Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livres - Page 61

  • [Livre] Les diables du Mont-Saint-Michel

    les diables du mont saint michel.jpg

    Résumé : 1430. Assiégé par les Anglais, le Mont-Saint-Michel résiste depuis trente ans à tous les assauts, grâce à de grands capitaines comme Bertrand du Guesclin, quand, soudain, la cité héroïque est le théâtre de crimes mystérieux qui frappent moines et chevaliers, sans distinction. Meurtres politiques ? Rituels ? Sataniques ? Louis d'Estouteville, le nouveau chef de la garnison, enquête avec l'aide du nouveau supérieur des Bénédictins, savant chimiste et physicien, et l'aubergiste de la cité, complice de tous les contrebandiers. L'atmosphère étrange de l'île, avec ses brumes propices aux hallucinations, oriente les recherches vers des causes surnaturelles.

     

    Auteur : Claude Merle

     

    Edition : Nouveau monde

     

    Genre : Thriller Historique

     

    Date de parution : juin 2015

     

    Prix moyen : 16€

     

    Mon avis : 1430, les anglais jubilent d’avoir capturé (enfin, plutôt de s’être fait livrer) Jeanne d’Arc. Ils ne le savent pas encore, mais la guerre de 100 ans entame sa dernière phase, celle qui va les conduire à la défaite.
    Pour l’heure, ils multiplient attaques et embargo sur la forteresse du Mont-Saint-Michel où ne vit plus qu’une poignée de moines, des soldats et quelques laïcs.
    Claude Merle mêle personnages historiques comme Jeanne D’Arc, Yolande d’Aragon ou encore l’abbé Jolivet à d’autre inventés de toute pièce comme Héloïse ou l’abbé Richard de Mantoue.
    L’introduction de ce dernier parait logique pour l’histoire car, dans la réalité, l’abbé qui a succédé à l’abbé Jolivet a été Guillaume d’Estouteville qui était le frère de Louis d’Estouteville, capitaine du Mont-Saint-Michel et héro, si j’ose dire, de notre histoire. Or une grande partie de l’histoire repose sur le fait que Louis ne sais pas si l’abbé lui cache ou non des choses… Si ce dernier avait été son frère, ils auraient eu une relation différente qui n’aurait pas forcément servi le roman.
    Claude Merle simplifie les choses en plaçant Richard de Mantoue à la place de l’abbé Jolivet, passé à l’ennemi (en réalité c’est
    Jean Gonnault, vicaire qui le remplaça), tout en précisant qu’il occupe la place d’abbé sans qu’aucun vote n’ait eu lieu.
    Pour moi Louis d’Estouteville est un peu un anti-héro : il est violent, orgueilleux, très fier de son rang de noble et n’accordant qu’un regard méprisant à tous ceux qu’il juge inférieur à son rang (en gros, presque tout le monde). Il n’hésite pas à recourir à la torture pour obtenir des aveux, ce que ne manque pas de lui signifier discrètement l’abbé Richard, qui lui laisse entendre que des aveux soutirés dans ces conditions ne peuvent guère être considérés comme solides.
    Dans l’affaire à laquelle il est confronté, on a l’impression qu’il est plus énervé de voir un meurtrier lui échapper et donc porter atteinte à son honneur, à son autorité et à sa réputation, qu’affecté par les morts qui s’accumulent.
    Le style de Claude Merle est clair, les chapitres sont assez courts pour donner un rythme soutenu aux évènements, le texte, émaillés de données historiques qui l’étoffent sans l’alourdir.
    Bien qu’à aucun moment, tout comme Louis d’Estouteville, je n’ai suspecté de cause surnaturelle aux meurtres perpétrés, j’ai été incapable de déceler le moindre indice, mes soupçons ne se portaient vraiment sur personne. La seule chose dont j’étais sûre était que chaque meurtre avait été perpétré parce que la victime avait vu ou entendu quelque chose susceptible de démasquer le coupable.
    Pourtant, quand enfin on connaît le fin mot de l’histoire, j’ai trouvé ça tellement logique que je me demande encore comment j’ai pu ne pas avoir de doutes.
    Un livre assez court, mais qui ne bâcle aucun détail de son histoire.

    Un extrait : Louis d’Estouteville examina l’immense miroir de la baie, puis la forteresse éclairée par la lumière de l’aube, puissante lame de pierre brandie vers le ciel. Après la tempête de la nuit, le beau temps était revenu, mélange de bleu et de vert sillonné de coulées brunes.

    Au soleil, il était huit heures. L’eau glacée lui brûlait le torse et les joues, plus franche cependant que l’humidité sournoise des murs de granit. Le baquet sur lequel il se penchait lui renvoya le reflet d’un visage aux traits durs, lèvres minces, pommettes hautes, cheveux coupés ras. Il effleura par habitude la cicatrice qui lui entaillait le front et se perdait sous sa brosse blonde. Avant d’être promu capitaine du Mont-Saint-Michel, le gentilhomme, fils du chambellan du duc d’Orléans, grand bouteiller de France, avait combattu victorieusement les Anglais sur terre et sur mer. Son corps portait témoignage de sa vaillance.
    Il revêtit une chemise de toile, mit ses chausses, laça son pourpoint de cuir, chaussa ses bottes et ceignit son épée. Avant de l’engainer, il éprouva le tranchant de sa lame, songeant qu’il devrait la confier bientôt à Estienne, le forgeron de l’île, quand Yvon surgit.
    - Seigneur, venez !
    Louis dévisagea le jeune chevalier breton, qu’il avait lui-même adoubé quelques mois auparavant, nota les joues rouges, le souffle court et l’excitation mal maîtrisée de ses yeux bleus. Instinctivement, il se tourna vers la baie d’où pouvait venir le danger. Le rivage était désert, l’ennemi retenu par la marée montante.
    - Là-bas, précisa Yvon.
    Il désigna les puissants contreforts de l’abbaye ancrés dans le rocher.
    - Que se passe-t-il ?
    - Un mort, seigneur.

    Le capitaine haussa ses larges épaules avec indifférence. Des morts, on en voyait souvent, à cause de la guerre, des pestilences et de l’épuisement. Ce dernier fléau frappait les pèlerins venus de très loin prier Saint Michel, malgré les vexations des Godons qui assiégeaient l’île.
    Il suivit le soldat dans l’escalier, traversa la cour du Roy, puis escalada les marches de pierre jusqu’au pied de la tour Sainte-Catherine. Sur la terrasse il y avait foule : hommes d’armes, gens de la cité, moines et pèlerins, les yeux levés vers le ciel. Suivant leurs regards, Louis d’Estouteville aperçu un corps suspendu à la muraille. On aurait dit l’un des mannequins de paille, vêtu d’oripeaux bruns, qu’on brûlait jadis à la Saint-Jean pour célébrer l’avènement de l’été. Cependant, le personnage n’était pas factice, c’était un moine pendu par le col à l’aspérité d’un confort.

  • [Livre] A la vie, à la mort

    A la vie, a la mort.jpg

    Résumé : Atteinte d’une tumeur au cerveau, Megan doit rentrer à l’hôpital pour suivre une chimiothérapie. À son grand dépit, elle est transférée dans une unité de soins pour enfants… où le seul qui semble avoir plus de cinq ans est Jackson Dawes. Et tout le monde adore l’irrésistible Jackson, des enfants aux parents, sans compter les infirmières. Très vite, Megan se laisse apprivoiser aussi. Il lui rase la tête parce que de toute façon elle va perdre ses cheveux. Ils partent pour des balades nocturnes dans d’autres bâtiments puisque de toute façon qu’est-ce qu’une réprimande, ils vont peut-être mourir. Au mépris du règlement et de la maladie, Megan et Jackson se réinventent une vie de hors-la-loi, hors-la-maladie, même si chacun sait que le temps est compté…

     

    Auteur : Celia Bryce

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 06 janvier 2015 

     

    Prix moyen : 13,50€

     

    Mon avis : J’ai eu du mal à m’attacher aux personnages. Jackson, je n’y suis arrivée qu’au travers des sentiments qu’éprouve Megan, mais sur le moment, il m’a surtout énervée : sa manière de s’imposer à Megan, son sans gêne… A un moment j’ai même souhaité que les infirmières mettent leurs menaces de l’attacher au lit à exécution !
    Pour Megan ça a été difficile aussi. Si elle avait eu 17 ans, j’aurais compris qu’elle supporte mal d’être en pédiatrie… mais à 13 ans, il ne faut pas exagérer, d’autant qu’elle est tout sauf mature ! Son premier grief contre Jackson n’est pas tant qu’il soit sans gêne, agité et pénible, mais qu’il accepte d’amuser les plus petit alors que Megan semble penser qu’il faut, au mieux les ignorer.
    Les « copines » de Megan, les jumelles, ne sont pas mieux : elles ne pensent qu’aux garçons et semblent croire que le cancer s’enlève comme on enlève l’appendicite.
    Gemma est plus mature. Elle a plus conscience des choses, même si ça lui fait peur.
    J’ai trouvé dommage que la relation entre Megan et Jackson ne soit pas plus approfondie car au final je trouve qu’on les voit peu ensemble. Pareil pour la sardine, son personnage aurait pu être plus développé.
    J’ai bien aimé dans ce livre le fait que l’auteur montre l’après. Megan, une fois rentrée chez elle, va mieux, physiquement. Et c’est là que j’ai apprécié que l’auteur montre l’incompréhension de la plupart de ses proches, jusqu’à sa mère, pour qui puisqu’elle va mieux, il n’y a plus de problème, alors que psychologiquement Megan ne va pas tellement mieux. La maladie ne laisse pas que des séquelles physiques.
    C’est cette seconde partie que j’ai préférée, car on continue le roman en huis clos avec Megan et tout ce qui touche les autres personnages nous est raconté à travers les émotions de Megan (concrètement c’est à que j’ai commencé à pleurer).
    Malgré le bandeau, cette histoire n’a de commun avec « nos étoiles contraires » que le cancer touchant des adolescents. Le contenu est totalement différent.
    Si j‘ai eu plus de mal à entrer dans cette histoire, au final, je l’ai beaucoup aimé et elle m’a fait ressentir énormément d’émotions.

    Un extrait : – Maintenant tu sais ce que je pense des hôpitaux, alors tu peux m’appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

    La voix de Papy semblait venir de très loin, à croire qu’il était encore plus vieux qu’en réalité, à croire qu’il se trouvait sur une autre planète et non au téléphone.

    C’était le premier jour de Megan à l’hôpital.

    – Oui, je sais, dit-elle d’un ton qui se voulait courageux.

    Si seulement elle avait pu guérir sans passer par cet endroit.

    Elle suivit sa mère qui franchissait la porte à double battant, et se pétrifia.

    Service pédiatrique ?

    Il devait y avoir erreur.

    Sauf que non.

    Il y avait des mioches et des trucs de mioches partout. Des jouets qu’on malmenait. Un machin qui cliquetait. Un autre qui carillonnait. Vrombissement. Couinement. Quelque part vers la droite, un bébé pleurait.

    Devant, un bambin au volant d’une voiture en plastique obliquait sur la gauche, accompagnant son virage d’un coup de klaxon tonitruant. Un adulte suivait le mouvement, en grande conversation avec une infirmière.

    Papy continuait de parler au téléphone. Il lui conseillait de ne pas s’inquiéter. Megan fut incapable de répondre.

    Où étaient les autres patients ? Les gens comme elle ? Les gens de son âge ?

    Elle n’était pas un bébé, ni une gosse. Elle avait presque quatorze ans !

    Pourquoi l’avait-on mise ici ? Comment avait-on pu faire ça ?

  • [Livre] Brooklyn

    brooklyn.jpg

    Résumé : Enniscorthy, sud-est de l’Irlande, années 1950. Comme de nombreux jeunes de sa génération, Eilis Lacey, diplôme de comptabilité en poche, ne parvient pas à trouver du travail. Par l’entremise d’un prêtre, sa sœur Rose obtient pour elle un emploi aux États-Unis. En poussant sa jeune sœur à partir, Rose se sacrifie : elle sera seule désormais pour s’occuper de leur mère veuve et aura peu de chance de se marier. Terrorisée à l’idée de quitter le cocon familial, mais contrainte de se plier à la décision de Rose, Eilis quitte l’Irlande. À Brooklyn, elle loue une chambre dans une pension de famille irlandaise et commence son existence américaine sous la surveillance insistante de la logeuse et des autres locataires…

     

    Auteur : Colm Toibin

     

    Edition : 10/18

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 18 octobre 2012

     

    Prix moyen : 9€

     

    Mon avis : J’ai eu envie de lire ce livre depuis que j’ai vu la bande annonce pour son adaptation ciné. Oui oui, la bande annonce, je n’ai toujours pas vu le film (je voulais lire le livre avant).
    Brooklyn est un livre assez court d’à peu près 330 pages et, pendant la première moitié du roman, il ne se passe pour ainsi dire rien. On voit le quotidien de Eilis, depuis sa traversée en bateau et son arrivée à New York. On la voit aller au travail, rentrer dans sa pension irlandaise, aller à la paroisse… Le seul moment un peu plus intense dans cette première partie est quand elle nous fait une sorte de dépression, liée au mal du pays et que le prêtre lui déniche un cours du soir pour qu’elle soit assez occupée pour ne pas se dire que l’Irlande lui manque.
    Dans cette première partie, bien que l’écriture de l’auteur soit très belle, je n’ai rien retrouvé de ce qui m’a attirée dans la bande annonce. Ce dilemme auquel doit être confrontée Eilis, tiraillée entre Amérique et Irlande, entre Tony et Jim.
    Bien sûr, ça fini par arriver. Enfin Tony fini par arriver. Car entre son arrivée et les évènements auxquels on s’attend, il y a encore de longues pages o on le voit venir la chercher à la fin de son cours du jeudi, l’emmener au bal le vendredi, la sortir le samedi…
    Finalement, toute la tension qu’on ressent en voyant la bande annonce va avoir lieu en l’espace d’une cinquantaine de pages. Pourtant, on n’a pas l’impression que le déroulé de ces évènements est bâclé. J’ai une petite réserve sur la fin qui, bien qu’elle soit conforme à ce que j’espérais, aurait pu être un peu plus développée.
    Du coté des personnages, j’ai trouvé la famille d’Eilis extrêmement égoïste. Pas Rose, qui au contraire fait tout pour que sa sœur ait une vie meilleure, mais ses frères et sa mère. Après l’évènement qui va obliger Eilis à revenir voir sa mère en Irlande, aucun de ses frères ne prend contact avec elle, et quand l’un d’eux le fait, c’est pour la culpabiliser, pour s’assurer qu’elle va rentrer en Irlande et donc ne pas obliger l’un d’entre eux à rentrer d’Angleterre (le voyage est pourtant bien plus court). Quant à sa mère, quand sa fille revient la voir, elle ne lui pose aucune question sur sa vie en Amérique, comme si elle pouvait effacer le fait qu’elle y a envoyé sa fille. Elle fait comme si Eilis lui avait dit qu’elle revenait définitivement en Irlande, l’obligeant à différer son retour à Brooklyn, sans jamais se demander ce que veux sa fille. Elle ne pense qu’à son confort. Et ce n’est pas une question vitale, mais juste qu’elle ne veut pas vivre seule.
    Quant à Miss Kelly, la propriétaire de l’épicerie en Irlande et Mme Kahoe, la logeuse d’Eilis à Brooklyn, elles me font toutes les deux penser à Mme Oleson dans la petite maison dans la prairie : méchantes, se mêlant de tout, autoritaires, s’empressant d’aller diffuser la moindre petite information qu’elles croient détenir sur les gens qui les entourent…
    J’ai regretté qu’Eilis soit aussi timorée avec ces personnes, qu’elle ne s’impose pas plus en disant clairement ce qu’elle voulait faire.
    A certains moments, j’ai trouvé qu’elle agissait un peu en gamine gâtée, surtout concernant Tony qu’elle semble considérer comme importun quand elle n’a pas besoin de lui, et indispensable quand elle est désemparée.
    Je pense toutefois qu’elle a pris la bonne décision, même si son comportement avant qu’elle la prenne n’est pas toujours très glorieux et que se cacher derrière le fait qu’elle n’ose pas dire les choses telles qu’elles sont est un peu facile.
    Même si la première partie du roman est assez lente, j’ai apprécié ma lecture, j’ai beaucoup aimé découvrir la nouvelle vie d’Eilis et j’ai régit comme elle quand j’ai appris l’évènement qui bouleverse sa vie.

    Un extrait : Eilis connaissait Mlle Kelly de vue. Cependant, sa mère ne lui achetait rien car, disait-elle, c’était beaucoup trop cher. Et aussi, croyait savoir Eilis, elle ne l’appréciait guère. On disait de Mlle Kelly qu’elle vendait le meilleur jambon de la ville, le meilleur beurre et tout ce qu’il y avait de plus frais, y compris la crème, mais Eilis n’avait pas le souvenir d’être jamais entrée dans son magasin. Elle se contentait de jeter un regard vers l’intérieur, en passant, et apercevait alors Mlle Kelly debout derrière sa caisse.

    Mlle Kelly apparut en haut de l’escalier. Elle descendit lentement les marches et, une fois en bas, alluma le plafonnier.

    — Eh bien, dit-elle. Eh bien.

    Elle répéta la formule comme s’il s’agissait d’une salutation. Elle ne souriait pas.

    Eilis avait été sur le point de dire poliment qu’on l’avait envoyée chercher, mais que le moment était peut-être mal choisi. Elle se ravisa toutefois et ne dit rien, car l’attitude de Mlle Kelly suggérait que quelqu’un l’avait gravement offensée, et qu’elle la prenait par erreur pour cette personne.

    — Vous voilà donc, continua Mlle Kelly après un silence.

    Eilis remarqua que plusieurs parapluies noirs étaient rangés en appui contre la console de l’entrée.

    — On me dit que vous êtes sans travail, mais que vous vous y entendez bien, côté chiffres.

    — Ah ?

    — Vous savez, toutes les personnes respectables de cette ville fréquentent mon magasin, et je suis informée de tout ce qui se raconte.

    Eilis se demanda si c’était une allusion au fait que sa mère fréquentait une autre épicerie, mais elle n’en était pas sûre. Les verres épais des lunettes de Mlle Kelly rendaient son expression peu déchiffrable.

    — Et nous sommes débordées de travail le dimanche. Évidemment, personne d’autre n’est ouvert ce jour-là. Et il nous vient tout un tas de gens, des bons, des mauvais et certains qui ne sont ni l’un ni l’autre. En règle générale, j’ouvre après la messe de sept heures, et de la fin de la messe de neuf heures jusqu’à la fin de celle de onze, eh bien, on ne peut pas remuer une nageoire dans ma boutique. J’ai Mary pour m’aider, mais c’est un escargot, dans le meilleur des cas, alors je cherche quelqu’un d’intelligent, qui sache distinguer le bon grain de l’ivraie, parmi la clientèle, et leur rendre correctement leur monnaie. Mais attention: uniquement le dimanche. Le reste de la semaine, nous nous débrouillons. Vous m’avez été recommandée et je me suis renseignée sur votre compte. Ce serait sept shillings et six pence la semaine, ça pourrait aider un peu votre mère.

    Mlle Kelly parlait, pensa Eilis, comme si elle décrivait un tort qu’on lui aurait causé, en pinçant les lèvres à la fin de chaque phrase.

    — Voilà, je n’ai rien à ajouter. Vous pouvez commencer dimanche, mais passez demain, comme ça on vous fera mémoriser les prix et on vous montrera le fonctionnement de la balance et de la machine à trancher. Il faudra attacher vos cheveux et vous acheter une blouse correcte, chez Dan Bolger ou chez Burke O’Leary.

    Eilis, qui s’efforçait d’enregistrer intérieurement leur échange à l’intention de sa mère et de Rose, aurait voulu pouvoir répondre à Mlle Kelly, lui décocher une réplique futée qui ne soit pas ouvertement impertinente. En définitive, elle garda le silence.

    — Eh bien ? l’interrogea Mlle Kelly.

    Eilis avait compris qu’elle ne pouvait pas refuser. C’était mieux que rien et, pour le moment, elle n’avait rien.

  • [Livre] Nous les menteurs

    nous les menteurs.jpg

    Résumé : Une famille belle et distinguée. L'été. Une île privée. Le grand amour. Une ado brisée. Quatre adolescents à l'amitié indéfectible, les Menteurs.

    Un accident. Un secret. La vérité.

    Un drame familial époustouflant où culmine le suspense. Une lecture qui, à peine terminée, donne envie de retourner à la première page pour recommencer...

     

    Auteur : E. Lockhart

     

    Edition : Gallimard jeunesse

     

    Genre : Drame

     

    Date de parution : 04 mai 2015

     

    Prix moyen : 14,50€

     

    Mon avis : Vous connaissez l’adage : L’argent ne fait pas le bonheur ? Et bien c’est exactement ça dans la famille Sinclair. Famille parfaite en apparence, on se rend vite compte que les trois filles n’ont jamais rien réussi dans leur vie et donc paniquent un peu de se trouver livrées à elles-mêmes quand le patriarche aura disparu. Le patriarche, parlons en, d’ailleurs, un vieil égoïste cruel et manipulateur, qui se plait à monter ses filles les unes contre les autres et à brandir la sanction financière à quiconque ose lui tenir tête, comme sa fille aînée, Carrie, qui a osé, non contente d’être divorcée, vivre avec un indien. Le vieux n’est pas raciste, hein, mais bon, pas de bronzé dans la famille, non mais !
    Ses filles, soucieuses d’assurer leur avenir financier, malgré une belle somme déjà placée à leur nom à la banque n’ont d’autre but que de s’accaparer le maximum de la fortune familiale, au détriment de leurs sœurs, et pour cela se servent sans scrupules de leurs enfants, n’hésitant pas à les punir ou à les menacer pour qu’ils aillent plaider la cause de leur maman devant grand-père. Il ne faut pas oublier non plus que, stressées comme elles le sont, les chères mamans ont tendances à forcer sur la bouteille. Mais attention ! On n’est pas un vulgaire alcoolique chez les riches, non, on est adepte de l’apéritif, nuance.
    Bonjour l’ambiance !
    L’été des 15 ans des aînés des petits enfants, Cadence (oui déjà, côté prénom, elle est pas aidée) a un accident. Lequel ? Mystère.
    Car elle ne se souvient pour ainsi dire de rien de cet été là, ni de l’accident dont elle ne conserve que d’horribles migraines qui envahissent son quotidien. Deux ans plus tard, elle est autorisée à revenir sur l’île privée de la famille et bien décidée, malgré la résistance qu’elle rencontre, à comprendre ce qu’il s’est passé.
    Le texte oscille entre le présent et l’été 15 comme Cadence appelle l’été de ses 15 ans qui se dévoile au fur et à mesure qu’elle retrouve des bribes de souvenirs.
    Très vite, j’ai eu une hypothèse, mais la suite de l’histoire semblait me donner tort. En réalité, j’étais sur la bonne voie, je n’allais juste pas assez loin.
    Et donc on est là, à suivre ce qui semble être de banales vacances d’ados avec l’une des leurs malade qu’il faut ménager, à se demander où veut en venir l’auteur… Et en même temps, on sent que quelque chose cloche, qu’il nous manque un détail…
    C’est une phrase qui m’a tout fait comprendre. J’avais déjà une idée générale de ce qui s’était passé, mais j’étais partie sur un autre type d’accident, qui aboutissait au même résultat. Mais cette phrase… Après l’avoir lue, j’étais sûre de moi, j’étais sûre de ce qui s’était passé… et j’en ai eu la confirmation une trentaine de pages plus loin.
    Concernant les personnages, pour avoir parfois d’affreuses migraines, j’ai compati avec la douleur que ressent Cadence. Je n’imagine pas avoir ces mêmes migraines aussi souvent qu’elle et je comprends qu’elle se décourage parfois.
    Gat m’a un peu énervé, surtout quand il dit plus ou moins à Cadence qu’elle n’a pas à se plaindre parce qu’elle a de l’argent : la maladie et la douleur ne demande pas à voir le compte en banque avant de frapper. J’ai vraiment trouvé ridicule de lui dire qu’elle devait souffrir en silence comme si le fait d’appartenir à une famille fortunée lui ôtait tout droit à la compassion pour la douleur qui lui vrille le crâne un jour sur deux.
    J’ai eu un peu de mal à m’habituer au style de l’auteur au début. Le livre commence en effet sur des phrases un peu simplistes, très courtes, pas vraiment le style que j’affectionne. Mais une fois pris dans l’histoire, le style s’efface, d’autant plus que l’auteur va faire des phrases plus élaborées.
    En tout cas, si je n’ai pas atteint le coup de cœur, j’ai beaucoup aimé ce livre. J’ai versé une petite larme à la fin et surtout j’ai eu comme un poids sur la poitrine pendant quelques heures.

    Un extrait : Mon histoire commence avant l’accident. L’été de mes quinze ans, au mois de juin, mon père nous a quittées pour une femme qu’il aimait plus que nous.

    Papa était un professeur d’histoire militaire à la carrière relativement médiocre. Je l’adorais. Il portait des vestes en tweed. Il était maigre. Il buvait du thé avec du lait. Il était fan de jeux de société (et il me laissait gagner), fan de bateau (et il m’apprenait à faire du kayak), de vélo, de livres et de musées.

    Il n’était pas trop fan des chiens, en revanche, et il devait vraiment beaucoup aimer ma mère pour autoriser nos golden retrievers à dormir sur les canapés ou pour les emmener marcher près de cinq kilomètres tous les matins. Il n’était pas trop fan de mes grands-parents non plus, et il devait vraiment beaucoup nous aimer, maman et moi, pour accepter de passer tous ses étés à la maison Windemere, sur Beechwood Island, à rédiger ses articles sur des guerres terminées depuis belle lurette et à sourire à table pour faire plaisir à tout le monde.

    Au mois de juin de l’été quinze, papa nous a donc annoncé qu’il nous quittait. Deux jours plus tard, il est parti. Il a expliqué à ma mère qu’il n’était pas un Sinclair et qu’il n’arrivait plus à faire semblant. Il n’arrivait plus à sourire, à mentir, à faire partie de cette splendide famille dans ces majestueuses villas.

    Il n’en pouvait plus. Il ne voulait plus de tout ça.

    Il avait déjà loué les camions de déménagement. Et déjà loué une autre maison, aussi. Il a posé sa dernière valise sur la banquette arrière de sa Mercedes (maman devrait se contenter de garder la Saab) et il a mis le contact.

    Puis il a sorti un revolver et m’a visée en pleine poitrine. Debout sur la pelouse, je me suis écroulée. Le trou formé par la balle s’est élargi et mon cœur a roulé hors de ma cage thoracique pour atterrir dans un parterre de fleurs. Le sang pulsait hors de ma plaie béante,

    hors de mes yeux,

    de mes oreilles,

    de ma bouche.

    Un goût de sel et d’échec. La honte vive et écarlate du rejet imprégnait la pelouse, les dalles de l’allée, les marches du porche. Mon cœur convulsait au milieu des pivoines comme une truite hors de l’eau.

    D’un ton sec, maman m’a ordonné de me ressaisir.

    Sois normale, a-t-elle déclaré. Immédiatement.

    Parce que tu l’es. Parce que tu peux l’être.

    Pas de scandale, m’a-t-elle ordonné. Respire un bon coup et redresse-toi.

    J’ai obéi.

    Elle était tout ce qui me restait, désormais.

    Maman et moi avons relevé bien haut nos mentons carrés tandis que la voiture de papa descendait la colline. Puis nous sommes rentrées dans la maison et nous avons détruit tous les cadeaux qu’il nous avait faits : bijoux, vêtements, livres, tout. Les jours suivants, nous nous sommes débarrassées du canapé et des fauteuils qu’ils avaient achetés ensemble. Nous avons jeté le service en porcelaine de leur mariage, l’argenterie et les photos.

    Nous avons changé tout le mobilier. Engagé un décorateur d’intérieur. Commandé des couverts en argent chez Tiffany. Passé une journée à faire les galeries d’art et acheté de nouveaux tableaux pour combler les places vides sur les murs.

    Nous avons demandé à l’avocat de grand-père de protéger l’intégrité des biens de maman.

    Nous avons fait nos bagages et nous sommes parties pour Beechwood Island.

  • [Livre] Harry Potter et la chambre des secrets

    harry potter T02.jpg

    Résumé : Une rentrée fracassante en voiture volante, une étrange malédiction qui s'abat sur les élèves, cette deuxième année à l'école des sorciers ne s'annonce pas de tout repos ! Entre les cours de potion magique, les matches de Quidditch et les combats de mauvais sorts, Harry trouvera-t-il le temps de percer le mystère de la Chambre des Secrets ? Un livre magique pour sorciers confirmés.

     

    Auteur : Joanne Kathleen Rowling

     

    Edition : Gallimard

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 23 mars 1999

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : En Octobre 2016, j’ai relu le premier tome de la saga, que j’avais déjà lu mais encore jamais chroniquée, en me promettant de lire un tome par mois. Bien évidemment, entre les nouvelles sorties, les SP et ma PAL assez conséquente, vous vous en doutez, je n’ai absolument pas tenu parole.
    Et puis, Moody, de la chaîne Moody take a book, a eu la bonne idée d’organiser une lecture commune Harry Potter qui s’étale sur l’année 2017. Comme il n’y a rien de mieux que les challenges et/ou l’effet de groupe pour tenir ses promesses, je me suis empressée de m’inscrire.
    Pendant que le groupe lisait le tome 1, j’en ai profité pour me mettre à jour de mes SP et c’est dans les temps (qui a dit : pour une fois ?) que je termine ce tome 2.
    Je me rends compte qu’il y avait plein de détails dont je ne me souvenais plus ou auxquels j’avais inconsciemment substitués la version cinéma. Ce ne sont jamais des choses bien importantes, mais ça m’a fait plaisir de les retrouver.
    Dans ce tome, on en apprend un peu sur le passé de Voldemort, c’est un peu un avant goût de tout ce qu’on apprendra sur lui dans le tome 6.
    Percy commence à devenir sérieusement un enquiquineur. Il est encore jeune, seulement 15 ans, puisqu’il vient d’être nommé Préfet, mais on devine déjà une attitude et des idées qui ne sont pas vraiment en accord avec la bienveillance dont font toujours preuve ses parents (sauf à l’égard de Malefoy père, mais là, on peut les comprendre).
    Circonstances obligent, Dumbledore est plus sérieux que dans le tome précédent. Là on voit bien qu’on a affaire au Directeur et à un sorcier expérimenté. Il est moins dans la malice. Mais il faut dire que ses élèves tombant comme des mouches, s’il continuait à jouer les excentriques amusant, cela risquerait de contrarier un tantinet les parents.
    On fait aussi la connaissance de Dobby et, à travers lui, Harry, comme le lecteur, découvre une nouvelle espèce, et une tradition qui n’est pas très glorieuse chez les sorciers : les elfes de maison et l’esclavage auquel ils sont soumis.
    Malefoy père est affreux, et on comprend d’où Draco tient son insupportable arrogance. Mais là où, dans le film, il y avait une insinuation de violence et de peur du gamin envers son père, là pas du tout. Lucius est peut être un affreux personnage, mais il chéri son fils (il le gâte complètement aussi) et quand il lui parle, même quand il lui fait des reproches, il n’est pas très différent de n’importe quel père qui trouve que les notes de son rejeton sont insuffisantes. Dans le film, en instillant ce doute dans la relation père fils, on dirait que les scénaristes ont essayé de trouver des excuses au comportement de Draco. Un peu comme s’ils nous mettaient un message en fond d’écran « Oui, c’est un affreux gamin, mais s’il ne se comporte pas comme son père l’attend, il aura des ennuis ».
    Le trio semble être encore plus proche qu’avant, même si Hermione cherche toujours à mener les garçons à la baguette.
    Quand à la catastrophe ambulante qu’est le nouveau professeur de défense contre les forces du mal, il serait risible sans la révélation de la fin sur la réalité de ses livres. J’ai trouvé qu’il méritait amplement ce qu’il lui arrivait.
    Avec le secret que contient la chambre et l’artefact magique principal (oui, c’est dur de ne pas spoiler, car, oui, il y a encore des gens qui n’ont pas lu Harry Potter !) on est déjà dans un registre un peu plus sombre que dans le tome 1. Pas énormément plus sombre, mais on sent quand même la différence.
    Le tome 3 devant être lu avant le 04 juin, je reviens très vite avec la chronique du prochain tome !

     

    Un extrait : La fin des vacances d'été arriva trop vite au goût de Harry. Bien sûr, il avait hâte de retourner à Poudlard, mais le mois qu'il avait passé au « Terrier » était le moment le plus heureux de sa vie. Il ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine jalousie à l'égard de Ron en pensant à l'existence que lui avaient fait mener les Dursley.

        La veille de la rentrée, Mrs Weasley fit apparaître par magie un somptueux dîner qui comportait les plats préférés de Harry ainsi qu'un délicieux gâteau à la crème. Pour terminer la soirée en beauté, Fred et George firent exploser des pétards du Dr Flibuste en un véritable feu d'artifice, remplissant la cuisine d'étoiles rouges et bleues qui rebondirent sur les murs et au plafond pendant une bonne demi-heure. Ils burent ensuite une dernière tasse de chocolat avant d'aller se coucher.

        Le lendemain matin, ils mirent longtemps à se préparer. Ils s'étaient tous levés au chant du coq, mais ils avaient encore beaucoup à faire et tout le monde s'activait dans la maison, à moitié habillé, un morceau de toast à la main, criant et bougonnant sans cesse. Mr Weasley faillit même se rompre le cou en trébuchant contre un poulet alors qu'il traversait la cour pour mettre la valise de Ginny dans la voiture.

        Harry ne voyait pas comment huit personnes, six grosses valises, deux hiboux et un rat allaient bien pouvoir tenir dans une petite Ford Anglia. Mais c'était compter sans les aménagements très particuliers que Mr Weasley lui avait apportés.

        —Pas un mot à Molly, surtout, chuchota-t-il à l'oreille de Harry en ouvrant le coffre que quelques tours de magie lui avaient permis d'agrandir suffisamment pour y ranger toutes les valises.

        Mrs Weasley et Ginny prirent place sur le siège avant qui avait la taille d'un banc public tandis que la banquette arrière offrait suffisamment d'espace à Harry, Ron, Fred, George et Percy pour s'y asseoir confortablement.

        —Finalement, les Moldus sont beaucoup plus astucieux qu'on ne le pense, vous ne trouvez pas ? remarqua Mrs Weasley. Quand on voit cette voiture de l'extérieur, on ne dirait jamais qu'il y a autant de place à l'intérieur.

        Mr Weasley mit le moteur en marche et la voiture traversa la cour en cahotant. Avec un pincement au cœur, Harry se retourna pour regarder une dernière fois la maison. Les préparatifs avaient mis plus de temps que prévu et Mr Weasley, après avoir jeté un coup d'œil à sa montre, se tourna vers sa femme.

        —Molly, ma chérie, je crois que nous irions plus vite si...

        —Non, Arthur, répliqua Mrs Weasley.

        —Personne ne nous verrait. Le petit bouton que tu vois là commande un réacteur d'invisibilité que j'ai installé. Nous pourrions décoller instantanément, voler au-dessus des nuages et en dix minutes nous serions arrivés sans que personne s'aperçoive...

        —Arthur, j'ai dit non. Pas en plein jour.

  • [Livre] La dame en noir

    la dame en noir.jpg

    Résumé : Angleterre, début du XXe siècle. Par un mois de novembre froid et brumeux, Arthur Kipps, jeune avoué londonien, est dépêché dans le nord du pays pour assister aux funérailles d'Alice Drablow, 87 ans, puis trier ses papiers en vue d'organiser sa succession.

    À Crythin Gifford, village où Kipps pose ses valises, les habitants lui battent froid dès qu'il prononce le nom de feue Mme Drablow, unique occupante du Manoir des Marais, demeure isolée, battue par les vents et située sur une presqu'île uniquement accessible à marée basse.

    Lors de l'inhumation, dans une église quasi déserte, Arthur remarque la présence, un peu en retrait, d'une femme tout de noir vêtue, le visage émacié, comme rongée par une terrible maladie. Il l'aperçoit ensuite dans le cimetière, mais elle s'éclipse avant qu'il ait le temps de lui parler...

    Cette femme en noir, Arthur la verra de nouveau aux abords du manoir, une fois qu'il s'y sera installé pour commencer son travail. Mais se produisent alors nombre de phénomènes mystérieux qui ébranleront le jeune homme et feront vaciller sa raison...

    Comme il l'apprendra peu à peu, une malédiction plane sur ces lieux…

     

    Auteur : Susan Hill

     

    Edition : L’Archipel

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 08 février 2012

     

    Prix moyen : 12€

     

    Mon avis : La lecture de ce livre n’était pas désagréable, mais j’ai trouvé qu’il ne tenait pas les promesses de son quatrième de couverture.
    C’est un livre très court, à peine 224 pages, et plus de la moitié du livre est consacré à la mise en place de l’histoire.
    Si je ne m’attendais pas à la fin et que je l’ai nettement préférée à celle de l’adaptation cinématographique, il m’a manqué, tout au long du livre, cette montée d’angoisse que l’on était en droit d’attendre à la lecture du résumé.
    J’ai beaucoup aimé l’idée de raconter l’histoire par le biais d’une sorte de confession destinée à libérer l’esprit d’Arthur, de longues années après les évènements qu’il a vécu, mais le problème pour moi à été le déroulé de l’histoire.
    Le moment où j’ai le plus tremblé a été lors de la mésaventure de Spider, la petite chienne qui accompagne Arthur au manoir et qui est sans doute le seul personnage attachant de l’histoire.
    Si j’ai trouvé que le décor était bien planté, cette présentation aurait été plus adaptée à un texte plus long car ici, toute l’intrigue est concentrée dans les 80 dernières pages, ce qui n’est pas assez long pour faire correctement monter la pression.

    C’est dommage parce que le style d’écriture de l’auteur est vraiment agréable et aurait pu être clairement addictif.
    J’ai trouvé que la malédiction n’était pas assez développée car au final, on n’en parle que le temps d’un dialogue, à la fin, ou presque, du roman.
    J’ai aussi trouvé que le personnage d’Arthur n’était pas assez approfondi, on a du mal à s’attacher à lui. Il n’est pas antipathique, mais on ne tremble pas pour lui (on s’inquiète plus pour la petite chienne que pour lui).
    La dame en noir n’est pas très présente. Dommage pour un personnage qui a donné son nom au livre !

    Un extrait : En ce lundi après-midi de novembre régnait une pénombre que n’expliquait pas l’horloge – il n’était même pas encore trois heures – mais la présence d’un brouillard épais, une de ces purées de pois typiquement londoniennes qui nous cernait de toutes parts depuis le lever du jour – si tant est que le jour se fût levé, la grisaille malodorante ayant à peine laissé filtrer la lumière.

    Dehors, le brouillard était partout : il se déployait au-dessus du fleuve, s’insinuait dans les ruelles et les passages, tournoyait en nappes épaisses entre les arbres dépouillés de tous les parcs et les jardins de la ville. Il n’épargnait pas les intérieurs non plus, allant jusqu’à s’immiscer à travers les moindres fentes et fissures tel un souffle fétide, se faufilant sournoisement par chaque entrebâillement de porte. C’était une masse nébuleuse jaunâtre, sale et nauséabonde, qui prenait à la gorge et aveuglait, souillait et encrassait. Obligés d’avancer à tâtons dans les rues, hommes et femmes progressaient au péril de leur vie, et, titubant sur les trottoirs, se cramponnaient aux grilles ou à leurs semblables pour se guider.

    Les bruits étaient assourdis, les formes indistinctes. Le brouillard, tombé sur la ville trois jours plus tôt, ne semblait pas décidé à se dissiper et possédait, semblait-il, toutes les caractéristiques propres à ce genre de phénomène : à la fois menaçant et sinistre, il rendait méconnaissable l’univers le plus familier, désorientant ceux qu’il avait piégés, les égarant comme si on leur avait bandé les yeux avant de les faire tourner sur eux-mêmes lors d’une partie de colin-maillard.

    C’était un temps affreux, en somme, propre à assombrir encore l’humeur en ce mois le plus triste de l’année.

    Avec le recul, je serais tenté de croire que, tout au long de cette journée, j’avais eu un mauvais pressentiment au sujet de mon voyage à venir, qu’une sorte de sixième sens, d’intuition occulte en sommeil au plus profond de chacun ou presque s’était soudain réveillée en moi. Mais, à l’époque, j’étais un jeune homme solide, plein de bon sens, et je n’éprouvais ni malaise ni appréhension d’aucune sorte. Toute altération de mon entrain habituel ne pouvait être due qu’à la brume et au mois de novembre, qui me plongeaient dans une morosité partagée par l’ensemble des citoyens de Londres.

  • [Livre] Le Robinson suisse

    Le robinson suisse.png

    Résumé : Quel heureux homme que ce Robinson suisse ! Il a en effet sauvé du naufrage sa famille au complet. Les débris du vaisseau vont être pour lui l'occasion de prouver de quoi il est capable. Au milieu d'une nature tour à tour généreuse et hostile, périlleuse et insolite, il va reconstruire sa vie quotidienne à force d'ingéniosité et de courage.

     

    Auteur : Johann David Wyss

     

    Edition : CreateSpace Independent Publishing Platform

     

    Genre : Classique étranger

     

    Date de parution : 2012 (pour cette édition)

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : Ce livre ne fait pas l’unanimité comme j’ai pu le voir en lisant les avis sur internet. Toutefois, la plupart du temps, à la lecture des critiques, j’ai eu l’impression que le livre n’avait pas été compris.
    Souvent, les gens se plaignent de la trop grande facilité que ces Robinson suisses ont à trouver tout le nécessaire à leur survie et à leur confort, ainsi que du coté moralisateur et monsieur je-sais-tout du père. Ils analysent le livre comme ils le feraient de tout roman d’aventure.

    Or, un livre écrit par un pasteur à la fin du XVIIIème siècle (bien que publié en 1812, il a été écrit en 1794) n’a pas vocation à être un divertissement. Le titre d’origine était « La Famille suisse Robinson ou Le Prédicateur suisse naufragé et sa famille. Un livre didactique pour les enfants et les enfants des amis à la ville et la campagne ».
    Son but était donc de faire passer un message.

    Ici, ce message s’oriente autour de la religion (vous me direz, normal pour un pasteur).
    D’abord, l’auteur s’attache à rappeler la toute puissance paternelle, garante de la moralité et de la sauvegarde de la famille. L’obéissance filiale aveugle étant, à l’époque, au sommet de la religion, juste avant celle dû à Dieu, il n’est guère étonnant d’avoir ici un père quasiment infaillible dont les quelques rares lacunes n’ont d’autre but que de le laisser soumis à la bienveillance de Dieu et de permettre à ses fils de se former au métier d’adulte sans pour autant les délivrer du joug paternel.
    Ensuite, l’auteur met en avant l’action divine.

    Dieu étant supposé récompenser ses fidèles les plus dévoués, il n’est guère étonnant de voir la facilité avec laquelle les Robinsons pourvoient à leurs besoins.
    Le message dispensé est donc de garder foi en Dieu dans les épreuves (naufrage puis exil), de le remercier sans cesse de ses bontés (les nombreuses prières, et qu’on attirera ainsi la bienveillance de Dieu.

    J’ai vu aussi beaucoup de critiques sur les massacres d’animaux perpétrés par la famille.
    Il faut se remettre dans le contexte. En 1794, l’esclavage existait toujours, les femmes pouvaient compter leurs droits sur les doigts d’une main, les enfants appartenaient à leur père comme de simples meubles, les domestiques étaient soumis à leurs employeurs… Alors franchement les animaux… (Il a quand même fallut attendre le XXIème siècle pour qu’ils perdent le statut de meubles et gagnent celui d’êtres dotés de sensibilité)… Si ce genre de massacre me choque dans l’absolu, en revanche, je ne suis pas choquée d’en trouver dans un livre écrit à cette époque.

    Si j’ai une critique à faire, c’est que le père est constamment dans le reproche, et surtout, qu’il se montre parfois assez hypocrite.
    Par exemple, il réprimande son fils pour mensonge alors que ce dernier, en prétendant n’avoir rien chassé, ne voulait que faire une surprise à ses frères, puis, il demande à ses fils de mentir à leur mère pour exactement les mêmes raisons.

    J’ai aussi trouvé qu’il ne montrait pas le bon exemple en ne s’excusant jamais, notamment quand il se rendait compte que ses reproches ne sont pas fondés.

    L’ellipse de 8 ans, à la fin, est compréhensible et le narrateur lui-même explique, que, passée les deux premières années, l’existence des naufragés devient trop répétitive pour être racontée sans ennuyer.

    Même si ce livre est plus un livre de morale qu’autre chose, je l’ai beaucoup aimé.
    Cela dit, je le déconseille à la fois à ceux qui n’aiment pas les classiques et à ceux qui aspirent à trouver des notions modernes dans leurs lectures.


    Un extrait : La tempête durait depuis six mortels jours, et, le septième, sa violence, au lieu de diminuer, semblait augmenter encore. Elle nous avait jetés vers le S.-O., si loin de notre route, que personne ne savait où nous nous trouvions. Les passagers, les matelots, les officiers étaient sans courage et sans force ; les mâts, brisés, étaient tombés par-dessus le bord ; le vaisseau, désemparé, ne manœuvrait plus, et les vagues irritées le poussaient ça et là. Les matelots se répandaient en longues prières et offraient au Ciel des vœux ardents ; tout le monde était du reste dans la consternation, et ne s’occupait que des moyens de sauver ses jours.

    « Enfants, dis-je à mes quatre fils effrayés et en pleurs, Dieu peut nous empêcher de périr s’il le veut ; autrement soumettons-nous à sa volonté ; car nous nous reverrons dans le ciel, où nous ne serons plus jamais séparés. »

    Cependant ma courageuse femme essuyait une larme, et, plus tranquille que les enfants, qui se pressaient autour d’elle, elle s’efforçait de les rassurer, tandis que mon cœur, à moi, se brisait à l’idée du danger qui menaçait ces êtres bien-aimés. Nous tombâmes enfin tous à genoux, et les paroles échappées à mes enfants me prouvèrent qu’ils savaient aussi prier, et puiser le courage dans leurs prières. Je remarquai que Fritz demandait au Seigneur de sauver les jours de ses chers parents et de ses frères, sans parler de lui-même.

    Cette occupation nous fit oublier pendant quelque temps le danger qui nous menaçait, et je sentis mon cœur se rassurer un peu à la vue de toutes ces petites têtes religieusement inclinées. Soudain nous entendîmes, au milieu du bruit des vagues, une voix crier : « Terre ! terre ! » et au même instant nous éprouvâmes un choc si violent, que nous en fûmes tous renversés, et que nous crûmes le navire en pièces ; un craquement se fit entendre ; nous avions touché. Aussitôt une voix que je reconnus pour celle du capitaine cria : « Nous sommes perdus ! Mettez les chaloupes en mer ! » Mon cœur frémit à ces funestes mots : Nous sommes perdus ! Je résolus cependant de monter sur le pont, pour voir si nous n’avions plus rien à espérer. À peine y mettais-je le pied qu’une énorme vague le balaya et me renversa sans connaissance contre le mât. Lorsque je revins à moi, je vis le dernier de nos matelots sauter dans la chaloupe, et les embarcations les plus légères, pleines de monde, s’éloigner du navire. Je criai, je les suppliai de me recevoir, moi et les miens… Le mugissement de la tempête les empêcha d’entendre ma voix, ou la fureur des vagues de venir nous chercher. Au milieu de mon désespoir, je remarquai cependant avec un sentiment de bonheur que l’eau ne pouvait atteindre jusqu’à la cabine que mes bien-aimés occupaient au-dessous de la chambre du capitaine ; et, en regardant bien attentivement vers le S., je crus apercevoir par intervalles une terre qui, malgré son aspect sauvage, devint l’objet de tous mes vœux.

  • [Livre] Ils ont volé mon innocence

    ils ont vole mon innocence.jpg

    Résumé : Un bâtiment gris, sombre. Effrayant. Dans les souvenirs de Madeleine, c’est ainsi qu’apparaît l’orphelinat où elle a été placée dès sa plus tendre enfance. A l’âge de cinq ans, le cauchemar est quotidien pour la petite fille sans défense.

    Le directeur de l’établissement abuse d’elle comme si elle était son jouet. « Ne dis rien, personne ne croira une sale gamine comme toi », dit-il à Madeleine qui, terrorisée, se tait.

    Pire encore : dans cet orphelinat de l’horreur, les enfants sont vendus à des hommes qui leur font subir les pires sévices.

    En toute impunité, sans que personne ne s’en émeuve, parce que ces enfants sans parents sont considérés comme des moins que rien…

     

    Auteur : Madeleine Vibert avec Toni Maguire

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : témoignage

     

    Date de parution :

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : Ce livre fait fulminer à plus d’un titre.
    D’abord on ne peut qu’être écœuré et révolté devant l’attitude de la direction et du personnel de l’orphelinat les Haut-de-la-Garenne qui ont trahi non seulement la confiance des enfants qui leur étaient confiés, mais également celle des tribunaux qui plaçaient chez eux des enfants, souvent retirés de leur famille pour leur protection.
    Madeleine Vibert et Toni Maguire ne s’étendent pas plus que de raison sur les sévices infligés aux pensionnaires des Haut-de-la-Garenne, évitant ainsi répétitions et escalade dans l’horreur, mais s’attachent surtout à décrire l’impact de ces actes sur l’esprit des victimes.
    Contrairement à beaucoup des personnes qui livrent ce genre de témoignage, Madeleine était pourvue d’une famille aimante mais pauvre. Leur misère, la dépression de sa mère, son alcoolisme aussi, ont poussé les autorités à placer Madeleine dès son plus jeune âge : d’abord dans une crèche, où elle a été traité comme tout enfant devrait l’être, puis dans cet enfer qu’était cet orphelinat de l’horreur. On peut se demander comment un tel établissement a pu rester ouvert si longtemps, sans que personne ne s’interroge, sur une si petite île.
    La mère de Madeleine, tout comme son beau-père, étaient pieds et poings lié, risquant de perdre la garde de leur fils s’ils faisaient trop de vagues.
    Sa mère a alterné entre la fureur et une sorte de déni, se carapaçant contre les déclarations de sa fille, puisqu’elle savait qu’elle ne pouvait rien faire pour elle. Cette impuissance n’a pas du arranger sa dépression.
    Mais il y a un second point qui est presque aussi révoltant si ce n’est plus : la tenacité des autorités, 40 ans plus tard, d’étouffer l’affaire. Malgré les quelques 200 témoignages d’anciens résidents des Haut-de-la-Garenne, police et politiques, se sont évertués à les discréditer, à répéter à qui voulait bien l’entendre que ces témoignages étaient au mieux de faux-souvenir, de l’hystérie collective, au pire, montés de toute pièce.
    Quand des policiers prêtaient un peu trop attention à l’affaire, ils étaient suspendus ; quand Madeleine se montra trop insistante, on saisit le premier prétexte pour l’envoyer en prison ; quand, malgré les magouilles et les pressions, ils ne purent éviter de mettre certaines personnes en accusation, les peines infligées furent ridicule (6 mois pour une surveillante qui se plaisaient à torturer physiquement et psychologiquement les enfants dont elle avait la charge).
    Je me demande pourquoi Madeleine ne s’est pas réfugiée en France, qui est toute proche de l’île de Jersey, pour se mettre hors de portée des persécutions.
    Dès le début du livre, j’ai été choquée par l’attitude des policiers qui disaient clairement : si vos parents avaient été de meilleurs parents, vous n’auriez pas été placé et donc tout est de leur faute.
    Comme s’il y avait un rapport ! Le fait qu’un enfant soit retiré à ses parents justifie-t-il qu’il soit maltraité et abusé au foyer supposé lui apporter la stabilité et la sécurité qu’il n’avait pas auprès des siens ?
    Pour autant, l’affaire a fait trop de bruit pour qu’elle puisse être complètement étouffée. Si la majorité des acteurs n’ont pas été poursuivis, bon nombre de victimes ont été finalement indemnisées et, grâce à la presse, le visage des tortionnaires est connu de tous.
    Ils auront du mal à reprendre leur petite vie tranquille, j’espère vraiment que leurs voisins, présents et à venir, sauront leur rappeler leur passé !

    Un extrait : Je croyais qu’ils voulaient en apprendre un peu plus au sujet de Colin Tilbrook et de ces riches hommes d’affaires qui étaient venus à l’orphelinat. Pendant que j’attendais la première question, le silence me parut assourdissant. J’entendais battre mon cœur et je sentais la sueur sur mes mains.
    Soudain, la pièce me parut insupportablement chaude. Je regrettais de ne pas avoir réclamé de l’eau. J’aurais voulu appuyer un verre glacé contre mes joues qui me donnaient l’impression d’être en feu.
    La première question vint, non de la femme comme je m’y étais attendue, mais de l’homme aux traits anguleux et aux yeux de la couleur des galets mouillés.
    - Parlez-nous des Jordan, Madeleine, commença-t-il.
    Les Jordan étaient arrivés à l’orphelinat pendant le règne de Tilbrook. Leur nom évoquait les cris et les coups, les os brisés, à peine plus épais que ceux des oiseaux, les sanglots désespérés de ceux qui savent que personne ne les aime, les enfants meurtris à tout jamais.
    Ce qui ne m’empêcha pas de continuer à ne pas comprendre, du moins à ce moment-là, pourquoi ils me posaient des questions sur les Jordan. Ils étaient apparus dans ma vie bien plus tard que les gens qui auraient dû intéresser la police, pour autant que je le sache ; et, malgré leur perversité, les Jordan n’avaient certainement pas le rôle principal parmi tous ceux qui avaient infligé tant de peine et de souffrance.
    - Nous voulons vérifier s’il y a suffisamment d’arguments pour les convoquer, dit la femme.
    Elle avait peut-être décelé la perplexité sur mon visage.
    - Pourquoi seulement eux ? insistai-je parce que je ne parvenais pas à la croire.
    Je ne pus attendre la réponse, et mes remarques fusèrent. Je sentais la colère monter en moi à la vitesse d’un feu de paille. Ce n’était pas à leur sujet que j’aurais dû être convoquée. Si on nous avait écoutés, si quelqu’un avait fait ce qu’il fallait, je n’aurais jamais rencontré les Jordan. Avant de pouvoir m’en empêcher, je dis tout cela.

    - Vous voulez dire que, si votre mère n’avait pas été déclarée inapte, vous n’auriez pas été placée pour votre propre sécurité ?
    Cette fois, c’était la femme qui parlait. Je lui adressais un regard furieux. N’allait-elle pas devenir mère (si elle ne l’était pas déjà) ? Elle pouvait certainement comprendre ce que j’avais, ce que nous avions traversé. Mais je ne décelai aucune compassion ou empathie sur son visage, uniquement la détermination d’obtenir des réponses aux questions telles qu’elles m’étaient posées.
    C’est à cet instant que je compris que ni la femme ni l’homme, dans son costume bleu foncé et sa chemise blanche étincelante, ne seraient satisfaits tant qu’ils n’auraient pas brisé la carapace que, au fil des années, j’avais réussi à ériger autour de moi, et qu’ils n’auraient pas extirpé le moindre de mes secrets. Ensuite, ils décideraient ce qu’ils allaient en faire. Eux, pas moi.
    La voix de l’homme interrompit mes pensées. Le sourire qui montrait à peine ses dents avait disparu, et ses yeux durs arboraient une expression vide et impassible.
    - Vos parents étaient des criminels, n’est ce pas ? Ils ont fait de la prison. C’est pour cela que vous avez passé la majeure partie de votre enfance dans des foyers. Alors, n’essayez pas de rejeter la faute sur nous, Madeleine.
    - Non, rétorquai-je avec emphase. Ma mère n’était pas une criminelle.
    - Alors, quel était son problème ?
    - Elle était triste, répondis-je.

  • [Livre] Pour vous servir

    pour vous servir.jpg

    Résumé : C'est auprès d'un couple d'Écossais amateurs d'art, snobs en diable, dans une immense demeure du Luberon, que Françoise et son mari débutent « dans le milieu ». Le milieu : les très-riches ; le métier : gouvernante. Au gré des années, c'est autant de maisons et de personnalités qu'elle rencontre. Et c'est avec autant de malice que de discernement que Françoise va nous raconter comment elle a servi tout ce que l'Hexagone compte de riches et de puissants : aristocrates raffinés, rentière hystérique, prince arabe polygame, héritière intégriste, industriel survolté, sénateur épicurien... Ce faisant, elle nous livre les mésaventures réjouissantes et les psychodrames variés qui rythment le quotidien des grandes maisons, au salon et à l'office. Un roman sur les maîtres du monde et ceux qui les servent, aussi savoureux qu'instructif.

     

    Auteur : Véronique Mougin

     

    Edition : J’ai lu

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 4 mai 2016

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Fiction ou témoignage indirect ? Difficile à dire. L’auteur n’est pas gouvernante mais journaliste et son livre est classé en roman contemporain et non en témoignage. Pour autant, difficile de croire qu’elle ait tout imaginé. Non pas que je doute de ses capacités à imaginer une histoire, mais, déformation professionnelle oblige, une journaliste aura tendance à vouloir faire passer un message dans ses livres.
    J’imagine les expériences et confidences de plusieurs gouvernantes réunies en une seule : Françoise.
    (Si l’auteur passe dans le coin et souhaite lever le mystère, qu’elle n’hésite pas !)
    Les manies des employeurs, si ridicules, font autant rire que leur comportement et leurs exigences font enrager (petite mention spéciale à ceux qui « virent » Françoise en fermant à clef la maison pendant qu’elle était allée faire les courses. A son retour, elle trouve donc la maison fermée et ses valises sur le palier… sa faute ? Avoir suscité l’affection des enfants, ce que tout l’argent du couple n’a pas réussi à faire).
    Les employeurs sont indescriptibles, plus méprisants (et méprisables) les uns que les autres. Finalement c’est le dernier, le vieux Mr Paquette, qui se révèle le plus adorable sous des dehors de vieux bouc.
    A la veille de prendre sa retraite, Françoise dresse un portrait sans concession de ses employeurs passés. Parfois on se demande si Véronique Mougin a forcé le trait, ou si elle a réuni chez un seul employeur les travers de plusieurs personnes, mais que chaque portrait soit celui de personnes précises ne me choquerait pas. De tout temps, l’argent et le pouvoir sur les autres ont tendance à rendre odieux. Certains le sont ouvertement, comme la vieille femme issue de la vieille aristocratie française, d’autre le sont sous couvert de bonté, plus souvent humiliante que réelle, d’autres enfin, semblent ne même pas se rendre compte de leur attitude (comme celle qui se plait à faire pousser des légumes mais refuse de manger quoi que ce soit qui ne viennent pas d’un traiteur luxueux et fait jeter sa récolte plutôt que de laisser ses employés profiter des légumes frais).
    La plume de Véronique Mougin est très agréable. Les « leçons » qui ponctue le livre sont à la fois drôles (par la manière dont elles sont rédigées) et affligeantes (pour leur contenu qui montre bien que les « très-riches » ne sont vraiment pas de la même planète).
    Quant à Françoise, si elle effectue ses tâches avec diligence, elle n’a pas l’intention de se laisser marcher sur les pieds et ne laisse pas ses patrons (trop) outrepasser leurs droits, même si, comme pour les forfaits téléphones, elle s’engage pour au moins un an.
    On a ici un roman qui est difficile à classer : ce n’est pas une comédie, même s’il y a des passages très drôles, ce n’est pas un document, pas un témoignage, pas de la chick lit… Je l’ai mis en roman contemporain, catégorie un peu bancale dans laquelle on a tendance à mettre tous ceux qu’on ne sait pas où coller. A moins de faire une catégorie : roman léger et sympa mais ayant un fond de critique de la société plus sérieux.

    Un extrait : - Françoise ? Françoise ? Françoiiiiiiiiiiiiiiiiiise !
    - Oui Madame ?

    - Mais où étiez-vous, enfin ?

    - Au sous-sol, madame.

    - C’est bien le moment ! Qu’arrive-t-il aux oranges pressées ?

    - Rien de spécial Madame…
    - Taisez-vous, il y a un goût. Il y a un goût, n’est-ce pas Douglas ?
    Douglas opina. Il y avait un goût.
    - Qu’avez-vous fait à ce jus, Françoise ?

    - J’ai fait exactement comme Madame m’a appr…
    - C’est impossible. Sentez. Vous sentez ? Goûtez ! Non, finalement ne goûtez pas.

    L’hérédité c’est important. Riche ou pauvre, personne n’échappe aux obsessions de ses ancêtres. Mes parents, par exemple, m’ont transmis la passion du classement. Il faut que je range, c’est ainsi, chaque chose à sa place. L’avènement du tri sélectif a mis toute ma corporation en transe, sauf moi.
    Rien ne le relaxe davantage que de séparer le carton du plastique, les torchons des serviettes, les cuillères des fourchettes. Il paraît qu’aujourd’hui les gens payent pour se détendre. Les stressés se précipitent au cours de yoga, au stage de méditation, au séminaire de sophrologie, au bout d’une heure leurs nerfs tournés se remettent d’équerre.
    J’ai de la chance, une bonne vaisselle me fait le même effet. Une fois que le fatras graisseux s’est transformé en piles propres et nettes, assiettes d’un côté, casseroles de l’autre, le monde tourne de nouveau sur son axe. Mon fils a sans doute hérité du gène : il groupait jadis ses Lego par couleur et maintenant ses chaussettes. Si tout va bien, ma petite-fille devrait rapidement exposer ses hochets par ordre croissant. Mes patrons, eux, ont tous la perfection dans le sang. Ce n’est pas de leur faute, c’est de famille. Je l’ai compris dès mes premiers, les Ecossais.
    Douglas et Elisabeth Mac Linley ne toléraient pas la médiocrité. Cela valait pour les oranges et pour le reste. Quand il s’agissait de « tirer les rideaux », il fallait entendre « au centimètre près », « chauffer l’eau de la piscine », c’était à 29° pile ; pas à 28 ni à 30. « Servir le café » ? Attention, le diable logeait dans cette consigne-là. Une fois passé, l’arabica grand cru d’Ethiopie devait être déposé sur la table quelques dizaine de secondes avant que les invités pénètrent dans le grand salon. Ni plus tôt, ni plus tard, pour qu’il soit encore chaud et qu’il ait eu le temps d’embaumer la pièce. Ainsi faisait-on chez les Mac Linley depuis longtemps, depuis toujours, peut-être même depuis que le café existait.
    Grâce à son vénérable ancêtre Donald qui s’était enrichi dans le charbon, Monsieur avait hérité d’une fortune vieille de trois siècles. Madame, elle, était la petite-fille d’un richissime marchand d’art londonien, descendant d’un orpailleur. Peu importe ce que leurs aïeux foraient, l’effet était le même : Douglas et Elizabeth n’avaient connu toute leur vie que valets tirés à quatre épingles, tapis de haute-laine et caviar béluga. Comme ces enfants de drogués qui naissent accros à la cocaïne, mes employeurs étaient des toxicomanes du sublime. La moindre rupture d’approvisionnement provoquait une terrible crise de manque.

    - D’où viennent ces oranges ? Dites-moi la vérité, Françoise.
    - Ce sont les mêmes qu’hier, Madame.
    - Arrêtez vos sornettes, il y a un goût d’ail dans ce jus, vous pouvez m’en croire.
    - J’ai bien émincé de l’ail, mais c’était mardi dernier, et j’ai lavé la planche deux fois depuis…
    - C’est donc cela !
    Le soulagement se lisait sur le visage d’Elisabeth Mac Linley.
    - Vous réserverez désormais une planche à découper aux oranges. Et ne me refaites jamais une telle plaisanterie, je vous prie.

  • [Livre] Rendez-moi ma fille

    rendez moi ma fille.jpg

    Résumé : En vacances à Londres, Candice, 18 ans, Française d'origine juive, tombe amoureuse de Saddam, un prince saoudien appartenant à la famille royale. Une passion naît entre ces deux êtres que tout - la culture comme la religion - devrait séparer. Leur fille Haya voit le jour en 2001.

    Hélas pour Candice, son prince charmant révèle vite un autre visage. Aveuglée par les sentiments qu'elle lui porte, elle subit son emprise, puis sa violence, jusqu'au jour où elle est brutalement séparée de sa fille et séquestrée au palais.

    Depuis septembre 2008, Haya est retenue prisonnière en Arabie Saoudite dans la famille de son père. Tandis que Candice, échappant à une condamnation à mort, a été exfiltrée par le Quai d'Orsay. Depuis sa libération, elle se bat sans relâche pour que Haya lui soit rendue...

     

    Auteur : Candice Cohen-Ahnine

     

    Edition : Archipoche

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2014

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Pas de happy end à la fin de ce témoignage, on le sait dès la préface, écrite par Jean-Claude Elfassi, co-auteur et ami de Candice Cohen-Ahnine. En effet, cette dernière, après un combat de 4 ans et alors que des retrouvailles avec sa fille avaient été organisées, a trouvé la mort en tombant du 4ème étage, depuis la fenêtre de l’appartement qu’elle partageait avec son nouveau mari. Si celui-ci plaide l’accident, la presse et l’opinion publique pointent sa responsabilité.
    Pour ma part, je m’interroge sur cette « drôle » de coïncidence qui fait disparaitre cette jeune femme alors qu’elle était si près du but, ce qui aurait très certainement été une humiliation pour son ex compagnon, cet homme qui se croit au-dessus des lois, y compris de celles de son pays et de sa religion.
    Car en effet, Candice a obtenu non seulement la garde de sa fille devant les juridictions françaises, mais dans son livre, elle nous révèle que le tribunal islamique a confirmé cette décision, ne reconnaissant pas à Haya le statut d’enfant légitime puisque ses parents n’étaient pas mariés.
    Que pouvait-on attendre d’un homme qui se prétend musulman et qui passe ses journées et ses nuits à boire, à se droguer et à coucher avec tout ce qui bouge ?
    On voit très vite à quel point cet homme est un hypocrite, lui a prétendu être juif pour séduire Candice, lui qui l’a manipulée sans cesse et qui ne lui a enlevé Haya que parce que Candice avait eu l’audace de finir par le quitter.
    Candice a profondément aimé cet homme, elle l’avoue sans s’en cacher, et c’est peut-être pour ça qu’elle a accepté ce séjour en Arabie Saoudite, incapable de concevoir qu’il puisse commettre un tel acte.
    Certains fustigent sa naïveté, et naïve, elle l’a été, c’est certain, et à plusieurs reprises, mais tous les commentaires désobligeants qu’on a pu lui faire n’auront jamais la force de la culpabilité qu’elle a ressenti. Savoir que si elle avait écouté son entourage, rien ne serait arrivé est bien pire que tout ce qu’on peut lui dire. Savoir sa fille prisonnière d’un pays aux mœurs dignes du Moyen Age est la pire des punitions.
    Non content de lui enlever son enfant, Saddam et sa famille de dégénérés ont d’abord essayé de la retenir prisonnière, puis, outrés qu’elle ait osé se battre, qu’elle ait refusé l’esclavage qu’on essayait de lui imposer, ont tout simplement essayé de se débarrasser d’elle en l’accusant d’apostasie (ce qui est passable de la peine de mort en Arabie Saoudite).
    Candice n’a eu d’autre choix que de fuir sans sa fille.
    Ce qui m’a le plus outré c’est l’attitude des français, de certains français. Oui encore plus que celle des Saoudiens, ce n’est pas peu dire : entre madame le consul de France qui est corrompue jusqu’à la moelle (et qui, à mon sens, aurait dû être démise de ses fonctions et accusée de haute trahison, mais bon…), l’avocate qui de toute évidence n’a pas envie de causer trop d’ennuis à la famille princière et l’Etat qui ne fait rien alors que Haya aurait pu être récupérée au Liban… Mais qu’est-ce que la vie d’une jeune femme et l’avenir d’une petite fille face aux accords juteux que notre pays ne cesse de signer avec un pays qui bafoue sans cesse les droits dont nous sommes censés être les pères fondateurs ?
    Malgré le décès de Candice, en 2012, sa famille continue de se battre pour le retour de Haya.

    Un extrait : Avant de vous raconter mon histoire, et celle de ma fille Haya, qui a aujourd’hui dix ans, je dois vous dire ceci : j’ai aimé follement, passionnément, l’homme dont je vais vous parler dans ce livre. Des années durant, cet amour m’a nourrie. J’ai vécu pour, et par lui. C’était un voyageur : pour être libre de le rejoindre, partout dans le monde, j’ai interrompu mes études. Afin de me rendre toujours disponible pour lui, j’ai accepté de ne pas travailler, et de dépendre de lui financièrement. Oui, j’ai aimé cet homme. Je l’ai choyé, j’ai voulu être pour lui une amante, une amie, une sœur. Pour le garder, par peur de le perdre, j’ai accepté des choses que je ne me serais jamais cru capable d’accepter. Cet homme aussi m’a profondément aimée, aujourd’hui encore j’en suis persuadée. Il m’a donné le plus beau des cadeaux : ma fille.
    Puis il me l’a reprise.
    J’étais très jeune lorsque je l’ai rencontré, je n’avais pas encore vingt ans. Plus une adolescente, pas tout à fait une adulte. Est-ce une excuse pour avoir été aussi crédule ? J’aimerais croire que oui, ainsi culpabiliserais-je moins. Ainsi comprendriez-vous mieux les lourdes erreurs que j’ai pu commettre. Au fil de ces pages, à un moment ou à un autre, vous allez me trouver bien naïve. Peut-être même stupide. Vous vous direz que j’avais perdu tout jugement. Certains me reprocheront de m’être laissée humilier, d’autres de n’avoir pas mieux protégé ma fille, d’autres enfin se diront même, peut-être, que j’ai mérité ce qui m’est arrivé. Tous ces reproches, je me les suis déjà maintes et maintes fois adressés. La culpabilité m’a longtemps habitée, mais l’énergie dont je dois faire preuve quotidiennement pour me battre est trop précieuse pour que je la gaspille. Aujourd’hui, mon seul but est de retrouver enfin mon enfant : elle m’a été enlevée il y a déjà trois ans.