action, j’aurais aimé qu’on revienne régulièrement sur le point de vue de Lena, ne serait-ce que le temps d’un chapitre ou deux au milieu des parties consacrées aux autres narrateurs.
    Une dernière partie, plus courte que les autres, est racontée du point de vue d’un quatrième narrateur. C’est cette partie qui m’a le plus déçue et qui fait, en partie, que ce roman n’est pas un coup de cœur. Pour moi, sur cette dernière partie, tout va trop vite. On a presque l’impression de lire les notes prises sur le vif et transcrite comme ça, sans de réel travail dessus. Je n’ai plus eu l’impression d’être dans un livre et ça m’a laissé un peu sur ma faim.
    J’aurais bien aimé que ce soit Lena qui conclue le roman, qui nous fasse un épilogue digne de ce nom.
    Sur l’ensemble du roman, j’ai trouvé que l’auteur n’allait pas assez au fond des choses, qu’il restait toujours plus ou moins à distance de son sujet.
    Et, même si ce livre reste un excellent roman, j’ai eu une petite sensation de manque, de trop peu et d’inachevé.

    Un extrait : Avant, je m’appelais Lena Rodriguez. Mes parents avaient choisi un prénom moderne – il parait que Lena n’était pas très courant quand je suis née, il y a seize ans – mais qui sonnait un peu espagnol pour faire plaisir à mes grands-parents, et surtout aux parents de mes grands-parents qui avaient connu l’Espagne, eux. Ils y ont vécu jusqu’à ce que Franco chasse tous les républicains en 1939. Ils se sont réfugiés en France, et ils y sont restés. Dans tous les sens du terme. Je veux dire par là qu’ils sont morts de ce côté des Pyrénées sans être jamais retournés dans leur pays.
    Mes parents évoquaient peu ces histoires, mais mon papi et ma mamie, qui étaient petits lorsqu’ils ont traversé les Pyrénées à pied, emmitouflés dans des couvertures offertes par la Croix-Rouge, eux en parlaient souvent.
    De toute façon, ça n’a plus aucune importance à présent, nous ne nous appelons plus Rodriguez.
    Mon faux nom, mon nouveau vrai nom, je ne peux le révéler à personne. C’est trop dangereux.
    Nous avons dû changer d’adresse également, changer de ville, de région même.

    Tout ça à cause de mon frère Ivan, de cinq ans mon aîné.
    C’est difficile d’en vouloir à un grand frère qu’on aime ; difficile aussi d’aimer un frère à qui on en veut autant.
    Quand on est enfant, on grandit à ses côtés en se disant que c’est pour toujours, qu’il sera tout le temps là pour vous, qu’il viendra vous chercher à la sortie de l’école même quand on aura quitté les bancs de l’école depuis belle lurette, qu’il continuera encore longtemps à vous défendre. Et puis, en vieillissant, on comprend qu’on ne vivra pas avec lui, ni comme lui, mais on continue à partager ce qu’il y a de plus précieux, de plus beau, ce qui nous a fondé : l’enfance. Quelque chose nous unit, un lien indestructible… C’est ce lien qu’Ivan a détruit.

    C’est arrivé quand j’avais douze ans, je commençais à peine à voir se profiler mon avenir, à faire des choix par moi-même, parfois contre l’avis de mes parents. Je travaillais dur à l’école parce que j’avais compris que c’était la condition pour réussir. Quelque chose vibrait à l’intérieur de moi, qui ne demandait qu’à sortir, un frémissement. Je ne comprenais pas vraiment ce que c’était, mais je me souviens parfaitement de cette période où j’en ai pris conscience. Je n’étais plus le bébé à ses parents, j’étais moi, et je me faisais des promesses que j’écrivais dans mon journal intime pour ne pas être tentée de les oublier ou de les trahir.

    Rien de tout cela n’a pu éclore. Mon frère l’en a empêché. Il m’a condamnée, il NOUS a condamnés, mes parents et moi, à vivre dans l’espace clos où il nous a enfermés. A l’intérieur de sa folie.

    Moi qui rêvais d’être une star, me voilà contrainte de désirer l’anonymat plus que tout. Quand j’étais en sixième ou en cinquième, je n’avais qu’un désir, un peu futile peut-être, mais c’était ce que je souhaitais le plus ardemment : participer à The Voice ! Chanter devant des millions de téléspectateurs et devenir célèbre. Je me voyais déjà sur les plateaux de télévision, entourée d’une maquilleuse et d’une coiffeuse, réclamée par mes fans, adorée par les garçons qui se presseraient à la porte de ma loge, couverte de bouquets de fleurs envoyés par des admirateurs, courtisée par les présentateurs télé, les journalistes et le Tout-Paris. J’aurais été une people !
    Au lieu de cela…
    Célèbres, nous le sommes devenus. Toute la famille. En l’espace de quelques heures. Et pas seulement à Toulouse où nous habitions. Au-delà de la Haute-Garonne et des Midi-Pyrénées, dans tout le pays ! Nous n’avons pas eu à passer par un casting pour entrer sous les projecteurs.
    Nous avons été sélectionnés pour la finale dès le premier tour et déclaré vainqueurs. Champions toutes catégories !
    Tout cela à cause de mon frère.

    Lorsque le lundi 22 janvier 2012, son visage radieux s’est affiché à la une de tous les journaux, il m’a damé le pion. J’ai compris ce jour-là que je ne serais jamais une star de la chanson.
    Il portait une barbe longue de plusieurs semaines, il était coiffé d’un keffieh de moudjahid, il avait une kalachnikov en bandoulière, sa poitrine était bardée de munitions et de grenades, et il était avec d’autres comme lui, aux côtés d’un islamiste qui brandissait la tête d’un otage décapité.
    Nous le croyions en stage en Angleterre. Nous avons compris plus tard que les cartes postales que nous recevions avaient été pré écrites et postées par un complice depuis Londres. Il n’appelait pas au téléphone, soi-disant parce que son forfait ne le lui permettait pas. J’avais trouvé bizarre qu’il refuse la proposition de mes parents de lui payer un abonnement international.
    La victime était un journaliste français qui avait disparu depuis des semaines ; il avait été kidnappé au cours d’un reportage pour le Figaro Magazine. Mon frère avait participé à l’assassinat d’un autre français, là-bas, en Syrie, dans un pays que je n’aurais même pas pu situer sur une carte.
    Ça a été comme si quelqu’un avait lancé une bombe au milieu du salon. Ma mère s’est mise à hurler, mon père se tenait la tête et pleurait. Le téléphone a sonné quasi instantanément. Moi, je me demandais ce qu’il se passait parce que je n’ai pas reconnu mon frère tout de suite.

     

  • [Livre] Souviens-toi de demain

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    Résumé : À la suite d’une agression, Charlie Longe se réveille à l’hôpital, totalement amnésique. Non seulement elle a tout oublié de son passé, mais elle est incapable d’enregistrer de nouveaux souvenirs. Pour ne pas perdre le fil des événements, elle tient un journal. Déterminée à reconstruire le puzzle de sa vie, la jeune femme part en quête de la vérité, avec ses notes comme seule boussole ainsi que le badge d’une agence de publicité où, apparemment, elle travaillait avant son accident. Mais tout sonne faux. La voilà saisie d’une affolante paranoïa, d’autant plus que son entourage paraît s’acharner à brouiller les pistes. Charlie le sait, elle ne peut se fier à personne…

     

    Auteur : Vanessa Caffin

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 26 mars 2014

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : Ca fait déjà un certain temps que je trouve que la qualité des livres choisis par France loisirs baisse. C’est déjà le second livre que je trouve un peu bof (et comme pour le premier, écrit par un auteur français).
    L’histoire par elle-même est prometteuse mais j’ai trouvé qu’il y avait un manque flagrant de cohérence. L’amnésie est très bien expliquée et très bien intégrée à l’histoire et on ressent sans mal les sentiments de Charlie, confrontée à cette panique et à ce carnet.
    En revanche, les réactions, ou plutôt l’absence de réaction de la police est complètement incompréhensible. Ils sont alerté de sa disparition, ils ont enquêté, mais jamais un policier ne se présente chez elle. Quand elle va au commissariat, rien n’est associé à son nom dans l’ordinateur…
    Bref, rien n’a de logique. Que la vie de Charlie elle-même ne le soit pas, cela peut s’expliquer par l’amnésie, mais qu’il n’y ait aucune réaction sensée des policiers ou des médecins, voilà qui fait perdre tout intérêt au roman.
    Ajoutons à ça une fin amorale et complètement irréaliste (comme si c’était normal qu’une personne puisse agir en toute impunité sans jamais être inquiétée), et nous avons une belle déception.

    Un extrait : - Mademoiselle Longe, réveillez-vous. Je dois prendre votre tension.

    Charlie ouvrit les yeux. Une femme en blouse blanche lui tenait le bras.

    - Vous allez bien ce matin ?

    Où était-elle ? Elle détailla la pièce du regard. Visiblement, elle était à l’hôpital. Les murs étaient d’un jaune déprimant. En face d’elle, une autre patiente, assise en lotus sur son lit la fixait sans un mot.

    - Qui êtes vous ? demanda Charlie

    - Je suis Rose, votre infirmière. On s’est vu hier, vous ne vous souvenez pas ?

    - Pourquoi suis-je à l’hôpital ?

    - Vous avez eu un accident.

    - Un accident ?

    L’infirmière reposa son bras. La tension était bonne. Alors pourquoi Charlie sentait-elle chez elle cet air inquiet ? La femme quitta la chambre et réapparut quelques minutes plus tard accompagnée d’un homme dont les mains se baladaient sur un stéthoscope.

    - Bonjour, Charlie, je suis le docteur Martin. Vous allez bien ce matin ?

    Il s’approcha d’elle, l’ausculta. Charlie n’en pouvait plus de ce protocole froid, elle voulait des réponses. Crachez ce que vous pensez, bon sang !

    - Pourquoi suis-je à l’hôpital ? demanda-t-elle

    - Vous avez eu un accident, Charlie. Savez-vous en quelle année nous sommes ?

    Elle réfléchit. Non, elle ne savait pas. Le médecin la mitrailla de questions, elle ne pouvait rien répondre. Elle était angoissée, perdue. Ces gens semblaient la connaître mais leurs visages ne lui disaient rien. Que se passait-il ? Elle voulait qu’on lui appose un mot sur son état, une névrose, un syndrome, même une maladie incurable. Le docteur refusait d’entendre ses prières.

    - Nous allons procéder à des tests neuropsychologiques.

    - Vous avez bien une idée, quand même ? supplia-t-elle

    - L’amnésie dont vous souffrez a pris différents visages.

    - Ca veut dire quoi, exactement ?

    - Il est possible que vous souffriez d’un Korsakoff post-traumatique, c'est-à-dire que vous soyez incapable d’enregistrer de nouvelles informations.

    - En clair ?

    - En clair, chaque jour vous oubliez tout. Les visages, les expériences, votre vie.

     

  • [Livre] Luna viva : Le tournoi des voyantes

     

    Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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    Résumé : Lors de son hospitalisation la jeune tireuse de cartes Luna a rencontré un jeune métis qui depuis sa mort, l'accompagne sous forme de spectre. Mais le chef des forains, le Falcone, a inscrit Luna à un concours de cartomancie et l'a confiée à Izabella. A ses côtés, elle prend conscience de la puissance de son don de divination mais aussi des menaces que fait peser le Cercle sur les voyantes.

     

    Auteur : Aurélie Benattar

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 01 juin 2016

     

    Prix moyen : 15,50€

     

    Mon avis : Dès le prologue, le ton est donné sur la vie de Luna : mère décédée, frère violent, communauté de forains s’apparentant à une secte… Une vie formidable ! On ne s’étonne plus de la tentative de suicide de Luna qui ouvre le livre. On la comprend encore mieux dans les chapitres qui suivent.
    De « simplement » violent, son frère apparaît comme potentiellement incestueux ; Luna semble être mise à l’écart, physiquement même, de la communauté. Son frère l’isole, on lui reproche son apparence : une poupée aux cheveux blond presque blancs et aux yeux plus, au teint de porcelaine, au milieu de personnes à la peau mate, aux cheveux noirs et aux yeux marrons. Elle fait « tache », elle dérange.
    Les règles concernant les filles dans la communauté renforcent l’impression sectaire (pas de télé ou d’internet avant les 20 ans).
    J’ai beaucoup aimé que sous chaque titre de chapitre on trouve l’image d’un arcane majeur du tarot de Marseille, son nom et sa signification (l’une de ses significations).
    Un jour, le chef de la fête foraine décide d’inscrire Luna à un concours de voyance. Sa sœur, une grande voyante va venir l’entrainer.
    Luna apprend alors que les voyantes sont menacées par un groupe appelé « le cercle » qui leur envie l’influence qu’elles ont auprès des chefs.
    J’ai regretté qu’on n’en sache pas plus au sujet de ce fameux cercle. Mais d’un autre coté, c’est une bonne excuse pour réclamer à l’auteur d’autres tomes des aventures de Luna !

    A un moment, vers la fin, un évènement (et comme c’est vers la fin, je vous dirais pas lequel) m’a donné envie de pleurer (en plus je suis hyperémotive en ce moment surtout sur ce sujet) et j’ai tourné les pages de plus en plus vite dans l’espoir de découvrir une autre explication que celle qui parait la plus évidente. Autant dire que j’ai eu de la chance qu’on soit près de la fin du livre parce que j’aurais été incapable de le poser sans savoir et qu’il était déjà plus de 22h.
    J’ai beaucoup apprécié le style de l’auteur même si parfois, certains des sujets abordés m’ont fait douter de la qualification jeunesse du livre (disons jeunesse mais à partir de 14 ans) : suicide, inceste, folie… Bref il faut que le jeune en question ait une certaine maturité pour aborder ces sujets là.
    Je n’ai pas été choquée par des tournures approximatives, le texte est vraiment bien écrit (y’a une coquille, une seule, à un moment, je me rappelle plus ou exactement, « hbier » au lieu de « hier », franchement, c’est rien à coté d’autres livres que j’ai lu !).
    Il y aurait beaucoup de choses à dire encore sur ce livre, mais sans vous dévoiler l'histoire ce serait mission impossible. Sachez seulement que tout ce que j'aurais à dire serait positif sur le livre (même quand j'ai envie de critiquer les personnages car l'auteur en a fait certains vraiment détestables).
    C’était une excellente lecture, pas loin du coup de cœur (fallait pas me faire pleurer !) et j’espère vraiment que l’auteur fera une suite !

    Un extrait : - Debout, feignasse !

    La voix de « grizzli » résonne dans ma tête. Je dormais si profondément que je n’ai pas entendu le bruit du verrou – d’ordinaire, il me fait sursauter. Mais il faut dire que depuis avant-hier, mon retour à la roulotte, je suis une vraie marmotte.
    Allez Gidy ! Encore quelques minutes, s’il te plait. Promis, je te ferai une jolie recette après. Ils vont en avoir pour leur monnaie, les clients. Je leur dirai tout ce qu’ils ont envie d’entendre : argent, mariage, santé. Tout.
    C’est la seule chose qui existe pour lui, la paie que je ramène. Il doit des comptes aux forains, mon frère. Alors, il m’en demande à moi…normal. Loi de la chaine alimentaire. Dommage que je me trouve au dernier échelon. Le coup de l’hosto, je m’attendais à ce qu’il le prenne mal ; et d’ailleurs, ça n’a pas raté. Du pur « Gidy Grizzly »… Dès qu’il a été autorisé à entrer en service de réanimation, il n’a pas mâché ses mots.

    - T’es encore plus conne que je croyais ! Pourquoi t’as fait ça ? Pourquoi t’as pris ces cachetons ?

    Face à mon silence, il s’est mis à tourner comme une boule de loto dans sa machine. Maman y jouait toutes les semaines, au loto – ma couchette étant placée juste en face du poste télé, je pouvais voir les émissions en cachette. Elle s’était même arrangée pour faire des petits trous dans les motifs du rideau. Mais malgré mes prières pendant le tirage, elle n’a jamais gagné le gros lot.
    Tout au plus 50 euros une fois.
    Dans mon lit blanc d’éther, sous les cris de mon frère, je me disais que moi non plus, je ne risquais pas de toucher le pactole.

    - Merde, tu te rends compte du fric que tu nous fais perdre ? Sale tarée !

    Il s’est approché de moi avec ses pas de girafe malade – je n’ai pas attendu qu’il lève la main au dessus de mon visage pour me protéger, l’habitude. Par chance, une infirmière a passé la tête depuis le couloir. Pas Catherine, elle n’était pas de garde, mais une fille sympa quand même.

    - Tout va bien ? a demandé ma sauveuse du moment.


    - Ouais, ouais.


    Comme elle n’a pas l’air convaincue, Gidy m’a fait signe de confirmer – discrètement. Je me suis exécutée, avec mon meilleur sourire forcé ; celui que je garde pour les clients, à qui je prescris des prophéties tronquées. Mes « dons de voyance », je n’y crois qu’à moitié, même si je fais semblant. La plupart des consultants viennent à la Roulotte de Luna pour être rassurés, pas pour la vérité. Du reste, tout sera fait pour qu’ils oublient leurs problèmes, pour les divertir, pour qu’ils sortent satisfaits. Qu’ils aient envie de revenir.

    - Oui, oui, ça va Madame.

    J’ai obtempéré pour que Gidy se calme. Cette fois, ça a marché. Il a tiré la tronche en attendant que l’infirmière disparaisse. Ensuite, il s’est laissé tomber dans le fauteuil des visiteurs, comme s’il ne s’était pas assis depuis un mois.

    - J’en ai marre, bordel !

    Je n’ai pas réagi. Ne rien dire, c’est moins risqué que de lâcher une phrase qui pourrait le mettre en rogne. Même si parfois, mon silence aussi le rend complètement fou.

    - Tu aurais pu me faire avoir des problèmes avec le Falcone. Merde !

    Le Falcone, notre chef. Enfin, le chef du clan, parce que moi, je ne me suis jamais sentie des leurs.

     

  • [Livre] La prochaine fois ce sera toi (La brigade de l’ombre)

    Je remercie Babelio (opération masse critique) et les éditions casterman pour cette lecture

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    Résumé
     : « Fleur vérifia sur son téléphone : son père ne lui avait laissé aucun message. C’était curieux, ces trois appels successifs. Pourtant, elle décida de faire la morte. La morte… Une étrange façon de parler, à bien y réfléchir. Et glaçante, quand on l’associait aux coups de fil du commissaire Markowicz. Son père. Pour qui le pire était toujours sûr. »

     

    Auteur : Vincent Villeminot

     

    Edition : Casterman

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 1er juin 2016

     

    Prix moyen : 16€

     

    Mon avis : Les premiers chapitres servent à présenter succinctement les différents protagonistes. La plus flippante est la petite sœur de Fleur qui parle à 10 ans comme un vieux professeur d’université de 60 ans et qui a une maturité et une froideur qui font vraiment frémir chez une gamine de son âge.
    Le commissaire Markowicz est spécialisé dans les crimes commis par des goules. Appelé sur une scène de crime, il ne lui faut que quelques minutes pour écarter la culpabilité d’une goule, mais certains faits, comme le lieu où l’on a trouvé le corps et la mise en scène, lui font suspecter que ce crime est un message pour son équipe. Il va donc mentir et déclarer que ce crime est bien l’œuvre d’une goule afin de garder l’affaire et de comprendre à quoi il est confronté.
    Ce meurtre est le point de départ du livre.

    Au niveau de l’écriture, j’ai parfois un peu tiqué devant certaines approximations, comme à la page 16 où l’auteur écrit : « Il utilisait toute une théorie de couteaux et scalpels ». Ca fait si mal que ça les théories de couteaux ? Ou encore, à la page 152 où le commissaire « envisage » son adjoint depuis le pas de la porte (Ou peut être, en fait, le dévisage-t-il ?).
    L’humour donné au commissaire est parfois un peu limite (« le sévice est compris »). L’utilisation excessive des guillemets, pratiquement toute les demi-pages, devient très vite agaçante, d’autant que les termes ainsi signalés sont souvent d’une banalité qui fait s’interroger sur ce choix.
    L’histoire elle-même ciblerait plutôt des adolescents, mais certains des termes employés risquent de les décourager de poursuivre leur lecture (comme les trumeaux ou propitiatoire).
    Les goules sont des sortes de loups-garous : la justice les considère comme des chiens dangereux et les personnes qui survivent à une attaque de goule se transforment de temps en temps en cette créature. On est loin des cimetières et de la nécrophagie qu’on a toujours prêté aux goules.
    J’ai trouvé l’histoire très longue à démarrer. Il m’a fallut attendre le chapitre 34 (près de 110 pages) pour commencer à trouver un rythme à l’histoire. Autant dire que si ce livre n’avait pas été une masse critique, je l’aurais abandonné car généralement si je m’ennuie pendant plus de 50 pages, je n’insiste pas. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’après la centième page j’ai ressenti une explosion d’émotions telle que l’on ressent quand on se rend compte qu’un livre moyen est en train de devenir un sacré bon livre, mais ma lecture est devenue plus agréable.
    Le déroulement de l’enquête ne permet pas vraiment au lecteur de faire des hypothèses concernant le coupable, puisque les informations le concernant ne nous sont données que lorsque la brigade trouve son identité. J’ai donc perdu là une grande part de l’intérêt que je trouve aux polars : essayer de trouver le sale type.

    En bref on a là un livre qui se lit sans grande passion, avec un public cible mal définit (contradiction entre le style de l’histoire et certains mots de vocabulaire choisis), avec une fin un peu trop rapide, comme si l’auteur ne savait pas comment l’amener avec plus de panache. Ce n’était pas à proprement parler une mauvaise lecture, mais c’est une lecture qui ne me laissera pas vraiment de souvenirs.

    Un extrait : L’assassin masqué était un artisan maroquinier, dans le civil. Pour tuer, il utilisait toute une théorie de couteaux et scalpels destinés au travail du cuir, dont les formes diverses introduisaient un peu de variété dans les séquences de meurtres. Chaque fois, la chose finissait pourtant de la même façon : il taillait une boutonnière sur sa victime, de la gorge au pubis, le ventre s’ouvrait et une quantité de sang exagéré (équivalent à la mer rouge environ), de déversait sur le plancher, les meubles, les murs – et parfois l’objectif de la caméra.

    Ensuite, le tueur masqué refermait sa victime, et la recousait scrupuleusement. Au début, du moins ; quand il en avait le temps. Mais plus maintenant. Maintenant, il se contentait d’éventrer à tour de bras, une hécatombe, et son travail de psychopathe perdait forcément en minutie.
    Le film s’appelait Lethal Killer.
    Il s’agissait d’un slasher movie médiocre, et médiocrement horrifique. C’était Fleur, la jolie blonde de 17 ans, qui l’avait choisi. Elle était généralement friande de ce genre d’horreurs de série Z. Mais elle avait cette fois sélectionné le film et la séance dans la perspective, surtout, de se blottir aux moments fatals contre Antonin, le garçon maigre, ombrageux, assis à sa droite. C’est ainsi que les choses devaient se passer à 17 ans, elle l’avait lu ou entendu quelque part.
    Espoir vain.

    Peine perdue.

    Fiasco complet.
    Son cavalier sursautait chaque fois que le psychopathe frappait. Si ça continuait, il allait finir par pousser des gémissements en se cachant les yeux.
    Fleur soupira.

    C’était la première fois qu’ils allaient au cinéma tous les deux. Elle avait attendu une invitation d’Antonin pendant au moins trois semaines – puis, de guerre lasse, elle avait pris l’initiative.

    Elle s’était mise en robe d’été, une robe bleu vif sur sa peau déjà bronzée, parce qu’elle comptait sur l’effet induit par ce vêtement, et sur les possibilités d’exploration éventuelle qu’il offrait.

    Mais il ne se passait rien.

     

  • [Livre] U4 Yannis

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    Résumé : Yannis, Stéphane, Jules, Koridwen ont entre 15 et 18 ans. Ils ont survécu au virus U4, qui a décimé 90 % de la population mondiale. Ils ne se connaissent pas, mais ils se rendent pourtant au même rendez-vous.
    "Je m'appelle Yannis. Mes parents et ma sœur sont morts sous mes yeux. Depuis, leurs fantômes m'accompagnent partout. Il faut que je quitte Marseille avec mon chien, sinon je vais devenir fou. Je n'ai plus qu'un espoir : arriver à temps au rendez-vous à Paris."

     

    Auteur : Florence Hinckel

     

    Edition : Nathan Syros

     

    Genre : Young adult

     

    Date de parution : 27 août 2015

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : D’emblée ce tome m’énerve car l’auteur entretient la mauvaise réputation de Marseille. Sur les 4 lieux, dans les 4 tomes, aucun ne connait autant de problèmes que Marseille avec les « gangs ». Je vis depuis toujours dans cette ville et si c’est vrai qu’il y a quelques quartiers difficile, j’en ai un peu marre de voir cette exagération permanente vis-à-vis de la criminalité des jeunes. Bref, je n’ai pas commencé ce tome dans de très bonnes dispositions.
    A beaucoup d’égard, Yannis semble plus gamins que les trois autres : alors que le monde tombe en ruine, il se charge de mangas, cherche un ordinateur avec de la batterie pour pouvoir regarder un film, bref il n’a pas trop le sens des priorités ni des réalités. Il a quitté Marseille sur un coup de tête, sans vêtements chauds, sans trousse de secours ni rien de ce qui pourrait lui être utile dehors. Il trouve l’essentiel à chaque fois par hasard, par un énorme coup de chance et c’est quand il voit les objets nécessaires qu’il se dit que ce serait une bonne idée d’en avoir. Il semble totalement incapable de la moindre organisation (et que l’auteur arrête de rabâcher que c’est parce que c’est un gosse des villes, pas besoin d’être un scout pour savoir que pour survivre il faut des vêtements chauds, des piles, des allumettes, des bougies, un réchaud, des ustensiles…bref un minimum quoi…et que les mangas ne servent à rien)

    J’ai l’impression que Yannis est incapable de faire la différence entre le jeu et la réalité. Enfin, si il fait une différence mais pour lui Adrial, son avatar dans le jeu, est aussi réel que Yannis et prend parfois le contrôle. C’est limite de la schizophrénie (et encore « limite » je suis gentille). Remarquez que ça lui sert ! Sans ses délires sur Adrial, il serait mort avant de sortir de Marseille.
    J’ai commencé à apprécier ce tome à partir du moment où Yannis rencontre Stephane, une fois qu’on se retrouve à revivre leur fuite vers Paris à travers ses yeux à lui. Comme lui, je suis indignée par l’attitude des militaires.
    D’ailleurs, il résume très bien ma pensée : « Les adultes craignent-ils qu’on leur échappe, et qu’à cause de notre nombre on les écrase ? Ont-ils peur de nous ? Je trouve ça absurde ! Ils devraient nous considérer comme la relève de l’humanité, plutôt que comme des ennemis à mater… »
    Comme moi, Yannis ne croit pas une seconde que les actions de l’armée ont pour but d’assurer la sécurité des ados. C’est une dictature qui se met en place, profitant de la catastrophe pour s’imposer.
    Je remarque que Yannis à également la même réaction que moi devant l’attitude de Jérôme.

    Pour faire un petit bilan de ces quatre tomes, je dirais que mon préféré a été Stephane et que j’ai bien aimé les trois autres, même Yannis qui a été plus long a démarrer pour moi.
    J’aurais bien aimé que les militaires en prennent pour leur grade (peut être une intervention des pays voisins). Enfin je suis un peu déçue de l’impunité totale qui semble être attachée à toutes leurs actions.
    Rien que le tutoiement sur les tracts montre à quel point ils méprisent les survivants du fait de leur jeune âge.
    Bref j’aurais apprécié qu’ils payent pour tout ce qu’ils ont fait, qu’ils comprennent, contraints et forcés que ce monde ne leur appartient plus.

    Je ne suis pas d’accord non plus sur le fait qu’on dise qu’on peut lire ses livres dans n’importe quel ordre. Je pense qu’il faut vraiment lire Jules puis Koridwen et Stephane puis Yannis. A la limite, les deux « couples » peuvent être lus l’un après l’autre dans l’ordre qu’on veut, mais à l’intérieur de chaque duo, il faut respecter la « chronologie » car Koridwen va un peu plus loin que Jules et l’épilogue de Yannis a lieu un jour plus tard que celui de Stephane. De plus je trouve que l’épilogue de Yannis donne une meilleure impression de clôture de la série.

     

    Un extrait : Une nuée de goélands vole au-dessus de moi. Ici, à Marseille, on les appelle des gabians. Je n’ai jamais vraiment aimé ces bestioles, qui se nourrissent dans les poubelles, et sont capables de déchiqueter le corps de leurs propres congénères. Ils bouffent n’importe quoi. Deux d’entre eux fondent sur le cadavre. Ils se posent sur sa veste gonflée d’eau et commencent à lui piquer la nuque à coups de becs. Révolté, je leur balance des cailloux pour les chasser. Happy m’imite et leur aboie dessus.

    – Fichez le camp, saletés d’oiseaux de malheur !

    Je me laisse retomber sur le banc. Les autres gabians continuent à tourner au-dessus de moi, dans l’attente de me lacérer, une fois mon heure venue. Sales crevures de bestioles.

    Je me sens soudain en danger, ainsi à découvert. Jusque-là, j’étais resté caché chez moi, seulement informé par les quelques derniers flashs d’information d’il y a déjà quatre jours ou à peu près, quand la radio fonctionnait encore. Les dernières consignes − ne pas paniquer, et ne pas quitter les villes afin de ne pas propager le virus − avaient provoqué tout le contraire : panique et tentatives de désertion en masse. C’était tout ce que je savais du dehors. Je n’en sais toujours pas plus.

    La Grande Roue du quai tourne à vide sous le mistral, devant l’avenue de la Canebière qui ouvre une tranchée dans la ville déserte et silencieuse. Que s’est-il passé dans la cité, ces derniers jours ? Où sont les autres ?

    – Hé, toi, là-bas !

    De l’autre côté du port, un groupe d’une dizaine de garçons et de filles sorti d’une ruelle sombre me fait des signes. Ce sont les premiers survivants que je vois. Eux ne sont pas restés terrés chez eux comme les autres.

    – Hé !

    Pourquoi eux ne se cachent-ils pas ? J’esquisse un mouvement de recul.

    – Hééé, bouge pas !

    Ils courent vers moi, longeant le quai bordé de mer d’un côté et de voitures en vrac de l’autre, comme un embouteillage habituel par ici, mais sans insultes ni klaxon. Happy se redresse et moi aussi. Je distingue d’abord une casquette rouge à la visière placée de côté sur chacune des têtes. Bizarre qu’ils la portent tous pareil. Puis quelque chose dans leurs mains accroche les rayons du soleil, et une détonation retentit. Le dossier du banc vole en éclats de bois.

    – Happy, cours !

    Ils sont tarés ! Je distingue maintenant des couteaux, des fusils ou des pistolets entre les mains de chacun d’eux. Je détale dans la direction opposée. Je ne peux pas rester ici, sur le bord de mer trop exposé. J’escalade les carcasses des voitures qui encombrent le quai, avec l’espoir de les semer dans les ruelles tortueuses du Panier. C’est comme une course poursuite de WOT, sauf que j’entends les jurons de mes poursuivants derrière moi. Sans réfléchir, je pique un sprint dans la rue Caisserie. Quel crétin ! Dans cette rue longue et large, les balles pourraient m’atteindre facilement. Cours, Happy ! Deux vitres explosent. Je traverse la place de Lenche, avale quatre par quatre les marches de l’escalier des Accoules avec mes grandes jambes. J’ai pris quelques longueurs d’avance.

    Soudain, je réalise que je suis à deux pas de la place des Moulins où habite mon pote RV. J’ignore s’il est dans le coin, ou même s’il est vivant, mais je fonce. La porte d’entrée de son immeuble ne ferme plus depuis des mois : c’est mon salut. Je pousse cette porte, fais basculer une poubelle devant l’entrée pour faire croire que l’accès est bloqué, referme précipitamment derrière Happy et m’engouffre dans la cage d’escalier. Je cours me réfugier dans la cave où il rangeait son scooter.

    Je tente de réguler mon souffle en silence. Avais-je assez d’avance sur eux pour qu’ils ne voient pas la poubelle tomber ?

    Une lucarne s’ouvre au niveau du trottoir. Bientôt, cinq paires de chaussures de sport courent, freinent leur course, puis reviennent sur leurs pas. Piétinent. Je prie pour que Happy ne grogne pas ; je le caresse pour le calmer.

    – Où il est, bordel ? crie le propriétaire d’une paire d’Adidas.

    Un coup de feu éclate et le bruit ricoche sur toutes les parois des maisons qui bordent la place.

    – Reste tranquille, mec. Ça sert à rien de tirer dans le vide. On l’a perdu, de toute façon…

    – Sale enflure ! Encore un qui est resté terré comme un rat et qui ne sort que pour vider les magasins sans penser aux autres.

    – T’inquiète, il n’échappera pas à nos patrouilles. Et il paiera.

    Des rires mauvais.

    – Ouais, ils paieront tous. C’est l’heure du Grand Retournement !

    Les chaussures piétinent encore un peu, les rires explosent comme les détonations brèves de leurs armes, puis le silence… Je reste là un long moment, enlaçant mon chien, l’incompréhension tournoyant dans ma tête.

    Dans la pénombre, le scooter de RV renversé sur le côté ressemble à un cheval terrassé. La tête me tourne et, l’espace d’une seconde, je vois un cheval ensanglanté, à l’œil vide et blanc. Mon cœur bondit : la folie rôde certainement au coude à coude avec la mort. Je dois me méfier des images et des pensées qui s’éloigneraient un peu trop de la réalité. Même si cette réalité est ce qu’elle est : un putain de chaos.