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[Livre] Où sont mes lunettes

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Résumé : Un jour, une femme reçoit une lettre de sa caisse de retraite : " Madame, vous avez 59 ans, il est temps de préparer votre dossier... " Elle est stupéfaite. Qui a 59 ans ? Pas elle, tout de même, qui mène une vie trépidante et travaille comme une folle. Non, c'est impossible. Hélas, si ! Elle ouvre alors une grosse malle pleine de papiers et de souvenirs. Toute sa vie lui saute à la figure. Une enfance auprès de grands-parents aristocrates. Une adolescence fauchée. Son premier emploi : secrétaire d'un papa-patron. Ses amours avec un bel officier de marine italien qui lui fait un enfant - qu'elle ne peut pas garder. Un grand mariage à 20 ans. Des déboires conjugaux. Un divorce. Un remariage. Puis c'est le coup de foudre. Elle épouse celui qu'elle appelle le " Grand Salaud ". Ils auront un fils, de belles disputes et trente ans de bonheur.

 

Auteur : Nicole de Buron

 

Edition : J’ai lu

 

Genre : Humour

 

Date de parution : 19 avril 2000

 

Prix moyen : 6€

 

Mon avis : Pour les habitués de la plume de Nicole de Buron, on peut dire qu’elle brouille les pistes : l’Homme est toujours là, constant, parfois sans prénom, ici Alexandre, le mari de l’auteur était Jean Bruel, le patronyme ayant causé certains tracas : « non je ne suis pas la mère de Patrick ».
Mais pour les enfants, c’est une autre affaire. Ils sont toujours deux. Mais j’avais rencontré Fille ainée (Justine) et petite chérie (Alizée) dans « chéri tu m’écoutes… », Alizée était devenue Joséphine dans « c’est quoi ce petit boulot » (ou inversement, je ne les ai pas lus dans leur ordre de sortie).
Généralement, malgré l’allusion à un premier mariage, les deux héritières, comme se plait à les appeler l’auteur, sont du même père.
Ici, le premier mariage a été fructueux et Justine n’est plus Justine mais Pauline, qui n’a pas le titre de « fille ainée » mais de « petite mère », quoi qu’elle ait tout de même 3 enfants (mais pas les même que dans les autres livres) et une boutique.
Quant à l’héritière de l’homme, Alizée/Josephine, elle disparait au profit du Fils : Balthazar (d’après la page wikipédia de l’auteur, celle-ci aurait 2 filles…).
Autour de cette famille à la composition et aux prénoms changeant, on retrouve les même anecdotes : l’affaire des épinards de l’enfance de Nicole de Buron, le père militaire qui n’a eu que des filles dans sa course pour avoir un fils (bien fait comme elle dit), les grands parents aristocratiques mais finissant fauchés par le banquier de Grand-père qui a fait faillite, la mère, plusieurs fois mariée, jamais contente, souvent en « maison de santé », les copines, la ferme à retaper, les nuits de travail etc…
Au travers des papiers rangés (comprendre entassés) dans une malle et qu’il faut trier pour Madame la Cnav, qui, comme toujours se mêle de ce qui ne la regarde pas, puis délaisse les assurés quand il est enfin temps de faire son travail, Nicole de Buron nous entraine dans ses souvenirs de petite fille aristocrate faisant ses études au couvent sous la houlette de Mère Saint-Georges, passant ses vacances soit au château de famille, soit chez l’un ou l’autre de ses parents (rarement), puis de jeune fille fauchée, logée dans la buanderie de cousins et courant les boulots mal payés, devenant aventurière, puis journaliste, scénariste et enfin écrivain, en passant par ses souvenirs de jeune épouse, puis de mère, et enfin de grand-mère.
Comme toujours, un roman qui se lit vite et qui nous arrache toujours un rire aux pires moments, tant l’auteur a le sens de l’autodérision.

Un extrait : Vous aimez passionnément vos enfants.

Mal. Si vous en croyez les psycho-pédiatres. Pour eux, une mère ne peut être qu’une personnalité étouffante ou un monstre d’indifférence.

Les vôtres vous ont apporté beaucoup de joies égoïstes, des soucis quasi quotidiens et un immense chagrin : quand ils vous ont quittée.

Ils n’ont pas été faciles à élever.

Surtout Petite Mère.

Douée d’une vitalité d’enfer et d’un esprit perpétuellement révolté (les premiers mots qu’elle prononça furent : « c’est pas juste !»), elle a, dès l’enfance, détesté l’École. Qui le lui a rendu.

Ses carnets scolaires – que vous avez pieusement conservés – ne sont qu’une succession d’appréciations indignées de ses professeurs.

« … ricane pendant les cours… » « … s’amuse sans arrêt pendant l’étude… » « … empêche les autres de travailler… » « … n’accepte pas le minimum de discipline nécessaire à la bonne marche de la classe… » « … organise chahuts et grèves… » (allons bon ! une future syndicaliste), etc.

Côté études, ce n’était guère plus brillant : « … ne fait pas ses devoirs… » « … n’apprend pas ses leçons… » « le travail en classe est désastreux… » et pire : « a essayé de tricher en composition !»… (si votre général de père savait cela !).

De temps en temps, vous piquiez une belle colère. Vous disiez d’un ton dramatique :

— Pauline, j’ai-à-te-parler ! Veux-tu venir dans mon bureau, s’il te plaît ?

Et vous vous asseyiez solennellement, tel un juge anglais, derrière votre table de travail tandis que votre fille restait debout, un peu pâle.

Vous brandissiez alors l’affreux carnet scolaire.

— Tu as vu tes notes en classe ? Tu n’as pas honte ?

Pauline ne se démontait pas. Dans ses ravissants yeux gris-vert passait une lueur d’étonnement faussement candide.

— Montre !

— Arrête ! Tu es parfaitement au courant. Tu n’as que des zéros. Et quelquefois, par miracle, un 2 ou un 3. Ah ! Pardon ! je vois là un 4 en français…

— Mais les professeurs notent sévère EXPRÈS ! Un 4 en français, je t’assure, c’est formidable !

— Et le 1 en anglais, c’est formidable, peut-être ?… après trois séjours en Irlande !

— Le prof d’anglais me HAIT parce que justement j’ai l’accent irlandais !

— Et le 1/2 en maths, ce n’est pas parce que tu as l’accent irlandais quand même !

— Le prof de maths me HAIT aussi…

(Petite Mère a certainement été l’élève la plus haïe des profs.)

— … parce que je ne comprends rien aux maths.

(Vous non plus. Vous ne vous attardez pas.)

— Et je lis là : « Insupportable… met le désordre partout !» Pauline ! Ce n’est plus possible. Tu choisis. Ou tu es la première de la classe et… heu… tu peux te permettre d’être un peu agitée… Ou tu es nulle et tu te fais oublier. Mais pas à la fois cancre et chahuteuse. Trop, c’est trop ! Si tu te fais renvoyer de cette école, je te mets en pension en Angleterre.

— Je me fous d’aller en pension en Angleterre.

— C’est cela : crâne ! Mais telle que je te connais, tu ne supporteras pas d’être enfermée.

Petite Mère ne répond pas. Elle sait que c’est vrai. Mais elle ne faiblit pas. Elle vous regarde en silence, droit dans les yeux, avec insolence.

Vous hésitez sur la sanction. Plus de cinéma avec les copines jusqu’au prochain carnet ? Pas de télévision pendant quinze jours ? Aucun argent de poche, ce mois-ci ? Vous balancez lâchement. Parce que vous savez que Pauline va faire la gueule. Et que la gueule de Pauline, vous supportez mal. Lèvres serrées, yeux lançant des éclairs, silence écrasant, elle reste tapie dans sa chambre, statue de l’Enfance Torturée par une Mère Sadique.

Vous soupirez.

— Interdiction de téléphone avec tes copines jusqu’à ce que tu saches tes leçons et fasses correctement tes devoirs. Et tu vas m’écrire une lettre d’excuses pour le pion que tu as traité de « crotte de chèvre constipée » !

Pauline tourne les talons et, à la porte, vous demande, insolente :

— Est-ce que tu veux que je pleure aussi ?

Un jour, vous avez essayé la carotte au lieu du bâton. Imprudemment, vous lui promettez la bicyclette bleue de ses rêves contre une place de première. Malheureusement, vous n’avez pas précisé en quoi. Triomphante, elle vous la ramène. En gymnastique (20 sur 20 en épreuve de corde à nœuds).

 

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