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Premières lignes - Page 9

  • Premières lignes #59

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
    Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente Dix petites poupées de B.A. Paris

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    Douze ans plus tôt
    Extrait de déposition : Finn McQuaid
    Date : 15/03/2006
    Heure : 03:45
    Lieu de la déposition : Fonches

    Nous revenions d’un séjour de ski à Megève. J’avais décidé de m’arrêter à Paris au retour pour faire une surprise à Layla, car elle n’y était jamais allée. Nous avons dîné dans un restaurant près de Notre-Dame, puis sommes allés nous promener le long de la Seine. Nous aurions pu passer la nuit à Paris ; maintenant je regrette de ne pas l’avoir fait, mais nous avions tous les deux hâte de retrouver notre cottage de St Mary, dans le Devon.
    Il devait être près de minuit quand nous avons quitté Paris. Environ une heure et demie après avoir repris la route, j’ai eu envie d’aller aux toilettes et j’ai quitté l’autoroute à l’aire de Fonches. Il n’y a pas de station-service, on ne peut pas faire le plein ni rien acheter mais je savais qu’il y avait des toilettes parce que je m’y étais déjà arrêté lors de mes précédents voyages à Megève. L’endroit était désert, à part la voiture dont je vous ai parlé, celle qui était garée juste devant les sanitaires. Je crois qu’il y avait quelques camions dans le parking poids lourds – au moins deux : celui que j’ai vu partir et celui du chauffeur à qui je me suis adressé, ensuite.
    Dans la voiture, il y avait une bouteille d’eau vide qui roulait et les emballages des en-cas que nous avions grignotés en remontant de Megève, donc je suis passé devant le bloc des sanitaires et je me suis garé au bout du parking, devant la poubelle, pour m’en débarrasser. Je… j’aurais dû me garer devant les toilettes et aller à la poubelle à pied. Si j’avais fait ça, j’aurais été plus proche… J’aurais dû être plus près.
    Layla dormait. Elle s’était endormie dès que nous avions rejoint l’autoroute et je ne voulais pas la réveiller, donc je suis resté un moment là, pour me détendre un peu. Elle s’est réveillée quand j’ai commencé à ramasser les déchets que je voulais jeter. Elle n’a pas voulu aller aux toilettes, elle a dit qu’elle préférait attendre une vraie station-service, donc quand je suis descendu de voiture, je lui ai dit de verrouiller les portières derrière moi. Ça ne me plaisait pas de la laisser là dans le noir. Elle a très peur du noir, vous comprenez. En me rendant aux toilettes, j’ai croisé un homme et une minute plus tard à peu près, j’ai entendu une voiture démarrer. Il était moins grand que moi, un mètre quatre-vingt, peut-être. Il avait les cheveux bruns, je crois ; et une barbe, ça c’est sûr. Je n’ai pas traîné aux toilettes, j’ai eu une sensation désagréable, troublante, comme si quelqu’un m’observait. C’est peut-être parce que la porte d’un des W.-C. était fermée.
    En revenant à la voiture, j’ai entendu un poids lourd quitter le parking et je l’ai regardé prendre la bretelle d’accès à l’autoroute. Il conduisait vite, comme s’il était pressé, mais honnêtement, sur le moment, ça ne m’a pas du tout alerté. Je devinais la silhouette de ma voiture, plus loin. C’était la seule voiture parce que l’autre, celle qui était garée devant les sanitaires, était partie. C’est seulement en m’approchant que j’ai vu que Layla n’était pas à l’intérieur et je me suis dit qu’elle avait dû changer d’avis et vouloir aller aux toilettes. Je me souviens d’avoir regardé autour de moi, en m’attendant à la voir se dépêcher de me rejoindre – j’étais sûr que l’endroit lui paraissait aussi sinistre qu’à moi – mais elle n’était pas là et je suis allé l’attendre dans la voiture. Et puis l’obscurité a commencé à m’oppresser et j’ai démarré pour revenir me garer devant les toilettes, où il y avait au moins un peu de lumière, pour que Layla n’ait pas à faire tout ce chemin dans le noir. Au bout de deux minutes, même pas, j’ai commencé à m’inquiéter. Il n’était pas normal qu’elle ne réapparaisse pas, alors je suis redescendu de voiture pour aller la chercher dans les toilettes des femmes. Il y avait trois portes, deux ouvertes et la troisième fermée, donc j’ai supposé que Layla y était. Je l’ai appelée mais comme elle ne répondait pas, j’ai mis la main sur la poignée et j’ai poussé. La porte s’est ouverte facilement, et j’ai vu qu’il n’y avait personne. Alors je suis vite ressorti et je l’ai cherchée, en pensant qu’elle avait peut-être décidé de faire un petit tour pour se dégourdir les jambes ou pour prendre l’air. Mais en même temps, je savais que jamais elle ne se serait éloignée, pas la nuit, pas dans une obscurité pareille parce que, comme je vous l’ai dit, elle n’aime pas le noir.
    J’ai fait le tour du bloc sanitaire en courant, au cas où, et comme elle restait introuvable j’ai pris une lampe torche dans mon coffre et j’ai élargi mon périmètre de recherche. J’ai exploré toute l’aire de pique-nique, en continuant de l’appeler. Il restait un camion sur le parking des poids lourds, alors j’y suis allé et j’ai appelé, en espérant que son conducteur m’aiderait à la chercher. Mais il n’y avait personne dans la cabine et je n’ai pas eu de réponse quand j’ai frappé à la portière. J’ai supposé que le chauffeur dormait à l’arrière. J’ai aussi cogné à l’arrière, mais il ne s’est rien passé. Et quand j’ai pris mon téléphone, j’ai vu qu’il n’y avait pas de réseau. Je ne savais plus quoi faire. Je ne voulais pas partir parce que Layla était peut-être tombée, qu’elle était peut-être là quelque part, blessée, mais j’ai compris que je ne pouvais pas la retrouver avec seulement ma petite lampe torche. J’ai fini par revenir à ma voiture et j’ai foncé à la station- service suivante où je suis allé demander de l’aide. J’ai eu du mal à me faire comprendre parce que mon français n’est pas très bon mais ils ont fini par accepter d’appeler la police. Et puis vous êtes arrivés, avec quelqu’un qui parle bien anglais, et vous m’avez ramené à l’aire de repos pour m’aider à chercher Layla. Il fallait absolument que je la retrouve.


    Voilà la déposition que j’ai faite à la police, dans un commissariat quelque part près de l’A1, en France. C’est la vérité. Mais pas toute la vérité.

     

    Alors, tentés?

  • Premières lignes #58

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente Un palais de cendres et de ruines de Sarah J. Maas

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    Rhysand

    Deux ans avant le mur

    Le bourdonnement des mouches et les hurlements des survivants avaient depuis longtemps succédé au martèlement des tambours de guerre.
    Le champ de massacre n’était plus qu’un enchevêtrement de corps de mortels et d’immortels où, de loin en loin, une aile brisée ou la masse d’un cheval abattu se détachaient sur le ciel gris.
    Avec la chaleur que l’épaisse couche de nuages ne pouvait atténuer, l’odeur deviendrait bientôt intolérable. Des mouches rampaient déjà sur des yeux fixes levés vers le ciel, sans faire de différence entre de la chair de mortel ou d’immortel.
    Je me frayai un chemin à travers la plaine autrefois couverte d’herbe parmi les bannières à demi enfouies dans la boue et le sang. Je devais rassembler toutes les forces qui me restaient pour ne pas laisser traîner mes ailes sur les cadavres et les armures à terre. J’avais épuisé mon pouvoir longtemps avant la fin du carnage.
    Comme les mortels à mes côtés, j’avais passé les dernières heures à combattre à l’épée, avec mes poings et sans jamais relâcher ma concentration. Nous avions tenu bon face aux légions de Ravennia. Nous avions tenu bon d’heure en heure, comme mon père m’en avait donné l’ordre et comme mon devoir l’exigeait. Le plus bref instant de faiblesse aurait porté le coup de grâce à notre résistance déjà vacillante.
    La forteresse qui s’élevait dans mon dos était trop précieuse pour être abandonnée aux loyalistes, en raison de sa position au cœur du continent et surtout des réserves qu’elle renfermait. Sans compter les forges sur son flanc occidental, brûlant jour et nuit au service de nos armées.
    La fumée de ces forges se mêlait à celle des bûchers funéraires qu’on allumait derrière moi tandis que je poursuivais mon chemin en scrutant les visages des morts. Je notai d’envoyer ceux de mes soldats qui en auraient encore la force ramasser les armes de ceux qui étaient tombés. Nous en avions un besoin trop vital pour nous soucier d’un code d’honneur dont nos adversaires se moquaient complètement.
    Quel calme… quel calme sur ce champ de bataille après le chaos et le massacre qui avaient pris fin plusieurs heures auparavant… L’armée des loyalistes avait préféré le retrait à la défaite, livrant ses morts aux corbeaux.
    Je contournai le cadavre d’un hongre bai, une bête splendide aux yeux encore agrandis de terreur dont le flanc saignant était couvert de mouches. Son cavalier gisait sous lui, presque décapité, mais non par une épée : ces profonds sillons étaient la marque de griffes.
    La victoire serait ardue. Ces royaumes et ces territoires avides d’esclaves humains lutteraient jusqu’à l’épuisement de leurs forces. Et même s’ils étaient vaincus… nous avions appris à nos dépens et très tôt qu’ils n’avaient aucun respect ni pour les rites ni pour les règles de la guerre et aucune pitié pour les immortels alliés aux mortels… Ils nous écraseraient comme de la vermine.
    Je chassai une mouche bourdonnant près de mon oreille d’une main couverte de sang séché, un sang qui était le mien mêlé à celui d’autres guerriers.
    J’avais toujours imaginé la mort comme un paisible retour au foyer, une berceuse douce et triste qui m’accompagnerait dans l’au-delà.
    Je foulai le mât d’un porte-étendard des loyalistes, maculant de boue le sanglier aux défenses saillantes brodé sur la bannière émeraude.
    Je me demandai si, au lieu d’une douce chanson, la berceuse de la mort n’était pas plutôt le vrombissement des mouches, si les mouches et les vers n’étaient pas les serviteurs de la mort.

     

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  • Premières lignes #57

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Cette semaine, je vous présente Mon amie Adèle de Sarah Pinborough

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    AVANT

    Me pincer et me dire JE SUIS RÉVEILLÉ une fois par heure.
    Regarder mes mains. Compter mes doigts.
    Regarder l’horloge (ou la montre), ne plus la regarder, la regarder de nouveau.
    Rester calme et concentré.
    Penser à une porte.

    PLUS TARD

    Il faisait presque jour quand ce fut enfin terminé. Une traînée de gris sur la toile du ciel. Des feuilles mortes et de la boue accrochées à son jean. Son corps si faible et douloureux tandis que sa sueur refroidissait dans l’air humide. Une chose avait été faite, qui ne pouvait plus être défaite. Un acte terrible et nécessaire. Une fin et un commencement désormais à jamais noués ensemble. Il s’attendait que le monde reflète ce changement, mais la terre et les cieux gardaient les mêmes tons voilés, les arbres ne tremblaient pas de colère. Le vent ne gémissait pas. Pas de sirène au loin. Les bois n’étaient que les bois, la terre n’était que la terre. Il poussa un long soupir qui – et ce fut une surprise – lui fit du bien. Propre. Une nouvelle aube. Un nouveau jour.
    Il marcha en silence vers les restes de la maison au loin. Il ne regarda pas derrière lui.

    MAINTENANT

    Adèle

    J’ai encore de la terre sous les ongles quand David rentre enfin. Je la sens qui pique ma peau écorchée. Mon ventre se noue, mes nerfs se tendent alors que la porte se ferme. Pendant un moment, nous nous contentons de nous dévisager, chacun à un bout du long couloir de notre nouvelle et belle maison, séparés par une longue étendue de bois parfaitement verni, puis, titubant légèrement, il se dirige vers le salon. Je respire un grand coup et je le rejoins, tressaillant à chacun des chocs durs de mes talons sur le plancher. Je ne dois pas avoir peur. Il faut arranger ça. Que nous l’arrangions.
    — J’ai préparé le dîner, dis-je sans montrer mon angoisse. Un Stroganoff, c’est tout. Il tiendra jusqu’à demain si tu as déjà mangé.
    Il ne me regarde pas, scrutant nos étagères que les déménageurs ont remplies de livres sortis des cartons. Je m’efforce de ne pas penser à la durée de son absence. J’ai nettoyé le verre brisé, balayé et frotté le sol, avant de m’occuper du jardin. Toutes les traces de rage ont été effacées. Je me suis rincé la bouche après chaque verre de vin que j’ai bu quand il n’était pas là, il ne sentira rien. Il n’aime pas que je boive. Juste un verre ou deux quand nous sommes en société. C’est tout. Mais ce soir, je n’ai pas pu me retenir.
    J’ai pris une douche, sans réussir à enlever complètement la terre sous mes ongles, et j’ai enfilé une robe bleu pastel avec des chaussures à talons assorties. J’ai soigné mon maquillage. Plus de larmes, plus le moindre signe de dispute. Je veux que nous nous débarrassions de ça. C’est notre nouveau départ. Un autre commencement. Il le faut.
    — Je n’ai pas faim.
    Il se tourne enfin face à moi et je lis un mépris silencieux dans ses yeux. Je ravale une soudaine envie de pleurer. Ce vide est pire que sa colère. Tout ce que j’ai eu tant de mal à construire est en train de s’effondrer. Je me moque qu’il soit encore soûl. Je veux juste qu’il m’aime comme avant. Il ne remarque même pas tout ce que j’ai fait depuis qu’il s’est rué dehors. Les efforts que ça a exigés. À quel point j’ai travaillé. À quel point j’ai essayé.
    — Je vais me coucher, dit-il.
    Il ne me regarde pas dans les yeux et je sais qu’il veut dire dans l’autre chambre. Deux jours après notre nouveau départ, il ne veut pas dormir avec moi. Les fissures entre nous s’élargissent, bientôt nous ne pourrons plus nous atteindre. Il me contourne prudemment. Je veux lui toucher le bras, mais j’ai trop peur de sa réaction. On dirait que je le dégoûte. À moins que ce ne soit son dégoût de lui-même qui déborde et déferle sur moi.

     

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  • Premières lignes #56

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    ups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente La renaissance de Pemberley de Lise Antunes Simoes

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    _ Ah, la barbe ! grommela Mrs. Bennet en recommençant pour la troisième fois le nœud du ruban de son chapeau. Est-il possible d’être aussi maladroite, je vous le demande ! fit-elle en s’adressant à son reflet dans le miroir.

    Elizabeth passait dans le couloir à cet instant et s’arrêta pour l’aider.

    _ Lizzy, chérie, où sont vos sœurs ? lui demanda sa mère.

    _ Tout le monde attend près de la voiture. Nous pourrons partir dès l’instant que vous serez prête.

    _ Ah, très bien, très bien… Il faut que je parle à Hill et sa femme, d’abord.

    Elizabeth termina le nœud et esquissa un sourire affectueux.

    _ Voilà, maman. Vous êtes ravissante.

    _ Ravissante ! gloussa la brave femme en levant les yeux au ciel. Ma chérie, j’ai depuis longtemps passé l’âge d’être ravissante. C’est à votre tour, désormais, de recevoir ce genre de galanterie.

    Puis, reprenant le fil de ses idées, ses yeux s’agrandirent subitement.

    _ Mr. Hill ! s’écria-t-elle en s’empressant vers les cuisines. Mr. Hill ! Du brandy dans la sauce, vous m’entendez ? N’oubliez pas de mettre du brandy dans la sauce !

    Amusée, Elizabeth sortit rejoindre Jane, Mary et Kitty, qui attendaient dehors en compagnie de leur père.

    _ Hé bien, où est maman ? s’enquit Jane en la voyant arriver. Je croyais qu’elle nouait son chapeau et sortait à l’instant ?

    _ C’était le cas, mais elle vient de repartir vers les cuisines. Une urgence à voir avec Mr. Hill, apparemment.

    _ Encore ! Mais pourquoi s’affole-t-elle autant ? Ce n’est pourtant pas la première fois que Mr. Bingley et Mr. Darcy viennent manger chez nous, il me semble ! Les Hill sont tout à fait capables de gérer la cuisine !

    _ Je suppose que maman ne cessera de chercher à impressionner nos invités que le jour où ils feront définitivement partie de la famille – encore que, même là, ce n’est pas garanti. Mais nous devrions monter en voiture : ce sera toujours autant de temps de gagné.

    Les jeunes filles s’installèrent à l’intérieur, tandis que Mr. Bennet prenait la place du cocher. Avec un soupir patient, il sortit sa pipe de sa poche. Sa femme courait aux quatre coins de la maison depuis l’aube, houspillant généreusement domestiques, filles et mari pour que tout le monde se tienne prêt à l’heure, et pour une fois que chacun avait fait un effort, c’était elle, à présent, qui se faisait désirer. Si elle n’apparaissait pas bientôt, on arriverait à l’église à la dernière minute. Comme toujours.

    Il tirait tout juste sa première bouffée lorsque sa femme s’extirpa enfin de la maison, courant presque, tenant son chapeau d’une main et son châle de l’autre.

    _ Voyons, mon ami, qu’attendez-vous ? Allons ! Allons ! s’écria-t-elle, essoufflée, en grimpant à son tour dans la voiture, où elle se fit une place parmi ses enfants.

    La berline n’était pas conçue pour accueillir cinq personnes, mais depuis peu, Mrs. Bennet refusait catégoriquement que l’une des filles monte s’asseoir avec leur père, quand bien même le temps clément le permettrait. « Que diraient les gens s’ils vous voyaient, cheveux au vent, comme de vulgaires filles de ferme ? » s’était-elle exclamée. Les sœurs Bennet, qui avaient pourtant toujours voyagé sur le siège du cocher lorsque cela était nécessaire, n’avaient pas insisté. Depuis que Jane et Elizabeth étaient fiancées, leur mère redoublait d’inventivité et de prétextes – pour ne pas dire de lubies – et il était moins épuisant de la laisser faire que de chercher à argumenter.

     

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  • Premières lignes #55

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    Cette semaine, je vous présente Un palais de colère et de brume de Sarah J. Maas

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    Peut-être avais-je toujours été malsaine.
    Peut-être une personne vertueuse aurait-elle jeté le poignard en frêne et préféré la mort à ce qui m’attendait.
    Tout autour de moi était couvert de sang.
    Je devais me faire violence pour garder l’arme dans ma main qui tremblait, rouge de sang, et tout en moi se brisait tandis que le cadavre de l’immortel refroidissait sur le sol en marbre.
    J’étais incapable de lâcher le poignard et de m’éloigner de ce corps.
    – Très bien, lança Amarantha du haut de son trône. Au suivant.
    Un autre poignard attendait et un autre immortel était agenouillé devant moi. Une femme.
    Je savais d’avance les paroles qu’elle prononcerait, la prière qu’elle réciterait.
    Je savais que je la tuerais comme j’avais tué le jeune homme agenouillé devant moi.
    Pour les libérer tous, pour libérer Tamlin.
    J’étais le bourreau d’innocents et le sauveur d’un pays.
    – Dès que vous serez prête, allez-y, Feyre chérie, reprit Amarantha sur un ton traînant.
    Ses cheveux d’un roux ardent avaient le même éclat que le sang luisant sur mes mains et sur le marbre.
    Assassin. Bourreau. Monstre. Menteuse. Sournoise.
    J’ignorais à qui je destinais ces mots car il y avait longtemps que toute différence entre la reine et moi s’était estompée.
    Mes doigts se desserrèrent et le poignard tomba dans la mare de sang, éclaboussant mes bottes usées, vestiges d’une vie mortelle si lointaine qu’elle aurait pu être l’un de mes rêves fiévreux de ces derniers mois.
    Je regardai la femme qui se tenait face à moi, le visage masqué par la capuche de son manteau, son corps frêle très droit, prête à affronter le sort que je lui réservais, le sacrifice de sa vie.
    Je pris le poignard posé sur un coussin de velours noir. Le manche était glacé dans ma main moite et brûlante. Les gardes rejetèrent la capuche qui dissimulait ses traits.
    Je reconnus le visage qui se levait vers moi.
    Je connaissais ces yeux gris-bleu, cette chevelure d’or sombre, ces lèvres pleines et ces hautes pommettes. Je connaissais ces oreilles légèrement en pointe, ce corps élancé, dépourvu de toutes les imperfections humaines et nimbé de l’éclat subtil de l’immortalité.
    Et je connaissais le vide, le désespoir et la corruption qui transparaissaient sur ce visage.
    Ma main ne tremblait pas quand je levai le poignard.
    Ni quand je saisis cette épaule menue et plongeai les yeux dans ce visage haï… le mien.
    Ni quand j’enfonçai la lame en frêne dans mon cœur qui l’attendait.

     

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  • Premières lignes #54

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Cette semaine, je vous présente Belle de glace de Anna Sheehan

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    M’accrocher à mes rêves : un jeu dans lequel je luttais pour suivre à la trace ces images si aisément perdues. J’essayais de me maintenir en sommeil, d’obliger mon cœur à battre trop lentement pour sentir quoi que ce soit, de refuser que mes poumons s’éveillent. À une ou deux occasions, j’ai tenu si longtemps que maman, prise de panique, a enclenché le ressusciteur.

    Cette fois, c’était un paysage marin d’un bleu électrique que je tentais de capturer. Et ce ne fut pas une main qui m’en a tirée, mais la sensation d’une bouche plaquée contre la mienne. Je me suis redressée d’un coup, cognant ma tête contre celle qui m’avait sauvée. Je ne voyais rien. Tout était sombre et douloureux, comme si je venais tout juste d’ouvrir les yeux en pleine lumière après des jours passés dans le noir. Une voix inconnue a crié des mots tout aussi inconnus :

    — Merde, tu es bien en vie !

    Je me sentais complètement perdue. Je me raccrochais comme une enfant à ce que je connaissais.

    — Où est maman ?

    Cette voix n’était pas la mienne ; on aurait dit un croassement. Je me suis efforcée d’évaluer ma condition. Mes muscles semblaient soumis à mille tortures, mes poumons emplis de liquide. J’ai toussé pour faire entrer l’air de force dans mes bronches engourdies. J’ai essayé de me mettre debout. Une douleur aussi tranchante que des lames de rasoir m’a traversé les bras et les jambes là où j’avais tenté de me soulever, pénétrant jusqu’à la moelle de mes os. J’ai glissé de nouveau sur mon coussin.

    — Ouh là !

    Des mains tièdes m’ont saisie, et mes muscles ont hurlé, crispés.

    — Ne me touchez pas ! ai-je haleté.

    Une telle souffrance dépassait mon entendement.
    Les mains m’ont lâchée, mais la douleur n’a pas diminué pour autant.

    — Tu m’as fait peur.

    La voix paraissait surexcitée.

    — Tu ne respirais plus… j’ai cru que le système avait planté et que tu étais finie.

    Je ne comprenais pas la moitié de ce qu’on me racontait.

    — Combien de temps ? ai-je murmuré.

    — Tu n’as semblé morte qu’une minute, a répondu la voix comme pour me rassurer.

    Je tenais vraiment à savoir combien de temps j’étais restée en stase, mais j’ai abandonné l’idée. Cela n’avait aucune importance. C’est ce que je me disais à chaque réveil. « Aucune importance. » À la place, j’ai demandé :

    — Qui êtes-vous ?

    — Je m’appelle Brendan. J’habite la suite cinq. Est-ce que tu sais où on est ?

    J’ai froncé les sourcils. La suite cinq abritait un couple âgé, avec sa collection de poissons tropicaux. Du moins étaient-ce ses occupants lors de ma dernière séance… Mais quand avait-elle commencé, et combien de temps avait-elle duré ?

    — Dans la Résidence Unicorn, bien sûr. Que faites-vous là ?que-vous l Vous venez d’emménager ?
    Long silence.

    — Non, j’ai toujours vécu ici.

    Il avait l’air franchement perplexe.
    J’ai cligné des paupières et dirigé mes yeux bouffis vers l’endroit où je pensais le trouver. Brendan n’était qu’une ombre, la silhouette floue d’un homme. Un homme jeune, à en juger par sa voix. J’étais vraiment perdue.

    — Pourquoi m’avez-vous réveillée ?

    Il a sursauté, comme surpris par la question.

    — Tu voulais rester en stase ?

    — Non, je veux dire, pourquoi est-ce vous qui m’avez réveillée ? Où est maman ?

    Autre long silence.

    — Euh…

    Il a pris une profonde inspiration.

    — Je ne sais pas où est ta mère. Est-ce que… est-ce que tu sais qui tu es ?

    — Évidemment ! ai-je rétorqué d’une voix pourtant rauque et tremblante.

    J’ai toussé de plus belle, luttant contre la fatigue typique après une période de ce sommeil artificiel que l’on nomme la stase.

    — Eh bien, pas moi. Moi c’est Brendan, et toi ?

    — Rosalinda Samantha Fitzroy, ai-je énoncé avec précision.

    J’étais agacée. Pour qui se prenait ce garçon ? Jamais auparavant je n’avais eu à décliner mon identité.
    Il a fait un pas en arrière avant de disparaître. Alarmée, j’ai essayé de m’asseoir de nouveau. Mes bras souffraient le martyre, et mon dos semblait trop faible pour me porter. Toute l’énergie qui s’était emparée de moi sous le coup de la surprise avait à présent disparu. Je me suis appuyée contre les bords de mon tube de stase, à la recherche de mon homme mystère.
    Il était par terre, moins mystérieux maintenant que je me tenais droite. Il avait trébuché. Deux taches blanches se dessinaient dans le cercle noir de sa tête – ses yeux, qui me dévisageaient, grand ouverts.

    — Quoi ? ai-je croassé.

    Il a reculé à grand-peine, comme un crabe, jusqu’à trouver appui sur une caisse pour se remettre d’aplomb. Une caisse ? Où diable étais-je donc ? À l’évidence pas dans mon confortable dressing, tapissé de rose, toutes les dernières tenues à la mode soigneusement accrochées sur leurs cintres. Nous étions dans un lieu vaste, plein d’écho bien qu’encombré… comme un entrepôt. De hautes étagères remplies de formes sombres surplombaient nos têtes.

    — Vous avez bien dit Fitzroy ? a demandé Brendan. Rosalinda Fitzroy ?

    — Oui. Pourquoi ?

    — Je vais chercher de l’aide.

     

    Alors, tentés?

  • Premières lignes #53

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
    Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente Un palais d’épines et de roses de Sarah J. Maas dont vous pouvez lire ma chronique ICI.

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    La forêt n’était plus qu’un labyrinthe de neige et de glace.
    Depuis une heure que je scrutais les fourrés, j’avais fini par comprendre que l’affût sur une branche d’arbre n’était pas efficace. Les rafales de vent effaçaient certes mes traces, mais aussi celles de proies éventuelles.
    Poussée par la faim, je m’étais aventurée plus loin de chez moi que je ne l’osais d’habitude, mais l’hiver était l’époque la plus dure pour la chasse. La plupart des animaux s’étaient trop profondément enfoncés dans les bois pour que je puisse les suivre. J’avais espéré que le maigre produit de mes chasses précédentes nous permettrait de tenir jusqu’au printemps, mais je m’étais trompée.
    Je passai mes doigts gourds de froid sur mes cils pour en faire tomber les cristaux de neige. Nulle trace d’arbres dépouillés de leur écorce signalant le passage de daims. Ces derniers ne partiraient d’ici qu’après avoir mangé toute l’écorce à leur portée, et remonteraient vers le nord, au-delà du territoire des loups, peut-être jusqu’aux terres de Prythian, où nul mortel n’osait se risquer à moins d’être las de vivre.
    Cette idée me fit frissonner. Je la chassai pour me concentrer sur les alentours et sur ma tâche. C’était tout ce que je faisais depuis des années : consacrer toute mon énergie à survivre à la semaine, au jour, à l’heure qui venait. Pour l’instant, avec ces chutes de neige, j’aurais de la chance si je pouvais repérer quoi que ce soit, surtout du haut de mon arbre. J’y voyais à peine à cinq mètres devant moi. Réprimant un grognement de douleur, je remuai mes membres raides de froid pour décrocher mon arc de mon dos et descendis de mon perchoir.
    La neige gelée crissa sous les semelles de mes bottes usées jusqu’à la trame et je grimaçai : visibilité réduite et bruit inopportun – j’allais rentrer encore bredouille.
    La nuit tomberait bientôt. Si je m’attardais ici, je devrais rentrer chez moi dans l’obscurité et j’avais encore en mémoire les avertissements des chasseurs de la ville : des meutes de loups géants rôdaient dans les environs. Sans parler des rumeurs sur d’étranges créatures aperçues dans les parages, des êtres de haute taille et mortellement dangereux.
    Tout sauf des immortels – c’étaient les prières que nos chasseurs adressaient à des dieux pourtant oubliés depuis longtemps, et je joignais secrètement les miennes aux leurs. Depuis huit ans que nous habitions ce village, à deux jours de voyage de la frontière de Prythian, terre des immortels, ces derniers nous avaient épargnés. Mais des marchands ambulants nous parlaient parfois de lointaines villes frontalières réduites en cendres. Ces récits, autrefois assez rares pour être considérés comme de simples rumeurs, étaient devenus quotidiens dans les nouvelles qu’on se chuchotait les jours de marché au cours de ces derniers mois.
    J’avais pris un risque considérable en m’aventurant aussi loin dans la forêt, mais nous avions fini notre dernière miche de pain la veille et nos restes de viande séchée l’avant-veille. Je préférais pourtant passer encore une nuit le ventre creux que de satisfaire l’appétit d’un loup – ou d’un immortel.
    J’aurais néanmoins constitué un maigre festin, car depuis le début de cet hiver, je pouvais compter la plupart de mes côtes. J’évoluais aussi légèrement et aussi discrètement que possible entre les arbres, le poing pressé contre mon estomac vide et douloureux. Je savais d’avance l’expression que je lirais sur le visage de mes sœurs aînées si je rentrais de nouveau les mains vides.

     

    Alors, tentés?

  • Premières lignes #52

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente Une journée exceptionnelle de Kaira Rouda

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    Je regarde ma femme s’installer sur le siège passager. Le soleil se reflète dans sa chevelure d’un blond clair et elle lance des étincelles, comme ces cierges magiques qu’on allume pendant les célébrations du quatre juillet. Je suis confiant. Les choses se passent exactement comme prévu.
    Nous sommes ensemble, juste tous les deux, prêts à partir passer le week-end dans notre maison, au bord du lac. Cette journée symbolise tout ce pour quoi j’ai tant travaillé, tout ce que nous avons bâti. Côté conducteur, où je suis assis, le soleil transperce la vitre avec une telle intensité que je ressens le besoin de porter la main à ma tempe. Les verres sombres de mes lunettes devraient pourtant suffire à protéger mes yeux. Ils l’auraient fait dans d’autres circonstances, j’en suis sûr. Un autre jour. Aujourd’hui, quelque chose a changé entre ma femme et moi. Une étrange tension pulse dans l’air stagnant de l’habitacle. Elle n’est pas visible mais je sens bien qu’elle est là. J’aimerais pouvoir lui donner un nom, trouver sa source. L’éliminer.
    La matinée a été stressante, c’est certain. On est vendredi et, quand on a des enfants, le dernier jour de la semaine semble voué à la frénésie. Réveiller les garçons, faire en sorte qu’ils s’habillent et enfin les déposer dans leur école élémentaire, une bâtisse de brique rouge entourée de pelouses impeccables, qui affiche des résultats exemplaires et où ils excelleront sans aucun doute, l’un en CP l’autre en CE2. Pour dire la vérité, mon rôle dans l’emploi du temps que je viens de décrire est assez limité. Le matin, c’est à Mia, ma femme, qu’incombent toutes les tâches liées aux garçons. De ce point de vue, nous sommes un foyer de banlieue des plus traditionnels. Quand je me réveille, je prépare du café, je prends ma douche, je m’habille et je pars au bureau avant le lever des enfants. Je dois bien avouer que, la plupart du temps, mes préoccupations sont assez égoïstes, voire égocentriques.
    Voilà pourquoi cette journée est si particulière. Ce matin, c’est moi qui ai accompagné les garçons à l’école, qui leur ai expliqué qu’au lieu de leur maman, ce serait la baby-sitter qui viendrait les chercher à la sortie des classes. Une fois rentré à la maison, j’ai rangé nos couverts sales dans le lave-vaisselle. Je peux être serviable, quand je le veux, mais je préfère éviter car Mia risquerait de s’y habituer. Une fois la table du petit déjeuner débarrassée, j’ai appelé Mia, à l’étage, pour qu’elle se dépêche. Cela fait plus d’un an que nous n’avons pas passé de week-end tous les deux, en amoureux. Cette journée nous appartenait tout entière et il était temps de se mettre en route.
    Sa réponse m’est parvenue en voletant comme un papillon depuis le haut de l’escalier. Elle avait besoin de mon aide pour les bagages. Quelques instants plus tard, je portais deux énormes valises jusqu’en bas de notre grand escalier. Mia me suivait, les bras chargés d’un panier à linge rempli d’on-ne-sait-quoi.
    — Tu comptes y rester un bon moment, à ce que je vois ! l’ai-je taquinée.
    Elle a rougi, gênée de confirmer sa réputation de voyager lourd, mais je n’ai pas râlé. C’était sa journée. Elle pouvait emporter tout ce qu’elle voulait. Au moment où tout fut casé dans le coffre de la voiture, quand Mia a enfin commencé à se dérider, visiblement soulagée d’avoir terminé ses valises, mon téléphone s’est mis à sonner. J’aurais mieux fait de ne pas répondre, c’est vrai, mais cette erreur ne mérite pas qu’on s’y attarde. Ce n’était qu’un tout petit faux pas dans une journée qui s’annonçait formidable.


    Alors, tentés?

  • Premières lignes #51

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente Persuasion de Jane Austen dont vous pouvez lire ma chronique ICI.

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    Sir Walter Elliot, de Kellynch-Hall, dans le comté de Somerset, n’avait jamais touché un livre pour son propre amusement, si ce n’est le livre héraldique.
    Là il trouvait de l’occupation dans les heures de désœuvrement, et de la consolation dans les heures de chagrin. Devant ces vieux parchemins, il éprouvait un sentiment de respect et d’admiration. Là, toutes les sensations désagréables provenant des affaires domestiques se changeaient en pitié et en mépris. Quand il feuilletait les innombrables titres créés dans le siècle dernier, si chaque feuille lui était indifférente, une seule avait constamment pour lui le même intérêt, c’était la page où le volume favori s’ouvrait toujours :
    Famille Elliot, de Kellynch-Hall :
    Walter Elliot, né le 1er mars 1760 ; épousa, le 15 juillet 1784,
    Élisabeth, fille de Jacques Stevenson, esquire de South-Park, comté de Glocester, laquelle mourut en 1800. Il en eut :
    Élisabeth, née le 1er juin 1785,
    Anna, née le 9 aoust 1787,
    Un fils mort-né le 5 novembre 1789,
    et Marie, née le 20 novembre 1791.
    Tel était le paragraphe sorti des mains de l’imprimeur ; mais Sir Walter y avait ajouté pour sa propre instruction, et pour celle de sa famille, à la suite de la date de naissance de Marie :
    « Mariée le 16 décembre 1810 à Charles Musgrove, esquire d’Uppercross, comté de Somerset. »
    Puis venait l’histoire de l’ancienne et respectable famille : le premier de ses membres s’établissant dans Cheshire, exerçant la fonction de haut shérif ; représentant un bourg dans trois parlements successifs, et créé baronnet dans la première année du règne de Charles II. Le livre mentionnait aussi les femmes ; le tout formant deux pages in-folio, accompagné des armoiries et terminé par l’indication suivante : « Résidence principale : Kellynch-Hall, comté de Somerset. »
    Puis, de la main de Sir Walter :
    « Héritier présomptif : William Walter Elliot, esquire, arrière-petit-fils du second Sir Walter. »
    La vanité était le commencement et la fin du caractère de Sir Elliot : vanité personnelle, et vanité de rang.
    Il avait été remarquablement beau dans sa jeunesse, et à cinquante-quatre ans, étant très bien conservé, il avait plus de prétentions à la beauté que bien des femmes, et il était plus satisfait de sa place dans la société que le valet d’un lord de fraîche date. À ses yeux, la beauté n’était inférieure qu’à la noblesse, et le Sir Walter Elliot, qui réunissait tous ces dons, était l’objet constant de son propre respect et de sa vénération.


    Alors, tentés?

  • Premières lignes #50

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Cette semaine, je vous présente Prise au piège de Robert Dugoni dont vous pouvez lire ma chronique ICI.

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    Kurt Schill traîna son bateau en aluminium de 4,20 m de long sur les rondins de bois flotté qu’il avait installés pour réduire au minimum le raclement de la coque sur les rochers. Pour protéger son récent investissement, bien sûr, mais à dire vrai, il tenait surtout à éviter une confrontation avec les résidents des copropriétés et des logements situés en bordure de l’étroit passage qui permettait d’accéder au Puget Sound. Ceux-ci n’apprécieraient guère qu’on dérange leur tranquillité à quatre heures et demie du matin. Schill n’aurait pas grand-chose à dire pour sa défense s’ils se plaignaient à la police de ce qu’il mette son bateau à l’eau depuis un sentier strictement réservé aux piétons. Les écriteaux étaient nombreux et explicites.
    Il pénétra dans l’eau pour stabiliser l’embarcation, et perçut à travers ses bottes en caoutchouc la fraîcheur des 7 oC du Puget Sound. Après une poussée, il sauta à l’intérieur en se cognant violemment le genou, et le bateau roula et tangua jusqu’à ce qu’il ait ajusté son poids sur le banc central. La coque en V paraissait plus stable que celle de son bateau en fibre de verre, difficile à manœuvrer quand la mer était grosse. Il lui faudrait néanmoins attendre d’être un peu plus loin avant de démarrer le moteur Honda 6 CV pour mesurer pleinement la différence.
    Il glissa les avirons en bois dans les dames de nage et s’éloigna du rivage. Seul le clapotis des pelles et le cliquetis du tolet à chaque coup de rame troublaient le silence. La coque en aluminium glissait sans effort sur les eaux d’un noir d’encre. Encore un truc qui lui plaisait sur ce nouveau matériel. Après avoir mis de l’argent de côté, il l’avait acheté à un type sur Craigslist pour 2000 $ – le bateau et la remorque. C’était plus que les 1500 $ qu’il avait budgétés – son père l’avait aidé pour le supplément, même s’il était obligé de rembourser cet argent. Il se disait qu’il pourrait économiser en faisant l’impasse sur les tarifs de mise à l’eau dans les marinas locales et en ramenant davantage de crabes. Le ministère de la Chasse et de la Pêche limitait les prises à cinq crabes de Dungeness par personne, mais Schill n’allait sûrement pas remettre le surplus à l’eau, pas avec ses contacts dans la restauration qui payaient au noir en liquide.
    Il ramait en direction de Blake Island, une bosse noire qui s’élevait au-dessus de l’eau, un peu écrasée cependant par les ombres des îles sensiblement plus grandes situées derrière – Bainbridge et Vashon. Au nord, les lumières du ferry de Bremerton faisant route à l’est vers Seattle le faisaient ressembler à une punaise d’eau illuminée. La sueur dégoulinait sur la poitrine et le dos de Schill sous son gilet de sauvetage, jusque dans ses cuissardes, et il bénissait la légère brise qui lui rafraîchissait la nuque.
    À quelques centaines de mètres du rivage, il remonta les rames et se dirigea à l’arrière de l’embarcation. Il fixa le coupe-circuit à son gilet de sauvetage, actionna trois fois la pompe d’amorçage pour expédier l’essence dans le moteur, ajusta le starter et tira sur le câble de démarrage. Le moteur hoqueta, crachota, puis s’arrêta. Schill s’assura que le levier de vitesse était en position neutre, la manette des gaz du gouvernail bloquée sur l’icône de la tortue, puis tira de nouveau. Le moteur haleta, toussa, puis démarra.

     

    Alors, tentés?