Résumé : À New York, Kate élève seule sa fille de 15 ans, Amelia. En dépit d'un rythme professionnel soutenu, elle parvient à être à l'écoute de cette adolescente intelligente et responsable, ouverte et bien dans sa peau. Très proches, elles n'ont pas de secrets l'une pour l'autre. C'est en tout cas ce que croit Kate, jusqu'à ce matin d'octobre où elle reçoit un appel de l'école. On lui demande de venir de toute urgence. Lorsqu'elle arrive, Kate se retrouve face à une cohorte d'ambulances et de voitures de police. Elle ne reverra plus jamais sa fille. Amelia a sauté du toit de l'établissement.
Désespoir et incompréhension. Pourquoi une jeune fille en apparence si épanouie a-t-elle décidé de mettre fin à ses jours ? Rongée par le chagrin et la culpabilité, Kate tente d'accepter l'inacceptable... Mais un jour, elle reçoit un SMS anonyme qui remet tout en question : « Amelia n'a pas sauté. »
Obsédée par cette révélation, Kate s'immisce alors dans la vie privée de sa fille et réalise bientôt qu'elle ne la connaissait pas si bien qu'elle le pensait.
À travers les SMS, les mails d'Amelia, les réseaux sociaux, elle va tenter de reconstruire la vie de son enfant afin de comprendre qui elle était vraiment et ce qui l'a poussée à monter sur le toit ce jour-là. La réalité qui l'attend sera beaucoup plus sombre que tout ce qu'elle avait pu imaginer.
Auteur : Kimberly McCreight
Edition : Cherche Midi
Genre : Young Adult
Date de parution : 27 Août 2015
Prix moyen : 22€
Mon avis : Ce n’est pas un coup de cœur, mais on en est pas loin.
Sans même lire le livre, on sait qu’Amelia est morte. La police conclue, un peu rapidement, à un suicide. Sa mère, Kate, va recevoir un texto anonyme lui disant que sa fille n’a pas sauté. A partir de là, elle va tout faire pour découvrir ce qu’il s’est exactement passé.
Le livre est un récit à deux voix. D’une part, nous avons Kate, racontée à la troisième personne, qui découvre la vie de sa fille, après la mort de celle-ci, en fouillant ses affaires, son portable, son ordinateur… De l’autre, nous avons Amelia, qui raconte elle-même (donc à la première personne) ces mêmes évènements au moment où elle les a vécu.
La partie de Kate se déroule donc de la mort de sa fille, le 24 octobre, jusqu’au 30 novembre (durée de son enquête).
La partie d’Amelia débute un mois et demi avant son décès, le 14 septembre.
Avant certaines des parties de Kate, on peut lire des extraits de ses journaux intimes datant de l’époque de la conception et de la naissance d’Amelia.
Avant les parties d’Amelia, on peut voir des statuts facebook, des transcriptions de textos reçus et envoyés ainsi que les publications d’un blog de potins dans le style de « Gossip girl » se nommant gRaCeFULLY.
Au fil des pages, on voit les évènements tels qu’ils se sont exactement passés, puis on voit Kate les interpréter, parfois de travers. On voit aussi Kate découvrir des choses sur ces évènements que sa fille ignorait.
La culpabilité de Kate est énorme et elle réagit souvent par l’agressivité envers les différents protagonistes. On peut la comprendre car chacun d’entre eux est susceptible d’en savoir plus qu’il ne le dit sur Amelia et, au chagrin et à la colère bien compréhensible qu’elle ressent devant la mort de sa fille s’ajoute ce sentiment que si elle avait été plus présente, si elle n’avait pas donné tout son temps à sa carrière, si Amelia avait pu lui parler, rien ne serait arrivé.
Pourtant rien n’est moins sûr. Car ce que vit Amelia, pendant deux mois est un véritable harcèlement scolaire.
La livre décrit bien l’univers adolescent, ses codes, ses « obligations », l’importance de la réputation, et surtout ces « populaires » (surtout les filles) qui, semblant au-dessus des règles et se fichant des conséquences de leurs actes, décident de qui a le droit de vivre tranquillement ou non. Quand elles trouvent une victime, ces membres de gangs en jupes plissées, n’ont plus rien d’adolescentes mais se transforment en hyènes s’acharnant sur celui ou celle qui a eu le malheur de leur déplaire.
Kate va devoir démêler les fils de ces « relations » sociales toxiques, trouver qui envoie les mots, les textos.
Si j’ai un reproche à faire à ce livre, c’est l’absence de conséquences sérieuses pour certains protagonistes.
La personne qui écrit le blog, l’adolescente la plus acharnée contre Amelia, certains membres de l’administration qui ont cherché à minimiser les faits, quitte à faire de l’obstruction, s’en sortent bien avec comme seule punition de « devoir vivre avec ce qu’ils ont fait ». J’aurais préféré des conséquences plus sévères, en lien avec la justice, surtout dans un pays où on fait des procès à tout propos.
C’était une excellente lecture.
Un extrait : « Kate Baron à l’appareil.
− Oui, madame Baron, répondit la femme à l’autre bout du fil. C’est madame Pearl, la CPE de Grace Hall. »
Un appel urgent. Comment se faisait-il que sa fille ne lui ait même pas traversé l’esprit ?
« Il est arrivé quelque chose à Amelia ? »
Les battements de son cœur s’étaient accélérés.
« Non, non, elle va bien, répondit Mme Pearl avec un soupçon d’agacement. Mais il y a eu un incident. Amelia est exclue pendant trois jours, c’est une sanction immédiate. Il va falloir que vous veniez signer une fiche de sortie et que vous la rameniez à la maison.
− Exclue ? Que voulez-vous dire ? »
Amelia n’avait jamais eu de problème de toute sa vie. Ses professeurs ne tarissaient pas d’éloges à son propos : brillante, créative, réfléchie, concentrée. Elle excellait en sport et était inscrite à toutes les activités extrascolaires imaginables. Elle était bénévole une fois par mois à CHIPS, une soupe populaire locale, et apportait régulièrement son aide lors des manifestations organisées avec le lycée. Exclue temporairement ? Non, pas Amelia. Kate, malgré son travail accaparant, connaissait sa fille. Vraiment. Il y avait erreur.
« Oui, Amelia a été exclue trois jours, répéta Mme Pearl, comme si cela répondait à la question pourquoi. Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons la laisser partir qu’avec un parent ou un tuteur. Cela vous pose-t-il problème, madame Baron, de venir la chercher ? Nous avons conscience que vous travaillez à Manhattan et que le père d’Amelia n’est pas disponible. Mais malheureusement, le règlement scolaire est ce qu’il est. »
Kate s’efforçait de ne pas se mettre sur la défensive. Elle n’était même pas sûre de percevoir le moindre jugement dans la voix de Mme Pearl. Seulement, au fil des ans, elle avait subi son lot de questions gênantes, de regards interrogateurs et de désapprobation à peine déguisée. Ses propres parents semblaient toujours considérer sa décision de mener à terme sa grossesse non désirée, alors qu’elle était encore à la faculté de droit, comme une forme particulièrement perverse de démence criminelle. Et en effet cette décision ne lui ressemblait pas. Sa vie entière, Kate avait toujours fait la bonne chose au bon moment, dans tous les domaines, excepté celui des hommes. À dire vrai, avec les hommes, elle avait toujours manqué de perspicacité. Cependant, garder son bébé n’avait pas été une décision prise à la légère, et elle ne la regrettait pas.
« J’arrive tout de suite, je pars immédiatement. Mais pouvez-vous au moins me dire ce qu’elle… »
Kate s’interrompit, l’avocate en elle lui rappelant soudain qu’elle devait choisir soigneusement ses mots. Elle n’était pas prête à admettre la culpabilité de sa fille.
« De quoi Amelia est-elle accusée, au juste ?
− J’ai bien peur que les questions disciplinaires ne puissent être abordées au téléphone, répliqua Mme Pearl. Il y a des règles de confidentialité, des procédures mises en place. Je suis sûre que vous comprenez. M. Woodhouse, le proviseur, vous donnera les détails tout à l’heure. Vous pensez arriver quand, exactement ? »
Kate regarda sa montre.
« Je serai là dans vingt minutes.
− Si c’est le mieux que vous puissiez faire, repartit Mme Pearl d’un ton qui laissait penser qu’elle aurait préféré dire quelque chose de nettement moins conciliant. J’imagine que ça ira. »
Vingt minutes, c’était extrêmement ambitieux. Victor avait bruyamment protesté quand Kate avait essayé de conclure la réunion en avance. Au final, elle n’avait eu d’autre choix que d’appeler Jeremy.
« Je déteste faire ça », lui dit-elle en venant à sa rencontre dans le couloir qui menait à la salle de conférences.
Et c’était vrai. Elle détestait partir ainsi en pleine réunion. C’était quelque chose que Daniel − son ancien camarade de la faculté de droit ultracompétitif et désormais coassocié junior, sans enfant et depuis longtemps divorcé − n’aurait jamais fait, quand bien même il aurait été victime d’une hémorragie interne.
« Mais le lycée d’Amelia a appelé. Je dois aller la chercher.
− Pas de problème. D’ailleurs, tu viens juste de m’épargner un rendez-vous avec Vera et les entrepreneurs qui s’occupent de notre nouvel appartement. Je préfère de loin une réunion client avec Attila le Hun à une conversation sur les murs porteurs », la rassura Jeremy avec un de ses fameux sourires.
Il passa la main dans ses cheveux prématurément argentés. Il était grand, séduisant et, comme d’habitude, d’allure élégante dans sa chemise à rayures roses.
« Tout va bien ?
− Je ne sais pas, répondit Kate. Apparemment Amelia s’est mise dans je ne sais quel pétrin, mais ça n’a pas de sens. Elle n’est pas du genre à s’attirer des problèmes.
− Amelia ? Je viens juste de chanter ses louanges dans ma lettre de recommandation pour le programme d’été de Princeton, alors je ne suis peut-être pas objectif, mais je n’y crois pas une seconde. »
Jeremy posa une main compatissante sur l’épaule de Kate et sourit de nouveau.
« Tu connais ces écoles privées. D’abord elles accusent, ensuite elles posent des questions. Qu’importe ce qui s’est passé, je suis sûr qu’il y a une explication logique. »
Il n’en fallut pas plus à Kate pour se sentir un peu mieux. C’était Jeremy tout craché : toujours le mot juste. Juste et manifestement sincère, même aux oreilles de Kate, qui pourtant le connaissait bien.
« Victor est furieux, commenta-t-elle en désignant la porte close de la salle de conférences. J’ai un peu l’impression de te jeter en pâture aux loups.
− Ne t’inquiète pas. »
Il eut un geste nonchalant de la main. Il pouvait travailler jusqu’à l’aube avant d’enchaîner au tribunal avec une cause perdue face à un adversaire agité et un client insatisfait sans jamais se départir de son attitude on-est-tous-copains.
« Je peux gérer Victor Starke. Va donc t’occuper d’Amelia. »