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Livres - Page 64

  • [Livre] Le président

     

    Je remercie l'auteur et le site Librinova pour cette lecture

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    Résumé : L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, la décision du Royaume-Uni de sortir de l’Union Européenne, la victoire de François Fillon à la Primaire de la Droite et du Centre, puis le "Pénélope Gate", la montée d’Emmanuel Macron dans la course à l’Elysée ou le renoncement de François Hollande sont autant d’exemples récents qui semblent donner raison à cet adage. Dans ce contexte mouvant, ne peut-on pas imaginer un retour de Nicolas Sarkozy dans la course à l'élection Présidentielle de 2017, à l'aune d'événements peut-être pas si improbables que ça...

     

    Auteur : David Guinard

     

    Edition : Librinova

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 14 février 2017

     

    Prix moyen : 14,90€

     

    Mon avis : J’ai classé ce livre en roman contemporain parce que je ne savais pas trop où le classer. On a un peu de doc fiction, un peu de thriller psychologique… difficile de ne le ranger que dans un seul genre.
    J’espère que l’auteur s’est renseigné sur la légalité de son livre : utiliser des personnes existantes dans un récit de fiction se basant sur des faits réels ne peut-il pas lui attirer des ennuis ? J’espère que non, ce serait dommage.
    Ce livre se lit vite et facilement tout en étant très pointu sur les notions de droit constitutionnel et de fonctionnement des institutions.
    J’ai trouvé très peu de coquilles, et on voit bien qu’il s’agit de coquilles, de fautes de frappes et pas de méconnaissance de la langue. Bien au contraire, d’ailleurs, car parfois l’auteur utilise des termes littéraires tels que mésaises ou commensaux. J’ai trouvé que ce changement de registre était dommage car cela cassait le rythme du récit.
    J’ai aussi regretté la vulgarité des personnages principaux. Il y a eu des moments ou je me suis demandé si leur vocabulaire ne se limitait pas à « niquer ».
    J’ai détesté le personnage principal, Sébastien. Tellement, qu’en comparaison Sarkozy m’a presque paru sympathique (j’ai dis presque). Tout m’a rebuté chez lui, de son tempérament à ses convictions politiques, mais le pire était certainement son arrogance. Tout le livre, j’ai espéré le voir se fracasser au sol, mais sur ce plan là, je suis restée sur ma faim. Rien d’étonnant, me direz vous, les politiques s’en sortent toujours…
    Les
    conspirationnistes diront que les faits relatés dans ce livre sont tout à fait plausibles, je préfère croire que les politiques ne sont pas pourris à ce point. Restons positif !
    Moi que la politique gonfle profondément, je ne me suis pas ennuyée une seconde avec cette lecture.
    La fin m’a d’abord frustrée (c’est le syndrome du lecteur qui veut des fins tranchées), mais avec le recul, je la trouve parfaite. Il n’y avait aucune autre fin possible !


    Un extrait : Les résultats sont tombés depuis plus de trois heures déjà, et pourtant Sébastien ne parvient pas à détacher son regard du bandeau qui trône en pied d’écran sur les quatre télévisions qui encadrent le salon. Non pas qu’il n’avait pas anticipé la défaite de Nicolas Sarkozy, les sondages la clamaient haut et fort depuis plus d’un an à mesure que Juppé s’imposait comme l’ultime recours, presque trans-partisan, à une France exsangue, mais pas ce soir, pas à l’issue d’un premier tour plaçant le collaborateur Fillon à plus de 40% des suffrages et dépossédant ainsi son candidat de son ultime baroud d’honneur.

    Intimement, il se rend compte, en dépit de ses dénégations prudentes de ces derniers jours, qu’il avait conservé au fond de lui-même un espoir en un renversement des tendances, en un nouveau coup de massue sur la tête des sondeurs, en un violent sursaut du peuple. L’élection de Trump quelques semaines auparavant flottait nécessairement en filigrane dans son inconscient, et même la remontée récente du croque-mort de la Sarthe dans les intentions de votes lui avait soufflé des calculs de report de voix ultra-cathos au second tour éventuellement propices à une victoire sur le fil.

    Fol espoir que le présentateur de BFM TV a douché ce soir avec une désinvolture qui fait insulte à leur engagement à tous. Sébastien ne parvient toujours pas à réaliser que Fillon a réuni deux fois plus de votants que l’ancien Président et s’ouvre ainsi, presque sans suspens, les portes de l’Elysée avec un programme à faire gerber tout individu doué de la raison la plus élémentaire. Que tout s’achève ainsi, ici, dans les coulisses d’une salle de conférence sans doute désormais désertée par les journalistes, lui semble si incongru, presque intolérable.

    Sébastien sirote distraitement son verre de cognac que Christophe, son acolyte de toujours, avait glissé dans son sac en quittant l’appartement qu’ils partagent rue de Tocqueville dans le XVIIème ce matin, afin de célébrer dignement – un Borderies XO de chez Camus, son préféré – la qualification de Nicolas Sarkozy au second tour des primaires de la droite et du centre, et qui achève, à cet instant, de noyer leur désarroi commun. Au moins l’amertume glisse-t-elle avec chaleur jusqu’au creux de sa gorge.

    — C’est fini, souffle la voix délicieusement éraillée de Nadia, derrière lui.

    Ça doit bien faire huit fois qu’elle répète ces trois mots, comme une punchline destinée à briser le sort, comme un appel au secours, comme un cri. Sébastien a envie de se retourner et de lui foutre deux baffes afin qu’elle se ressaisisse, un peu comme lorsqu’au moment de jouir, elle cherche à reprendre le contrôle de leurs mouvements corps contre corps, et qu’il lui inflige une dernière salve de ses reins afin de l’achever sans considération.

    Sébastien aime bien niquer avec elle, même s’il sait que depuis quelques semaines elle voyait aussi un mec du staff de Lemaire, on ne sait jamais, elle a raison de ménager ses arrières, surtout un soir comme celui-ci, mais Sébastien se dit que si l’alcool n’avait pas commencé à attaquer ses terminaisons nerveuses, il l’aurait bien attrapée par le bras et conduite jusque dans les chiottes du sous-sol afin de faire éclater sa frustration en son sein.

    — Peut-être pas.

     

  • [Livre] Nils & Zena #2 Le manoir

     

    Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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    Résumé : De leur cabane perchée, Zéna et Nils aperçoivent un incendie qui s'est déclaré dans le quartier. Guidés par Kraï, ils atteignent le départ du feu...

    Ils sont furieux de découvrir que Blaise, un SDF qu'ils connaissent bien, a été accusé sans preuve d'être l'incendiaire. Blaise est innocent, ils en sont certains. Il faut le dédouaner !

     

    Auteur : Sylvie Deshors

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 03 Mars 2017

     

    Prix moyen :

     

    Mon avis : On retrouve Nils, Zena et bien sûr Krai pour la suite de leurs aventures.
    Petit bémol, d’entrée, le quatrième de couverture est, à mon sens, trompeur.

    En effet, il nous promet une sorte de combat pour innocenter Blaise, le SDF du quartier, alors qu’il n’en est rien.
    Nils et Zena vont bien aider quelqu’un, mais il ne s’agit pas de Blaise.
    Cette fois, c’est Nils qui les lance dans l’aventure. Quand il voit qu’un feu s’est déclaré et qu’il vient du côté du collège, il veut s’assurer que sa précieuse salle informatique n’est pas en danger. Zena, certaine que le collège n’a rien, le suit quand même. C’est toujours mieux que de rester à traîner seule dans leur cabane.
    Kraï va encore accumuler les misères dans ce tome. J’ai trouvé Zena d’une hypocrisie sans nom. En effet, elle s’énerve contre une personne, l’accusant de ne pas prendre soin de son animal de compagnie, mais oublie que Kraï est sans arrêt blessé par sa faute.
    Dans ce tome, sans surprise, je l’ai trouvé énervante, oscillant sans arrêt entre arrogance et témérité. Je n’avais qu’une envie : lui coller une paire de baffe pour lui remettre le cerveau en place.
    Là, elle franchit un nouveau cap en se montrant très agressive, sans aucune raison, avec un personnage qu’elle juge interférer dans sa relation avec Nils.
    Un brin de jalousie peut se comprendre, mais là son attitude est vraiment pathétique. Je comprends pourquoi, à par Nils, personne n’a d’affinité avec elle, quand on voit comment elle parle aux gens qu’elle juge inférieurs à elle (soit quasiment tout le monde).
    Les ados vont se retrouver de nouveau nez à nez avec le commandeur qui trafique on ne sait quoi mais qui est de plus en plus louche et détestable. D’ailleurs j’attends avec impatience de le voir tomber (parce que c’est un roman jeunesse et que je refuse de seulement imaginer qu’il pourrait tirer son épingle du jeu).
    Je me demande qui est vraiment cet homme pour avoir un tel pouvoir et pour agir ainsi en toute impunité ou presque.
    Encore une aventure haletante qui laisse pas mal de questions en suspens. Vivement le tome 3 pour avoir le fin mot de l’histoire !

    Un extrait : Au milieu de l’impasse Beauséjour, le cerisier flamboie sur le ciel gris d’automne. Nils s’arrête, lève la tête pour mieux l’admirer. La belle cabane perchée, cachée au cœur du vieil arbre, est à peine visible. Ils l’ont construite avec Zena, et rien que d’y penser, son cœur bat plus vite. Là-haut, toutes les aventures sont possibles, toutes…
    Un sifflement éraillé coupe court à sa rêverie. C’est Zena qui appelle Kraï, son corbeau.
    D’un bref coup d’œil, Nils vérifie que personne ne le voit s’engager dans la haie qui clôture le jardin du pavillon de Zena – les lauriers, entre leurs feuilles épaisses et caduques, dissimulent toute l’année le passage secret qui mène à la cabane perchée.
    A la sortie, il tombe sur Kraï, qui agite ses ailes à deux centimètres de son nez. Apparemment, il dérange monsieur ! Ce n’est pas la première fois que Nils rêve d’un matin sans corbeau… En courant vers le cerisier, il appelle :
    - Zena, tu es là ?
    Sans attendre la réponse, il saisit la corde, grimpe lestement sur la plate-forme. A peine y a-t-il posé le pied que Zena, surexcitée, le tire vers l’ouverture – celle qu’ils ont taillée dans les branches :

    - Regarde ça ! Là-bas !! C’est le collège qui brûle !
    - Sacré incendie… Tu es sûre que ça se passe au collège ?
    Son amie hausse les épaules avec mépris.

    - Evidemment.
    Elle se détourne. Ses tresses noires en pagaille la font ressembler à son corbeau, tout comme son pull en dentelle de laine noire, avec ses manches longues et évasées. Même ses collants rayés gris et noirs, qui sortent d’un pantalon de jogging bordeaux coupé aux genoux, rappellent les pattes de Kraï.
    - Ca te va bien, ce look, murmure Nils. Bien mieux que les Benzine…
    Soudain, il s’affole en observant la colonne de fumée qui s’élève à l’horizon :
    - La salle informatique !
    Zena le regarde paniquer et son rictus s’agrandit presque comme un sourire. Mais Nils ne le remarque même pas. Atterré, il se prend la tête dans les mains et gémit :
    - Oh non… Si les ordis du collège brûlent, je n’aurai plus que celui de ta sœur…
    A cet instant, son amie fait un grand bond en l’air et entame une « danse du scalp » autour de lui :
    - Ha ha ! Je t’ai eu, le geek ! Le collège est beaucoup plus à droite. Tu les retrouveras, tes beaux ordis !
    Nils, la main en visière, scrute l’horizon. Il préférerait être sûr – Zena a une super mémoire visuelle, d’accord, mais de là à situer avec exactitude le point de départ d’un incendie… Son amie a semé le doute dans son esprit.
    - On va vérifier sur place, d’accord ? dit-il

     

     

  • [Livre] Américaines

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    Résumé : 50 Wonder Women de l'Histoire des États-Unis est une version féminine, parfois féministe, de l'Histoire des États-Unis. Découvrez, à travers 50 portraits de personnages féminins célèbres ou inconnus (ou en tous cas pour les lecteurs français), l'Amérique sous une perspective nouvelle.
    En complément de ces 50 portraits, de courtes présentations de personnages icôniques, comme Calamity Jane, Betty Boop, Marilyn Monroe ou encore Katniss Everdeen (Hunger Games) présentent quelques-uns des personnages féminins fictifs, mythiques ou légendaires, ayant à leur manière marqué les esprits.
    Le texte, précis et abondamment documenté, est pointu tout en restant accessible à tous, et ne requiert pas forcément une connaissance préalable de l'Histoire américaine.

     

    Auteur : Patrick Sabatier

     

    Edition : Bibliomane

     

    Genre : Document

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : De Pocahontas (pas celle qui s’égosille sur l’âme des pierre et des arbres ou s’extasie sur les rivières, hein, la vraie) à Hillary Clinton, en passant par Helen Keller, Eleanor Roosevelt, Rosa Parks ou encore Angela Davis (oui j’avoue, je n’ai cité que celles que je connaissais au moins de nom avant de lire ce livre), on a ici des biographies assez brèves pour que ce soit facile à lire mais assez complète pour savoir l’essentiel de la vie de chacune des femmes présentées.
    C’est presque comme une encyclopédie qui nous décrirait la vie de ces femmes de manière à ce qu’on soit renseignés si ça ne nous intéresse pas plus que ça, et qui nous donne envie de trouver une biographie plus complète sur celles qui nous tapent dans l’œil.
    J’ai un peu regretté de ne pas voir dans ce livre des femmes comme Eliza Young qui a fait en sorte que la polygamie soit interdite, ou encore des femmes qui ont fait partie du Women Airforce Service Pilots (WASP), même si une aviatrice est quand même à l’honneur.

    C’est un livre qui ne se lit pas de A à Z d’une traite, mais dans lequel on peut piocher au hasard des portraits. Des encarts nous parlent aussi des héroïnes de fiction ce qui montre l’évolution des modèles féminins.
    Même si ce n’est pas un roman, c’est une belle initiative de la part de l’auteur et c’est un livre qu’il faut lire au moins une fois.

    Un extrait : « Wonder Woman for President ».
    Le slogan s’étale en lettres géantes sur la grande banderole tendue au-dessus de la tribune. La foule enthousiaste, essentiellement féminine, qui brandit bannières étoilées et posters frappés du même slogan acclame la candidate. Impossible de ne pas reconnaître son short ultra-moulant bleu constellé d’étoiles, son bustier rouge frappé de l’aigle américain, sa longue chevelure noire retenue par une tiare dorée, ses bottes rouges à talons hauts, ses bracelets de force et le lasso tressé d’or qui pend à sa large ceinture.
    Wonder Woman, la super-héroïne dont dix millions d’Américains et d’Américaines suivent les aventures va devenir, dans ce n°7 (Spécial Hiver) du magazine de bande dessinées qui porte son nom, la première femme à occuper la Maison Blanche.

     

  • [Livre] A voté

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    Résumé : En 2008, les États-Unis s’apprêtent à voter pour leur prochain président. Dans l’État de l’Indiana, dans le comté de Monroe, dans la petite ville de Bloomington, la rumeur enfle et semble se confirmer peu à peu... Et si c’était ici qu’allait se décider le résultat du scrutin ? Depuis que le pays s’est converti à la « démocratie électronique », le puissant ordinateur Multivac sélectionne LE citoyen qui décidera du nom du prochain leader du monde libre. L’omnisciente machine est en effet capable d’analyser ses réponses à un questionnaire qu’elle a elle-même savamment établi, les recoupant avec les tendances observées dans le reste de la société, pour déterminer le résultat de l’élection… qui, désormais, n’a plus de raison d’être.
    Chez les Muller de Bloomington, l’effervescence est à son comble. La petite Linda, dix ans, dont la conscience politique est maintenue en alerte par les précieux conseils de son grand-père en est persuadée, c’est papa qui sera L’électeur de l’année. Mais lorsque les agents du gouvernement envahissent la maison pour assurer le plus grand secret au déroulement du processus, Norman Muller se montre plus que récalcitrant…

     

    Auteur : Isaac Asimov

     

    Edition : Le passager clandestin

     

    Genre : Anticipation - SF

     

    Date de parution : 1955 (1ere édition) ; 08 octobre 2016 (éditions le passager clandestin)

     

    Prix moyen : 4€

     

    Mon avis : Asimov décrit dans sa nouvelle une démocratie poussée au maximum dans laquelle une machine surpuissante va déterminer le vote de l’ensemble des Etats-Unis selon les réponses d’un seul et unique électeur.
    Asimov nous décrit, au travers des explications du grand-père de la petite Linda, qui a lui connu le suffrage universel, comment le souci de libérer le contribuable des frais des élections, des mensonges et des campagnes électorales va conduire à finalement nier la démocratie. Car comment parler de démocratie quand un seul homme représente un pays et que lui-même n’a pas son mot à dire, ses pensées et actes étant analysés par une machine.
    La réduction de plus en plus nette des « échantillons représentatifs » revient à nier toute démocratie. C’est ce que font les sondages aujourd’hui : le panel interrogé étant de plus en plus réduit, mais les résultats réputés de plus en plus fiables.
    Asimov nous montre les dérives d’une société dans laquelle le plus récalcitrant fini par entrer, sans même s’en rendre compte, dans le moule. Ainsi, Norman, l’électeur de l’année, qui est plus que récalcitrant à participer à cette parodie de démocratie, va finir par ressentir la fierté du patriote qui a fait son devoir (peut être à force qu’on lui répète qu’il doit être fier).
    On est ici aux prises avec le mythe de la machine destinée à contrôler l’espèce humaine. Si ce n’est pas encore Skynet, on n’en est pas loin car ceux qui sont là pour gérer la machine obéissent aveuglément à ses indications. De là à ce que les machines ne contrôlent le moindre aspect de la vie, il n’y a qu’un pas.

    Un extrait : Linda, dix ans, était la seule personne de la famille qui semblât prendre plaisir à être réveillée. Norman Muller l’entendait, en ce moment, à travers la torpeur cotonneuse et malsaine dans laquelle il était plongé. Il avait enfin réussi à s’endormir une heure auparavant, mais c’était d’épuisement plus que de sommeil. Maintenant, la fillette était à son chevet et le secouait en criant :

    - Papa, papa, réveille-toi. Réveille-toi !

    - Ca va Linda, murmura-t-il en réprimant un grognement
    - Mais papa, il y a des policiers partout… plus que d’habitude. Des cars pleins d’agents et tout ça…
    Renonçant à dormir, Norman Muller se redressa sur les coudes en jetant autour de lui un regard trouble. Dehors, le jour commençait à naître – un jour aussi misérablement grisâtre que son humeur. Il entendait Sarah, sa femme, trainer les pieds en préparant le petit déjeuner, tandis que, dans la salle de bain, Matthew, son beau-père, graillonnait vigoureusement. Norman se dit que l’agent Handley devait être là, tout prêt, à l’attendre.
    C’était le jour J.
    Le jour des élections !

     

  • [Livre] Marquise

     

    Je remercie les éditions sarbacane pour cette lecture

     

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    Résumé : UN CASTING

    Une centaine de candidats, huit lauréats

    LEUR RÊVE ?

    Intégrer une société secrète dans un château en Écosse, où une poignée d'élus vivent comme à la cour du Roi Soleil chez le mystérieux "Marquis".

    AU PROGRAMME :

    Séduction, mensonges et manipulations...

    Si Charlotte avait su comment ça finirait... sûr qu'elle n'aurait pas suivi Billy dans cette galère !

     

    Auteur : Joanne Richoux

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 01 mars 2017

     

    Prix moyen : 15,50€

     

    Mon avis : Au début de ce livre, j’ai été comme Charlotte : dubitative. Puis, comme Charlotte, je me suis laissée prendre au jeu. La ressemblance avec Charlotte s’arrête là, car moi, je ne suis pas redescendue de mon nuage de toute ma lecture !
    D’emblée, la couverture attire l’œil (et pourtant je ne suis pas une folle des couvertures, je suis plus intéressée par le texte). Cette jeune femme, coiffée d’une perruque blanche de l’Ancien Régime, arborant un petit tatouage en fleur de lys, sur ce fond jaune éclatant… Cela donne tout de suite envie de découvrir l’histoire.
    Le style de l’auteur est agréable, j’ai immédiatement plongé dans l’histoire. Alors que souvent, au début d’un livre, j’aime bien, mais je ne suis pas dans une bulle, je suis attentive aux bruits, aux mouvements… Là rien du tout, il aurait pu y avoir une déclaration de guerre que j’en n’aurais rien su !

    J’ai beaucoup aimé le décalage du langage entre les personnages. D’un côté, on a ceux qui font partie des voluptueuses et qui ont un langage très codifié, censé reproduire celui de Versailles, mais qui en réalité sonne plus faux qu’autre chose, parce que, clairement, ils n’ont aucune connaissance historique, et le langage de Charlotte, qui est plus franc, voire parfois carrément argotique ou vulgaire (elle force un peu le trait sur la vulgarité, d’ailleurs, et on sent bien qu’elle veut énerver les personnes qui l’entourent). Le langage de Charlotte montre son refus de se plier aux règles, de rentrer dans le moule.
    Elle est très agacée par tout ce qui se passe au château. D’ailleurs, même si elle ne le relève pas, j’ai trouvé très hypocrite de vouloir reproduire la vie sous le règne de Louis XIV, en copiant certaines choses comme les coiffures extravagantes (d’ailleurs plus à la mode sous le règne de Louis XVI, mais bon) mais de faire porter aux femmes des robes moulantes, fendues, exotiques… au lieu des encombrantes crinolines et des corsets qui coupaient la respiration. On est un peu dans de la reconstitution à la carte !
    Du côté des personnages, il est difficile de se prononcer. Au début, Charlotte a des jugements à l’emporte-pièce : Gloria est une peste, pour rester polie, Giovanni une sorte Gaston de la Belle et la Bête de Disney. Le marquis, on le voit assez peu, mais il n’est guère sympathique. Joshua m’a énervée. Il se montre sympa avec Charlotte, mais il en fait trop. On sent le mec qui ne supporte pas qu’on lui dise non.
    Mais la difficulté pour décrire les personnages est qu’au fil de la lecture, les caractères sont changeants et leurs réactions pas toujours en accord avec ce qu’on aurait imaginé.
    J’ai beaucoup aimé Charlotte, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds mais qui n’est pas exempte de défauts (impatience, un peu trop directe sans penser au fait qu’elle risque de blesser quelqu’un par ses paroles…). Billy, j’ai eu envie de lui mettre des claques. On dirait un gamin capricieux : je veux entrer aux voluptueuses, alors on y va tous les deux ; je veux être en couple avec toi, donc toi aussi tu dois vouloir… c’est plus subtil, mais je le trouve très manipulateur, il joue beaucoup sur l’affectif, à la limite du chantage. Et Charlotte veut tellement qu’il soit bien, qu’elle lui passe un peu trop de choses.
    Au fil de ma lecture je me suis fait une idée de la suite des évènements et même de la fin qui semblait prévisible, mais je me suis faite avoir dans les grandes largeurs ! Je ne m’attendais pas du tout à ça, il a presque fallut que je relise la fin tant j’étais bluffée.
    Le seul (petit, tout petit) bémol que je pourrais avancer, est que la fin est un peu brutale. D’un côté, c’est agréable de s’imaginer ce qu’il peut se passer après la dernière ligne, de réfléchir aux conséquences qu’il pourrait y avoir, mais d’un autre, je me suis sentie un peu frustrée de ne pas avoir de fin tranchée.
    Je ne pense pas qu’il pourrait y avoir une suite, mais sait-on jamais !!!

    Un extrait : A chaque fois qu’il ouvrait la bouche, la blancheur criarde de ses dents irradiait son gigantesque mono-sourcil. Ce jeu de réverbération m’évitait de me focaliser sur la protubérance qui lui trônait au milieu de la face. Raide et longiligne, sa truffe semblait agitée de spasmes de plaisir quand elle reniflait mon trac. Et elle avait de quoi se régaler : mains moites, gorge sèche, pouls déchaîné…je n’étais plus qu’une liste de symptôme rougissants. Les deux femmes qui entouraient mon interlocuteur me faisaient moins d’effet. L’une était fascinée par son stylo, l’autre par sa manucure. Tant mieux.
    Comment je m’étais retrouvée là, au juste ?
    Les quinze jours précédents n’avaient été qu’une ronde d’alcool et de tourisme. On ne s’était rien refusé : la Tour Eiffel, le pont des Arts, le Louvre, Notre Dame, le Père Lachaise, Pigalle... A ce train là, nos économies auraient vite fait d’y passer. Billy semblait oublier qu’on était censés payer notre tribut à la réalité – cette pouffiasse. Il se voyait déjà mener la belle vie dans un château. Moi, je me souvenais qu’on avait surtout intérêt à trouver du boulot. N’importe quoi. Pour après.
    En attendant de pouvoir reprendre mes distributions de CV, j’étais donc là, plantée devant trois magistrats de la valeur humaine, à tenter d’expliquer pourquoi moi – Charlotte-l’orpheline-au-grand-cœur – je méritais ma place dans la communauté des Voluptueuses. Putain de Billy ! Suite à l’envoi des dossiers de candidature, on avait reçu deux lettres – parfumées au jasmin – qui nous invitaient à nous présenter à une audition, le samedi suivant.
    A notre arrivée, une secrétaire nous avait donné une étiquette avec un numéro à scotcher sur notre poitrine. Puis on avait signé des contrats de confidentialité.

    « Je suis le numéro 3329G et je m’engage à ne pas divulguer ou communiquer à des tiers, par quelque moyen que ce soit, les informations qui me seront transmises par la Partie Emettrice. »

    Depuis, on poireautait.

     

  • [Livre] Nils & Zena #1 L'homme au cigare

     

    Je remercie les éditions sarbacane pour cette lecture

    Nils et Zéna, tome 1 L'homme au cigare.jpg

    Résumé : Après une journée à jouer aux cartes dans la cabane perchée qui domine leur cité, Nils et Zéna sans oublier Kraï partent en expédition dans un hangar à l'abandon, au fond de l'impasse.
    Ils découvrent, caché dans le sous-sol, un stock de vêtements Benzine, marque très prisée par les jeunes ; ça sent la contrebande...

     

    Auteur : Sylvie Deshors

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 01 mars 2017

     

    Prix moyen : 11€

     

    Mon avis : Avec ce roman, on découvre non seulement une nouvelle histoire mais aussi une nouvelle collection sarbacane avec Pepix noir, destinée aux 11 – 14 ans. Cette nouvelle collection me semble être tout à fait ce qu’il manquait pour cette tranche d’âge un peu entre deux eaux, où on devient trop grand pour les pepix mais où on manque encore peut être un peu de maturité pour s’attaquer à la collection Exprim’ (Et c’est ça qui génial avec les livres, c’est qu’ils attendent patiemment qu’on ait l’âge, la maturité ou parfois même seulement l’état d’esprit pour les lire).
    J’ai trouvé qu’on avait ici une écriture moins élaborée que dans les Exprim’, avec des phrases plus simples, mais qui aborde des sujets plus sérieux que les pepix.
    Ici, le sujet est celui de la contrebande, mais aussi des voyous de quartiers qui font la loi et semblent agir en toute impunité, se croyant tout puissant alors qu’ils ne sont que du menu fretin, manipulés par un réseau autrement plus important qu’eux.
    J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur qui va droit au but et qui n’alourdit pas le texte avec des descriptions qui n’en finissent pas. Ici, elles sont limitées au strict nécessaire pour planter le décor qui va appuyer l’histoire. A l’imagination des lecteurs d’ajouter les détails.
    Lorsque j’ai lu la description du livre, je craignais que les illustrations de style manga ne soient trop présentes, mais non, elles sont bien dosées, en plus d’être bien réalisées et éveille l’intérêt sans pour autant éclipser le texte.
    26BGMRNcb5ipUtdT2.gifDu coté des personnages, j’ai beaucoup aimé Nils. Il n’hésite pas une seconde à aider et à protéger Zena, même lorsqu’il la désapprouve. Il n’est pas téméraire de lui-même, il a l’air plutôt sérieux et responsable.

     

     

     

     

     

    J’ai aussi beaucoup aimé Kraï qui a un satané caractère et comprend bien plus de xTiN0AbvWJ7cJMw1xu.gifchose que ne le devrait un corbeau.

    J’ai eu plus de mal avec Zena que j’ai trouvée arrogante et inconsciente. Elle agit sur des coups de tête, sans réfléchir aux conséquences de ses actes et en entrainant Nils dans ses embrouilles, n’hésitant pas à le faire culpabiliser pour qu’il cède à ses caprices. Le pire est que quand les choses tournent vinaigre, elle n’est pas plus tôt sortie des ennuis qu’elle y replonge aussitôt…

    Quant à l’homme au cigare et au commandeur, on ne sait pas grand-chose d’eux à part que ce sont des malfrats et qu’ils sont détestables.

    La fin du livre clôt l’histoire principale du tome 1 tout en titillant la curiosité au sujet d’un personnage énigmatique : le commandeur.
    On ne peut qu’avoir envie de continuer la série pour en savoir plus sur lui et sur son mystérieux manoir !

    Un extrait : Le pavillon de Zena ne se distingue pas des autres alignés de chaque côté de l’impasse Beauséjour ; comme eux, il est décrépi et entouré d’un jardin. Ce soir, la grande barre d’immeuble qui le domine paraît encore plus grise et triste que d’habitude. Emportés par le vent, les stores frappent et claquent les façades.
    Nils jette un coup d’œil blasé sur la fenêtre de la chambre qu’il partage avec ses frères, au 13ème étage de la barre d’immeuble. Avant, songe-t-il, au lieu que les appartements soient empilés comme des cartons, on construisait des quartiers à plat en y plantant des arbres…

    Il suit Zena à l’intérieur du pavillon :

    - J’allume un feu ?

    - Plus de bois, répond Zena, laconique.

    Nils lorgne avec regret la cheminée éteinte. Dans le jardin, la tempête explose. Il insiste :

    - Et le tas derrière l’atelier de ton père ? Y en a plein !

    - Si tu y touches, tu finiras découpé à la scie électrique.

    - Je préférerais la tronçonneuse, c’est plus rapide !

    - Mon père ne te laissera pas le choix. Tu ne pourras plus mettre les pieds ici, plus question de piquer l’ordi de ma sœur et …

    - Stop ! Parle pas de malheur.
    Zena hausse les épaules :

    - Je sais où trouver des bûches.

    - Génial ! Où ?

    - Au fond de l’impasse, dans le sous-sol du vieil entrepôt.

    A l’entrée de l’impasse, un imposant Manoir tarabiscoté se dresse sur le boulevard – mais à l’autre bout, il n’y a rien qu’une vieille usine délabrée, et le terrain vague qui longe le canal.

    - L’entrepôt ? Il est fermé par une grosse chaîne.
    - Et un cadenas à chiffres, je sais. Je les ai vus.

    Zena plisse les yeux :

    - Je ne suis pas idiote. Mais c’est plein de bois sec, et on peut y accéder. Treize rangées de bûches débitées à la même longueur nous attendent sagement, bien visibles par le soupirail ouvert. Ma main à couper qu’il y en a autant d’empilés dans l’ombre.
    Nils sait qu’il peut se fier à l’exceptionnelle mémoire photographique de Zena. Ce qui réduit les risques.

    - D’accord, on y va. On prend la remorque ?

    - Tu veux les porter sur ton dos, peut-être ?

     

     

  • [Livre] Je sais pas

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    Résumé : C'est le grand jour de la sortie en forêt de l'école maternelle des Pinsons. La météo clémente et l'enthousiasme des éducateurs comme des enfants donnent à cette journée un avant-goût de vacances. Tout se déroule pour le mieux jusqu'au moment du retour, quand une enfant manque à l'appel. C'est Emma, cinq ans, une des élèves de la toute jeune institutrice Mylène Gilmont. C'est l'affolement général. Tandis que deux enseignantes ramènent le groupe d'enfants au car, les autres partent aussitôt à sa recherche. Mylène prend une direction différente, s'aventurant donc seule dans la forêt. Au bout d'une demi-heure, les forces de l'ordre sont alertées. Un impressionnant dispositif est mis en place et l'équipe du capitaine Dupuis se déploie dans la forêt avec une redoutable efficacité. Et puis Emma réapparaît. Le soulagement de ses parents arrivés sur place, Camille et Patrick, est à la hauteur de l'angoisse qu'ils ont éprouvée. Visiblement, il y a eu plus de peur que de mal pour la petite. Pourtant, la battue doit continuer avant la tombée de la nuit, car cette fois, c'est Mylène qui ne revient pas. Camille a retrouvé sa fille. En vérité, elle ne le sait pas encore, pour elle, le cauchemar ne fait que commencer.

     

    Auteur : Barbara Abel

     

    Edition : Belfond

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 06 octobre 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : J’ai lu ce livre dans le cadre d’une lecture commune avec les copinautes.
    L’histoire commence de manière assez calme : une mère qui semble s’ennuyer dans son mariage, une jeune institutrice en retard, une sortie scolaire en forêt.
    Mais très vite les choses dérapent. Au moment de rentrer à l’école, on constate la disparition de la petite Emma. Pendant que trois des accompagnateurs la cherchent, se séparant pour couvrir plus de terrain, une des deux accompagnatrices qui surveillent les enfants prévient la police.
    Quand Emma est retrouvée, le soulagement est de courte durée car on constate très vite l’absence de Mylène, une des institutrices qui était partie à sa recherche.
    Tout au long de ce livre la phrase « Je sais pas » résonne dans toutes les bouches comme un mantra qui fait monter l’angoisse.

    Chaque évènement est lié aux autres d’une manière ou d’une autre, parfois d’une manière que l’on n’aurait pas imaginée, et qui n’est pas forcément expliquée noir sur blanc dans le roman.
    Mais la première chose qui m’a frappée dans ce roman c’est que tous les personnages, absolument tous, sont antipathiques. Oui, oui, tous. Du policier chargé de l’affaire et qui semble plus à cheval sur son grade que sur la manière dont l’enquête est menée à la petite Emma de cinq ans, en passant par les parents de la gamine et Mylène, la disparue.
    Déjà, il y a la petite Emma, 5 ans. Malgré son visage d’ange, la gamine, dès les premières lignes se montre effrontée, tyrannique et très vite, on décèle une réelle malveillance chez cette gosse malgré son jeune âge.
    Ce qui n’a rien d’étonnant quand on voit son père : arrogant, doté d’un immense complexe de supériorité (ou sociopathe…ça se discute…). On se doute bien qu’une gamine de 5 ans ne devient pas ainsi sans une éducation défaillante et des exemples parentaux désastreux.
    J’ai eu moins de mal avec Camille, sa mère, elle a ses failles et est complètement inconsciente sur certains points, mais son attitude n’est pas volontairement destinée à nuire.
    Mylène, l’institutrice disparue m’a semblé n’avoir aucun sens des responsabilités. Dès les premières pages, on apprend qu’elle est diabétique, mais elle semble incapable de se prendre en charge : elle traite son diabète par-dessus la jambe, fais ses injections quand bon lui semble…et je trouve complètement irresponsable, quand on a la charge de jeunes enfants, de ne pas informer son employeur d’une maladie qui peut vous faire perdre connaissance en cas d’hypoglycémie.
    Devant ces personnages aussi antipathique les uns que les autres, on est débarrassé de toute empathie et on est plus concentré sur l’ambiance malsaine et oppressante qui fait la force du roman. 
    On reste en haleine jusqu’à la fin, les explications et rebondissement gardant tous nos sens en éveil jusqu’à la dernière ligne de l’épilogue.

    Un extrait : Dans la cour de l’école, l’agitation est à son comble. D’autant que, pour la première fois depuis deux semaines, la journée promet d’être belle, même les bulletins météo sont tombés d’accord sur ce coup-là. La menace de quelques orages d’été n’est prévue qu’en début de soirée. Dans l’excitation du départ, les enfants ne cessent de s’éparpiller alors qu’on leur demande de rester groupés, tandis que les parents campent par grappes à l’entrée de l’école alors qu’on souhaite qu’ils se dispersent.

    — Mireille ! Avez-vous vu le carton des brassards ? Il a mystérieusement disparu !

    À proximité des toilettes, Bruno Danzig, le prof de gymnastique, gesticule en direction d’une femme élégante, la quarantaine dynamique, qui vient de débouler dans la cour qu’elle traverse d’un pas militaire.

    — Dans le réfectoire ! lui répond-elle du tac au tac.

    Sans se départir de son sourire légendaire, Mireille Cerise, directrice de l’école maternelle des Pinsons, poursuit sa course sans ralentir. Le joyeux désordre qui règne dans le patio ne paraît pas l’affecter ; il semble que tout soit sous contrôle. Ce qui, en vérité, est loin d’être le cas.

    — Éliane ! clame-t-elle à l’adresse d’une institutrice qui tente tant bien que mal de faire régner l’ordre. Il est temps de faire votre rang, les enfants embarquent dans cinq minutes !

    Éliane acquiesce d’un signe de tête avant de hausser le ton pour exiger le calme. Mireille se dirige vers le préau, zigzague entre les enfants, attrape au vol un ballon qu’elle confisque dans la foulée, évite de justesse un petit garçon qui s’étale à ses pieds et qu’elle relève presque sans s’arrêter.

    — Mireille ! hurle le concierge depuis l’entrée de la cours. Le car bloque toute la rue ! Faut se magner, là !

    — On y va, on y va !

    Puis, avisant Bruno qui revient du réfectoire chargé d’une caisse :

    — Postez-vous au portail, monsieur Danzig, et distribuez un brassard à chaque enfant qui sort.

    — C’est ce que je m’apprête à faire !

    — Et virez-moi les parents, ça fait bouchon !

    Bruno Danzig s’éloigne en grommelant.

    — Virer les parents ! Elle en a de bonnes, elle !

    Mireille poursuit en direction de l’accueil. Juste avant d’atteindre la porte, elle avise trois enfants qui se battent comme des chiffonniers à quelques mètres d’elle.

    — Ho ! vocifère-t-elle aussitôt en rejoignant les marmots. C’est pas bientôt fini, non ? Mettez-vous tout de suite en rang ou je vous garde à l’école !

    Les gamins tentent de se justifier, peine perdue, Mireille les attrape par le bras et les entraîne vers Éliane.

    — Ils sont à vous, ces trois-là ?

    — Non, ce sont des élèves de Mylène, répond Éliane, doyenne des enseignantes de l’école.

    — Et elle est où, Mylène ? s’informe Mireille en balayant la cour des yeux.

    — Pas encore vue !

    — C’est une blague ?

    Pour le coup, le sourire de Mireille se fige. Elle consulte sa montre et laisse échapper un soupir contrarié. Les garçons en profitent pour lui fausser compagnie tandis qu’un peu plus loin, un rang approximatif se forme sous les injonctions d’Éliane. La directrice change aussitôt de cap et rejoint rapidement le concierge.

    — Tu as vu Mylène, ce matin ?

    — Non, répond-il, indifférent à l’agacement qui pointe dans sa voix. Bon, tu les embarques, les gosses ? On va encore avoir des remarques du conseil municipal !

    — J’attends Mylène, figure-toi !!!

    Tout en s’éloignant, Mireille sort son téléphone portable de sa poche, le consulte, constate l’absence de nouveau message. Elle ouvre ensuite son répertoire, sélectionne le numéro de Mylène Gilmont, s’apprête à établir la communication lorsque enfin elle aperçoit la jeune femme se hâter à sa rencontre.

    Mylène est la plus jeune institutrice de l’école maternelle des Pinsons. Sa lourde chevelure rousse et bouclée lui confère une allure d’adolescente que son visage constellé de taches de rousseur accentue encore. N’étaient ses tenues vestimentaires toujours irréprochables, elle paraîtrait avoir dix-sept ans, ce qui, dans son métier, n’est pas forcément un atout : perturbés par sa physionomie juvénile, beaucoup de parents éprouvent méfiance et appréhension quant à sa capacité d’encadrer une quinzaine d’enfants de grande section.

    La dictature de l’apparence.

     

  • [Livre] Wicked : La véritable histoire de la sorcière de l'Ouest

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    Résumé : Qui est vraiment cette mystérieuse sorcière? Est-elle donc si méchante? Comment a-t-elle hérité de cette terrible réputation? Et si c'était elle, la véritable héroïne du monde d'Oz? Ouvrez ce livre et vous découvrirez enfin la merveilleuse et terrible vérité. Quels que soient vos souvenirs de ce chef-d’œuvre qu'est Le Magicien d'Oz, vous serez passionné et touché par le destin incroyable de cette femme au courage exceptionnel. Entrez dans un monde fantastique si riche et si vivant que vous ne verrez plus jamais les contes de la même manière...

     

    Auteur : Gregory Maguire

     

    Edition : Bragelonne

     

    Genre : Fantasy

     

    Date de parution : 20 mai 2011

     

    Prix moyen : 25€

     

    Mon avis : Ce livre, j’en avais envie depuis que j’ai vu la booktubeuse Margaud Liseuse en parler sur sa chaîne. Une vraie obsession… et épuisé en France. Qu’à cela ne tienne, la Suisse c’est pas bien loin ! Et me voilà en possession de mon précieeuuuuux….
    Après je me connais, vu le mal que j’ai eu à l’avoir, il était parti pour attendre des mois avant que je me décide à le lire (Il était tellement bien, installé dans la bibliothèque). Sauf qu’une de mes copinautes de forum a senti la chose arriver et elle me l’a choisi pour la lecture de février/mars.
    Et elle a bien fait, parce que c’est un livre tout simplement génial !
    J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur, mais alors attention, faut pas avoir de gosses qui crient, de bonhomme qui ronfle ou de chat qui miaule, parce que c’est un brin complexe.
    Je n’ai pas lu le magicien d’Oz (j’ai juste vu le film) mais tous ceux qui l’ont lu m’ont affirmé que c’était une petite histoire assez simple, avec des personnages sans grande complexité, qui n’étaient pas vraiment approfondis : on ne sait rien de leur passé, de leurs aspirations sur le long terme… Mais avec Wicked, on est dans un autre registre.
    Déjà, d’après ce qu’on a pu me dire du roman de L. Frank Baum, Wicked est plus adulte et nettement plus sombre.
    On va ainsi suivre la méchante sorcière de l’ouest, prénommée Elphaba, fille d’un pasteur, depuis sa naissance dérangeante, avec sa peau étrangement verte, jusqu’à sa fin.
    L’histoire n’a pas vocation à réécrire l’histoire originelle, ni même à s’en écarter, mais à la considérer d’un œil neuf.
    Chaque personnage gravitant autour d’Elphaba va ainsi être approfondi, que ce soit Glinda, Nessarose (la méchante sorcière de l’Est) ou encore le magicien lui-même.
    Loin d’un conte pour enfant, on va trouver ici de la politique, des coups d’Etat, de la sécession, de l’extrémisme religieux, de la discrimination, de la violation de droits, de l’exploitation et de l’oppression des peuples mais aussi de la résistance à la dictature.
    Alors que dans le magicien d’Oz on nous présente Elphaba comme LA méchante sorcière, ici, on va connaître tous les évènements qui ont amené les gens à la considérer ainsi.
    Au fil des pages, on découvre une méchante sorcière pas si méchante que ça, mais humaniste, engagée dans la lutte pour la liberté. On la découvre au cours de ses études pendant lesquelles elle côtoie une certaine Glinda, une jeune aristocrate hautaine et superficielle, pas vraiment une sainte, mais pas non plus fondamentalement méchante.
    Et surtout, on va comprendre pourquoi elle en veut autant au Magicien et pourquoi elle est aussi obsédée par les souliers que récupère Dorothy.
    L’auteur a utilisé des ellipses temporelles pour avancer dans l’histoire. A la fin de chaque « période » on reste avec de nombreuses questions qui seront résolues pour la plupart dans la « période » suivante qui a souvent lieu plusieurs années plus tard. Cette méthode de narration permet d’avancer plus vite, mais aussi d’avoir des réponses aux questions qui sont posées avec le recul que les personnages ont acquis avec les années écoulées.
    J’ai vraiment beaucoup aimé Elphaba, d’autant plus que les personnages qui l’entourent ne provoquent guère de sentiments positifs. Dans le meilleur des cas, ils sont faibles et incapables de comprendre les enjeux de ce qui se passe autour d’eux. Pour d’autres, comme Nessarose, ils sont tout simplement imbuvables.
    J’ai vraiment passé un excellent moment de lecture, mais je n’ai pas lu très vite car la richesse du monde que nous présente Gregory Maguire est telle qu’on a l’impression de lire plus de pages qu’il n’y en a, tant il y a d’informations à assimiler.

    Un extrait : Pendant des jours, Melena ne put supporter de regarder la créature. Elle la tenait, comme le doit une mère. Elle attendait que la lame de fond de l’amour maternel se lève et l’emporte. Elle ne pleurait pas. Elle mâchait des feuilles de pinlobe, dérivant loin du désastre.
    C’était elle. Une elle. Melena s’entrainait mentalement quand elle était seule. Le paquet agité et mécontent n’était pas mâle ; ce n’était pas neutre ; c’était féminin. Ca dormait, comme un tas de feuilles de chou lavées et mises à sécher sur la table.
    Dans une crise de panique, Melena écrivit à Colwen pour extirper la gouvernante de sa retraite. Frex partit dans une carriole pour aller chercher Nounou à l’arrêt de Roquebarre. En chemin, Nounou demanda à Frex ce qui n’allait pas.
    - Qu’est ce qui ne va pas ? soupira-t-il, et il se perdit dans ses pensées.
    La vieille comprit qu’elle avait mal choisi ses mots ; voilà que Frex pensait à autre chose. Il se mit à débiter en marmonnant des considérations générales sur la nature du mal. Un vide créé par l’absence inexplicable du Dieu Innommé, et dans lequel le poison spirituel se précipite. Un vortex.
    - Je veux dire : quel est l’état de l’enfant ! répliqua Nounou, au bord de l’explosion. Ce n’est pas de l’univers qu’il faut me parler, mais d’un enfant, si je dois vous aider ! Pourquoi Melena fait-elle appel à moi, au lieu de sa mère ? Pourquoi n’a-t-elle pas écrit à son grand-père ? C’est l’éminent Thropp, pour l’amour de Dieu ! Melena ne peut pas avoir négligé ses devoirs à ce point-là, ou alors la vie à la campagne est-elle pire que ce que nous pensions ?
    - C’est pire que ce que nous pensions, répondit tristement Frex. Le bébé… il vaut mieux vous préparer, Nounou, pour ne pas crier. Le bébé a des lésions.
    -Des lésions ?
    Nounou étreignit la poignée de sa valise et tourna les yeux vers les buissons aux feuilles rouges, en bord de route.
    - Frex, dites-moi tout.
    - C’est une fille, dit Frex

    - Quelles « lésions » en effet, ironisa Nounou, mais Frex, comme d’habitude, ne comprit pas la pique. Eh bien, au moins le titre familial est préservé pour les générations suivantes. A-t-elle tous ses membres ?

    - Oui

    - Plus que tous ses membres ?

    - Non

    - Est-ce qu’elle tète ?

    - Impossible. Elle a des dents extraordinaires, Nounou. On dirait des dents de requin.
    - Eh bien, elle ne sera pas le premier bébé à grandir en tétant un chiffon ou une bouteille au lieu d’un téton, ne vous inquiétez pas pour ça.

    - Elle est de la mauvaise couleur, dit Frex.

    - De quelle couleur est la « mauvaise couleur » ?

    L’espace d’un instant, Frex ne put que hocher la tête. Nounou, qui ne l’appréciait guère et n’avait nulle envie de l’apprécier, se radoucit tout de même.

    - Frex, cela ne peut pas être si grave. Il y a toujours un moyen de s’en sortir. Dites-le à Nounou.

    - C’est vert, dit-il enfin. Nounou, c’est vert comme de la mousse.

    - Elle est verte, vous voulez dire. C’est une fille, pour l’amour du ciel !

    - Ce n’est pas pour l’amour du ciel. (Frex se mit à pleurer.) Cela ne fait aucun bien au ciel, et il ne l’approuve pas. Qu’allons-nous faire.

    - Allons. (Nounou détestait les hommes qui chouinaient.) Ca ne peut pas être si grave que ça. Melena n’a pas une goutte de sang gâté. Quelle que soit l’affection de cette enfant, elle réagira aux soins de Nounou. Ayez foi en Nounou.

    - J’avais foi dans le Dieu Innommé, sanglota Frex.

    - Nous n’œuvrons pas toujours dans des directions opposées, Dieu et Nounou, dit Nounou.

    Elle savait que c’était blasphématoire, mais elle ne pouvait résister à cette pique, tant que les défenses de Frex étaient au plus bas.

    - Mais ne vous inquiétez pas, je n’en soufflerai mot à la famille de Melena. Nous allons régler tout ça en un éclair, et nul n’aura besoin de le savoir. Le bébé a un nom ?

    - Elphaba, dit Frex

    - D’après Sainte Aelphaba de la Cascade ?

    - Oui

    - Un joli prénom ancien. Vous utiliserez le diminutif courant de « Fabala », je suppose.

    - Qui peut savoir si elle vivra assez longtemps pour qu’on lui donne un surnom ?

    On avait l’impression que Frex l’espérait.

     

     

  • [Livre] L'inconnue de Queen's Gate

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    Résumé : Noël approche en cette année 1899 lorsque Beth Huntly, fille de cuisine dégourdie et créative, remplace la cuisinière de l’aristocratique famille Hewes, qui vient d’être victime d’une chute.
    Christmas Pudding, entremets vanille, consommé au stilton : dans la liste des ingrédients ne figure aucun meurtre. Et pourtant… Sortie fumer discrètement un cigare au jardin, Beth découvre le corps d’une femme, poignardée avec un kriss malais appartenant à Lord Hewes. Mais c’est Rajiv, le valet indien amant de Beth, qui est embarqué par la police : un coupable bien commode…
    Beth se retrouve malgré elle en première ligne pour éclaircir la situation… et sauver sa place. Quitte à risquer sa vie.

     

    Auteur : Anne Beddingfeld

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Policier

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 11€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé Beth qui est partagée entre son désir de ne pas perdre sa place et celui de découvrir la vérité.
    Même si elle a quelques instants d’incertitudes, elle est sûre de l’innocence de Rajiv et voit dans son arrestation une facilité prise par la police. Beth n’a pas l’esprit assez tordu pour imaginer un complot ou pour penser que Rajiv est arrêté pour étouffer une affaire.
    Elle ne va pas réellement enquêter, elle est plutôt un témoin, parfois gênant, mais est préoccupée par l’affaire et va donc ouvrir ses yeux et ses oreilles. Elle va redoubler de vigilance quand elle va entendre la fille de 12 ans de la famille tenir des propos qui l’inquiètent.
    Mais sa perspicacité et son refus de se contenter d’accepter que l’affaire en reste là vont la mettre en danger.
    J’ai bien aimé que différents milieux se mélangent dans ce roman. Les clubs de gentlemen, les visites au bordel que bon nombre d’hommes de la haute société fréquentent mais dont personne ne parle, et les suffragettes.
    Il est intéressant de voir ce mouvement pour le droit de vote des femmes du point de vue d’une domestique qui s’en sent exclue, car les militantes sont des femmes de la haute société qui ne semblent pas être pressées de voir les droits qu’elles réclament pour elles-mêmes être également réclamés par celles qui les servent et qu’elle considèrent comme des inférieures.
    On peut également voir les réactions excessives de la police devant les rassemblements des suffragettes.
    Au fil du texte, on prend connaissance d’activités plus sombres, plus glauques, qui semblent liées à toutes ces activités auxquelles s’adonnent la bonne société londonienne.
    Voir les personnages évoluer ainsi à la fin de l’époque victorienne est également très intéressant.

    J’ai passé un excellent moment avec Beth et je lirais avec plaisir ses prochaines aventures.

    Un extrait : Perdue dans le dédale de mes pensées, j’avance bon train. Mon panier devrait me peser, me ralentir, la neige molle me faire trébucher et les chevaux qui se précipitent sur moi chaque fois que je traverse une voie m’effrayer. Mais je n’ai jamais marché aussi vite, couru presque, car le jeu en vaut la chandelle.
    Ce soir, c’est ma chance. Je sais, c’est terrible, Mrs Hudson a fait une grave chute et a été hospitalisée au Bats, il se peut qu’elle boite pour le restant de ses jours, mais je dois dire que je m’en fiche, et pas qu’un peu. Je n’aurai peut-être pas d’autre occasion de montrer ce que je vaux.
    Ce soir, c’est mon soir.
    Alors bien sûr, le panier est lourd, je n’ai pas trouvé le cheddar que je voulais pour cette foutue recette exigée par Madame, mas ça aussi, je m’en fiche.
    Je vais leur faire un dîner dont ils se souviendront, un dîner qui me vaudra la place. Ma place !
    Alors il peut bien se mettre à neiger de plus belle, mon manteau peut ruisseler et mes bottines se gorger d’eau, je cours.
    A un mois de Noël, Londres ressemble à une mare de boue géante arpentée de jour comme de nuit par des voitures pressées, conduites par des cochers qui ne regardent pas devant eux. On ramasse tous les jours des dizaines de piétons renversés, aussi je cours, mais prudemment, et je me repasse le menu de la soirée : velouté de champignons, soufflé de chester, aiguillettes de canard braisées aux cardons, haddock à la nage de crème, pudding aux poires et stilton.
    Je passe devant le chantier de l’ancien musée se South Kensington rebaptisé au printemps Victoria and Albert Museum en l’honneur de la reine qui en a posé la première nouvelle brique. Noyées dans l’obscurité, ses façades sont bardées d’échafaudages inquiétants. Il parait que, minuit venu, on peut voir des spectres, sortis des tableaux, glisser le long des larges fenêtres. Je ne crois pas aux fantômes, mais je ne m’attarde pas. Le devoir m’appelle.
    Un diner classique, deux invités seulement, mais des hommes de théatre que Madame veut séduire pour son salon littéraire. Et d’après Monsieur, qui ironise devant ce qu’il nomme « les lubies de Madame », ces pique-assiettes ne reviendront que si la table est bonne, « car ils ne mangent pas tous les jours ». Alors la table sera bonne, j’en fais mon affaire…
    Je suis sur le pied de guerre depuis cinq heure du matin, et tout ce qui pouvait se confectionner à l’avance est déjà prêt : soupe, gâteau, crackers pour le fromage, et ces boules de pain qui viennent de France, dont Kathryn raffole.
    Arrivée devant la maison, je jette un bref coup d’œil à la façade. Jasper, qui aime s’écouter parler, m’a fais un cours sur l’architecture des lieux, et je crois entendre sa voix me déclamer tout en cirant les chaussures :
    - Le contraste entre la brique rouge des étages supérieurs et la pierre claire de Portland avec laquelle sont construites la loggia et les tourelles offre un vigoureux effet de couleur.
    Jasper est de ces domestiques qui pensent que la demeure de leurs patrons est aussi un peu la leur. Je n’essaie pas de lui expliquer qu’il se fourvoie complètement…à quoi bon ?


     

  • [Livre] Les moissons funèbres

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    Résumé : En l’espace de quatre ans, cinq jeunes hommes noirs avec lesquels Jesmyn Ward a grandi sont morts dans des circonstances violentes.
    Ces décès n’avaient aucun lien entre eux si ce n’est le spectre puissant de la pauvreté et du racisme qui balise l’entrée dans l’âge adulte des jeunes hommes issus de la communauté africaine-américaine. Dans Les Moissons funèbres, livre devenu instantanément un classique de la littérature américaine, Jesmyn Ward raconte les difficultés rencontrées par la population rurale du Sud des États-Unis à laquelle elle appartient et porte tant d’affection.

     

    Auteur : Jesmyn Ward

     

    Edition : Globe

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 28 septembre 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : L’écriture est assez fluide mais j’ai eu du mal à m’y retrouver dans les changements d’époque d’un chapitre sur l’autre. Je n’ai pas trouvé d’intérêt à cette méthode de narration, d’autant qu’elle n’arrête pas de faire allusion à des faits qu’elle ne nous a pas encore raconté.
    J’ai vraiment eu du mal à supporter l’invocation du racisme à tout propos.
    Par exemple, quand les enfants sont arrêtés pour avoir fait explosés des boites aux lettres, pour l’auteur c’est du racisme. Pour elle, ils ont été arrêtés parce qu’ils sont noirs et pas parce qu’ils ont commis un délit fédéral et risqué de blesser quelqu’un (imaginez que quelqu’un soit passé à coté des boîtes aux lettres au moment où elles explosaient).
    Ou encore, elle prétend que c’est parce qu’ils sont noirs que ses cousins ont du quitter l’école, puis quelques lignes plus loin, elle nous dit qu’ils restaient au fond de la classe en chantant et en faisant des bruitage pendant les heures de cours. Mais bien sûr, cela n’est pas la raison de leur éviction de l’école…
    Quant aux différentes morts qu’elle évoque, je n’arrive pas à trouver de lien entre le racisme et le destin, certes terrible, de ces jeunes gens.
    C’est vraiment un beau gâchis, mais j’ai eu le sentiment que ces jeunes hommes se laissaient sombrer face à une spirale de l’échec tandis que les femmes se doivent de se battre et de tenir le coup, ce que tout le monde trouve normal.
    L’auteur leur trouve toutes les excuses ce que j’ai trouvé très dérangeant.
    Je n’ai pas été convaincu par son histoire, je n’ai pas ressenti de compassion pour ces jeunes, pas autant que ce que j’aurais imaginé ressentir devant des gamins qui meurent à un âge pareil.

    Un extrait : Du plus loin qu’elles se souviennent, la plupart des familles noires de DeLisle – la mienne y compris – ont vécu dans des maisons qu’elles ont généralement construites de leurs propres mains. Ces maisons, simples bicoques tout en longueur, aux pièces en enfilade, ou bien en forme de chaumière, sont apparues par vagues ; les premières, celles des années 1930, ont été construites par nos arrière-grands-parents, les suivantes, dans les années 1950, par nos grands-parents, et les dernières, dans les années 1970 et 1980, sont celles de nos parents qui, eux, ont fait appel à des entreprises. Ces maisons modestes comportent trois ou quatre pièces, une allée en terre ou en gravier sur le devant et des clapiers à lapins et quelques pieds de vignes à l’arrière. Pauvres mais dignes. Il n’y a pas de logements sociaux à DeLisle et les seuls que Pass Christian comptait avant le passage de l’ouragan Katrina se résumaient à quelques bâtiments en brique rouge à un étage où vivaient des familles noires et vietnamiennes. Aujourd’hui, sept ans après Katrina, à l’endroit où se trouvaient ces logements sociaux, les promoteurs construisent des maisons de trois, quatre pièces perchées sur des pilotis de sept mètres de haut que viennent rapidement remplir des habitants chassés de chez eux par la tempête ou des jeunes de DeLisle et Pass Christian qui veulent continuer à vivre dans leur ville. Ce qui a été rendu impossible pendant plusieurs années, l’ouragan ayant rasé la plupart des maisons de Pass Christian et toutes celles de DeLisle dans la zone du bayou. Revenir à DeLisle en tant qu’adulte m’a été difficile pour cette raison, une raison bien concrète. Et puis il y a des raisons abstraites, aussi. Comme disait Joshua, quand nous courions, enfants, après les fantômes : « Y a quelqu’un qu’est mort, ici. » Entre 2000 et 2004, cinq jeunes hommes noirs avec lesquels j’avais grandi sont morts de mort violente, apparemment sans lien les unes avec les autres. Le premier fut mon frère, en octobre 2000. Le deuxième, Ronald, en décembre 2002. Le troisième, C. J., en janvier 2004. Puis Demond, en février 2004. Le dernier fut Roger, en juin  2004. C’est une liste brutale, par son caractère abrupt et implacable. Elle est sidérante. Elle m’a réduite au silence très longtemps, et raconter cette histoire est la chose la plus difficile que j’aie jamais entreprise. Mais mes fantômes ont été des êtres de chair et je ne peux pas l’oublier. Surtout quand j’arpente les rues de DeLisle, plus vides encore depuis le passage de Katrina et toutes ces morts. Au lieu de la musique de mon frère ou de mes copains, la seule chose que j’entends en marchant près du parc c’est le perroquet d’un de mes cousins, un perroquet angoissé qui crie si fort qu’on l’entend dans tout le quartier, cri d’enfant blessé provenant d’une cage si petite que la crête de l’oiseau en touche presque le plafond tandis que sa queue en balaie le sol. Parfois, quand le perroquet crie sa rage et son chagrin, je me demande pourquoi il règne par ailleurs un tel silence. Pourquoi toute notre colère et notre chagrin accumulés ne produisent que du silence. Ça ne va pas, il faut qu’une voix s’élève pour raconter cette histoire. « Je te dis, y a un fantôme, ici », disait Joshua. Parce que c’est mon histoire en même temps que celle de ces jeunes hommes disparus, parce que c’est l’histoire de ma famille en même temps que celle de notre communauté, elle ne peut se raconter de manière linéaire. Je dois partir de l’histoire de ma ville et de ma communauté pour ensuite revisiter chacune de ces vies perdues. Je le ferai en remontant le temps, depuis la mort de Roger jusqu’à celle de mon frère, en passant par celles de Demond, de C.  J. et de Ronald. Parallèlement, il me faut dévider l’histoire en descendant le fil du temps, aussi, entre les chapitres où mon frère et mes amis recommenceront à vivre, à parler, à respirer, l’espace de quelques pages dérisoires, je raconterai l’histoire de ma famille et celle de mon enfance. J’espère découvrir ainsi des choses sur nos vies à tous, si bien que, en arrivant au cœur du livre, là où mon récit à l’endroit et mon récit à l’envers se rencontreront autour de la disparition de mon frère, j’en saurai un peu plus sur cette épidémie, sur la façon dont le racisme, les inégalités sociales, l’absence de politique publique et les démissions personnelles se sont combinés pour engendrer cette situation pourrie. J’espère comprendre pourquoi mon frère est mort tandis que moi, je suis en vie, et pourquoi j’ai hérité de tout ce bordel.