Lecture terminée le : 03 août 2019
Résumé : "Il faut que je vous dise... J'aimerai annoncer que je suis le héros de cette histoire, mais ce serait faux. Je ne suis qu'un morceau du gâteau, même pas la cerise. Je suis un bout du tout, un quart de la famille. Laquelle est mon nid, mon univers depuis l'enfance, et mes racines, même coupées. Tandis que ma frangine découvrait le monde le cruel le normal et la guerre, ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates. C'est à moi que revient de conter nos quatre chemins. Comment comprendre, sinon ?"
Auteur : Marion Brunet
Edition : Sarbacane
Genre : Jeunesse
Date de parution : 2013
Prix moyen : 15€
Mon avis : Ce livre c’est avant tout l’histoire d’une famille.
Joachim, l’aîné, nous raconte l’histoire de sa vie, celle de sa sœur surtout, mais aussi celle de ses mères.
Premier né dans cette famille homoparentale, Joachim a toujours été très préparé par ses mères à affronter le regard des autres, leurs commentaires pas toujours intelligents, parfois méchants, en un mot, à affronter la bêtise et l’intolérance.
Peut-être un peu trop rassurées par le fait que tout s’est bien passé pour leur fils, et prises chacune par de profonds problèmes personnels, Julie et Maryline n’ont pas préparé leur fille, Pauline, avec autant de soin.
Le problème est que l’entrée au lycée de Pauline ne se passe pas aussi bien que celle de son frère.
Elle refuse de parler de ses problèmes à ses mères pour ne pas faire peser davantage de pression sur leurs épaules.
En effet, un événement soudain fait que Julie pense beaucoup à sa mère, laquelle refuse de la voir depuis 20 ans à cause de son homosexualité.
Maryline, elle, éducatrice dans un foyer pour ado en difficulté, vit de plus en plus mal son travail, entre violence et coupes budgétaires incessantes.
Joachim raconte un peu tout ça, se fustigeant un peu de ne pas avoir vu plus vite les problèmes de sa sœur.
Au fil de l’histoire, Joachim nous révèle certains événements marquant de son enfance vis-à-vis de sa situation familiale.
Mais il faut dire que ce n’est rien à côté de ce que subit Pauline. Ce livre parle d’homoparentalité, d’homophobie, de harcèlement scolaire, de dépression un peu, effleure le burn out, de tolérance et d’intolérance… Mais surtout, il parle d’amour. De l’amour inconditionnel que se porte les quatre membres de cette famille, des amours naissantes de Joachim puis de Pauline.
Le roman démontre que l’homophobie a lieu de plus en plus tôt. Joachim n’avait affaire quasiment qu’à des adultes qui avaient ce genre de comportement, Pauline, elle, est confrontée à des ados de 14/15 ans qui ne connaissent rien de la vie, de l’amour mais qui ont déjà ce jugement négatif de ce qu’ils perçoivent comme une différence.
Parmi les professeurs, tout sont témoins de ce qu’il se passe, mais n’interviennent pas de peur de « se mettre les parents à dos ». Le seul à bouger est le prof de sport, qui va du coup s’attirer les foudres de ses collègues, l’accusant de tenir un discours pro-gay alors qu’il n’exige que le respect de l’autre de la part de ses élèves.
Marion Brunet arrive à donner un langage oral naturel à ses personnages (Il y a d’ailleurs des passages assez drôles dans les discussions entre potes). Sa plume est vraiment prenante. Je serais curieuse de la lire dans un autre registre que la jeunesse.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, un vrai coup de cœur.
Il est d’une richesse incroyable pour un livre de moins de 300 pages.
Une chose est sûre, je relirai cet auteur avec plaisir.
Un extrait : Il m’a regardé très sérieusement, a posé une main compatissante sur mon épaule.
- Désolé pour toi, Joachim
- Pourquoi, exactement ?
Il a éclaté de rire comme un dément en tournant sur lui-même et s’est mis à danser sur un reggae imaginaire en chantant :
- Joachim va encore pas niquer c’t’année, oh, Jah ! C’est bien dommage mais c’est comme ça !
- Toi non plus, mon pote. T’as même pas de meuf.
- Justement ! Moi, je suis seul, disponible, libre comme le vent, chaud comme la braise. Si une petite coquine veut s’occuper de moi, je suis totalement open. Alors que toi, avec une Vraie chérie-doudou-mon-amour, t’es obligé de passer par tout un tas de trucs super chiants pour… que dalle, nada, nib. Je me trompe ?
- Des « trucs chiants », franchement je vois pas…
- Ohhh ! C’est mal de mentir ! L’an dernier, t’as jamais passé une plombe à l’écouter te parler de pourquoi elle est fâchée avec sa meilleure copine, genre parce qu’elle lui a dit ceci, ou bien cela, ou bien les deux, ou c’est autre chose ou gnagnagna ? Dis la vérité !
J’ai pas pu m’empêcher de rire.
- Alors ? Alors ? Jamais ? T’as jamais passé une plombe à la regarder essayer l’intégralité de ses fringues pour qu’elle trouve la tenue parfait pour aller, euh…manger une pizza ? Et aussi, et surtout…
Là, il a pris une pause de nana, une main sur la hanche et l’autre coinçant derrière l’oreille une mèche de cheveux imaginaire. D’une voix traînante et sexy (enfin, c’était le but recherché), il m’a demandé :
- Est-ce que tu m’aimes, Joaquim ? Est-ce que tu m’aime vraiment ?
Il a encore accentué son regard minaudant.
- Mais vraiment-vraiment ? Fort comme ça ? Tu ferais quoi pour moi ?
Et il s’est avachi d’un coup, comme effondré.
- Joachim, mon ami, mon frère, je ne sais pas comment tu fais.
- T’es pourri de dire ça, quand même… C’est ta pote, Blandine.
- Oui, mais ça n’a rien à voir justement. Les filles, quand c’est tes potes, elles sont normales, tu peux parler de trucs normaux avec elles. C’est après que ça fait flipper.