Titre original : Le noir (te) vous va si bien
Réalisé par : Jacques Bral
Date de sortie : 05 décembre 2012
Genre : Drame
Pays d’origine : France
Durée : 1h28
Casting : Sofiia Manousha, Lounes Tazairt, Souad Amidou, Samlim Kechiouche, Julien Baumgartner, Grégoire Leprince-Ringuet…
Résumé : Une famille orientale émigrée, en Europe. Moncef, le père, porte en lui la souffrance du déracinement et le poids de "l’ailleurs". Sauvegarder sa culture, vivre dans le respect des traditions, c’est pour lui, plus qu’une règle de vie, une manière de rester fidèle à son passé, à son origine et surtout… à lui-même. Chaque matin, Cobra, sa fille, quitte la maison familiale. Voilée. Mais chaque matin, elle se change, dans un café, son refuge à elle ; avant de se rendre à son travail, la chevelure et l’esprit libres. A la maison, Moncef est inquiet : Cobra est encore célibataire et il voudrait bien la marier au plus tôt. Dans l’entreprise où Cobra travaille, le jeune patron est tombé amoureux d’elle. Il est prêt à tout pour l’épouser. Mais Cobra, elle, veut choisir, comme sa mère l’avait fait en son temps avec son père. Elle n’aura pas le temps de présenter "l’homme de sa vie" à ses parents. Un ami de son père les surprend.
Mon avis : Le film s’ouvre sur une cellule de prison au son d’une balle qui rebondit sur le mur. Emprisonné, Moncef, le père de famille, déclare qu’il n’aurait jamais du quitter son pays.
Au parloir sa femme, qui lui hurle : « mais qu’est ce que tu as fait » et son fils, qui ne parvient pas à soutenir le regard de son père.
Oui, qu’est ce que Moncef a fait ? Pour le comprendre, il faut revenir plusieurs semaines ou plusieurs mois en arrière.
Chaque jour, quand sa fille Cobra quitte la maison pour se rendre à son travail, Moncef s’assure qu’elle est correctement voilée.
Mais Cobra, qui est née en France, est prise entre les traditions que veut conserver son père et la vie occidentale, et, chaque jour, à mi-chemin de son travail, elle retire son voile.
Dès le début, on sait qu’un drame se profile (On se doute bien que le père n’est pas emprisonné pour rien). Pendant le film, le réalisateur a recours à des flash-back sans qu’aucun signe temporel ne soit donné, ce n’est qu’après coup qu’on comprend que telle scène était un flash-back quand on la voit dans la continuité de l’histoire. Etrangement, cela ne perturbe pas le déroulé du film, on est comme happé dans l’histoire, on espère, tout en sachant que c’est en vain, que quelque chose, n’importe quoi, va venir empêcher l’inéluctable.
Le point fort du film est qu’il ne fait jamais réellement référence à la religion. La religion n’est pas ici utilisée comme « excuse » pour les évènements. C’est une histoire humaine, dans laquelle Dieu n’a pas pris part.
Moncef est dans la contradiction perpétuelle : il veut préserver les traditions de son pays, mais il a choisi de le quitter pour un pays où il sait fort bien que les femmes sont libres de leurs choix ; il a épousé la mère de Cobra en défiant lui-même les traditions (elle venait d’une famille riche et il a refusé dot et trousseau), il est heureux que sa femme ait su imposer le choix de l’homme qu’elle aimait à son père, mais il refuse à sa fille le droit d’avoir le même choix et prospecte pour lui trouver un mari sans envisager de la consulter…
Il y a une certaine hypocrisie que les personnages ne remarquent sûrement même pas. Chacun d’eux, son père et son frère, souhaite le bonheur de Cobra. Mais elle doit être heureuse à leur manière, dans les frontières que leurs traditions lui imposent (son père veut qu’elle se marie parce que « la pire chose au monde c’est la solitude »). Sa mère voudrait qu’on accorde à sa fille un peu plus de liberté.
Cobra elle-même est partagée : elle aspire à la liberté occidentale et d’un autre coté, elle a certains principes auxquels elle n’est plus bien sûre de croire : ne pas boire d’alcool, ne pas sortir avec un garçon, ne pas porter de tenue sexy…
Quand Moncef se sent dépassé, il va voir son fils, car, comme il est né en occident, il se dit qu’il pourra lui expliquer certaines choses.
Le film montre comment un mélange de désir d’émancipation, de traditionalisme, une rumeur et un manque de communication peuvent mener à un drame qui détruira toute une famille.