Résumé : Il court vite, Jamal, très vite. A cause de sa prothèse à la jambe et autres coups du sort, il a un destin à rattraper. A Yport, parti s’entraîner sur la plus haute falaise d’Europe, il a d’abord remarqué l’écharpe, rouge, accrochée à une clôture, puis la femme brune, incroyablement belle, la robe déchirée, le dos face au vide, les yeux rivés aux siens. Ils sont seuls au monde ; Jamal lui tend l’écharpe comme on lance une bouée.
Quelques secondes plus tard, sur les galets glacés de la plage déserte, gît sous les yeux effarés de Jamal le corps inerte de l’inconnue.
A son cou, l’écharpe rouge.
Auteur : Michel Bussi
Edition : Presses de la Cité
Genre : Thriller
Date de parution : 7 Mai 2014
Prix moyen : 8€
Mon avis : Bon on ne va pas se voiler la face, pendant la moitié du livre on se dit que le personnage principal est fou, pendant l’autre moitié on se dit que peut être qu’en fait c’est nous qui le sommes. C’est du Bussi quoi.
On ne sait jamais d’où va venir la prochaine baffe, seulement qu’il va y en avoir, et pas qu’une.
Ici le personnage principal est Jamal. Sportif de haut niveau, malgré sa jambe artificielle, Jamal court tous les jours le long de la falaise pour atteindre son rêve, participer à une course très difficile sur le Mont Blanc. Quand il voit une jeune femme sur le point de se jeter dans le vide, il essaie immédiatement de la dissuader, en vain, sans se douter que sa vie va devenir un véritable enfer.
Autant le dire j’ai changé d’avis sur Jamal toutes les 15 pages, un coup il était innocent, un coup il était coupable, un coup il était fou…
Soupçonné par la police d’avoir en fait assassiné la « suicidée », il clame son innocence. Mais j’ai eu beaucoup de mal à le croire puisqu’il prend la fuite. Pour moi, s’il était vraiment innocent il aurait dû se ruer chez un avocat.
Et puis il y a le fait que pas un journal ne parle de ce suicide. Là je me suis demandé si Jamal n’était pas fou et si le flic qui le poursuit n’essaie pas juste de le protéger de lui-même. Je me suis même demandé si les personnages secondaires existaient ou n’étaient que des produits de l’imagination de Jamal, ou des souvenirs…
C’est ce que j’aime avec Bussi, c’est qu’on n’est sûr de rien, et que, quand enfin on pense avoir tout compris, quand enfin on se dit qu’on tient le coupable, tout bascule ! On n’a pas forcément tort, c’est ça qui fait la force de cet auteur. On n’est pas dans la situation où on se dit untel est le coupable et en fait non c’était un autre qu’on aurait jamais soupçonné. Non ici, c’est plus subtil. On peut découvrir le coupable, mais il nous manque toujours quelque chose. Untel est le coupable…mais pas que…
Tout au long du livre, chaque personnage a une importance et justement, il y avait une donnée que je n’arrivais pas à rattacher à l’histoire, c’était ce par quoi elle commence, la découverte de trois squelettes après un éboulement de falaise. Impossible de savoir comment ces morts, anciennes, et n’ayant apparemment pas eu lieu en même temps, avait comme impact sur l’affaire de Jamal.
Ce n’est qu’à la fin qu’on le découvrira. Et comme souvent, le dénouement coupe le souffle tant on ne s’attendait pas à ça !
Un extrait : Elle avait beaucoup pleuré, mais la fontaine semblait tarie. Le maquillage autour de ses yeux avait coulé, puis séché. Jamal eut du mal à ordonner les signes contradictoires qui se bousculaient dans sa tête.
Le danger.
L’urgence.
L’émotion surtout. L’émotion qui le submergeait. Jamais il n’avait vu de femme aussi belle. Sa mémoire enregistra pour l’éternité l’ovale parfait du visage face à lui, comme arrondi par la caresse de deux cascades de cheveux de jais, les deux yeux charbon plantés dans une peau de neige, le dessin des sourcils et de la bouche, fin et vif, comme trois traits guerriers tracés par un doigt plongé dans le sang et la suie. Il essaya par la suite d’évaluer si la surprise avait eu une influence sur son jugement, la situation aussi, la détresse de cette inconnue, la nécessité de lui saisir la main, sans trouver de réponse.
— Mademoiselle…
Jamal tendit la main.
— N’approchez pas, fit la fille.
Une prière plus qu’un ordre. Les braises semblaient s’être définitivement éteintes dans ses iris charbon.
— D’accord, balbutia Jamal. D’accord. Ne bougez pas non plus, on a tout le temps.
Le regard de Jamal glissa sur la robe impudique. Il imagina que la fille sortait du casino, cent mètres plus bas. Le soir, ils transformaient la salle de spectacle du Sea View en discothèque.
Une sortie de boîte qui aurait mal tourné ? Grande, fine, sexy, la fille avait de quoi aiguiser les convoitises. Les boîtes étaient pleines de gars qui ne venaient que pour ça, mater la bombe de la soirée.
Jamal s’exprima de la voix la plus calme qu’il put.
— Je vais avancer lentement, je vais vous donner la main.
La fille baissa les yeux pour la première fois et s’arrêta un instant sur la prothèse de carbone. Elle ne put retenir un mouvement de surprise, qu’elle contrôla presque aussitôt.
— Si vous faites le moindre pas, je saute…
— OK, OK, je ne bouge pas…
Jamal se statufia, bloquant même sa respiration. Seuls ses yeux couraient, de cette fille sortie de nulle part à dix pas de lui jusqu’à l’aube orange tout au bout de l’horizon.
Des gars bourrés qui se rincent l’œil en suivant chaque déhanchement de la reine de la piste de danse, repensa Jamal. Et parmi eux, au moins un malade, peut-être plusieurs, suffisamment vicieux pour suivre la fille à la sortie. La coincer. La violer.
— On… on vous a fait du mal ?
Les boules de charbon fondirent en larmes de glace.
— Vous ne pouvez pas comprendre. Continuez votre route. Partez ! Partez vite.
Une idée…
Jamal passa les mains autour de son cou. Lentement. Pas assez pourtant. La fille recula d’un coup, un pied presque dans le vide.
Jamal se figea. Cette fille était un moineau apeuré à attraper au creux de la main. Un oiseau tombé du nid, incapable de voler.
— Je ne vais pas bouger, mademoiselle. Je vais juste vous lancer mon écharpe. Je vais tenir une extrémité. Attrapez l’autre, simplement. Vous déciderez ou non de lâcher.
La fille hésita, une nouvelle fois surprise. Jamal en profita pour jeter le pan de cachemire rouge. Deux mètres le séparaient de la jeune suicidaire.
L’étoffe tomba à ses pieds.
Elle se pencha délicatement, colla par pudeur dérisoire un lambeau de robe sur son sein dénudé, puis se releva, agrippant l’écharpe offerte par Jamal.
— Doucement, fit Jamal. Je vais tirer sur le tissu, l’enrouler autour de mes mains. Laissez-vous entraîner jusqu’à moi, deux mètres, seulement deux mètres plus loin du vide.
La fille serra plus fort l’étoffe.
Jamal comprit alors qu’il avait gagné, qu’il avait exécuté le geste juste, lancer cette écharpe comme un marin lance une bouée au noyé, la ramener à la surface en douceur, centimètre par centimètre, avec une infinie précaution pour ne pas briser le fil.
— Doucement, répéta-t-il. Venez vers moi.
Il réalisa un bref instant qu’il venait de croiser la plus belle fille qu’il ait jamais vue. Et qu’il venait de lui sauver la vie.
Cela suffit à le déconcentrer, une infime seconde.
Soudain, la fille tira sur l’écharpe. Jamal s’attendait à toutes les réactions sauf à celle-ci. Un mouvement sec, rapide.
L’écharpe lui glissa des mains.
La suite dura moins d’une seconde.
Le regard de la fille se planta en lui, indélébile, celui d’une fille à la fenêtre d’un train qui part. Celui de la fatalité.
— Nooon ! hurla Jamal.
La dernière chose qu’il vit fut l’écharpe de cachemire rouge flotter entre les doigts de la fille. L’instant d’après, elle bascula dans le vide.
La vie de Jamal aussi, mais cela, il ne le savait pas encore.