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Policiers/Thrillers - Page 15

  • [Livre] L'expédition

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    Résumé : Archipel du Svalbard. Un appel au secours en provenance du 87e parallèle nord parvient à Knut Fjeld. Une expédition norvégienne est en difficulté, alors qu’elle cherche, sur les traces des grands explorateurs, à rejoindre le pôle Nord. Un projet mal ficelé, que les spécialistes critiquent pour l’itinéraire retenu, et pour le choix du mois de février, trop tôt en saison. Mais le challenge est là, précisément : réussir ce qui ne s’est jamais fait. Lorsque courage et ambition riment avec folie. L’expédition est partie, mal préparée, mal financée. Deux attelages, huit chiens et quatre hommes.
    Ce sont les chiens qui tombent en premier.
    Knut Fjeld, le flic norvégien du Svalbard, se rend sur place. En plein désert arctique, sur la banquise qui dérive. Bientôt prisonnier d’un huis clos sur glace, angoissant, et périlleux.

     

    Auteur : Monica Kristensen

     

    Edition : Gaïa polar

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 05 octobre 2016

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce livre. J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire, mais une fois ceci fait, impossible de lâcher le roman.
    Il y a une tension presque palpable dans ce huis-clos glacial.
    Le policier, Knut, n’est pas sur place pour officiellement enquêter, il est venu rejoindre l’expédition après un appel de détresse. Mais quand il voit l’état des chiens et du musher, il décide de rester sur place pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé.
    Les membres de l’expédition ne sont guère sympathiques : les deux amis d’enfance à l’origine du départ sont d’une arrogance insupportable, le troisième membre est plus renfermé, plus secret.
    Quand aux deux épouses restées en arrière, l’une semble cacher un secret, l’autre ne penser qu’à la gloire quelque en soit les conséquences.
    Difficile dans ces circonstances de définir les responsabilités de chacun.
    Difficultés supplémentaires : toutes communications est coupée avec la civilisation et un ours polaire affamé rode. Mener une enquête dans ces conditions n’est pas franchement l’idéal.
    J’ai été sidérée par l’inconscience de ces hommes qui ont fait des promesses et pris des engagements qu’il était impossible à tenir tant l’expédition a été mal préparée. Karsten est sans doute celui qui est le plus arrogant et qui manque le plus de discernement. Il semble croire que du moment qu’il pense à un objectif, il va forcément l’atteindre. Il refuse d’admettre qu’il n’est qu’un amateur et qu’il fonce droit dans le mur. Sans doute le fait qu’il ait été un enfant-star puis qu’il ait brillamment réussi ses études d’avocat lui ont-ils fait croire qu’il réussirait tout ce qu’il entreprendrait. Il semble croire aussi que la fin justifie les moyens et qu’il n’aura jamais à faire face à aucune conséquence.
    Si pendant la majorité du livre, on suit les membres de l’expédition et Knut qui évolue complètement à l’aveugle, certains chapitres suivent le chef de la police, et patron de Knut, qui mène lui-même une enquête pour comprendre ce qui est arrivé au musher et aux chiens. D’autres chapitres, moins nombreux, et écris à la première personne, suivent les pensées de l’épouse de Karster, Karin Hauge, qui raconte la préparation de l’expédition ainsi que les informations que les deux épouses reçoivent tandis que leurs maris se dirigent vers le pôle.
    Ainsi on en sait plus que Knut sur ce qui est arrivé au musher et aux chiens, mais cela ne nous aide guère à savoir qui est le coupable parmi les membres de l’expédition, ni même s’il y a un ou plusieurs coupables.
    La chute est inattendue quoique pas assez développée à mon goût. On reste un peu sur sa faim.
    Mais pour l’essentiel, c’était un thriller très prenant et qui tient en haleine.

    Un extrait : La couche de glace à 87 degrés nord s’étendait à perte de vue autour d’eux, jusqu’à l’horizon, où elle disparaissait dans un rai de lumière. Les chenaux et les crêtes de compression dessinaient des lignes sombres au tracé aléatoire. Au-dessus d’eux, la voûte céleste semblait tapissée de couvertures de laine grise. Et entre le ciel et l’océan, ces deux immensités : l’hélicoptère, un cylindre de métal noir vrombissant maintenu en suspension par un lourd rotor qui fouettait l’air de ses pales. Quatre hommes se trouvaient à son bord : deux pilotes, un mécanicien de la compagnie aérienne Airlift et un policier dépendant du bureau du gouverneur à Longyearbyen.

    Il faisait chaud dans la cabine réservée aux passagers dans laquelle étaient assis Knut Fjeld et le mécano. Les discussions dans l’intercom s’étaient tues. Il flottait dans l’habitacle une atmosphère paisible, ils étaient un peu comme plongés en plein rêve. Knut somnolait sur son siège, sa tête dodelinait au rythme des mouvements de l’hélicoptère. Peu lui importait de calculer le temps qui s’était écoulé depuis le décollage, il laissait ses pensées vagabonder au petit bonheur, il glissait dans cet agréable état de somnolence, puis en ressortait, avant de repiquer du nez.

    L’hélicoptère avait fait une escale sur un navire océanographique allemand dans le détroit de Framstredet, entre le Svalbard et le Groenland, pour remplir les réservoirs de carburant, mais ils étaient repartis aussitôt, sans même prendre le temps de boire un café avec l’équipage. Le Polastern avait disparu derrière eux depuis quelques minutes, quand ils avaient aperçu l’île de Danskøya à tribord, avant d’entrevoir au loin le minuscule

    îlot de Moffen, une réserve naturelle abritant une des dernières colonies de morses du Svalbard. Aucun n’était visible ce jour-là.

    Ils n’avaient plus eu ensuite que la banquise au-dessous d’eux.

    Ils se dirigeaient vers la dernière position connue du campement d’une expédition norvégienne en route pour le pôle Nord – un petit point dans la blancheur d’un désert de solitude. Un appel de détresse par téléphone satellite était à l’origine de cette opération de sauvetage. D’ordinaire, il en fallait beaucoup pour que le gouverneur déclenche une intervention coûteuse nécessitant d’envoyer un hélicoptère très au large du Svalbard, mais le message selon lequel un ours polaire rôderait dans les parages

    les avait poussés à agir.

    La procédure habituelle, lors du signalement d’un ours, voulait qu’un policier et une personne chargée de l’environnement au bureau du gouverneur se rendent sur les lieux afin d’évaluer la situation, mais l’agent du service environnement n’était pas là depuis longtemps et comme Knut était le policier de terrain le plus expérimenté, ses supérieurs avaient décidé de l’envoyer seul sur place.

     « Dis-toi que c’est là une super occasion de monter plus au nord que tu ne l’as jamais fait », avait déclaré Tom Andreassen, le chef de la police, en conduisant Knut au hangar de l’hélicoptère.

    « Il suffira probablement d’effrayer l’ours pour qu’il s’en aille. Il y a de fortes chances que ce ne soit qu’une pure mission de routine. »

    Knut ne lui avait pas répondu. Il avait comme l’impression d’avoir déjà entendu cette phrase.

     

     

  • [Livre] Je sais pas

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    Résumé : C'est le grand jour de la sortie en forêt de l'école maternelle des Pinsons. La météo clémente et l'enthousiasme des éducateurs comme des enfants donnent à cette journée un avant-goût de vacances. Tout se déroule pour le mieux jusqu'au moment du retour, quand une enfant manque à l'appel. C'est Emma, cinq ans, une des élèves de la toute jeune institutrice Mylène Gilmont. C'est l'affolement général. Tandis que deux enseignantes ramènent le groupe d'enfants au car, les autres partent aussitôt à sa recherche. Mylène prend une direction différente, s'aventurant donc seule dans la forêt. Au bout d'une demi-heure, les forces de l'ordre sont alertées. Un impressionnant dispositif est mis en place et l'équipe du capitaine Dupuis se déploie dans la forêt avec une redoutable efficacité. Et puis Emma réapparaît. Le soulagement de ses parents arrivés sur place, Camille et Patrick, est à la hauteur de l'angoisse qu'ils ont éprouvée. Visiblement, il y a eu plus de peur que de mal pour la petite. Pourtant, la battue doit continuer avant la tombée de la nuit, car cette fois, c'est Mylène qui ne revient pas. Camille a retrouvé sa fille. En vérité, elle ne le sait pas encore, pour elle, le cauchemar ne fait que commencer.

     

    Auteur : Barbara Abel

     

    Edition : Belfond

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 06 octobre 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : J’ai lu ce livre dans le cadre d’une lecture commune avec les copinautes.
    L’histoire commence de manière assez calme : une mère qui semble s’ennuyer dans son mariage, une jeune institutrice en retard, une sortie scolaire en forêt.
    Mais très vite les choses dérapent. Au moment de rentrer à l’école, on constate la disparition de la petite Emma. Pendant que trois des accompagnateurs la cherchent, se séparant pour couvrir plus de terrain, une des deux accompagnatrices qui surveillent les enfants prévient la police.
    Quand Emma est retrouvée, le soulagement est de courte durée car on constate très vite l’absence de Mylène, une des institutrices qui était partie à sa recherche.
    Tout au long de ce livre la phrase « Je sais pas » résonne dans toutes les bouches comme un mantra qui fait monter l’angoisse.

    Chaque évènement est lié aux autres d’une manière ou d’une autre, parfois d’une manière que l’on n’aurait pas imaginée, et qui n’est pas forcément expliquée noir sur blanc dans le roman.
    Mais la première chose qui m’a frappée dans ce roman c’est que tous les personnages, absolument tous, sont antipathiques. Oui, oui, tous. Du policier chargé de l’affaire et qui semble plus à cheval sur son grade que sur la manière dont l’enquête est menée à la petite Emma de cinq ans, en passant par les parents de la gamine et Mylène, la disparue.
    Déjà, il y a la petite Emma, 5 ans. Malgré son visage d’ange, la gamine, dès les premières lignes se montre effrontée, tyrannique et très vite, on décèle une réelle malveillance chez cette gosse malgré son jeune âge.
    Ce qui n’a rien d’étonnant quand on voit son père : arrogant, doté d’un immense complexe de supériorité (ou sociopathe…ça se discute…). On se doute bien qu’une gamine de 5 ans ne devient pas ainsi sans une éducation défaillante et des exemples parentaux désastreux.
    J’ai eu moins de mal avec Camille, sa mère, elle a ses failles et est complètement inconsciente sur certains points, mais son attitude n’est pas volontairement destinée à nuire.
    Mylène, l’institutrice disparue m’a semblé n’avoir aucun sens des responsabilités. Dès les premières pages, on apprend qu’elle est diabétique, mais elle semble incapable de se prendre en charge : elle traite son diabète par-dessus la jambe, fais ses injections quand bon lui semble…et je trouve complètement irresponsable, quand on a la charge de jeunes enfants, de ne pas informer son employeur d’une maladie qui peut vous faire perdre connaissance en cas d’hypoglycémie.
    Devant ces personnages aussi antipathique les uns que les autres, on est débarrassé de toute empathie et on est plus concentré sur l’ambiance malsaine et oppressante qui fait la force du roman. 
    On reste en haleine jusqu’à la fin, les explications et rebondissement gardant tous nos sens en éveil jusqu’à la dernière ligne de l’épilogue.

    Un extrait : Dans la cour de l’école, l’agitation est à son comble. D’autant que, pour la première fois depuis deux semaines, la journée promet d’être belle, même les bulletins météo sont tombés d’accord sur ce coup-là. La menace de quelques orages d’été n’est prévue qu’en début de soirée. Dans l’excitation du départ, les enfants ne cessent de s’éparpiller alors qu’on leur demande de rester groupés, tandis que les parents campent par grappes à l’entrée de l’école alors qu’on souhaite qu’ils se dispersent.

    — Mireille ! Avez-vous vu le carton des brassards ? Il a mystérieusement disparu !

    À proximité des toilettes, Bruno Danzig, le prof de gymnastique, gesticule en direction d’une femme élégante, la quarantaine dynamique, qui vient de débouler dans la cour qu’elle traverse d’un pas militaire.

    — Dans le réfectoire ! lui répond-elle du tac au tac.

    Sans se départir de son sourire légendaire, Mireille Cerise, directrice de l’école maternelle des Pinsons, poursuit sa course sans ralentir. Le joyeux désordre qui règne dans le patio ne paraît pas l’affecter ; il semble que tout soit sous contrôle. Ce qui, en vérité, est loin d’être le cas.

    — Éliane ! clame-t-elle à l’adresse d’une institutrice qui tente tant bien que mal de faire régner l’ordre. Il est temps de faire votre rang, les enfants embarquent dans cinq minutes !

    Éliane acquiesce d’un signe de tête avant de hausser le ton pour exiger le calme. Mireille se dirige vers le préau, zigzague entre les enfants, attrape au vol un ballon qu’elle confisque dans la foulée, évite de justesse un petit garçon qui s’étale à ses pieds et qu’elle relève presque sans s’arrêter.

    — Mireille ! hurle le concierge depuis l’entrée de la cours. Le car bloque toute la rue ! Faut se magner, là !

    — On y va, on y va !

    Puis, avisant Bruno qui revient du réfectoire chargé d’une caisse :

    — Postez-vous au portail, monsieur Danzig, et distribuez un brassard à chaque enfant qui sort.

    — C’est ce que je m’apprête à faire !

    — Et virez-moi les parents, ça fait bouchon !

    Bruno Danzig s’éloigne en grommelant.

    — Virer les parents ! Elle en a de bonnes, elle !

    Mireille poursuit en direction de l’accueil. Juste avant d’atteindre la porte, elle avise trois enfants qui se battent comme des chiffonniers à quelques mètres d’elle.

    — Ho ! vocifère-t-elle aussitôt en rejoignant les marmots. C’est pas bientôt fini, non ? Mettez-vous tout de suite en rang ou je vous garde à l’école !

    Les gamins tentent de se justifier, peine perdue, Mireille les attrape par le bras et les entraîne vers Éliane.

    — Ils sont à vous, ces trois-là ?

    — Non, ce sont des élèves de Mylène, répond Éliane, doyenne des enseignantes de l’école.

    — Et elle est où, Mylène ? s’informe Mireille en balayant la cour des yeux.

    — Pas encore vue !

    — C’est une blague ?

    Pour le coup, le sourire de Mireille se fige. Elle consulte sa montre et laisse échapper un soupir contrarié. Les garçons en profitent pour lui fausser compagnie tandis qu’un peu plus loin, un rang approximatif se forme sous les injonctions d’Éliane. La directrice change aussitôt de cap et rejoint rapidement le concierge.

    — Tu as vu Mylène, ce matin ?

    — Non, répond-il, indifférent à l’agacement qui pointe dans sa voix. Bon, tu les embarques, les gosses ? On va encore avoir des remarques du conseil municipal !

    — J’attends Mylène, figure-toi !!!

    Tout en s’éloignant, Mireille sort son téléphone portable de sa poche, le consulte, constate l’absence de nouveau message. Elle ouvre ensuite son répertoire, sélectionne le numéro de Mylène Gilmont, s’apprête à établir la communication lorsque enfin elle aperçoit la jeune femme se hâter à sa rencontre.

    Mylène est la plus jeune institutrice de l’école maternelle des Pinsons. Sa lourde chevelure rousse et bouclée lui confère une allure d’adolescente que son visage constellé de taches de rousseur accentue encore. N’étaient ses tenues vestimentaires toujours irréprochables, elle paraîtrait avoir dix-sept ans, ce qui, dans son métier, n’est pas forcément un atout : perturbés par sa physionomie juvénile, beaucoup de parents éprouvent méfiance et appréhension quant à sa capacité d’encadrer une quinzaine d’enfants de grande section.

    La dictature de l’apparence.

     

  • [Livre] L'inconnue de Queen's Gate

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    Résumé : Noël approche en cette année 1899 lorsque Beth Huntly, fille de cuisine dégourdie et créative, remplace la cuisinière de l’aristocratique famille Hewes, qui vient d’être victime d’une chute.
    Christmas Pudding, entremets vanille, consommé au stilton : dans la liste des ingrédients ne figure aucun meurtre. Et pourtant… Sortie fumer discrètement un cigare au jardin, Beth découvre le corps d’une femme, poignardée avec un kriss malais appartenant à Lord Hewes. Mais c’est Rajiv, le valet indien amant de Beth, qui est embarqué par la police : un coupable bien commode…
    Beth se retrouve malgré elle en première ligne pour éclaircir la situation… et sauver sa place. Quitte à risquer sa vie.

     

    Auteur : Anne Beddingfeld

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Policier

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 11€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé Beth qui est partagée entre son désir de ne pas perdre sa place et celui de découvrir la vérité.
    Même si elle a quelques instants d’incertitudes, elle est sûre de l’innocence de Rajiv et voit dans son arrestation une facilité prise par la police. Beth n’a pas l’esprit assez tordu pour imaginer un complot ou pour penser que Rajiv est arrêté pour étouffer une affaire.
    Elle ne va pas réellement enquêter, elle est plutôt un témoin, parfois gênant, mais est préoccupée par l’affaire et va donc ouvrir ses yeux et ses oreilles. Elle va redoubler de vigilance quand elle va entendre la fille de 12 ans de la famille tenir des propos qui l’inquiètent.
    Mais sa perspicacité et son refus de se contenter d’accepter que l’affaire en reste là vont la mettre en danger.
    J’ai bien aimé que différents milieux se mélangent dans ce roman. Les clubs de gentlemen, les visites au bordel que bon nombre d’hommes de la haute société fréquentent mais dont personne ne parle, et les suffragettes.
    Il est intéressant de voir ce mouvement pour le droit de vote des femmes du point de vue d’une domestique qui s’en sent exclue, car les militantes sont des femmes de la haute société qui ne semblent pas être pressées de voir les droits qu’elles réclament pour elles-mêmes être également réclamés par celles qui les servent et qu’elle considèrent comme des inférieures.
    On peut également voir les réactions excessives de la police devant les rassemblements des suffragettes.
    Au fil du texte, on prend connaissance d’activités plus sombres, plus glauques, qui semblent liées à toutes ces activités auxquelles s’adonnent la bonne société londonienne.
    Voir les personnages évoluer ainsi à la fin de l’époque victorienne est également très intéressant.

    J’ai passé un excellent moment avec Beth et je lirais avec plaisir ses prochaines aventures.

    Un extrait : Perdue dans le dédale de mes pensées, j’avance bon train. Mon panier devrait me peser, me ralentir, la neige molle me faire trébucher et les chevaux qui se précipitent sur moi chaque fois que je traverse une voie m’effrayer. Mais je n’ai jamais marché aussi vite, couru presque, car le jeu en vaut la chandelle.
    Ce soir, c’est ma chance. Je sais, c’est terrible, Mrs Hudson a fait une grave chute et a été hospitalisée au Bats, il se peut qu’elle boite pour le restant de ses jours, mais je dois dire que je m’en fiche, et pas qu’un peu. Je n’aurai peut-être pas d’autre occasion de montrer ce que je vaux.
    Ce soir, c’est mon soir.
    Alors bien sûr, le panier est lourd, je n’ai pas trouvé le cheddar que je voulais pour cette foutue recette exigée par Madame, mas ça aussi, je m’en fiche.
    Je vais leur faire un dîner dont ils se souviendront, un dîner qui me vaudra la place. Ma place !
    Alors il peut bien se mettre à neiger de plus belle, mon manteau peut ruisseler et mes bottines se gorger d’eau, je cours.
    A un mois de Noël, Londres ressemble à une mare de boue géante arpentée de jour comme de nuit par des voitures pressées, conduites par des cochers qui ne regardent pas devant eux. On ramasse tous les jours des dizaines de piétons renversés, aussi je cours, mais prudemment, et je me repasse le menu de la soirée : velouté de champignons, soufflé de chester, aiguillettes de canard braisées aux cardons, haddock à la nage de crème, pudding aux poires et stilton.
    Je passe devant le chantier de l’ancien musée se South Kensington rebaptisé au printemps Victoria and Albert Museum en l’honneur de la reine qui en a posé la première nouvelle brique. Noyées dans l’obscurité, ses façades sont bardées d’échafaudages inquiétants. Il parait que, minuit venu, on peut voir des spectres, sortis des tableaux, glisser le long des larges fenêtres. Je ne crois pas aux fantômes, mais je ne m’attarde pas. Le devoir m’appelle.
    Un diner classique, deux invités seulement, mais des hommes de théatre que Madame veut séduire pour son salon littéraire. Et d’après Monsieur, qui ironise devant ce qu’il nomme « les lubies de Madame », ces pique-assiettes ne reviendront que si la table est bonne, « car ils ne mangent pas tous les jours ». Alors la table sera bonne, j’en fais mon affaire…
    Je suis sur le pied de guerre depuis cinq heure du matin, et tout ce qui pouvait se confectionner à l’avance est déjà prêt : soupe, gâteau, crackers pour le fromage, et ces boules de pain qui viennent de France, dont Kathryn raffole.
    Arrivée devant la maison, je jette un bref coup d’œil à la façade. Jasper, qui aime s’écouter parler, m’a fais un cours sur l’architecture des lieux, et je crois entendre sa voix me déclamer tout en cirant les chaussures :
    - Le contraste entre la brique rouge des étages supérieurs et la pierre claire de Portland avec laquelle sont construites la loggia et les tourelles offre un vigoureux effet de couleur.
    Jasper est de ces domestiques qui pensent que la demeure de leurs patrons est aussi un peu la leur. Je n’essaie pas de lui expliquer qu’il se fourvoie complètement…à quoi bon ?


     

  • [Livre] Dans le labyrinthe

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    Résumé : Un soir de mai, dans une banlieue cossue de Stockholm, Magda, une fillette de onze ans, disparaît mystérieusement de sa chambre. Après plusieurs jours d’investigations, la police en vient à soupçonner le père, Martin. Quatre proches de la victime se mettent à la recherche d’indices qui permettraient de la retrouver : Åsa, sa mère, brillante psychologue qui s’enfonce dans une profonde dépression ; Martin, l’éditeur talentueux à la double vie ; Tom, son loyal collaborateur à l’ambition dévorante ; et Katja, l’infirmière scolaire qui a découvert ce que cachait la petite fille. Ces quatre voix entraînent le lecteur dans un labyrinthe de confessions troublantes.

     

    Auteur : Sigge Eklund

     

    Edition : Piranha

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 02 février 2017

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Je ressors un peu mitigée de cette lecture. Que ce soit le déroulé de l’histoire en elle-même ou le style d’écriture de Sigge Eklund, j’ai eu du mal à poursuivre ma lecture.
    Le style est lourd et, c’est peut être bête, mais j’ai été gênée par le tutoiement permanent entre des personnages qui se rencontrent pour la première fois (comme entre la police et les parents de Magda, ou entre le grand patron à la maison d’édition et le rédacteur…). Pour avoir lu de nombreux roman suédois, je peux dire que c’est la première fois que je vois cet aspect. Les personnes se tutoies plus vite qu’ailleurs, certes, mais ils ne tutoient pas ainsi des étrangers. C’était dépasser les limites de l’impolitesse.
    D’un autre côté, il est vrai que les ramifications que l’auteur a construites entre ses personnages sont très intéressantes, mais le problème est qu’à mon sens il n’y a que ces ramifications qui aient un quelconque intérêt dans ce roman.
    On se perd dans les pensées, les interrogations et les tourments de chacun des 4 personnages qui, s’ils sont censés  nous éclairer sur la disparition de la petite Magda, ne font, en fait, que pleurer sur leur sort et leur vie (et pas seulement depuis la disparition de l’enfant).
    Le passé des personnages ne nous apporte guère d’indications sur la disparition de Magda et du coup il ne nous intéresse pas vraiment.
    Car, quand on lit le résumé, on part vers un but très précis : savoir ce qui est arrivé à Magda. Et là, on tourne en rond, en ayant l’impression qu’on ne saura jamais vraiment de quoi il retourne.
    Dans un roman qui traite d’une disparition d’enfant, on s’attend à être pris dans un tourbillon d’émotion à chaque fois que l’on lit les passages sur ses parents. Mais non. Au fil de ma lecture je n’ai ressentie aucune émotion pour eux, ni pour les deux autres protagonistes d’ailleurs, si ce n’est de l’agacement devant leurs atermoiements.
    J’ai trouvé également l’ensemble trop long, trop lent, sans rythme. Et sans aucun semblant d’enquête que ce soit de la part de la police ou de la part d’un des protagonistes.
    Pourtant l’idée de passer d’un point de vue à l’autre était vraiment super. J’aime beaucoup cette méthode de narration qui fait qu’on en sait toujours légèrement plus que chacun des personnages et qu’on reconstitue ainsi le puzzle en assemblant les découvertes de chacun.
    Mais ici, ça n’a pas eu l’effet escompté d’autant plus qu’on ne cesse de passer d’une période à l’autre : un coup on est avant la disparition de Magda, un coup on est après, sans que cela nous apporte réellement d’éléments sur la question.
    Et même si on fini par comprendre ce qu’il s’est passé avec Magda mais j’ai regretté plusieurs choses : d’abord on ne fait que déduire ce qui est arrivé à Magda, sans que ce soit jamais écris noir sur blanc. Et ensuite on ne sait pas comment les choses sont arrivées à ce point précis.
    Bref, une fin qui m’a laissé sur ma faim après une lecture qui ne m’a pas happée dans son univers.

    Un extrait : La sensation familière d’étouffement la saisit alors et la force à quitter la pièce. Elle sort dans l’aube froide. Il fait encore sombre, mais au-dessus de la lisière des bois, on aperçoit déjà un soupçon de rose. Elle constate que l’herbe scintille de givre. C’est seulement plus tard qu’elle se rend compte que c’était un simple constat. Tout ce qui est beau lui fait peur, parce qu’elle est poussée à sentir et elle ne veut pas sentir.
    Comme l’autre jour, lorsque Martin a oublié d’éteindre la machine à café, la cuisine était remplie du parfum âpre du breuvage resté des heures durant sur la plaque allumée, et elle s’est rappelée son deux-pièces à Gärdet, les visites nocturnes de Martin ; ils venaient tout juste de se rencontrer, ses baisers ardents, ses va-et-vient expérimentés, calmes mais déterminées, lorsqu’il la prenait sous la douche, et ensuite, quand ils étaient assis à la fenêtre, enveloppés dans des couvertures à partager des cigarettes tandis que la neige tombait – ce souvenir était si vivant qu’elle prit peur.
    Elle est à présent dans la rue et regarde à l’intérieur des villas.
    Pendant que les familles dorment, leurs salons les attendent. Les sapins de Noël avec leurs boules de verre rouge, les cadeaux à leurs pieds, les bougies allumées dans la nuit. Toutes ces odeurs à l’intérieur, elle sait exactement comment ça sent avant Noël, les aiguilles de sapin, le savon doux, le repas de la veille. Tout cela lui rappelle la vie avec Magda.

    Elle reste là, comme hypnotisée, à regarder à travers les fenêtres de ses voisins en soupesant ses mots. Elle va bientôt le leur dire. Le téléphone peut désormais sonner ; annoncer la confirmation. Même la pire des versions. Bientôt elle sera même en mesure de la privilégier. C’est devenu difficile ces derniers jours. Quelque chose en elle est prêt à céder. Elle ne sait pas comment cela se passera concrètement, mais quelque chose en elle le veut.

    Ce changement a probablement commencé lorsqu’elle a fini par suivre le conseil de Martin et a parcouru le Web à la recherche de quelques « blogueurs d’anges ». Elle a tout de suite vu que leur douleur n’était pas comparable à la sienne.
    Elle n’était pas nécessairement moins forte ; elle était différente.
    Les blogueurs y parlaient du travail de deuil accompli pour pouvoir avancer. Rien que ce mot « avancer » faisait la différence. Contrairement à eux, elle était vissée au sol d’une pièce de torture et ne pouvait pas bouger ; sans parler de faire son deuil ! Martin ne pouvait-il donc pas le comprendre ? Visiblement non, et elle en était aussi exaspérée que triste. C’est comme lorsqu’il était debout derrière elle à la regarder lire les blogs, et qu’il s’attendait, suppose-t-elle, à ce qu’elle lui saute au cou, profondément reconnaissante, parce qu’il lui avait montré cette source de consolation. Mais la seule chose qu’elle y voyait, c’était des femmes qui luttaient quotidiennement pour avancer, fuyant l’horreur vécue. Elle s’était finalement sentie obligée de se retourner pour lui demander s’il s’y reconnaissait vraiment. Il l’avait regardée fixement sans répondre avant qu’elle dise :

    - Je ne lutte ni pour aller de l’avant, ni pour fuir quelque chose. Et c’est justement là qu’est le satané problème. Je lutte en arrière. Vers cette nuit, pour y voir quelque chose de nouveau, pour comprendre. Regarde-moi. Réponds. Quel rapport y a-t-il entre leur situation et la nôtre ? Mon enfant vit, les leurs sont morts. C’est quelque chose de concret, elles peuvent donc commencer à faire leur deuil.
    Il avait alors gardé le silence, comme d’habitude, désemparé jusqu’à en devenir provocant.
    Elle avait quitté la pièce tandis que Martin s’était replié dans le cabinet de travail.
    Cette nuit-là elle avait encore rêvé de la cave, et cette fois-ci, la pièce était étonnamment petite ; il n’y avait pas d’air. Lorsqu’elle découvrir Magda dans un coin, elle était trop épuisée par le manque d’oxygène pour pouvoir lui venir en aide. Elle eut beau investir toutes ses forces, elle n’arriva pas à l’atteindre, malgré toute la détresse qu’elle mettait à s’étirer vers elle, vers ses mains de petite fille.

     

  • [Livre] Les enfants de cendres

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    Résumé : Au milieu d'un train bondé, une petite fille disparaît. En dépit d'une centaine de témoins potentiels, personne n'a remarqué quoi que ce soit. Sa mère était descendue sur le quai pour passer un coup de fil, et n'a pu regagner le train à temps. Affolée, elle a alerté les contrôleurs qui ont gardé un oeil protecteur sur l'enfant endormie. Pourtant, à l'arrivée en gare de Stockholm, la fillette s'est volatilisée. On ne retrouve que ses chaussures sous la banquette... 

     

    Auteur : Kristina Ohlsson

     

    Edition : France Loisirs

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 2012

     

    Prix moyen : 13€

     

    Mon avis : D’après ce que j’ai compris, il vaut mieux avoir l’édition de France loisirs que l’édition j’ai lu. En effet, il semblerait que cette dernière en dise beaucoup trop sur l’histoire dans son quatrième de couverture, tandis que celle de France loisirs lui conserve tout son mystère.
    L’histoire commence de manière assez « banale » pour les enquêteurs et s’ils ne traitent pas pour autant l’affaire par-dessus la jambe et recherchent activement l’homme et l’enfant, pour eux, ce n’est rien de plus qu’un père qui a décidé qu’il ne serait pas séparé de sa fille.
    Pourtant, il y a un membre de l’équipe qui reste sceptique. Cet enlèvement dans un train lui parait trop élaboré pour être du fait d’un père n’acceptant pas la séparation.
    Le problème est que cette enquêtrice vient du civil. Le gouvernement à décidé d’introduire des personnes venant du civil et donc sortant du cursus universitaire dans les services de police. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne plait pas. Les enquêteurs rejettent d’un bloc ces nouveaux venus qu’ils jugent inutiles. Que ce soit les analystes ou les enquêtrices qui viennent de passer des années à l’université à étudier la criminologie et le comportement criminel.
    Alors quand Fredrika Bergman fait part à son boss de ses doutes quant à l’enquête, elle est vertement envoyée sur les roses !
    Et là, j’ai eu beaucoup de mal à supporter ledit boss : Alex et son enquêteur Peder.
    Commençons par le plus bas dans la ligne hiérarchique : Peder.
    Disons le tout net, je l’ai trouvé imbuvable ! Moi moi moi, voilà tout ce qui l’intéresse. Père depuis peu, son épouse fait une grosse dépression postnatale et il ne le supporte pas. Attention, pas parce que sa femme est malheureuse, mais parce qu’il n’a pas la vie sexuelle qu’il veut, l’accueil qu’il veut, qu’elle ne s’occupe pas assez de lui. Bref, les sentiments et l’impression de se noyer de son épouse ne sont que secondaires au vue des désagréments que doit supporter monsieur. Dans le boulot, il n’est guère mieux : il se vexe s’il n’a pas la vedette, ne supporte pas qu’un autre que lu trouve un indice ou comprenne l’importance d’une information. Il passe plus de temps à tirer la couverture à lui qu’à enquêter… Heureusement quand il devient clair que l’affaire est bien plus grave que ce qu’il n’y parait, il va se reprendre un peu, et, sans changer complètement d’attitude, il va quand même se foutre pour de bon au boulot.
    Le chef aussi m’a agacée, peut être encore plus parce que c’est le chef. Il rejette les impressions et les doutes de Fredrika, non pas parce qu’il a déjà enquêté sur cette piste et l’a mise de côté mais parce qu’elle lui est signalée par une « civile » et qu’il n’a pas l’intention de la laisser « lui apprendre son métier ». Je ne dis pas qu’ils auraient pu sauver tout le monde s’il avait écouté Fredrika, mais ils auraient moins perdu de temps !

    Enfin il y a Fredrika. Elle est très mal à l’aise dans ce service de police, au point qu’elle songe à partir à la fin de sa période d’essai. Elle sent bien qu’elle est rejetée et ses collègues prennent pour de l’indifférence et de la froideur sa maitrise d’elle-même qu’elle refuse de relâcher de peur de craquer devant les horreurs auxquelles elle va être confrontée.
    Quand (enfin) le service se lance sur la piste dénichée par Fredrika, ils se trouvent aux prises avec quelqu’un de froid, de très organisé et de quasiment invisibles : il ne laisse aucune trace, aucun adn, aucune empreinte. Les personnes interrogées sont incapables de le décrire. A croire que l’on a affaire à un véritable fantôme.
    J’ai un peu regretté que les enquêteurs tournent si longtemps en rond pour trouver le lien entre les différentes affaires, alors que ça faisait plus de 100 pages que je l’avais deviné et que j’avais envie de leur hurler : « mais il est là le lien !!! c’est ça !!! »
    Dans ce livre, l’auteur n’aborde pas que le thème du meurtre et de l’enlèvement. Au cours de l’enquête, on sera également confronté aux thèmes de la pédophilie et de la maltraitance faite aux femmes.
    Il y a des fausses pistes. Une en particulier qui m’a complètement eue ! Une vraie bleue. Je suis allègrement tombée dans le panneau (c’est limite vexant).
    Maintenant, je suis pressée de lire d’autres livres de l’auteur pour voir ce que va devenir Fredrika.

    Un extrait : La petite fille ne ressemblait pas du tout à sa mère, avait remarqué Henry en poinçonnant leurs billets, peu après la gare de Göteborg. Ses cheveux châtain foncé ondulaient si joliment autour de sa tête qu’on aurait dit des faux. Ils effleuraient ses épaules en encadrant son petit visage. Son teint était plus mat que celui de sa mère, mais elle avait de grands yeux bleus et le nez constellé de taches de rousseur, ce qui la faisait ressembler à une poupée. Henry lui sourit en passant auprès d’elle et la fillette esquissa un timide sourire en retour. Elle avait l’air fatiguée. Elle détourna les yeux et regarda par la fenêtre, la tête appuyée contre le dossier.

    – Lilian, enlève tes chaussures si tu mets les pieds sur le siège, avait dit la mère, alors qu’Henry contrôlait le billet du voyageur suivant.

    En se retournant, il avait noté que l’enfant s’était débarrassée de ses sandales rouges et avait replié les jambes sous elle.

    Ses sandales étaient restées par terre après qu’elle eut disparu.

    Ce trajet entre Göteborg à Stockholm fut plutôt perturbé. Beaucoup de monde s’était déplacé dans la deuxième ville du pays pour assister à un grand concert à Ullevi. Et tous étaient rentrés par le train du matin, celui où travaillait Henry. Tout d’abord, deux jeunes gens vomirent sur les sièges en voiture 5. Ils avaient trop bu la veille, et Henry dut courir chercher une serpillière pour nettoyer tout ça. Au même moment, deux filles se mirent à se battre en voiture 3. Une blonde accusait une brune d’avoir essayé de lui piquer son petit ami. Henry tenta de s’interposer, mais le calme ne revint dans le train qu’après Skövde, tous les fêtards ayant fini par s’assoupir. Henry put alors boire une tasse de café avec Nellie, qui travaillait au wagon-restaurant. En passant dans le couloir, Henry s’aperçut que la femme rousse et sa fille s’étaient endormies.

    Ensuite, ce fut assez tranquille jusqu’à ce qu’on approche de Stockholm. À quelques dizaines de kilomètres de la capitale, peu avant Flemingsberg, le contrôleur adjoint Arvid Melin annonça par haut-parleur que le train aurait un retard de cinq minutes, voire dix, à cause d’une erreur de signalisation. Le train fit donc un arrêt à Flemingsberg, et Henry vit la femme rousse descendre seule de la rame. Il l’observa par la fenêtre de la voiture 6, réservée au personnel. Elle marcha d’un pas décidé sur le quai et se posta un peu à l’écart des autres passagers, descendus prendre l’air quelques instants. Puis elle sortit quelque chose de sa poche, peut-être un téléphone portable. Henry se dit que la petite fille devait encore dormir. Il poussa un soupir. Se sentait-il seul au point d’espionner une passagère ? Henry retourna aux mots croisés du dernier numéro de Året Runt. Que serait-il arrivé s’il n’avait pas quitté des yeux la femme sur le quai ? Ses collègues auraient beau lui répéter qu’il ne pouvait pas s’en douter et ne devait en aucun cas s’en vouloir, Henry restait persuadé que son zèle à résoudre ses mots croisés avait infléchi le cours des événements. Impossible de revenir en arrière.

    Car Henry était plongé dans ses mots croisés quand il entendit la voix d’Arvid dans le haut-parleur. Tous les voyageurs étaient priés de regagner leurs places, le train repartant en direction de Stockholm. Personne ne se souvint d’avoir vu une jeune femme courir après le train. Mais cela avait sans doute été le cas, car quelques minutes après le départ Henry reçut un coup de téléphone signalant qu’une jeune femme assise place 6 voiture 2, à côté de sa petite fille, avait été oubliée sur le quai à Flemingsberg. Elle avait pris un taxi et faisait à présent route vers Stockholm. L’enfant était seule dans le train.

    – Oh, merde ! jura Henry en raccrochant.

    Il se rendit aussitôt à la voiture 2 pour constater que c’était la jeune femme rousse aperçue sur le quai qui avait manqué le train, puisqu’il reconnaissait la petite fille.

    Henry rassura ses supérieurs en téléphonant de son portable : l’enfant dormait toujours, et il lui paraissait inutile de la réveiller avant l’arrivée à Stockholm. Il promit de s’occuper personnellement de la fillette dès l’entrée du train en gare. Personnellement. Ce mot allait longtemps résonner dans sa tête. Au niveau de Södra Station, les filles de la voiture 3 recommencèrent à se battre et à crier. Henry entendit un bruit de verre brisé puis un voyageur quitta la voiture 3 pour la 2, et il fut bien obligé d’abandonner l’enfant endormie.

    – Arvid, viens tout de suite voiture 3 ! cria-t-il dans son talkie-walkie.

    Aucune réaction du collègue.

    Quand Henry parvint enfin à séparer les deux filles, le train s’était arrêté avec son sifflement caractéristique, un son qui n’était pas sans rappeler la respiration lourde et essoufflée d’un vieil homme.

    – Espèce de pétasse ! hurla la blonde.

    – Sale conne ! rétorqua l’autre.

    – Enfin, vous n’avez pas fini toutes les deux ? s’énerva une femme plus âgée en se levant pour prendre son sac de voyage.

    Henry se fraya un chemin dans la foule qui faisait déjà la queue dans le couloir et se dépêcha de regagner la voiture 2. Pourvu que l’enfant dorme encore ! Il y était presque. Henry bouscula plusieurs personnes le temps de ce court trajet qui – il était prêt à le jurer – lui avait pris moins de trois minutes. La durée de son absence ne changeait malheureusement rien à l’affaire.

    La petite fille endormie avait disparu. Il ne restait que ses sandales rouges, tandis que sur le quai se pressaient tous les autres voyageurs dont Henry Lindgren avait eu la charge entre Göteborg et Stockholm.

     

     

  • [Livre] Derrière les portes

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    Résumé : En apparence, Jack et Grace ont tout pour eux. L'amour, l'aisance financière, le charme, une superbe maison.
    Le bonheur.
    Vous connaissez tous un couple comme celui qu'ils forment, le genre de couple que vous aimeriez connaître mieux.
    Vous adoreriez passer davantage de temps avec Grace, par exemple. L'inviter à déjeuner, seule.
    Et pourtant, cela s'avère difficile. Vous réalisez que vous ne voyez jamais Jack et Grace l'un sans l'autre.
    Est-ce cela que l'on appelle le grand amour ?
    À moins que les apparences ne soient trompeuses.
    Et que ce mariage parfait ne dissimule un mensonge parfait.
    Et vous, connaissez vous vraiment vos amis ?

     

    Auteur : B.A. Paris

     

    Edition : Hugo thriller

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 05 janvier 2017

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Dans la newsletter Babelio, on me présentait ce livre et on me proposait d’en lire un extrait. Dès que j’ai lu celui-ci, je n’ai pas pu attendre et j’ai immédiatement commandé le livre.
    Dès qu’on voit l’attitude de Grace, on comprend que son mariage n’a rien de parfait et que Jack est probablement un mari abusif.
    Alors ce n’est pas faut, mais j’étais loin du compte et je n’avais pas imaginé un personnage d’une telle perversité.
    C’est Grace qui nous raconte son histoire, oscillant entre passé et présent.
    Pendant tout le livre j’ai été prise entre fureur et effroi. Effroi devant la personnalité de Jack mais aussi devant sa capacité, tel un joueur d’échec maléfique, à sembler avoir toujours trois coups d’avance ; et fureur devant la passivité de l’entourage : l’entourage proche qui idolâtre Jack et l’entourage plus éloigné, comme la police ou le personnel de l’hôtel en Thaïlande, qui n’accordent pas même le bénéfice du doute à Grace et considèrent qu’un célèbre avocat comme Jack, défenseur bien connu des femmes maltraitées, ne peut être que ce qu’il parait être : parfait.
    On a ici un thriller psychologique intense, qui ne nous laisse aucun répit (et qui nous fait décider que jamais, au grand jamais, on ne se mariera. Et pour celles qui le sont déjà, que leurs maris ne soient pas étonnés d’être passé à la question à peine la porte franchie, on est jamais trop prudente).
    Il ne faut clairement pas lire ce livre si on est de nature impressionnable, sinon on risque d’avoir peur de son ombre pendant un certain temps.
    Il n’a rien de sanglant, mais il provoque une tension permanente qui ne cesse de monter, sans jamais retomber un peu, jusqu’au dénouement.
    Du coté des personnages, il y en a un certains nombres, mais seulement 2, à part Jack et Grace, on une réelle importance.
    D’abord il y a Millie. Millie a 17 ans, bientôt 18 et est trisomique. C’est la petite sœur de Grace dont elle a la charge, leurs parents, plutôt indignes dans leur genre, ne rêvant que d’être débarrassés une bonne fois pour toute de leurs filles. Millie est une jeune fille enjouée, qui vit dans une pension qu’elle doit quitter à ses 18 ans pour aller vivre avec sa sœur et son beau-frère. Elle est dotée d’une intelligence très fine qui est dissimulée par son handicap.
    Ensuite il y a Esther. Esther est une nouvelle voisine que la vie idyllique que présentent Grace et Jack à la face du monde agace profondément. On voit clairement qu’elle ne croit pas à la perfection de leur vie mais qu’elle pense qu’ils veulent montrer ainsi une certaine supériorité. Pour autant, sa suspicion inquiète Grace comme elle lui donne de l’espoir car celle-ci peut soit lui être favorable, soit la plonger un peu plus en enfer.
    J’ai apprécié que malgré un sujet relativement courant dans les thrillers psychologique, l’auteur ne tombe jamais dans les stéréotypes (parfois un peu dans l’excès, mais une fois pris dans l’intrigue, on n’y fait pas vraiment attention sur le moment).
    Même si on s’attend un peu à la fin (franchement dans une histoire pareille, il n’y a que deux fins possibles), j’ai beaucoup aimé comment cela avait été amené : tout comme le reste du roman, il n’y a rien de brutal, la fin est amenée lentement mais sûrement, en gardant tout son suspense jusqu’à la fin.
    Mon premier coup de cœur thriller de l’année !

    Un extrait : Jack demande un instant d’attention et porte un toast à Esther et Rufus, à qui il souhaite la bienvenue dans la région. Je lève mon verre, avale une gorgée de champagne. Les bulles pétillent dans ma bouche et, soudain, je suis bien. J’essaie de savourer la sensation mais, fugace, elle disparaît aussi vite qu’elle a surgi. Je considère Jack, qui parle avec animation à Rufus, rencontré au club de golf avec Adam, il y a quelques semaines. Ils lui ont proposé un parcours ensemble. Après avoir découvert que Rufus excellait au golf, mais pas assez pour le battre, Jack l’a invité à dîner avec Esther. Je n’ai qu’à les observer pour saisir qu’il désire impressionner le nouveau venu. Il est donc important que je séduise sa femme. Ce ne sera pas tâche facile. Si Diane m’idolâtre, Esther semble plus complexe. Je m’éclipse afin d’aller chercher à la cuisine les canapés que j’ai concoctés un peu plus tôt et pour mettre la dernière touche au repas. L’étiquette – Jack est pointilleux à ce sujet – exige que je ne m’absente pas trop longtemps. Aussi, je m’empresse de battre en neige les blancs d’œuf qui attendent dans un saladier avant de les ajouter à la préparation du soufflé déjà prête. Avec un coup d’œil nerveux à la pendule, je place le mélange dans des ramequins individuels, puis les enfourne au bain-marie. Je vérifie soigneusement l’heure. Un instant, une bouffée de panique me submerge à la perspective de commettre un faux pas. Mais, me rappelant que la peur est mon pire ennemi, je m’exhorte au calme et regagne le salon avec mon plateau d’amuse-gueule. Je les présente aux uns et aux autres, reconnaissante pour les compliments unanimes, parce que Jack n’aura pas manqué de les entendre. Ça ne loupe pas : tout en me gratifiant d’un baiser sur le sommet de la tête, il convient avec Diane que je suis une excellente cuisinière. Je pousse un infime soupir de soulagement. Bien décidée à progresser auprès d’Esther, je m’installe à côté d’elle. Voyant cela, Jack attrape de ses doigts élégants le plateau de canapés.
    — Repose-toi, chérie, tu le mérites, après tout ce que tu as fait aujourd’hui.
    — N’exagère pas, ce n’était rien, je proteste.
    Mensonge. Ce que Jack sait pertinemment, puisque c’est lui qui a arrêté le menu. J’entreprends de poser à Esther les questions de rigueur : s’est-elle habituée à la région ? Inquiétée à l’idée de quitter le Kent ? Ses deux enfants se sont-ils habitués à leur nouvelle école ? J’ignore pourquoi, mais que je sois aussi bien renseignée a le don de l’irriter. Conséquence, je mets un point d’honneur à m’enquérir des prénoms de ses fils et fille, bien que je les connaisse. Ils s’appellent Sebastian et Aisling et ont sept et cinq ans. Je fais comme si je n’étais pas au courant de leur âge non plus. Consciente que Jack surveille mes moindres paroles, je devine qu’il se demande ce que je mijote.
    — Vous n’avez pas d’enfants, n’est-ce pas ? lâche Esther sur un ton qui est plus affirmatif qu’interrogatif.
    — Non, pas encore. Nous souhaitions profiter un peu de notre vie de couple d’abord.
    — Depuis combien de temps êtes-vous mariés ? répond-elle, apparemment surprise.
    — Un an.
    — Ils ont fêté ça la semaine dernière, précise Diane en tendant sa flûte.
    — Et je ne suis pas encore prêt à partager ma ravissante épouse, rigole Jack en la remplissant.
    Durant une seconde de distraction, je contemple une minuscule goutte de champagne qui a giclé sur la serge de son pantalon immaculé, au niveau du genou.
    — Pardonnez mon indiscrétion, reprend Esther, mais l’un de vous deux a-t-il été marié avant ?
    J’ai l’impression qu’elle souhaiterait qu’on lui dise oui, comme si l’existence d’un ou d’une ex tapi dans l’ombre pouvait entacher notre apparente irréprochabilité.
    — Non, je réponds. Ni Jack ni moi.
    Elle dévisage ce dernier, et je me doute qu’elle essaie de comprendre comment un aussi bel homme a réussi à rester libre aussi longtemps. Sentant le poids de son regard, il la régale d’un sourire bonhomme.
    — J’avoue que, à quarante ans, je commençais à désespérer de jamais trouver la femme idéale. Mais dès que j’ai vu Grace, j’ai su qu’elle était celle que j’attendais.
    — C’est tellement romantique ! soupire Diane, qui a déjà eu droit à l’histoire. Je ne compte plus les dames que j’ai présentées à ce célibataire endurci. Aucune n’a eu l’heur de lui plaire. Jusqu’à Grace.
    — Et pour vous, Grace ? me demande Esther. Ça a été également le coup de foudre ?
    — Oui.
    Bouleversée par ce souvenir, je me relève un peu trop vite. Jack tourne vivement la tête dans ma direction.
    — Les soufflés, je me justifie d’une voix calme. Ils doivent être cuits. Tout le monde est prêt à passer à table ?

     

     

  • [Livre] Surtensions

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    Résumé : se retrouvent-ils dans une même histoire et pourquoi Coste fonce-t-il dans ce nid de vipères, mettant en danger ceux qui comptent le plus pour lui ?- un pédophile, un assassin, un ancien légionnaire serbe, un kidnappeur et un braqueur -Cette sœur acceptera-t-elle le marché risqué qu'on lui propose pour faire évader son frère de la prison la plus dangereuse de France ? De quoi ce père sera-t-il capable pour sauver sa famille des quatre prédateurs qui ont fait irruption dans sa maison et qui comptent y rester ? Comment cinq criminels
    Des âmes perdues, des meurtres par amour, des flics en anges déchus : la rédemption passe parfois par la vengeance...
    Olivier Norek pousse ses personnages jusqu'à leur point de rupture. Et lorsqu'on menace un membre de son équipe, Coste embrasse ses démons.

     

    Auteur : Olivier Norek

     

    Edition : Michel Lafon

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 11 mars 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Dès les premières pages, on est prévenu : Un des membres de l’équipe de Victor Coste va mourir. Pendant tout le livre on garde cette information à l’esprit et on guette chaque action, redoutant que ce soit le moment fatal, et se demandant sans cesse qui de Ronan, Sam ou Johanna va être la victime. A moins qu’il ne faille ajouter à la liste Léa, qui, si elle ne fait pas strictement partie de l’équipe, peut être considérée comme telle par Coste puisqu’elle est le médecin légiste.
    Je n’ai pas lu les deux premiers tomes mettant en scène Coste et son équipe, je n’ai donc pas eu le temps de m’attacher aux personnages autant que ceux qui ont lu tous les tomes. Et pourtant, j’ai tremblé pour chacun d’eux tout du long.
    L’auteur est un vrai flic du SDPJ 93, donc quand on a des descriptions (sordides et révoltantes) du milieu carcéral ou du « tirage dans les pattes » lors des frictions interservices, on se dit qu’il sait de quoi il cause.
    J’ai parfois eu la sensation qu’on amorçait des histoires sans jamais les finir et que ces histoires là n’apportaient rien à l’histoire. En fait, s’il est vrai qu’elles n’apportent rien à la résolution de l’affaire, elles donnent de la crédibilité aux actions des personnages. Cependant, malgré leur intérêt pour la crédibilité, elles m’ont laissées sur ma faim, d’autant plus qu’on se concentre parfois de nombreuses pages sur un personnage ou une affaire pour que tout se termine en queue de poisson.
    Pour autant, le livre est addictif, on veut savoir ce qu’il va se passer, page après page et il est difficile de le poser avant d’arriver au terme.
    Si on survole le roman, il nous semble qu’il y a plusieurs affaires distinctes mais au fil des pages, parfois avant les enquêteurs, qu’on regrette pour le coup de ne pas pouvoir aiguiller, on voit la toile qui se tisse en reliant chacune de ses affaires, chacun des personnages.
    Je ne sais pas si ce livre, avec la mort d’un de ses personnage, va être le dernier de la saga Victor Coste, mais certaines phrases lancée ci et là à la fin du roman laissent penser que Coste pourrait bien revenir nous voir pour de nouvelles aventures. En attendant d’être fixée sur ce point, je pense que je ne vais pas tarder à lire les deux premiers tomes : Code 93 et Territoires !

    Un extrait : Coste traversa les couloirs du service, passa devant le bureau du Groupe crime 1 sans même s’y arrêter, prit la passerelle vitrée qui séparait les deux ailes de la PJ pour se rendre là où il était certain de trouver son équipe : salle café. À cette heure bien trop matinale, personne n’aurait eu le courage de mettre de l’eau dans la cafetière du bureau et d’appuyer sur le bouton « on », ni surtout d’attendre les quelques minutes de goutte à goutte nécessaires sans s’endormir devant et debout. Puisque la veille, tout le monde s’était quasiment mis sur le toit avec cette petite eau-de-vie traître comme un virage serré, il fallait de la caféine, vite, beaucoup. Coste ouvrit la porte de la salle repos, doucement.

              – Alors, mes biquets ? Vous avez des têtes de papier mâché.

              Ronan inséra une pièce dans le distributeur.

              – Arrête. Me dis pas que t’es en forme, ça va me fatiguer encore plus.

              Le café passa et il tendit le gobelet plastique à Sam avant de nourrir le distributeur de quelques pièces de plus et d’en offrir un à Coste. Johanna se massait les tempes, les coudes sur les genoux.

              – Tu nous dis pourquoi on est là ? Demanda Ronan.

              – Parce que j’ai été réveillé par une magistrate à 4 h 30. Fleur Saint-Croix. Y a plus désagréable. Mais tu connais ça.

              Malgré le cerveau au ralenti, Sam attrapa la balle au bond.

              – Oh oui, Ronan, raconte-nous comment c’est, le réveil avec Fleur.

              L’intéressé touilla son café, un peu gêné. Fleur Saint-Croix décidait quand il venait et quand il partait, généralement en plein milieu de la nuit. Les matins à deux étaient rares. Parce qu’elle était femme de pouvoir ? Parce qu’il n’était qu’un simple lieutenant de police ? Parce qu’elle ne le considérait pas mieux qu’un sex toy ? Ronan se posait régulièrement toutes ces questions. Ce joli cœur s’était évidemment accroché à la seule qui le malmenait.

              – La vie privée, ça éveille un truc chez vous ? se défila-t-il.

              Johanna sortit des brumes et articula les premiers mots de sa journée.

              – Bon, on s’est levés avant les poules pour parler zizi ou on a du boulot ?

              Coste reprit les rênes de son équipe sur un ton plus professionnel.

              – Voilà le résumé que m’a fait Saint-Croix. David Sebag. Dix-neuf ans. Samedi soir, ses amis l’ont vu quitter la boîte de nuit dans laquelle ils passaient la soirée. Apparemment pour acheter un gramme de coke à un type qui ne voulait pas le lui vendre à l’intérieur. Ils ne l’ont pas revu de la nuit. Dimanche après-midi, Marc Sebag, le père, s’inquiète et appelle les amis de son fils. Les gamins ont commencé par le mener en bateau mais quand ils ont vu qu’il était mort de trouille, ils ont avoué pour la coke.

              – Attends, mais c’est une disparition qui n’a même pas quarante-huit heures. Ton David doit roupiller chez une copine. C’est une affaire pour le commissariat, ça, fit remarquer Sam.

              – Sauf qu’à 2 heures du matin, le père a reçu le SMS.

              – Merde, souffla Ronan.

              Johanna perdit le fil de la conversation.

              – C’est quoi cette histoire de SMS ?

              – Le début d’un enlèvement avec demande de rançon. C’est pas une bonne nouvelle, conclut Coste. Mais c’est pas nouveau non plus. On sait faire.

     

     

  • [Livre] Une amitié assassine

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    Résumé : Quand Kirsty, journaliste, apprend qu'un tueur en série assassine des jeunes filles dans une cité balnéaire, elle se rend sur place. Le témoin du dernier crime n'est autre qu'Amber, une femme qu'elle n'a jamais revue depuis l'enfance... depuis ce funeste jour où toutes deux ont été condamnées pour le meurtre d'une fillette.

    Chacune a changé d'identité et cache jalousement son passé. Ce nouveau drame va-t-il tout faire voler en éclats ? Qu'est-il vraiment arrivé le jour où la petite Chloé, quatre ans, a été retrouvée morte ?

     

    Auteur : Alex Marwood

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 5 septembre 2013

     

    Prix moyen : 22,50€

     

    Mon avis : Encore une fois, la traduction française a frappé et ce, dès le titre. Car dans ce livre, il n’est aucunement question d’amitié entre Kirsty et Amber mais plutôt d’un passé commun qu’on découvre par flash-back. D’ailleurs la traduction littérale du titre anglais était : « Mauvaises filles » ce qui est bien plus parlant.
    L’histoire principale, c’est l’histoire de ces deux femmes. Les crimes qui ont lieu et l’identité du coupable n’est que secondaire. D’ailleurs on devine assez vite qui est le coupable.
    Les deux femmes ont changés d’identité après leur condamnation quand elles avaient onze ans et il faut un peu de temps pour comprendre qui est qui.
    Même s’il y a des longueurs, des passages qui auraient pu être supprimé, on peut voir à quel point cette condamnation pèse encore sur la vie de Kirsty et Amber, 25 ans plus tard.
    Ce qui m’a le plus choqué c’est la réaction des gens face à la condamnation des fillettes, que ce soit dans les flash-backs ou dans le présent (qu’ils connaissent ou non leur vrai identité). A aucun moment le fait qu’elles aient été des enfants au moment des faits n’est pris en compte, à aucun moment on n’essaie de comprendre. On se retrouve face à une meute d’animaux sauvages qui ne pense qu’à faire « justice » (mais entre tous, ils ont une conception assez particulière de la justice).
    La construction est assez particulière car les crimes du tueur en série ne sont là que pour servir de prétexte aux retrouvailles entre Kirsty et Amber. Du coup il n’y a pas d’enquête à proprement parlé. On en saisi des bribes quand Kirsty s’occupe de son article mais sans plus. Toutes les autres histoires parallèles ne servent qu’à entrainer les deux femmes vers la chute qui est à la fois surprenante et frustrante. Pas frustrante parce qu’il nous manque des éléments, mais parce que « ce n’est pas juste ». Voilà, c’est ce qui a dominé mes sentiments à la fin de ce livre : un profond sentiment d’injustice.
    J’ai quand même un reproche à faire à l’auteur : celui d’avoir « fait du mal » à des animaux alors que cela n’apportait rien à l’histoire.

    Un extrait : Une fois par mois, Amber Gordon vide le placard des objets trouvés. C’est une des tâches qu’elle préfère, parce qu’elle lui donne la possibilité de mettre de l’ordre, d’apporter une conclusion à certaines questions en suspens – même si, parfois, il s’agit seulement de décider que si une personne n’a pas réclamé son bien depuis neuf mois, elle ne le fera jamais. Elle prend plaisir à laisser libre court à sa curiosité, à fureter tranquillement dans l’existence des autres en s’étonnant de toutes les choses – dentiers, boucles en diamant, journaux intimes – dont ils n’ont pas remarqué la perte ou qu’ils ont négligé de venir chercher. Mais surtout elle aime offrir des cadeaux : pour l’équipe de nettoyage, le dimanche soir à Funnland a souvent un petit parfum de noël avant l’heure.
    En l’occurrence, la pêche est bonne. Au milieu des parapluies oubliés, des sachets de rocks, les confiseries en forme de galets, et des porte clés Souvenir de Witmouth, elle repère de véritables trésors : un bracelet à breloques d’un doré clinquant, avec des cœurs et des angelots qui se balancent parmi des fragments de pierres semi-précieuses ; un lecteur MP3 certes, bas de gamme, sans écran tactile, mais en état de marche et contenant pas mal de chansons ; un gros sachet de bonbons haribo ; et une carte de téléphone internationale, toujours dans son emballage d’origine.
    Amber sourit. Elle sait qui, parmi ses collègues, apprécierait de pouvoir passer un appel longue distance. Merci, toi qui es venu t’amuser ici, qui que tu sois, pensa-t-elle. Tu ne t’en doute pas, mais ce soir, tu vas faire le bonheur d’un antif de Sainte-Lucie.
    Elle consulte sa montre, constate qu’elle est déjà en retard pour la pause thé. Après avoir verrouillé le placard, elle fourre les présents dans le sac qu’elle porte à l’épaule et traverse d’un pas vif le parc inondé de lumière pour se rendre à la cafétéria.

     

  • [Livre] Tout n'est pas perdu

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    Résumé : Alan Forrester est thérapeute dans la petite ville cossue de Fairview, Connecticut. Il reçoit en consultation une jeune fille, Jenny Kramer, quinze ans, qui présente des troubles inquiétants. Celle-ci a reçu un traitement post-traumatique afin d’effacer le souvenir d’une abominable agression dont elle a été victime quelques mois plus tôt. Mais si son esprit l’a oubliée, sa mémoire émotionnelle est bel et bien marquée. Bientôt tous les acteurs de ce drame se succèdent dans le cabinet d’Alan, tous lui confient leurs pensées les plus intimes, laissent tomber leur masque en faisant apparaître les fissures et les secrets de cette petite ville aux apparences si tranquilles. Parmi eux, Charlotte, la mère de Jenny, et Tom, son père, obsédé par la volonté de retrouver le mystérieux agresseur.

     

    Auteur : Wendy Walker

     

    Edition : Sonatine

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 12 mai 2016

     

    Prix moyen : 21€

     

    Mon avis : Le récit est à la première personne et l’originalité du roman est que l’histoire n’est pas racontée par un enquêteur, professionnel ou non, ou une victime, mais par le psychiatre qui suit cette dernière presque un an après son viol à une fête. Quand on met en relation le quatrième de couverture et le récit, on comprend très vite que le narrateur est un thérapeute mais cela ne nous sera confirmé officiellement qu’aux alentours de la page 70.
    Dans la mesure où l’on suit toute l’histoire à travers ce que les uns et les autres racontent au docteur Forrester, on est ici face à un thriller psychologique. Amateurs de courses-poursuites ou de face à face terrifiant entre le coupable et un autre personnage (victime ou inspecteur) passez votre chemin.
    La narration est presque détachée sur de grands pans du roman. Le docteur Forrester décrit les faits et les conversations qu’il a avec les protagonistes de manière très détachée et factuelle. Mais ce détachement ne va pas durer car, dans une petite ville comme Fairview, il ne tarde pas à être impliqué émotionnellement dans l’affaire de Jenny.
    Pour autant, il fait le choix de continuer à traiter Jenny, d’une part parce qu’il est le seul psychiatre de la ville et d’autre part pour des raisons moins altruistes mais qui se comprennent tout autant.
    Du coté des personnages il y a ceux que l’on plaint : Jenny et Sean en tête, qui ont vécu tous deux un traumatisme et que ce traitement miracle censé leur faire oublier l’événement traumatisant a plus détruits que guéris.
    Il y a aussi ceux qui nous laissent une impression mitigée.
    Du coté des parents de Jenny, ils ont comme échangés leurs rôle au fil du roman à mes yeux.
    D’abord le père, Tom, très présent, très compatissant envers sa fille, voulant à tout prix l’aider, mais qui tourne vite dans une obsession : retrouver le coupable. A un moment on se demande s’il cherche le coupable ou un bouc émissaire tant il est près à voir arrêter n’importe qui du moment qu’il y a une arrestation. Je me suis demandé à plusieurs reprises s’il agissait dans l’intérêt de sa fille ou dans le sien, pour faire taire son sentiment d’avoir été impuissant à protéger sa fille.
    En revanche la mère m’a donné l’impression de suivre le cheminement inverse : au début j’ai trouvé qu’elle voulait faire comme s’il ne s’était rien passé pour ne pas déranger sa petite vie, mais au fil de sa thérapie, elle se rapproche de sa fille et la soutien beaucoup plus.
    Et puis il y a, bien sûr Alan Forrester. Autour de moi, beaucoup de ceux qui ont lu le livre l’ont trouvé antipathique. Je n’ai pas partagé son point de vue. Je ne dit pas que ses décisions, ses choix et ses actions ne sont jamais discutables, mais chacune avait une justification et franchement, je ne peux reprocher à cet homme d’avoir agit comme il l’a fait.
    C’est un homme qui va devoir faire face à une situation difficile et qui va être pris entre son désir d’aider sa patiente et d’autres évènements.

    L’auteur ayant fait le choix de se pencher sur les traumatismes engendrés par le viol et les failles qu’il fait apparaître au grand jour chez chacun, on ne voit pas grand-chose de l’enquête. On a toutefois l’impression que dès qu’il s’agit d’enquêter à Fairview même, l’inspecteur en charge ne fait pas beaucoup de zèle.
    La fin a été une surprise. Rétrospectivement, je pense que j’aurais du m’en douter, mais j’étais tellement prise par Jenny et ses parents que je n’ai pas fait attention aux indices.
    Il n’est pas étonnant que ce livre ait déjà attiré l’attention du cinéma. Je suis impatiente de voir son adaptation, et surtout de voir comment cette narration va être mise en scène.

    Un extrait : Il l’a suivie à travers les bois derrière la maison. Le sol était jonché des débris de l’hiver, des feuilles mortes et des brindilles qui étaient tombées au cours des six derniers mois et s’étaient décomposées sous une couverture de neige. Elle l’a peut-être entendu approcher. Elle s’est peut-être retournée et l’a peut-être vu portant la cagoule en laine noire dont les fibres ont été retrouvées sous ses ongles. Lorsqu’elle est tombée à genoux, ce qui restait des fragiles brindilles s’est brisé comme de vieux os et a écorché sa peau nue. Son visage et sa poitrine étaient plaqués contre le sol, probablement par l’avant-bras de l’agresseur, et elle a dû sentir la brume des arroseurs automatiques qui aspergeaient la pelouse à peine six mètres plus loin, car ses cheveux étaient mouillés lorsqu’on l’a retrouvée.

        Quand elle était plus jeune, elle courait après les arroseurs dans son jardin, tentant de saisir les jets d’eau durant les chauds après-midi d’été, ou de les éviter durant les fraîches soirées de printemps. Son petit frère la pourchassait alors, nu comme un ver, avec son ventre arrondi et ses bras qui battaient l’air sans totalement parvenir à se synchroniser avec ses petites jambes. Parfois leur chien se joignait à eux, aboyant si furieusement qu’il recouvrait leurs éclats de rires. Presque un demi-hectare d’herbe verte, glissante et humide. De grands cieux dégagés avec quelques nuages blancs cotonneux. Sa mère à l’intérieur qui les observait depuis la fenêtre, et son père qui rentrait d’endroits dont son costume portait encore l’odeur – le café éventé du bureau de la concession, le cuir neuf, le caoutchouc des pneus. Ces souvenirs étaient désormais douloureux, mais elle s’est néanmoins immédiatement tournée vers eux quand on l’a questionnée sur les arroseurs, en lui demandant s’ils étaient allumés quand elle avait traversé en courant la pelouse vers les bois.

        Le viol a duré près d’une heure. Il semble impossible qu’ils aient pu le savoir. Quelque chose dans la coagulation du sang aux points de pénétration, et dans les divers stades d’ecchymoses sur son dos, ses bras et son cou, en fonction de la manière dont il l’a maintenue. Durant cette heure, la fête s’est poursuivie. Elle devait la voir depuis l’endroit où elle était étendue, les lumières éclatantes dans les fenêtres, leur vacillement quand les corps se déplaçaient dans les pièces. C’était une grosse fête, avec presque tous les élèves de seconde, plus une poignée de jeunes de troisième et de première. Le lycée de Fairview était plutôt petit, même pour une banlieue du Connecticut, et les séparations entre niveaux qui existaient ailleurs y étaient moins marquées. Les équipes sportives étaient mixtes, de même que les clubs de théâtre et de musique, et ainsi de suite. Certains cours ignoraient même les frontières entre classes, les meilleurs élèves en maths et en langues étrangères passant directement au niveau supérieur. Jenny Kramer n’avait jamais suivi de cours de niveau avancé, mais elle s’estimait intelligente, et dotée d’un sens de l’humour féroce. C’était aussi une bonne athlète – natation, hockey sur gazon, tennis. Mais pour elle, aucune de ces choses n’avait eu d’importance avant que son corps arrive à maturité.

     

  • [Livre] Syndrome de Stockholm

     

    Je remercie le site Librinova pour cette lecture

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    Résumé : De Stockholm à Los Angeles, Stendriëk Börgen, artiste suédois génial et mystérieux, entretient une relation occulte avec Enstenov Khalinek, puissant homme d’affaires aux méthodes discutables. A l'apogée de sa carrière, Börgen dévoile son grand œuvre, un ensemble monumental de plus de 3 000 toiles occupant la gigantesque Gallery of the Immortality du Titanium Palace de Los Angeles. 
    Börgen et Khalinek jubilent, mais aussitôt surviennent de nombreuses questions : quels liens unissent vraiment les deux hommes ? Comment une telle entente, aussi inattendue que suspecte, est-elle possible ? Quelle est cette étrange matière dont les œuvres sont faites... ?
    Anna James, journaliste et critique d’art de haute renommée, se retrouve malgré elle au centre d'une histoire qui dépasse le monde de l'art. Elle va en effet découvrir que, derrière la création et le travail de Stendriëk Börgen, se cachent de sombres vérités...

     

    Auteur : Philemon le Bellegard

     

    Edition : Librinova

     

    Genre : Thriller

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 16,90€

     

    Mon avis : Voilà un livre qui m’a laissé une impression plus que mitigée.
    D’un côté, l’histoire est intéressante. L’idée de base est bonne, le cheminement intéressant. Je n’ai ressenti aucune empathie pour les personnages. Pour Khalinek et Borgen, je pense qu’on n’est pas supposé en ressentir plus que cela. Pour Anna, au début, on la voit trop peu pour en ressentir, puis son attitude, son discours, fait qu’il me semble impossible d’avoir la moindre compassion pour elle. Et le fait que ses interlocuteurs l’appellent sans cesse Anna James est énervant. On se croirait dans un débat politique où les journalistes se sentent obligé d’interpellé systématiquement les intervenants par leur prénom et leur nom. Un Anna ou un Melle James de temps en temps auraient été bienvenus.
    J’ai trouvé dommage qu’on n’entende plus parler de Nancy Heartwood après l’avoir rencontrée la première fois. Lors de cette rencontre, sa hargne et sa détermination laissent penser qu’elle va avoir un rôle important dans la suite de l’histoire mais cela retombe comme un soufflé car c’est à peine si son nom est de nouveau prononcé.
    J’ai trouvé dommage le manque de fluidité dans les dialogues qui les fait apparaître peu convaincants, comme factices. Ils ne semblent pas s’intégrer à l’histoire, comme s’ils avaient été ajoutés après coup pour étoffer le texte.
    Après avoir lu ce livre, j’ai recherché des avis de lecteurs, pour voir si le point que je vais aborder avait été ressenti par d’autres. Mais je n’ai quasiment rien trouvé, hormis des « lecteurs fantômes », c'est-à-dire des comptes ouverts sur des sites de lecteurs comme babelio ou livraddict, qui mettent la note maximale à un unique livre et ne participe pas au site. Pense-t-on vraiment que personne ne va trouver étrange qu’un lecteur ne lise qu’un seul livre ? Copinage ou technique marketing ? En tout cas, ce genre de pratique ne me donne pas envie d’être indulgente envers un livre qui me laissait déjà perplexe.
    Le point le plus dérangeant de ma lecture a été les accumulations de verbes, d’adjectifs. J’aurais apprécié plus de sobriété dans l’écriture plutôt que ce style grandiloquent qui devient vite indigeste, surtout dans la première partie. Cet aspect se montre moins présent au fil de l’histoire, sans pour autant disparaître tout à fait, ce qui rend le texte plus agréable à lire.
    Mais honnêtement, quand j’ai lu la première partie, entre ce style pompeux et la description d’une bonne demi-page du vomi d’Anna James, qui a bien failli me faire vomir moi-même, si ce livre ne m’avait pas été envoyé par un membre de Librinova, je pense que j’aurais tout bonnement abandonné ma lecture.
    En conclusion, je dirais que ce roman a du potentiel mais qu’il nécessite, à mon avis, un gros travail de réécriture et surtout une simplification de l’écriture afin de se concentrer sur l’histoire plutôt que sur le nombre de synonymes que l’auteur est capable d’aligner dans une même phrase.

    Un extrait : Stendriëk Börgen redoutait la foule. Ses applaudissements le galvanisaient, mais il ne pouvait éviter malgré tout de la craindre, de se méfier de ses pulsions, de prévoir anxieusement ses débordements. La confrontation avec cette assemblée si éminente mais surtout si impressionnante par son ampleur, dans ce lieu si gigantesque, spacieux mais étouffant, vaste et ouvert sur l'infini bleuté de l'océan mais, en définitive, claustrant, avait provoqué en lui toutes les angoisses, toutes les terreurs, des plus compréhensibles aux plus inattendues, des plus insensées aux plus démentes.

    Après tant d'années d'isolement, dix années de non-apparition médiatique, dix années passées enfermé dans sa propriété, et pour tout dire quasiment uniquement dans son atelier de peinture, entre un lit, une table, une verrière et des toiles, autant dire dix années de création picturale intense, véritable retraite spirituelle, existence de moine, vie d'ermite, destinée de Saint dont Khalinek avait ébauché l'hagiographie, Saint-Stendriëk-Börgen fuyait le moment d'être canonisé, appréhendait ce moment de grâce, cette consécration, ce sacre dont il pressentait l'apothéose sacrificielle dans laquelle il ferait inévitablement figure de sacrifié, cette communion avec ses fidèles, qu'il s'était représenté à la fois sublime et insoutenable, communion dans laquelle le mécanisme mystérieux de l'eucharistie s'était obscurément déréglé et déglingué, brouillant et enchevêtrant transsubstantiation et consubstantiation, jusqu'à faire apparaître un peintre de génie tout de pain imprégné de vin, auquel ses adorateurs rendaient grâce en vidant des coupes de sang frais, après avoir savouré des petits fours fondants de chair, tantôt exsangue, tantôt sanguinolente.

    Stendriëk Börgen avait régurgité le moindre de ses délires de persécution. Il avait fallu toute la bienveillance et l'adresse de Khalinek pour assurer au Peintre qu'on n'allait pas l'assassiner, au sens propre comme au figuré.

    C'était toujours l'aspect physique que Börgen évoquait en premier. Il se voyait assassiné, le corps criblé de balles ou lardé de coups de couteau, enlevé par on ne sait quelle secte ou quel diable rouge, vert ou noir, pour être torturé, écorché, éventré, étripé avant d'être dévoré, ou par des monstres aux dents teintées par le sang tant de fois bu aux gorges de leurs victimes, ou par des flammes ardentes qui porteraient au paroxysme la brûlure de ses blessures.
    Khalinek avait promis une armée de gardes du corps – sa propre escorte – des malabars taillés dans le roc, des brutes épaisses qui assommaient leur homme d'un coup d'index sur le haut du crâne, une douzaine d'anges gardiens aussi efficaces du poing que de la gâchette : ce n'était que la protection rapprochée.

    Perchés à dix mètres du sol, sur une passerelle métallique, douze tireurs d'élite veillaient, fusils à lunette braqués sur tout ce qui approchait d'un peu trop près le Génie et son Maître.

    Stendriëk Börgen appréciait la présence rassurante de ses douze apôtres qui l'entouraient et le protégeaient, mais ne pouvait s'empêcher malgré tout de craindre les douze esprits qui flottaient dans les airs tout autour de lui. Douze paires d'yeux dont les regards le pénétraient et le transperçaient. Douze lunettes dont il était quasiment le centre. Douze canons, braqués dans sa direction, dont il craignait de voir sortir le feu divin qui le clouerait au sol et le crucifierait pour les siècles des siècles. Amen.