Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

[Livre] Loukas ou l'indésiré

loukas ou l'indesire.jpg

 

Résumé : Que reste-t-il de l'innocence d'un enfant quand le sort s'acharne ? Élevé dans une communauté religieuse, Loukas est le souffre-douleur de sa famille. De santé très fragile, il subit coups et brimades. À l'adolescence viennent s'ajouter les viols... Son journal intime, tenu dès l'âge de 8 ans, nous dévoile sa terrible vérité.

 

Auteur : Esther Louve

 

Edition : Nouvelles plumes

 

Genre : Témoignage

 

Date de parution : 2015

 

Prix moyen : 16€

 

Mon avis : Fiction ou témoignage ? C’est un peu dur à dire : sur la couverture, figure seulement le nom d’Esther Louve, ce qui est inhabituel pour un témoignage écrit à la première personne par un autre. Si elle a été la plume permettant au protagoniste de prendre la parole, c’est son nom à lui (ou son pseudonyme) qui aurait dû figurer en priorité. De plus sur sa page facebook, l’auteur parle de la sortie de SON livre, sans jamais citer « Loukas ».
D’un autre côté, le nom de Loukas Rodrigues figure sur la page de garde, sous le nom d’Esther Louve, et un encart précise que les noms et lieux ont été changés sur la volonté de Loukas pour préserver son anonymat et sa sécurité.

Si c’est de la fiction, l’auteur a peut être poussé un peu loin le désir de tromper le lecteur.
L’histoire elle-même se présente sous la forme d’un journal intime entrecoupée d’explications donnée par un « Loukas » adulte et, a priori, libéré de la secte.
Loukas ne se plaint pas ou presque pas de l’attitude de son père à son égard. Ça viendra avec l’âge mais il ne se rebelle pas vraiment.
En revanche, il essaie d’alerter son entourage sur ce que lui fait subir son oncle. Je reste d’ailleurs totalement abasourdie de la fin que va connaitre cette histoire.
A aucun moment Loukas ne remet en question l’autorité du maître dans son journal intime, il semble totalement soumis à la secte. D’ailleurs même aujourd’hui, alors que dans les inserts qu’il fait de son opinion d’adulte il laisse entendre qu’il est parti, il n’aime toujours pas que la communauté soit qualifiée de secte.
En plus d’être un enfant martyre, Loukas est un enfant malade, ce qui rend encore plus intolérable la description de l’attitude de son entourage envers lui. Dès les premières pages, on sait qu’il souffre de leucémie, avec tous les effets que cela peut avoir sur le corps : fatigue, fragilité osseuse…
Ce qui révolte, c’est que les rares fois où Loukas a vaincu sa peur des représailles pour parler de ce qu’il subissait, on ne l’a pas cru. Et pourquoi ? Parce que son père était un homme respectable : un notaire. Et c’est bien connu, n’est-ce pas ? Un homme cultivé ne peut en aucun cas être un monstre.
A la fin du livre, on peut lire quelques témoignages de personnes ayant côtoyé Loukas en dehors du cercle restreint de la famille ou de la secte : une infirmière de l’hôpital, une jeune patiente de son âge qui s’était liée d’amitié avec lui et une voisine de l’étude de son père.
C’est ce témoignage-là qui m’a le plus marqué. La voisine, vieille dame octogénaire durant l’adolescence de Loukas, a vite compris ce qu’il se passait. Et a été tout bonnement menacée par le père qui lui a fait comprendre que la secte savait se débarrasser des fouineurs. Ça m’a fait penser au témoignage de la nièce du dirigeant de l’église de scientologie qui mettait l’accent sur le fait que la secte était persuadée, et souvent à juste titre, d’être au-dessus des lois et de n’avoir rien à craindre de la police ou de la justice.
La fin est un peu frustrante. Je trouve qu’on ne va pas assez loin. J’aurais aimé savoir comment le jeune frère de Loukas, Diego, qui affiche très tôt sa rébellion, s’est sorti de cet environnement hostile. Et comment Loukas, qui semble si profondément soumis et acquis aux idées de la secte a pu, si les allusions faites ne m’ont pas trompées, partir à son tour.
J’aurais voulu savoir si les responsables des actes abominables commis sur Loukas avaient fini par payer pour ça, où s’ils avaient continué leur vie, comme si de rien n’était.
J’ai beaucoup aimé ce livre, mais je le referme sur un goût d’inachevé.

Un extrait : Voilà mon cahier qui va me servir à écrire ce que je vis et je vais le cacher très bien pour que plus tard, peut-être, il y a quelqu’un qui le lise et se souvienne de moi. Il faut d’abord que je me présente, c’est comme ça dans les livres pour les grands. Celui qui écrit son histoire, il se présente ! alors voilà : je m’appelle Loukas Rodriguez, j’ai huit ans aujourd’hui (c’est pour ça que j’ai un cahier neuf, c’était mon cadeau d’anniversaire que mon frère m’a donné), c’est la première fois que j’ai un cadeau de mon frère (j’ai deux frère, un grand et un petit), c’est mon grand frère qui m’a donné le cahier, alors ça m’a fait drôlement plaisir, mais il faut que personne le sache, surtout pas notre père. Il faut que je dise aussi que chez nous, on fête jamais les anniversaires, enfin surtout le mien, moi j’ai jamais eu de gateau avec des bougies comme mes copains d’école me racontent et aussi pas de cadeau non plus. Mes frères, ils ont un livre, un livre d’instruction qu’il dit notre père car nous devons être des garçons intelligents et que les jouets, c’est pour les petits enfants et ils ont le droit de manger à la table des adultes le soir de ce jour là ; moi, j’ai jamais le droit. Mon plus petit frère, lui, il reçoit encore des jouets parce qu’il est encore un bébé et puis aussi parce que lui, c’est le préféré de nos parents.
Je suis un grand garçon et comme toute ma famille, je fais partie de la communauté des « frères de foi ». Mon père, il est notaire et ma mère, elle travaille pour lui, mais à la maison (elle prend les rendez-vous et fait les factures).
J’ai un grand frère (celui qui m’a offert mon cahier) qui s’appelle Manoël, il a onze ans et un petit frère qui s’appelle Diego et qui a trois ans.
J’ai eu aussi deux sœurs mais elles sont parties au paradis avant que je vienne sur la Terre. Mary était la plus grande, elle est partie bien avant moi et l’autre (je connais pas son nom), elle était avec moi dans le ventre de notre mère, mais elle est remontée au ciel et moi, je suis restée là.
J’aurais bien voulu moi, qu’elle m’emmène avec elle auprès de notre seigneur Jésus.
Je suis un petit garçon normal, sauf que je suis tout maigre et pas aussi fort et grand que mes frères et mes copains d’école. C’est parce que moi, je suis malade : quand j’étais plus petit, j’ai été longtemps à l’hôpital, les docteurs ont trouvé dans mon sang quelque chose qui n’allait pas bien, je ne sais pas ce que c’est exactement, mais mon grand frère a dit que c’était une maladie grave qui s’appelle leucémie. Je suis allé dans un grand hôpital où j’ai connu plein d’enfants comme moi, les dames étaient très gentilles avec nous mais c’était difficile d’être malade et tout seul, enfin moi, j’étais tout seul, les autres, ils avaient leurs parents. Mais ça change pas grand-chose à ma vie, sauf que je vais encore souvent à l’hôpital. Père me punit souvent parce que je suis pas assez fort comme il aimerait que je sois, il dit qu’un garçon à doit être très fort et costaud et que ça pleure pas, que nous devons être des vainqueurs car nous sommes des « zélus ». Moi je ne sais pas ce que c’est les « zélus », je comprends pas pourquoi il faut être toujours les plus forts, les premiers dans tout ce qu’on fait, et puis moi, comme je suis souvent puni, alors il m’arrive de pleurer.
Il faut dire que mes parents, comme ils voulaient pas encore un garçon, alors ils m’aiment pas.
Je le sais, parce que j’entends souvent Père dire que si j’étais pas là, ça irait mieux pour tout le monde !

Commentaires

  • Je l'ai lu et je suis tout à fait d'accord avec vous, "un goût d'inachevé". Effectivement, on ne sais pas si les protagonistes ont été puni, ni si Loukas est parti de la communauté et ce qu'il est advenu de Diego! Un peu déçu de cette fin finalement!

  • Oui c'est dommage qu'un livre qui se pose comme un témoignage n'aille pas jusqu'au bout de l'histoire.

Écrire un commentaire

Optionnel