Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !
Cette semaine, je vous présente Dix petites poupées de B.A. Paris
Douze ans plus tôt
Extrait de déposition : Finn McQuaid
Date : 15/03/2006
Heure : 03:45
Lieu de la déposition : Fonches
Nous revenions d’un séjour de ski à Megève. J’avais décidé de m’arrêter à Paris au retour pour faire une surprise à Layla, car elle n’y était jamais allée. Nous avons dîné dans un restaurant près de Notre-Dame, puis sommes allés nous promener le long de la Seine. Nous aurions pu passer la nuit à Paris ; maintenant je regrette de ne pas l’avoir fait, mais nous avions tous les deux hâte de retrouver notre cottage de St Mary, dans le Devon.
Il devait être près de minuit quand nous avons quitté Paris. Environ une heure et demie après avoir repris la route, j’ai eu envie d’aller aux toilettes et j’ai quitté l’autoroute à l’aire de Fonches. Il n’y a pas de station-service, on ne peut pas faire le plein ni rien acheter mais je savais qu’il y avait des toilettes parce que je m’y étais déjà arrêté lors de mes précédents voyages à Megève. L’endroit était désert, à part la voiture dont je vous ai parlé, celle qui était garée juste devant les sanitaires. Je crois qu’il y avait quelques camions dans le parking poids lourds – au moins deux : celui que j’ai vu partir et celui du chauffeur à qui je me suis adressé, ensuite.
Dans la voiture, il y avait une bouteille d’eau vide qui roulait et les emballages des en-cas que nous avions grignotés en remontant de Megève, donc je suis passé devant le bloc des sanitaires et je me suis garé au bout du parking, devant la poubelle, pour m’en débarrasser. Je… j’aurais dû me garer devant les toilettes et aller à la poubelle à pied. Si j’avais fait ça, j’aurais été plus proche… J’aurais dû être plus près.
Layla dormait. Elle s’était endormie dès que nous avions rejoint l’autoroute et je ne voulais pas la réveiller, donc je suis resté un moment là, pour me détendre un peu. Elle s’est réveillée quand j’ai commencé à ramasser les déchets que je voulais jeter. Elle n’a pas voulu aller aux toilettes, elle a dit qu’elle préférait attendre une vraie station-service, donc quand je suis descendu de voiture, je lui ai dit de verrouiller les portières derrière moi. Ça ne me plaisait pas de la laisser là dans le noir. Elle a très peur du noir, vous comprenez. En me rendant aux toilettes, j’ai croisé un homme et une minute plus tard à peu près, j’ai entendu une voiture démarrer. Il était moins grand que moi, un mètre quatre-vingt, peut-être. Il avait les cheveux bruns, je crois ; et une barbe, ça c’est sûr. Je n’ai pas traîné aux toilettes, j’ai eu une sensation désagréable, troublante, comme si quelqu’un m’observait. C’est peut-être parce que la porte d’un des W.-C. était fermée.
En revenant à la voiture, j’ai entendu un poids lourd quitter le parking et je l’ai regardé prendre la bretelle d’accès à l’autoroute. Il conduisait vite, comme s’il était pressé, mais honnêtement, sur le moment, ça ne m’a pas du tout alerté. Je devinais la silhouette de ma voiture, plus loin. C’était la seule voiture parce que l’autre, celle qui était garée devant les sanitaires, était partie. C’est seulement en m’approchant que j’ai vu que Layla n’était pas à l’intérieur et je me suis dit qu’elle avait dû changer d’avis et vouloir aller aux toilettes. Je me souviens d’avoir regardé autour de moi, en m’attendant à la voir se dépêcher de me rejoindre – j’étais sûr que l’endroit lui paraissait aussi sinistre qu’à moi – mais elle n’était pas là et je suis allé l’attendre dans la voiture. Et puis l’obscurité a commencé à m’oppresser et j’ai démarré pour revenir me garer devant les toilettes, où il y avait au moins un peu de lumière, pour que Layla n’ait pas à faire tout ce chemin dans le noir. Au bout de deux minutes, même pas, j’ai commencé à m’inquiéter. Il n’était pas normal qu’elle ne réapparaisse pas, alors je suis redescendu de voiture pour aller la chercher dans les toilettes des femmes. Il y avait trois portes, deux ouvertes et la troisième fermée, donc j’ai supposé que Layla y était. Je l’ai appelée mais comme elle ne répondait pas, j’ai mis la main sur la poignée et j’ai poussé. La porte s’est ouverte facilement, et j’ai vu qu’il n’y avait personne. Alors je suis vite ressorti et je l’ai cherchée, en pensant qu’elle avait peut-être décidé de faire un petit tour pour se dégourdir les jambes ou pour prendre l’air. Mais en même temps, je savais que jamais elle ne se serait éloignée, pas la nuit, pas dans une obscurité pareille parce que, comme je vous l’ai dit, elle n’aime pas le noir.
J’ai fait le tour du bloc sanitaire en courant, au cas où, et comme elle restait introuvable j’ai pris une lampe torche dans mon coffre et j’ai élargi mon périmètre de recherche. J’ai exploré toute l’aire de pique-nique, en continuant de l’appeler. Il restait un camion sur le parking des poids lourds, alors j’y suis allé et j’ai appelé, en espérant que son conducteur m’aiderait à la chercher. Mais il n’y avait personne dans la cabine et je n’ai pas eu de réponse quand j’ai frappé à la portière. J’ai supposé que le chauffeur dormait à l’arrière. J’ai aussi cogné à l’arrière, mais il ne s’est rien passé. Et quand j’ai pris mon téléphone, j’ai vu qu’il n’y avait pas de réseau. Je ne savais plus quoi faire. Je ne voulais pas partir parce que Layla était peut-être tombée, qu’elle était peut-être là quelque part, blessée, mais j’ai compris que je ne pouvais pas la retrouver avec seulement ma petite lampe torche. J’ai fini par revenir à ma voiture et j’ai foncé à la station- service suivante où je suis allé demander de l’aide. J’ai eu du mal à me faire comprendre parce que mon français n’est pas très bon mais ils ont fini par accepter d’appeler la police. Et puis vous êtes arrivés, avec quelqu’un qui parle bien anglais, et vous m’avez ramené à l’aire de repos pour m’aider à chercher Layla. Il fallait absolument que je la retrouve.
Voilà la déposition que j’ai faite à la police, dans un commissariat quelque part près de l’A1, en France. C’est la vérité. Mais pas toute la vérité.
Alors, tentés?