Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !
Cette semaine, je vous présente Un palais d’épines et de roses de Sarah J. Maas dont vous pouvez lire ma chronique ICI.
La forêt n’était plus qu’un labyrinthe de neige et de glace.
Depuis une heure que je scrutais les fourrés, j’avais fini par comprendre que l’affût sur une branche d’arbre n’était pas efficace. Les rafales de vent effaçaient certes mes traces, mais aussi celles de proies éventuelles.
Poussée par la faim, je m’étais aventurée plus loin de chez moi que je ne l’osais d’habitude, mais l’hiver était l’époque la plus dure pour la chasse. La plupart des animaux s’étaient trop profondément enfoncés dans les bois pour que je puisse les suivre. J’avais espéré que le maigre produit de mes chasses précédentes nous permettrait de tenir jusqu’au printemps, mais je m’étais trompée.
Je passai mes doigts gourds de froid sur mes cils pour en faire tomber les cristaux de neige. Nulle trace d’arbres dépouillés de leur écorce signalant le passage de daims. Ces derniers ne partiraient d’ici qu’après avoir mangé toute l’écorce à leur portée, et remonteraient vers le nord, au-delà du territoire des loups, peut-être jusqu’aux terres de Prythian, où nul mortel n’osait se risquer à moins d’être las de vivre.
Cette idée me fit frissonner. Je la chassai pour me concentrer sur les alentours et sur ma tâche. C’était tout ce que je faisais depuis des années : consacrer toute mon énergie à survivre à la semaine, au jour, à l’heure qui venait. Pour l’instant, avec ces chutes de neige, j’aurais de la chance si je pouvais repérer quoi que ce soit, surtout du haut de mon arbre. J’y voyais à peine à cinq mètres devant moi. Réprimant un grognement de douleur, je remuai mes membres raides de froid pour décrocher mon arc de mon dos et descendis de mon perchoir.
La neige gelée crissa sous les semelles de mes bottes usées jusqu’à la trame et je grimaçai : visibilité réduite et bruit inopportun – j’allais rentrer encore bredouille.
La nuit tomberait bientôt. Si je m’attardais ici, je devrais rentrer chez moi dans l’obscurité et j’avais encore en mémoire les avertissements des chasseurs de la ville : des meutes de loups géants rôdaient dans les environs. Sans parler des rumeurs sur d’étranges créatures aperçues dans les parages, des êtres de haute taille et mortellement dangereux.
Tout sauf des immortels – c’étaient les prières que nos chasseurs adressaient à des dieux pourtant oubliés depuis longtemps, et je joignais secrètement les miennes aux leurs. Depuis huit ans que nous habitions ce village, à deux jours de voyage de la frontière de Prythian, terre des immortels, ces derniers nous avaient épargnés. Mais des marchands ambulants nous parlaient parfois de lointaines villes frontalières réduites en cendres. Ces récits, autrefois assez rares pour être considérés comme de simples rumeurs, étaient devenus quotidiens dans les nouvelles qu’on se chuchotait les jours de marché au cours de ces derniers mois.
J’avais pris un risque considérable en m’aventurant aussi loin dans la forêt, mais nous avions fini notre dernière miche de pain la veille et nos restes de viande séchée l’avant-veille. Je préférais pourtant passer encore une nuit le ventre creux que de satisfaire l’appétit d’un loup – ou d’un immortel.
J’aurais néanmoins constitué un maigre festin, car depuis le début de cet hiver, je pouvais compter la plupart de mes côtes. J’évoluais aussi légèrement et aussi discrètement que possible entre les arbres, le poing pressé contre mon estomac vide et douloureux. Je savais d’avance l’expression que je lirais sur le visage de mes sœurs aînées si je rentrais de nouveau les mains vides.
Alors, tentés?