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Partenariat - Page 8

  • [Livre] J'ai rencontré Victor-Terreur

    Quand on vous dit qu'il ne faut pas faire de stop!

    Je remercie les éditions « Mon petit éditeur » pour cette lecture

     

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    Résumé : C'est l'histoire d'un dernier lieu où une improbable litanie d'individus est venue solder ses comptes. Marc est l'un d'eux. Scénariste pour séries télé, il croise, huit ans après l'avoir vu abattre deux hommes, celui qu'il a surnommé Victor-Terreur. 
    Condamné à fuir, courant dans Paris, Marc tombe sur une affichette qui lui soumet l'idée de se faire passer pour un pasteur au sein d'une clinique Évangélique. 
    Marc, y voit là le moyen d'échapper à cet homme et un clin d'œil surgi de l'enfance. Il accepte l'étrange proposition et débarque dans une curieuse clinique située à tout juste dix km du village où sa mère et sa grand-mère ont trouvé la mort six ans plus tôt, dans un étrange accident de voiture en bordure de Loire. 
    Dans cette demeure, Marc va, au détour des couloirs, croiser d'improbables personnages. La femme à la double vue, la fille à l'œil de verre, l'infirmière décolletée, la chanteuse de comptine, l'artiste peintre, l'archer, l'improbable neveu, le tueur retraité, l'alpiniste soupçonneux, et puis l'enfant qui ne dormait pas. Lui qui croyait échapper à son passé et à la peur, va finalement rencontrer un truc inimaginable, inintelligible et dingue.

    Auteur : Laurent Bernard

    Edition : Mon petit éditeur

    Genre : Thriller

    Date de parution : 2013

    Prix moyen : 19€

    Mon avis : L’idée de départ est intéressante dans ce livre, l’écriture est agréable bien que le découpage en longs paragraphes plutôt qu’en chapitres soit inhabituel.
    Tout était réuni pour que le livre soit génial, et, comme on dit, il se laisse lire. Mais quelque chose me chiffonnait et j’ai mis un bon moment à mettre le doigt dessus et cela tient en une phrase : trop de coïncidences tue la coïncidence.
    C’est exactement cela, il y a trop de coïncidences à un point de cela devient invraisemblable.
    Bon, 8 ans plus tôt, le narrateur, Marc, se fait prendre en autostop sur la route de Carcassonne. Mauvais endroit, mauvais moment, mauvaise personne, il se retrouve complice et témoin d’un double meurtre assorti de cette menace : si je te revois un jour, je te tue.
    Jusque là, ok, il faut bien un commencement.
    8 ans passent et, en sortant du bureau de son patron, paf, voilà-t-il pas que Marc tombe nez à nez avec le même sale type qui bien sûr le reconnait tout de suite.
    Suite à un certain nombre événements, Marc se fait passer pour un pasteur, quitte Paris, et va s’enterrer dans une clinique au fin fond de la Drôme… Et là re Paf, il se trouve que le tueur a des connaissances dans cette même clinique, est responsable d'événements dont Marc n’avait pas connaissance mais qui le touchent de près…
    Bref, trop de coïncidences pour être crédible. La fin aussi est complètement inimaginable. Les événements du dernier chapitre sont comme effacés, comme s’il ne s’était rien passé, ce qui est plus qu’improbable.
    Bref, ce qui domine ce livre c’est l’invraisemblance et une invraisemblance que je n’ai même pas rencontré dans des romans de fantasy (qui pourtant pourraient se le permettre).
    Cela a quelque peu gâché le plaisir de la lecture. J’aurais préféré une traque en bonne et due forme. Une raison plausible de l’arrivée du tueur dans ce village perdu (travail de recherche, intimidation, voire torture de l’entourage…).
    Ici rien n’est expliqué, rien ne se finit vraiment.

     

    Un extrait : Il y a huit ans, j’en avais 22, nous venions de gagner une coupe du monde, et durant ce même été, j’avais fait un truc qu’il ne fallait pas parce que j’avais été là où il ne fallait pas.
    Et aujourd’hui que je suis assis dans un compartiment de train face à un homme d’église, je ne peux m’empêcher de penser que la vie a le chic pour que ce qui était prévisible n’arrive jamais.

     

    Je monte dans une BMW grise, 22 degrés

    Lorsque la voiture s’était arrêtée au bord de la route, j’avais été soulagé. La première chose que je remarquai fut que vu le modèle, il devait y avoir la clim à l’intérieur. Une belle berline, classique, une marque allemande, gris métallisé. Je marchais déjà depuis un bon moment, depuis le matin très tôt, avec un sac à dos bien chargé et ce depuis trois semaines. Et comme tous les jours, arrivé le cœur de l’après-midi je crevais de chaud et je commençais à en avoir marre.
    Le type au volant allait certainement m’avancer plus vite qu’à pied. Peut-être pas jusqu’à Carcassonne mais m’avancer quand même.

    — Merci de vous arrêter, lui dis-je une fois sa voiture garée sur le bas-côté.

    — Pas de souci, montez, me répondit-il.

    L’homme, la quarantaine, un polo bleu uni, une veste légère posée sur son dossier, semblait en pleine forme. Un corps alerte, fort, une fine barbe soignée et un visage sec qu’on pouvait associer à ces écrivains aventuriers du début du XXe siècle.

     

    Et l’aventure se dessinait sur ses avant-bras. Un bronzage net, des muscles saillants et deux cicatrices qui laissaient imaginer des coups de couteaux.
    Alors que je montais dans sa voiture, l’homme me délivra un sourire que je jugeai à la fois bienveillant, apaisant et en même temps intimidant.
    Il était d’autant plus impressionnant qu’il semblait l’ignorer. Lui et sa voiture étaient impeccables mais n’avaient pas l’air totalement à leur place sur cette route.
    Je fis gaffe à ne rien salir et déposai mon sac à l’arrière. L’homme enclencha la première. Il y avait la clim, 22 degrés.

    — Qu’est-ce que vous faites sur cette route, me demanda-t-il après quelques secondes.

    — Je parcours le GR de château en château depuis maintenant trois semaines.

    — Super, beau projet, et vous allez où comme ça ?

    — Idéalement jusqu’à Carcassonne si cela vous est possible.

    — Oui, mais pourquoi remonter aussi haut et aussi vite ?

    — Je commence à trouver le temps long, trois semaines, et puis j’ai envie de rentrer.

    — Et où ça ?

    — Paris, et puis de toute façon la rentrée approche.

    — Vous êtes étudiant ?

    — Oui, en fac de lettres.

    Le type sourit.

    — Moi aussi j’aurais bien aimé faire des études de lettres, ajouta-t-il.

    — Oh, pas de regrets à avoir, ça sert à rien.

    — Pas sûr puisque vous êtes là.

    C’est alors moi qui souris. Puis l’homme introduisit un disque dans son autoradio. The Band, Long Black Veil. Je connaissais le groupe et le morceau, des héros de mon père. Il était parti quand j’avais dix ans, une drôle de maladie, me laissant ses disques et le souvenir de deux parties de chasse alors qu’il n’aimait pas ça. Le type tapotait sur son volant. 

     

  • [Livre] Constance et séduction

    Un remake de Raison et Sentiments à l'époque moderne

    Je remercie les éditions Artalys pour cette lecture

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    Résumé : Après le décès de leur père, Isobel et Helen Westlake sont forcées d’abandonner la demeure dans laquelle elles ont grandi et déménagent à Chester dans le nord de l’Angleterre. Tandis qu’Isobel entretient une relation amicale avec Adam, tout en tentant de mener sa carrière et de veiller sur sa cadette, Helen fait la connaissance du flamboyant Oliver Vane… Amour, frustration et surtout vérités cachées sont au rendez-vous de cette réécriture moderne de « Raison et sentiments » de Jane Austen.

    Auteur : Jess Swann

    Edition : Artalys

     

    Genre : Romance

     

    Date de parution : 14 février 2014

     

    Prix moyen : 19,80€

     

    Mon avis : Comment deux livres peuvent-ils être à la fois si semblables et si différents ? Tout y est le frère et la belle-sœur qui ne pensent qu’à l’argent et qui les jettent hors de chez elles, l’amoureux qui se voit obligé de rompre par honneur, la vieille matriarche imbuvable, les voisins excentriques et envahissants ne connaissant aucune limite et aucune discrétion, le tombeur, l’ami réservé…
    Et bien sûr les deux sœurs, Isobel la sage et réservée (Elinor dans le roman de Jane Austen) et Helen, impulsive et passionnée (Marianne).
    Au fil de ma lecture, j’ai retrouvé tous les éléments de « raisons et sentiments » sans que ce soit tout à fait les mêmes. L’auteur a réussi à reprendre quasiment d’un bout à l’autre le roman de Jane Austen et à lui donner une toute autre saveur en l’adaptant à notre époque. La technologie, des convenances différentes, cela n’a l’air de rien, mais change tout l’environnement de l’histoire.
    La mère et la sœur cadette du roman original ont été supprimées (elles ne faisaient que de la figuration de toute façon). La sœur aînée, Isobel, travaille, tandis que la cadette, Helen va à la fac.
    Là où Elinor et Marianne étaient bien contentes d’avoir des gens « respectables » à rencontrer et chez qui se rendre, Isobel regrette cette routine qui s’installe et aimerait sortir, rencontrer des gens, visiter des expositions, toutes choses qui auraient été impensables pour une jeune fille célibataire du 19ème siècle sans chaperon.
    Jess Swann a su adapter l’univers de Jane Austen à l’évolution des mœurs tout en gardant un coté guindé pour ceux issus de la « haute société » ou qui croient l’être simplement parce qu’ils ont une certaine fortune.
    Bien que je n’en aie pas encore lu, je sais que les romans de Jane Austen sont une véritable manne pour la folie de la réadaptation et réécriture de romans. J’ai vu passer une flopée de titres de cet auteur, légèrement modifiés et intégrant de nouveaux éléments (comme des zombies pour l’un d’eux me semble-t-il). Je n’ai jamais accroché avec l’idée, me disant que c’était ni plus, ni moins que du plagiat avec l’ajout d’un élément pour avoir l’air original.
    Mais j’ai été agréablement surprise par cette lecture. Le travail pour transposer toute cette histoire à notre époque (avec règles de succession modernes, règles des parts dans les sociétés) a été admirablement conduit.
    Le frère d’Isobel et Helen est plus présent que dans le roman original. Mais là où, dans « raison et sentiments » il n’est qu’un faible, qui n’ose pas « désobéir » à sa rapace de femme, au fil de « constance et séduction » on voit bien qu’il n’a rien à envier à son épouse, il est tout aussi pingre, hypocrite et mesquin qu’elle.
    Ce livre m’a réconciliée avec le genre et peut être que je tenterai de lire d’autres adaptations modernes ou fantasy des romans de Jane Austen en espérant qu’ils auront la même qualité que celui-ci.



    Un extrait : Le lendemain, Helen allait un peu mieux. Le fait de retrouver le cadre familier de notre maison y était sans doute pour beaucoup et je me réjouis de la voir manger avec appétit. À vingt ans, elle était trop jeune pour déprimer bien longtemps. Lauren et Lowell nous rejoignirent dans la salle à manger. Une angoisse sourde monta en moi devant la mine piteuse de notre frère et l’air triomphant de sa femme.

    « Isobel, Helen, quand vous aurez terminé votre petit-déjeuner, j’aimerais vous parler de l’avenir, déclara pompeusement Lowell.

    — Déjà ! s’exclama Helen. Mais, on vient à peine d’enterrer papa », acheva-t-elle d’une voix misérable.

    Je lui pressai la main tandis que Lauren lui lançait un regard glacial.

    « Nous avons des dispositions à prendre, Helen. De plus, Isobel et toi, vous n’êtes plus des petites filles et il serait temps que vous commenciez à agir en adultes. »

    Les épaules d’Helen se raidirent et j’intervins précipitamment pour ne pas laisser ma sœur répondre avec son impulsivité coutumière.

    « Tu as raison, Lauren. Plus vite nous aurons cette conversation, mieux ce sera. »

    Ma belle-sœur secoua ses cheveux éclaircis à grands renforts de teinture et m’adressa un regard aussi bleu que froid.

    « Nous vous attendrons dans la bibliothèque. »

    Je me contentai de hocher la tête tandis qu’ils nous laissaient seules.

    Helen me regarda d’un air furibond.

    « Pour qui elle se prend ? De quel droit nous donne-t-elle des ordres dans notre propre maison ? »

    Je m’efforçai de la calmer et lui masquai mes propres inquiétudes. Notre maison était en fait celle de la première femme de papa et, au vu du sourire de Lauren, je commençai à appréhender sérieusement la conversation que nous allions avoir.

     

    Lorsque nous rejoignîmes Lowell et Lauren dans la bibliothèque, ils étaient en pleine conversation et j’eus à peine le temps de saisir les derniers mots de ma belle-sœur : « Allons, c’est beaucoup trop, pense à notre petit Eddie », avant qu’elle ne s’aperçoive de notre présence. Je les regardais avec circonspection tandis qu’Helen, imperméable à tout ce qui n’était pas notre chagrin commun, se laissait tomber dans le fauteuil le plus proche.

    « Tu t’es assis à la place de papa », gronda-t-elle Lowell.

    Notre frère ébaucha le geste de se lever avant de se raviser. À la place, il se tourna vers sa femme.

    « Va installer Edward devant la télé puis rejoins-nous, chérie. »

    Lauren et notre neveu sortis, un silence lourd s’installa. J’en profitai pour observer cet étranger qu’était notre demi-frère.

    Les années n’avaient pas été clémentes avec lui. Le jeune homme élancé de mes souvenirs avait été remplacé par un homme à la taille épaissie et à l’expression sérieuse dans lequel je peinai à trouver un air de famille. Son embarras était palpable, ce qui me fit redouter d’autant plus la conversation qui allait suivre. Lauren nous rejoignit enfin et, après s’être inutilement éclairci la gorge, Lowell prit la parole d’un ton pompeux :

    « Comme vous le savez toutes les deux, j’ai pu prendre connaissance hier du testament de notre père et…

    — Quelle importance, le testament ! le coupa Helen. Nous avons bien le temps de penser à ces choses-là ! Papa vient à peine de nous quitter…

    — Ce n’est pas une raison pour ne rien faire », la reprit sans douceur Lauren.

    Je me tournai vers notre frère et intervint avec calme :

    « Lauren a raison. Continue, Lowell. »

    Il m’adressa un coup d’œil de gratitude puis reprit :

    « Comme vous le savez, cette maison ainsi que Westlake Agro appartenaient à ma mère. Papa a gardé l’usufruit de la maison et s’est chargé de l’entreprise après sa mort, mais il a toujours été entendu que tout ceci reviendrait un jour à ses héritiers. »

    Mon angoisse augmenta.

    « Je ne comprends pas, Lowell, intervint Helen d’une voix aigüe. Qu’est-ce que tu veux dire ? »

    Notre frère baissa les yeux et Lauren intervint :

    « C’est simple : cette maison, ainsi que l’entreprise familiale, sont désormais la propriété de Lowell, nous asséna-t-elle sans la moindre douceur.

    — Bien entendu, vous pouvez rester ici jusqu’à la fin de l’été, précisa notre frère. Je pense que les six prochaines semaines vous suffiront pour trouver un nouveau logement. »

    Mon cœur s’alourdit à la pensée qu’ils venaient bel et bien de nous jeter dehors et je me forçai à répondre d’une voix ferme :

    « En effet, c’est tout à fait faisable. »

    Lauren m’adressa un petit sourire supérieur tandis qu’Helen protestait :

    « Mais… Nous avons toujours vécu ici !

    — Et vous avez largement profité de l’héritage de la mère de Lowell, rétorqua Lauren.

    — Nous aimerions pouvoir vous garder près de nous, tempéra notre frère à nouveau. Mais c’est impossible. Nous avons prévu de nombreux travaux dans la maison et le bruit des ouvriers n’est pas l’idéal pour étudier, Helen. »

    Sa tentative tomba à plat et il reprit au bout d’un long silence :

    « Par ailleurs, vous n’êtes pas sans ressources. Papa a contracté une assurance vie à votre bénéfice, ce qui vous donnera de quoi subvenir à vos besoins comme vous pouvez le voir sur ce document », annonça-t-il en poussant une enveloppe vers nous.

    Helen détourna la tête avec une grimace horrifiée, quant à moi, je me refusai à en prendre connaissance devant eux. Lowell attendit quelques instants puis, voyant qu’aucune de nous ne paraissait décidée à l’ouvrir, il continua :

     « Je sais que c’est un grand bouleversement pour vous et j’aimerais pouvoir vous aider plus mais, malheureusement, la situation de l’entreprise est difficile et je ne suis pas en mesure de vous assister financièrement. »

    Lowell se tourna vers moi, le regard fuyant.

    « Isobel, je sais que papa t’avait promis une place dans la société mais pour l’instant, notre équipe de juriste est au complet.

    — Je comprends », lui assurai-je par automatisme.

    Une expression soulagée sur le visage, notre frère se redressa légèrement.

    « N’hésitez pas à me demander conseil ou de l’aide pour votre déménagement. Je ferai mon possible pour vous faciliter les choses. Après tout, vous êtes mes petites sœurs », finit-il avec un sourire.

    Estomaquée, je ne trouvai rien à répondre. Lauren reprit alors la parole :

    « Ne vous en faites pas. Comme vient de vous l’expliquer Lowell, votre père a été très généreux en faisant de vous les deux seules bénéficiaires de son assurance vie, déclara-t-elle avec une pointe d’acidité avant de se tourner vers moi. Isobel, si ça ne te dérange pas trop, on aimerait que tu libères ta chambre. Eddie la veut et on souhaiterait commencer les travaux le plus rapidement possible pour qu’il puisse s’y installer. Tu peux mettre tes affaires dans une des chambres d’amis en attendant. »

    Helen écarquilla les yeux mais je ne lui laissai pas le temps de protester. Lowell et Lauren étaient chez eux désormais et, comme je devrais de toute manière déménager, il était inutile d’envenimer la situation.

    « Je m’en occupe très vite. »

    Ma belle-sœur m’adressa un regard méprisant.

    « Autant faire ça aujourd’hui, la femme de ménage va t’aider. »

    Je n’arrivai pas à le croire. Comment Lowell pouvait-il la laisser agir ainsi après avoir promis à papa sur son lit d’hôpital qu’il veillerait sur nous ? Je cherchai à croiser les yeux de mon frère mais il évita mon regard.

    « Si ça ne te dérange pas trop, Isobel, ce serait gentil de ta part… Eddie adore la vue que tu as. »

    O.K., inutile de chercher de l’aide dans cette direction. Je m’en doutais déjà mais cela ne faisait que confirmer. Mes yeux s’embuèrent à la pensée de devoir abandonner la chambre dans laquelle j’avais grandi mais je me raisonnai : après tout, j’avais vingt-cinq ans et il était temps que je trace mon propre chemin.

     

  • [Livre] Maximilienne Carpentier: journal intime

    Quand une jeune femme qui ne connaît rien à la vie va devoir défendre la sienne

    Je remercie les éditions « Mon petit éditeur » pour cette lecture

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    Résumé originel : Suite à la mort de ses parents sur leur demeure en plein océan, Maximilienne Carpentier se retrouve face au plus fondamental des besoins - la survie. Débarque alors un étranger qui envahit son île et s'empare de son cœur.
    Candide et vulnérable, Maximilienne se donne corps et âme à celui qui semble prêt à lui venir en aide, avant de se rendre compte que les apparences sont parfois trompeuses. Exposée pour la première fois aux rouages compliqués de la vie, l'héritière apprend à ses dépens la folie de son engagement hâtif.(a quel point celle-ci peut être impitoyable)
    Cependant les dés sont jetés, et tandis qu'un mal plus grand encore (que le danger) se profile à l'horizon, Maximilienne se retrouve poussée à des extrêmes dont elle ne se serait jamais crue capable, engagée dans une lutte désespérée pour sauver son héritage et sa peau.
    Qui était cette femme étrange? Où se trouve l'île dont elle parle? S'est-elle débarrassée de ses ennemis de la manière dont elle le dit? Qui est le mystérieux Claude Besson, son prétendu secours en temps de difficulté? Qu'en est-il du titre royal auquel elle fait allusion, et de son affirmation que Charles VII de France ratifia le précieux document?
    Si certains détails s'attardent résolument dans l'instabilité des turbulences politiques du XIXe siècle, Maximilienne Carpentier n'en reste pas moins un des personnages les plus insaisissables et énigmatiques de l'histoire européenne récente.


    Résumé que j’aurais mis : Suite à la mort de ses parents sur leur demeure en plein océan, Maximilienne Carpentier se retrouve face au plus fondamental des besoins - la survie. Exposée pour la première fois aux rouages compliqués de la vie, l'héritière apprend à ses dépens à quel point celle-ci peut être impitoyable.

    Cependant les dés sont jetés, et tandis quele dangerse profile à l'horizon, Maximilienne se retrouve poussée à des extrêmes dont elle ne se serait jamais crue capable, engagée dans une lutte désespérée pour sauver son héritage et sa peau

    Auteur : John Allen

    Edition : Mon petit éditeur

    Genre : Inclassable

    Date de parution : 2013

    Prix moyen : 20€

    Mon avis : Alors tout d’abord laissez-moi vous dire que le proverbe est vrai : « Il ne faut jamais juger un livre à sa couverture ». Non parce que le problème de ce livre, c’est que la couverture est trop sobre. 
    Alors on tourne on vire, on lit le quatrième de couverture. Mouais ça a l’air pas mal… On le repose…On regarde avec envie le tome 7 d’une série dont on attendait la sortie depuis un bail…

    Et puis au bout d’un moment, je me suis dis : « bon ça suffit Selene ! Ils ont eu la gentillesse de t’envoyer ce livre alors tu te mets un coup de pied aux fesses, tu poses ta série, elle ne va pas s’envoler, et tu LIS CE LIVRE !!!! »
    (Bizarrement quand je m’engueule moi-même la voix dans ma tête est celle de ma mère…allez comprendre).
    Bref, donc je lis. La première page…
    Et bien merci « mon petit éditeur » ! J’ai éteins la lumière à 3h du matin !!! Si je suis bonne à rien aujourd’hui, je n’hésiterais pas à vous jeter en pâture aux loups affamés pour leur dire pourquoi j’ai pas dormi !
    Ce livre est fantastique. Il n’y a qu’un seul petit bémol. On commence par le bémol ? Allez comme ça on s’en débarrasse.
    Je n’ai pas vu de mention d’un quelconque traducteur (ou traductrice) donc j’en déduis que l’auteur a écrit directement en français ou a traduit lui-même son œuvre. Or le monsieur est d’origine anglaise. Ce qu’il fait qu’il y a parfois des tournures de phrases, un peu de syntaxe, voire des mots qui ne sonnent pas très bien. (Par exemple, il utilise à un moment le mot évidence, au lieu du mot preuve…ben oui « evidence » en anglais, c’est « preuve » chez nous). Mais franchement, c’est très dispersé dans le roman et ça n’empêche pas la compréhension du texte (Et j’aimerais écrire anglais comme il écrit français !!).
    On oublie très vite qu’il s’agit d’un journal intime car il n’y a aucune mention de date, comme en général dans ce genre de style ce qui ne m’a gênée, au contraire. Il n’y a qu’à la fin, ou les « écrits » sont plus courts, plus hachés que l’on retrouve le style « journal intime.
    Ce n’est en fait pas vraiment un journal intime en ce sens où la narratrice n’écrit au jour le jour qu’à la fin du livre, après avoir écris tous les événements qui se sont déroulés en une fois, comme des mémoires.

    Le début est un peu lent, mais le rythme s’accélère très vite pour devenir effréné jusqu’à la conclusion.

    Ah si il y a un second petit bémol, mais qui n’est pas dû au livre lui-même mais au quatrième de couverture. Il en dit un peu trop. En haut de page, une fois n’est pas coutume, j’ai mis le résumé que j’aurais mis. J’ai repris les termes du résumé originel mais j’ai enlevé ce qui, selon moi, en dévoile trop sur l’intrigue. C’est bien plus agréable d’être surpris que de s’attendre aux événements !

    Mais ce livre reste quand même un excellent livre.


    Un extrait 
    : ELLE REPOSE COMME un bijou sous le soleil de l’après-midi, à bonne distance d’une chaîne d’îles plus importantes, dont aucune (d’après mon père) n’est aussi belle. Sur son pourtour poussent des petits buissons, et vers son sommet, un sous-bois et des arbres fruitiers. Sur ses pentes inférieures, là où vagabondent les chèvres sauvages, s’épanouit une abondance de palmiers cocotiers et dattiers. Du côté le plus à l’ouest on trouve quantité de bananes et de mangues qui ne demandent qu’à être cueillies. De nombreux sentiers battus relient les différents points de l’île, surtout ceux où je me rends fréquemment lors de mes promenades le long des sources qui courent de la paroi rocheuse de la cascade jusqu’à la mer. C’est là que l’eau limpide finit par disparaître, se jetant telle une offrande dans l’Atlantique salé.

    Quand j’étais enfant, cela me faisait peine de voir l’eau douce se perdre ainsi, mais mon père se riait de mes larmes, affirmant que seul un tremblement de terre pourrait tarir la source.

    — Qu’importe alors qu’elle se jette sans cesse dans la mer ? me disait-il. Tu ne peux te servir de toute cette eau de toute façon, et comme moi et ta mère, elle te reste fidèle, mon enfant, et toujours là.

    Il passait alors ses grandes mains doucement dans ma chevelure, expliquant que l’eau provenait du plus profond de la terre, et qu’elle jaillissait ainsi depuis des milliers d’années.

    — Il paraît que beaucoup de gens ont cherché à s’installer ici, me dit-il une fois, mais malgré leur désir de manger dattes et mangues et de pêcher le mérou et la dorée dans la baie, il n’y avait pas d’eau douce à part l’eau de pluie, alors leur espoir de résidence permanente se trouva contrarié. C’est ainsi que mon ancêtre parvint à obtenir l’île assez facilement car, sans source, elle était considérée sans valeur.

    — Mais alors comment l’eau est-elle apparue ?

    — Ah ! Il y eut un tremblement de terre sous la mer, dans les profondeurs de l’océan, et s’il provoqua sans doute d’importants ravages ailleurs, sur cette petite terre, il fit craquer les roches juste assez pour libérer la source alimentant ce qui est aujourd’hui ta cascade.

    Il tendit le doigt vers l’horizon lointain au nord, où les îles plus grandes formaient une ligne sombre et souvent brumeuse.

    — Regarde Fogo, ma chère petite. C’est un ancien volcan, mais de temps en temps il nous secoue encore avec ses grondements. En 1857, à peine deux ans après notre arrivée, il jeta de la roche en fusion suffisamment haut pour qu’on l’aperçoive même de cette distance.

    La mémoire de l’événement amena un sourire à ses lèvres.

    — La nuit, et pendant des semaines, Maximilienne, le ciel rougeoya. Quel spectacle ce fut.

    — Alors, Fogo est dangereux ? demandai-je, les yeux grands ouverts.

    — Seulement pour ceux qui sont tout près, m’assura-t-il, prenant ma main dans la sienne.

    Alors son visage se fit grave.

    — Méfie-toi plutôt des gens, ma petite, car ceux qui veulent cette île pourraient bien venir ici un jour afin de s’en emparer, et là se trouve le véritable danger. Alors profite de tout ce qui t’appartient tant que tu l’as, et ne t’inquiète pas du tarissement des sources. Il y a dans la vie des soucis de plus grande importance.

    C’est mon père qui, au lendemain de mon quinzième anniversaire, me fit savoir que cette île m’appartenait en héritage, et il avait l’air très solennel lorsqu’il m’en expliqua les implications légales. Puis il me montra des papiers qu’il conservait, depuis des années semblait-il, dans une vieille boîte en fer reposant au bas de l’armoire de leur chambre.

    — Nous gardons ces papiers sous verrou, mon enfant, avait-il prévenu, car cette île est ton héritage, comme elle le fut de mes propres parents, et ceci est probablement le seul document légal de la transaction encore en existence.

    Avec ces paroles, il pausa la main tendrement sur la cassette en métal.

    — La Révolution a beaucoup détruit, mais tout ce dont tu auras jamais besoin est sous ce couvercle. Souviens-toi de cela, et ne néglige jamais ce qui t’appartient. Tiens, regarde le titre de propriété.

    Je ne savais que dire, alors j’ai serré mon père dans mes bras, puis je me suis emparée des papiers et suis partie embrasser ma mère. Elle comprenait ce qui se passait bien sûr, comme elle savait toujours tout, et elle sourit tendrement à mon innocence.

    — Prends-en bien soin, dit-elle.

    — Quoi ? dis-je en fronçant les sourcils. Cette liasse de papiers ?

    — Pas que cela, ajouta-t-elle en riant. L’île, voyons. Elle est à toi, ne comprends-tu pas, et tu peux la détruire plus facilement qu’il n’y paraît. Fais attention à ce que tu plantes, et à quel endroit. C’est une question de gestion, ma petite. Bon, veux-tu me passer cette casserole sur l’étagère. Ton père a faim.

     

  • [Livre] Dans la peau de Marie Stuart

    Saut temporel, folie ou machination ?

    Je remercie les éditions Artalys pour cette lecture

     

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    Résumé : Jeune Anglaise frivole, Susan ne s’intéresse guère à l’histoire de son pays, contrairement à son fiancé James. Mais le décès d’un oncle la propulse dans un cottage des bords du Loch Leven, où Marie Stuart avait été emprisonnée en 1567. Elle se découvre de surprenantes affinités avec la reine déchue, tandis que flotte sur elle l’ombre de la mystérieuse et antipathique Moïra Mac Grégor, ancienne gouvernante de son oncle. Et son voyage en Écosse se transforme en un saut temporel totalement inattendu.

    Auteur : Marie Laurent

    Edition : Artalys


    Genre : Inclassable


    Date de parution : 16 décembre 2013


    Prix moyen : 1,99€


    Mon avis : Une petite nouvelle de 54 pages agréable à lire. Ici, l’auteur va droit l’essentiel. Dès les premières pages le décor est planté. On souligne la ressemblance physique de Susan et Marie Stuart et on explique pourquoi elle et son fiancé se rendent en Ecosse.

    Le malaise s’installe dès le second jour en Ecosse, quand ils visitent le Loch Leven. Puis le saut temporel a lieu.
    Celui-ci se termine très vite (ben oui, 54 pages) et une explication est donnée. Une explication qui est assez logique avec un peu d’imagination. C’est plausible et inattendu.

    Je ne m’attendais pas à cette explication là, j’ai vraiment été surprise !

    Le style est direct, il n’est pas alambiqué et, après avoir lu des livres qui font des détours incroyables pour aller de A à B, j’ai apprécié d’avoir l’impression que l’auteur savait exactement où elle allait.
    Contrairement à beaucoup de nouvelles, celle-ci est parfaitement dosée. Il n’y a pas une histoire qui s’étire en « longueur » pour ensuite rapidement bâcler la fin.

    Ici, chaque partie de l’histoire est dosée en fonction de l’importance que l’auteur semble vouloir lui donner et l’ensemble apparaît assez harmonieux.
    C’est une lecture sympathique quand on veut faire une petite pause entre deux pavés.


    Un extrait : Ils se mirent en quête du jeune Mac Grégor et le trouvèrent en train de ravauder ses filets. Âgé d’une vingtaine d’années, les cheveux blond paille, le visage constellé de taches de son, Will ne ressemblait pas à sa mère. Ses yeux bleus se posèrent sur Susan avec une admiration dont elle avait l’habitude. James ne s’en formalisa pas. Il était davantage préoccupé par l’état de la barque.

    « Elle est petite, mais robuste, se défendit le garçon. C’est sur un esquif de ce genre que notre pauvre reine s’est évadée, avec la complicité de ses gardiens.

    — Mais elle a été reprise, signala James, et son armée défaite à Langside.

    — Vous connaissez son histoire, je vois. Ça fait des siècles que Kinross en vit. Ici, on compte plus de boutiques de souvenirs que de pubs. »

    Tout en ramant, il leur conta quelques anecdotes relatives au séjour forcé de Mary à Loch Leven, sans quitter Susan du regard. Celle-ci l’écoutait à peine tandis que James était suspendu à ses lèvres. Ces vieux récits la rasaient ; en plus, elle avait envie de vomir. Ce doit être le mal de mer, pensa-t-elle. Bizarre sur des eaux dormantes. Au fur à mesure qu’ils s’approchaient de l’île, ses nausées s’amplifièrent. James ne s’était aperçu de rien, il discutait avec Will avec animation.

    Le jeune homme amarra la barque à un ponton, presque au pied du château. De l’ancien mur d’enceinte, il ne restait plus qu’un talus de terre. Susan et James le gravirent et se retrouvèrent dans une cour rectangulaire, envahie par les herbes folles. Des deux côtés de la cour, des pans de murs dévorés par le lierre. Le donjon que Susan avait aperçu de la chambre occupait un coin ; il avait encore fière allure bien que dépourvu de toit. À l’opposé, se dressait une tour ronde, mieux conservée en apparence.

    « C’est ici que logeait la reine, expliqua James. Je vais voir si l’escalier est assez solide pour nous supporter.

    — Comme tu veux. Je ne bouge pas d’ici. Fais quand même attention ! Ces marches vermoulues sont traîtres. »

    La perspective d’être enfermée dans cet endroit humide ne tentait guère Susan. Ses nausées avaient diminué, mais pas complètement cessé. Elle s’assit sur une pierre tiédie par le soleil et ferma les yeux. Une force qui la dépassait l’obligea à les rouvrir. Son regard fut attiré par une autre pierre, contiguë à celle où elle avait pris place. Large et plate, d’une forme régulière. Ça ressemblait à une stèle. Intriguée, elle écarta les fougères qui la recouvraient presque entièrement. Des inscriptions en latin apparurent. Susan regretta d’avoir séché ce cours. Elle guetta le retour de James qui ne tarda pas à revenir.

    « Impossible de monter à l’étage, annonça-t-il, dépité. Une marche sur deux est cassée.

    — J’ai découvert une tombe ; enfin, je crois. »

    James la regarda caresser la pierre d’un geste plein de tendresse. Ce geste l’étonna de la part d’un être aussi terre-à-terre que sa Susie. La magie du lieu opérait peut-être.

    « Une tombe ? s’écria-t-il. Tu es sûre ? Voyons un peu. »

    Il s’agenouilla dans l’herbe et déchiffra :

    « Mary et Elisabeth, 1567 : deux noms pour une seule date. Il doit s’agir des jumelles mort-nées de Mary Stuart. »

    Susan fut submergée par un chagrin inexplicable, comme si la brève existence de ces enfants l’avait concernée personnellement.

    « Mort-nées ? balbutia-t-elle, le cœur serré. Quelle chose affreuse ! »

    James fut une fois de plus déconcerté par sa réaction, mais l’érudit prit vite le pas sur le fiancé.

    « Oui. Au début de sa captivité, Mary a accouché de deux filles, issues de son union avec James Hepburn, comte de Bothwell, son troisième époux : un reître, brutal et sans cœur.

    — James…murmura Susan, sans cesser de fixer les deux noms gravés.

    — Oui, mon amour ? »

    Il effleura la main de Susan ; elle était glacée.

    « Tu aurais dû mettre des gants », ajouta-t-il.

    Elle s’arracha enfin à sa contemplation pour le regarder. Il fut frappé de l’expression douloureuse de ses yeux. Son joli visage semblait avoir vieilli de plusieurs années en quelques minutes. Une ride se creusait entre ses sourcils et des plis d’amertume s’esquissaient aux commissures de ses lèvres.

    « Susie, dit-il avec douceur, ces bébés sont morts depuis des siècles ; il ne reste d’eux qu’une poignée d’os. »

    Il étendit le bras pour la toucher, mais elle se leva d’un bond et recula hors de sa portée.

    « Tais-toi ! répliqua-t-elle, tu n’as pas le droit de parler ainsi de mes petites fleurs. »

    Brusquement, elle éclata en sanglots et enfouit son visage entre ses mains. James, qui ne l’avait jamais vu pleurer, la contemplait, les bras ballants, ne sachant quoi faire pour apaiser cette douleur incompréhensible.

    « Je n’aurais pas dû t’amener voir ces ruines, finit-il par dire. Ce lieu est sinistre. Allons-nous-en ! Il n’est pas trop tard pour Perth.

    — Non, restons encore un peu. Pardon, je ne sais pas ce qui m’a pris, c’est stupide. »

    Susan redressa la tête, essuya sa figure inondée de larmes avec un mouchoir en papier, puis se moucha un bon coup. James fut soulagé. Il avait de nouveau devant lui sa Susan habituelle. La ride entre les sourcils dorés avait disparu ; de même les lignes autour de la bouche dont les coins se relevaient en un faible sourire. James l’entraîna hors de la cour. Ils se promenèrent bras-dessus, bras-dessous, dans les prés entourant le château, puis à l’heure convenue, rejoignirent le jeune Will. Malgré ses craintes au sujet de Susan, James ne put se retenir d’évoquer leur découverte. Le garçon haussa les épaules :

    « Ah ! La tombe ! Les gens du pays la connaissent, mais vous êtes les premiers touristes à vous y intéresser.

    — Évidemment ! s’exclama Susan avec virulence. Si aucun guide ne la mentionne…

    — Ce n’est pas étonnant, dit James. Le fait est mineur, sans incidence sur la biographie de la reine. »

    Susan prit un air scandalisé. Ça recommence, pensa-t-il, navré, que va-t-elle me sortir, cette fois ? Mais elle ne dit rien.

     

  • [Livre] Les petites reines

    On les a élu Boudins de leur école… Elles vont en tirer avantage

    Je remercie des éditions Sarbacane pour cette lecture

     

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    Résumé : Mireille Laplanche est élue Boudin d’Or de son lycée de Bourg-en-Bresse depuis trois ans. Cependant, cette année, elle est seulement Boudin de Bronze. Heureuse déception! Elle rencontre Hakima et Astrid, respectivement Boudin d’Argent et Boudin d’Or, et les trois jeunes filles s’aperçoivent qu’elles ont quelque chose en commun. Quelque chose qu’il faut aller chercher le 14 juillet, à la garden-party du palais de l’Elysée, à Paris…
    Pour se simplifier la vie, autant y aller à vélo, en vendant du boudin, avec le grand frère vétéran de guerre d’Hakima, non?


    Auteur : Clémentine Beauvais

    Edition : Sarbacane

    Genre : Jeunesse

    Date de parution : 01 avril 2015

    Prix moyen : 15,50€

    Mon avis : Je vais rejoindre le clan de ceux qui ont aimé ce livre. Je ne me suis pas ennuyée une seconde. Dès le premier chapitre, l’humour de Mireille m’a fait rire. Elle n’a pas la langue dans sa poche et elle sait utiliser les mots à bon escient. Pour le plus grand désespoir de sa mère d’ailleurs.

    Concernant le « concours de boudin », je suis consternée par la complaisance des adultes. Entre la directrice du collège/lycée qui prétend ne rien pouvoir faire parce que cela se passe sur internet (si le petit imbécile qui a créé ce concours insultait ses profs, elle se serait sans doute empressée de réagir) et les parents de ce jeune homme qui laissent faire, comme si de rien n’était. Qu’on ne me dise pas qu’à 14 ans, on ne peut pas lui couper sa connexion, lui faire fermer une page sur les réseaux sociaux, prendre des sanctions qui lui feraient passer l’envie d’être aussi c*n !

    Mireille prend ça avec philosophie (ça doit être dans le sang, la philosophie). Astrid et Hakima, nouvelles sur cet affreux podium, le prennent nettement moins bien (bien qu’Hakima ait d’autres chats, bien plus importants, à fouetter).
    Après pour le réalisme, je reste un peu sceptique. Une semaine de vélo, en trainant une sorte de baraque à frites (assez grande pour contenir un frigo et se changer, donc qui doit pas être des plus légères), à raison d’une dizaine d’heure de vélo par jour. Et tout ça en n’ayant jamais fait de sport de leur vie et avec une petite semaine d’entrainement (2h par jour environ). Le voyage semble pourtant assez facile, à dégouter les cyclistes professionnels de s’entraîner autant !

    Cependant, elles le font, elles vont de villes en villes, en vendant leurs boudins, blanc, noir ou végétarien avec une sauce, pour financer leur voyage.
    Si au début elles font ça de manière relativement anonyme, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre et leur petit périple devient un événement : elles sont accueillies par les maires, on leur offre repas et nuitées… bref c’est (presque) la gloire.
    L’auteur a su parfaitement retranscrire la bêtise des commentaires des internautes et de certains magasines en ligne (soit ils sont vraiment stupides et ont trouvé que leur apparition dans un livre était un compliment, soit elle va se retrouver avec un procès, j’espère qu’elle a couvert ses arrières).
    A croire, franchement, qu’elle a posté un faux article et récolté les commentaires en prévision de ce livre, tant c’est proche des inepties que l’on peut lire, quelque soit le sujet d’ailleurs.

    On attend la fin du périple, le but de tout ça avec impatience. J’ai été surprise, très surprise par le « final » pour l’un des personnages ; un peu déçue par celui d’un autre tout en comprenant sa décision…

    C’était une lecture rythmée, amusante et qui, je l’espère, fera comprendre au public auquel elle est destinée que ce n’est pas parce que « ça se passe sur internet » que c’est justifiable et anodin.

    Un extrait : Philippe Dumont a toujours été profondément triste de ne pas remplir la béance qu’a creusée Klaus Von Strudel dans ma vie. Il m’emmène au cinéma, au musée et au bowling. Il m’autorise à manger de la crème de marrons directement dans le pot. Il dit : « Vois moi comme ton père, Mireille, je suis ton père ! » Moi je mets les mains devant ma bouche et je fais : « Rhôôôôph…Rhôôôôph…Je suis ton pèèèère ! » Ensuite il vitupère : « C’est ma maison ici, Mireille ! C’est mon sofa ici ! Tu vis chez moi, je te ferais dire ! » Cela n’est vrai qu’à moitié, Maman possédant la moitié de la maison, sauf qu’elle n’a pas fini de rembourser sa partie de l’emprunt (à cause de son salaire de prof bien nul) alors que Philippe est notaire et Rotarien, ce qui veut dire qu’il fait partie du Rotary.

    - C’est quoi le Rotary, Maman ?

    - C’est un club de gens comme Philippe, des gens qui ont des métiers divers, et ils se rencontrent, ils échangent sur des sujets, ils se présentent leurs enfants.

    Philippe m’emmène pour essayer de me présenter.

    - Je vous présente la fille de Patricia, Mireille.

    Les Rotariens sont en-chan-tés de serrer la main à Quasimodo au dessus d’un canapé aux œufs de saumon à la fête de Noël.
    Un jour, je devais avoir neuf ans, quelqu’un d’extraordinairement perspicace a fait remarquer :

    - Cette petite ressemble étonnamment au philosophe, vous savez, euh ?

    Là j’ai eu comme un éclair d’espoir ; j’ai regardé cet homme glabre et couperosé et je me suis répété de toutes mes forces : « Allez dis le, dis le que je ressemble à Klaus Von Strudel, sème le doute, laisse les gens recouper les dates… Peut être que si tout Bourg-en-Bresse signe une pétition à Klaus il reconnaitra que je suis sa fille ! »
    Mais au lieu de ça, une dame a répondu :

    - Jean-Paul Sartre ?

    Et l’homme a hoché la tête :

    - Oui, exactement ! Jean-Paul Sartre !

    - Ce n’est pas vraiment un compliment ! s’est esclaffée la dame.

    - Non, a admis le monsieur non sans franchise.

    Google -> Jean-Paul Sartre -> Vieillard bigleux d’une laideur abominable. Presque encore plus moche que Klaus.
    J’ai déclaré à Maman, le lendemain matin :

    - Toi, je parie que si t’avais rencontré Jean-Paul Sartre, t’aurais terminé dans son lit.

    - Tu veux une claque ?

    - Je dis juste qu’il avait l’air bien dans ton genre ! Un philosophe, révolutionnaire machin grande théorie et tout et tout… C’est un compliment Mamounette ! Pourquoi tu prends tout mal ?

    - Arrête de me manquer de respect. Je ne passe pas mon temps à coucher à gauche et à droite, avec des philosophes ou non.

    - Toute façon, je t’annonce qu’il est mort, j’ai dit. Il est mort en 1980, Jean-Paul Sartre. Et moi je suis née des dizaines de milliers d’années après, donc aucun doute, ça ne pouvait pas être mon père.

    - Je te le confirme, a grincé ma mère.

    Ensuite, j’ai chanté la marche funèbre (tam-tam-tadam-taaam-tadam-tadam-tdam) pendant un très long moment, afin de rendre hommage à la mémoire de Jean-Paul Sartre. Ca a fini par agacer Maman « Tais toi Mireille, tu nous casses les oreilles, enfin ! » Là j’ai sorti un truc qu’il fallait pas :

    - Tu sais ce qu’on a appris en Histoire-Géo, Mamounette ? Après la Deuxième Guerre Mondiale, on a tondu toutes les Françaises qui avaient couché avec des Allemands. Alors tu imagines, à quelques années près…

    Elle m’a dévisagée, on aurait juré qu’elle se repassait mentalement ce que je venais de dire sans y croire. Ca m’a fait un peu peur mais j’ai quand même ajouté, pour rire :

    - Couic ta touffe !

    Splaf la baffe.

    - Monte dans ta chambre. Je ne veux plus te voir.

     

    Je ne sais pas pourquoi j’aime à ce point exténuer ma mère. Je ne sais pas pourquoi j’ai jeté dans les toilettes tout le flacon de Flower by Kenzo , que Philippe Dumont m’avait gentiment offert pour mon anniversaire – « dis donc Mireille, tu as remercié Philippe pour le parfum qu’il t’a gentiment offert pour ton anniversaire » -, et sans tirer la chasse, histoire de bien lui faire comprendre que ses 54 euros de fragrance avaient fini dans les égouts.
    Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça.

  • [Livre] Petits paris entre ennemis

    Il n’y a pas d’âge pour être machiavélique

     Je remercie les éditions Artalys pour cette lecture

     

     

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    Résumé : Aristocrates dépravés, Agathe DuChatelet et Blaise de Brégny se préparent pour leur rentrée à l’université privée Saint-Marcus, mais avec d’autres préoccupations que leurs études. Agathe veut se venger de son ancien amant, qui compte se tourner vers la jeune Constance Chevalier. Son idée est de faire appel à Blaise pour dévergonder la jeune fille, mais celui-ci se lance un autre défi : séduire Éloïse Villiers, une roturière. Agathe ne peut ainsi compter que sur elle-même. Les paris sont lancés et le jeu pervers commence.

     

    Auteur : Camille C.

    Edition : Artalys

     

    Genre : Romance

     

    Date de parution : 19 janvier 2015

     

    Prix moyen : 1,99€

     

    Mon avis : Quand j’ai lu le résumé de « petits paris entre ennemis », je me suis dis : « hmmm un remake de « cruel intention » qui est lui-même un remake adolescent de « Valmont » et de « Les liaisons dangereuses » eux-mêmes adaptés à partir des liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos…et tout ça en 61 pages…
    Comme le disait l’éléphant dans le Tarzan de Disney : « Je nage dans un océan de perplexité ».

    Dès les premières pages, j’ai apprécié de retrouver le style épistolaire (bon ici, la correspondance se fait par mail, adolescence et modernité obligent…)
    L’histoire avance vite (ben oui 61 pages pour tout dire !) mais cela ne donne pas l’impression d’aller trop vite du fait des « coupures » qu’apportent les échanges de mails entre Agathe et Blaise.

    La fin est bien différente de celle de l’œuvre originale mais aussi bien moins dramatique. Elle m’a cependant beaucoup rappelé la fin de sexe intention 2 avec quelques modifications, mais infimes.
    Peut être est-ce une coïncidence. Il est vrai qu’on ne peut pas faire 36 000 fins différentes en se basant sur la même œuvre.
    C’était toutefois une nouvelle très agréable à lire, grâce certes à une écriture fluide et agréable mais surtout grâce à l’alternance entre le récit et les mails qu’échangent Agathe (l’avatar de Mme de Merteuil) et Blaise (celui du Vicomte de Valmont).

    La longueur était parfaite, je ne pense pas qu’il y avait matière à faire un roman de 300 pages sans tomber dans la répétition ou être à la limite du plagiat des œuvres cinématographiques citées plus haut.
    L’auteur a vraiment su trouver un équilibre entre ce qui a déjà été fait sur le sujet et sa touche personnelle.

    J’ai passé un bon moment.

    Un extrait : Où il est dit qu’il faut se méfier de la vengeance d’une femme

     

     

    Agathe DuChatelet à Blaise de Brégny

     

    27 août.

    Mon cher Blaise.

    Je suis en rage. Six ans de bons et loyaux services, six ans d’efforts, de nuits agitées. Je lui ai tout consacré et cet ingrat ose me dire qu’il ne pourra plus « me fréquenter de façon intime » ! Tu le crois ça ? Et pour qui ? Pour quoi ? Pour cette... cette chose stupide et prude qui sert de sœur à Daphné. Hugo veut Constance. Et il veut lui faire croire qu’il est devenu un saint par-dessus le marché ! Il veut être le premier à ravir cette chère petite de son univers de conte de fées et lui faire découvrir les délices du monde.

    Comme tu le sais, Daphné est mon amie, et elle se plaint si souvent de la naïveté de sa cadette que je ne pouvais que saisir l’occasion. Quelle serait la réaction de Hugo s’il apprenait qu’il fait tant d’efforts pour paraître irréprochable alors que sa proie qu’il croyait si pure et jamais foulée n’est en fait qu’une petite garce en puissance ?

    Et c’est là que tu entres en scène, mon Blaise ! Tss tss je te vois déjà fermer les paupières d’agacement. Détends-toi, je sais que tu aimes être libre de tes mouvements et ne servir aucun dessein sinon les tiens. Mais tu connais Constance, elle a tout le packaging de base que requièrent tes critères de beauté. Sans compter que d’après Daphné, les hormones commencent sévèrement à travailler sa sœur.

    Elle prend même des photos polaroid d’elle à moitié nue, obsédée qu’elle est par les changements physiques dont elle se préoccupe seulement maintenant. J’étais chez elles l’autre jour et j’en ai subtilisé une (je t’envoie ladite photo par courrier).

    Je ne t’impose donc rien mais je suis certaine que tu seras plus qu’heureux de m’aider à dévergonder cette petite sotte qui ne demande de toute manière que ça. La débaucher avant que Hugo n’y parvienne, n’est-ce pas là un challenge digne du grand de Brégny ?

    Bien, j’espère que tu auras le temps de répondre à mon e-mail avant la rentrée, je sais quel homme occupé tu es.

    À bientôt sur le campus.

    Amitiés platoniques.

    Agathe.

    PS : Tu es prié de ne pas salir la photo de la jeune Constance, je dois me débrouiller pour la remettre à sa place sans qu’elle ne s’aperçoive de sa disparition.

    PS 2 : Amitiés platoniques ? Tu y as vraiment cru ?

     

  • [Livre] Un cauchemar de voisine

    « Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés » Un adage que Colette ne semble pas connaître, au grand dam de son infortunée voisine, Christine.

    Je remercie les éditions « Mon petit éditeur » pour cette lecture

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    Résumé : Au début de l'histoire, c'était simplement V, comme Voisine. Au fil du temps, c'est devenu V, comme Visqueux, comme Venin, comme Vitriol... 
    Camille Malcotte-Gehenot a voulu narrer une histoire pénible et rocambolesque qui pourrait arriver à tout un chacun; on a vu pire. Afin de l'exorciser, elle a trempé sa plume dans un humour un peu caustique, qu'elle affectionne.

    Auteur : Camille Malcotte-Gehenot

    Edition : Mon petit éditeur

    Genre : Inclassable

    Date de parution : 06 octobre 2012

    Prix moyen : 14,25€

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce livre. Une écriture simple et directe. Une histoire tragi-comique très divertissante. On peut vraiment dire, dans ce cas là que le malheur des uns a fait, et fera le bonheur des autres (en l’occurrence des lecteurs).

    Concernant l’histoire en elle-même, cette voisine Colette est vraiment un cauchemar, le titre ne ment pas ! Elle fait partie de ces personnes que l’on adore détester.
    Mais, je n’ai pas trouvé la narratrice plus sympathique que son envahissante voisine. Dans un autre genre, c’est vrai, mais cela ne change rien.
    Je ne sais pas si cette histoire est une histoire vraie, car l’auteur emploie le mot « fiction » à un moment, et l’auteur et la narratrice n’ont pas le même prénom.

    J’ai trouvé la narratrice extrêmement snob et très similaire à celle qui l’agace : la voisine, Colette, met sans cesse en avant ses succès passés ou présents, qu’ils soient réels ou imaginaires. La narratrice elle, met sans arrêt en avant son instruction, qu’elle juge supérieure aux autres. Elle est pleine de préjugés et se montre très sévère dans ses jugements.
    Par exemple, elle parle de la pauvresse du vocabulaire de sa voisine et donne un peu plus loin comme exemple de cette pauvresse le fait que la voisine parle de « docteur » au lieu de « médecin »…
    Cela dit, on peut supposer que l’exaspération face à cette voisine très envahissante est en cause, plus que la personnalité de l’auteur, de ces réflexions.
    Cela dit je m’interroge sur un point : en prologue, l’auteur nous explique qu’elle est soulagée du déménagement de sa voisine qui était trop gentille et du coup envahissante. A présent, la voilà dotée d’une nouvelle voisine, qu’elle juge à nouveau envahissante. Ses rapports avec ses autres voisins semblent se cantonner à des bonjour-bonsoir… Ne serait-ce pas un peu de misanthropie ? Ce qu’elle appelle un envahissement n’est-il pas seulement une tentative d’avoir des rapports de bon voisinage ?

    Bon il est vrai que cette voisine là est un sacré « cas », mais lorsque cela se répète, soit on a vraiment pas de chance, soit il faut se remettre en question et se demander si on ne provoque pas, inconsciemment, l’attitude de l’autre.

    Pour moi ce livre a été un exemple typique du livre où aucun des protagonistes n’est sympathique, ils sont antipathiques à divers niveaux mais il est dur de plaindre la narratrice autant qu’il est dur de trouver des excuses à la voisine.

    En revanche, il y a bien un personnage sympathique dans ce bouquin, c’est le mari de la voisine, Jean. Le pauvre homme est un peu pris entre deux feux, entre son exaspérante épouse à qui il ne peut rien refuser, et sa personnalité : Il n’aime pas s’imposer et sa femme l’oblige à aller à l’encontre de ses principes.

    J’ai vraiment passé un bon moment à lire ce livre.

    Un extrait : À quarante-cinq ans, j’avais connu toutes sortes de voisins : des vieux mariés inséparables, des couples conflictuels, des gens sympathiques et discrets… et des envahisseurs. Pour ceux qui n’y auraient pas réfléchi, l’envahissement commence lorsque la sympathie déborde. Si l’envahissement persiste et s’amplifie, il s’apparente au harcèlement. J’en avais fait les frais !

    Au bout de trois ans, la locataire de la maison voisine venait de déménager, à mon vif soulagement. Non qu’elle fût méchante ; au contraire, elle était trop attentionnée.

    Normal ! Elle était libre comme l’air, alors que, moi, j’étais une fourmi diligente.

    Dépourvue de toute qualification, elle se laissait entretenir par son ouvrier de mari. Ils avaient une fille qui promettait de ressembler à sa mère.

    Ma voisine, Rita, vivait dans un joyeux désordre. Elle pouvait laisser se dessécher une vaisselle de deux jours, pour courir moissonner avec des copains.

    Une heureuse fille, quoi ! une bonne vivante.

    D’ailleurs, certains jours, il m’arrivait de l’envier. Elle débarquait chez moi à tout moment pour me raconter ses expéditions insouciantes, sans un regard pour la pile de dossiers qui m’attendaient sur la table. C’était Rita la meunière, un moulin à paroles. Au bout d’un long moment, la raison l’emportait sur ma stupide patience et je la priais, avec mille précautions, de me laisser travailler.

    Pas rancunière pour un sou, elle revenait le lendemain. Je suis pour la paix ; c’était sans issue.

    Vous l’aurez compris, j’avais donné. C’est à peu près à ce moment-là que je rencontrai mon compagnon, toujours d’actualité aujourd’hui.

    Depuis quelques années, j’avais perdu mon époux, après vingt ans de mariage.

    Il faut que je vous parle des deux maisons, théâtres des évènements. Toutes deux assez semblables, séparées par une ruelle, elles tournaient le dos à la rue, contrairement à toutes les autres.

    Elles avaient choisi de regarder vers le sud, pour capter le plus possible de lumière. Il est utile de le savoir, car cette posture particulière, en les isolant des autres maisons, les rapprochait, hélas !

    D’où cette connivence, souvent importune.

    Au départ de Rita, la maison fut vendue, afin d’être relouée. Quand je l’appris, j’avertis mon compagnon : « Encore de nouveaux voisins ! J’avoue que ça me fait peur. En tout cas, plus d’invasion ! Chacun chez soi. Bonjour, bonsoir, rien de plus. »

    Aurélien était de mon avis. Nous garderions les distances. Enfin, nous aurions la paix !

    Un après-midi, je vis arriver une voiture à côté de chez nous. À l’intérieur, se trouvait un couple qui attendait visiblement quelqu’un ou quelque chose.

    Cette attente dura environ un quart d’heure. L’homme sortit du véhicule et vint frapper à notre porte. La femme resta assise, l’air hautain, offusqué. « Bonjour, dit ce monsieur, aimablement, avec un fort accent de Liège. Excusez-moi, mais pourrais-je utiliser votre téléphone ? La propriétaire de la maison voisine nous avait fixé rendez-vous ; elle a presque une demi-heure de retard. C’est très joli, chez vous », ajouta-t-il, en promenant ses regards à travers la pièce.

    Je ne sais pourquoi, mais cette phrase et ce regard m’inquiétèrent. Je m’étais juré de ne plus fréquenter les voisins à venir et en voilà un, présumé, qui téléphonait chez moi !

    Bien sûr, on ne peut laisser quelqu’un dans l’embarras ; les portables n’avaient pas encore cours et c’était là un service normal.

    Après une brève conversation téléphonique, il se présenta : « Jean Durieux. »

    Il m’avisa que la propriétaire était en route et s’intéressa à nous.

    Sans raison valable, mon inquiétude s’accrut et me défendit d’inviter ces personnes à attendre chez nous.

    Bref, la tractation eut lieu et bientôt, un camion déchargea tout un mobilier ; nous avions d’autres voisins.

     

  • [Livre] Un matin différent

    Parfois la vie joue de drôles de tours. Des tours pas très sympathiques !

     Je remercie les éditions Artalys pour cette lecture

     

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    Résumé : Tout sépare la Balinaise Iluh Semarang de l’Australien William Fitzgerald. Elle est née dans la campagne indonésienne et a grandi dans la spiritualité ; il collectionne des bimbos conquises d’avance pour se livrer à la débauche. Mais ils travaillent au quatre-vingt-seizième étage de la tour nord du World Trade Center et se rencontrent.

    Touché par la grâce de la jeune femme, William parvient à gagner le cœur d’Iluh et obtient un rendez-vous dans un restaurant. C’est alors le matin du 11 septembre 2001. Minute par minute, la catastrophe approche. Il va leur rester très peu de temps pour vivre leur amour.

    À huit heures quarante-six, William revient vers Iluh après avoir rapidement parcouru la cinquantaine de mètres qui sépare son bureau de celui de son amie. La webmaster est installée au centre de la façade nord de la tour. Ils regardent tous les deux les vitres qui dominent la ville. Vingt-six secondes plus tard, l’impensable survient. Une ombre gigantesque obstrue le ciel…

    Auteur : Oksana et Gil Prou

    Edition : Artalys

    Genre : Drame

    Date de parution : 23 mars 2015

    Prix moyen : 14,90 €

    Mon avis : Ce livre est écrit dans un style qui plaira sans aucun doute à certaines personnes : Un mélange d’histoire d’amour, de drame et d’essai philosophique. Malheureusement ce n’est pas mon cas.
    Dès les premières pages du livre, je remarque que les auteurs répètent à plusieurs reprises les informations qui leur semblent importantes mais après avoir lu la moitié du roman, je pense qu’il n’était plus nécessaire de les rappeler (la date, la nationalité de la jeune femme, l’étage où ils se sont rencontrés et où ils travaillent).

    J’ai aussi été déroutée par les changements systématiques et intempestifs de temps : présent, passé simple, imparfait… J’ai trouvé la concordance des temps un peu hasardeuse et cela m’a gênée dans ma lecture, du moins au début.

    Ensuite, mais là c’est vraiment un détail, je trouve assez peu agréable de lire les dates en toutes lettres : deux mille un ; mille neuf cent quatre vingt dix huit…
    J’ai eu la sensation, avec les passages de réflexions existentielles, d’être coupée dans mon élan de lecture. Ce n’était pas forcément des passages inutiles ou inintéressants mais je les ai trouvés mal placés, le changement était trop brutal entre l’histoire et ces passages.

    Au fil de ma lecture, je n’ai pas réussi à entrer dans l’histoire à cause d’un style lourd et qui manque de fluidité. La rédaction est ampoulée et verbeuse, il est assez difficile de suivre le fil du récit.

    Ce n’est que dans le dernier paragraphe du chapitre 13 que l’histoire s’anime un peu (et pour cause…)
    Je n’ai pas compris le chapitre 14. Plutôt que de décrire la réactions des différents personnages secondaires lorsqu’ils entendent le bruit provoqué par l’avion, il ne s’arrête que sur l’ami de William, dont on a certes entendu parler mais que l’on a pas suivi un instant de tout le livre, et sur la colocataire d’Iluh, que l’on a à peine « croisée » mais dont il semble soudain important à l’auteur de nous raconter le passé. Je me suis dit, sur le moment, que ce chapitre avait sans doute sa raison d’être et que je la comprendrais dans les derniers chapitres.

    Et puis c’est fou tout ce qu’ont le temps de penser les personnages entre le moment où ils voient arriver l’avion qui se trouve à 22 mètres et avance (ce n’est pas moi qui le dis, c’est les auteurs qui le précisent) à une vitesse de 219 mètres/secondes.

    Alors il est clair que c’est voulu par les auteurs et cela montre bien le temps qui se fige pour ces personnes qui voient la mort arriver, mais je n’ai pas accroché. Il est vrai que c’est bien écrit et que le stress monte à chaque fois que l’on voit la mention de la distance qui reste à parcourir à l’avion avant l’impact (ça doit être pour ça que ça ne m’a pas plu, trop stressant, je suis une petite nature).

    Quant à la fin, elle est abrupte. Sans doute était-ce voulu par les auteurs, mais je me demande pourquoi avoir consacré un chapitre aux deux personnages secondaires si ce n’était pas pour faire un épilogue sur eux, sur leur ressenti après le drame ?

    C’est dommage ne n’avoir pas su mieux exploiter une idée qui était prometteuse. Le résumé donnait vraiment envie de lire le livre et la déception a été dure.

    En revanche, un des points forts du livre, à mon sens, c’est le vocabulaire recherché et varié que les auteurs emploient. J’ai été surprise de découvrir qu’on ne disait pas les infractuosités, comme je le croyais, mais les anfractuosités ! Comme quoi, on en apprend tous les jours sur notre langue ! 

     

    Un extrait : Planté devant la boutique de la fleuriste située au coin de sa rue, William hésite un instant. Un instant seulement car le nom de cette boutique est suffisamment évocateur : « Fleurs de feu, arbres de soie ».

    Il entre et se plante aussitôt devant la vendeuse.

    La jeune femme brune le regarde avec une mine interrogative car l’Australien semble presque fébrile. Quelques gouttelettes de sueur commencent à perler sur son front et à la lisière de ses cheveux alors que la température extérieure n’est pas encore caniculaire. Loin de là.

    « Puis-je vous aider ?

    — Oui. »

    William ne prolongeant pas sa phrase, la vendeuse insiste :

    « Vous voulez un bouquet ? Une plante d’appartement ?

    — Je veux un beau bouquet. »

    Puis, après un instant de silence, il complète :

    « Pour une femme. »

    La jeune vendeuse sourit et se dirige vers plusieurs bouquets composés, soit de roses, soit de fleurs très panachées, mais dont l’apparente fragilité semble inquiéter le spécialiste des voyages de rêves dans des contrées lointaines.

    « J’aimerais un bouquet qui tienne assez longtemps car…

    — Car ?

    — Je souhaite l’offrir à une personne qui compte beaucoup pour moi. »

    Ravie par cette confidence dont le caractère légèrement romantique l’émeut sans doute à l’orée de cette belle matinée de septembre, la vendeuse se campe alors face à William et lui dit :

    « J’ai ce qu’il vous faut !

    — Ah ?

    — Des Broméliacées. »

    Travaillant depuis plusieurs années déjà avec des hôtels nichés dans des zones équatoriales ou tropicales au climat privilégié, William connaît parfaitement l’apparence et l’exubérance des Broméliacées dont l’espèce la plus connue, bien qu’elle ne soit presque jamais utilisée dans des bouquets bien sûr, est l’ananas que l’on peut consommer en tranches craquantes ou en jus.

    Mais il n’avait pas pensé à ça en un premier temps et cette suggestion le désarçonne un peu.

    Il reprend donc :

    « Vous pensez que des Bromélac…

    — Ce sera parfait ! » tranche la jeune vendeuse qui prend fait et cause pour un homme pensant à offrir des fleurs à la femme qu’il aime avant huit heures du matin.

    Elle se retourne vers l’arrière de la petite boutique nichée entre deux immeubles imposants et montre un présentoir avec trois bouquets magnifiquement colorés.

    « Regardez celui-ci !

    — Au centre ?

    — Oui. Au centre.

    — Il est superbe en effet. C’est quoi ?

    — Essentiellement des Tillandsias cyanea et un beau Guzmania. »

    William Fitzgerald regarde très attentivement les belles inflorescences roses en forme de raquettes allongées qui se poursuivent par une vingtaine de fleurs violettes sur chaque Tillandsia cyanea. Au centre, trône un Guzmania conifera dont le feuillage vert et rubané forme une rosette au milieu de laquelle se loge une hampe florale érigée. Composée de bractées imbriquées de couleur orange et jaune, l’inflorescence ovoïde semble quasiment sortie d’une bande dessinée tant sa géométrie est parfaite.

    L’Australien est très satisfait. C’est ce bouquet-là qu’il veut offrir à Iluh !

    Il est persuadé que ces fleurs feront vaciller le cœur d’Iluh. Lors de leur discussion d’hier, la jeune femme lui a précisé à quel point les Balinais sont fascinés par l’élégance naturelle de la nature. C’est pour cette raison que les offrandes qu’ils font chaque jour à leurs divinités propitiatoires sont principalement réalisées avec des palmes, des feuilles de Pandanus et des fleurs. Plein de fleurs.

    Des monceaux de fleurs !

    Lors de ses deux premiers voyages à Bali (Darwin est à moins de deux mille kilomètres de l’« Île des Dieux » et c’est une destination fétiche pour les Australiens…), William avait moins de vingt ans. Il privilégiait donc le surf, la bière et les jolies filles. Mais, depuis qu’il travaille pour Beyond the Paradise, il regarde désormais l’île avec un regard très différent et une certaine affection, il faut bien le reconnaître.

    Cette multiplicité d’offrandes confectionnées à la hâte, piétinées dans l’heure qui suit et immédiatement refaites, l’a convaincu que l’éphémère peut acquérir une puissance qui outrepasse, parfois, le pérenne.

    Cependant, il aimerait bien que ce bouquet remémore d’excellents souvenirs à son amie balinaise pendant plusieurs semaines.

    Il demande donc :

    « Ce bouquet durera combien de temps ?

    — Avec une vaporisation tous les trois ou quatre jours, il peut tenir ainsi pendant au moins trois mois.

    — Trois mois ! C’est parfait. Je le prends. »

    À l’instant précis où la jeune vendeuse brune se dirige vers le bouquet qu’il a choisi, William précise :

    « Pouvez-vous le faire parvenir à un endroit précis et à une heure précise ?

    — Bien sûr. Donnez-moi le nom du destinataire, l’adresse et l’heure, et nous nous occuperons de tout.

    — O.K.. Il faudra le remettre à mademoiselle Iluh Semarang aujourd’hui à dix-sept heures trente.

    — Quelle adresse ?

    — Tour nord du WTC, quatre-vingt-seizième étage, société : Tropical Foods Incorporated.

    — Ce sera fait.

    — Je vous règle tout de suite. »

  • [Livre] La boîte

    Une version moderne de la boîte de Pandore... On ne l'ouvre qu'à ses risques et périls

    Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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    Résumé : Malt et Jen, deux jeunes désœuvrés, traînent leur ennui dans la ville d’Edens. Chaque jour, ils viennent sur le même banc. Et un jour, sous ce même banc, ils trouvent une boîte. Qui contient de l’argent et un numéro de téléphone. Le lendemain, une autre boîte. Qui contient encore plus d’argent. Et un message en prime : « Plus d’argent en échange d’un service ». En acceptant cette proposition, ils entrent dans le maillage d’une organisation tentaculaire qui ne les laissera plus s’échapper. S’engage alors une course-poursuite haletante, sur fond de trahison et de secrets révélés dont personne ne sortira indemne.

    Auteur : Anne-Gaëlle Balpe

    Edition : Sarbacane

    Genre : Young Adult

    Date de parution : 5 février 2015

    Prix moyen : 15,50€

    Mon avis : La première impression que j’ai eue a été que ce style d’écriture n’était pas du tout ce que j’aimais.
    Alors imaginez ma surprise quand, alors que j’avais lu, quoi, 10 pages ? J’ai réalisé que le style n’était toujours pas mon style, mais que je ne pouvais plus lâcher ce roman. Il FALLAIT que je sache la suite ! Alors croyez-moi, là je dis chapeau à l’auteur, parce que me rendre accro à un bouquin dont le style d’écriture ne correspond pas à ce que j’aime d’ordinaire, faut le faire ! Me faire lire le livre, oui, je peux passer au dessus de ce genre de choses pour lire et même apprécier un livre malgré ça, mais me rendre accro…

    Au début de ma lecture, et c’est le seul vrai bémol que j’ai trouvé à ce roman, j’ai un peu tiqué sur la facilité avec laquelle l’auteur use et abuse des grossièretés. Alors certes, c’est vrai, les ados parlent souvent comme ça. Mais comment leur faire cesser de dire « putain » à tout bout de champ si le terme est banalisé dans un livre qui leur est destiné ? Pour peu que vous leur ayez acheté vous-même le livre, ils s’en donneront à cœur joie. Les ados sont diaboliques !

    Mais bon, ceci, n’est qu’un détail (oui je suis pinailleuse, ça fait partie de mon charme).
    Ma première impression sur Malt, l’un des personnages principaux, est que bien qu’il soit de toute évidence en crise d’ado (ma ville est pourrie, c’est mieux ailleurs, personne comprend rien) il semble avoir la tête sur les épaules. Il ne fonce pas forcément les yeux fermés, sans réfléchir. Jen, sa copine a l’air au premier abord, plus spontanée voire plus irréfléchie, elle ne voit que ce que va lui rapporter le « service » qu’on leur demande, alors même qu’elle ne sait rien dudit service. Malt se pose plus de questions, même si elle semble le mener par le bout du nez.
    L’histoire se met tranquillement en place, sans se presser. C’est parfois un peu long (Une fois que Malt a dit qu’il sentait pas l’affaire, était-il vraiment obligé de le redire plusieurs fois ?). Mais dès la fin du chapitre 8, les choses « débutent ».

    J’étais environ à la moitié du livre quand j’ai compris quel était exactement la teneur du « service » et je me suis dis : « pfiou…le quatrième de couverture mentait pas…ils vont jamais pouvoir arrêter…un truc comme ça…une fois dedans, c’est mort, tu en sors pas » Et avant ça, je ne l’avais vraiment pas vu venir (ou alors c’est moi qui suis une tanche…c’est possible aussi).

    Ma première impression sur Jen, au milieu du roman, reste la même, une ravissante idiote qui n’a aucune conscience que la vie et les contes de fées ce n’est pas franchement compatible.

    Bien sur tout va très vite s’accélérer et là, je vais faire un truc que je n’ai encore jamais fait dans une chronique et je pense que vous allez me détester mais : Oh – Mon – Dieu ! La fin du chapitre 16 ! C’est…indescriptible ! Dire que je ne l’avais pas vu venir est un euphémisme ! Voilà ! C’est dit ! Allez y : détestez moi !

    Ah et je suis contente, j’avais deviné un élément depuis quasiment le début…bon peut être qu’un ado ne verrait pas venir le truc…mais à plus de trente ans…on nous la fait pas hein ?

    J’ai été impressionnée du changement qui s’opère en Malt au fur et à mesure que l’histoire avance.
    Chaque chapitre, ou presque, nous dévoile une révélation qui nous coupe le souffle ! C’est épuisant mais exaltant !

    L’épilogue est à la hauteur du reste du livre. Je n’ai pas étonnée par Jen, je ne peux pas en dire plus sans dévoiler des détails importants, mais si vous lisez le livre, vous comprendrez.
    J’ai trouvé qu’il manquait un petit quelque chose à la fin pour mon coté idéaliste mais cette fin là était probablement plus vraisemblable que celle que j’espérais.

    Enfin, il m’a fallu plus de la moitié du livre pour mettre le doigt sur ce qui me « gênait » dans le style. Le récit est à la première personne, ce qui ne me pose pas de problème, vu que beaucoup de livres, en particulier la bit lit et les dystopies choisissent ce modèle, mais, alors que dans les livres que je lis d’ordinaire, le récit emploie tout de même un langage écrit très correct, ici, il adopte la réelle manière de parler et penser des adolescents.

    Comme ce livre leur est destiné, cela leur permettra sans doute de mieux l’appréhender, de mieux comprendre l’histoire et la « morale » qu’elle essaie de faire passer à travers ce récit. Mais c’est ce style « parlé » qui m’a un peu dérangée au début de la lecture. Heureusement, l’histoire prend vite le dessus.

    C’était une belle lecture. La preuve : je l’ai dévoré en deux jours et n’ai mis tant de temps que parce qu’il a bien fallu que je dorme.

    Un extrait : On était déjà venus à Concorde, chacun avec nos parents, en tant que gosses plutôt «chanceux» d’Edens (les autres ne dépassaient pas les frontières de la ville). Mais bon, ç’avait vraiment été du trajet express, avec départ de nuit et retour le soir même, pour ne pas avoir à payer l’hôtel. Et puis, visite rapide des monuments de base – l’immeuble Millénium, le parc bleu, le pont de l’Appel – et shopping de touriste, du genre porte-clefs, cartes postales, casquettes… Cette fois, avec nos liasses en poche, on pouvait dire que c’était différent. La question de l’hôtel a été vite réglée. D’après le magazine people qu’achetait la mère de Jen, l’acteur Rode Martinez était fan des hôtels Gold Fox. Or, Jen était fan de Rode Martinez depuis qu’elle l’avait vu dans la série Get Lucky; donc, on irait au Gold Fox de Concorde. Il n’y avait rien à ajouter, c’était imparable. Et comme l’hôtel avait un parking, ça avait suffi à me faire taire. Moi, je me foutais de savoir dans quel lit de luxe on irait dormir, mais je tenais à rapporter la voiture de Karen intacte, pour éviter que Jonas ait des ennuis.

    Passés les bouchons du tunnel de l’Embarquement, on a émergé dans la capitale avec l’impression d’être les rois de la ville. Du rêve dans le pare-brise: on avait une caisse pourrie mais du fric plein les poches, et ça nous donnait tout le pouvoir du monde. Le soleil se reflétait sur les façades des buildings. Sortir d’un tunnel noir et déboucher dans une lumière éblouissante… finalement, c’était ce qu’on avait attendu toute notre vie. On a roulé lentement en remontant la rue du Commandeur. Au croisement de l’avenue Haute, Jen était carrément hystérique de bonheur. La foule sur les trottoirs, les bouches de métro, les taxis, les magasins, les affiches de film, les hôtels de luxe… on y était, cette fois! En plein dedans. Elle était à fond. Elle avait sorti sa tête pour mieux admirer les gratte-ciel et poussait des cris à chaque fois qu’on passait devant un endroit qu’elle avait vu à la télé. Et puis, à un moment, on a aperçu le corsaire William E. Freyen haut de sa colonne. Qui nous contemplait, tout juste descendu de son trois-mâts, une main sur la hanche, comme pour nous dire : « Ça fait un bail que je vous attends ! ». J’ai contourné le rond point et on s’est retrouvés devant une immense façade incurvée, surplombée de ses deux tours de verre, lisses comme la lame d’un couteau. – T’as qu’à t’arrêter là! m’a lâché Jen, presque blasée. Y a un type qui va s’occuper de la garer. Un voiturier, quoi. J’ai obtempéré, tout en me demandant d’où Jen tenait ce type d’informations. Le voiturier a effectivement déboulé, et m’a ouvert la portière en la touchant du bout des gants. On le sentait légèrement gêné, le mec… Sans doute qu’il avait l’habitude de manipuler un autre genre de carrosserie! Je lui ai filé la clef, on est entrés dans le hall – et en me retournant, j’ai vu que le gars ne s’était pas encore mis au volant. – T’as vu Jen, il croit qu’on s’est gourés et qu’on va reprendre la bagnole! – Ha ha, ouais! Quel con!

    On avait beau pouvoir se payer une ou deux nuits dans cet hôtel, je n’en menais pas large. Le tapis épais, le sol en marbre, la sculpture en cristal joliment placée dans un coin, le lustre étincelant, et les comptoirs de bois derrière lesquels se tenaient des employés tirés à quatre épingles… je me demandais à quel moment on allait gentiment nous ordonner de dégager. Jen s’est avancée vers les comptoirs tandis que je restais en retrait. J’avais l’impression qu’on nous matait comme des bêtes de foire. Ma princesse ne s’est pas laissé impressionner. Elle a dégainé son permis de conduire en demandant si on pouvait payer en cash, et ça a tout de suite détendu l’atmosphère. Une liasse plus tard, on l’avait, notre suite. La Suite Grand Premier Baie de Mowlong, plus exactement. Jen ne faisait pas les choses à moitié; si on voulait tenir plus de deux jours dans le coin, fallait espérer que nos mystérieux bienfaiteurs nous diraient vite quel «petit service» on devait rendre pour avoir le reste du pognon.