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Livres - Page 20

  • [Livre] Frangine

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    Lecture terminée le : 03 août 2019

     

    Résumé : "Il faut que je vous dise... J'aimerai annoncer que je suis le héros de cette histoire, mais ce serait faux. Je ne suis qu'un morceau du gâteau, même pas la cerise. Je suis un bout du tout, un quart de la famille. Laquelle est mon nid, mon univers depuis l'enfance, et mes racines, même coupées. Tandis que ma frangine découvrait le monde le cruel le normal et la guerre, ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates. C'est à moi que revient de conter nos quatre chemins. Comment comprendre, sinon ?"


    Auteur : Marion Brunet

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : Ce livre c’est avant tout l’histoire d’une famille.
    Joachim, l’aîné, nous raconte l’histoire de sa vie, celle de sa sœur surtout, mais aussi celle de ses mères.
    Premier né dans cette famille homoparentale, Joachim a toujours été très préparé par ses mères à affronter le regard des autres, leurs commentaires pas toujours intelligents, parfois méchants, en un mot, à affronter la bêtise et l’intolérance.
    Peut-être un peu trop rassurées par le fait que tout s’est bien passé pour leur fils, et prises chacune par de profonds problèmes personnels, Julie et Maryline n’ont pas préparé leur fille, Pauline, avec autant de soin.
    Le problème est que l’entrée au lycée de Pauline ne se passe pas aussi bien que celle de son frère.
    Elle refuse de parler de ses problèmes à ses mères pour ne pas faire peser davantage de pression sur leurs épaules.
    En effet, un événement soudain fait que Julie pense beaucoup à sa mère, laquelle refuse de la voir depuis 20 ans à cause de son homosexualité.
    Maryline, elle, éducatrice dans un foyer pour ado en difficulté, vit de plus en plus mal son travail, entre violence et coupes budgétaires incessantes.
    Joachim raconte un peu tout ça, se fustigeant un peu de ne pas avoir vu plus vite les problèmes de sa sœur.
    Au fil de l’histoire, Joachim nous révèle certains événements marquant de son enfance vis-à-vis de sa situation familiale.
    Mais il faut dire que ce n’est rien à côté de ce que subit Pauline. Ce livre parle d’homoparentalité, d’homophobie, de harcèlement scolaire, de dépression un peu, effleure le burn out, de tolérance et d’intolérance… Mais surtout, il parle d’amour. De l’amour inconditionnel que se porte les quatre membres de cette famille, des amours naissantes de Joachim puis de Pauline.
    Le roman démontre que l’homophobie a lieu de plus en plus tôt. Joachim n’avait affaire quasiment qu’à des adultes qui avaient ce genre de comportement, Pauline, elle, est confrontée à des ados de 14/15 ans qui ne connaissent rien de la vie, de l’amour mais qui ont déjà ce jugement négatif de ce qu’ils perçoivent comme une différence.
    Parmi les professeurs, tout sont témoins de ce qu’il se passe, mais n’interviennent pas de peur de « se mettre les parents à dos ». Le seul à bouger est le prof de sport, qui va du coup s’attirer les foudres de ses collègues, l’accusant de tenir un discours pro-gay alors qu’il n’exige que le respect de l’autre de la part de ses élèves.
    Marion Brunet arrive à donner un langage oral naturel à ses personnages (Il y a d’ailleurs des passages assez drôles dans les discussions entre potes). Sa plume est vraiment prenante. Je serais curieuse de la lire dans un autre registre que la jeunesse.
    J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, un vrai coup de cœur.
    Il est d’une richesse incroyable pour un livre de moins de 300 pages.
    Une chose est sûre, je relirai cet auteur avec plaisir.

     

    Un extrait : Il m’a regardé très sérieusement, a posé une main compatissante sur mon épaule.

    - Désolé pour toi, Joachim

    - Pourquoi, exactement ?

    Il a éclaté de rire comme un dément en tournant sur lui-même et s’est mis à danser sur un reggae imaginaire en chantant :

    - Joachim va encore pas niquer c’t’année, oh, Jah ! C’est bien dommage mais c’est comme ça !

    - Toi non plus, mon pote. T’as même pas de meuf.

    - Justement ! Moi, je suis seul, disponible, libre comme le vent, chaud comme la braise. Si une petite coquine veut s’occuper de moi, je suis totalement open. Alors que toi, avec une Vraie chérie-doudou-mon-amour, t’es obligé de passer par tout un tas de trucs super chiants pour… que dalle, nada, nib. Je me trompe ?

    - Des « trucs chiants », franchement je vois pas…

    - Ohhh ! C’est mal de mentir ! L’an dernier, t’as jamais passé une plombe à l’écouter te parler de pourquoi elle est fâchée avec sa meilleure copine, genre parce qu’elle lui a dit ceci, ou bien cela, ou bien les deux, ou c’est autre chose ou gnagnagna ? Dis la vérité !

    J’ai pas pu m’empêcher de rire.

    - Alors ? Alors ? Jamais ? T’as jamais passé une plombe à la regarder essayer l’intégralité de ses fringues pour qu’elle trouve la tenue parfait pour aller, euh…manger une pizza ? Et aussi, et surtout…

    Là, il a pris une pause de nana, une main sur la hanche et l’autre coinçant derrière l’oreille une mèche de cheveux imaginaire. D’une voix traînante et sexy (enfin, c’était le but recherché), il m’a demandé :

    - Est-ce que tu m’aimes, Joaquim ? Est-ce que tu m’aime vraiment ?

    Il a encore accentué son regard minaudant.

    - Mais vraiment-vraiment ? Fort comme ça ? Tu ferais quoi pour moi ?

    Et il s’est avachi d’un coup, comme effondré.

    - Joachim, mon ami, mon frère, je ne sais pas comment tu fais.

    - T’es pourri de dire ça, quand même… C’est ta pote, Blandine.

    - Oui, mais ça n’a rien à voir justement. Les filles, quand c’est tes potes, elles sont normales, tu peux parler de trucs normaux avec elles. C’est après que ça fait flipper.

     

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  • [Livre] L'épicerie Sansoucy - L'intégrale

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    Lecture terminée le : 02 août 2019

     

    Résumé : Montréal, 1935. Dans le quartier ouvrier de Maisonneuve, la pauvreté règne et le chômage est le pain quotidien des miséreux. La famille nombreuse de Théodore Sansoucy s'entasse dans un logement au-dessus de son épicerie-boucherie avec les sœurs de sa femme Emilienne.

    Irène, l'aînée, est la vieille fille sage de la maisonnée. Léandre, forte tête, et Marcel, étudiant peu talentueux, entretiennent des relations tendues avec leur patron de père. Edouard, qui rêve de se marier avec la fille du notaire, Simone, amoureuse d'un Irlandais, ainsi que l'impénétrable Placide complètent le portrait de cette fratrie pour le moins hétéroclite.

    Derrière le comptoir, l'épicier reçoit des confidences, les dames venant colporter les ragots parfois cocasses du voisinage. Cependant, les commentaires sont bien moins drôles à entendre lorsqu'ils concernent sa vie familiale. Surtout s'il s'agit des frasques de ses enfants…


    Auteur : Richard Gougeon

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : août 2018

     

    Prix moyen : 25€

     

    Mon avis : Autant je déteste tomber sur du patois québécois au détour d’un thriller, d’une romance ou autre roman, autant là, ça ne m’a pas dérangée.
    Mais bon une histoire familiale dans la classe moyenne du Québec de 1935, il fallait un peu s’attendre à y voir du patois québécois.
    On suit l’histoire de l’épicier Théodore Sansoucy et de sa très (trop) nombreuse famille. L’homme n’est pas agréable : gueulard et autoritaire, il exploite les membres de sa famille sans scrupule, furieux de devoir leur verser un salaire misérable mais n’hésitant pas à leur demander de payer leur pension.
    Son épouse, Emilienne, lui donne un coup de main.
    Du côté de ses enfants, l'aînée, Irène, travaille à l’usine, la plus jeune Simone, dans un restaurant.
    En ce qui concerne les fils, Léandre, le plus âgé, et Marcel, le plus jeune, travaillent à l’épicerie à plus ou moins plein temps. Le second fils, Edouard, est notaire et le 3ème fils, Placide, est placé chez les religieux.
    A tout ce petit monde s’ajoute les 3 sœurs d’Emilienne, Héloïse, Alida et Alphonsine, dont une seule occupe un emploi.
    Autour de ce petit noyau, se rajoute un gendre, deux belles-filles, le frère d’Emilienne, celui de Théodore, les amis des uns et des autres et bien sûr les clientes.
    L’impression générale qui me vient après ma lecture c’est : Mais quelle bande de minables !
    Ils sont tous plus pathétique les uns que les autres. Entre ceux qui se complaisent à médire, les magouilleurs, ceux qui méprisent leurs origines, ceux qui jugent… Ils sont détestables.
    Heureusement, il y en a quelques-uns qui relèvent le niveau.
    Pour commencer, et surtout, Irène, l'aînée des filles. Elle est douce, attentive, sait apaiser les conflits et aide sa mère à tenir la maison en plus de son emploi à l’usine. S’il y a un reproche à lui faire, c’est peut-être de ne jamais penser à elle.
    La plus jeune des filles, Simone, et la femme de l'aîné des fils, Paulette, ont bon fond mais ne sont pas des lumières (mais bon, elles sont aimables).
    Placide, le 3ème fils, met un peu de temps à se détendre et à trouver sa voie, mais il est dépourvu de méchanceté, tout comme son frère Marcel, le plus jeune de la fratrie qui est bosseur et qui ne délaisse pas son travail malgré les critiques incessantes de son père qui en a fait son souffre-douleur.
    Comme c’est une histoire familiale, il n’y a pas vraiment de but, d’objectif.
    Pour autant, j’ai trouvé que le livre se terminait de manière un peu abrupte.
    J’aurais aimé une fin peut-être plus tranchée, qui ne donne pas l’impression de finir au milieu d’une phrase.
    Même si les personnages sont dans l’ensemble peu sympathiques, avec leurs magouilles, une chose est sûre, c’est qu’on ne s’ennuie pas une seconde.
    On quitte la famille Sansoucy en se disant que, puisqu’ils se sont sorti de toutes leurs embrouilles, il n’y a vraiment de chance que pour la canaille !

     

    Un extrait : Une jeune fille écorchée entra en catastrophe, laissa la porte entrouverte et se précipita à l’étalage des paquets de gommes à bulles, en prit un qu’elle déballa rapidement, engouffrant quatre bonnes mâchées.

    — Dépêche-toi, ma Simone, tu vas être en retard au restaurant ! proféra son père.

    Simone rumina sa chique en bavardant deux minutes avec son frère et frôla l’épicier en lui donnant une bise sonore avant de faire éclater une immense bulle et de sortir en faisant claquer la porte.

    Madame Robidoux se pencha vers sa compagne en empruntant un petit air mesquin. La minijupe grise à plis pressés surmontée d’un chandail d’un rouge flamboyant qui retombait mollement sur les hanches de l’adolescente de seize ans l’avait scandalisée.

    — Lui avez-vous vu le rase-trou, mademoiselle Lamouche ? mentionna-t-elle.

    — Qu’est-ce que vous dites, madame Robidoux ? réagit l’épicier, subodorant une remarque offensante à l’égard de sa fille.

    — Je dis que c’est pas une heure pour commencer son épicerie, commenta la dame. Il y a du monde comme la Bazinet qui sait pas vivre.

    — À part de ça, elle reste dans un troisième sur Orléans, au nord de Rouen, renchérit Léandre.

    — Un beau jeune homme comme vous a sûrement autre chose à faire le samedi soir que d’attendre que la dernière cliente de la semaine passe la porte, ajouta madame Robidoux, en donnant un coup de coude à sa compagne.

    — Justement, j’ai hâte d’en finir, répondit le commis, esquissant un sourire poli.

    Madame Robidoux et mademoiselle Lamouche quittèrent le magasin. L’angélus du soir sonna. Et Marcel n’avait pas terminé les livraisons. Léandre acheva de balayer le petit coin qui lui restait. D’autres traînards pourraient surgir à l’épicerie. L’idée d’éteindre quelques ampoules lui traversa l’esprit, mais cela s’avérait inconvenant : madame Bazinet était encore à la boucherie. Papier à la main, il entreprit de remplir la commande en rêvassant aux petits plaisirs que lui et Paulette se permettaient le samedi soir.

     

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  • [Livre] La passe-miroir – T03 – La mémoire de Babel

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    Lecture terminée le : 29 juillet 2019

     

    Résumé : Après deux ans et sept mois à se morfondre sur l'arche d'Anima, Ophélie a décidé d'agir. Sous une fausse identité, Ophélie rejoint Babel, arche cosmopolite et joyau de modernité. Ses talents de liseuse suffiront-ils à déjouer les pièges d'adversaires toujours plus redoutables ? A-t-elle la moindre chance de retrouver la trace de Thorn ?


    Auteur : Christelle Dabos

     

    Edition : Gallimard

     

    Genre : Fantasy

     

    Date de parution : 01 juin 2017

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : J’ai tenu le plus longtemps possible avant de craquer et de lire ce troisième tome.
    Il faut dire qu’avec l’annonce de la sortie du tome 4 pour novembre 2019, il était clair que je n’allais plus réussir à repousser cette lecture plus longtemps (en plus comme le 4, c’est le dernier tome, je pourrais me jeter dessus dès sa sortie dans scrupules ni remords).
    Dans ce 3ème tome, on se retrouve près de 3 ans (2 ans et 7 mois pour être précis) après l’évasion de Thorn de sa prison et le rapatriement forcé d’Ophélie sur son arche sous les doyennes.
    Ophélie s’ennuie et s’étiole. Après avoir vu son musée dépouillé de tout ce qui a trait à la guerre, elle refuse d’y remettre les pieds. Depuis, elle ne sort de chez elle que si on l’y force et est rongé d’inquiétude pour son ours de mari.
    Mais Ophélie ne va pas rester bien longtemps à se morfondre sur son arche. Avec un petit coup de pouce extérieur, elle fausse compagnie à ces saletés de doyennes et décide de partir seule à la recherche de Thorn tandis que sa tante et marraine, elle, rejoint le pôle.
    La chose qui frappe chez Ophélie, c’est son désir de grandir, de sortir de sa coquille, malgré son manque de confiance en elle que sa maladresse et le mode de vie sur Babel ne va pas arranger.
    Si je devais résumer Babel en un mot, ce serait « hypocrisie ».
    Tout est extrêmement codifié, de la couleur des vêtements au langage à employer, les interdits sont nombreux, notamment tout ce qui parle de la guerre est interdit. Mais sous le vernis : égocentrisme, élitisme, menaces, voire violence cachée… franchement pas un endroit où on a envie de vivre.
    Les personnages secondaires sont moins présents que dans les autres tomes, ou plutôt, on est tellement en symbiose avec Ophélie que les personnages secondaires semblent moins importants.
    Les esprits de famille, les jumeaux Pollux et Hélène, sont aussi différent l’un de l’autre que Farouk l’est d’Artémis. Pour autant ils sont intéressants.
    J’ai bien aimé Ambroise, que j’aurais aimé voir plus, et j’ai fini par apprécier Octavio, qui pourtant m’agaçait beaucoup au départ.
    Dans ce tome, on en apprend un peu plus sur Dieu, mais on ne sait toujours pas s’il est une menace ou si ses intentions sont plus positives que ses méthodes.
    Parallèlement à l’histoire d’Ophélie sur Babel, on fait quelques incursions au pôle où, outre les manigances d’Archibald, on rencontre Victoire, la fille de Farouk et Bérénilde. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette petite est digne d’intérêt et j’ai hâte de voir son évolution dans le 4ème tome.
    Bien entendu, Thorn va être présent dans ce tome. Il réussit l’exploit de paraitre à la fois plus froid et distant et plus ouvert.
    Avec lui, Mme Thorn ne va pas s’ennuyer tous les jours, c’est moi qui vous le dit (mais qu’est-ce que j’aime les voir ensemble ces deux-là).
    Ce tome fait vraiment avancer l’histoire. Il répond à certaines questions mais en pose d’autres et l’auteur va avoir fort à faire pour répondre à tout ça et dépatouiller Ophélie et Thorn de l’océan de galères dans lequel elle les a allégrement plongés.
    Autant vous dire que je vais compter les jours jusqu’à la sortie du 4ème et dernier tome.

     

    Un extrait : L’horloge fonçait à toute allure. C’était une immense comtoise montée sur roulettes avec un balancier qui battait puissamment les secondes. Ce n’était pas tous les jours qu’Ophélie voyait un meuble de cette stature se précipiter sur elle.

    – Veuillez l’excuser, chère cousine ! s’exclama une jeune fille en tirant de toutes ses forces sur la laisse de l’horloge. Elle n’est pas si familière d’habitude. À sa décharge, maman ne la sort pas souvent. Puis-je avoir une gaufre ?

    Ophélie observa prudemment l’horloge dont les roulettes continuaient de crisser sur le dallage.

    – Je vous mets du sirop d’érable ? demanda-t-elle en piochant une gaufre croustillante sur le présentoir.

    – Sans façon, cousine. Joyeuses Tocantes !

    – Joyeuses Tocantes.

    Ophélie avait répondu sans conviction en regardant la jeune fille et sa grande horloge se perdre dans la foule. S’il y avait un événement qu’elle n’avait pas le cœur à fêter, c’était bien celui-là. Assignée au stand de gaufres, au beau milieu du marché artisanal d’Anima, elle n’en finissait pas de voir défiler des pendules à coucou et des réveille-matin. La cacophonie ininterrompue des tic-tac et des « Joyeuses Tocantes ! » se répercutait sur les grandes vitres de la halle. Ophélie avait l’impression que toutes ces aiguilles tournaient uniquement pour lui rappeler ce qu’elle n’avait pas envie de se rappeler.

    – Deux ans et sept mois.

    Ophélie observa la tante Roseline qui avait jeté ces mots en même temps que des gaufres fumantes sur le présentoir. À elle aussi, les Tocantes donnaient des idées noires.

    – Crois-tu que madame répondrait à nos lettres ? siffla la tante Roseline en agitant sa spatule. Ah, ça, je suppose que madame a mieux à faire de ses journées.

    – Vous êtes injuste, dit Ophélie. Berenilde a probablement essayé de nous contacter.

    La tante Roseline reposa sa spatule sur le moule à gaufres et s’essuya les mains dans son tablier de cuisine.

    – Bien sûr que je suis injuste. Après ce qui s’est passé au Pôle, ça ne m’étonnerait pas que les Doyennes sabotent notre correspondance. Je ne devrais pas me plaindre en ta présence. Ces deux ans et sept mois ont été encore plus silencieux pour toi que pour moi.

    Ophélie n’avait pas envie d’en parler. Le simple fait d’y penser lui donnait l’impression d’avoir avalé les aiguilles d’une horloge. Elle s’empressa de servir un bijoutier, paré de ses plus belles montres.

    – Eh bien, eh bien ! s’agaça-t-il lorsque ses montres se mirent toutes à claquer frénétiquement du couvercle. Où sont passées vos bonnes manières, mesdemoiselles ? Vous voulez donc que je vous ramène à la boutique ?

    – Ne les grondez pas, dit Ophélie, c’est moi qui leur fais cet effet. Du sirop ?

    – La gaufre suffira. Joyeuses Tocantes !

    Ophélie regarda le bijoutier s’éloigner et reposa sur la table la bouteille de sirop qu’elle avait failli renverser.

     

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  • [Livre] Ash princess

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    Lecture terminée le
    : 27 juillet 2019

     

    Résumé : Theodosia avait six ans quand son pays a été attaqué, et quand sa mère, la reine du Feu, a été assassinée sous ses yeux.

    Dix ans ont passé. Dix ans à vivre sous le joug du Kaiser, ses tortures incessantes, son régime de terreur. Dix ans qu’elle n’a pas prononcé son véritable nom. Theodosia s’appelle maintenant Thora, princesse de Cendres.

    Le jour où le Kaiser la force à exécuter son dernier allié, celui qu’elle voit comme son unique chance de survie, Theodosia ne peut plus ignorer sa rage vengeresse. Elle se lance dans une intrigue où la séduction cache des crimes de sang, où les amitiés ne servent plus qu’à une chose : regagner son pouvoir.

    Incapable de déterminer à qui elle peut vraiment se fier, Theodosia va apprendre jusqu’où elle est prête à aller pour venger sa mère, regagner son peuple et reprendre son titre de reine.


    Auteur : Laura Sebastian

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Fantasy

     

    Date de parution : 05 Septembre 2018

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Quand elle avait 6 ans, Théodosia a vu son royaume envahit, sa mère assassinée sous ses yeux et sa vie détruite.
    Du jour au lendemain, son peuple est réduit en esclavage, sa langue interdite et la voilà rebaptisée Thora, la princesse de cendres, son prénom ayant également été interdit.
    Les envahisseurs,  les kalovaxiens, un peuple qui m’a fait penser pour partie à des vikings (blond, drakkars…) pour partie à des sauterelles (détruisent tout sur leur passage et passent au royaume suivant quand ils ont épuisé les ressources de celui qu’ils viennent de conquérir), se sont installés au palais dans lequel a grandi Thora.
    Thora vit prisonnière, sous la coupe du Kaiser, l’empereur Kalovaxien.
    Humiliation et torture, aussi bien physiques que psychologiques, sont son lot quotidien.
    Soumise, elle vit en se répétant le mantra « ne contrarie pas le Kaiser et il te laissera vivre ».
    Le Kaiser l’exhibe à chaque fête, couronnée d’une réplique en cendres de la couronne de sa défunte mère.
    Mais un jour, deux choses vont la pousser à réagir : Son dernier allié libre est capturé et tué ; et le fils du kaiser, le prince Soren, qui n’a pas grand-chose à voir avec son père, revient au palais, sa formation militaire finie.
    Après 10 ans de captivité, Thora doit se montrer prudente. Elle ne peut faire confiance à personne : son amie Cress, les esclaves astréens, sa servante… tous sont susceptibles de la trahir pour tenter de s’attirer les bonnes grâces du Kaiser.
    Le monde que nous présente l’auteur est très riche. On découvre le mode de vie et les traditions non seulement des kalovaxiens mais aussi des astréens que ce soit dans les souvenirs de Thora ou dans certains éléments repris par les nobles kalovaxiens.
    A chaque action de Thora, on tremble de la voir découverte, ou de la voir accorder sa confiance à la mauvaise personne.

    J’ai été extrêmement mitigée vis-à-vis de Cress. D’un côté, c’est une sorte de poupée Barbie, un peu évaporée, qui ne pense qu’à ses tenues et semble adorer Thora comme une sœur. D’un autre côté, son ambition transparaît parfois, elle est la fille du plus grand guerrier kalovaxien (ce qui doit laisser des traces dans l’éducation) et on a parfois le sentiment qu’elle voit Thora comme un jouet dont elle pourrait se lasser à tout moment.
    Pareil pour le prince Soren. D’un côté, il a l’air d’avoir bon fond, mais de l’autre, il ne me donne pas le sentiment de remettre en question le monde de vie des kalovaxiens, et accepte sans sourciller les attaques et colonisations des royaumes.
    du côté des astréens, Blaise et Art, notamment, sont assez souvent directif et même parfois agressifs envers Thora (qui est quand même supposée être leur reine) mais vu tout ce qu’ils ont subi pendant que Thora vivait au palais et donc dans le luxe du point de vue d’un observateur extérieur, on peut les comprendre, mais je réserve mon jugement tant que je ne les ai pas vu agir en dehors du palais.
    La fin présente plusieurs éléments de surprises et, franchement, je suis contente que le tome 2 soit déjà sorti parce que je meurs d’envie de connaitre la suite.

     

    Un extrait : – Thora !

    Je me retourne : de l’autre côté du vestibule du palais, tout en dorures, Crescentia se précipite vers moi, ses jupons de soie rose relevés à deux mains pour faciliter sa course, un grand sourire illuminant son ravissant visage.

    Ses deux femmes de chambre ont du mal à suivre, leurs formes émaciées noyées dans de simples tuniques.

    Évite soigneusement de regarder leurs visages, me dis-je. Cela ne m’a jamais fait plaisir de les voir, de scruter ces yeux ternes, ces lèvres affamées. Cela ne m’a jamais fait plaisir de constater à quel point elles me ressemblaient, avec leur peau basanée et leurs cheveux foncés. Cela ne fait que donner de la force à la voix qui résonne dans mon esprit. Et quand elle est assez sonore pour dépasser la frontière de mes lèvres, le Kaiser se fâche.

    Ne pas mécontenter le Kaiser. Ainsi, il te laissera la vie sauve. Telle est la règle que j’ai appris à suivre.

    Je concentre mon attention sur mon amie. Cress a le don de faciliter les choses. Elle porte son bonheur comme une couronne solaire ; elle s’en sert pour illuminer et réchauffer tous ceux qui l’entourent. Elle sait que j’en ai plus besoin que quiconque, raison pour laquelle elle n’hésite pas à m’emboîter le pas en se cramponnant à mon bras.

    Elle n’est pas avare de ses sentiments, qualité que possèdent les quelques élus qui n’ont jamais perdu un être cher. Sa beauté spontanée, enfantine, ne l’abandonnera jamais, pas même dans le grand âge — son visage est tout en traits délicats, en grands yeux limpides qui n’ont jamais contemplé l’horreur. Sa pâle chevelure blonde est coiffée en une longue tresse qui pend par-dessus son épaule, étoilée de dizaines de Spirigemmes. Le soleil qui transperce les vitraux du vestibule les fait scintiller.

    Je ne peux pas non plus regarder les gemmes, mais je ressens malgré tout leur présence. Une douce pression née sous ma peau me pousse vers eux, m’offrant leur pouvoir — je n’ai qu’à m’en emparer. Mais je ne le ferai pas. C’est impossible.

    Autrefois, les gemmes étaient sacrées. Autrefois : avant la conquête d’Astrée par les Kalovaxiens.

     

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  • [Livre] La traque des anciens dieux – T01 – Les deux princes

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    Lecture terminée le : 24 juillet 2019

     

    Résumé : Marc est un prince. Malheureusement, il aurait préféré un statut plus modeste (bourgeois, ou même comptable) pour échapper aux traditions magiques qui pèsent sur ses épaules. Quand sa princesse, à la suite d'une faille juridique, se révèle être un deuxième prince, tout aussi mécontent de la situation, les deux fiancés partent en quête pour détruire l'enchantement qui les relie. Leur voyage leur fera traverser le monde et rencontrer d'étranges compagnons : un escroc philosophe, une sorcière revêche, une fée terrifiante et deux dragons à l'humour particulier. Ils ignorent que c'est une mission bien plus importante qui les attend au bout du chemin, une mission qui demandera tout leur courage et leur persévérance pour la mener à bien.


    Auteur : H. Lenoir

     

    Edition : Lulu

     

    Genre : Fantasy

     

    Date de parution : 2015

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : J’ai reçu ce livre à Noël et j’ai enfin trouvé le temps de le lire.
    C’est un livre très dense, avec beaucoup d’informations, ce qui fait que je n’ai pas avancé très vitre dans ma lecture.
    Mais même si j’ai avancé lentement, je n’en ai pas moins apprécié ma lecture.
    Déjà, dès le prologue, le ton est donné. Les dieux balancent tout un tas de malédictions/obligations magiques pour se venger des familles puissantes qui leur doivent du pognon.
    Notre histoire commence plus de 3000 ans plus tard.
    Marc est un prince, un benjamin, pas destiné à régner, donc, qui, après avoir tout fait pour éviter la quête traditionnelle des jeunes princes, va être sommé par sa reine de mère de partir réveiller d’un baiser la première princesse ensorcelée qu’il croisera, et plus vite que ça, merci bien.
    Bon gré, mal gré, mais au moins sans les collants (à près de trente ans, il peut s’en dispenser), le voilà parti et, guidé par un renard pas très catholique et plutôt moqueur (si ça avait été moi, il aurait fini en paletot, le rouquin), trouve une tour, embrasse la princesse enfouie jusqu’au menton dans les couvertures et l’histoire devrait se terminer là par un superbe mariage et une ribambelle d’enfants que leur reine de grand-mère aurait sommé de suivre la tradition etc…
    Sauf que…
    Et à partir de là, l’auteur se fiche allégrement de la pomme des contes de fées et de leurs structure classique.
    Entre les princesses endormies qui se révèlent être des princes vexés comme des poux d’être dans cette situation, des marraines-fée à tendance psychopathe, des dragons un poil désespéré par le genre humain, des escrocs….
    On a là une fine équipe qui lance dans une quête… mais qui les dépasse… Même si la quête est supposée être dans le sang des princes, ces deux-là se demandent plus d’une fois ce qu’ils fichent là.
    Le plus jeune des deux, Eleuthère (oui, famille traditionnelle), est le plus enthousiaste. Mais il faut dire qu’il a passé 3 ans dans une tour, soumis à un sortilège qui l’a maintenu à 17 ans.
    Pendant la quête, laquelle est pleine de rebondissements et d’aventures, les personnages ne cessent de discuter des éléments classiques des contes : les sorcières, les grenouilles enchantées, les porchers valeureux, les gardiennes d’oies ou les fileuses.
    Leurs discussions à ce sujet, leur ton, tour à tour désabusé ou irrité, m’a déclenché de vraies crises de fou-rires. Je ne lirai plus jamais les contes de fée de la même façon.
    Les deux princes, Marc et Eleuthère, bien que la magie voudrait les voir former un couple, sont plutôt comme deux amis, voire même comme deux frères.
    Parmi leurs compagnons de route, j’ai particulièrement apprécié la petite dragonne, Bi Cui.
    Mais tous les personnages sont attachant, chacun à leur manière.
    Malgré l’humour très présent, la quête n’en ai pas moins une vraie aventure, pleine de danger.
    La fin est à la fois prévisible (la série s’appelle la traque des anciens dieux, on se doute bien qu’il va y avoir des dieux à traquer) et surprenante à plusieurs égards.
    Le livre comporte quelques coquilles (mots manquants, fautes) mais relativement peu pour un livre autoédité de cette longueur.
    J’ai déjà prévu d’acheter la suite et il ne va pas falloir tarder parce que j’ai très envie de découvrir la suite.

     

    Un extrait : Entre deux missions urgentes, Marc se documenta un peu plus et en tira une leçon : chaque tradition défiée était sanctionnée par une catastrophe. Chaque maléfice ignoré, chaque coutume bafouée engendraient un bouleversement qui mettait des années à être aplani. La règle était la même pour les pays voisins, même les royaumes les plus jeunes qui se trouvaient au nord. Confronté à des témoignages irréfutables, il se résigna à un jour accomplir son destin.
    Cependant, l’incendie avait eu une conséquence positive : la crise qu’il engendra permit de faire passer inaperçu l’anniversaire de ses seize ans. Le reste de la cour, plongée dans l’organisation des ravitaillements et les négociations avec l’empire voisin, oublia sa quête initiatique. Quand la situation se calma, le prince avait depuis longtemps terminé sa poussée de croissance, portait un collier de barbe et ne pouvait plus être pris pour un jouvenceau.
    Les quêtes initiatiques n’étaient pas une obligation, davantage une précaution. Comme aucun cataclysme n’était advenu en réponse à ce manquement à l’étiquette, on le laissa tranquille. Peut-être que, quelque part, un petit tremblement de terre s’était produit pour contrebalancer la situation ; mais pour le moment, le destin du prince Marc ne paraissait rien exiger de lui, et comme il était devenu indispensable à la gestion du pays, le roi décida d’ignorer le problème.
    Pendant quelques années, il put donc vivre une vie atypique. Il put lire quand il le voulait, discuter avec les personnes qui l’intéressaient et trouver des moyens d’améliorer la vie de ses sujets sans avoir à débattre de relations diplomatiques pendant des heures.
    Il put éviter les ridicules habits de cour imposés dans les cérémonies officielles. Il put se contenter d’apprendre le combat à l’épée tout en restant nul à l’arc et à la joute. Il put soigneusement oublier d’apprendre le luth. Il put éviter d’engendrer une tripotée d’héritier et de vivre heureux avec la jeune fille de ses rêves. Bref, il put faire ce qui lui plaisait. Le roi son père, qui avait déjà deux fils brillants pour lui succéder, était pleinement satisfait de se contenter d’utiliser les talents de son benjamin anticonformiste quand il avait besoin de lui, et de le laisser en paix le reste du temps.
    Malheureusement, sa mère n’était pas de cet avis.
    La reine venait d’un des royaumes les plus traditionnels du continent, Deshevron, et avait vu d’un mauvais œil que son fils échappât à sa quête. Elle avait vu d’une encore plus mauvais œil qu’il ne cherchât pas à se marier par la suite. C’était ce qui se faisait. Marc parvint à éviter ses tentatives de fiançailles ainsi qu’à ignorer ses reproches jusqu’à ses vingt-sept printemps, ce qui, chez un prince, approchait sérieusement de l’âge de la retraite, quand elle les coinça, un beau matin, son père et lui, dans un recoin de couloir.

    - Ca suffit, dit-elle. Marc, vous allez-vous marier.

    Le père et le fils échangèrent un regard. Gaius de Keilles ne craignait ni l’empire du nord, ni les barbares du sud, et il avait fait face à de nombreuses crises, mais sa femme entrait dans une tout autre catégorie.

     

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  • [Livre] La symphonie des abysses - Livre 1

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    Lecture terminée le : 17 juillet 2019

     

    Résumé : VOUS PENSIEZ ÊTRE AU PARADIS ?

    Un gigantesque atoll, des plages de sable fin, une eau turquoise...

    Un mur infranchissable.

     

    IL VOUS FAUDRA D'ABORD VIVRE EN ENFER :

    ARTICLE 1 : Tout contact physique, toute marque d'amour sont proscrits.

    ARTICLE 2 : Il est interdit de chanter, d'écouter ou de faire de la musique.

    ARTICLE 3 : Quiconque se livrera à ces activités illicites sera mis à mort.

     

    VOUS N'ÊTES PERSONNE.

    VOUS APPRENDREZ À OBÉIR.


    Auteur : Carina Rozenfeld

     

    Edition : Robert Laffont (R)

     

    Genre : Fantasy

     

    Date de parution : 13 Février 2014

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Deux histoires : Celle d’Abrielle et celle de Sand et Cahill. Deux histoires différentes mais tellement semblables.
    Abrielle, Sand et Cahill vivent dans deux villages si éloignés qu’aucun ne se souvient de l’existence de l’autre.
    Pourtant, tous sont prisonniers d’un Atoll entouré d’un mur infranchissable de 30 mètres de haut, électrifié de surcroît sur sa partie haute. Tous sont soumis à un règlement intérieur strict. La plupart des articles sont similaires, et personne ne sait qui a mis en place ce règlement qui est considéré par tous comme ayant toujours existé. Tout comme le mur d’ailleurs, même si personne ne sait qui l’a construit et pourquoi tout lien avec l’extérieur a cessé depuis des siècles.
    Cependant, chaque village a un article principal dont la transgression est punie de mort. Le fait même que chacun des villages a une interdiction majeure différente alors que le reste est identique, me fait me poser plein de questions.
    Je n’imagine pas deux groupes distincts écrire des règlements aussi identiques ; tout comme je ne vois pas un seul groupe écrire un article principal distinct pour chaque village.
    Est-ce qu’un seul groupe existait à l’origine et a explosé parce qu’ils n’étaient pas d’accord sur ce qu’il fallait interdire ? Ou est-ce une expérience comme dans divergente ?
    Je ne sais pas mais j’espère avoir les réponses dans le livre 2.
    Dans le village d’Abrielle, la musique est interdite. Or Abi entend des mélodies dans sa tête et elle sait qu’un jour, elle n’arrivera plus à se taire et à les garder pour elle.
    Situation d’autant plus dangereuse que Braden, le gardien en chef, chargé de faire respecter le règlement, lui voue une haine farouche depuis que son père a disparu en même temps que le père d’Abrielle.
    Braden est vraiment un sale type, avec un mauvais fond. Il aime le pouvoir que lui donne sa fonction et en abuse.
    A priori, son père était un mec bien, du moins d’après ce que raconte la mère d’Abi. Dommage que le caractère n’ait pas été aussi héréditaire que la fonction !
    Dans le village de Sand et Cahill, qu’on découvre d’abord comme Ca et Sa, les enfants naissent neutres, ni homme ni femme. Ils choisiront leur genre à leur majorité et on leur injecte alors un sérum qui va les « terminer ».
    Ici, c’est le contact physique et l’amour qui sont interdit, ce qui me parait encore plus ignoble que l’interdiction de la musique.
    Or Sa et Ca s’aiment, avant même de savoir de quel sexe sera chacun d’eux. En fait ils ne veulent même pas le savoir car peu leur importe.

    Comme on s’en doute, le chemin de ces trois personnes va se croiser après que chacun ait été contraint de fuir son chez-lui.
    A eux trois, ils décident de partir à la recherche d’un possible moyen de passer cette saloperie de mur.
    J’ai beaucoup aimé cette histoire même si j’ai eu plus de mal à lire la partie sur Sand et Cahill à cause de l’écriture inclusive à laquelle je n’adhère pas du tout. J’ai essayé de considérer cette manière de parler comme une langue extraterrestre au vu des particularités de cette société, mais j’ai quand même avancé très lentement sur cette partie.
    La fin du livre laisse les personnages dans une situation incertaines qui me donne très envie (et un peu peur aussi) de me plonger dans le second tome.
    Ce qui ne saurait tarder…

     

    Un extrait : Les rayons dorés du soleil inondant la place du village, devant l’immeuble gris aux angles rongés par le vent et le sel… Des femmes occupées à leurs tâches quotidiennes, des familles déjeunant à l’ombre des calebassiers, une journée tranquille, identique à toutes celles qui se sont déjà déroulées, et qui ressemblera à toutes les suivantes…

    L’eau glacée faisait trembler ses mains. La vieille timbale en aluminium cabossée tinta contre le seau métallique et quelques gouttes froides jaillirent pour s’écraser sur l’herbe.

    — Fais attention, Aby. Tu sais bien que…

    — … que l’eau est précieuse. Je sais, oui. Je ne suis plus un bébé.

    La femme la plus âgée soupira et haussa les épaules avant de se consacrer à sa propre tâche. Ce n’était pas la peine de discuter. Ces derniers temps, surtout depuis la mort de Paol, la communication avec sa fille était devenue difficile. Elle aurait pu lui demander pourquoi, proposer d’écouter, chercher à comprendre afin d’aider son unique enfant, mais elle s’en gardait bien. Elle avait trop peur de la réponse.

    Abrielle serra les lèvres et ignora le regard un peu trop pesant de sa mère. D’un geste rapide, elle repêcha le gobelet tombé dans le seau. Il fallait faire vite. D’autres familles attendaient de pouvoir utiliser la vaisselle pour déjeuner à leur tour. Les assiettes et les fourchettes déjà lavées séchaient, posées au soleil, sur la pelouse épaisse.

    La lumière se reflétait vaguement sur leur surface dépolie, usée par les années. Sa corvée achevée, Aby rassembla prestement les couverts dans le creux de son tablier qu’elle tenait relevé d’une main et, en se hâtant, alla les transmettre à ceux qui patientaient, pendant que leur repas mijotait sur les tables à feu de la cuisine extérieure, exhalant des parfums familiers. Puis elle retourna près de sa mère.

    — C’est bon. Baako a tout récupéré. Je peux y aller, maintenant ?

    Du bout de ses doigts fébriles à la peau fripée par la longue immersion dans l’eau, elle chassa une mèche de cheveux bruns qui chatouillait son front.

    — Aller où ?

    — Je ne sais pas, n’importe où. C’est une façon de parler. Une façon de te demander si tu as encore besoin de moi.

    — Alors pourquoi tu ne me demandes pas tout simplement : « Est-ce que tu as encore besoin de moi » ?

    Abrielle haussa les épaules.

    — Je peux y aller ?

    — Oui. On a terminé nos tâches pour la journée.

     

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  • [Livre] Le pensionnat de Mlle Géraldine – T02 – Corsets et Complots

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    Lecture terminée le : 05 juillet 2019

     

    Résumé : A-t-on vraiment besoin de quatre digitales pour décorer une table pour six personnes ? Ou bien est-ce six digitales pour tuer quatre invités ? La première année d’école de Sophronia a certainement été enthousiasmante. D’abord, son pensionnat pour jeunes dames de qualité l’entraîne à devenir espionne (Maman sera si surprise !). Ensuite, elle est mêlée à une intrigue à propos d’un appareil volé et on lui jette une tourte au fromage dessus. Aujourd’hui, Sophronia connaît chaque recoin de l’école, laisse traîner son oreille dans les quartiers des enseignants et monte clandestinement à la chaufferie du dirigeable où elle apprend qu’un simple voyage scolaire à Londres peut cacher davantage que ce qu’elle croit… Vampires, loups-garous et humains sont tous après le prototype récupéré par Sophronia dans Étiquette & Espionnage, qui a le potentiel d’améliorer le transport aérien surnaturel. Sophronia doit découvrir qui est derrière un dangereux complot pour contrôler le prototype… et survivre à la saison de Londres munie d’un carnet de bal complet.


    Auteur : Gail Carriger

     

    Edition : Calmann-Lévy

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 25 septembre 2014

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : J’avais beaucoup aimé le 1er tome. Cette série me permet de me familiariser avec l’univers steampunk avant d’attaquer Le protectorat de l’ombrelle, qui, parait-il, présente une histoire plus complexe.
    Sophronia avance dans ses études et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle apprécie sa nouvelle vie, au point d’avoir les meilleures notes de sa promotion.
    Si sa copine Dimity ne s’en sort pas si mal, ce n’est pas le cas de la peste Monique, qui, malgré son ancienneté, se ramasse en beauté.
    En six mois, temps écoulé entre les deux tomes, les personnages sont devenus plus matures, plus sûr d’eux. Vieve en est même au point de faire à Sophronia une offre qu’elle ne pourra pas refuser, en mini géni du mal qu’elle aspire à être.
    Sophronia de son côté, si elle n’a plus aucun problème à comploter (à part peut-être encore quelques tiraillements de conscience), est nettement moins à l’aise avec l’art subtil du flirt. Et pourtant, elle ne manque pas de charmants messieurs dans son entourage que ce soit Savon, Lord Mersey ou même le mystérieux lord Akeldama dont in parle peu mais qui promet d’être intéressant dans les prochains tomes.

    J’ai beaucoup aimé l’attitude de Sophronia face au comportement hostile de ses camarades. Elle n’est pas comme beaucoup de personnages féminins dans les romans fantasy qui sont souvent en mode Calimero devant les contrariétés. Non, Sophronia se demande si elle a mal agit et doit s’excuser, constate que non, et donc hausse les épaules en se disant que ça leur passera et poursuit ce qu’elle a à faire, à savoir protéger son amie Dimity, malgré elle s’il le faut, qui semble être la cible de kidnappeurs non identifiés.
    Mais si Sophronia est particulièrement douée pour repérer du cyanure sur un gâteau sec, elle galère nettement plus pour mener une enquête, n’ayant rien de Sherlock Holmes. Mais en apprentie espionne qui se respecte, ce qu’elle ne découvre pas par la logique, elle le découvre par la filature, et se débrouille toujours pour avoir les réponses à ses questions.
    A la fin du tome, deux personnages quittent l’école volante de Mlle Géraldine mais j’ai l’impression qu’on n’a pas fini d’entendre parler d’eux pour autant.
    Si le 1er tome s’attacher à présenter l’univers, dans celui-ci on s’attache plus aux différents complots, surtout politiques.
    On en apprend plus également sur les professeurs, et notamment sur le professeur Braithwope.
    J’ai hâte de voir comment les choses vont évoluer dans les prochains tomes, surtout qu’il n’en reste que 2 pour terminer la série.

     

    Un extrait : « Quand vous voulez, mademoiselle Temminnick ! »

    Dimity se trouvait déjà à côté de Lady Linette. L’amie de Sophronia lui fit signe de les rejoindre d’une main dissimulée par sa jupe. D’ordinaire, c’était Dimity qui rêvassait et Sophronia qui devait la houspiller.

    Sophronia bondit. « Veuillez m’excuser, Lady Linette. J’étais perdue dans mes pensées. Les quantités de digitales peuvent être tout à fait éclairantes.

    – Excellent, mademoiselle Temminnick. Une excuse exprimée en terme d’intérêt scolaire. Néanmoins, nous devons partir. »

    Pendant la plus grande partie du séjour de six mois de Sophronia au pensionnat de Mlle Géraldine pour le perfectionnement des jeunes dames de qualité, les leçons n’avaient jamais été interrompues. Même pas quand des bandits de haut vol les avaient attaquées. Les jeunes dames de qualité restaient en classe durant les conflits. Et aucune élève n’avait jamais été ôtée à l’autorité d’un professeur par un autre professeur. Quelle impolitesse !

    Et puis, au cours du mois précédent, en commençant par cette satanée Monique, toutes les compagnes de Sophronia avaient été systématiquement emmenées par Lady Linette de la même façon. Elles étaient revenues traumatisées et silencieuses. Sophronia avait employé tout son savoir-faire, dont elle avait appris une bonne partie chez Mlle Géraldine, pour résoudre ce mystère. En vain. Même ses amies proches, Sidheag et Agatha, n’avaient pas voulu expliquer ce qui s’était passé quand Lady Linette avait disparu avec elles.

     

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  • [Livre] Pauvre âme en perdition

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    Lecture terminée le : 15 juillet 2019

     

    Résumé : Nous connaissons tous l'histoire de la petite sirène, ce conte ancestral qui nous rappelle qu'il faut parfois perdre sa voix pour mieux la retrouver. Ariel désire explorer le monde et s'aventurer au-delà des frontières du royaume de son père, le roi des océans. Par amour, elle renonce à sa voix et manque d'y laisser la vie. Mais le bien l'emporte, et elle sort de ces épreuves métamorphosée et heureuse.
    Pourtant, ce n'est que la moitié de l'histoire. Qu'en est-il de son ennemie Ursula, la terrible sorcière des mers? Pourquoi et comment est-elle devenue si retorse et pleine de haine, dédaignée par la cour de Triton?
    Voici l'histoire d'une pauvre âme en perdition...


    Auteur : Serena Valentino

     

    Edition : Hachette

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 09 mai 2019

     

    Prix moyen : 14€

     

    Mon avis : 3ème tome de la série consacrée aux « vilains » de Disney, ce livre s’attache à Ursula. Pourquoi et comment la sorcière des mers est-elle devenu telle qu’elle est et qu’est ce qui l’a poussée à s’en prendre ainsi à Ariel ?
    Chaque histoire a deux versions et nous allons pouvoir entendre celle d’Ursula.
    Autant le dire tout de suite : si Ursula a connu des souffrances, cela n’excuse en rien son comportement.
    Triton, le père d’Ariel, sans surprise, n’est pas quelqu’un de bien (Je ne l’ai jamais aimé, vous l’aurez compris) mais la surprise, en revanche, vient des liens qu’il a avec Ursula, et que je n’avais absolument pas envisagés.
    Contrairement à la méchante Reine, qui bien que commettant des horreurs, agit sous une certaine influence et n’a jamais totalement ouvert son cœur à la haine, Ursula, elle, se complaît dans cette haine.
    On retrouve les trois sœurs qui étaient déjà présentes dans les deux tomes précédents et qui sont prêtes à tout pour retrouver leur petite sœur, Circé, qui leur en veut depuis la fin du tome précédent.
    A chaque tome, on en apprend plus sur ces trois-là (elles me font penser aux trois sorcières de Macbeth) et il semblerait que le tome 5 leur soit entièrement consacré (j’ai hâte… mais j’ai peur !).
    Les personnages secondaires des différents tomes sont tous interconnectés. Ainsi la princesse Tulipe, dont le château surplombe le domaine d’Ursula et qui a déjà eu affaire à la sorcière, semble avoir une histoire commune avec le prince Adam, alias La Bête.
    L’histoire d’Ursula est plus courte que les précédents et on s’attarde moins sur ses sentiments profonds que sur ceux de la Reine car ceux-ci semblent être étouffés par sa jalousie, sa soif de vengeance et son goût du pouvoir qui domine tout le reste.
    A plusieurs reprises, les sœurs sorcières reçoivent des messages de la fée noire, alias Maléfique. Celle-ci semble menaçante envers les trois sœurs et ces dernières paraissent ressentir une certaine crainte, alors que jusque-là, elles n’avaient l’air d’avoir peur de personne.
    Du coup, je suis vraiment impatiente de découvrir l’histoire de Maléfique dans le tome 4, d’autant plus que le tome est le plus épais de tous et que je pense donc qu’on va en apprendre encore plus sur ces trois punaises qui sèment la terreur et la destruction partout où elles passent !

     

    Un extrait : Le brouillard ondulait dans le sillage d’Ursula comme un tentacule gris et noirâtre tandis qu’elle avançait dans la ville apparemment abandonnée d’Ipwich. Le rire de la sorcière résonnait sur les cottages aux volets clos où se terraient les pitoyables habitants, terrifiés par la déesse des mers assoiffée de vengeance qui s’était abattue sur eux tel un cauchemar devenu réalité.
    Pour cette excursion, Ursula avait adopté sa forme humaine et utilisé sa magie afin de contrôler les brumes, donnant vie à de longs tentacules menaçants qui s’enroulaient autour d’elle et la suivaient à la trace, flétrissant tout ce qu’ils touchaient. Elle semait la dévastation en une longue trainée de putréfaction aussi noire que le pétrole.
    Elle se dirigea vers la principale place de la ville et s’arrêta devant la tour de l’Horloge. Ses tentacules prirent le bâtiment d’assaut, le transformant en un obélisque noir et trapu qui aurait pu être utilisé dans un but autrement plus sinistre que celui de marquer le passage du temps.
    Sa magie était imprégnée de haine. Dans laquelle palpitait une douleur vive et profonde. Ces humains lui avaient enlevé la seule personne qui l’avait jamais aimé et elle allait les faire souffrir. Elle dirigea ses appendices lugubres vers la mer, invoquant ses sombres serviteurs.


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  • [Livre] La cité dénaturée

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    Lecture terminée le : 21 avril 2020

     

    Résumé : Suite aux changements climatiques, la nature est devenue hostile. Pour s’en protéger, la Cité a été créée, avec en son sein un environnement docile. Christian y coule des jours tranquilles, en compagnie de ses frères et sœurs de couvée. Quand, par accident, il entre en possession d’étranges graines capables de faire pousser de la nourriture, il se retrouve au cœur d’une conspiration et devient la proie de tous les officiels de la Cité. Commence alors pour Christian et Tahiti-Bise, son vieux chaton doté de parole, une fuite qui les conduira aux limites de leur monde, à la découverte du pouvoir des fruits et légumes biologiques.


    Auteur : Laurent Salipante

     

    Edition : Plumes Solidaires

     

    Genre : Science-Fiction

     

    Date de parution : 24 Octobre 2019

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : En général, quand un roman est très court, je trouve toujours qu’il est bâclé à un endroit ou à un autre. En général c’est la fin qui est sacrifiée : trop rapide, précipitée, comme si les auteurs voulaient, en un minimum de mots, donner les informations qui auraient dû être distillées sur 50 ou 60 pages.
    Mais pas ici. L’auteur a réussi à nous livrer une histoire complète et avec une fin digne de ce nom, sans précipitation, en moins de 200 pages.
    Au début j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire car les chapitres alternent entre deux périodes différentes et l’histoire qui les relie ne se dévoile que peu à peu.
    Mais il n’a pas fallu longtemps pour que je sois plongée totalement dans cette histoire et que je tourne les pages de plus en plus vite afin de savoir ce qui avait mené de la 1ère période (celle de Christian le jeune) à la seconde (celle de Christian l’ancien). Et bien sûr, je voulais savoir comment ça allait finir !
    Ce roman est une dystopie (bon ok, en fait, c’est plus un roman d’anticipation, vu la situation actuelle, mais c’est trop flippant pour l’envisager, alors je préfère le voir comme une dystopie).
    Dans la 1ère période, on est dans un futur très aseptisé. Rien n’est naturel. Les enfants naissent pas « fournées » et, à de rares exceptions près, sont dépourvus de parents. Tout est synthétique que ce soit les animaux (parlant, souvent), la nourriture ou les arbres et les fleurs.
    Christian, notre héros, est d’ailleurs parfaitement… satisfait n’est pas le mot, plutôt blasé, habitué, conditionné à tout cela et n’a nulle envie de voir les choses changer. D’ailleurs le changement semble être synonyme de danger. Mais les circonstances, et une rencontre, vont le faire remettre en question toutes ses certitudes.
    Dans la 2nd période, on retrouve Christian, plus âgé, bien qu’on ne sache pas combien de temps s’est écoulé, dans une situation totalement différente.
    Au fur et à mesure de la lecture, on comprend comment et pourquoi Christian a évolué d’une période à l’autre.
    La fin m’a mise un peu mal à l’aise.
    J’ai eu le sentiment que l’Humain était incapable d’apprendre de ses erreurs. Qu’il en commettra toujours de nouvelles car il ne semble porté que par un désir de pouvoir, de domination, d’appropriation.
    Ce roman a beau montrer à quel point l’Humain a besoin de la nature, je me demande combien de grands privilégiés seraient prêts à abandonner un peu de leur fortune, un peu de leur pouvoir pour le bien de la planète, de la nature dont on a tant besoin, et quand, dans les circonstances de crises sanitaires actuelles, je vois les lobbies réclamer un moratoire sur les mesures environnementales au nom du profit, je crains que le monde de l’auteur ne finisse par devenir une réalité.
    J’ai beaucoup aimé l’écriture de l’auteur. Elle est fluide, sans fioriture et les descriptions, sans être longues, rendent la lecture très visuelle.
    J’espère vraiment que l’Humanité finira par avoir le même sursaut de conscience que certains des personnages du livre et qu’on évitera d’en arriver au monde de Laurent Salipante !

     

    Un extrait : — Christian!

               La voix stridente de Ludivine Soller fend l’air. Une flèche de mépris entre les allées fleuries du deuxième étage de Vizions — l’agence de publicité possède, comme toutes les entreprises de la Cité, un luxuriant open-parc de travail. Elle demeure la prêtresse incontestée de la section animation. Flamboyante, hors de la masse grouillante des besogneux tâcherons, Ludivine Soller a ses quartiers sous un somptueux saule artificiel, le symbole de sa réussite.

               Christian déteste cette harpie aux cheveux rouges et aux dents longues qui ne cesse de harceler les agents sous ses ordres, s’imaginant qu’un chef se comporte de la sorte. Elle le lui rend bien, lui reprochant sans arrêt sa nonchalance. Christian est un des jeunes animateurs de Vizions. Sa description physique s’avère peu remarquable : des cheveux noirs coupés mi-courts, des yeux marron noisette, une enveloppe épidermique blanche, élastique comme il se doit, ferme, sans tache ni disgrâce, un corps pourvu d’un réseau pileux à la fois souple et solide d’un brun tout à fait quelconque, des pommettes saillantes et un nez étroit qui ne porte pas ombrage à ses collègues.

               Christian n’entretient que peu de rapports avec les autres Citoyens. Il en arrive parfois à douter de ce que les technogénéticiens nomment dans leur jargon «les atomes crochus», pour parler en réalité dun élémentaire travail de neuro-génétique sociale. Ce lien lunit pourtant aux Citoyens de la même fournée. Tous des frères et des sœurs. Parmi eux néanmoins, une femme et un homme comptent particulièrement : Amanda et Georges. Ses seuls atomes crochus.

               — Christian!

               C’est la troisième fois depuis ce matin que Ludivine Soller l’interrompt dans la création de sa réclame. Christian se lève sans hâte, abandonnant ses personnages holographiques, en pleine extase figée, devant un paquet de céréales pour le petit-déjeuner. Il s’étire en bâillant et s’engage avec résignation dans l’allée centrale bordée d’hibiscus rouges synthétiques, une des nombreuses créations de la firme MontasoFlore. Les fleurs exhalent une large gamme d’antioxydants et un peu de vitamine C. Il inspire à pleins poumons les molécules revigorantes.

               Les baies vitrées filtrantes dispensent une lumière homogène sur les aires de travail. Une clarté pâle conçue pour stimuler la production d’ACTH de cette usine à hormones qu’est l’hypophyse. L’attention des animateurs s’en trouve renforcée, leur mémoire immédiate augmentée. Le seul inconvénient est qu’une exposition prolongée peut avoir l’effet inverse : plonger l’honnête travailleur dans une torpeur abrutissante. Impossible dès lors de distinguer un effet secondaire des baies d’une véritable paresse.

               Christian se demande parfois si l’apathie qui le gagne chaque jour davantage est provoquée par cette stimulation de son cerveau.

     

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  • [Livre] Un automne à Kyoto

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    Lecture terminée le : 14 juillet 2019

     

    Résumé : Passer l'automne à Kyoto. Toute une saison, autant dire une éternité... Margaux en rêvait depuis toujours. Mais la veille de son départ pour le Japon, elle n'a plus envie. Entre-temps, elle a rencontré Mathias et ça change tout. Comment va-t-elle supporter ces trois longs mois de séparation, privée de Mathias, de ses caresses et ses baisers ? Pour ne rien arranger, elle vient d'apprendre que sa mère ne faisait plus partie du voyage et qu'elle-même allait jouer les jeunes filles au pair, coincée entre un père pas facile à vivre et une petite sœur énergique comme une pile électrique. Si elle savait ! Là-bas, Margaux va s'émerveiller devant ses premières feuilles d'érable rouges, les momiji, les fleurs de camélia et les temples illuminés. Elle va rencontrer Éric Dufay, jeune photographe au sourire carnassier et aux yeux pétillants qui a un don certain pour l'agacer. Là-bas, l'automne va passer plus vite que prévu.


    Auteur : Karine Reysset

     

    Edition : L’école des loisirs

     

    Genre : Contemporain

     

    Date de parution : 2010

     

    Prix moyen : 10€

     

    Mon avis : Un automne à Kyoto est un tout petit livre de moins de 200 pages mais qui m’a provoqué bien plus d’émotions que bien des pavés.
    Margaux, 16 ans, était impatiente de partir passer une saison au Japon, en famille, jusqu’à ce qu’elle rencontre Mathias et qu’elle apprenne que sa mère ne sera finalement pas du voyage.
    Or, entre son père artiste, taciturne et dépressif, incapable de passer du temps avec ses filles, et sa sœur de 4 ans, véritable pile électrique épuisante, Margaux n’est plus guère emballée par le projet.
    Arrivée au Japon, elle peine à trouver sa place. Elle est enfermée dans un rôle de petite fille par son père qui demande à un voisin de les surveiller quand il s’éloigne d’elles un quart d’heure et en parallèle, par son attitude distante, il lui demande d’endosser son rôle d’adulte pour tenir la maison et s’occuper sans cesse de sa sœur, ce qui épuise l’adolescente qui n’a pas un instant à elle.
    Très vite, elle commence à douter de la raison invoquée par sa mère (un travail) pour ne pas venir. Elle sent que son petit monde est en train de s’effondrer et communiquer avec Matthias est moins satisfaisant que prévu, le jeune homme n’étant clairement pas intéressé par tout ce qui touche Margaux. Mais une amourette d’ado de moins d’un mois peut-elle vraiment survivre à trois mois de séparation, alors qu’ils se connaissent finalement bien peu et n’ont quasiment jamais passé de moments en tête à tête, Mathias étant, comme tous les garçons de son âge, greffé à sa bande de potes ?
    Tout cela, Margaux nous le raconte trois mois après les faits. Elle nous parle donc avec un certain recul et répond souvent à nos questions au moment où on se les pose. Je l’ai trouvé très sévère envers elle-même.
    J’ai éprouvé une forte antipathie pour son père, qui se sert de ses filles comme d’armes contre son épouse. C’est le type même du gars qui veut priver sa femme de la présence de ses enfants, mais dont on sent que s’occuper de sa fille de 4 ans le gonfle profondément, et qui compte donc sur sa fille adolescente pour gérer tout ça, sans se préoccuper de si cela met la jeune fille en difficulté pour travailler ses cours (CNED).
    Du moment que Môssieu a la paix !
    En revanche, j’ai vraiment beaucoup aimé la mère, bien qu’on ne la voie qu’à travers ses lettres et quelques appels téléphoniques. J’ai particulièrement aimé la lettre qu’elle envoie à Margaux pour lui expliquer la situation tout en indiquant clairement que les choix qu’elle fait en tant que femme ne regardent qu’elle. C’est important car même si sa fille lui en veut sur le moment, c’est une manière de lui dire : ce n’est en rien ta faute, tu n’as aucune responsabilité dans cette histoire, c’est une décision personnelle.
    Quant à Éric, le photographe, je n’ai rien pensé de particulier de lui. C’est un homme à un tournant de sa vie, s’engageant sur un chemin dont il n’est pas sûr. Une certaine faiblesse sous ses airs de bad boy qui lui permet de se laisser émouvoir par l’adolescente. Par un mauvais bougre, pas un héros romantique non plus.
    Il n’a d’intérêt qu’en cela où il permet à Margaux de se découvrir elle-même.
    L’écriture est poétique. Dans les réflexions de Margaux, on trouve des haïku, des listes aux titres à rallonge…
    La description de Kyoto est zen, on croirait voir une carte postale, et c’est presque à regret qu’on referme ce livre plein d’émotions et de mélancolie (et qu’on se dit qu’on va économiser pour aller visiter Kyoto !)

     

    Un extrait : Cette salle, sans porte ni fenêtre, ouverte sur la nature, donnant sur cyprès immense soutenu par une dizaine de tuteurs aussi épais que des troncs d’arbres, invite à la méditation, à la réflexion ; trois minutes, une heure, sept ans, une décennie, pour repenser à tout ce qui s’est passé ces trois derniers mois. Cet arbre-là est là depuis près de huit siècles, qui suis-je face à lui ?
    Margaux, seize ans et demi en théorie, une sœur de quatre printemps, des parents qui s’aiment, des parents qui se séparent, un amoureux, deux amoureux (plus d’amoureux ?). Je pourrais très bien être née de la dernière pluie ou avoir déjà traversé les millénaires accrochée au dos d’un éléphant ou d’un papillon, me ballottant au gré du vent.

     

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