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Policiers/Thrillers - Page 16

  • [Livre] N’oublier jamais

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    Résumé : Il court vite, Jamal, très vite. A cause de sa prothèse à la jambe et autres coups du sort, il a un destin à rattraper. A Yport, parti s’entraîner sur la plus haute falaise d’Europe, il a d’abord remarqué l’écharpe, rouge, accrochée à une clôture, puis la femme brune, incroyablement belle, la robe déchirée, le dos face au vide, les yeux rivés aux siens. Ils sont seuls au monde ; Jamal lui tend l’écharpe comme on lance une bouée.

    Quelques secondes plus tard, sur les galets glacés de la plage déserte, gît sous les yeux effarés de Jamal le corps inerte de l’inconnue.

    A son cou, l’écharpe rouge.

     

    Auteur : Michel Bussi

     

    Edition : Presses de la Cité

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 7 Mai 2014

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : Bon on ne va pas se voiler la face, pendant la moitié du livre on se dit que le personnage principal est fou, pendant l’autre moitié on se dit que peut être qu’en fait c’est nous qui le sommes. C’est du Bussi quoi.
    On ne sait jamais d’où va venir la prochaine baffe, seulement qu’il va y en avoir, et pas qu’une.
    Ici le personnage principal est Jamal. Sportif de haut niveau, malgré sa jambe artificielle, Jamal court tous les jours le long de la falaise pour atteindre son rêve, participer à une course très difficile sur le Mont Blanc. Quand il voit une jeune femme sur le point de se jeter dans le vide, il essaie immédiatement de la dissuader, en vain, sans se douter que sa vie va devenir un véritable enfer.
    Autant le dire j’ai changé d’avis sur Jamal toutes les 15 pages, un coup il était innocent, un coup il était coupable, un coup il était fou…
    Soupçonné par la police d’avoir en fait assassiné la « suicidée », il clame son innocence. Mais j’ai eu beaucoup de mal à le croire puisqu’il prend la fuite. Pour moi, s’il était vraiment innocent il aurait dû se ruer chez un avocat.
    Et puis il y a le fait que pas un journal ne parle de ce suicide. Là je me suis demandé si Jamal n’était pas fou et si le flic qui le poursuit n’essaie pas juste de le protéger de lui-même. Je me suis même demandé si les personnages secondaires existaient ou n’étaient que des produits de l’imagination de Jamal, ou des souvenirs…

    C’est ce que j’aime avec Bussi, c’est qu’on n’est sûr de rien, et que, quand enfin on pense avoir tout compris, quand enfin on se dit qu’on tient le coupable, tout bascule ! On n’a pas forcément tort, c’est ça qui fait la force de cet auteur. On n’est pas dans la situation où on se dit untel est le coupable et en fait non c’était un autre qu’on aurait jamais soupçonné. Non ici, c’est plus subtil. On peut découvrir le coupable, mais il nous manque toujours quelque chose. Untel est le coupable…mais pas que…
    Tout au long du livre, chaque personnage a une importance et justement, il y avait une donnée que je n’arrivais pas à rattacher à l’histoire, c’était ce par quoi elle commence, la découverte de trois squelettes après un éboulement de falaise. Impossible de savoir comment ces morts, anciennes, et n’ayant apparemment pas eu lieu en même temps, avait comme impact sur l’affaire de Jamal.
    Ce n’est qu’à la fin qu’on le découvrira. Et comme souvent, le dénouement coupe le souffle tant on ne s’attendait pas à ça !

    Un extrait : Elle avait beaucoup pleuré, mais la fontaine semblait tarie. Le maquillage autour de ses yeux avait coulé, puis séché. Jamal eut du mal à ordonner les signes contradictoires qui se bousculaient dans sa tête.

    Le danger.

    L’urgence.

    L’émotion surtout. L’émotion qui le submergeait. Jamais il n’avait vu de femme aussi belle. Sa mémoire enregistra pour l’éternité l’ovale parfait du visage face à lui, comme arrondi par la caresse de deux cascades de cheveux de jais, les deux yeux charbon plantés dans une peau de neige, le dessin des sourcils et de la bouche, fin et vif, comme trois traits guerriers tracés par un doigt plongé dans le sang et la suie. Il essaya par la suite d’évaluer si la surprise avait eu une influence sur son jugement, la situation aussi, la détresse de cette inconnue, la nécessité de lui saisir la main, sans trouver de réponse.

    — Mademoiselle…

    Jamal tendit la main.

    — N’approchez pas, fit la fille.

    Une prière plus qu’un ordre. Les braises semblaient s’être définitivement éteintes dans ses iris charbon.

    — D’accord, balbutia Jamal. D’accord. Ne bougez pas non plus, on a tout le temps.

    Le regard de Jamal glissa sur la robe impudique. Il imagina que la fille sortait du casino, cent mètres plus bas. Le soir, ils transformaient la salle de spectacle du Sea View en discothèque.

    Une sortie de boîte qui aurait mal tourné ? Grande, fine, sexy, la fille avait de quoi aiguiser les convoitises. Les boîtes étaient pleines de gars qui ne venaient que pour ça, mater la bombe de la soirée.

    Jamal s’exprima de la voix la plus calme qu’il put.

    — Je vais avancer lentement, je vais vous donner la main.

    La fille baissa les yeux pour la première fois et s’arrêta un instant sur la prothèse de carbone. Elle ne put retenir un mouvement de surprise, qu’elle contrôla presque aussitôt.

    — Si vous faites le moindre pas, je saute…

    — OK, OK, je ne bouge pas…

    Jamal se statufia, bloquant même sa respiration. Seuls ses yeux couraient, de cette fille sortie de nulle part à dix pas de lui jusqu’à l’aube orange tout au bout de l’horizon.

    Des gars bourrés qui se rincent l’œil en suivant chaque déhanchement de la reine de la piste de danse, repensa Jamal. Et parmi eux, au moins un malade, peut-être plusieurs, suffisamment vicieux pour suivre la fille à la sortie. La coincer. La violer.

    — On… on vous a fait du mal ?

    Les boules de charbon fondirent en larmes de glace.

    — Vous ne pouvez pas comprendre. Continuez votre route. Partez ! Partez vite.

    Une idée…

    Jamal passa les mains autour de son cou. Lentement. Pas assez pourtant. La fille recula d’un coup, un pied presque dans le vide.

    Jamal se figea. Cette fille était un moineau apeuré à attraper au creux de la main. Un oiseau tombé du nid, incapable de voler.

    — Je ne vais pas bouger, mademoiselle. Je vais juste vous lancer mon écharpe. Je vais tenir une extrémité. Attrapez l’autre, simplement. Vous déciderez ou non de lâcher.

    La fille hésita, une nouvelle fois surprise. Jamal en profita pour jeter le pan de cachemire rouge. Deux mètres le séparaient de la jeune suicidaire.

    L’étoffe tomba à ses pieds.

    Elle se pencha délicatement, colla par pudeur dérisoire un lambeau de robe sur son sein dénudé, puis se releva, agrippant l’écharpe offerte par Jamal.

    — Doucement, fit Jamal. Je vais tirer sur le tissu, l’enrouler autour de mes mains. Laissez-vous entraîner jusqu’à moi, deux mètres, seulement deux mètres plus loin du vide.

    La fille serra plus fort l’étoffe.

    Jamal comprit alors qu’il avait gagné, qu’il avait exécuté le geste juste, lancer cette écharpe comme un marin lance une bouée au noyé, la ramener à la surface en douceur, centimètre par centimètre, avec une infinie précaution pour ne pas briser le fil.

    — Doucement, répéta-t-il. Venez vers moi.

    Il réalisa un bref instant qu’il venait de croiser la plus belle fille qu’il ait jamais vue. Et qu’il venait de lui sauver la vie.

    Cela suffit à le déconcentrer, une infime seconde.

    Soudain, la fille tira sur l’écharpe. Jamal s’attendait à toutes les réactions sauf à celle-ci. Un mouvement sec, rapide.

    L’écharpe lui glissa des mains.

    La suite dura moins d’une seconde.

    Le regard de la fille se planta en lui, indélébile, celui d’une fille à la fenêtre d’un train qui part. Celui de la fatalité.

    — Nooon ! hurla Jamal.

    La dernière chose qu’il vit fut l’écharpe de cachemire rouge flotter entre les doigts de la fille. L’instant d’après, elle bascula dans le vide.

    La vie de Jamal aussi, mais cela, il ne le savait pas encore.

     

  • [Livre] Tu tueras le père

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    Résumé : Sous un soleil de plomb, un homme court, désorienté, le long d'une route qui mène à Rome. Luca, son jeune fils, a disparu lors d'un pique-nique familial dans le Pratoni del Vivaro, un parc naturel à quelques kilomètres de là. Les enquêteurs dépêchés sur place découvrent bientôt la mère dans une clairière, décapitée.
    A la demande de son patron, Colomba Caselli, en congé après une affaire qu’elle nomme « le désastre », vient jeter un œil sur les lieux…et comprend aussitôt que quelque chose ne tourne pas rond.
    Le commissaire Rovere lui demande comme une faveur de mener l'enquête pour lui, en toute discrétion, et d'aller consulter un expert du rapt et de la maltraitance infantile, Dante Torre. Surnommé « l’enfant du silo » celui-ci a vécut 11 ans en captivité. Pendant ces années, son seul contact avec l'extérieur a été son mystérieux geôlier, qu'il appelle « le Père ».

    Colomba va confronter Dante à son pire cauchemar : dans cette affaire, il reconnaît la signature de ce Père jamais identifié, jamais arrêté...

    Auteur : Sandrone Dazieri

     

    Edition : Robert Laffont

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 8 octobre 2015

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Quand on voit une photo de l’auteur, Sandrone Dazieri, on ne dirait vraiment pas que c’est un psychopathe. Mais une fois qu’on a lu ce livre, on se pose la question.
    L’écriture est addictive. Le récit de l’enquête en cours est entrecoupé de scènes du passé.
    L’enquête en elle-même est assez lente : Colomba et Dante ne disposent pas toujours de tout l’arsenal judiciaire et doivent suivre de nombreuses pistes qui ne mènent à rien. Mais cette lenteur, qui a tendance à m’agacer en général, est ici un atout. On ne voit pas passer les 552 pages du livre car, si l’enquête est lente et laborieuse, le rythme général, lui, ne l’est pas une seconde. Car même si Colomba et Dante ne trouvent pas tout, tout de suite, comme on peut le voir dans certains thrillers, ils se démènent, cherchent, réfléchissent, courent partout… Et doivent gérer leurs démons : Colomba est encore très affectée par cette affaire dans son passé qu’elle appelle « le désastre » et pour laquelle ses anciens collègues semblent lui garder rancœur. Dante, lui, est bourré de phobies : vertige, claustrophobe (peut être aussi un poil agoraphobe), maniaque à l’extrême… Ce qui n’est pas des plus pratiques pour enquêter, il faut bien l’admettre.
    Sandrone Dazieri a travaillé ses personnages dans les moindres détails. Pour les personnages principaux, il les dévoile lentement, on en apprend un peu plus sur eux à chaque page. Mais même pour un personnage aussi insignifiant, et qui apparaît à peine, que la mère de Colomba, il arrive, en quelques lignes et quelques phrases de dialogue à nous faire cerner sa personnalité.
    J’ai beaucoup aimé Colomba, même si elle est parfois un peu trop dans le « tout est noir ou tout est blanc ». Dante me rendrait dingue au quotidien entre ses névroses et sa brusquerie lorsqu’il parle aux familles des victimes, mais le personnage est si bien construit qu’on ne pourrait pas l’imaginer se comporter autrement.
    On voit la plupart des autres personnages à travers le prisme des yeux de Colomba et Dante et donc on ne sait pas tout d’eux. Le procureur semble être un salopard et un incompétent, mais de par sa fonction, c’est surtout un politique et on ne le voit pas en dehors de cette fonction.
    Santini apparaît tout d’abord comme un flic arriviste qui veut être au centre de l’attention, mais au fil des pages, l’opinion qu’on a de lui se nuance un peu.
    Pendant la moitié du livre j’ai soupçonné tout le monde tour à tour. Pas forcément d’être le tueur lui-même, mais d’être au moins un complice.
    Finalement j’ai fini par avoir le fameux « Satori », une illumination comme le dit Dante, et, en regroupant tous les indices qu’on avait, j’ai trouvé le tueur (bon, ok, trois pages avant qu’il ne soit dévoilé, et encore je compte large mais quand même !).
    La fin laisse sur l’impression dérangeante que tout n’est pas totalement fini et qu’il reste des choses à découvrir. Y aura-t-il une suite ? Ou une autre enquête du duo ? Pas si sûr…

    Un extrait : L'HORREUR A COMMENCÉ À CINQ HEURES de l'après-midi, un samedi du début septembre : un homme en short faisait de grands gestes pour arrêter les voitures. Il portait un tee-shirt sur la tête pour se protéger du soleil et, aux pieds, une paire de tongs hors d'usage.

    Rien qu'à le regarder, l'agent qui rangea la voiture de patrouille sur le bas-côté de la départementale le classa dans la catégorie de « ceux qui ont perdu la boule ». Après dix-sept ans de service et quelques centaines d'alcooliques et de personnes en phase de délire, calmées avec ou sans égards, les « perdu la boule », il savait les reconnaître du premier coup d'œil. Et celui-ci en faisait partie, sans le moindre doute.

    Les deux agents descendirent du véhicule et l'homme en short s'approcha, bredouillant quelque chose. Il était épuisé et déshydraté, et l'agent le plus jeune lui donna un peu d'eau de la petite bouteille qu'il rangeait dans la portière, sans prêter attention au regard dégoûté de son collègue.

    Après quelques gorgées, les mots de l'homme en short devinrent plus compréhensibles. « J'ai perdu ma femme, dit-il. Et mon fils. » Il s'appelait Stefano Maugeri et, ce matin-là, il était parti pique-niquer avec sa famille non loin de là, dans la vallée des Pratoni del Vivaro. Ils avaient déjeuné de bonne heure et lui s'était assoupi, bercé par la brise. Quand il s'était réveillé, sa femme et son fils avaient disparu.

    Pendant trois heures, il avait arpenté les lieux, décrivant des cercles et cherchant en vain, jusqu'au moment où il s'était retrouvé à marcher sur le bas-côté de la route, frisant l'insolation et complètement désorienté. L'agent le plus âgé, qui commençait à voir vaciller ses certitudes, lui demanda pour quelle raison il n'avait pas appelé sa femme sur son portable : Maugeri lui répondit qu'il l'avait fait, mais que chaque fois il était tombé sur le répondeur ; puis son portable avait fini par se décharger complètement.

    L'agent le plus âgé regarda Maugeri, un peu moins sceptique. Les femmes qui disparaissaient en prenant les enfants avec elles, il en avait fait une sacrée collection au cours des interventions d'urgence, mais aucune n'avait jamais planté son conjoint au milieu des prés. Pas vivant, en tout cas.

    Les agents reconduisirent Maugeri sur les lieux du pique-nique. Il n'y avait personne. Les autres promeneurs étaient partis et sa Bravo grise était restée toute seule sur la petite route, non loin d'une nappe couleur magenta où se trouvaient encore des traces du déjeuner et une figurine de Ben 10, jeune héros ayant le pouvoir de se transformer en une quantité de monstres aliens.

    Quand ils arrivèrent, Ben 10 aurait dû se transformer en une espèce d'énorme mouche bleue qui aurait survolé les Pratoni à la recherche des disparus. Mais les deux policiers n'eurent d'autre choix que de donner l'alerte et d'appeler le Bureau d'enquêtes, lançant l'une des opérations de recherche les plus spectaculaires qui s'étaient déroulées dans les Pratoni ces dernières années.

    C'est alors que Colomba entra en scène. C'était son premier jour de travail après une longue pause, et ça allait devenir, de toute évidence, l'un des pires de sa carrière.

     

  • [Livre] Tant que dure ta colère

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    Résumé : Au nord de la Suède, à la fonte des glaces, le cadavre d'une jeune fille remonte à la surface du lac de Vittangijärvi. Est-ce son fantôme qui trouble les nuits du procureur Rebecka Martinsson ? Alors que l'enquête réveille d'anciennes rumeurs sur la mystérieuse disparition en 1943 d'un avion allemand dans la région de Kiruna, un tueur rôde, prêt à tout pour que la vérité reste enterrée sous un demi-siècle de neige ...

     

    Auteur : Asa Larsson

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 01 septembre 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Cette histoire est la quatrième affaire sur laquelle travaille Rebecka Martinsson. Même si le livre peut être lu indépendamment des autres, j’ai regretté de ne pas avoir lu les trois précédents à cause des multiples références, anecdotiques, certes, qui y sont faites. Je pense donc me procurer ces trois premiers tomes pour remédier à tout ça.
    Dès le départ, dès le prologue, on sait que Wilma et son petit ami Simon on été assassiné. Quand, à la fonte des glaces, Wilma remonte à la surface, on sait donc qu’elle ne réapparait pas du tout où elle est morte.

    Wilma, d’ailleurs, ne va pas très loin, son esprit est là et commente régulièrement ce qu’il voit. Oh elle ne dit rien de direct (elle ne dit pas le nom de son assassin par exemple) mais combiné à ce que l’on sait déjà et à l’enquête que l’on suit, sa présence fait qu’on a souvent un temps d’avance sur les enquêteurs et le procureur.
    Assez vite, on comprend qui est le tueur. Parce que ce qui est important dans ce livre ce n’est pas tellement le qui. Enfin pour nous lecteurs, pour les enquêteurs, évidemment, c’est une question primordiale.
    Mais pour nous, donc, le plus important c’est d’une part, comment ils vont le coincer (on va l’appeler « ça », ça rappellera des souvenirs) et d’autre part pourquoi ? C’est vraiment la question que je me suis posée tout au long de ce roman : Pourquoi ? Qu’est ce qu’il y a dans cet avion pour que cela justifie de prendre deux vies d’une telle manière (d’ailleurs j’ai encore des frissons dans le dos en pensant à la description par Wilma de sa propre mort).
    Le texte est généralement écrit à la troisième personne que l’on suive le procureur ou l’un ou l’autre des inspecteurs. Il ne passe à la première personne que lorsque c’est Wilma qui s’exprime, ce qui ajoute encore à l’effet surnaturel et omniscient que la présence de l’adolescente provoque.
    Ce que j’ai beaucoup aimé aussi, c’est que tous les personnages, du chien à l’inspecteur en passant pas les voisins, tous ont une importance dans l’histoire.
    J’ai été un peu frustrée par la fin.
    Pas par son écriture car elle est très bien menée. Mais l’auteur, contrairement à beaucoup d’auteurs de thriller, a pris le parti de faire une fin vraiment réaliste. On n’est pas dans du : « tous les coupables sont punis proportionnellement à leurs crimes, justice est faite, tous les « gentils » obtiennent ce qu’ils méritent, les inspecteurs et le procureur se retrouve devant un verre pour fêter ça »
    La vérité éclate, certes, mais il y a une certaine frustration vis-à-vis de certains personnages.
    Le seul bémol, j’aurais aimé qu’il y ait une scène sur une sorte de plongée judiciaire dans cette épave d’avion, histoire de clore définitivement le sujet.
    J’ai découvert Asa Larsson avec ce roman et je ne le regrette absolument pas. Je l’ai dévoré en deux jours seulement et j’ai immédiatement noté ses trois autres polars en espérant qu’elle en écrira d’autres !


    Un extrait : J’ai réussi à percer un trou dans la glace avec mon couteau de plongée. Je me bats pour l’agrandir. Je pique mon couteau, je le tourne dans le trou. Quand il a la taille de ma main, je regarde mon manomètre. Plus que vingt bars.
    Il ne faut pas que je respire si vite. Il faut que je me calme. Mais je ne peux pas remonter. Je suis coincée sous la glace.
    Je glisse la main par le trou. Sans réfléchir. C’est ma main, d’elle-même, qui appelle à l’aide.

    Quelqu’un, là-haut, l’attrape fermement. D’abord, je suis soulagée. Quelqu’un va me sortir de l’eau. Me sauver.
    Puis cette personne commence à tirer vraiment trop fort sur ma main, la tord d’une côté et de l’autre. Alors je comprends que je suis prise. Je suis bloquée là. Je veux me libérer, mais à chaque fois que je tente d’arracher ma main, je me heurte le visage contre la glace. Un voile rose sur fond bleu clair.
    Une pensée engourdie me traverse l’esprit : je saigne.
    Là-haut, la personne change de prise. Serre ma main prisonnière entre ses jambes. Alors je tire. Et je me libère. Ma main glisse hors du gant de plongée. Eau froide. Main froide. Aïe.
    Je m’enfouie sous la glace. Loin. Loin de ça.
    Me voilà à nouveau sous la porte verte. Je tape dessus. Cogne. Griffe.
    Il doit y avoir une autre sortie. Un endroit où la glace est plus fine, où je peux la briser. Je m’enfuis encore.
    Il me court après. Est-ce un homme ? Je vois une silhouette floue à travers la glace. Toujours au-dessus de moi. Entre chaque respiration, quand les bulles d’air que je rejette ne grondent pas à mes oreilles, j’entends ses pas assourdis.

    L’air que je souffle est prisonnier. Il forme une grande bulle plate sous la glace dans laquelle j’aperçois mon reflet. Déformé, comme dans un miroir de fête foraine. L’image varie. Quand j’inspire, je vois la personne là-haut, quand je souffle, je me vois moi-même.
    Puis le détendeur gèle. L’air fuit par l’embout. J’arrête de nager, entièrement occupée à essayer de respirer. Les bouteilles se vident en quelques minutes.
    Puis c’est fini. Mes poumons pompent, pompent. Je lutte. Ne pas respirer de l’eau. J’explose.
    J’agite les bras. Je cogne la glace en vain. Mon dernier geste en cette vie est d’arracher le détendeur et le masque. Puis je meurs. Il n’y a plus d’air entre moi et la glace. Mon reflet n’est plus. Mes yeux sont grands ouverts dans l’eau.
    Maintenant, je vois la personne, là-haut.
    Un visage qui se colle à la glace et me regarde. Mais je ne comprends pas ce que je vois. Ma conscience se retire comme la marée.

     

  • [Livre] Extinction

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    Résumé : Alors qu'une gigantesque tempête de neige s'abat sur Manhattan, Internet s'effondre, entraînant dans sa chute les infrastructures municipales : l'électricité, l'eau courante... Le black-out est total, les vivres viennent à manquer. Dehors, c'est la loi de la jungle, entre pillages et épidémies. On accuse les Chinois, les cyberpirates. La faim, le froid, la soif guettent à chaque coin de rue – mais l'ennemi le plus redoutable partage sans doute votre palier...

    Dans la résidence de Chelsea ou, hier encore, les voisins se pressaient joyeusement autour d'un barbecue, confiance et solidarité s'érodent peu à peu. Mike Mitchell, jeune père et ingénieur aisé, sait que la menace peut surgir de partout. Aucune barricade ne peut garantir contre la trahison, l'égoïsme, la paranoïa... Sa vie, celle de sa femme et de son fils ne dépendent que de son jugement. À mesure que la communauté se disloque, l'extinction opère son effroyable sélection naturelle...

     

    Auteur : Matthew Mather

     

    Edition : Fleuve Noir

     

    Genre : SF/Thriller

     

    Date de parution : 12 Novembre 2015

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Ce livre est un roman apocalyptique mais pas dans le sens où on l’entend habituellement.
    Déjà, je dis apocalyptique, parce qu’on est vraiment au cœur de l’action, on n’arrive pas après la bataille, quand les survivants d’une catastrophe naturelle/guerre nucléaire/épidémie/attaque de zombie (rayer la mention inutile) ont déjà commencé à s’organiser pour survivre. Ici le livre commence sous les meilleurs auspices. Il fait beau, bien qu’on soit proche de noël, le temps est suffisamment doux pour faire un barbecue sur le toit, les voisins s’entendent plus ou moins bien. Bref tout va bien.
    Le personnage principal a bien quelques petits ennuis de couple, mais bon, qui n’en a pas…
    Les discussions vont bon train, et notre « héros », appelons-le comme ça pour faire simple, s’amuse à provoquer son meilleur ami, un survivaliste adepte de la théorie du complot.
    Et puis il y a des petites choses qui commencent à se dérègler. Rien de bien méchant, vraiment : un réseau téléphonique saturé, internet qui rame (que celui qui n’a jamais pesté devant une page internet qui met des plombes à s’ouvrir jette la première pierre à ces personnages qui n’ont rien vu venir).
    Une tempête de neige s’annonce. Mais à New York, ce n’est pas la première.
    Et c’est là que les choses vont commencer à déraper.
    Ce que j’ai aimé dans ce roman, c’est qu’on est pas confronté à une épidémie concoctée par un savant fou, à une attaque extraterrestre ou à tout autre catastrophe qui ne peux arriver que dans les bouquins ou les films.
    Ici la cause de la débandade est plus que plausible. Notre monde est tellement dépendant de la technologie qu’on peut effectivement se demander ce qu’il se passerait si on n’était plus capable de faire fonctionner les centrales électriques, les distributions d’eau, les réseaux de communications…Comment obtenir du secours si on ne peut joindre personne ? Comment soigner les gens si les hôpitaux sont paralysés ?
    Mais ce qui fait la force de ce roman, c’est l’analyse de la réaction des gens. Combien de temps avant que certains ne décident d’employer la force pour avoir plus de nourriture que les autres ? Combien de temps avant de décider de tuer pour une bouteille d’eau ?
    J’avais classé ce livre en SF mais c’est également un thriller, un thriller psychologique qui prend aux tripes.
    Le « héros » comme je l’ai appelé tout à l’heure, Mike, n’a justement rien d’un héros. C’est un homme sans histoire, qui a des doutes quant à son couple au moment où tout commence, qui ne sait pas comment réagir, qui n’est pas sûr de réussir à protéger sa femme enceinte et son fils de 2 ans.

    Ce qui fait le plus peur dans ce livre, c’est que ce n’est pas un roman de fiction, mais que ce pourrait bien être un roman d’anticipation.

    Un extrait : — Nous vivons une époque incroyable !

    Dépité, j’ai examiné la saucisse carbonisée piquée sur ma fourche, avant de la reposer à l’écart, sur le bord du gril.

    — Incroyablement dangereuse, oui ! s’est esclaffé Chuck, mon voisin de palier et meilleur ami. Beau travail ! Je te parie qu’elle est encore congelée, à l’intérieur.

    Les températures étant depuis plusieurs jours inhabituellement douces pour une fin novembre, le mercredi, veille de Thanksgiving, j’avais décidé au débotté d’organiser un barbecue sur le toit-terrasse de notre immeuble, un ancien entrepôt de Chelsea converti en résidence. La plupart de nos voisins n’avaient pas encore quitté la ville pour le long week-end férié et, en compagnie de Luke, mon fils de deux ans, j’avais consacré la matinée à frapper de porte en porte, pour les convier à notre barbecue.

    — Ne dénigre pas mes talents de cuisinier, et ne te lance pas sur ce sujet – s’il te plaît.

    C’était une superbe fin de journée, avec un coucher de soleil spectaculaire. Notre perchoir, au septième étage, nous offrait une vue imprenable : le ruban de feuillages rouges et dorés qui ourlait les rives de l’Hudson d’un côté, le skyline de Manhattan de l’autre. J’avais beau vivre depuis deux ans à New York, je m’émerveillais toujours autant de la vitalité qui faisait battre le cœur de cette ville. J’ai contemplé avec satisfaction la trentaine de voisins rassemblés sur le toit, pas peu fier qu’ils aient répondu aussi nombreux à mon invitation.

    — Selon toi, il y a donc peu de chances qu’une éruption solaire anéantisse la planète ? a repris Chuck, un pétillement malicieux dans ses yeux noisette.

    Avec son timbre nasillard de gars du Sud, même l’évocation d’un cataclysme ressemblait aux paroles d’une ballade. Ce soir-là, d’ailleurs, dans son jean déchiré et son T-shirt des Ramones, à voir ses cheveux blonds coiffés au pétard à mèche et sa barbe de deux jours, on aurait dit une rock star en train de décompresser sur une chaise longue, une canette de bière à la main.

    — C’est exactement ce sur quoi je veux éviter de te lancer…

    — Je pointe juste du doigt que…

    — Ce que tu pointes du doigt, c’est une catastrophe, l’ai-je coupé en levant les yeux au ciel. Comme d’habitude. Alors que l’humanité vit, justement en ce moment, une des transitions les plus incroyables de toute son histoire !

     

  • [Livre] Bondrée

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    Résumé : Été 67. Le soleil brille sur Boundary Pond, un lac frontalier rebaptisé Bondrée par Pierre Landry, un trappeur canuck dont le lointain souvenir ne sera bientôt plus que légende. Le temps est au rire et à l'insouciance. Zara Mulligan et Sissy Morgan dansent le hula hoop sur le sable chaud, les enfants courent sur la plage et la radio grésille les succès de l'heure dans l'odeur des barbecues. On croit presque au bonheur, puis les pièges de Landry ressurgissent de la terre, et Zara disparaît, et le ciel s'ennuage.

     

    Auteur : Andrée A. Michaud

     

    Edition : Rivages

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 21 septembre 2016

     

    Prix moyen : 18,50€

     

    Mon avis : Dès le départ une chose m’a profondément agacée : le franglais. Toutes les deux lignes, on a des expressions moitié anglaises-moitié françaises, des mots anglais, des titres de chansons en anglais… Un peu pourquoi pas, mais là il y en a trop. On a bien compris que Bondrée est à cheval sur les Etats-Unis et le canada francophone, mais au bout d’un moment, soit l’auteur écrit en français, soit elle écrit en anglais, mais les deux à la fois, c’est vraiment pénible.
    L’absence totale de dialogues est assez perturbante et enlève un certain rythme, une certaine structure au texte.
    L’écriture est très poétique mais j’ai trouvé que ça ne se prêtait pas au genre du polar.
    J’ai passé plus de la moitié du livre à attendre qu’il se passe quelque chose pour me rendre compte qu’en fait, des choses, il s’en passait, mais que, noyées dans les descriptions bucolique de la région et du temps qui passe, elles n’avaient eu aucun impact sur moi.
    Ce n’est qu’après 200/250 pages que j’ai commencé à trouver un certain intérêt à l’histoire mais malgré tout, ça n’a pas réussi à rattraper le sentiment que j’ai eu depuis le début : celui de l’ennui.
    Je n’ai pas compris ce que l’auteur a cherché à faire en donnant son prénom à une petite fille, seul personnage dont le point de vue est à la première personne, et son nom de famille à l’inspecteur qui est un peu le personnage central du roman. S’il y avait une signification, un message particulier, je ne l’ai pas vu.
    L’histoire est pourtant assez bien trouvé et le dénouement surprenant sans pour autant manquer de logique, mais qu’un thriller démarre à seulement 1/3 de la fin, et vous pouvez être sûr que quelque soit l’originalité de la fin, mon opinion du roman ne gagnera pas plus que quelques points.
    Le style d’écriture aurait été plus adapté à une romance ou à un roman contemporain.
    Un bon point, même si l’auteur est canadienne et émaille son texte de tournures et expressions québécoise, celles-ci sont bien dosées et, contrairement à ce que l’on peut trouver dans de nombreux romans canadiens, ne gênent pas la compréhension du texte d’un francophone non canadien.
    Je sors donc de cette lecture assez mitigée. D’un côté l’histoire, l’intrigue et le dénouement sont bien ficelés ; d’un autre le coté poétique et les trop nombreuses phrases en anglais empêchent de se plonger complètement dans une ambiance propice à la lecture d’un thriller.

    Un extrait : Les enfants étaient depuis longtemps couchés quand Zaza Mulligan, le vendredi 21 juillet, s’était engagée dans l’allée menant au chalet de ses parents en fredonnant A Whiter Shade of Pale, propulsé par Procol Harum aux côtés de Lucy in the Sky with Diamonds dans les feux étincelants de l’été 67. Elle avait trop bu, mais elle s’en fichait. Elle aimait voir les objets danser avec elle et les arbres onduler dans la nuit. Elle aimait la langueur de l’alcool, les étranges inclinaisons du sol instable, qui l’obligeaient à lever les bras comme un oiseau déploie ses ailes pour suivre les vents ascendants. Bird, bird, sweet bird, chantait-elle sur un air qui n’avait aucun sens, un air de jeune fille soûle, ses longs bras mimant l’albatros, les oiseaux d’autres cieux tanguant au-dessus des mers déferlantes. Tout bougeait autour d’elle, tout s’animait d’une vie molle, jusqu’à la serrure de la porte d’entrée, dans laquelle elle ne parvenait pas à introduire sa clé. Never mind, car elle n’avait pas vraiment envie de rentrer. La nuit était trop belle, les étoiles trop lumineuses. Elle avait donc rebroussé chemin, retraversé l’allée bordée de cèdres, puis elle avait marché sans autre but que de s’enivrer de son ivresse.

    À quelques dizaines de pieds du terrain de camping, elle s’était engagée dans Otter Trail, le sentier où elle avait embrassé Mark Meyer au début de l’été avant d’aller raconter à Sissy Morgan, son amie de toujours et pour toujours, à la vie à la mort, à la vie à l’éternité, que Meyer frenchait comme une limace. Le souvenir flasque de la langue molle cherchant la sienne en se tortillant avait fait monter un goût de bile acide dans sa gorge, qu’elle avait combattu en crachant, ratant de peu le bout de ses sandales neuves. Esquissant quelques pas maladroits qui lui avaient arraché un fou rire, elle s’était enfoncée dans la forêt. Les bois étaient calmes et aucun bruit n’altérait la quiétude des lieux, pas même celui de ses pieds sur le sol spongieux. Puis un léger souffle de vent avait effleuré ses genoux et elle avait entendu un craquement derrière elle. Le vent, s’était-elle dit, wind on my knees, wind in the trees, sans se soucier davantage de l’origine de ce bruit au sein du silence. Son cœur n’avait cependant fait qu’un bond quand un renard avait détalé devant elle et elle s’était remise à rire, un peu nerveusement, songeant que la nuit suscitait la peur parce que la nuit aimait la peur dans les yeux des enfants. Isn’t it, Sis ? avait-elle murmuré en se rappelant les jours lointains où elle tentait avec Sissy de provoquer les fantômes qui peuplaient la forêt, celui de Pete Landry, celui de Tangara, la femme dont les robes rouges avaient ensorcelé Landry, et celui de Sugar Baby, dont on entendait les jappements au sommet de Moose Trap. Tous ces fantômes avaient aujourd’hui disparu de l’esprit de Zaza, mais la noirceur du ciel sans lune ravivait le souvenir de la robe rouge qui s’enfuyait entre les arbres.

    Elle s’apprêtait à bifurquer dans un sentier coupant Otter Trail quand un autre craquement avait retenti derrière elle, plus fort que le premier. Le renard, s’était-elle dit, fox in the trees, refusant que l’obscurité gâche son plaisir en exhumant ses stupides peurs d’enfant. Elle était vivante, elle était ivre, et la forêt pouvait bien s’écrouler autour d’elle, elle ne flancherait ni devant la nuit ni devant les aboiements d’un chien mort et enterré depuis des siècles. Elle avait recommencé à fredonner A Whiter Shade of Pale parmi les arbres ondoyants, s’imaginant danser un slow torride dans les bras puissants d’un inconnu, puis elle s’était arrêtée net après avoir failli trébucher sur une racine tordue.

    Le craquement s’était rapproché et la peur, cette fois, était parvenue à se frayer un chemin sur sa peau moite. Who’s there ? avait-elle demandé, mais le silence était retombé sur la forêt. Who’s there ? avait-elle crié, puis une ombre avait traversé le sentier et Zaza Mulligan s’était mise à reculer.

     

  • [Livre] Le lys rouge

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    Résumé : Par une froide nuit de mars, à Chicago, une jeune fille se jette du vingt-deuxième étage. Chez elle, telle une signature macabre, la police découvre le sol jonché de lys. Quand il arrive sur les lieux, et qu’il y croise Tess Ciccotelli, psychiatre de la victime, l’inspecteur Aidan est sur la défensive, car des indices laissent penser que la jeune fille a été poussée au suicide par sa thérapeute. Soupçonnée de meurtre, Tess est interrogée par les policiers, puis libérée grâce à l’intervention de son avocate. Mais d’autres patients se suicident à leur tour. Lettres, empreintes, messages téléphoniques : tout accuse Tess. Etrangement, plus les preuves s’accumulent contre elle, plus Aidan est convaincu de son innocence. Quant à son avocate, elle refuse d’assurer sa défense. Seuls désormais face à la méfiance de leur entourage, Aidan et Tess vont devoir découvrir quel esprit manipulateur et pervers se cache derrière le piège diabolique qui se resserre autour de Tess…

    Auteur : Karen Rose

     

    Edition : Harlequin Best-Seller

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 2008

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Ce livre m’a menée par le bout du nez. Impossible de découvrir qui se cachait derrière les meurtres et le piège qui est tendu à Tess. A un moment, vers les deux tiers du livre, j’ai compris un élément important relatif au tueur, mais sans que cela me permette de mettre un nom sur sa silhouette.
    D’ailleurs, les parties écrites du point de vue du tueur le sont de manière à ce que jamais un accord ou un pronom ne permette d’avoir des indices sur ce personnage, avec un recours quasi systématique à la voix passive. Par exemple, au lieu de dire : « Il avait placé les preuves là où la police ne pouvait pas les rater », l’auteur va écrire : « Les preuves avaient été placées là où la police ne pouvait pas les rater ».
    Je n’ai pas été étonnée que Tess ne reste pas suspecte bien longtemps. Même si Aidan a, au début, de la rancœur contre elle, à cause d’une ancienne affaire, c’est un bon flic, et les preuves contre Tess étaient si nombreuses que soit elle était coupable et voulait que ça se sache, soit c’était un coup monté.
    Les personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, sont bien présentés et assez fouillés. Que ce soit leur passé, leurs aspirations, leurs problèmes, rien n’est laissé au hasard. Ils ne sont pas non plus là pour remplir des pages. Chacun de leurs problèmes peut être rattaché d’une manière ou une autre à l’enquête principale, que ce soit directement ou indirectement (en permettant à l’inspecteur de comprendre quelque chose par exemple).
    Il y a un bon rythme, avec beaucoup d’action, entrecoupé de moment plus calmes qui permettent de faire retomber la tension. Tout s’emboîte avec beaucoup de logique. A aucun moment on n’a l’impression que l’histoire n’est pas crédible.
    J’ai encore passé une nuit blanche car je n’arrivais pas à poser ce livre, il fallait absolument que je connaisse la suite.
    J’ai lu ce livre en un temps record, et je n’ai pas du tout vu passer les 631 pages.
    Encore un excellent thriller de Karen Rose. Mais il est rare que je sois déçue avec cet auteur.
    D’ailleurs ce livre n’est pas le seul dans lequel on a affaire à la famille Reagan et leur entourage : A plusieurs reprises, Kristen, la belle-sœur d’Aidan, et Tess font allusion au fait que Kristen a également été victime d’un meurtrier ; et bien dans « Dors bien la nuit », on découvre ce qui lui est exactement arrivé. Et dans «Et tu périras par le feu », c’est la coéquipière d’Abe (le frère d’Aidan et époux de Kristen), Mia Mitchell, qu’on va suivre d’un peu plus près.

    Un extrait : Le siège du conducteur offrait une vue imprenable sur le balcon de Cynthia Adams. Lentement, la porte vitrée s’ouvrit, laissant apparaître Cynthia. Sa chemise de nuit légère volait dans le vent froid de l’hiver. Elle allait faire un beau cadavre à la Gloria Swanson, Boulevard du crépuscule, quel film de génie ! Des films comme ça, Hollywood n’en faisait plus. Ce serait parfait pour fêter ça : du pop-corn et un bon film. Sauf qu’il n’y aurait rien à fêter si Cynthia restait plantée sur le balcon. Saute, Bon Dieu !
    - Dis lui de venir. Fais la sauter. Montre-moi ce que sais faire ma chérie.
    La jeune femme déglutit en entendant ce mot tendre prononcé d’une voix aussi sarcastique, mais elle s’exécuta néanmoins.
    - Fais un pas en avant, Cynthia. Encore un. Je t’attends.
    - Reprend ta voix d’enfant, maintenant. Ta voix de petite fille.
    - S’il te plait Cynthia, j’ai peur !
    Elle était décidément très douée. En un battement de cils, elle pouvait passer d’une voix d’enfant à une voix d’adulte, de celle de Mélanie la morte à celle de Ciccotelli la psy.
    - Viens, je t’en supplie !
    Elle prit une profonde inspiration et expira en tremblant.
    - J’ai besoin de toi !
    Et enfin…le succès. Un cri d’horreur surgit de la gorge de la jeune femme tandis que Cynthia plongeait dans le vide. Vingt-deux étages. L’impact sourd de son corps sur le trottoir se fit entendre à travers les vitres fermées de la voiture. Son cadavre ne serait peut-être pas si beau à voir, finalement…
    Mais si. Le corps de Cynthia Adams écrasé sur le trottoir était d’une beauté à couper le souffle. Dans le siège du passager, la jeune fille sanglotait, hystérique.
    - Reprends-toi. Tu as un autre appel à passer.
    - Oh, mon Dieu, mon Dieu…
    Elle détourna son visage de la vitre tandis que la voiture passait tout près du corps de Cynthia Adams.
    - Je n’arrive pas à croire que…Mon Dieu. J’ai envie de vomir.
    - Pas dans ma voiture, chérie. Prends le téléphone. Tout de suite.
    Elle ramassa le combiné en frémissant.
    - Je ne peux pas.
    - Mais si. Le numéro de Ciccotelli est programmé. Tu n’as qu’à appuyer sur le 1.  Quand elle décroche, dis-lui que tu es une voisine de Cynthia Adams, et qu’elle est sur la rambarde, prête à se jeter dans le vide. Vas-y. 
    Elle s’exécuta et attendit.
    - Elle ne décroche pas. Elle doit dormir.
    - Alors rappelle. Fais sonner jusqu’à ce que la princesse décroche. Et mets le haut-parleur. Je veux entendre.
    Le troisième essai fut concluant.
    - Allô ?
    Elle dormait. La pauvre n’avait rien de mieux à faire un samedi soir. C’était bon de savoir que cet aspect de la vie de Ciccotelli était également maîtrisé. Un petit coup de coude suffit à faire bégayer sa réplique à la jeune femme.
    -Docteur Ciccotelli ? Tess Ciccotelli ?
    - Qui est à l’appareil ?
    - Je… Une voisine d’une de vos patientes. Cynthia Adams. Elle est sur la rambarde du balcon. Elle menace de sauter.
    Les yeux fermés, la fille raccrocha et laissa le téléphone retomber sur ses genoux.
    - C’est fini, dit-elle
    - Pour ce soir.
    - Mais…
    Elle se tourna vivement, bouche bée.
    - Vous m’aviez dit…
    - J’ai dit que je garderais ton frère en vie si tu collaborais. J’ai encore besoin de ta collaboration. Continue à t’entraîner à imiter la voix de Ciccotelli. Il faudra que tu la refasses dans quelques jours. Pour ce soir, c’est fini. Un seul mot de ta part, et ton frère meurt.
    Ciccotelli était en route. Que la partie commence !

     

  • [Livre] Confusion

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    Résumé : Grace, 17 ans, se réveille enfermée dans une mystérieuse pièce sans fenêtres, avec table, des stylos et des feuilles vierges. Pourquoi est-elle là ? Et quel est ce beau jeune homme qui la retient prisonnière ? Elle n'en a aucune idée. Mais à mesure qu'elle couche sur papier les méandres de sa vie, Grace est frappée de plein fouet par les vagues de souvenirs enfouies au plus profond d'elle-même. Il y a cet amour sans espoir qu'elle voue à Nat, et la lente dégradation de sa relation avec sa meilleure amie, Sal. Mais Grace le sent, quelque chose manque encore.

    Quelque chose qu'elle se cache.

     

    Auteur : Cat Clarke

     

    Edition : Robert Laffont

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 18 Octobre 2012

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Le sujet du livre était bien intrigant et je n’ai pas pu résister. Le récit est du point de vue de Grace, on ne sait donc que ce qu’elle sait, ce qui est parfois frustrant car, pendant tout le livre, Grace doit se remémorer les évènements qui ont précédés son kidnapping. Il y a aussi des évènements plus lointains qu’elle refoule en refusant de les regarder en face.
    Au niveau des personnages, j’ai eu du mal avec Grace. Elle a certes vécu quelque chose de grave et je comprends, même si je ne l’approuve pas, son besoin de s’étourdir dans les soirées, l’alcool et les garçons. En revanche, je n’apprécie guère son attitude envers son amie Sal, cette façon de vouloir la pousser, contre son gré, à se comporter de la même façon qu’elle vis-à-vis de l’alcool et des garçons. Elle impose sans arrêt ses souhaits : sorties, présence de garçons, alcool coulant à flot… sans aucune considération ni pour les souhaits de Sal, ni pour les réticences qu’elle peut avoir suite à un évènement qui lui est arrivé au début du livre.
    J’ai nettement préféré Sal, même si l’excuse qu’elle donne concernant cet évènement qui est le départ de toute l’histoire est un peu ridicule et puérile, et que, dans sa dispute avec Grace, elle lui dit des horreurs concernant les scarifications que s’infligent Grace quand elle perd pied.
    Même si on peut critiquer l’attitude de Sal, devant la personnalité de Grace, je me demande si elle aurait pu agir différemment.
    J’ai beaucoup aimé Devon aussi et j’ai regretté qu’il ne soit pas plus présent.
    Malgré le fait que les personnages ne sont pas toujours assez développés, ce n’est pas très dérangeant car on en sait quand même assez pour imaginer ce que l’on ignore. De plus, comme on n’est censé ne savoir que ce que sait Grace, il est assez normal qu’on ne puisse pas tout connaître des personnages, ou en tout cas par autant que dans le cadre d’un récit avec un narrateur omniscient.
    J’ai quand même regretté de ne pas avoir d’explications claires quant à Ethan. Même si j’ai une bonne idée de ce qu’il en est, j’aurais apprécié voir mes doutes être confirmés.
    Enfin, j’ai découvert assez vite la fin du livre (vers la moitié du récit, environ), mais ça ne m’a pas gênée parce qu’il y a quand même un cheminement vers la conclusion qui reste très intéressant à lire.
    Si le livre comporte des défauts, il reste très bien écrit et j’ai passé un excellent moment en sa compagnie.

    Un extrait : J’ai eu besoin d’un petit (bon d’accord, d’un gros) remontant pour m’aider à m’y mettre. J’ai une bouteille de vodka planquée sous mon lit. Ensuite, j’ai choisi mes vêtements en prenant tout mon temps ; ce n’est pas parce qu’on va mourir qu’il faut se laisser aller. J’ai mis mon nouveau jean, celui qui me fait de longues jambes super fines. J’ai essayé à peu près tous mes hauts avant de me décider pour mon vieux T-shirt vert (mon T-shirt vert porte-bonheur – ha ! ha ! ha !). Le choix des chaussures m’a posé plus de problèmes, mais j’ai finalement opté pour le confort – des bonnes vieilles Adidas. On ne peut pas dire qu’elles soient super glamour, mais elles apportaient un côté chic old school vraiment parfait. Je me suis maquillée – trop, vu les circonstances –, en pensant : Plus jamais d’eye-liner pour toi, ma grande, dernière fois que tu mets du gloss et que tu te regardes dans la glace en sachant que ça ne te rendra jamais jolie, et d’autres trucs dans le genre.

    Après ça, je n’ai plus eu qu’à glisser un couteau dans mon sac, et j’étais prête à partir.

    J’ai descendu les escaliers comme si de rien n’était. Crié : « Je sors, j’ai rendez-vous avec Sal. Ne m’attends pas ! » à ma mère, qui matait la télé dans le salon. Au lieu de claquer la porte d’entrée, j’aurais pu passer une tête au moment où elle a dit : « Grace, attends une sec… » Mais je ne l’ai pas fait. Je n’aurais pas supporté de rester une minute de plus avec elle.

    Je ne lui ai donc pas dit au revoir, et je n’ai pas laissé de mot. Quel intérêt ? Les lettres de suicide sont toujours mauvaises, de toute façon. Et si j’avais laissé un mot, tout le monde me croirait morte. Ce que je ne suis pas (pour le moment).

    Je suis montée dans le bus. Me suis assise tout au fond – ce que je ne fais jamais. Mon dernier trajet en bus. Voilà ce que j’ai pensé, sur le moment. C’était sans doute le cas, d’ailleurs, maintenant que j’y réfléchis. Tout s’est déroulé normalement. Pour un trajet en bus, je veux dire. À part la femme qui se trouvait juste devant moi et qui avait de très longs cheveux gris. Tellement longs que ses pointes fourchues balayaient mon jean. Carrément répugnant. Passé un certain âge, on ne devrait plus avoir le droit de porter les cheveux longs. Mais heureusement, la Femme Aux Cheveux Poisseux est descendue du bus avant que je vomisse.

    Je me suis sentie beaucoup mieux après son départ. J’ai fermé les yeux et j’ai respiré un bon coup. Je vais le faire – je suis vraiment partie pour le faire. Sûr de sûr. Voilà ce que je me suis dit. Et : Oh, ils seront tous tellement tristes… J’ai même souri en entendant cette voix chanter dans ma tête.

    Je ne sais trop quoi penser de ce oui-tu-étais-vraiment-sur-le-point-de-te-foutre-en-l’air. Mais je ne me sens pas prête à me pencher sur mes sentiments. Pas encore. C’est comme si on m’avait enveloppée dans un bandage, qu’on m’avait dit plus ou moins pourquoi, et que je deviendrais folle si jamais on le défaisait et que je découvrais une plaie suppurante en dessous.

    Je suis descendue du bus, puis j’ai repéré une épicerie. Une fois à l’intérieur, j’ai mis du temps à me décider, mais j’ai finalement pris une bouteille de gin, ce qui m’étonne parce que je déteste ça. Ça me rappelle papa. Ensuite, j’ai foncé tête baissée vers le type à la caisse qui avait la pire acné de la terre (bon, à part celle de Scott Ames en troisième, mais il a fini par s’en débarrasser et il est plutôt pas mal, aujourd’hui). Et là, il s’est passé un truc totalement ridicule : on m’a demandé ma carte d’identité ! Il faut que vous compreniez : ça ne m’arrive jamais. J’ai commencé à acheter de l’alcool à l’âge de quatorze ans, putain. J’ai même cru qu’il s’agissait d’une espèce de signe divin, du genre : « Grace, tu peux te suicider si c’est vraiment ce que tu veux, mais sache que je ne vais pas te faciliter les choses. » J’ai lancé mon regard le plus tu-plaisantes-j’espère à Acné Boy, et je lui ai dit : « Tu te fous de moi ? J’ai vingt et un ans ! Est-ce que j’ai l’air d’une gamine ? » Mais il s’est contenté de pointer du doigt une affichette : « Si vous avez moins de dix-huit ans, bla, bla, bla, bla, bla. » J’ai perdu au moins deux minutes à lui expliquer que j’avais laissé mes papiers dans ma veste, et ma veste à la maison étant donné qu’il faisait super chaud pour la saison. Mais ça n’a pas pris. Franchement énervant, le gars. Bon, j’imagine qu’il faut bien se défouler de temps en temps, quand on a un visage aussi répugnant et couvert de pus que le sien, et aucun, mais alors aucun espoir d’avoir des relations sexuelles un jour. Je suis sortie du magasin avec un air indigné, puis je me suis engouffrée dans la boutique d’à côté où j’ai acheté exactement la même bouteille, mais moins cher. Je crois que Dieu ne m’avait pas envoyé de signe, au final.

     

  • [Livre] Les disparus du phare

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    Résumé : Rejeté par les vagues, un homme reprend connaissance sur une plage. Tétanisé par le froid, le cœur au bord des lèvres, frôlant dangereusement le collapsus. Il ignore où il se trouve et surtout qui il est ; seul affleure à sa conscience un sentiment d’horreur, insaisissable, obscur, terrifiant. Mais si les raisons de sa présence sur cette île sauvage des Hébrides balayée par les vents lui échappent, d’autres les connaissent fort bien. Alors qu’il s’accroche à toutes les informations qui lui permettraient de percer le mystère de sa propre identité, qu’il s’interroge sur l’absence d’objets personnels dans une maison qu’il semble avoir habitée depuis plus d’un an, la certitude d’une menace diffuse ne cesse de l’oppresser. Muni, pour seuls indices, d’une carte de la route du Cercueil qu’empruntaient jadis les insulaires pour enterrer leurs morts, et d’un livre sur les îles Flannan, une petite chaîne d’îlots perdus dans l’océan marquée par la disparition jamais élucidée, un siècle plus tôt, de trois gardiens de phare, il se lance dans une quête aveugle avec un sentiment d’urgence vitale.

     

    Auteur : Peter May

     

    Edition : Rouergue

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 1 Juin 2016

     

    Prix moyen : 22,50€

     

    Mon avis : Entre le titre et la mention qui en est faite dans le résumé, je m’attendais à ce que la disparition des gardiens de phare, un siècle plus tôt, ait une importance capitale dans l’intrigue.
    Et bien j’ai envie de crier à la publicité mensongère, car pour le peu qu’on en parle, c’est du remplissage et si l’histoire sert de prétexte au protagoniste principal, ça ne justifiait certainement pas que le titre la mette en avant comme ça.
    J’en suis d’autant plus déçue que le fait est historique et est resté inexpliqué. Même si Peter May en donne un semblant d’explication à la fin de son roman, on reste sur sa fin, car justement, la fin est axée sur la résolution des questions en suspens et que cette question-là a été trop laissée de côté dans le livre pour qu’on s’y attache vraiment.
    J’ai trouvé passionnante la partie sur les abeilles, tout ce qui les concerne semblent très bien documenté et est parfaitement expliqué sans faire article de « science et vie ».
    J’ai eu du mal avec le rythme. L’histoire en elle-même est bien conçue, même si on reste parfois sceptique quant à sa crédibilité au regard non seulement des moyens de connexion d’aujourd’hui (téléphones, internet, TV…) et au moyen de contrôle des gouvernements (carte d’identité biométrique, cartes de crédits, exploitations des données…). Le fait que l’action se déroule dans un coin reculé de l’écosse permet toutefois de passer au-dessus de ces considérations et de s’immerger dans l’histoire.
    Cependant, j’ai trouvé que c’était lent. Alors ok, on parle d’un type amnésique qui tente de se trouver et de comprendre qui il est et ce qu’il fait (ou a fait), mais parfois, il devient difficile de rester concentré sans se dire : il reste encore touuuut ça à lire ?
    Dans le dernier tiers, le rythme s’accélère et je l’ai trouvé bien plus intéressant. D’ailleurs je l’ai vu à mon rythme de lecture ! Alors que j’ai peiné à lire les 20 premiers chapitres, les 13 suivants ont défilé à toute vitesse.
    Coté personnages, Karen m’a un peu agacée car elle cherche égoïstement à satisfaire son propre désir, sans se soucier des conséquences alors qu’elle dit elle-même comprendre l’importance vitale du sujet.
    Il y a une scène que je n’ai pas comprise et qui n’a aucune explication : quand la mère de Karen voit un des personnages et fait mine de ne pas le reconnaitre alors que l’on comprend plus tard qu’elle l’a forcément reconnu. Pourquoi ? Et pourquoi ne pas donner d’explication ? J’ai vraiment eu l’impression que la scène avait été écrite dans le seul but de meubler. Or pour moi, dans un thriller, il ne doit pas y avoir de scènes inutiles : soit elles sont un morceau du puzzle pour trouver la solution, soit elles permettent de mieux cerner la personnalité d’un personnage important.
    En résumé, les disparus du phare est un livre qui restent agréable à lire mais qui ne tient pas toutes les promesses d’un thriller.

    Un extrait : La première chose dont je suis conscient est le goût du sel. Il emplit ma bouche. Envahissant. Pénétrant. Il domine mon être, étouffe mes autres sens. Jusqu’à ce que le froid me saisisse. Qu’il me soulève et me serre entre ses bras. Il me tient si fermement que je ne peux bouger. À part les tremblements. Intenses et incontrôlables. Et, quelque part dans mon esprit, je sais que c’est une bonne chose. Mon corps essaie de produire de la chaleur. Si je ne tremblais pas, je serais mort.

    Après ce qui me semble être une éternité, je parviens à ouvrir les yeux. Je suis aveuglé par la lumière. Une douleur fulgurante me vrille le crâne et mes pupilles se contractent rapidement pour faire le point sur un étrange décor. Je suis étendu sur le ventre, du sable humide sur les lèvres, dans les narines. Je cligne frénétiquement des yeux pour que mes larmes les nettoient. Et tout ce que je vois, c’est une étendue de sable qui file vers un horizon brouillé en ondulations serrées. Pâle comme du platine. Presque blanc.

    À présent, je prends conscience du vent. Il tire sur mes vêtements, propulse une myriade de grains de sable qui forment un voile de l’épaisseur d’un soupir et traversent la plage en courants et tourbillons, tel un cours d’eau.

    Je m’oblige à me mettre à genoux, actionnant mes muscles plus par réflexe que par la force de ma volonté, sans sentir mon corps. Presque immédiatement, le contenu de mon estomac se répand sur le sable. L’eau de mer dont il était rempli, amère, me brûle la gorge et la bouche en s’échappant. Je laisse ma tête pendre entre mes épaules et, soutenu par mes bras tremblants, je vois l’orange vif du gilet qui m’a certainement sauvé la vie.

    C’est alors que j’entends la mer pour la première fois, au-dessus du vent, distincte du fracas qui m’envahit la tête, de ce bourdonnement atroce qui noie presque tout.

    Je suis maintenant, Dieu sait comment, debout, les jambes flageolantes. Mon jean, mes chaussures de sport, mon pull sous le gilet de sauvetage, tous gorgés d’eau, m’alourdissent. J’essaie de contrôler ma respiration, les poumons agités de spasmes, et j’observe au loin les collines environnantes, au-delà de la plage et des dunes, et la roche violet, brun et gris qui perce la fine peau de terre tourbeuse qui s’accroche à leurs flancs.

    Derrière moi, peu profonde, turquoise et sombre, la mer se retire des hectares de sable qui rejoignent les silhouettes noires des montagnes se découpant à distance contre un ciel menaçant, marbré de bleu et de mauve. Des échardes de soleil éclatent à la surface de l’océan et mouchettent les collines. Par endroits, un ciel d’un bleu parfait troue les nuages, surprenant, irréel.

    Je n’ai aucune idée du lieu où je me trouve. Et, pour la première fois depuis que j’ai repris conscience, je me rends compte, soudain saisi par une angoisse fulgurante et douloureuse, que je n’ai pas la moindre notion de qui je suis.

     

  • [Livre] Rêver

     

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

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    Résumé : « Pour la plupart des gens, le rêve s’arrête au réveil. »
    Si ce n’étaient ses cicatrices et les photos étranges qui tapissent les murs de son bureau, on pourrait dire d’Abigaël qu’elle est une femme comme les autres.
    Si ce n’étaient ces moments où elle chute au pays des rêves, on pourrait jurer qu’Abigaël dit vrai.
    Abigaël a beau être cette psychologue qu’on s’arrache sur les affaires criminelles difficiles, sa maladie survient toujours comme une invitée non désirée. Une narcolepsie sévère qui la coupe du monde plusieurs fois par jour et l’emmène dans une dimension où le rêve empiète sur la réalité. Pour les distinguer l’un de l’autre, elle n’a pas trouvé mieux que la douleur.
    Comment Abigaël est-elle sortie indemne de l’accident qui lui a ravi son père et sa fille ? Par quel miracle a-t-on pu la retrouver à côté de la voiture, véritable confetti de tôle, le visage à peine touché par quelques bris de verre ? Quel secret cachait son père qui tenait tant, ce matin de décembre, à s’exiler pour deux jours en famille ? Elle qui suait sang et eau sur une affaire de disparitions depuis quelques mois va devoir mener l’enquête la plus cruciale de sa vie. Dans cette enquête, il y a une proie et un prédateur : elle-même.

     

    Auteur : Franck Thilliez

     

    Edition : Fleuve noir

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 26 mai 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Ce roman je craignais un peu de le lire parce que, jusqu’à présent, je n’ai jamais réussi à dépasser les vingt premières pages d’un roman de Thilliez.
    Et bien, après avoir lu « Rêver », je me dis que peut être, je dis bien peut être, que j’ai tenté de lire d’autres romans de cet auteur à un mauvais moment, que je n’étais pas dans le bon état d’esprit pour ce genre de livre (du coup, livres à retenter).
    Du coté des points négatifs, j’admets qu’il y en a peu. Le premier tient au roman en lui-même : j’ai trouvé les alternances chronologiques difficiles à suivre car on alterne entre trop de dates différentes. Il est déjà difficile de s’y retrouver entre la réalité et les rêves d’Abigaël pour ne pas rajouter des difficultés supplémentaires. Quelques unes apportent du piquant à l’histoire, trop nuisent à la lecture (et franchement, avoir les chapitres dans l’ordre grâce au code qu’il faut trouver dans le livre, ne sert à rien car cette information est donnée à la fin du livre. Vous vous voyez relire, immédiatement après l’avoir refermé, un polar de près de 600 pages, juste pour lire les chapitres dans un ordre différent ?), même s’il y a une ligne de temps, au début de chaque changement de période, qui nous aide à nous repérer.
    Le second point « négatif » tient au chapitre 57. Déjà, pour ceux qui comme moi lisent les remerciements avant de lire le livre, et donc sont tombés sur la page qui parle du code à trouver, il est fort à parier que vous trouverez ledit code avant d’arriver au chapitre 56. Dans ce cas là, NE LISEZ PAS LE CHAPITRE 57 !!!! J’insiste ! Il en dévoile beaucoup trop ! Lisez-le après avoir lu le roman si vous y tenez, mais ne le lisez pas à la place que sa numérotation lui donne.
    J’ai aussi regretté qu’on ne puisse pas imprimer ce chapitre (j’ai horreur de lire sur ordinateur).
    Ceci étant dit, parlons du roman proprement dit.

    Rêver est un terme trop gentil pour ce qui arrive à Abi quand elle entre en sommeil paradoxal ! Cauchemarder aurait été plus proche de la réalité.
    Il est certain que souffrir de narcolepsie et travailler comme psycho-criminologue auprès de la gendarmerie n’est pas des plus faciles. La réalité est suffisamment sordide pour envahir les rêves et quand différencier les deux est compliqué, la vie devient invivable. Souvent, la solution à des interrogations apparaît à Abi dans ses rêves, ce qui est difficiles à faire admettre (et pourtant, les rêves viennent bien du subconscient, non ?).
    Une fois que j’ai commencé à lire, j’ai été happé dans cette histoire et encore plus quand Abigaël s’y retrouve impliquée de façon plus personnelle, même si elle ne s’en rend compte que par à-coups.
    On en apprend plus sur la narcolepsie, la cataplexie, les rêves imbriqués… et ça fiche quand même bien la trouille ! (Et c’est contagieux ! J’ai jamais eu autant envie de dormir au boulot qu’en lisant ce livre… peut être pour tenir plus longtemps le soir pour le continuer…)
    Du fait de la maladie d’Abi, nous, lecteurs, en savons toujours un peu plus qu’elle. Guère plus car on ne sait que ce qu’elle apprend, mais on s’en rappelle mieux que l’enquêtrice. Et ça nous fait nous attacher encore plus à elle car elle n’a aucun moyen de prouver qu’elle ne devient pas folle !
    Il n’y a aucune longueur dans ce roman, malgré ses 600 pages. On se trouve face à un véritable puzzle et pas des plus simples.
    J’ai eu deux hypothèses, une vers la moitié du livre et l’autre vers les deux tiers. La première était complètement fausse, mais la seconde était en partie vraie (en partie seulement, hélas).
    En revanche, si j’avais presque deviné certains éléments (c’est mieux que rien, non), je n’avais pas trouvé (mais alors pas du tout), l’identité du kidnappeur (pas plus que son mobile). J’ai d’ailleurs regretté qu’on n’ait pas eu une chance de découvrir son identité, ça m’énerve toujours un peu quand, au moment de révéler le nom du coupable, l’enquêteur nous sort une information qu’il n’avait pas partagé (genre Poirot…mais avec lui ça passe !).
    Malgré quelques petits points qui m’ont moins plu, Rêver est un roman complexe mais où chaque élément à son importance et nous emmène vers la solution.

    Un extrait : — Freddy s’amuse, il nargue, continua la psychologue, le doigt brandi. Jamais il ne livre la moindre information sur le fait que les enfants soient vivants ou pas. « Je suis celui qui dirige, j’ai le pouvoir de vie ou de mort sur les enfants. Comme le croquemitaine, je suis celui qui est venu les chercher à la nuit tombée, et vous n’avez rien pu faire. Vous êtes responsables et, moi, j’ai le pouvoir sur vous… » En constituant cet épouvantail, il crée un être hybride, sans identité propre, mi-monstre, mi-humain, personnage de cauchemar androgyne, qui pourrait témoigner d’une orientation sexuelle comme l’homosexualité ou la bisexualité…

    Le silence régnait au sein de la Veuve folie. Abigaël ne put réprimer un bâillement. Avant de poursuivre, elle but une gorgée d’eau pour cacher un soudain malaise, mais les échanges de regards entre gendarmes en disaient long. Pour avoir souvent travaillé avec elle, ils savaient que le sommeil allait très vite l’emmener sur ses rivages sombres. Abigaël était sûre qu’ils prenaient déjà les paris dans leurs têtes : Quand s’endormirait-elle ? Dans trente secondes ? Deux, cinq minutes ?

    Elle maintint la barre, l’attention ne devait surtout pas se relâcher :

    — Les témoignages concernant notre homme divergent parfois : Freddy se déguise, sûrement pour passer inaperçu, mais peut-être aussi parce qu’il se sent mal dans sa peau. Il n’assume pas son statut, le refoule, il se considère sans doute comme un inadapté. Cette colère sur le visage fabriqué pourrait être le reflet de ce qu’a été sa propre enfance. Lui aussi a été le fils d’un père, d’une mère, mais peut-être n’a-t-il pas eu de famille au sens affectif du terme, contrairement à ses victimes. En tout cas, je pense qu’il a subi un traumatisme grave dans sa prime jeunesse. Un isolement, une maltraitance… Pensez au sang et aux coups de griffes. Cet épouvantail, c’est une partie intime de sa personnalité qu’il nous livre, une facette de son visage… Pour ces multiples raisons, je pense qu’il agit seul. Sa quête est trop personnelle, elle ne concerne personne d’autre que lui. Elle le touche au plus profond de sa construction d’être humain.

    Nouveau bâillement, zygomatiques en folie. Abigaël sentit cette fois un intense engourdissement jusqu’à l’extrémité de ses doigts. Il fallait que le couperet tombe maintenant, au beau milieu de la réunion.

    — Désolée, mais je vais devoir baisser le rideau quelques instants.

    Elle vit un gendarme scruter discrètement l’heure et sourire. Celui-là avait dû gagner son pari.

    —  Ça tombe bien, fit Lemoine en se levant. On va faire une pause et fumer une cigarette ou deux en attendant.

    Abigaël bouillait de colère, mais ne le montra pas. Petite croix sur ses notes, remerciements sobres et excuses auprès de ce concentré de testostérone. En sortant rapidement de la pièce, elle en voulut à son corps déréglé, à sa fichue maladie du sommeil. Pourquoi en plein milieu de son exposé ? Pourquoi pendant le moment le plus important de ses dernières semaines de travail ?

    Elle alla vite s’isoler dans une chambre, ferma la porte, s’allongea sur un vieux matelas, le visage tourné vers le plafond, les mains croisées sur la poitrine, tel un cadavre dans son cercueil. La Veuve folie lui offrait le gîte. Elle relativisa : au moins, elle était dans un lit et non pas au milieu d’une grande surface ou cachée dans les toilettes de son cabinet de consultation, tandis qu’un patient l’attendait dans un fauteuil.

    Elle fermait à peine les yeux qu’une grande cape noire vint la recouvrir. Toujours le même tissu opaque lui écrasant le visage, cette même sensation d’étouffer une fraction de seconde, avant que son diaphragme se relâche et que sa respiration, quasi instantanément, passe en mode automatique.

    Un claquement de doigts plus tard, elle dormait profondément, plongée en plein sommeil paradoxal : celui des rêves et des cauchemars.

     

  • [Livre] Otage de ma mémoire

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    Résumé : En se réveillant ce matin-là, tous ses souvenirs ont disparu. Sa voix également. Qui est-elle ? Pourquoi personne ne s’inquiète-t-il de son absence ? Quelles sont les réelles motivations de ceux qui prétendent l’aider ? Et surtout, pourquoi l’éventualité de retrouver la mémoire l’effraie-t-elle autant ?

    Plongez avec elle sous hypnose dans les méandres de sa mémoire, de son identité, des épisodes de sa vie, pour remonter le temps jusqu’au jour où tout a basculé.

     

    Auteur : Marilyse Trécourt

     

    Edition : Autoédition

     

    Genre : Thriller psychologique

     

    Date de parution : 23 Mai 2016

     

    Prix moyen : 14€ en papier; 2,99 en ebook

     

    Mon avis : On a ici un roman très court (oui bon, promis avant de relire cette chronique je n’avais pas fait attention à cette phrase et au nom de l’auteur…) mais très bien construit.
    D’habitude, je ne lis pas de roman autoédité. Parce que jusque-là, je n’ai eu que de très mauvaises expériences : mal écrit, histoire incohérente, orthographe digne d’un enfant de 7 ans… bref, totalement illisible en ce qui me concerne.
    Ce livre, je l’ai gagné des mains de l’auteur, Marilyse Trécourt, grâce à un petit concours qu’elle a organisé sur twitter. Quand j’ai participé, je ne savais pas que le roman était autoédité, et tant mieux, sinon j’aurais eu des réserves, peut-être même que je n’aurais pas tenté ma chance et ça aurait été drôlement dommage.
    Parce qu’on a ici un livre très bien écrit, recherché mais avec un style clair et incisif qui le rend très vite addictif.
    Ce n’est pas un thriller à proprement parlé, car il n’y a pas de pure enquête criminelle, mais c’est une sorte de thriller psychologique : ça ne fait pas peur, mais on ressent une certaine tension.
    J’ai beaucoup aimé le personnage d’« Ariel » qui, même si elle a peur de découvrir la vérité sur elle-même, ne lâche rien et continue de se battre pour retrouver la mémoire. Il faut dire qu’il y a de quoi être angoissée quand on se réveille amnésique et muette sans savoir si cet état va durer ou non.
    A travers les séances d’hypnose, on découvre le passé de la jeune femme depuis sa naissance jusqu’à l’évènement qui lui a fait perdre la mémoire.
    Les personnages qui entourent Ariel à l’hôpital sont attachants que ce soit l’infirmière, l’inspecteur, le médecin ou Thomas, un autre patient. Les personnes extérieures à l’hôpital le sont, dans leur très grande majorité, beaucoup moins (à l’exception de Mamina). J’ai été très déçue par l’attitude d’un des personnages du passé d’Ariel, qu’on voit donc essentiellement dans ses « souvenirs ».
    Cette alternance du passé et du présent rajoute à notre frustration car, quasiment tout du long, on en sait plus qu’Ariel.
    Un des personnages se recoupe dans son discours et du coup devient suspect à nos yeux, un autre est odieux et égoïste, un troisième est décevant, un autre est tout simplement un vrai monstre (désolée, je ne vous dit pas lesquels… Non, en fait, je ne suis pas désolée du tout, courrez acheter le livre, ça en vaut la peine)…
    J’ai un petit bémol sur la fin de l’histoire. Pas sur l’écriture ni la manière dont c’est amené car il n’y a rien à redire à ce sujet, mais sur le fond.
    Tous les personnages, même le plus odieux, ont de bonnes excuses pour leur attitude et la manière dont c’est présenté entérine ces excuses. J’aurais pu comprendre que chacun des personnages cherche à se dédouaner mais pas que ce soit tenu pour acquis. J’ai eu l’impression que les pires horreurs pouvaient être commises du moment que le personnage avait été « malheureux » jadis. Je trouve cela un peu facile et j’aurais aimé des conséquences un peu plus sérieuse pour certains d’entre eux.
    Mais bon, cela, ce n’est qu’une opinion personnelle qui n’enlève rien à la qualité de l’histoire.
    L’auteur a réussi le tour de force, qui n’arrive pas toujours à réussir des auteurs ayant trente ans de carrière derrière eux, de réussi à nous présenter une histoire cohérente, qui avance à un bon rythme et qui ne bâcle pas certains aspects pour aller plus vite en environ 200 pages.
    J’ai passé un super moment de lecture et j’en remercie encore Marilyse Trécourt d’une part pour avoir écrit ce roman et d’autre part pour m’avoir permis de le découvrir.

    Un extrait : Où suis-je ? Je n’en ai pas la moindre idée. Tout est blanc. Triste. Froid. Je suis frigorifiée. J’ai mal. A la tête, aux jambes. Dans le cœur. J’ai peur. Je ne sais pas pourquoi. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment de la peur. C’est autre chose. Du vide. Voilà, c’est ça, je suis vide. Creuse, comme un puits sans fond. Abandonnée de l’intérieur.

    Je sais que je suis en vie mais je ne sens pas la vie. Juste le vide. Juste une lettre en plus mais avec la vie en moins.

    Pourquoi ? Pourquoi cette sensation m’envahit-elle et me donne-t-elle un vertige incommensurable ? Ça me donne la nausée. J’essaie de me raccrocher à quelque chose. De me retenir aux branches. De ne pas tomber dans ce vide qui m’aspire. Inexorablement. Je coule. J’essaie de donner un coup de pied pour me faire remonter à la surface. Mais je ne bouge pas. Pas d’un centimètre. Mes pieds ne répondent pas. Mes mains non plus. Rien. Rien ne réagit. A part mes paupières. J’arrive à peine à les soulever. Mais ça me demande un tel effort que je n’ai qu’une envie. De les refermer, pour m’endormir et oublier. Et tenter d’échapper à ce gouffre noir et effrayant. De rêver. De me raccrocher à des bulles de bonheur, de souvenirs réconfortants. Je cherche. Je creuse. En vain. Et je me retrouve au fond du puits. Seule. Dans la pénombre. Aucune lumière ne vient me réconforter. Je n’ai aucun souvenir.

    Je suis… Je ne sais pas qui je suis. Une fille. Une femme peut-être. Je crois. Je ne sais pas.

    J’ai peur. Je voudrais crier, hurler, pleurer comme un enfant. Mais j’en suis incapable. Rien ne bouge.

    Je suis enfermée dans mon corps. Et mon corps est vide.

    Peut-être suis-je morte ? Peut-être est-ce cela la mort, finalement ?

    Bip Bip Bip

    Ce bruit. Je le reconnais. Je l’ai entendu tout à l’heure. Au milieu de cris, de mots que je ne comprenais pas. J’étais allongée. On me poussait, vite.

    Des mots me reviennent. Constantes ? Trauma crânien… Chimie… Deux culots de O nég… On la perd… Pouls à 67… Appelez Cholard… Le bloc est prêt…

    Je n’y comprends rien. Je ne comprends rien à rien.

    Et maintenant ? Que vais-je faire ? Que vais-je devenir ? Vais-je rester dans cet état ? Combien de temps ? Toute ma vie ? Ou toute ma mort…