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[Livre] Les filles de joie – T03 – La grimace du tigre

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Résumé : Au fil des saisons, Victoire a appris à vivre sereinement au sein de la maison close qui l'a accueillie quelques années plus tôt. La jeune femme a su profiter de diverses occasions pour se mettre en valeur et devenir la favorite du Magnolia, oû elle est appréciée des clients comme des autres filles de joie. C'est elle, désormais, qui mène la danse. Dans les chambres de l'étage, elle sait comment amadouer les hommes, et il y en a plus d'un avec qui elle a développé une véritable complicité. À défaut d'amour, Victoire ne manque pas d'amitié. Ni de contact physique. L'amour, elle le réserve à Émile, le seul qui ne lui réclame rien. Mais alors que le jeune peintre se dérobe devant les questions importantes, Laurent, lui, cherche de plus en plus à s'imposer. Et, surtout, il y a le petit Félix, dont l'arrivée est un bouleversement majeur. Au milieu de la tourmente, Victoire est plus déterminée que jamais à réaliser son rêve de retrouver une vie normale, loin de Madame Angèle et des hommes qui passent chaque soir. Mais pour ce faire, il va lui falloir de l'argent, beaucoup d'argent, et le soutien de ceux qu'elle aime. Car si elle attend avec impatience le moment où elle claquera de façon définitive la porte du bordel, rien n'est encore gagné et le temps joue contre elle…

 

Auteur : Lise Antunes Simoes

 

Edition : Les éditeurs réunis

 

Genre : Drame

 

Date de parution : 2013

 

Prix moyen : 7€

 

Mon avis : Troisième et dernier tome des péripéties de Victoire, la grimace du tigre marque aussi une volonté de plus en plus farouche de la jeune femme de sortir du Magnolia.
Victoire a eu son fils, un petit Félix qu’elle a pu garder près d’elle 6 mois avant de le mettre en nourrice. Contrairement à Toinette qui a du s’en remettre à Madame Angèle pour trouver une nourrice avec tout ce que cela comporte de désagréments financiers (tarif élevé, commission de Madame Angèle, impossibilité de voir sa fille…), Victoire a la chance de voir son client Laurent tout prendre en charge, du choix de la brave femme au paiement de celle-ci. De plus la nourrice étant en ville, il l’emmène voir son fils chaque fois qu’il la sort.
La nourrice est vraiment gentille, elle semble traiter Félix comme son propre enfant et ne fait pas la moralisatrice avec Victoire qu’elle traite comme une femme à part entière et non pas comme une prostituée. Son mari, artisan, même si on le voit peu, semble agir de même. Comme quoi, il reste des braves gens à Montréal.
Cependant, Victoire va vite réaliser que cet arrangement lui coûte bien plus chez que de l’argent.
Laurent est de plus en plus lunatique et tyrannique. Sous prétexte qu’il paye pour elle, il lui fait perdre des heures de travail en la réservant mais en attendant plusieurs heures pour venir, il essais de s’approprier l’enfant, comme pour nier le fait que Victoire ne couche pas qu’avec lui, il ne supporte pas les relations qu’entretiennent Victoire et Emile. Tout, en lui, transpire la jalousie et la possessivité. Pour autant, jamais il ne propose de prendre Victoire comme maîtresse officielle et de la sortir du bordel. Il prend, sans jamais s’inquiéter d’elle, comme si son argent lui donnait tous les droits.
Victoire va devoir apprendre à se servir de lui sans scrupules si elle veut s’en sortir, car s’il joue les grands seigneurs, il est clair qu’il ne fera rien pour lui venir réellement en aide.
Décidée à sortir du Magnolia pour élever elle-même son fils, elle a perdu sa naïveté et commence à faire des choix plus calculé. On est bien loin de la petite adolescente enceinte, fraichement débarquée de Boucherville. Victoire a grandi, s’affirme, et son intelligence lui permet de prendre des décisions en calculant soigneusement les risques qu’elle prend.
Entre ses clients réguliers qui l’aime bien et se montre généreux et les arrangements qu’elle va prendre pour gagner encore plus d’argent, Victoire a bon espoir de pouvoir rembourser sa dette.
Reste deux problèmes : le premier, cacher à Madame Angèle ses projets car la tenancière n’hésiterait pas à lui infliger amende sur amende pour l’empêcher de réussir son projet. Le second réussir à être rayée du registre des prostituées tenu par la police, ce qui ne va pas être une mince affaire, car s’ils n’ont aucun problème à « encarter » une nouvelle fille, la rendre à la « vie civile » ne leur plait pas du tout.
J’ai regretté deux choses : la première qu’à la fin, on ne connaisse pas la réaction des clients à ce qu’a fait Victoire. Et la seconde, qu’on ait plus eue de nouvelles d’Adémar. Comme c’est un luthier célèbre, j’aurais aimé qu’un des clients de Victoire l’emmène avec lui pour acheter un violon. J’aurais aimé voir la réaction de ce petit artisan bouffi d’orgueil.
J’ai lu ces trois tomes rapidement, en quelques jours. C’était vraiment une lecture agréable avec une écriture fluide. Même si cela rappelle parfois un peu trop la série « maison close » on se laisse prendre au jeu.

Un extrait : Madame Angèle n’était pas aussi dure qu’avait pu l’être Monsieur Masson, le logeur de Victoire, qui n’avait pas hésité à se montrer violent du temps où celle-ci travaillait en usine, mais la tenancière avait le regard assez sévère pour lui signifier qu’elle ne se laisserait pas attendrir. Le message était on ne peut plus clair : puisque Victoire s’entêtait à vouloir garder son enfant, elle ne devait pas s’attendre au moindre traitement de faveur.

Ce fut d’ailleurs un coup dur lorsque cette dernière apprit un matin qu’elle devrait continuer de travailler tout au long de sa grossesse, jusqu’à l’accouchement. C’est à peine si la tenancière lui accordait trois jours de repos juste après la naissance.

— Tu ne comptes tout de même pas sur moi pour te loger et te nourrir gratuitement ? s’était exclamée sa patronne.

— Non, mais je pensais que vous pourriez rajouter ces frais sur ma note. Je travaillerai dur pour rembourser tout ça…

— Et qui va s’occuper de mes clients, pendant que tu te prélasseras au lit avec ton marmot ? Tu préfères peut-être que j’embauche une nouvelle fille pour te remplacer ? Non, ma jolie. Si tu veux garder ta place, tu travailleras, c’est comme ça.

Madame Angèle n’était pas une mauvaise femme. À défaut d’être véritablement maternelle, elle savait se montrer agréable lorsqu’elle encadrait ses filles au quotidien. Par contre, dès qu’il était question d’argent, elle devenait intraitable. L’enfant de Victoire mettait en péril la bonne marche de son commerce et puisqu’en dépit de ses efforts la tenancière n’avait pas pu mettre fin à ce projet, elle s’organisait pour que cela lui cause le moins de souci possible, sans considération pour Victoire.

La jeune femme avait alors réalisé que cette grossesse serait probablement tout aussi difficile à supporter que la première. Elle n’avait pas oublié les journées interminables dans les ateliers de Goudreau, avec son dos qui ne la soutenait plus, ses jambes enflées, son souffle court quand elle montait les marches ou arpentait les immenses salles de travail en dandinant son gros ventre devant elle. Heureusement que ses camarades d’alors avaient fait preuve d’un peu de compassion en lui donnant un tabouret sur lequel elle pouvait se reposer un peu, sans quoi son contremaître l’aurait laissée debout toute la journée.

Cette fois, elle n’aurait pas à traverser la ville en traînant ses jupes dans la neige ni à travailler durement pendant plus de dix heures. Au Magnolia, elle pourrait se reposer dans la journée et manger à sa faim. En revanche, il lui faudrait continuer à veiller jusqu’au petit matin sans manifester le moindre signe de fatigue, se laisser toucher, prendre, se soumettre aux caprices les plus bizarres, écarter les jambes cinq ou six fois, endurer sans broncher le poids et la volonté des hommes sur son corps.

Si Victoire avait rêvé de profiter de cette période pour prendre enfin un peu de distance avec les clients, c’était peine perdue. On ne lui en laisserait pas la possibilité.

 

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