Résumé : Été 67. Le soleil brille sur Boundary Pond, un lac frontalier rebaptisé Bondrée par Pierre Landry, un trappeur canuck dont le lointain souvenir ne sera bientôt plus que légende. Le temps est au rire et à l'insouciance. Zara Mulligan et Sissy Morgan dansent le hula hoop sur le sable chaud, les enfants courent sur la plage et la radio grésille les succès de l'heure dans l'odeur des barbecues. On croit presque au bonheur, puis les pièges de Landry ressurgissent de la terre, et Zara disparaît, et le ciel s'ennuage.
Auteur : Andrée A. Michaud
Edition : Rivages
Genre : Thriller
Date de parution : 21 septembre 2016
Prix moyen : 18,50€
Mon avis : Dès le départ une chose m’a profondément agacée : le franglais. Toutes les deux lignes, on a des expressions moitié anglaises-moitié françaises, des mots anglais, des titres de chansons en anglais… Un peu pourquoi pas, mais là il y en a trop. On a bien compris que Bondrée est à cheval sur les Etats-Unis et le canada francophone, mais au bout d’un moment, soit l’auteur écrit en français, soit elle écrit en anglais, mais les deux à la fois, c’est vraiment pénible.
L’absence totale de dialogues est assez perturbante et enlève un certain rythme, une certaine structure au texte.
L’écriture est très poétique mais j’ai trouvé que ça ne se prêtait pas au genre du polar.
J’ai passé plus de la moitié du livre à attendre qu’il se passe quelque chose pour me rendre compte qu’en fait, des choses, il s’en passait, mais que, noyées dans les descriptions bucolique de la région et du temps qui passe, elles n’avaient eu aucun impact sur moi.
Ce n’est qu’après 200/250 pages que j’ai commencé à trouver un certain intérêt à l’histoire mais malgré tout, ça n’a pas réussi à rattraper le sentiment que j’ai eu depuis le début : celui de l’ennui.
Je n’ai pas compris ce que l’auteur a cherché à faire en donnant son prénom à une petite fille, seul personnage dont le point de vue est à la première personne, et son nom de famille à l’inspecteur qui est un peu le personnage central du roman. S’il y avait une signification, un message particulier, je ne l’ai pas vu.
L’histoire est pourtant assez bien trouvé et le dénouement surprenant sans pour autant manquer de logique, mais qu’un thriller démarre à seulement 1/3 de la fin, et vous pouvez être sûr que quelque soit l’originalité de la fin, mon opinion du roman ne gagnera pas plus que quelques points.
Le style d’écriture aurait été plus adapté à une romance ou à un roman contemporain.
Un bon point, même si l’auteur est canadienne et émaille son texte de tournures et expressions québécoise, celles-ci sont bien dosées et, contrairement à ce que l’on peut trouver dans de nombreux romans canadiens, ne gênent pas la compréhension du texte d’un francophone non canadien.
Je sors donc de cette lecture assez mitigée. D’un côté l’histoire, l’intrigue et le dénouement sont bien ficelés ; d’un autre le coté poétique et les trop nombreuses phrases en anglais empêchent de se plonger complètement dans une ambiance propice à la lecture d’un thriller.
Un extrait : Les enfants étaient depuis longtemps couchés quand Zaza Mulligan, le vendredi 21 juillet, s’était engagée dans l’allée menant au chalet de ses parents en fredonnant A Whiter Shade of Pale, propulsé par Procol Harum aux côtés de Lucy in the Sky with Diamonds dans les feux étincelants de l’été 67. Elle avait trop bu, mais elle s’en fichait. Elle aimait voir les objets danser avec elle et les arbres onduler dans la nuit. Elle aimait la langueur de l’alcool, les étranges inclinaisons du sol instable, qui l’obligeaient à lever les bras comme un oiseau déploie ses ailes pour suivre les vents ascendants. Bird, bird, sweet bird, chantait-elle sur un air qui n’avait aucun sens, un air de jeune fille soûle, ses longs bras mimant l’albatros, les oiseaux d’autres cieux tanguant au-dessus des mers déferlantes. Tout bougeait autour d’elle, tout s’animait d’une vie molle, jusqu’à la serrure de la porte d’entrée, dans laquelle elle ne parvenait pas à introduire sa clé. Never mind, car elle n’avait pas vraiment envie de rentrer. La nuit était trop belle, les étoiles trop lumineuses. Elle avait donc rebroussé chemin, retraversé l’allée bordée de cèdres, puis elle avait marché sans autre but que de s’enivrer de son ivresse.
À quelques dizaines de pieds du terrain de camping, elle s’était engagée dans Otter Trail, le sentier où elle avait embrassé Mark Meyer au début de l’été avant d’aller raconter à Sissy Morgan, son amie de toujours et pour toujours, à la vie à la mort, à la vie à l’éternité, que Meyer frenchait comme une limace. Le souvenir flasque de la langue molle cherchant la sienne en se tortillant avait fait monter un goût de bile acide dans sa gorge, qu’elle avait combattu en crachant, ratant de peu le bout de ses sandales neuves. Esquissant quelques pas maladroits qui lui avaient arraché un fou rire, elle s’était enfoncée dans la forêt. Les bois étaient calmes et aucun bruit n’altérait la quiétude des lieux, pas même celui de ses pieds sur le sol spongieux. Puis un léger souffle de vent avait effleuré ses genoux et elle avait entendu un craquement derrière elle. Le vent, s’était-elle dit, wind on my knees, wind in the trees, sans se soucier davantage de l’origine de ce bruit au sein du silence. Son cœur n’avait cependant fait qu’un bond quand un renard avait détalé devant elle et elle s’était remise à rire, un peu nerveusement, songeant que la nuit suscitait la peur parce que la nuit aimait la peur dans les yeux des enfants. Isn’t it, Sis ? avait-elle murmuré en se rappelant les jours lointains où elle tentait avec Sissy de provoquer les fantômes qui peuplaient la forêt, celui de Pete Landry, celui de Tangara, la femme dont les robes rouges avaient ensorcelé Landry, et celui de Sugar Baby, dont on entendait les jappements au sommet de Moose Trap. Tous ces fantômes avaient aujourd’hui disparu de l’esprit de Zaza, mais la noirceur du ciel sans lune ravivait le souvenir de la robe rouge qui s’enfuyait entre les arbres.
Elle s’apprêtait à bifurquer dans un sentier coupant Otter Trail quand un autre craquement avait retenti derrière elle, plus fort que le premier. Le renard, s’était-elle dit, fox in the trees, refusant que l’obscurité gâche son plaisir en exhumant ses stupides peurs d’enfant. Elle était vivante, elle était ivre, et la forêt pouvait bien s’écrouler autour d’elle, elle ne flancherait ni devant la nuit ni devant les aboiements d’un chien mort et enterré depuis des siècles. Elle avait recommencé à fredonner A Whiter Shade of Pale parmi les arbres ondoyants, s’imaginant danser un slow torride dans les bras puissants d’un inconnu, puis elle s’était arrêtée net après avoir failli trébucher sur une racine tordue.
Le craquement s’était rapproché et la peur, cette fois, était parvenue à se frayer un chemin sur sa peau moite. Who’s there ? avait-elle demandé, mais le silence était retombé sur la forêt. Who’s there ? avait-elle crié, puis une ombre avait traversé le sentier et Zaza Mulligan s’était mise à reculer.