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[Livre] Tout n'est pas perdu

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Résumé : Alan Forrester est thérapeute dans la petite ville cossue de Fairview, Connecticut. Il reçoit en consultation une jeune fille, Jenny Kramer, quinze ans, qui présente des troubles inquiétants. Celle-ci a reçu un traitement post-traumatique afin d’effacer le souvenir d’une abominable agression dont elle a été victime quelques mois plus tôt. Mais si son esprit l’a oubliée, sa mémoire émotionnelle est bel et bien marquée. Bientôt tous les acteurs de ce drame se succèdent dans le cabinet d’Alan, tous lui confient leurs pensées les plus intimes, laissent tomber leur masque en faisant apparaître les fissures et les secrets de cette petite ville aux apparences si tranquilles. Parmi eux, Charlotte, la mère de Jenny, et Tom, son père, obsédé par la volonté de retrouver le mystérieux agresseur.

 

Auteur : Wendy Walker

 

Edition : Sonatine

 

Genre : Thriller

 

Date de parution : 12 mai 2016

 

Prix moyen : 21€

 

Mon avis : Le récit est à la première personne et l’originalité du roman est que l’histoire n’est pas racontée par un enquêteur, professionnel ou non, ou une victime, mais par le psychiatre qui suit cette dernière presque un an après son viol à une fête. Quand on met en relation le quatrième de couverture et le récit, on comprend très vite que le narrateur est un thérapeute mais cela ne nous sera confirmé officiellement qu’aux alentours de la page 70.
Dans la mesure où l’on suit toute l’histoire à travers ce que les uns et les autres racontent au docteur Forrester, on est ici face à un thriller psychologique. Amateurs de courses-poursuites ou de face à face terrifiant entre le coupable et un autre personnage (victime ou inspecteur) passez votre chemin.
La narration est presque détachée sur de grands pans du roman. Le docteur Forrester décrit les faits et les conversations qu’il a avec les protagonistes de manière très détachée et factuelle. Mais ce détachement ne va pas durer car, dans une petite ville comme Fairview, il ne tarde pas à être impliqué émotionnellement dans l’affaire de Jenny.
Pour autant, il fait le choix de continuer à traiter Jenny, d’une part parce qu’il est le seul psychiatre de la ville et d’autre part pour des raisons moins altruistes mais qui se comprennent tout autant.
Du coté des personnages il y a ceux que l’on plaint : Jenny et Sean en tête, qui ont vécu tous deux un traumatisme et que ce traitement miracle censé leur faire oublier l’événement traumatisant a plus détruits que guéris.
Il y a aussi ceux qui nous laissent une impression mitigée.
Du coté des parents de Jenny, ils ont comme échangés leurs rôle au fil du roman à mes yeux.
D’abord le père, Tom, très présent, très compatissant envers sa fille, voulant à tout prix l’aider, mais qui tourne vite dans une obsession : retrouver le coupable. A un moment on se demande s’il cherche le coupable ou un bouc émissaire tant il est près à voir arrêter n’importe qui du moment qu’il y a une arrestation. Je me suis demandé à plusieurs reprises s’il agissait dans l’intérêt de sa fille ou dans le sien, pour faire taire son sentiment d’avoir été impuissant à protéger sa fille.
En revanche la mère m’a donné l’impression de suivre le cheminement inverse : au début j’ai trouvé qu’elle voulait faire comme s’il ne s’était rien passé pour ne pas déranger sa petite vie, mais au fil de sa thérapie, elle se rapproche de sa fille et la soutien beaucoup plus.
Et puis il y a, bien sûr Alan Forrester. Autour de moi, beaucoup de ceux qui ont lu le livre l’ont trouvé antipathique. Je n’ai pas partagé son point de vue. Je ne dit pas que ses décisions, ses choix et ses actions ne sont jamais discutables, mais chacune avait une justification et franchement, je ne peux reprocher à cet homme d’avoir agit comme il l’a fait.
C’est un homme qui va devoir faire face à une situation difficile et qui va être pris entre son désir d’aider sa patiente et d’autres évènements.

L’auteur ayant fait le choix de se pencher sur les traumatismes engendrés par le viol et les failles qu’il fait apparaître au grand jour chez chacun, on ne voit pas grand-chose de l’enquête. On a toutefois l’impression que dès qu’il s’agit d’enquêter à Fairview même, l’inspecteur en charge ne fait pas beaucoup de zèle.
La fin a été une surprise. Rétrospectivement, je pense que j’aurais du m’en douter, mais j’étais tellement prise par Jenny et ses parents que je n’ai pas fait attention aux indices.
Il n’est pas étonnant que ce livre ait déjà attiré l’attention du cinéma. Je suis impatiente de voir son adaptation, et surtout de voir comment cette narration va être mise en scène.

Un extrait : Il l’a suivie à travers les bois derrière la maison. Le sol était jonché des débris de l’hiver, des feuilles mortes et des brindilles qui étaient tombées au cours des six derniers mois et s’étaient décomposées sous une couverture de neige. Elle l’a peut-être entendu approcher. Elle s’est peut-être retournée et l’a peut-être vu portant la cagoule en laine noire dont les fibres ont été retrouvées sous ses ongles. Lorsqu’elle est tombée à genoux, ce qui restait des fragiles brindilles s’est brisé comme de vieux os et a écorché sa peau nue. Son visage et sa poitrine étaient plaqués contre le sol, probablement par l’avant-bras de l’agresseur, et elle a dû sentir la brume des arroseurs automatiques qui aspergeaient la pelouse à peine six mètres plus loin, car ses cheveux étaient mouillés lorsqu’on l’a retrouvée.

    Quand elle était plus jeune, elle courait après les arroseurs dans son jardin, tentant de saisir les jets d’eau durant les chauds après-midi d’été, ou de les éviter durant les fraîches soirées de printemps. Son petit frère la pourchassait alors, nu comme un ver, avec son ventre arrondi et ses bras qui battaient l’air sans totalement parvenir à se synchroniser avec ses petites jambes. Parfois leur chien se joignait à eux, aboyant si furieusement qu’il recouvrait leurs éclats de rires. Presque un demi-hectare d’herbe verte, glissante et humide. De grands cieux dégagés avec quelques nuages blancs cotonneux. Sa mère à l’intérieur qui les observait depuis la fenêtre, et son père qui rentrait d’endroits dont son costume portait encore l’odeur – le café éventé du bureau de la concession, le cuir neuf, le caoutchouc des pneus. Ces souvenirs étaient désormais douloureux, mais elle s’est néanmoins immédiatement tournée vers eux quand on l’a questionnée sur les arroseurs, en lui demandant s’ils étaient allumés quand elle avait traversé en courant la pelouse vers les bois.

    Le viol a duré près d’une heure. Il semble impossible qu’ils aient pu le savoir. Quelque chose dans la coagulation du sang aux points de pénétration, et dans les divers stades d’ecchymoses sur son dos, ses bras et son cou, en fonction de la manière dont il l’a maintenue. Durant cette heure, la fête s’est poursuivie. Elle devait la voir depuis l’endroit où elle était étendue, les lumières éclatantes dans les fenêtres, leur vacillement quand les corps se déplaçaient dans les pièces. C’était une grosse fête, avec presque tous les élèves de seconde, plus une poignée de jeunes de troisième et de première. Le lycée de Fairview était plutôt petit, même pour une banlieue du Connecticut, et les séparations entre niveaux qui existaient ailleurs y étaient moins marquées. Les équipes sportives étaient mixtes, de même que les clubs de théâtre et de musique, et ainsi de suite. Certains cours ignoraient même les frontières entre classes, les meilleurs élèves en maths et en langues étrangères passant directement au niveau supérieur. Jenny Kramer n’avait jamais suivi de cours de niveau avancé, mais elle s’estimait intelligente, et dotée d’un sens de l’humour féroce. C’était aussi une bonne athlète – natation, hockey sur gazon, tennis. Mais pour elle, aucune de ces choses n’avait eu d’importance avant que son corps arrive à maturité.

 

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