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Premières lignes #57

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

 

Cette semaine, je vous présente Mon amie Adèle de Sarah Pinborough

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AVANT

Me pincer et me dire JE SUIS RÉVEILLÉ une fois par heure.
Regarder mes mains. Compter mes doigts.
Regarder l’horloge (ou la montre), ne plus la regarder, la regarder de nouveau.
Rester calme et concentré.
Penser à une porte.

PLUS TARD

Il faisait presque jour quand ce fut enfin terminé. Une traînée de gris sur la toile du ciel. Des feuilles mortes et de la boue accrochées à son jean. Son corps si faible et douloureux tandis que sa sueur refroidissait dans l’air humide. Une chose avait été faite, qui ne pouvait plus être défaite. Un acte terrible et nécessaire. Une fin et un commencement désormais à jamais noués ensemble. Il s’attendait que le monde reflète ce changement, mais la terre et les cieux gardaient les mêmes tons voilés, les arbres ne tremblaient pas de colère. Le vent ne gémissait pas. Pas de sirène au loin. Les bois n’étaient que les bois, la terre n’était que la terre. Il poussa un long soupir qui – et ce fut une surprise – lui fit du bien. Propre. Une nouvelle aube. Un nouveau jour.
Il marcha en silence vers les restes de la maison au loin. Il ne regarda pas derrière lui.

MAINTENANT

Adèle

J’ai encore de la terre sous les ongles quand David rentre enfin. Je la sens qui pique ma peau écorchée. Mon ventre se noue, mes nerfs se tendent alors que la porte se ferme. Pendant un moment, nous nous contentons de nous dévisager, chacun à un bout du long couloir de notre nouvelle et belle maison, séparés par une longue étendue de bois parfaitement verni, puis, titubant légèrement, il se dirige vers le salon. Je respire un grand coup et je le rejoins, tressaillant à chacun des chocs durs de mes talons sur le plancher. Je ne dois pas avoir peur. Il faut arranger ça. Que nous l’arrangions.
— J’ai préparé le dîner, dis-je sans montrer mon angoisse. Un Stroganoff, c’est tout. Il tiendra jusqu’à demain si tu as déjà mangé.
Il ne me regarde pas, scrutant nos étagères que les déménageurs ont remplies de livres sortis des cartons. Je m’efforce de ne pas penser à la durée de son absence. J’ai nettoyé le verre brisé, balayé et frotté le sol, avant de m’occuper du jardin. Toutes les traces de rage ont été effacées. Je me suis rincé la bouche après chaque verre de vin que j’ai bu quand il n’était pas là, il ne sentira rien. Il n’aime pas que je boive. Juste un verre ou deux quand nous sommes en société. C’est tout. Mais ce soir, je n’ai pas pu me retenir.
J’ai pris une douche, sans réussir à enlever complètement la terre sous mes ongles, et j’ai enfilé une robe bleu pastel avec des chaussures à talons assorties. J’ai soigné mon maquillage. Plus de larmes, plus le moindre signe de dispute. Je veux que nous nous débarrassions de ça. C’est notre nouveau départ. Un autre commencement. Il le faut.
— Je n’ai pas faim.
Il se tourne enfin face à moi et je lis un mépris silencieux dans ses yeux. Je ravale une soudaine envie de pleurer. Ce vide est pire que sa colère. Tout ce que j’ai eu tant de mal à construire est en train de s’effondrer. Je me moque qu’il soit encore soûl. Je veux juste qu’il m’aime comme avant. Il ne remarque même pas tout ce que j’ai fait depuis qu’il s’est rué dehors. Les efforts que ça a exigés. À quel point j’ai travaillé. À quel point j’ai essayé.
— Je vais me coucher, dit-il.
Il ne me regarde pas dans les yeux et je sais qu’il veut dire dans l’autre chambre. Deux jours après notre nouveau départ, il ne veut pas dormir avec moi. Les fissures entre nous s’élargissent, bientôt nous ne pourrons plus nous atteindre. Il me contourne prudemment. Je veux lui toucher le bras, mais j’ai trop peur de sa réaction. On dirait que je le dégoûte. À moins que ce ne soit son dégoût de lui-même qui déborde et déferle sur moi.

 

Alors, tentés?

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