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[Livre] Rêver

 

Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

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Résumé : « Pour la plupart des gens, le rêve s’arrête au réveil. »
Si ce n’étaient ses cicatrices et les photos étranges qui tapissent les murs de son bureau, on pourrait dire d’Abigaël qu’elle est une femme comme les autres.
Si ce n’étaient ces moments où elle chute au pays des rêves, on pourrait jurer qu’Abigaël dit vrai.
Abigaël a beau être cette psychologue qu’on s’arrache sur les affaires criminelles difficiles, sa maladie survient toujours comme une invitée non désirée. Une narcolepsie sévère qui la coupe du monde plusieurs fois par jour et l’emmène dans une dimension où le rêve empiète sur la réalité. Pour les distinguer l’un de l’autre, elle n’a pas trouvé mieux que la douleur.
Comment Abigaël est-elle sortie indemne de l’accident qui lui a ravi son père et sa fille ? Par quel miracle a-t-on pu la retrouver à côté de la voiture, véritable confetti de tôle, le visage à peine touché par quelques bris de verre ? Quel secret cachait son père qui tenait tant, ce matin de décembre, à s’exiler pour deux jours en famille ? Elle qui suait sang et eau sur une affaire de disparitions depuis quelques mois va devoir mener l’enquête la plus cruciale de sa vie. Dans cette enquête, il y a une proie et un prédateur : elle-même.

 

Auteur : Franck Thilliez

 

Edition : Fleuve noir

 

Genre : Thriller

 

Date de parution : 26 mai 2016

 

Prix moyen : 22€

 

Mon avis : Ce roman je craignais un peu de le lire parce que, jusqu’à présent, je n’ai jamais réussi à dépasser les vingt premières pages d’un roman de Thilliez.
Et bien, après avoir lu « Rêver », je me dis que peut être, je dis bien peut être, que j’ai tenté de lire d’autres romans de cet auteur à un mauvais moment, que je n’étais pas dans le bon état d’esprit pour ce genre de livre (du coup, livres à retenter).
Du coté des points négatifs, j’admets qu’il y en a peu. Le premier tient au roman en lui-même : j’ai trouvé les alternances chronologiques difficiles à suivre car on alterne entre trop de dates différentes. Il est déjà difficile de s’y retrouver entre la réalité et les rêves d’Abigaël pour ne pas rajouter des difficultés supplémentaires. Quelques unes apportent du piquant à l’histoire, trop nuisent à la lecture (et franchement, avoir les chapitres dans l’ordre grâce au code qu’il faut trouver dans le livre, ne sert à rien car cette information est donnée à la fin du livre. Vous vous voyez relire, immédiatement après l’avoir refermé, un polar de près de 600 pages, juste pour lire les chapitres dans un ordre différent ?), même s’il y a une ligne de temps, au début de chaque changement de période, qui nous aide à nous repérer.
Le second point « négatif » tient au chapitre 57. Déjà, pour ceux qui comme moi lisent les remerciements avant de lire le livre, et donc sont tombés sur la page qui parle du code à trouver, il est fort à parier que vous trouverez ledit code avant d’arriver au chapitre 56. Dans ce cas là, NE LISEZ PAS LE CHAPITRE 57 !!!! J’insiste ! Il en dévoile beaucoup trop ! Lisez-le après avoir lu le roman si vous y tenez, mais ne le lisez pas à la place que sa numérotation lui donne.
J’ai aussi regretté qu’on ne puisse pas imprimer ce chapitre (j’ai horreur de lire sur ordinateur).
Ceci étant dit, parlons du roman proprement dit.

Rêver est un terme trop gentil pour ce qui arrive à Abi quand elle entre en sommeil paradoxal ! Cauchemarder aurait été plus proche de la réalité.
Il est certain que souffrir de narcolepsie et travailler comme psycho-criminologue auprès de la gendarmerie n’est pas des plus faciles. La réalité est suffisamment sordide pour envahir les rêves et quand différencier les deux est compliqué, la vie devient invivable. Souvent, la solution à des interrogations apparaît à Abi dans ses rêves, ce qui est difficiles à faire admettre (et pourtant, les rêves viennent bien du subconscient, non ?).
Une fois que j’ai commencé à lire, j’ai été happé dans cette histoire et encore plus quand Abigaël s’y retrouve impliquée de façon plus personnelle, même si elle ne s’en rend compte que par à-coups.
On en apprend plus sur la narcolepsie, la cataplexie, les rêves imbriqués… et ça fiche quand même bien la trouille ! (Et c’est contagieux ! J’ai jamais eu autant envie de dormir au boulot qu’en lisant ce livre… peut être pour tenir plus longtemps le soir pour le continuer…)
Du fait de la maladie d’Abi, nous, lecteurs, en savons toujours un peu plus qu’elle. Guère plus car on ne sait que ce qu’elle apprend, mais on s’en rappelle mieux que l’enquêtrice. Et ça nous fait nous attacher encore plus à elle car elle n’a aucun moyen de prouver qu’elle ne devient pas folle !
Il n’y a aucune longueur dans ce roman, malgré ses 600 pages. On se trouve face à un véritable puzzle et pas des plus simples.
J’ai eu deux hypothèses, une vers la moitié du livre et l’autre vers les deux tiers. La première était complètement fausse, mais la seconde était en partie vraie (en partie seulement, hélas).
En revanche, si j’avais presque deviné certains éléments (c’est mieux que rien, non), je n’avais pas trouvé (mais alors pas du tout), l’identité du kidnappeur (pas plus que son mobile). J’ai d’ailleurs regretté qu’on n’ait pas eu une chance de découvrir son identité, ça m’énerve toujours un peu quand, au moment de révéler le nom du coupable, l’enquêteur nous sort une information qu’il n’avait pas partagé (genre Poirot…mais avec lui ça passe !).
Malgré quelques petits points qui m’ont moins plu, Rêver est un roman complexe mais où chaque élément à son importance et nous emmène vers la solution.

Un extrait : — Freddy s’amuse, il nargue, continua la psychologue, le doigt brandi. Jamais il ne livre la moindre information sur le fait que les enfants soient vivants ou pas. « Je suis celui qui dirige, j’ai le pouvoir de vie ou de mort sur les enfants. Comme le croquemitaine, je suis celui qui est venu les chercher à la nuit tombée, et vous n’avez rien pu faire. Vous êtes responsables et, moi, j’ai le pouvoir sur vous… » En constituant cet épouvantail, il crée un être hybride, sans identité propre, mi-monstre, mi-humain, personnage de cauchemar androgyne, qui pourrait témoigner d’une orientation sexuelle comme l’homosexualité ou la bisexualité…

Le silence régnait au sein de la Veuve folie. Abigaël ne put réprimer un bâillement. Avant de poursuivre, elle but une gorgée d’eau pour cacher un soudain malaise, mais les échanges de regards entre gendarmes en disaient long. Pour avoir souvent travaillé avec elle, ils savaient que le sommeil allait très vite l’emmener sur ses rivages sombres. Abigaël était sûre qu’ils prenaient déjà les paris dans leurs têtes : Quand s’endormirait-elle ? Dans trente secondes ? Deux, cinq minutes ?

Elle maintint la barre, l’attention ne devait surtout pas se relâcher :

— Les témoignages concernant notre homme divergent parfois : Freddy se déguise, sûrement pour passer inaperçu, mais peut-être aussi parce qu’il se sent mal dans sa peau. Il n’assume pas son statut, le refoule, il se considère sans doute comme un inadapté. Cette colère sur le visage fabriqué pourrait être le reflet de ce qu’a été sa propre enfance. Lui aussi a été le fils d’un père, d’une mère, mais peut-être n’a-t-il pas eu de famille au sens affectif du terme, contrairement à ses victimes. En tout cas, je pense qu’il a subi un traumatisme grave dans sa prime jeunesse. Un isolement, une maltraitance… Pensez au sang et aux coups de griffes. Cet épouvantail, c’est une partie intime de sa personnalité qu’il nous livre, une facette de son visage… Pour ces multiples raisons, je pense qu’il agit seul. Sa quête est trop personnelle, elle ne concerne personne d’autre que lui. Elle le touche au plus profond de sa construction d’être humain.

Nouveau bâillement, zygomatiques en folie. Abigaël sentit cette fois un intense engourdissement jusqu’à l’extrémité de ses doigts. Il fallait que le couperet tombe maintenant, au beau milieu de la réunion.

— Désolée, mais je vais devoir baisser le rideau quelques instants.

Elle vit un gendarme scruter discrètement l’heure et sourire. Celui-là avait dû gagner son pari.

—  Ça tombe bien, fit Lemoine en se levant. On va faire une pause et fumer une cigarette ou deux en attendant.

Abigaël bouillait de colère, mais ne le montra pas. Petite croix sur ses notes, remerciements sobres et excuses auprès de ce concentré de testostérone. En sortant rapidement de la pièce, elle en voulut à son corps déréglé, à sa fichue maladie du sommeil. Pourquoi en plein milieu de son exposé ? Pourquoi pendant le moment le plus important de ses dernières semaines de travail ?

Elle alla vite s’isoler dans une chambre, ferma la porte, s’allongea sur un vieux matelas, le visage tourné vers le plafond, les mains croisées sur la poitrine, tel un cadavre dans son cercueil. La Veuve folie lui offrait le gîte. Elle relativisa : au moins, elle était dans un lit et non pas au milieu d’une grande surface ou cachée dans les toilettes de son cabinet de consultation, tandis qu’un patient l’attendait dans un fauteuil.

Elle fermait à peine les yeux qu’une grande cape noire vint la recouvrir. Toujours le même tissu opaque lui écrasant le visage, cette même sensation d’étouffer une fraction de seconde, avant que son diaphragme se relâche et que sa respiration, quasi instantanément, passe en mode automatique.

Un claquement de doigts plus tard, elle dormait profondément, plongée en plein sommeil paradoxal : celui des rêves et des cauchemars.

 

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