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Livres - Page 69

  • [Livre] Le lys rouge

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    Résumé : Par une froide nuit de mars, à Chicago, une jeune fille se jette du vingt-deuxième étage. Chez elle, telle une signature macabre, la police découvre le sol jonché de lys. Quand il arrive sur les lieux, et qu’il y croise Tess Ciccotelli, psychiatre de la victime, l’inspecteur Aidan est sur la défensive, car des indices laissent penser que la jeune fille a été poussée au suicide par sa thérapeute. Soupçonnée de meurtre, Tess est interrogée par les policiers, puis libérée grâce à l’intervention de son avocate. Mais d’autres patients se suicident à leur tour. Lettres, empreintes, messages téléphoniques : tout accuse Tess. Etrangement, plus les preuves s’accumulent contre elle, plus Aidan est convaincu de son innocence. Quant à son avocate, elle refuse d’assurer sa défense. Seuls désormais face à la méfiance de leur entourage, Aidan et Tess vont devoir découvrir quel esprit manipulateur et pervers se cache derrière le piège diabolique qui se resserre autour de Tess…

    Auteur : Karen Rose

     

    Edition : Harlequin Best-Seller

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 2008

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Ce livre m’a menée par le bout du nez. Impossible de découvrir qui se cachait derrière les meurtres et le piège qui est tendu à Tess. A un moment, vers les deux tiers du livre, j’ai compris un élément important relatif au tueur, mais sans que cela me permette de mettre un nom sur sa silhouette.
    D’ailleurs, les parties écrites du point de vue du tueur le sont de manière à ce que jamais un accord ou un pronom ne permette d’avoir des indices sur ce personnage, avec un recours quasi systématique à la voix passive. Par exemple, au lieu de dire : « Il avait placé les preuves là où la police ne pouvait pas les rater », l’auteur va écrire : « Les preuves avaient été placées là où la police ne pouvait pas les rater ».
    Je n’ai pas été étonnée que Tess ne reste pas suspecte bien longtemps. Même si Aidan a, au début, de la rancœur contre elle, à cause d’une ancienne affaire, c’est un bon flic, et les preuves contre Tess étaient si nombreuses que soit elle était coupable et voulait que ça se sache, soit c’était un coup monté.
    Les personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, sont bien présentés et assez fouillés. Que ce soit leur passé, leurs aspirations, leurs problèmes, rien n’est laissé au hasard. Ils ne sont pas non plus là pour remplir des pages. Chacun de leurs problèmes peut être rattaché d’une manière ou une autre à l’enquête principale, que ce soit directement ou indirectement (en permettant à l’inspecteur de comprendre quelque chose par exemple).
    Il y a un bon rythme, avec beaucoup d’action, entrecoupé de moment plus calmes qui permettent de faire retomber la tension. Tout s’emboîte avec beaucoup de logique. A aucun moment on n’a l’impression que l’histoire n’est pas crédible.
    J’ai encore passé une nuit blanche car je n’arrivais pas à poser ce livre, il fallait absolument que je connaisse la suite.
    J’ai lu ce livre en un temps record, et je n’ai pas du tout vu passer les 631 pages.
    Encore un excellent thriller de Karen Rose. Mais il est rare que je sois déçue avec cet auteur.
    D’ailleurs ce livre n’est pas le seul dans lequel on a affaire à la famille Reagan et leur entourage : A plusieurs reprises, Kristen, la belle-sœur d’Aidan, et Tess font allusion au fait que Kristen a également été victime d’un meurtrier ; et bien dans « Dors bien la nuit », on découvre ce qui lui est exactement arrivé. Et dans «Et tu périras par le feu », c’est la coéquipière d’Abe (le frère d’Aidan et époux de Kristen), Mia Mitchell, qu’on va suivre d’un peu plus près.

    Un extrait : Le siège du conducteur offrait une vue imprenable sur le balcon de Cynthia Adams. Lentement, la porte vitrée s’ouvrit, laissant apparaître Cynthia. Sa chemise de nuit légère volait dans le vent froid de l’hiver. Elle allait faire un beau cadavre à la Gloria Swanson, Boulevard du crépuscule, quel film de génie ! Des films comme ça, Hollywood n’en faisait plus. Ce serait parfait pour fêter ça : du pop-corn et un bon film. Sauf qu’il n’y aurait rien à fêter si Cynthia restait plantée sur le balcon. Saute, Bon Dieu !
    - Dis lui de venir. Fais la sauter. Montre-moi ce que sais faire ma chérie.
    La jeune femme déglutit en entendant ce mot tendre prononcé d’une voix aussi sarcastique, mais elle s’exécuta néanmoins.
    - Fais un pas en avant, Cynthia. Encore un. Je t’attends.
    - Reprend ta voix d’enfant, maintenant. Ta voix de petite fille.
    - S’il te plait Cynthia, j’ai peur !
    Elle était décidément très douée. En un battement de cils, elle pouvait passer d’une voix d’enfant à une voix d’adulte, de celle de Mélanie la morte à celle de Ciccotelli la psy.
    - Viens, je t’en supplie !
    Elle prit une profonde inspiration et expira en tremblant.
    - J’ai besoin de toi !
    Et enfin…le succès. Un cri d’horreur surgit de la gorge de la jeune femme tandis que Cynthia plongeait dans le vide. Vingt-deux étages. L’impact sourd de son corps sur le trottoir se fit entendre à travers les vitres fermées de la voiture. Son cadavre ne serait peut-être pas si beau à voir, finalement…
    Mais si. Le corps de Cynthia Adams écrasé sur le trottoir était d’une beauté à couper le souffle. Dans le siège du passager, la jeune fille sanglotait, hystérique.
    - Reprends-toi. Tu as un autre appel à passer.
    - Oh, mon Dieu, mon Dieu…
    Elle détourna son visage de la vitre tandis que la voiture passait tout près du corps de Cynthia Adams.
    - Je n’arrive pas à croire que…Mon Dieu. J’ai envie de vomir.
    - Pas dans ma voiture, chérie. Prends le téléphone. Tout de suite.
    Elle ramassa le combiné en frémissant.
    - Je ne peux pas.
    - Mais si. Le numéro de Ciccotelli est programmé. Tu n’as qu’à appuyer sur le 1.  Quand elle décroche, dis-lui que tu es une voisine de Cynthia Adams, et qu’elle est sur la rambarde, prête à se jeter dans le vide. Vas-y. 
    Elle s’exécuta et attendit.
    - Elle ne décroche pas. Elle doit dormir.
    - Alors rappelle. Fais sonner jusqu’à ce que la princesse décroche. Et mets le haut-parleur. Je veux entendre.
    Le troisième essai fut concluant.
    - Allô ?
    Elle dormait. La pauvre n’avait rien de mieux à faire un samedi soir. C’était bon de savoir que cet aspect de la vie de Ciccotelli était également maîtrisé. Un petit coup de coude suffit à faire bégayer sa réplique à la jeune femme.
    -Docteur Ciccotelli ? Tess Ciccotelli ?
    - Qui est à l’appareil ?
    - Je… Une voisine d’une de vos patientes. Cynthia Adams. Elle est sur la rambarde du balcon. Elle menace de sauter.
    Les yeux fermés, la fille raccrocha et laissa le téléphone retomber sur ses genoux.
    - C’est fini, dit-elle
    - Pour ce soir.
    - Mais…
    Elle se tourna vivement, bouche bée.
    - Vous m’aviez dit…
    - J’ai dit que je garderais ton frère en vie si tu collaborais. J’ai encore besoin de ta collaboration. Continue à t’entraîner à imiter la voix de Ciccotelli. Il faudra que tu la refasses dans quelques jours. Pour ce soir, c’est fini. Un seul mot de ta part, et ton frère meurt.
    Ciccotelli était en route. Que la partie commence !

     

  • [Livre] Effacée - T03 - Brisée

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    Résumé : Kyla est en danger. Les Lorders sont toujours à sa poursuite et le TAG, groupe Terroriste Anti-Gouvernemental, l'a manipulée. Pour leur échapper, Kyla a dû se résoudre à une mesure extrême : se faire passer pour morte. Sous une nouvelle identité et avec une nouvelle apparence, elle part à la recherche de son passé et de sa vraie famille. Mais la vérité est plus compliquée - et bien plus sombre - que Kyla l'avait imaginée...

     

    Auteur : Teri Terry

     

    Edition : La Martinière Jeunesse

     

    Genre : Young adult

     

    Date de parution : 22 Octobre 2015

     

    Prix moyen : 16,50€

     

    Mon avis : Dans ce troisième et dernier tome, Kyla quitte son village et, sous une nouvelle identité, va se réfugier chez Stella Connor, sa mère, retrouvée par le Service des Personnes Disparues, une organisation secrète qui tente de renverser les Lorders avec des moyens beaucoup plus pacifiques et beaucoup moins discutables que les TAG.
    Jusque-là, Kyla n’avais eu qu’un aperçu de ce que faisait les lorders avec les arrestations arbitraires et les centres où étaient exécutés les effacés qui n’avaient pas « remplis leur contrat » (ce point étant sujet à toutes les interprétations).
    Ici, dans ce nouveau village, elle va découvrir que la réalité est pire encore que ce qu’elle croyait savoir, et, en faisant cette découverte, se mettre en danger.
    Obligée de fuir à nouveau, elle va devoir se montrer encore plus prudente qu’avant dans la confiance qu’elle accorde tant chaque personne semble changer de visage de minutes en minutes.
    Nico, toujours aussi dangereux, est toujours dans la nature, et la menace qu’il représente plane au-dessus de Kyla. Le concernant, je n’ai pas été étonnée quand ses motivations sont révélées, j’ai toujours su pourquoi il agissait.
    Stella, la mère de Kyla, est difficile à suivre (même si on comprendra son comportement plus tard). Elle apparaît à la fois comme surprotectrice, sévère, manipulatrice, secrète. On n’a pas l’impression qu’elle ait envie de donner des réponses à Kyla et en même temps on la sens agacée que l’adolescente ne se souvienne pas d’elle (et d’un autre côté, quand on rencontre Astrid, la mère de Stella, on comprend que celle-ci soit un tantinet tendue… une vrai araignée cette vieille peau).
    Ben m’a surprise dans ce tome. Et d’un autre côté, je me dis qu’on se base sur Kyla pour juger les effacés en oubliant qu’elle est un cas particulier. Ainsi, on oublie facilement qu’on ne sait rien de la personnalité de Ben avant qu’il ne soit effacé, on ne sait pas du tout qui il était et ce que les multiples manipulations sur son cerveau ont pu donner. Aussi, à chaque fois qu’il fait un pas, on se dit : je ne pensais pas qu’il réagirait comme ça, Kyla n’aurait pas fait comme ça… C’est perturbant, mais très logique.
    La fin est très bien construite aussi, d’abord intense en actions, puis en révélations qui la rendent logique. Mais jusqu’à la dernière seconde, on n’aura pas su avec certitude qui était du côté de qui. Qui étaient les méchants ? Tout simplement parce que personne n’est blanc ou noir (enfin il y a quand même deux ou trois personnages à qui on aura du mal à trouver des excuses).
    Pour une fois, je ne reste pas sur ma faim avec un dernier tome de trilogie !

    Un extrait : Le car s’arrête non loin de la longue allée menant à la maison de Mac. Je m’y élance, préoccupée par ce que je viens de voir. À quel enterrement se rendaient ma mère et ma sœur ? L’inquiétude me gagne tandis qu’une autre partie de mon cerveau enregistre un changement : le ciel est étrangement bas et le fond de l’air est glacé. Va-t-il neiger ? Jamais je n’ai vu la neige, et pourtant il me semble que j’adore ça. Certes, quand j’étais Lucy, j’ai dû en faire l’expérience : enfant, j’ai grandi dans la région du Lake District. Mais les souvenirs de Lucy ont été effacés par la chirurgie des Lorders.

    La maison de Mac apparaît au tournant. C’est une construction isolée, fermée à l’arrière par un haut portail. Depuis l’allée, j’aperçois un long trait blanc et brillant au-dessus. Un van est garé là… celui d’Aiden ?

    On m’attend, si j’en crois le rideau qui vient de retomber sur la fenêtre de devant. Un instant plus tard, Mac ouvre la porte d’entrée.

    — C’est vraiment toi, Kyla ?

    — Je m’appelle Donna, maintenant.

    J’entre et ôte mon béret, ce qui m’arrache une grimace de douleur. Aiden est là aussi, et mon expression de souffrance ne lui a pas échappé.

    — Tu as mal ? Je t’avais proposé de venir te chercher…

    Je réponds d’un haussement d’épaules et me dirige vers l’ordinateur au fond du couloir, prenant juste le temps de laisser mon écharpe et mon manteau sur une chaise. Je dois comprendre ce que faisait ma famille derrière ce corbillard. Un coup d’œil sur un site d’actualités locales va me renseigner…

    L’ordinateur de Mac est illégal. Il ne l’a pas déclaré au gouvernement et il capte Internet sur des réseaux clandestins. Skye, la chienne de Ben, tente de me faire la fête mais je lui donne une rapide caresse et la repousse.

    Une fois devant l’écran, prise d’une soudaine inspiration, je consulte d’abord le site Internet du SPD. Je cherche la fiche de Lucy Connor, disparue de la ville de Keswick à l’âge de dix ans, et récemment retrouvée. Ma véritable identité, volée par les Lorders, et reconquise grâce à mes amis.

    Or, maintenant, la fiche porte l’inscription « Décédée ».

    Je contemple l’écran, abasourdie, puis tressaille en sentant une main se poser sur mon épaule.

    — Tu as l’air en forme, pour une morte, raille Mac. J’aime beaucoup tes nouveaux cheveux.

    Je pivote. Aiden est là aussi, près de Mac, et il a une drôle d’expression.

    — C’est toi qui as marqué ça ! m’écrié-je, furieuse. Mais pourquoi ?

    — Désolé, Kyla, mais tu es officiellement décédée depuis qu’une bombe a détruit une partie de la maison de tes parents adoptifs.

    — Mais les Lorders n’ont pas pu retrouver mon cadavre… Attends une minute ! Mon car a croisé un convoi funéraire, tout à l’heure. Maman et Amy suivaient le corbillard. Ne me dis pas que c’était mon enterrement ?

    Aiden semble mal à l’aise.

    — J’ignorais que ça se passait aujourd’hui.

    Mac et Aiden échangent un regard perplexe.

    — Le plus vraisemblable, c’est qu’ils ne veulent pas reconnaître que tu leur as échappé, déclare Aiden.

    Aiden pense que les Lorders ont placé cette bombe pour me punir d’avoir aidé Ben à couper son Nivo. Il ne sait rien du double jeu que j’ai tenu, au risque de ma vie, pour les Lorders d’un côté et pour les TAG de l’autre. Mon secret est bien lourd et il me ronge.

    Mais Aiden aussi a des secrets.

    Mes yeux s’emplissent de larmes.

    — Je ne peux pas laisser maman et Amy croire que je suis morte. C’est trop cruel.

    Aiden s’assied près de moi et me prend la main.

    — Il le faut, Kyla. Nous ne pouvons prendre aucun risque.

    Je retire ma main de la sienne.

    — Non ! Je refuse de partir comme ça. C’était déjà pénible de passer pour disparue, mais morte… Tu m’en demandes trop.

    — Elles sont peut-être surveillées. C’est trop dangereux, proteste Aiden.

    — Personne ne me reconnaîtra, à présent.

    Aiden secoue la tête.

    — Réfléchis bien, Kyla. Une autre vie t’attend à Keswick. Ne gâche pas cette chance. Et ta mère ne voudrait pas que tu prennes ce risque.

    Cette fois, je me tais. Il a raison.

     

  • [Livre] Effacée - T02 - Fracturée

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    Résumé : Kyla en apprend de plus en plus sur son passé d’Effacée… Mais parviendra-t-elle à s’accepter ?

    Après son effacement, Kyla devrait avoir perdu tout souvenir de son passé. Elle se demande quel avenir elle peut envisager. Pourtant, des bribes de mémoire lui reviennent avec d’inquiétants points sombres. Et quand un homme mystérieux qu’elle a connu avant son effacement réapparaît dans son existence, elle se dit qu’elle va enfin comprendre d’où elle vient. Mais plus elle en apprend sur elle-même, plus son avenir devient confus…

     

    Auteur : Teri Terry

     

    Edition : La Martinière Jeunesse

     

    Genre : Young adult

     

    Date de parution : 16 Octobre 2014

     

    Prix moyen : 16€

     

    Mon avis : Le début de ce second tome est un peu abrupt car l’auteur ne fait aucun rappel. Le premier chapitre de ce livre est écrit comme s’il était le chapitre suivant du dernier du tome 1. Du coup, on a un peu de mal à se remettre dans l’histoire, mais ça ne dure pas. Après seulement quelques pages, on est replongé dans l’histoire.
    Dans ce tome, on va en apprendre un peu plus sur le passé de Kyla qui commence à avoir des souvenirs de plus en plus net, quoique encore assez épars. On va également en apprendre plus sur ces TAG, ces terroristes qui combattent le gouvernement des Lorders.
    Leur chef, Nico, ne m’a pas du tout plu. Il semble manipulateur et dangereux, se moquant totalement de la vie d’autrui que ce soit des « ennemis » ou des « alliés ». Je pense que son but est de s’emparer du pouvoir et que s’il pouvait être à la tête des Lorders, il ne s’embarrasserait pas à les combattre. On dirait vraiment le gourou d’une secte avec tout le pouvoir de nuisance que cela implique.
    Ce tome est plus sombre que le premier, et, à l’instar de Kyla, on ne sait plus sur quel pied danser avec les personnages. Il y en a certain en qui on avait confiance, qui semblait ne pas être à la solde des lorders, ni à celle des TAG, d’ailleurs, mais maintenant on doute, on n’est plus sur de les avoir cernés comme il le faut.
    Les raisons du comportement du père, tour à tour sévère et menaçant ou gentil et ouvert, sont révélées à la fin de ce tome. Je n’en ai pas été surprise, ça n’a fait que confirmer mes doutes.
    J’aurais quand même aimé savoir pourquoi les personnes arrêtées dans le premier tome l’ont été car que ce soit Phoebe qui avait accusé Kyla d’être une espionne des Lorders, ce qui n’était rien de plus que des chamailleries d’adolescentes, ou le professeur de dessin, qui avait fait un portrait de la jeune fille disparue, il n’y avait là aucune critique ou attaque contre le système. Rien d’ouvertement contre le système en tout cas, et on peut se demander pourquoi les lorders sont ainsi sur la défensive. N’ont-ils pas autant la main mise sur la population qu’ils veulent le faire croire ?
    Kyla va rencontrer également un nouveau personnage en la personne de Cam. Pour qu’il soit introduit comme ça au second tome, je me doutais qu’il allait avoir une importance et que ses actes ne seraient pas anodins, mais je n’avais pas imaginé ça !
    Le docteur Lysander va prendre encore plus d’importance dans ce tome, et elle me laisse perplexe. Tout dans son attitude semble montrer qu’elle est du côté de Kyla, mais elle reste l’inventeur de la procédure d’effacement et elle défend ce système avec énergie. Est-ce qu’elle n’apprécie pas les méthodes des lorders ? Est-ce qu’elle désapprouve les dérives causées par son système (avec apparemment des effacements sans procès) ? Ou bien cache-t-elle des dessins plus sombres derrière une façade amicale ?
    J’espère avoir les réponses à toutes mes questions dans le dernier tome.

    Un extrait : Un bourdonnement lointain m’arrache au néant et j’oscille un instant entre éveil et torpeur, puis, doucement, repars au pays des rêves.

    Le bourdonnement reprend.

    Erreur !

    Éveillée en un clin d’œil, je bondis hors de mon lit, mais quelque chose me retient et je manque hurler, me débats, le jette à terre et m’accroupis en position de combat, prête à l’attaque. Prête à tout…

    Mais pas à ça. Des formes inconnues, menaçantes, se brouillent, se transforment et deviennent des objets ordinaires. Un lit. Un réveil qui sonne encore sur une table de chevet. Mes entraves, des couvertures maintenant à terre. Un tapis sous mes pieds nus. Une faible lueur filtrant d’une fenêtre ouverte. Et un chat grincheux et somnolent qui pousse des miaulements furieux, prisonnier des couvertures.

    Je presse le bouton du réveil, me force à respirer lentement – inspirer, expirer –, à ralentir le rythme frénétique de mon cœur, mais mes nerfs sont encore à vif.

    Sebastian me dévisage, le poil hérissé.

    — Tu me reconnais, mon minou ? dis-je à voix basse, et je tends la main pour qu’il la hume, lui caresse le dos autant pour m’apaiser que pour le rassurer. Je refais le lit et il saute dessus, s’étale mais garde les yeux mi-clos, aux aguets.

    À mon réveil, je me croyais encore là-bas. À demi assoupie, je reconnaissais chaque détail. Les abris de fortune, les tentes. Le froid, l’humidité, l’odeur de bois brûlé, le bruissement des feuilles, les oiseaux d’avant l’aube. Les murmures. Mais, à mesure que je m’éveillais, tout cela disparaissait. Les détails s’évanouissaient. Était-ce un rêve ou un lieu bien réel ?

    Mon Nivo à 5,8 indique que je suis contente, mais mon cœur bat encore vite. Après ce qui vient d’arriver, mon Nivo aurait dû descendre en flèche. Je le fais tourner sans douceur sur mon poignet : rien. Ça devrait pourtant me faire mal. Les Effacés sont incapables de la moindre violence envers les autres ou envers eux-mêmes tant qu’un Nivo contrôle leurs émotions, tant qu’il peut provoquer des évanouissements, ou même la mort si son porteur est trop bouleversé ou furieux. Après ce que j’ai fait hier, je devrais être morte, éliminée par la puce qu’on a implantée dans mon cerveau quand on m’a Effacée.

    Des échos de mon cauchemar de la nuit dernière résonnent en moi : Je ne pourrai jamais m’enfuir. Il me retrouvera toujours…

    Nico ! Il s’appelle Nico, et ce n’est pas un rêve sans consistance. Il existe bel et bien. Des yeux bleu pâle brillent dans mon souvenir, des yeux dont le regard peut devenir en un éclair glacial ou ardent. Il saura certainement ce que tout cela signifie. C’est un élément vivant de mon passé, ressurgi Dieu sait comment dans ma nouvelle vie, sous l’apparence de mon professeur de sciences naturelles. Une bien étrange transformation de… de quoi ? Ma mémoire me trahit de nouveau. Exaspérée, je serre les poings. Je l’avais devant moi, je savais qui il était, ce qu’il représentait, et puis, tout à coup, plus rien.

    Nico saura sûrement de quoi il s’agit, mais ai-je intérêt à lui poser la question ? Quel qu’il soit, je suis au moins sûre d’une chose : il est dangereux. À la seule pensée de son nom, mon estomac se noue à la fois de crainte et de nostalgie. Être proche de lui, voilà ce que je veux, quel qu’en soit le prix.

    Il me retrouvera toujours…

    On frappe à la porte de ma chambre.

    — Kyla, tu es levée ? Sinon, tu vas arriver en retard au lycée.

     

  • [Livre] L'échappée

    Je remercie la masse critique Babelio et les éditions Milan pour cette lecture

     

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    Résumé : "Comment peut-on ne pas vouloir sortir avec Jason ? il est ultra cool. [...] Jason, pour moi, c'est un rêve qui se réalise."
    Hélas pour Leslie, son rêve va vite tourner au cauchemar...
    Jason, le nouveau qui attire tous les regards, n'est pas le garçon bien qu'il paraît être. Lentement, il tisse sa toile autour d'elle.
    Pour qu'elle ne puisse plus s'échapper. Pour qu'elle lui appartienne. Corps et âme.

     

    Auteur : Allan Stratton

     

    Edition : Milan

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 07 septembre 2016

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : Dans la lignée des romans comme Risk de Fleur Ferris sur les dangers des rencontres internet, Blacklistée de Cole Gibsen sur le harcèlement scolaire ou encore Little sister de Benoît Séverac sur le djihadisme, Allan Stratton alerte les adolescents sur la violence conjugale au sein des couples adolescents au travers de l’histoire de Leslie.
    Leslie est une adolescente un peu à la dérive. Elle a du quitter sa ville et ses amie pour émigrer dans un coin un peu perdu du canada suite à la mutation de son père, lequel, très vite, a quitté le foyer conjugal pour une midinette. Sa mère, devenue mère célibataire ne sait pas comment gérer à la fois sa fille et son chagrin et multiplie cris et attaques verbales contre le père. Leurs revenus ayant drastiquement baissés, elles ont du déménager dans un petit appartement dans un quartier guère reluisant. Pour couronner le tout, sa seule amie la délaisse pour se rapprocher de ses camarades d’église.
    Alors déjà que l’adolescence n’est pas franchement une période de félicité familiale, là Leslie a beaucoup de mal à faire face.

    Son professeur d’anglais va demander aux élèves d’écrire, pendant 15 minutes à chaque début de cours, dans un journal intime et c’est à travers ce journal que l’on découvre l’histoire de Leslie.
    Quand elle rencontre Jason, 18 ans, nouveau au lycée, Leslie voit ici l’occasion d’avoir enfin une personne à qui se confier et qui soit là pour elle (et aussi de clouer le bec à l’insupportable Ashley, celle qui lui « vole » sa meilleure amie).
    Allan Stratton amène l’intrigue lentement mais sûrement. Bien sûr, on ne le découvre qu’en même temps que Leslie, puisque c’est elle qui nous le raconte et le doute s’installe.
    Même si, pour ma part, je n’ai eu aucun doute dès lors que Leslie nous relate la première scène ambiguë avec Jason, je pense que ça tiens aussi au fait que je suis adulte et que, même s’il est manipulateur, Jason reste un ado, avec la subtilité que ça implique. Mais je comprends qu’une adolescente de 15 ans soit complètement déboussolée devant ce qu’il se passe et ne sache plus où elle en est.
    Au fil des pages, Leslie montre un courage et une force de caractère incroyable, même s’ils sont noyés dans de mauvaises décisions (mais bon, si elle avait pris la bonne décision dès le départ, il n’y aurait plus eu d’histoire).
    Jason…je ne sais pas si on doit le plaindre ou le blâmer. Ce qu’il fait est répréhensible, je ne dis pas le contraire. Mais je me demande comment un ado de 18 ans en arrive là. J’ai eu l’impression d’un gosse qui a grandit seul et à qui on a passé tous les caprices pour pallier l’absence des parents, entre une mère de tout évidence alcoolique et un père plus intéressé par sa carrière que par son fils. Un gamin qui n’a jamais fait que ses quatre volontés et dont le père a « arrangé » chacun de ses actes soit par son argent, soit par ses relations. Je ne pense pas que quiconque ait inculqué à ce gosse les notions de bien et mal ou de respect de l’autre. Je ne dis pas qu’il devrait être absous mais que ses parents devraient payer autant que lui.
    J’ai trouvé la fin frustrante. D’une part parce qu’elle est un peu rapide et cela tient à l’auteur. Mais surtout à cause des conséquences qui en découlent et cela, en revanche, tiens au système. L’auteur n’a fait que montrer ce qui se serait passé si Leslie et Jason n’avaient pas été des personnages de fiction.
    C’est une histoire très bien menée, qui maintient sous tension jusqu’à la conclusion et qui fait monter en nous une colère incroyable à la fois contre Jason mais aussi contre la société qui permet à des Jason d’agir en toute impunité pendant des années.

    Un extrait : Les proviseurs adjoints, en fait, c’est les flics du lycée. Ils adorent jouer les gros durs et bouffer des donuts. Et de ce point de vue là, c’est clair que M. Manley a choisi le boulot qu’il lui fallait. En revanche, on ne peut pas dire qu’il porte très bien son nom, lui qui est à peu près aussi viril qu’un éléphant en costard. Il paraît qu’il était prof d’EPS, avant. Aujourd’hui, adieu l’exercice physique. Il se contente de beugler, et il a les cordes vocales gonflées aux stéroïdes !
    C’est pathétique ! M. Manley se donne des airs importants, comme s’il faisait partie du FBI, alors qu’on sait tous que c’est juste un vieux type qui prend son pied en gueulant sur les ados. Il passe son temps dans le parking, à roder derrière les voitures pour choper les fumeurs, ou à renifler l’haleine des élèves pour voir s’ils n’ont pas bu, ou fumé de l’herbe. Pendant les bals du lycée, il se balade avec une lampe torche pour débusquer les couples sur le terrain de foot ou dans le réduit sous l’escalier. Il faut être pervers pour faire un boulot pareil.
    L’an dernier, en troisième, j’étais sans arrêt dans son bureau. Pour plaisanter, je disais qu’il voulait me voir tous les jours parce qu’il craquait sur moi ; mais en fait, c’était à cause de mes retards. Et parce que je séchais souvent les cours. Mes parents s’étaient séparés « quelques temps pour voir », et je ne le vivais pas très bien.
    Je le vis toujours mal d’ailleurs. Surtout depuis que ce n’est plus « pour voir », mais « pour de bon », et que maman est passé du statut d’épouse à celui de mère célibataire.
    Maintenant, quand elle voit à la télé des personnalités politiques parler des mères seules, elle fond en larmes. Et puis elle m’engueule. On dirait qu’elle se force à être sévère, de peur que je me transforme en une de ces graines de démons qui viennent parler de leur foyer brisé dans les talk-shows.
    - Il va falloir que tu changes d’attitude ! crie-t-elle. Tu m’entends Leslie ?
    - Non, je suis sourde.
    - Attention à toi !
    Je lui lance mon regard breveté. Celui qui la rend dingue.
    - Ne me regarde pas comme ça.
    - Alors arrête de me gueuler dessus ! Franchement, c’est pas étonnant que papa soit parti !

    En général, c’est là qu’elle blêmit et file en courant dans sa chambre. Juste après, d’affreux bruits d’animaux filtrent sous sa porte, et j’ai envie de mourir. Au fond, je ne veux pas la blesser. C’est vrai. Je voudrais juste qu’elle arrête de crier en permanence. Pourquoi tout est-il toujours ma faute ?

     

     

  • [Livre] Samedi 14 novembre

    Je remercie les éditions Sarbacane pour cette excellente lecture

     

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    Résumé : Vendredi, 13 novembre 2015. B. était à la terrasse d'un café, quand les terroristes ont tiré. Son frère est mort, lui s'en sort indemne. 
    Il quitte l'hôpital au matin, monte dans le métro. Son regard croise celui d'un passager. 
    Il reconnaît le visage de l'un des tueurs et décide de le suivre.

    Auteur : Vincent Villeminot

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 02 novembre 2016

     

    Prix moyen : 15,50€

     

    Mon avis : L’écriture de Vincent Villeminot est toujours aussi addictive et ce quelque soit le sujet qu’il aborde. Ici, il a décidé de s’attaquer à un sujet difficile, à peine un an après les faits, quand tout est encore frais, peut être un peu trop, dans les esprits.
    Les paragraphes sont courts, les chapitres tout autant, parfois juste une demi-page. Du coup, même si le texte en lui-même ne comporte guère d’action, cette construction donne un sentiment d’urgence. Ce n’est pas un livre qu’on pose facilement. En ce qui me concerne, je ne l’ai pas posé et l’ai lu en 2h à peu près.
    Son personnage principal, B., est à la fois une victime des attentats et un membre de la famille d’une victime. Sur place lors d’une des attaques, il n’a été que légèrement blessé mais à vu son frère aîné tomber sous les balles des terroristes. Ce choix est un pari risqué car la manière de traiter le personnage peut être mal perçu par les victimes et familles des victimes.

    En dehors de l’histoire principale qui suit B., passant du rôle de victime à celui d’agresseur, presque malgré lui, il ya les entractes qui sont comme des flashes sur les personnes qui entourent ou croisent B.
    B. agit sous le coup du choc, de la colère, de la rage. Son frère est mort. Il a du mal à réaliser mais à chaque fois qu’il réalise la rage reprend le dessus. Il va commettre des actes qu’il n’aurait jamais commis en temps normal. Et même si certaines de ses actions sont choquantes, on a du mal à lui en vouloir.
    Vincent Villeminot, à travers ces actes que commet le jeune homme déboussolé, fait passer un message comme le risque d’amalgame : non tous les musulman ne sont pas des terroristes, voile ne veut pas dire intégrisme, et important aussi, les familles des intégristes ne sont pas toujours complices.
    Du coté des victimes, un autre message passe : ne sont pas victimes que ceux qui sont tombés sous les balles : leurs familles, leurs amis, les familles et amis des survivants traumatisés sont autant de victimes collatérales qui n’ont pas été recensées par les médias mais qui ont bel et bien été touchés par ces attentats.
    Ce livre est une vrai claque, les dialogues sont parfois, souvent, surtout au début, violents et même choquants, mais c’est un choix de ne pas édulcorer « l’après ». Parce que « après » les gens étaient choqués et violents, en pensées sinon en actes.
    Ce roman assez court (un peu plus de 200 pages) peut servir de base pour ouvrir le dialogue sur le sujet avec de jeunes adolescents qui n’ont peut être pas eu la possibilité de s’exprimer sur ce sujet délicat.
    Il n’y a plus qu’à espérer que des professeurs intelligents le donnent à lire à leurs élèves. Et que si ce n’est pas le cas, ce soit les parents qui s’en chargent !

    Un extrait : Et puis ensuite, il y eut une brève pause de silence, B. s’en souviendrait.
    Quelques secondes, deux ou trois, c’est très court, comme s’il fallait que chacun se remette de sa stupeur. Ou peut-être est-ce attendre, reprendre son souffle ; comprendre qu’on est vivant ; s’assurer qu’ils sont vraiment partis, les tueurs. Ou bien est-ce tout le bruit, le vacarme du monde qui se sont retirés ? Il paraît que lorsqu’une munition d’artillerie explose, l’effet de souffle te donne ce sentiment – tout l’air s’en va, en une seconde, juste avant que les shrapnels te déchirent ; que la peau cesse d’être une peau, un bouclier, une frontière entre le monde et toi.
    Mais là, ce n’est pas ça. Il n’y a pas eu de shrapnels.

    Il y a eu la voiture qui freine, les portières qui s’ouvrent, claquent. Et, sans une semonce, les rafales. Deux armes. Des fusils d’assaut, marque kalachnikov, modèle AKM (ou peut-être AKMS en tôle emboutie), dont on vide les chargeurs.
    Il y a eu – autour de B. – les chaises qui se renversent, les tables, les corps qui tombent, les verres qui explosent en esquilles, en milliers de débris ; l’impact sec sur les vitrines, les cris, de surprise, d’effroi.
    Et ensuite, les portières, le moteur qui s’emballe.
    Puis ce silence.
    Ce sursis.

    B. relève les yeux, à quatre pattes sur le trottoir, dans les chaises emmêlées, les tables, dans le givre du verre.

    La voiture est partie.

    Il a le temps de penser : « Je ne suis pas mort », avant la fin du monde.
    Un gémissement.

    Il a le temps de se demander : « Pierre ? Où est Pierre ? »
    Et puis, une femme se met à pleurer, doucement. Et toutes ces voix, d’un coup, tous ces cris. De peur. De douleur. Des appels. Des suppliques. Des soupirs.

     

  • [Livre] Effacée - T01

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    Résumé : Dans un futur proche, en Angleterre, les criminels de moins de 16 ans sont condamnés à perdre tout souvenir de leur passé. Malgré son Effacement, cependant, Kyla fait d'étranges cauchemars. Comme si ses souvenirs s'obstinaient à remonter à la surface...

    Petit à petit, le doute s'installe. A-t-elle vraiment commis un crime et mérité son sort ? La jeune fille n'est pas certaine de vouloir le découvrir, d'autant que sa nouvelle vie de lycéenne lui plaît. Et que son passé pourrait s'avérer difficile à supporter.

    Mais peut-on être soi, à 16 ans, si l'on ignore d'où l'on vient ? Grâce à Ben, Effacé, lui aussi, et convaincu que l'Effacement cache en réalité une gigantesque manipulation, Kyla trouvera peut-être la force de partir en quête de sa propre histoire...

     

    Auteur : Teri Terry

     

    Edition : La Martinière Jeunesse

     

    Genre : Young adult

     

    Date de parution : 12 Septembre 2013

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : L’effacement semble être une méthode radicale pour effacer le comportement violent des jeunes criminels et leur donner une chance de recommencer leur vie et de s’intégrer à la société. Ça, c’est la théorie. La toute belle et toute lisse théorie.
    Sauf que l’effacement ne semble pas avoir totalement marché chez Kyla : elle a des cauchemars qui pourraient être des bribes de souvenirs de son passé, elle réfléchit, elle est autonome, elle est capable de se défendre…tout ce qu’un effacé n’est pas censé pouvoir faire.
    D’ailleurs, son Nivo, un bracelet censé contrôler les émotions et la neutraliser si elle ne ressent pas un bonheur béat, réagit étrangement avec elle.
    Elle doit donc faire attention à tout ce qu’elle fait pour ne pas être repérée par les lorders, censés maintenir l’ordre et faire respecter la loi mais que je soupçonne de plus en plus d’être dangereux et arbitraires. Je pense qu’ils ne s’en prennent pas uniquement aux criminels mais aussi à toutes personnes qui se posent la moindre question sur le système.

    Le texte est à la première personne du singulier et on est donc confronté aux pensées, aux sentiments et aux réflexions de Kyla. Pour une fois on a une héroïne qui n’est ni une guerrière, ni une poupée incroyablement naïve qui ne se sort des situations que par une chance phénoménale. Non ici, Kyla est courageuse, un peu perdue à cause de ce qu’elle ressent et qu’elle ne devrait pas ressentir, effrayée aussi de se rendre compte qu’elle ne peut faire confiance à personne. Mais courageuse, volontaire et bien décidée à reprendre sa vie en main, mais sans pour autant se mettre en danger de façon inconsidérée.


    Même si on ne fait que les citer, et qu’ils apparaissent une fois ou deux, un peu comme une ombre menaçante aux contours imprécis, je me demande si les TAG, le groupe terroriste qui lutte contre le système, n’est pas pire que l’ennemi qu’il combat. Sans doute aura-t-on des réponses à leur sujet dans le tome 2, mais leurs méthodes ne les rendent pas sympathiques et on n’est pas bien sûr de vouloir les voir réussir.

    Kyla, et nous par la même occasion, se rend vite compte que les apparences sont trompeuses. Ses nouveaux parents, quand elle les rencontre, donnent l’impression d’une mère sévère et revêche et d’un père ouvert et amical. Très rapidement, on peut voir que la mère est attentive, gentille et aimante. Mais le père… je pense qu’on ne sait pas encore à quel point il est impliqué dans les horreurs commises par les lorders, mais je le soupçonne d’être bien plus proches d’eux qu’il ne le dit. Tout dans son attitude le montre. Je suis sûre qu’il est un des pires dangers que va devoir affronter Kyla. Amy, sa sœur, très amicale au début, semble l’être beaucoup moins.
    Kyla doit également savoir repérer la véritable personnalité de tout le personnel médical et administratif qui l’entoure : qui la surveille, qui serait susceptible de dénoncer la moindre infraction aux lorders… Elle vit dans une suspicion permanente.

     

    La fin, comme toujours dans les dystopies, nous fait prendre conscience de l’ampleur du problème, et on n’a qu’une envie, se jeter sur la suite pour savoir comment Kyla va se sortir de là !

    Un extrait : Nous arrivons devant la grille de sortie.

    Un garde s'avance vers la voiture et les autres nous dévisagent derrière les fenêtres. Mon père appuie sur des boutons et toutes les vitres de la voiture descendent. Même le coffre s'ouvre.

    Mes parents et Amy remontent leurs manches et tendent leur main droite au-dehors. J'en fais autant. Puis un garde avise les poignets nus de mes parents, hoche la tête, et passe un objet au-dessus du Nivo d'Amy. L'objet sonne. Il procède de la même manière avec moi. Ensuite il va examiner le coffre et le referme d'un coup sec.

    La barrière de sûreté s'ouvre enfin et nous débouchons dans une rue.

    — Kyla, qu'aimerais-tu faire, aujourd'hui ? me demande ma mère.

    Elle est ronde et pointue. Oui, je sais : ces deux adjectifs paraissent contradictoires. Je veux dire qu'elle est ronde de corps et tendre d'apparence, mais que ses regards et ses paroles sont aigus et perçants.

    Je me retourne. Le complexe hospitalier occupe tout l'horizon : interminables rangées de petites fenêtres grillagées, hautes clôtures, miradors disposés à intervalles régu­liers, sentinelles...

    — Kyla ! Je t'ai posé une question !

    Je tressaille.

    — Je ne sais pas, marmonné-je.

    — Normal, remarque mon père. Elle n'a encore aucune idée de ce qu'elle « peut » faire.

    — Rentrons à la maison, propose Amy. Elle a besoin de temps pour s'habituer. D'ailleurs, c'est ce qu'a dit son docteur.

    — Évidemment, soupire ma mère. Les médecins savent toujours tout.

    Il y a un silence lourd de sous-entendus. Apparemment, ma mère n'a guère confiance dans le corps médical... Je croise le regard de mon père dans le rétroviseur.

    — Kyla, tu connais l'histoire du médecin qui ne pou­vait pas distinguer sa droite de sa gauche ?

    Il se lance dans une longue histoire d'erreurs chirur­gicales, à la grande joie de ma mère et de ma sœur. Moi, je ne trouve pas ça drôle. J'espère que rien de tel n'est arrivé dans mon hôpital...

    Et puis, j'oublie, captivée par la ville qu'ils appellent Londres. Nous circulons maintenant dans une rue bordée de bâtiments incendiés, aux ouvertures condamnées. Plus loin, le quartier s'anime. Il y a du linge qui sèche aux balcons, des plantes, des rideaux que le vent soulève comme s'il voulait s'amuser avec.

    Et partout, des gens. Dans les voitures, sur les trottoirs. Des foules de gens, entrant et sortant de boutiques ou de bureaux, se hâtant dans toutes les directions. Ils semblent ignorer les gardes postés aux coins des rues. D'ailleurs, ceux-ci sont de moins en moins nombreux au fur et à mesure que nous nous éloignons de l'hôpital.

    J'observe tout - les rues, les gens, les immeubles - pour me rappeler.

    Le Dr Lysander m'a souvent demandé pourquoi je cherchais systématiquement à mémoriser ce que je voyais dans le moindre détail. Je n'ai jamais su le lui expliquer, sinon par le fait que je n'aime pas me sentir vide.

    Après mon Effacement, dès que j'ai réussi à mettre un pied devant l'autre sans tomber, j'ai parcouru les étages autorisés de l'hôpital. J'ai compté mes pas et inscrit chaque recoin dans ma mémoire. J'aurais pu trouver les bureaux des infirmières les yeux fermés. Et aussi les laboratoires et les chambres. Je n'avais pas besoin de voir leur numéro. Même en ce moment, il me suffit de me concentrer pour que ça me revienne parfaitement.

    Mais il faudrait que je parcoure toutes les rues de Londres pour avoir la configuration de la ville dans la tête... Bien sûr, on m'a montré des cartes et des photos, à l'hôpital. Cela faisait partie des cours de culture géné­rale nous préparant à notre sortie. Pour moi, c'était facile de me rappeler. Il me suffisait de dessiner ce que j'avais vu, et d'écrire les noms dans un cahier. Les autres élèves n'étaient pas aussi réceptifs. Ils souriaient comme des abrutis et ne reconnaissaient jamais rien. Ce n'est pas de leur faute : lorsque nous avons été Effacés, la fonction « heureux caractère » de nos profils psychologiques a été renforcée au maximum.

    Je suppose qu'avant le traitement, je n'avais aucun sourire en réserve...

     

  • [Livre] Les filles de Sultana

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    Résumé : Dans ce deuxième ouvrage qui évoque la vie de la princesse Sultana d’Arabie Saoudite, derrière le voile, derrière les murs de la domination masculine, une femme cultivée, intelligente et drôle, critique et raconte un pouvoir absolu.

    Plus que le récit de la vie d’une princesse, d’une épouse et d’une mère de famille, ce livre est le cri d’une femme dans le désert masculin de son pays, ou la moindre velléité de féminisme, la plus minuscule des libertés, sont des péchés.

     

    Auteur : Jean P. Sasson

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 16 Mars 1998

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Dans ce second témoignage, la princesse Sultana, dont le premier témoignage a été découvert par les hommes de sa famille, persiste dans la dénonciation des actions menées contre les femmes dans son pays. Mais, peut-être est-ce dû au fait qu’elle est plus surveillée, dans ce second tome, elle parle surtout de ses enfants et des actes de personnes étrangères à la famille (bizarrement, son mari, qu’elle accusait de tous les maux dans le premier tome, est ici compréhensif et ouvert). Bien sûr elle continue à ne pas épargner son père, son frère ou sa belle-mère, mais on la sent moins vindicative.
    De ses trois enfants, son fils semble être le plus équilibré : les actions menées contre les femmes le révoltent, au point qu’il va transgresser la loi pour aider un couple d’amoureux à se retrouver malgré l’opposition de la famille de la jeune femme.
    En ce qui concerne ses filles, c’est plus compliqué. Le bon côté des choses, c’est qu’elles ne vivent pas leur adolescence comme l’a vécu Sultana, puisque, contrairement à leur mère, elles ont l’amour de Karim, leur père.
    Mais malgré l’amour qu’il leur porte, la société est ainsi faite, qu’il est plus souvent en compagnie de son fils que de ses filles et que leur frère a nécessairement plus de liberté qu’elles.
    Leurs réactions va être diamétralement opposées : Maha, l’aînée, va traverser une crise où la haine de son frère va être aussi forte que son désir de s’émanciper de la pression des religieux ; tandis qu’Amani, la cadette, va plonger dans une ferveur religieuse qui va la conduire à l’extrémisme, au point d’inquiéter ses parents.
    Sultana va revenir sur la pratique de l’excision, à laquelle elle va être confrontée à travers une de ses domestiques égyptiennes. Son impuissance à intervenir va la plonger dans une profonde affliction et cette pratique va fortement impressionner son fils, qui n’arrive pas à croire que l’on puisse faire cela à des petites filles (toutes les réactions de celui-ci rendent Sultana très fière car il n’a pas cette mentalité qui pousse les hommes d’Arabie Saoudite à asservir les femmes).
    Nous allons également avoir des réponses à certains évènements cités dans le tome 1, comme le sort réservé à Sameera, l’amie d’une des sœurs de Sultana.
    Le livre se termine sur une note à la fois plus sombre, avec un drame qui arrive à l’une des sœurs de Sultana, et plus légère, avec des sœurs unies autour de leur sujet de moquerie préféré, leur frère.
    En anglais, le témoignage de Sultana est une trilogie. Le dernier tome (Princess Sultana's Circle) est centré sur des membres de la famille (une nièce, un cousin et des neveux). Il semblerait que l’éditeur français n’ait pas jugé utile de le publier.
    En 2014, la journaliste qui relate le témoignage de Sultana a publié un quatrième tome.
    La publication d’un tel nombre de tome fait s’interroger sur la véracité du récit. En effet, s’il est si difficile de parler à des journalistes étrangers, comment expliquer que Sultana ait pu le faire tant de fois, alors même que son premier témoignage avait été découvert ?
    Malgré ces interrogations, ces livres restent très intéressants à lire.

    Un extrait : Père n’est pas encore rentré, et apparemment nous sommes les derniers arrivés. Les onze autres enfants vivants de ma mère ont été convoqués, mais sans leurs conjoints. Je sais que trois de mes sœurs ont pris l’avion de Jeddah pour Ryyad, et deux autres sont venues de Taïf.
    D’un coup d’œil, je m’aperçois que Karim est le seul membre extérieur à la famille. Même la dernière épouse de mon père et ses enfants sont invisibles. Je devine qu’on les a confinés dans leurs appartements privés.
    L’urgence bizarre de cette réunion me ramène au livre et mon cœur se serre d’effroi. Ma sœur Sara et moi échangeons des regards angoissés. Elle est la seule de la famille à être au courant de cette publication, ses craintes sont les mêmes que les miennes.
    Tous ceux de mon sang me saluent, excepté mon unique frère, Ali. Et je surprends des coups d’œil sournois et furtifs de sa part dans ma direction.
    Quelques instants après notre arrivée, père pénètre dans la pièce. Ses dix filles se redressent en même temps, avec respect et, chacune à leur tour, rendent hommage à l’homme qui leur a donné la vie – sans le moindre amour.
    Je n’ai pas vu mon père depuis quelques mois ; il me semble las et prématurément vieilli. Au moment où je tente de l’embrasser sur la joue, il se détourne avec impatience, refusant délibérément mon élan. Mes peurs n’en deviennent que plus intenses. Je vois bien maintenant à quel point je me suis montrée naïve en croyant que les Al Sa’ud étaient trop préoccupés par une insatiable soif de richesses pour prêter attention aux libres.
    Je tremble de plus en plus.

     

  • [Livre] Confusion

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    Résumé : Grace, 17 ans, se réveille enfermée dans une mystérieuse pièce sans fenêtres, avec table, des stylos et des feuilles vierges. Pourquoi est-elle là ? Et quel est ce beau jeune homme qui la retient prisonnière ? Elle n'en a aucune idée. Mais à mesure qu'elle couche sur papier les méandres de sa vie, Grace est frappée de plein fouet par les vagues de souvenirs enfouies au plus profond d'elle-même. Il y a cet amour sans espoir qu'elle voue à Nat, et la lente dégradation de sa relation avec sa meilleure amie, Sal. Mais Grace le sent, quelque chose manque encore.

    Quelque chose qu'elle se cache.

     

    Auteur : Cat Clarke

     

    Edition : Robert Laffont

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 18 Octobre 2012

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Le sujet du livre était bien intrigant et je n’ai pas pu résister. Le récit est du point de vue de Grace, on ne sait donc que ce qu’elle sait, ce qui est parfois frustrant car, pendant tout le livre, Grace doit se remémorer les évènements qui ont précédés son kidnapping. Il y a aussi des évènements plus lointains qu’elle refoule en refusant de les regarder en face.
    Au niveau des personnages, j’ai eu du mal avec Grace. Elle a certes vécu quelque chose de grave et je comprends, même si je ne l’approuve pas, son besoin de s’étourdir dans les soirées, l’alcool et les garçons. En revanche, je n’apprécie guère son attitude envers son amie Sal, cette façon de vouloir la pousser, contre son gré, à se comporter de la même façon qu’elle vis-à-vis de l’alcool et des garçons. Elle impose sans arrêt ses souhaits : sorties, présence de garçons, alcool coulant à flot… sans aucune considération ni pour les souhaits de Sal, ni pour les réticences qu’elle peut avoir suite à un évènement qui lui est arrivé au début du livre.
    J’ai nettement préféré Sal, même si l’excuse qu’elle donne concernant cet évènement qui est le départ de toute l’histoire est un peu ridicule et puérile, et que, dans sa dispute avec Grace, elle lui dit des horreurs concernant les scarifications que s’infligent Grace quand elle perd pied.
    Même si on peut critiquer l’attitude de Sal, devant la personnalité de Grace, je me demande si elle aurait pu agir différemment.
    J’ai beaucoup aimé Devon aussi et j’ai regretté qu’il ne soit pas plus présent.
    Malgré le fait que les personnages ne sont pas toujours assez développés, ce n’est pas très dérangeant car on en sait quand même assez pour imaginer ce que l’on ignore. De plus, comme on n’est censé ne savoir que ce que sait Grace, il est assez normal qu’on ne puisse pas tout connaître des personnages, ou en tout cas par autant que dans le cadre d’un récit avec un narrateur omniscient.
    J’ai quand même regretté de ne pas avoir d’explications claires quant à Ethan. Même si j’ai une bonne idée de ce qu’il en est, j’aurais apprécié voir mes doutes être confirmés.
    Enfin, j’ai découvert assez vite la fin du livre (vers la moitié du récit, environ), mais ça ne m’a pas gênée parce qu’il y a quand même un cheminement vers la conclusion qui reste très intéressant à lire.
    Si le livre comporte des défauts, il reste très bien écrit et j’ai passé un excellent moment en sa compagnie.

    Un extrait : J’ai eu besoin d’un petit (bon d’accord, d’un gros) remontant pour m’aider à m’y mettre. J’ai une bouteille de vodka planquée sous mon lit. Ensuite, j’ai choisi mes vêtements en prenant tout mon temps ; ce n’est pas parce qu’on va mourir qu’il faut se laisser aller. J’ai mis mon nouveau jean, celui qui me fait de longues jambes super fines. J’ai essayé à peu près tous mes hauts avant de me décider pour mon vieux T-shirt vert (mon T-shirt vert porte-bonheur – ha ! ha ! ha !). Le choix des chaussures m’a posé plus de problèmes, mais j’ai finalement opté pour le confort – des bonnes vieilles Adidas. On ne peut pas dire qu’elles soient super glamour, mais elles apportaient un côté chic old school vraiment parfait. Je me suis maquillée – trop, vu les circonstances –, en pensant : Plus jamais d’eye-liner pour toi, ma grande, dernière fois que tu mets du gloss et que tu te regardes dans la glace en sachant que ça ne te rendra jamais jolie, et d’autres trucs dans le genre.

    Après ça, je n’ai plus eu qu’à glisser un couteau dans mon sac, et j’étais prête à partir.

    J’ai descendu les escaliers comme si de rien n’était. Crié : « Je sors, j’ai rendez-vous avec Sal. Ne m’attends pas ! » à ma mère, qui matait la télé dans le salon. Au lieu de claquer la porte d’entrée, j’aurais pu passer une tête au moment où elle a dit : « Grace, attends une sec… » Mais je ne l’ai pas fait. Je n’aurais pas supporté de rester une minute de plus avec elle.

    Je ne lui ai donc pas dit au revoir, et je n’ai pas laissé de mot. Quel intérêt ? Les lettres de suicide sont toujours mauvaises, de toute façon. Et si j’avais laissé un mot, tout le monde me croirait morte. Ce que je ne suis pas (pour le moment).

    Je suis montée dans le bus. Me suis assise tout au fond – ce que je ne fais jamais. Mon dernier trajet en bus. Voilà ce que j’ai pensé, sur le moment. C’était sans doute le cas, d’ailleurs, maintenant que j’y réfléchis. Tout s’est déroulé normalement. Pour un trajet en bus, je veux dire. À part la femme qui se trouvait juste devant moi et qui avait de très longs cheveux gris. Tellement longs que ses pointes fourchues balayaient mon jean. Carrément répugnant. Passé un certain âge, on ne devrait plus avoir le droit de porter les cheveux longs. Mais heureusement, la Femme Aux Cheveux Poisseux est descendue du bus avant que je vomisse.

    Je me suis sentie beaucoup mieux après son départ. J’ai fermé les yeux et j’ai respiré un bon coup. Je vais le faire – je suis vraiment partie pour le faire. Sûr de sûr. Voilà ce que je me suis dit. Et : Oh, ils seront tous tellement tristes… J’ai même souri en entendant cette voix chanter dans ma tête.

    Je ne sais trop quoi penser de ce oui-tu-étais-vraiment-sur-le-point-de-te-foutre-en-l’air. Mais je ne me sens pas prête à me pencher sur mes sentiments. Pas encore. C’est comme si on m’avait enveloppée dans un bandage, qu’on m’avait dit plus ou moins pourquoi, et que je deviendrais folle si jamais on le défaisait et que je découvrais une plaie suppurante en dessous.

    Je suis descendue du bus, puis j’ai repéré une épicerie. Une fois à l’intérieur, j’ai mis du temps à me décider, mais j’ai finalement pris une bouteille de gin, ce qui m’étonne parce que je déteste ça. Ça me rappelle papa. Ensuite, j’ai foncé tête baissée vers le type à la caisse qui avait la pire acné de la terre (bon, à part celle de Scott Ames en troisième, mais il a fini par s’en débarrasser et il est plutôt pas mal, aujourd’hui). Et là, il s’est passé un truc totalement ridicule : on m’a demandé ma carte d’identité ! Il faut que vous compreniez : ça ne m’arrive jamais. J’ai commencé à acheter de l’alcool à l’âge de quatorze ans, putain. J’ai même cru qu’il s’agissait d’une espèce de signe divin, du genre : « Grace, tu peux te suicider si c’est vraiment ce que tu veux, mais sache que je ne vais pas te faciliter les choses. » J’ai lancé mon regard le plus tu-plaisantes-j’espère à Acné Boy, et je lui ai dit : « Tu te fous de moi ? J’ai vingt et un ans ! Est-ce que j’ai l’air d’une gamine ? » Mais il s’est contenté de pointer du doigt une affichette : « Si vous avez moins de dix-huit ans, bla, bla, bla, bla, bla. » J’ai perdu au moins deux minutes à lui expliquer que j’avais laissé mes papiers dans ma veste, et ma veste à la maison étant donné qu’il faisait super chaud pour la saison. Mais ça n’a pas pris. Franchement énervant, le gars. Bon, j’imagine qu’il faut bien se défouler de temps en temps, quand on a un visage aussi répugnant et couvert de pus que le sien, et aucun, mais alors aucun espoir d’avoir des relations sexuelles un jour. Je suis sortie du magasin avec un air indigné, puis je me suis engouffrée dans la boutique d’à côté où j’ai acheté exactement la même bouteille, mais moins cher. Je crois que Dieu ne m’avait pas envoyé de signe, au final.

     

  • [Livre] Tropique de la violence

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    Résumé : «Ne t’endors pas, ne te repose pas, ne ferme pas les yeux, ce n’est pas terminé. Ils te cherchent. Tu entends ce bruit, on dirait le roulement des barriques vides, on dirait le tonnerre en janvier mais tu te trompes si tu crois que c’est ça. Écoute mon pays qui gronde, écoute la colère qui rampe et qui rappe jusqu’à nous. Tu entends cette musique, tu sens la braise contre ton visage balafré? Ils viennent pour toi.»

    Tropique de la violence est une plongée dans l’enfer d’une jeunesse livrée à elle-même sur l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien.

     

    Auteur : Nathacha Appanah

     

    Edition : Gallimard

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 25 août 2016

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Que dire sur ce livre ? Le texte en lui-même est bien écrit même si j’ai été gênée par les énumérations sans virgules. Je suppose que c’est pour donner un sentiment d’urgence dans ces énumérations mais je n’ai pas réussi à dépasser le fait que quand on énonce ainsi plusieurs choses, on doit les séparer par une virgule. Sans, le texte m’a parut incorrect.
    Le fait que le texte se raconte à 5 ou 6 voix m’a empêchée de ressentir de l’empathie pour les personnages. Marie est l’origine de l’histoire, si l’on peut dire, mais sans plus. Olivier et Stéphane n’ont pas de réelle utilité.

    Reste Moïse et Bruce.
    Bruce n’a aucune excuse. Il a beau nous raconter son enfance pour expliquer son présent, ça n’explique rien en fait. Il a eu une enfance normale, des parents qui voulaient l’envoyer à l’école, qui était prêts à lui faire intégrer une école spécialisé quand il a été clair qu’il n’était pas capable de suivre une scolarité normale. Ce qu’il est devenu ne relève que de ses choix. Mais la racaille se cherche toujours des excuses pour ne pas être responsables de leurs actes.
    La seule chose que je ne comprends pas, c’est qu’il n’ait pas été mis hors d’état de nuire plus tôt.
    Il est impossible de ressentir la moindre empathie pour lui quand on voit son attitude, son arrogance, la violence dont il fait preuve malgré son âge, sa cruauté… tout en lui rebute et donne envie de le voir disparaître.

    Moïse est le personnage principal. Il a été plus marqué par le destin que Bruce, d’abord abandonné par sa mère à cause de ses yeux vairons, suivi de ce qu’il peut ressentir comme un abandon de la part de Marie.
    Mais personne ne l’a jeté dehors, personne ne l’a poussé à aller rejoindre les clandestins, et toute la racaille de Mayotte.
    Je comprends qu’il ait été en pleine crise d’identité et qu’il ait rejeté sa mère. Cela arrive à beaucoup d’enfants adoptés et le cas de Moïse est particulier. Mais le choix qu’il fait est impardonnable en plus d’être incompréhensible.
    Au final, malgré une écriture plaisante, j’ai trouvé le roman brouillon dans son déroulé, je me suis ennuyée et je n’ai pas réussi à m’intéresser aux personnages qui semblent n’avoir aucun bon côté.
    J’ai juste à une ou deux reprises ressentie une grande colère contre l’administration et la police qui laissent un quartier comme « Gaza » se développer.
    Un livre dont je me demande encore qu’elle était la finalité.

     

    Un extrait : J’ai bientôt trente-trois ans et ce soir-là, le 3 mai, je travaille. Il pleut à verse depuis plusieurs jours, il n’y a pas grand monde et je suis dans la salle des infirmières, seule, à lire. Je n’ai plus d’amis, je ne vois plus ceux qui me connaissaient quand j’étais avec Cham. De toute façon, je n’ai plus envie de ces choses-là, les soirées au clair de lune, les bavardages sur le pays, sur la misère, sur la décrépitude. Il n’y a que Patrick, l’aide-soignant, qui m’adresse encore la parole. Parfois quand je le vois avec sa chemise à fleurs, son ventre en goutte d’huile, quand je surprends son regard de chasseur sur les jeunes femmes noires, j’essaie d’imaginer le Patrick qui est arrivé à Mayotte il y a quinze ans avec femme et enfants. Avait-il cette odeur de cigarette, de sueur et d’eau de Cologne sur lui, avait-il déjà fermé son cœur et sa tête, imaginait-il passer ses vendredis soir à la discothèque Ninga, assis comme un nabab, entouré de jeunes Comoriennes et Malgaches qui se parfument le sexe au déodorant ?
    Avait-il au moins essayé de résister ou avait-il tout envoyé balader quand il avait compris le pouvoir qu’a un homme blanc ici ? Mais je ne le juge pas, ce pays nous broie, ce pays fait de nous des êtres malfaisants, ce pays nous enferme entre ses tenailles et nous ne pouvons plus partir.


     

  • [Livre] Emancipés

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    Résumé : Ils sont six. Jeunes. Libres. Emancipés. Pas d’adultes, pas de limites.

    Ils ne se sont jamais rencontrés. Le hasard les réunit en coloc dans une somptueuse villa de Venice Beach. On pourrait croire à une vie de rêve…

    Mais chacun a ses ambitions.

    Chacun a ses secrets.

    Chacun cache quelque chose aux autres.

    Sans compter ce qu’ils ignorent : à leur insu, quelqu’un les espionne à distance. Mais qui, et dans quel but ?

     

    Auteur : M.G. Reyes

     

    Edition : Mosaïc

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 6 juillet 2016

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce premier tome, que j’ai lu en ebook en 6 épisodes (et qui a ensuite été édité en papier en un seul livre) mais il y a un élément en particulier qui m’a rendu dingue.
    Est-ce que l’auteur sait ce qu’est exactement l’émancipation ? Non parce que dans cette histoire, ils sont émancipés, mais doivent rendre des comptes à leurs parents. Une vraie émancipation à la carte : si tu as des ennuis tu es seul responsable de tes actes, mais pour le reste tu obéis.
    Entre la mère de Candace, propriétaire de la maison, qui passe à l’improviste pour des inspections (quel proprio peut passer comme ça chez ses locataires, parce que oui, c’est pas gratuit, ils payent un loyer), les parents de Grace qui lui imposent de vivre dans la plus petite chambre, ceux de Charlie (dont on ne sait pas la vraie identité avant la moitié du livre) qui l’obligent à entrer dans le lycée de leur choix et la menacent de l’envoyer en pension… On est loin des règles de l’émancipation. Dans la mesure où ils ont tous fait émanciper leurs enfants pour ne plus avoir à en être responsables et qu’ils se sont engagés devant la justice à leur verser une certaine somme comme pension, ils n’ont pas le choix, ils ne peuvent en aucun cas revenir sur le montant de la pension comme ils l’entendent : c’est une décision de justice !
    Au début du livre, il semble que seuls John-Michael et Charlie (bien qu’on ne sache pas quelle fille est Charlie) cachent un secret. Mais au fil des pages, on se rend compte que chacun d’eux en cache un. Et pour certains leurs secrets ne sont pas indépendants les uns des autres.
    Bien qu’on suive surtout les 6 colocataires, il y a deux personnages qui intriguent beaucoup : Ariana, qui semble être un contact de Charlie et prétend être son amie, et une femme, dont on ne sait pas l’identité, qui organise de toute évidence la surveillance de la jeune fille. Mais tout cela va bien au-delà de Charlie et va toucher de plus ou moins près chacun des membres de la maison.

    Au niveau des personnages, j’ai un faible pour John-Michael et Maya. Ils ne sont pas parfaits et chacun d’eux cache un lourd secret, mais ils restent quand même les plus sympathiques.
    Grace est un peu trop donneuse de leçon (bien qu’elle soit loin d’être parfaite elle aussi), Candace est arrogante, Lucy est en rébellion constante et semble oublier que ses colocataires ne sont pas ses parents et qu’elle ferait bien de s’en prendre aux bonnes personnes et Paolo, je n’accroche pas vraiment.

    Au niveau de la narration, on suit alternativement chacun des colocataires + Ariana, mais comme le récit reste à la troisième personne du singulier, je n’ai pas trouvé ça perturbant. Cela permet juste de préciser sur quelle vie et quel secret on va se pencher un peu plus.
    Le rythme n’est pas haletant, on sent bien que l’auteur souhaite construire des bases solides pour son histoire et non pas prendre des raccourcis ou ajouter des scènes chocs juste pour faire monter artificiellement la tension. C’est un tome d’introduction et vu les dernières pages, quand va arriver le tome 2, on sera bien content d’avoir eu le temps de bien connaitre le passé et les caractères de chacun parce que tout risque de s’accélérer.
    Ce second tome, intitulé « incriminated » est sorti en mai en anglais (Emancipated était sorti en mai 2015 en anglais et en juillet 2016 en français…).

     

    Un extrait : Voici comment ça s’était passé : il fallait que Candace quitte la maison, et Grace avait trouvé la solution.

    Ni l’une ni l’autre n’arrivait plus à supporter le comportement de la mère de Grace — les disputes, les hurlements et les menaces de divorce. Depuis son dix-septième anniversaire, Candace avait souvent confié à Grace qu’elle craignait bien d’être à l’origine de la mauvaise entente entre leurs deux parents.

    Elles étaient étendues sur la pelouse, leurs longs cheveux blonds étalés dans l’herbe. Grace observait sa demi-sœur entre ses doigts à la dérobée. Agée de seulement seize ans, elle était la plus jeune des deux mais elle avait souvent l’impression d’être l’aînée. Candace passait tellement de temps à suivre des cours en tout genre — de chant, de théâtre, de danse, d’équitation ou d’escrime — qu’il lui en restait bien moins pour lire, penser, écouter et réfléchir.

    Plus simplement, si Grace était plus mûre, peut-être cela venait-il de ce qui lui était arrivé il y a très longtemps.

    — C’est pas ta faute s’ils se disputent. N’importe quel psy te dirait comme moi. Ton cas est totalement banal.

    — Ah, d’accord, maugréa Candace. Pendant que tu y es, tu n’as qu’à me dire que je suis un cliché.

    — Hé oui. Mais on n’est pas plus avancées pour autant.

    Candace lui flanqua un coup de pied dans le tibia et Grace répondit par un grand sourire.

    Le problème, au fond, c’est qu’il se pouvait très bien que les craintes de Candace soient justifiées : elle était peut-être effectivement en cause à cent pour cent. Sans avoir jamais quitté le droit chemin une seule fois, elle avait réussi à mettre en danger le mariage de leurs parents.

    Les deux filles entendaient les éclats de la dispute à l’intérieur de la maison.

    La mère de Grace était en train de crier :

    — Je ne resterai pas ici sans réagir pendant que notre fille fiche sa carrière en l’air, simplement parce que monsieur ne veut pas déménager !

    Et le père de Candace demandait :

    — Tina, ma chérie, qu’est-ce que tu veux que j’aille faire à Los Angeles ?

    — Très bien. Tu n’as qu’à rester ici, alors. Mais laisse-moi juste emmener Candy à Hollywood.

    Grace entendit le père de Candace marquer une pause et s’efforcer cette fois encore — mais sans y parvenir — de ne pas remarquer que sa femme utilisait ce surnom qu’il détestait.

    — Ne l’appelle pas comme ça.

    — D’accord, Candace, reprit la mère de Grace, prenant sur elle de toute évidence pour contrôler le ton de sa voix. Je l’ai déjà inscrite à son premier casting pour la télévision. C’est dans un mois. Il faut qu’elle habite là-bas, nom de nom ! C’est ce que disent tous ceux qui s’y connaissent. « Partez vivre à L.A. ! »

    — Ecoute, Tina, tu as — enfin, nous avons — quatre autres enfants à charge.

    Grace savait que ce « nous » n’en était pas un. Du point de vue biologique, les quatre enfants n’étaient pas les siens mais ceux de sa femme. Pourquoi sa mère prenait-elle tellement à cœur l’avenir de la seule pièce rapportée par son mari à cette famille recomposée ? Personne n’avait jamais osé aborder la question. Mais aujourd’hui, la mère de Grace était prête à planter là, à San Antonio, son mari, sa propre fille et ses trois jeunes frères pour aller assouvir ses rêves hollywoodiens.

    Grace vit l’exaspération se peindre sur le visage de Candace. Ses yeux se posèrent sur les longues jambes de sa demi-sœur, qui portait un short en jean. Celle-ci tourna légèrement la tête et jeta un coup d’œil vers l’intérieur de la maison. Leurs parents avaient quitté le salon aux grandes portes-fenêtres pour passer dans la cuisine. Impossible désormais de les entendre clairement.

    Grace se concentra sur les millions de picotements que provoquaient sous ses cuisses les brins hérissés de la pelouse, fraîchement tondue de l’après-midi même. Lorsque Candace finit par la regarder de nouveau, elle lui sourit d’un air triste. Grace lui rendit son sourire. Ces disputes se répétaient si souvent et elles étaient tellement prévisibles ! Elles commençaient à mettre toute la famille à cran.

    Candace marmonna d’un air renfrogné :

    — C’est fou, on dirait que Tina est convaincue que si elle continue à pleurnicher, mon père va finir par céder.

    — C’est pour ton bien qu’elle fait ça, lui suggéra prudemment sa demi-sœur.

    — Grace, tu sais que j’aime beaucoup ta mère. Mais tu sais aussi que ce n’est pas « pour mon bien » qu’elle fait tout ça. Tu as bien vu comment elle était, la dernière fois, avec la pub pour les jeans. Tina se sert de moi pour vivre ses fantasmes hollywoodiens.

    Grace acquiesça.

    — Oui, j’ai remarqué.

    Voilà le plus étrange, avec ces mères obsédées par l’idée de faire monter leur progéniture sur les planches. Leurs intentions sont loin d’être aussi généreuses qu’il y paraît au premier abord.

    Après un temps d’hésitation, Grace suggéra :

    — Il y a bien une solution…