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Biographie et Témoignages - Page 5

  • [Livre] Mon père m'a vendue

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    Résumé : Nuala a 16 ans, un petit ami et une folle passion pour un chanteur à la mode. Elle est une adolescente comme les autres jusqu’au jour où son père décide de la marier à l’un de ses riches clients... un veuf de 65 ans, contre 2 500 livres et une voiture. Tout le monde réprouve cette union, mais personne n’ose s’opposer au cruel patriarche. Attachée, violée et battue, Nuala attendra vingt-deux ans avant de raconter son histoire.

     

    Auteur : Sean Boyne

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2013

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Voici un livre qui rappelle qu’il n’y a pas que dans les pays du Moyen-Orient que les mariages forcés existent. Ici, l’histoire se passe dans l’Irlande catholique des années 70. Tout le monde désapprouve, mais personne ne fait rien pour protéger Nuala. Le seul qui aurait pu intervenir, le prêtre, ne savait pas qu’il célébrait un mariage forcé.

    Au moment de son mariage, Nuala en « profite » pour quelques petits actes de rébellion dérisoires : elle fume devant son père qui le lui a interdit, et quand celui-ci lui ordonne, avec une violence verbale inouïe d’écraser sa cigarette, elle lui répond qu’il n’a plus d’ordre à lui donner puisqu’elle est mariée. Ce sont des actes sans importance qui, s’ils la soulagent un peu de sa colère sur le moment, ne changeront rien à l’avenir qui se profile devant elle.
    Sa mère va essayer de la réconforter en lui disant qu’elle sera ainsi dégagée de l’autorité de son père. C’est vrai que Dan a tout pour plaire : alcoolique, violent, menteur, pédophile… La mère Josey a trop peur pour s’interposer et s’opposer à ce mariage, même si elle tente de faibles protestations.

    Mais son père espère trop pouvoir faire main basse sur l’héritage de Paddy, le vieux mari, pour relâcher son autorité sur sa fille. Car même si c’est elle l’héritière, il n’a pas l’intention de la laisser profiter de quoi que ce soit et compte bien hériter lui-même par procuration.
    Les évènements, en  particulier la loi qui ne reconnaît pas le viol entre mari et femme, détourne Nuala à la fois de son pays mais aussi de la religion catholique, qui, ni l’un ni l’autre n’ont été capable de la protéger.
    Le journaliste que Nuala a contacté pour raconter son histoire attendait cette occasion depuis 22 ans. C’est lui à l’époque qui avait relaté l’affaire dans le journal et la jeune fille avait envoyé un démenti concernant le coté « forcé » de son mariage. Le journaliste avait toujours été persuadé qu’elle avait été forcée à l’écrire.

    C’est par hasard que lorsqu’elle a appelé pour raconter cette histoire, ce soit ce même journaliste qui décroche le téléphone. Dès ses premiers mots, il a compris à qui il avait à faire.
    Le style est un peu hésitant. L’auteur passe du passé au présent sans la moindre indication de temps : il n’y a jamais un Aujourd’hui Nuala sait, ou Avec le recul, Nuala comprend… Les changements de temps sont abrupts, parfois sans même un retour à la ligne.
    Mais le livre est court et, du coup, on arrive à passer au dessus de ce manque de fluidité dans l’écriture pour se concentrer sur l’histoire.

    Un extrait : Le vieil agriculteur se tenait près du bel escalier en calcaire du perron tandis que la camionnette arrivait dans un bruit sourd de ferraille qui tranchait avec la tranquillité des champs. La demeure possédait deux étages au-dessus d’un sous-sol qui avait autrefois abrité les quartiers des domestiques. Le propriétaire des lieux arborait une tenue classique : pantalon défraîchi, vieille veste de costume, chemise à carreaux, chapeau cabossé et bottes en caoutchouc.

    — Comment ça va, patron ? lança Dan en sortant du véhicule.

    — Pas mal, répondit l’homme.

    Dan, en excellent vendeur, ne tarda pas à le convaincre qu’il était temps de constituer des réserves de charbon pour l’automne, et parvint à ses fins. Le fermier, de bonne taille, avait encore belle allure malgré son âge. Nuala perçut cependant une certaine dureté ou cruauté dans ses traits burinés. D’emblée, elle se méfia de lui. Un ouvrier agricole d’une cinquantaine d’années, Sylvester, un homme au front luisant et au regard perçant, travaillait avec le vieux fermier. À l’idée que cette maison angoissante et isolée était habitée par ces deux hommes, Nuala se sentit encore plus mal à l’aise. Elle voulait repartir au plus vite.

    — Très bien, commence à décharger les sacs, ordonna Dan avec un sourire satisfait.

    — Oui, papa.

    Le vieux fermier redoubla d’intérêt pour Nuala en la voyant soulever les gros sacs de charbon avec Sylvester.

    — C’est un garçon ou une fille ? demanda-t-il à Dan.

    — Une fille, répondit-il. La mienne.

    Sylvester, lui, semblait l’avoir compris dès le début. Il observait Nuala de pied en cap. Quant à Paddy McGorril, cette révélation parut piquer sa curiosité. « Qu’est-ce qui leur prenait, à ces types ? pensa Nuala. Ils n’avaient donc jamais vu de filles ? »

    Quand ils eurent terminé de décharger, le fermier invita Dan à entrer. Son hospitalité ne s’étendit pas à Nuala. Ce n’était qu’une fille, après tout, pourquoi l’associer à une « discussion entre hommes » ? Elle alla attendre patiemment dans la camionnette.

    Quand Dan et le fermier finirent par sortir de la maison au bout d’un temps considérable, elle remarqua que son père souriait. Cela n’arrivait pas souvent – seulement quand il gagnait de l’argent ou qu’il arnaquait un pauvre diable. Elle se demanda ce qui avait bien pu se passer.

    Les deux hommes s’approchèrent de Nuala.

    — Enlève ton chapeau et arrange tes cheveux, lui demanda son père.

    Nuala s’exécuta, laissant retomber ses longs cheveux sur ses épaules. Paddy sembla impressionné.

    — Oh, joli brin de fille, dit-il en la regardant.

    Nuala sentit que les deux hommes avaient parlé d’elle. Son père avait une haleine de whisky — manifestement, l’agriculteur lui avait réservé un accueil généreux. Avaient-ils trinqué ensemble ?

    Nuala avait passé le bras par la fenêtre de la camionnette. Il se produisit alors une chose étrange. Paddy se mit à lui tâter les muscles et à la détailler du regard.

    Elle eut l’impression qu’il l’observait comme un éleveur évaluerait du bétail sur un marché aux bestiaux. Son père souriait toujours. L’ouvrier agricole la dévisageait, lui aussi ; elle le regarda avec méfiance. « Mon Dieu, ils sont bizarres », se dit-elle. Une idée lui passa par la tête : son père avait peut-être négocié un travail pour elle dans cette ferme. Allait-elle devenir manœuvre ? « Hors de question que je vienne travailler ici avec ces deux-là », pensa-t-elle. Tous les hommes lui inspiraient une certaine crainte, à l’époque, et elle n’avait qu’une envie : quitter au plus vite ce drôle d’endroit.

    Elle saisit quelques bribes d’une étrange conversation entre Paddy et son père, mais l’ouvrier commença à lui parler d’une voix traînante, ce qui l’empêcha de comprendre ce que les deux autres hommes se disaient. Elle entendit le fermier expliquer à son père, avec un fort accent rural :

    — On s’occuperait bien d’elle. Elle ne manquerait de rien. Il n’y aurait pas de sexe, rien de physique. Ce serait juste pour me tenir compagnie, vous voyez. Elle aurait de l’argent et, à ma mort, un bel héritage.

    Il raconta que sa femme était morte deux ans plus tôt et que ses enfants, devenus adultes, avaient quitté le foyer. Il avait envie d’avoir quelqu’un à ses côtés. Tout en parlant, les deux hommes lui lançaient des regards en coin. Le fermier cherchait manifestement une femme.

    Le père de Nuala, qui avait alors une cinquantaine d’années, serra la main de cet homme plus vieux que lui et monta dans la camionnette.

    — Tu le vois, lui ? lui lança-t-il d’un air détaché. C’est ton futur mari.

     

  • [Livre] Marion, 13 ans pour toujours

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    Résumé : Marion Fraisse était une bonne élève gaie, charmante, généreuse, pleine d’avenir. Elle rêvait de devenir architecte, et vivait heureuse avec ses parents, son frère et sa sœur en banlieue parisienne. À 13 ans, le 13 février 2013, elle s’est suicidée en se pendant à un foulard, dans sa chambre. Elle a laissé une lettre adressée à ses camarades de classe pour leur expliquer que, cette fois, ils étaient allés trop loin dans les insultes et les violences. Une lettre d’une douceur poignante, dans laquelle la collégienne s’excuse presque de ne pas être à la hauteur : « OK, je n’ai pas réussi à dire tout ce que j’avais sur le cœur mais maintenant je le fais, même si mon cœur ne bat plus ». L’absurdité effroyable de ce geste aurait-elle pu être évitée ? Nora Fraisse, la mère de Marion, en est convaincue. Elle avait demandé à ce que sa fille, qui s’était fait huer pour avoir demandé le silence pendant un cours et lui avait fait part du mauvais climat qui régnait à l’école, change de classe. Mais le système scolaire ne sait gérer les problèmes de harcèlement scolaire que lorsque des adultes, enseignants ou administratifs, sont assez courageux ou responsables pour les endosser.

     

    Auteur : Nora Fraisse

     

    Edition : Calmann-Levy

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 21 janvier 2015

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Je ne sais plus qui m’a parlé de ce livre en me disant : « lis le, tu vas pas en revenir ». Et c’est vrai, je n’en suis pas revenue.
    Autant le suicide de Marion, je le comprends, car, s’il est vrai que c’est un drame, cette petite a été poussée à bout et malheureusement, le suicide des plus jeunes est en constante augmentation, autant ce que je ne comprends pas, c’est l’attitude des adultes.
    Que les parents veuillent protéger leurs enfants, d’accord, mais ont-ils conscience que non seulement leurs enfants ont provoqué la mort de quelqu’un mais que ce genre d’attitude finira par leur revenir en pleine figure ? Ma mère m’a toujours dit : « On trouve toujours plus fou que soi ». Un jour, ils s’en prendront à la mauvaise personne, quelqu’un qui se foutra de discuter, de parler au principal, d’avoir affaire à des jeunes, quelqu’un qui leur fera passer l’envie de jouer à la petite Mafia.
    Et ces parents qui ont osé reprocher à Nora Fraisse sa recherche de la vérité, ne voudraient-ils pas comprendre, si la même chose arrivait à leur enfant ? Se contenteraient-ils de se terrer dans un coin et de ne pas faire de vague ?
    Cette bande de petits cons ne semble même pas avoir conscience de la gravité de leurs actes et de la situation. Quel genre d’adultes vont-ils devenir ? Voulons-nous vraiment de ce genre de personnes dans notre société ?
    J’ai lu plusieurs témoignages de parents qui affirment que les choses se sont mieux passées dès lors que les professeurs et le principal avaient clairement fait savoir à tous que le harcèlement serait sanctionné par un renvoi immédiat. Etait-ce si compliqué à faire ? Les appels à l’aide de la maman de Marion qui a demandé à plusieurs reprises à ce que sa fille soit changée de classe étaient-ils si durs à satisfaire ? Une question d’effectif vaut-elle la vie d’une jeune fille ?
    Non seulement le collège n’a rien fait, mais il a mené une vrai campagne de terreur auprès des élèves, des professeurs, du personnel, pour que personne ne tende la main à Nora et sa famille. Comme quoi, quand il veut faire cesser un comportement, le principal y arrive très bien, avec l’appui inqualifiable de l’Education Nationale.

    Je ne peux même pas imaginer le calvaire de Nora Fraisse, de son époux et de leurs deux enfants, qui, non contents de devoir vivre avec la mort de Marion, ont du entendre les calomnies et le fiel déversés sur leur fille et leur famille.
    C’est un livre très court, mais dont on ne ressort pas indemne.

    Un extrait : Le pire du pire est survenu ce jour-là, le mercredi 13 février 2013. Je suis passée au tri, comme prévu, puis chez Zahia, qui habite à dix minutes. Comme elle était en train de déjeuner avec ses enfants, mon amie a rajouté deux assiettes pour ton frère et ta sœur. On a papoté toutes les deux. Je lui ai parlé des méfaits de Facebook, de l’invasion du portable. Ton compte recensait 3 000 SMS rien que pour le mois de janvier ! J’en étais encore sidérée.

    Soudain, j’ai pensé à toi seule dans ton lit, à ces horribles messages que nous avions trouvés dans ton téléphone, neuf jours plus tôt, quand nous avions insisté pour avoir ton code secret alors que tu serrais ton appareil entre les mains, l’air bouleversé. Soudain, j’ai eu besoin de te parler, de vérifier si tout allait bien. Et si tu étais tombée de la mezzanine ? Et si tu avais glissé dans la douche ? Ton portable ne répondait pas, le fixe non plus.

    La panique m’a saisie. Il n’était pas 13 heures quand j’ai foncé dans ma voiture avec les petits. Un mauvais pressentiment m’étreignait. J’ai téléphoné comme une folle en conduisant. J’ai laissé les enfants dans la voiture en marche devant la maison et j’ai couru jusqu’à la porte, qui était bien fermée à clé, comme je l’avais laissée, ça m’a rassurée. Une fois à l’intérieur, je t’ai appelée. Le silence m’a répondu.

    J’ai grimpé les escaliers quatre à quatre. Tu n’étais pas dans la salle de bains. La porte de ta chambre était fermée, quelque chose empêchait d’entrer. J’ai cru que tu étais recroquevillée derrière, pour m’empêcher de pénétrer sur ton territoire. Mais j’ai poussé plus fort, c’était ta chaise de bureau qui bloquait. Ces secondes-là ont duré une éternité. Pousser encore, dégager l’accès… Et je t’ai vue.

     

  • [Livre] La fille du tigre

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    Résumé : Lorsque Torey rencontra Sheila pour la première fois, celle-ci refusait de parler, et ne communiquait qu’à travers ses explosions soudaines de violence et de destruction.
    Au terme de cinq mois intenses, Torey remporta la bataille et réussit à la faire accepter dans une classe normale.
    Torey ne revit pas Sheila avant que celle-ci n’ait 13 ans. A son plus grand étonnement, Sheila n’avait que peu de souvenirs de leurs extraordinaires moments passés ensemble. Tandis que Torey s’efforçait de renouer avec l’adolescente, les souvenirs ont lentement refait surface, amenant avec eux sentiments d’abandon et hostilité.

     

    Auteur : Torey Hayden

     

    Edition : Presse de la cité

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 1995

     

    Prix moyen : 30€

     

    Mon avis : Ce livre est la suite peu connue de « l’enfant qui ne pleurait pas ». Il m’a fallu des années pour mettre la main dessus et, ma foi, je ne l’ai pas regretté.
    J’ai vraiment aimé retrouver Sheila car c’est la seule enfant dont s’est occupée Torey dont on connaît autant la suite de l’histoire.
    Le livre commence par un rappel des faits du premier livre avant d’approfondir les raisons qui l’ont poussée à quitter la ville et son petit ami.
    Pendant un temps, elle a eu des nouvelles régulières de Sheila par son amie Sandy qui accueillait la petite dans sa classe et par son ancien second, Anton, qui vivait toujours près de la fillette. Mais très vite celle-ci et son père déménagent et Torey perd tout contact.
    Longtemps elle a essayé de la retrouver en vain et en a été très affectée.
    Viennent ensuite les raisons qui l’ont poussée à écrire « L’enfant qui ne pleurait pas ». Déterminée à faire lire le livre à Sheila pour avoir son accord pour la publication, elle reprend ses recherches et cette fois, retrouve la trace de la gamine.
    7 ans se sont écoulées et c’est une adolescente de près de 14 ans qu’elle retrouve.
    Première surprise pour Torey, si Sheila se souvient d’elle, elle a quasiment tout oublié de ses mois passés dans la classe spécialisée.
    Les souvenirs vont peu à peu remonter à la surface, mais Sheila, toujours aux prises avec les mêmes problèmes, confond les situations et particulièrement mélange l’abandon par sa mère et le départ de Torey.
    Le plus dur pour l’institutrice est de se rendre compte que non seulement les problèmes de Sheila ne se sont pas arrangés après son passage dans sa classe, mais qu’en plus elle n’a pas vu que la fillette, à cette époque, subissait des agressions chez elle.

    Malgré une certaine hostilité de la part de Sheila et de son père, Torey est bien décidé à ne pas abandonner une nouvelle fois l’adolescente à son sort.
    Sheila n’est plus violente comme dans le premier livre, elle choisit maintenant de fuir les situations conflictuelles en fuguant.
    L’opinion qu’elle a d’elle-même est désastreuse ce que Torey a du mal à supporter.
    Sheila l’accuse aussi d’avoir dressé un portrait d’elle-même trop lisse, trop parfait alors qu’elle pense que son institutrice a commis des erreurs qu’elle s’est bien garder de révéler dans son livre.
    J’ai bien aimé connaître la suite de l’histoire de Sheila et surtout de la suivre jusqu’à l’âge adulte.
    C’était une vraie conclusion à l’histoire de Sheila, même si celle-ci ne faisait que commencer.

    Un extrait : Sheila allait avoir quatorze ans quand je finis par la localiser. Il y avait sept ans que je ne l’avais pas vue, soit la moitié de sa vie, et, hormis le poème qu’elle m’avait envoyé deux ans plus tôt, elle ne s’était jamais manifestée. Elle vivait à nouveau avec son père. Ils habitaient dans la grande banlieue de Broadview. Après une conversation téléphonique avec lui, je demandai si je pouvais venir la voir.
    Ils habitaient une petite bâtisse dont la peinture marron s’écaillait, dans un quartier défavorisé où les jardins étaient jonchés de carcasses de voitures et d’appareils ménagers rouillés. Toutefois, comparé au camp de saisonniers où avait vécu Sheila, l’endroit était luxueux.

    Je frappai à la porte. Un long moment passa. Il n’y avait aucun bruit à l’intérieur. Je m’aperçu avec surprise que je tremblai d’émotion. Tandis que j’attendais, tous les fantômes du passé resurgissaient devant moi. Et je les entendais si distinctement…L’écho d’un rire d’enfant, des cris, des hurlements, les bruits de la classe, et puis le souffle du silence, lugubre, sinistre, que j’avais senti passer sur moi alors que je me tenais sur le seuil de la baraque en carton goudronné qui avait servi de maison à Sheila dans le camp de saisonniers…Puis, je revins brusquement au présent. Des pas se rapprochaient de la porte. Et elle s’ouvrit.
    Je ne crois pas que j’aurais reconnu le père de Sheila si je n’avais pas tenu pour acquis que ce serait lui qui m’ouvrirait. En sept ans, il avait terriblement changé. Le buveur courtaud et obèse dont je me souvenais avait disparu. L’homme qui venait de m’ouvrir la porte était mince, d’allure athlétique et, ce qui est plus frappant, avait l’air jeune. J’avais une vingtaine d’années la dernière fois que je l’avais vu, et j’avais toujours pensé qu’il appartenait à la génération de mes parents. Et voilà que je découvrais, choquée, qu’il était, en fait, à peine plus âgé que moi.

     

  • [Livre] L'enfant qui ne pleurait pas

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    Résumé : Sheila, six ans, a enlevé un bébé, l’a ligoté à un arbre et a mis le feu. Il est dans un état critique et la coupable a été arrêtée.
    C’est elle que Torey voit apparaître dans sa classe d’enfants inadaptés. La police ne peut plus rien et l’hôpital psychiatrique l’a rejetée.
    Alors commence une lente approche entre la jeune pédagogue et l’enfant sauvage qui dit toujours non et ne pleure jamais. Des gestes, des mots, des jeux…et Sheila se révèle sensible, intelligente.
    Chaque soir, hélas ! elle retrouve son taudis, son père irresponsable et violent.
    Saura-t-elle jamais pleurer…et rire ?

     

    Auteur : Torey Hayden

     

    Edition : J’ai lu

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 1982

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : Ce livre est le premier livre de Torey Hayden que j’ai lu. Dès les premières pages, j’ai été littéralement happée par le style, l’écriture et bien sûr l’histoire.

    On ressent bien le fatalisme de Torey, quand elle dit qu’elle aurait du se douter que Sheila échouerait dans sa classe.
    Il faut dire qu’elle est spécialisée dans l’enseignement auprès des enfants dits « à problèmes » : autisme, mutisme volontaire, tentative de suicide, accès de violence, les raisons qui amènent les enfants dans la classe de Torey ne manquent pas.
    Pour Sheila, le placement est temporaire. Elle n’est censée rester dans la classe spécialisée que le temps que se libère pour elle une place à l’hôpital psychiatrique.
    Malgré l’hostilité que montre la fillette, Torey refuse de se contenter d’être une gardienne de prison et va tout faire pour faire classe à Sheila comme aux autres gamins.
    Le plus dur dans ce roman est de voir la facilité avec laquelle la plupart des adultes balaient la vie de Sheila comme si elle ne valait rien.
    Quand Torey décide de se battre contre l’envoi de la gamine en hôpital psychiatrique, peu de personnes la soutiennent d’abord, l’accusant même d’outrepasser ses fonctions (même s’ils reviennent sur leurs dires pour la plupart).
    Personne, à part Torey, ne semble s’être donné la peine de connaître le passé de Sheila et pourtant, à seulement 6 ans, elle a vécu plus d’épreuves que la plupart des gens.
    Sheila ne pleure peut-être pas, mais je l’ai fait pour elle car je n’ai pas arrêté du début à la fin.
    Au-delà de l’histoire de Sheila, on voit le combat de Torey pour que ces enfants dits « particuliers » cessent d’être considérés comme quantité négligeable par la société (le meilleur exemple étant le médecin qui refuse d’anesthésier un enfant autiste avant de le recoudre car « ces gens là ne sentent pas vraiment la douleur »).
    On ne peut être que touché, à la fois par Sheila et pour Torey, pour qui une année réussie se solde par un petit garçon autiste qui dit enfin « Maman ».

    Un extrait : J’aurais du m’en douter.
    C’était un article très court, juste quelques paragraphes coincés en page six sous les bandes dessinées.
    Il parlait d’une petite fille de six ans qui avait kidnappé un enfant du quartier. Par cette froide soirée de novembre, elle avait emmené le gamin de trois ans, l’avait attaché à un arbre d’un bosquet voisin puis avait mis le feu. L’enfant était à l’hôpital, dans un état critique. La petite fille avait été appréhendée.
    Je lus l’article de l’œil indifférent dont je parcourrais le reste du journal, avec un vague sentiment d’indignation sur l’évolution de la société.
    Plus tard, au cours de la journée, il me revint en mémoire tandis que je faisais la vaisselle. Je me demandai ce que la police avait fait de la petite fille. Pouvait-on mettre une enfant de six ans en prison ? J’eus quelques visions Kafkaïennes de la gamine errant dans la vieille prison sinistre de la ville. Mais j’aurais du m’en douter.
    J’aurais dû me douter qu’aucun enseignant n’accepterait dans sa classe une élève ayant un tel antécédent. Qu’aucun parent ne voudrait que son enfant côtoie à l’école une fillette de ce genre. Que personne ne la laisserait se promener en liberté.
    J’aurais dû me douter qu’elle finirait par échouer dans ma classe.

     

  • [Livre] Pourquoi m'ont-ils fait ça?

    La faute doit-elle être portée par celui qui a commis l’acte le plus violent ? Ou faut-il chercher plus loin ?

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    Résumé : Abandonnée par sa mère à la naissance, Anya est confiée à son oncle. La fillette grandit dans la peur de cet homme violent. Dès l'âge de six ans, le cauchemar commence : Anya est battue et humiliée. Elle pense que sa vie ne peut pas être pire. Jusqu'au jour où celui qui est devenu son « père » la viole devant les autres enfants. Et personne ne dit rien. Anya devient alors le véritable souffre-douleur de la famille. Un jour, celle que tout le monde appelle « la putain » n'en peut plus. Elle décide de s'enfuir et se retrouve sans-abri, à devoir survivre dans la rue. Après de si longues années d'abandon et de souffrances, comment reconstruire une vie ? Le terrible témoignage d’une petite fille dont l'enfance a été ravagée.

    Auteur : Anya Peters

    Edition : Editions city

    Genre : Témoignage

    Date de parution : 2012

    Prix moyen : 17,49€

    Mon avis : Le quatrième de couverture de ce livre est une véritable honte car il ne reflète absolument pas le bouquin.
    Tout d’abord Anya n’a pas été à proprement dit abandonnée par sa mère, mais est confiée à sa tante pour des raisons particulières à l’Irlande catholique dans laquelle existaient encore les couvents des sœurs madeleine.
    Aucun viol n’a jamais lieu devant les autres enfants, mais deux d’entre eux vont surprendre des choses. Mais le reste de la famille ne sait absolument rien. Et lorsque celle qu’elle appelle « maman », sa tante, le découvre, elle fait ce qu’il faut pour y mettre un terme.
    Mais le calvaire d’Anya ne va pas s’arrêter là.
    Exclue de la famille parce qu’elle rappelle par sa seule présence ce qu’il s’est passé, elle est envoyée en internat. S’ensuivent quelques années relativement normales mais après ses études, Anya, qui a été conditionnée à se voir comme une moins que rien va être entraînée dans une relation toxique et c’est cette relation qui va la conduire à vivre dans la rue. Ça et la trahison de tout son entourage. Si son oncle s’est montré violent et abusif, le reste de la famille s’est montré d’un égoïsme sans nom et c’est cela, plus encore que les horreurs qu’elle a subi aux mains de ce monstre qui va détruire la vie d’Anya.
    Au final, toutes les mains qui lui seront tendues le seront par de parfaits inconnus.
    C’est grâce à ces inconnus autant qu’à sa volonté de fer, même si elle a parfois l’impression qu’elle ne s’en sortira jamais, qu’Anya va relever la tête et s’en sortir.

    J’ai bien aimé le fait que, pour une fois, on ne se retrouve pas dans une histoire où tout est bien qui finit bien une fois que le père/oncle/beau-père maltraitant est mis hors d’état de nuire. Ce livre montre bien comment les choses qui se sont déroulées dans l’enfance peuvent affecter la vie entière de la victime, surtout quand elle n’obtient pas le soutien dont elle a besoin.
    L’oncle est un vrai monstre, un monstre au visage découvert, mais l’attitude de Brendan (oui pour savoir qui c’est il faudra lire le livre, sinon, j’en dis trop !) m’a semblé, dans un sens, encore plus méprisable. L’oncle a malmené le corps d’Anya mais Brendan lui, l’a peut être trahie d’une façon pire encore, peut être parce qu’Anya n’avait rien à attendre de son oncle alors qu’elle comptait sur Brendan et lui faisait confiance. Quant à Kathy, la mère biologique, si je comprends son attitude du début (il suffit de connaître l’existence des couvents des sœurs madeleine pour la comprendre) je trouve qu’elle a ensuite été lamentable.
    Bref en un mot comme en cent, je pense que ce n’est pas la maltraitance et les viols qui ont le plus détruit Anya, mais tout ce qui s’est passé ensuite !

    Un extrait : Maman n’était pas ma vraie mère. C’était sa plus jeune sœur, Katherine, que tout le monde appelait « Kathy ». J’ai l’impression de l’avoir toujours su. De toute façon, mon oncle, que j’avais fini par appeler « papa » comme mes frères et sœurs, n’aurait jamais permis que cela reste secret. Il saisissait la moindre occasion pour me rappeler que maman n’était pas ma vraie mère, que je ne faisais pas partie de leur famille et qu’un jour ou l’autre, j’allais être renvoyée chez ma « pute de mère, en Irlande ».

    Kathy avait douze ans de moins que maman et était très belle. Elle était mince et élégante. De longues boucles cuivrées lui tombaient dans le dos, et ses yeux étaient pratiquement bleu marine. Elle avait les mains les plus petites que nous ayons jamais vues, mes frères, mes sœurs et moi, chez un adulte ; des mains de poupée, avec de grands ongles oblongs arborant toujours une teinte rose nacré. Cette femme me fascinait par sa beauté, son calme et sa gaieté, par son léger accent irlandais et la douceur qu’elle me manifestait. Mais je me méfiais également d’elle, et j’étais constamment sur mes gardes, déterminée à garder une certaine distance avec elle. Déterminée à ce que maman voie que c’était elle, ma mère, et non sa sœur Kathy.

    Pendant des années, Kathy a porté un bracelet en or lourd de breloques qui cliquetaient chaque fois qu’elle remuait le bras, et, à chacune de ses visites, elle en arborait toujours une ou deux nouvelles. Mes frères et sœurs se rassemblaient autour d’elle et choisissaient leur préférée. L’un de mes plus anciens souvenirs est de regarder du coin de l’œil mon frère Liam, dans son pyjama à rayures, blotti dans ses bras devant la télé, dans le petit salon de notre appartement. Il soulève le bras de Kathy et, d’un air endormi, passe en revue chaque breloque en essayant de choisir sa préférée entre le Parlement et un chat avec de minuscules yeux incrustés de diamants. Je regarde la petite main de Kathy caresser ses cheveux blonds, ses boucles rousses tombant sur la poitrine de Liam, et je me raidis soudain, encore trop jeune pour mettre un mot sur ce mélange de jalousie et de haine que je ressens en les voyant. J’ai huit mois de moins que Liam, mais mon oncle interdit à qui que ce soit de me tenir ou de me toucher ainsi.

    Kathy vivait en Irlande avec ses parents, mais je suis née en Angleterre, sur l’un des lits de la grande chambre du fond, dans l’appartement de maman. Dix jours après ma naissance, Kathy a dû retourner en Irlande et m’a laissée sous la garde de maman.

    C’était censé être seulement temporaire, jusqu’à ce qu’elle puisse revenir me chercher. Mais ce jour n’est jamais arrivé. Elle est revenue – elle nous rendait visite quatre ou cinq fois par an –, mais elle ne m’a jamais emmenée avec elle, même si, chaque fois, j’étais terrifiée à l’idée qu’elle le fasse, que se réalisent les menaces incessantes de mon oncle que, « cette fois », il s’assurerait qu’elle prenne « sa valise » avec elle.

    Maman avait trois autres sœurs. Elle était l’aînée, et Kathy, la benjamine. Kathy n’était encore qu’une enfant lorsque maman est partie en Angleterre pour faire sa vie et la seule qui restait à la maison pour s’occuper de leurs parents.

    Elle n’avait jamais eu de petit ami avant de rencontrer mon père. Je ne le connaissais pas, mais j’avais fini par découvrir que c’était un homme marié avec qui elle avait eu une liaison. C’est maman qui me l’avait raconté, un soir, lorsque mon oncle était parti se coucher après l’une de leurs fameuses disputes. On avait envoyé mes frères et sœurs au lit plus tôt dans la soirée, mais, comme souvent, mon oncle m’avait obligée à rester écouter leur conversation. C’étaient ces soirs-là, une fois qu’il était parti se coucher et avant que mes frères et sœurs ne reviennent discrètement l’un après l’autre, que maman me racontait ses anecdotes d’enfance en Irlande.

    Parfois, lorsque nous nous retrouvions seules, elle me parlait de Kathy et de la manière dont elle s’était débrouillée pour prendre le ferry jusqu’en Angleterre afin de me mettre au monde. Seule une part de moi voulait entendre ces histoires, mais, peu à peu, après toutes ces discussions et toutes ces années, et grâce aux réponses à mes questions – ou, plutôt, à celles de mes frères et sœurs –, je finissais par rassembler les morceaux de mon histoire.

  • [Livre] J'étais sportif mais ça va mieux

    Je savais bien que les sportifs étaient de grands malades

    Je remercie les éditions Société des écrivains pour cette lecture

     

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    Résumé : Et puis tout à coup, le drame. Le geste inévitable, la bavure...! Un des policiers venus en renfort est soudain pris d'une frénétique envie de dégainer. Dans un hommage ultime à John Mac Lane et à l'inspecteur Harry, il tente le coup de folie, le geste que personne n'attend et qui transforme un policier ordinaire en sauveur de l'humanité. Clint Eastwood et Bruce Willis n'auraient certainement pas fait mieux. Notre héros a le même rictus que les plus grands justiciers, ce fameux mélange de concentration avec une pointe d'arrogance et de jouissance intérieure. Les yeux concentrés sur la future victime, il se lance vers Alain Bernard d'un pas ferme et décidé. Il dégaine un stylo et se met à hurler: “un autographe pour mon fils Jonathan s'il vous plaît”!
    En cette après-midi de mars 2008, j'ai moi aussi replongé dans la maladie du sport. Je suis reparti trente ans en arrière... Retour au sport-étude, retour au début de l'histoire. Je vais tout vous dire, tout avouer, c'est promis


    Auteur : Robert Leroux

    Edition : Société des écrivains

    Genre : Témoignage

    Date de parution : 2013

    Prix moyen : 18€

    Mon avis : L’auteur, sportif de haut niveau en escrime, décrit le monde du sport professionnel.
    Tout commence lorsqu’il décide d’intégrer la section sport-étude au collège. Puis il intégrera l’INSEP. Passant du Pentathlon (qu’il décrit comme un « sport de bourrin ») à l’escrime.
    Il ira jusqu’aux jeux olympiques.
    De tout ce parcours, il garde de bon souvenirs et des moins bons mais qu’il décrit toujours avec une plume acérée et pleine d’humour. Il aborde également ce qu’il a fait après sa carrière sportive.
    D’ailleurs, en parlant d’humour, j’espère que tous ceux qu’il a croisé dans sa carrière en ont, de l’humour…Parce qu’il ne les rate vraiment pas ! S’il a une forte tendance à l’auto dérision, il n’épargne ni ses camarades, ni ses adversaires et encore moins les « officiels ».
    En réalité, il se moque de tout ce qui fait le sport de haut niveau comme de lui-même.
    Le style n’en est que plus agréable et facile à lire.

    Cependant, je trouve que le livre aurait gagné à avoir cinquante pages de moins. L’humour est bien tourné, mais un peu répétitif au bout d’un moment et j’ai fini par m’ennuyer sur les dernières pages. Peut être certains événements n’auraient pas du être autant détaillé, ce qui lui aurait permis d’aller au bout de son histoire sans provoquer de lassitude.
    Je me suis vraiment amusé pendant les 4/5ème du livre, ce qui est un bon « score », pour rester dans le sportif, pour un livre biographique humoristique…

    Un extrait Les bases, c’est le bon qualificatif pour juger mon court cursus militaire. C’est vrai qu’à l’armée, ils n’aiment pas trop les mecs malades. Quand il y a une tête qui dépasse ou un virus qui pointe, ça les rend dingues. Du coup, ils te mettent en quarantaine. Moi, on m’avait mis en quarantaine au BJ : le bataillon de Joinville situé comme son nom l’indique à Fontainebleau. C’est vrai que c’était trop simple de le mettre à Joinville-le-Pont…c’est à trois km de l’INSEP, quand c’est trop simple, le gradé est méfiant, il renifle l’arnaque. C’est comme dans les films avec Rambo, quand tout est calme ça pue l’embuscade. Même si on ne peut pas vraiment comparer le Bus de la ligne 112 (celui qui dessert l’INSEP) et un char Russe, ni le chauffeur avec Rambo d’ailleurs, force est de constater qu’il a parfois tous les attributs d’un bon boat people Viêt. Pointez-vous le matin alors qu’il est tombé une pellicule de 2 cm de neige et vous verrez bien que le chauffeur vietcong de la RATP n’aime pas les vacances à Chamonix. Il estime qu’il prend autant de risques à être au volant de sa machine infernale que Rambo quand il fonce dans le tas en défouraillant.
    Résultat : tu es obligé de rejoindre l’INSEP à pince et en traversant un bois hostile…le bois de Vincennes.
    Ne riez pas, il y a des blindées en planques dans chaque contre-allée et les potes de DSK en train de vider les chargeurs façon Inglorious Bastards. Risqué…zone hostile.

     Bref, le BJ c’est un endroit où il y a des militaires de carrière et des gard comme nous, les vérolés du sport. Du coup, pour ne pas que tu contamine les bérets verts Français, on ne te garde pas longtemps. Tu viens, on te refile une dotation dans laquelle il n’y a pas de Nike air mais en revanche il a des sortes de pataugas qui te filent de l’air sous la peau. Des ampoules comme ils disent.
    C’est moins glamour que la dotation des JO mais c’est toujours ça de pris à l’ennemi. Une fois que l’on t’a donné les pompes à ampoules, c’est bon tu peux partir. Mais attention, si jamais les Boches ou les Viêts décident d’envahir le Périgord ou le midi, maladie ou pas, il faut que tu rapplique illico pour défendre la patrie. C’est le deal.
    Comme la scoumoune me poursuit depuis le début de ma carrière de malade, forcément à un moment donné, il y a quelque chose qui va rater. Les occasions peuvent être nombreuses.
    Par exemple, il peut y avoir un colonel qui voudra se faire mousser pour passer général et qui sonnera l’alerte parce que le Rhin a été franchi par une cohorte de caravanes Allemandes en route pour les sud de la France. On n’est jamais trop prudent, on a beau avoir construit des lignes Maginot et des barrières à péages, ça ne va pas les arrêter. Finalement, le bug est venu d’ailleurs. Comme prévu, les Allemands en short nous ont envahis avec leurs caravanes. Comme prévu les Restoroutes ont été pris d’assaut et toutes leurs saucisses anéanties.
    Mais l’agression est passée inaperçue à l’état-major. Oui, ils étaient trop occupés à l’époque. Ils avaient un autre souci… On venait de leur livrer leur dernier porte-avions, le Charles de Gaulle. Le nouveau fleuron de la marine française. On en connaissait certains déjà, il y avait par exemple eu le Redoutable et le Terrible, des sous-marins dont le nom a fait flipper les guérilléros du onde entier et là, coup de bol ils leur ont livré leur petit dernier : le Charles de Gaulle.
    « Je vous ai construit » aurait-pu crier le grand Charles de son vivant ! Ceci dit, il vaut mieux qu’il soit mort. Oui parce qu’ils ont fabriqué un porte-avions avec une piste d’atterrissage trop courte… Si, si, véridique, vous pouvez vérifier.
    C’est ballot quand même ! Du coup ils se sont tous mis à recompter pour vérifier.
    Tout le monde s’y est mis, les généraux, les colonels, les gradés, les dégradés, tous. On a même vu deux pseudo-amiraux descendants directs du grand Charles, faire appel à une commission de contrôle pour recompter : la COCOE. Une officine présidée par un vieux spécialisé dans le droit soviétique.
    Vraisemblablement, la piste ne devait peut-être pas être droite non plus.
    C’est vrai qu’il valait mieux réétudier la question attentivement. Un porte-avions avec des ULM qui décollent dans une chicane c’est moins efficace…, ça dissuade moins bien les assaillants potentiels.
    Bref, pendant qu’ils étaient tous à chercher comment faire pour redresser et rallonger la piste du rafiot, forcément ils ont oublié tout le reste. Toi tu attends qu’un gradé envoie la lettre pour te libérer parce que tu es en train de préparer les JO…et l’autre est sur l’eau en train de mesurer… !

    Ca prend du temps, d’autant plus de temps qu’il faut mesurer en pleine mer parce qu’un des deux amiraux s’est barré avec le bateau en disant que c’est le sien parce qu’il l’a gagné dans une tombola…Dans la marine on appelle ça un pacha…ailleurs aussi.

    Bilan : C’est toi le couillon. Faute de dérogation, fini le BJ et direction la base aérienne de Creil pour que l’on nous enseigne à devenir des chiens de guerre. Les commandos du SAS, la Delta force à coté c’est un vulgaire camping, une maison de retraite pour papi en manque d’action. Ca va saigner aux JO…

    Heureusement qu’avec Fort-Romeu, j’avais certains acquis au niveau dortoirs et bouffe pour chiens. En revanche, à part la guerre ouverte avec la grosse Thérèse à cause des tranches de saucisson que je planquais dans mon slip, rien ne m’avait préparé à vivre le camping en milieu hostile. La tente kaki, partagée avec un copain d’infortune qui devait avoir une autre maladie très grave au niveau des pieds, ainsi qu’une espèce d’homme de Cro-Magnon qui venait juste de savoir comment il s’appelait, c’est délicat comme tout le reste de ton séjour.
    Quand tu es sportif, les caporaux, sergents et autres, ne t’aiment pas. Ils ont toujours envie de te montrer que c’est eux les plus forts et ça rejaillit forcément sur ton bien-être de bleusaille. Ils adorent te démontrer qu’ils sont capables de faire la guerre sans dormir. Ceci dit, c’est important de bien assimiler les décalages horaires et la vision nocturne.
    Il n’y a qu’à voir l’Amerloc être obligé de s’éclairer au napalm pendant que le Viêt lui tombe dessus en traître pour accepter d’être sans cesse obligé de te lever dans l’hystérie à quatre heures du matin parce qu’un adjudant voudrait te faire croire que les Boches ont passé la frontière.

    Même si leur chancelière a parfois tendance à dépasser les bornes, le mensonge est fatiguant à la longue.
    D’ailleurs, un jour, il risque d’y avoir un problème.
    C’est comme Pierre et le loup, à force de crier au loup, plus personne ne va les croire. Si un jour les Boches arrivent en caravanes à chenilles et que la moitié des soldats français reste au plumard, il ne faudra pas se plaindre !

    Bref, tout ça pouvait encore passer…mais il y a une chose que je n’ai toujours pas comprise. Pourquoi m’ont-ils décerné le titre honorifique d’aviateur alors que là où nous étions il n’y avait ni un avion, ni même les potes de Pépé Boyington ?
    Etre aviateur et passer ton temps à récurer les toilettes des gradés, ce n’est pas comme ça que tu apprends à bombarder en piqué. Les Kamikazes japonais, eux, ils ne s’entraînaient pas au maniement du manche à balai, ils allaient droit à l’essentiel. C’est tout le drame de l’armée française, les gradés croient qu’avec des toilettes propres, ça va faire peur aux adversaires et qu’ils vont se rendre illico :
    « Ok les frenchies, on a vu vos chiottes, franchement vous êtes les plus forts, on dépose les armes » Utopique !

     

  • [Livre] Danseuse et maman

    Jusqu’à quel point peut-on accepter une descente aux enfers? Quand on est seule face à un monstre, a-t-on une chance de s’en sortir ?

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    Résumé : À 18 ans, Martine tombe amoureuse d'Herby, soi-disant étudiant en médecine. Pour l'aider à financer ses études, elle accepte de danser nue dans un bar de Laval. Elle découvrira assez rapidement qu'Herby lui ment depuis les premiers jours. Il n'est pas étudiant mais plutôt assisté social, près d'un gang criminel. Prise dans l'engrenage de la violence conjugale, Martine se soumet tout de même aux volontés d'Herby, de qui elle tombera enceinte, et continue sa carrière de danseuse.

    Auteur : Mark Fisher et Martine Jeanson

    Edition : Québec Amériques

    Genre : Drame

    Date de parution : 2014

    Prix moyen : 30€

    Mon avis : J’ai bien aimé ce livre même si j’ai parfois eu du mal à comprendre du fait d’expression québécoise que je ne connaissais absolument pas. Heureusement, même si elles sont nombreuses, la plupart se comprennent dans le contexte. Pour les autres, ça ne m’a pas empêché de comprendre le texte.
    Alors les mauvais points d’abord (non parce que si, il y en a quand même) : Tout d’abord je trouve que l’auteur insiste trop sur le coté ésotérique, le bracelet, qui est censé accélérer son karma et « grâce auquel » il arrive des choses incroyables à toutes les personnes à qui elle le confie, la voyante, l’homme et l’enfant mystérieux qui apparaissent et disparaissent comme par enchantement (et qui ne servent pas à grand-chose à mon sens) et genre tout ce qui lui arrive a un coté surnaturel. A se demander si elle écrit une histoire vécue ou une fiction. Je me suis posé la question à plusieurs reprises tant certaines choses paraissaient invraisemblables. Et je continue à me demander si cette histoire est une histoire vraie ou si l’auteur se cache derrière le thème de l’histoire vraie parce qu’elle pense que c’est ce qui fait vendre.
    Le livre est un peu long, parfois je trouve qu’elle décrit certains passages sans grand intérêt avec beaucoup trop de détails.
    La ponctuation est un peu perturbante également. Entre les phrases tronquées avec un point à deux ou trois mots avant la fin de la phrase qui elle-même devient une phrase à elle seule (Ex : Moi – et je sais que c’est stupide de ma part, mais c’était plus fort que moi –, j’ai esquissé un sourire et je lui ai fait un petit salut de la main, comme fait la reine dans ses bains. De foule. ), les questions qui commencent ET finissent par un point d’interrogation (est-ce une règle de ponctuation québécoise ?), c’est un peu dur d’avoir une lecture fluide.
    Coté positif, elle raconte avec une grande précision et une grande simplicité comment une jeune fille de 18 ans s’enfonce dans une relation toxique. Elle montre à quel point les apparences peuvent être trompeuses et à quel point certaines personnes sont prêtes à tout, même au pire, pour se faire du fric sans avoir à lever le petit doigt.
    Elle montre aussi comment la honte et la peur peut pousser quelqu’un à rester dans une telle situation de crainte de se retrouver dans une situation pire encore.
    Le titre est peut être mal adapté puisque l’auteur n’est jamais danseuse et maman en même temps, mais c’est vraiment l’arrivée de l’enfant qui lui donnera la force d’affronter son bourreau.
    Le pire dans ce livre c’est le crédit que l’entourage accorde à cet homme, sa propre mère est plus encline à le croire lui qu’à croire sa propre fille, les policiers, qui interviennent à plusieurs reprises à son domicile, croient sur paroles tout ce qu’il peut leur dire (encore que contrairement à d’autres situations du même genre, il ne semble pas arriver à la couper de ses amies).


    Un extrait : C’est un oiseau de nuit, mon prince haïtien, mais qu’il soit encore debout à quatre heures du matin, c’était mauvais signe. Habituellement, il s’endormait au plus tard vers trois heures.

    J’étais quand même contente qu’il soit debout, parce que je pouvais lui apporter, dans la corbeille de mon amour fou, tout l’argent que j’avais gagné, même en sautant à pieds joints sur ma fierté de femme.

    Il avait bu visiblement et il était en slip, avec une camisole qui montrait le tatouage sur son bras gauche, un ange rouge et noir : j’avais aimé, le premier soir, ensuite je m’étais dit que c’est peut-être pas normal, un ange rouge et noir, et de mauvais augure pour la suite des choses.

    Amoureuses.

    Les seules qui comptaient vraiment pour moi à l’époque. Je te fais cette confidence, lectrice, ma complice dans le désespoir amoureux trop souvent, parce que dans mes cahiers d’écolière, comme j’étais toujours première, les anges qu’on collait comme récompense de mes hauts faits d’armes intellectuels, ils avaient les ailes blanches et bleues et faisaient plus penser à Dieu qu’au diable avec sa queue.

    Regarde mon amour, que je lui ai dit en lui tendant fièrement mon butin de guerre, parce que l’argent, c’est le nerf… de la guerre : amoureuse ou pas. J’ai gagné plus de deux cents dollars !

    Il a pas sauté de joie, comme s’il savait pas s’il devait ou non se réjouir du montant. Moi, j’étais un peu déçue. Je m’attendais à tout sauf à cette réaction, surtout après avoir tant travaillé et m’être tant humiliée.

    Herby m’a pris un peu brusquement l’argent des mains, et tout de suite il l’a compté.

    Il y a juste cent quatre-vingt-quinze dollars !

    Non, il y en a deux cent vingt-cinq, compte bien, mon amour ! On va pouvoir payer notre loyer en retard.

    Il a recompté, plus lentement. Le compte y était. Il aurait dû être content mais il aimait pas quand j’avais raison. Alors il a dit :

    Je pensais que tu aurais fait plus.

    Ben, on est payé juste cinq dollars la danse !

    Il a rien dit. Il est allé se réfugier dans la chambre à coucher.

    Moi, j’étais dans tous mes états. Je me sentais « ordinaire » et affreusement coupable. Comme si je venais de trahir notre amour. J’avais peut-être pas fait exprès, mais je l’avais déçu, mon amoureux.

    Je suis allée le rejoindre dans la chambre. Il se déshabillait. J’ai entrepris de me dévêtir moi aussi. Véritable Sherlock Holmes de ma petite personne, il a alors noté que je portais mon bas de bikini noir :

    Elle est où, ta petite culotte rose ?

    Ben… je…

    De nouveau, je suis troublée. Par l’accusation qui me fait sentir coupable d’un crime que j’ai pas commis. Comme je réponds pas tout de suite, il insiste, pousse plus loin son investigation :

    Tu comprends pas que, quand on aime une femme comme je t’aime, on peut pas tolérer la moindre petite cachette ? Moi, je te dis tout, parce que je suis fou de toi. Toi, pourquoi tu me caches des choses ?

    Non, je… je te cache rien. Ma culotte, je l’ai donnée à Cassandra.

    Cassandra, c’est qui ça ?

    Une danseuse avec qui je suis devenue amie et qui m’a aidée à passer ma première soirée. C’était pas évident, si tu savais, mon amour, se mettre à poil devant cinquante étrangers…

    T’es rendue lesbienne, en plus de ça ! Elle t’a demandé ta culotte comme un trophée après t’avoir baisée ?

    Ben non, on a pas baisé, voyons ! Et ma culotte rose, je lui ai pas donnée, je lui ai vendue. Pour vingt-cinq dollars.

    Pourquoi elle t’aurait donné vingt-cinq dollars pour une culotte que t’as payée cinq dollars en solde chez Zellers ? Je le sais, j’étais avec toi. C’est même moi qui l’ai choisie parce qu’elle était sexy et te faisait un beau cul.

    Je voulais juste lui rendre service, c’est à cause d’un client…

    J’ai voulu lui expliquer le truc du client qui se masturbait en respirant les slips (blancs ou roses), mais j’en avais plus la force. Et en plus, il trouverait sans doute ça hyper dégueulasse, lui qui était si romantique ! Il m’a regardée sans rien dire. Je tremblais intérieurement.

    C’est vrai, ce que tu me racontes là ?

    Oui, je te jure, mon amour, c’est vrai, je te le jure sur la tête de ma mère.

    Je pouvais pas savoir s’il me croyait ou pas. D’ailleurs, il disait rien, ça aidait pas. Finalement, il m’a poussée sur le lit. Il est entré en moi. Sans préavis. Mais ça, j’avais l’habitude. Depuis le premier soir. Qui était un après-midi.

    L’absence de préliminaires, avec Herby, c’était à prendre ou à laisser. Mais là, je sais pas pourquoi, peut-être parce qu’il était plus violent que d’habitude, je lui ai dit :

    Tu me fais mal, mon amour.

    Il m’a ordonné :

    Arrête de pleurer comme un bébé !

    J’ai obéi. J’ai été témoin de sa prise de Troie, je veux dire de moi. Je l’ai regardé s’escrimer, retenant mes larmes auxquelles j’avais pas droit : il est resté en moi quarante, cinquante secondes seulement, mais elles me semblaient si longues, comme des minutes, des heures.

    J’ai eu le sentiment qu’il voulait me défoncer, presque me tuer, comme pour me punir de ma trahison amoureuse. Pour la première fois, je me suis pas plainte, même dans mon esprit, qu’il soit précoce, je veux dire qu’il connaisse vite la volupté, en oubliant comme d’habitude la mienne, quantité négligeable.

    Après avoir eu son moment de joie, il m’a repoussée comme on jette un sac de chips que tu prends même pas la peine de froisser quand il est vide.

    Je suis restée immobile dans le lit, j’osais pas bouger ou fermer les yeux. Dans l’appart d’à côté, qui est pas insonorisé, mais alors là pas du tout, j’entendais nos voisins qui se sont mis à faire l’amour. Bruyamment et longuement. Comme à leur habitude.

    La femme a poussé des cris, puis a ri, puis a gémi. Puis a poussé des cris, puis a ri, puis a gémi. Elle a dit : « Oh my God, oh my God, mon amour, mon amour, tu me tues, tu me rends folle ! Encore, encore, encore ! T’arrête pas ! Dévaste-moi, laisse plus rien ! Je t’appartiens. »

    Lui aussi proférait des gentillesses religieuses et autres, je l’entendais crier, et jouir et rire, et quand je pensais que c’était enfin fini, ça recommençait parce qu’il avait la politesse d’attendre la volupté de sa femme.

    Et je me suis dit que, Jenny, elle devait pas exagérer au sujet de son dernier amant qui avait presque tous les défauts de la Terre mais qui la faisait monter au septième ciel. Deux fois, trois fois et même quatre ou cinq d’affilée quand elle travaillait pas trop tôt le lendemain. Ça ressemblait pas trop à mes émois. Qui se produisaient pas.

    Herby, lui, il a pas pu être contrarié par les extases sonores et autres des voisins. Tout de suite après avoir joui, il s’est endormi. Je le sais, parce qu’il s’est mis à ronfler.

    Quand j’ai été certaine qu’il dormait assez profondément – parce que des fois il ronfle et il ouvre l’œil trois secondes plus tard : je pense qu’il fait de l’apnée ou des mauvais rêves, je sais pas –, entre le cinquième ou le sixième orgasme de la voisine, j’ai pas fait le décompte exact, je me suis levée et j’ai quitté la chambre à pas de loup. Pour aller me laver.

    Je me sentais si sale. Et surtout, je me sentais si seule. Parce que tout ce que j’avais fait, et qui était humiliant, j’avais le sentiment de l’avoir fait pour rien. Parce que mon prince était pas content.

    On dirait qu’il m’a pas crue quand je lui ai dit que j’avais pas baisé avec Cassandra. Ou bien il a fait semblant de pas me croire pour que je me sente encore plus coupable, et devienne plus complètement son esclave, va savoir !

    En me regardant dans le petit miroir des toilettes, je me suis sentie encore plus sale, comme si ça faisait non pas vingt-quatre heures mais vingt-quatre ans que je dansais. Ça doit être la relativité d’Einstein encore une fois ! En plus, je me trouvais laide, moi qui me suis jamais trouvée belle !

    Alors j’ai pris une douche plus longue que d’habitude, et j’ai aussi fait une prière plus détaillée que les autres soirs en demandant aux autorités concernées si mon ange gardien avait pas pris congé. Remarque, chacun a droit à ses vacances, vu que le burnout, c’est le mal du siècle, et même en haut lieu ils sont peut-être pas épargnés, surtout si tu penses à tout ce qui se passe ici-bas et les heures supplémentaires que ça doit demander, mais alors là ! Et dire qu’on est censé entrer dans l’ère du Verseau, où tout le monde il est beau et gentil ! Je suis pas Nostradamus, alors j’aimerais qu’on m’explique !

    Le lendemain, à son réveil, Herby m’a parlé comme si rien s’était passé. Je veux dire après avoir recompté son argent pour voir si je lui en avais pas piqué, quand même ! Il a juste dit :

    — Mon café ! Qu’est-ce que tu attends ?

    Devant notre premier café, il m’a donné un billet de vingt dollars en expliquant :

    - Ça, c’est pour hier soir, le reste, c’est pour le proprio.

     

  • [Livre] Rescapée de la scientologie

    La scientologie: religion ou secte? Son fonctionnement reste très secret. Mais après des années passées en son sein, la propre nièce du dirigeant actuel témoigne. Un récit qui fait froid dans le dos. 

     

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    RésuméJenna Miscavige Hill, la nièce du chef actuel de la Scientologie, dévoile, pour la première fois, comment elle a grandi dans la Scientologie et comment elle a réussi à en sortir. Le récent divorce de Tom Cruise et de Katie Holmes a attiré l’attention sur les conditions de vie des enfants dans la Scientologie. Dans son livre, Jenna révèle comment elle a été séparée de ses parents, et comment elle a intégré la Sea organisation qui chapeaute l'ensemble de la Scientologie dans le monde entier. Fondée en 1952 par L. Ron Hubbard, la Scientologie suscite dans le monde entier de nombreuses interrogations et controverses. Dans ce livre évènement Jenna Miscavige Hill met en lumière les aspects les plus troubles de l’organisation : des pratiques de récolte d’argent au travail des enfants. Jusqu’à révéler comment la Scientologie recrute des stars pour assurer la promotion de l’organisation.


    Auteur
    Jenna Miscavige Hill


    Edition: Kero

    Genre: Témoignage

    Date de parution: 06 février 2013

    Prix moyen: 19,90€

    Mon avis: Ce livre est effrayant. Il montre bien que la scientologie n'est pas une religion mais une secte. Voilà une petite fille qui grandit dès l'age de deux ou trois ans sans jamais voir ses parents car pour l'église, passer du temps avec ses enfants est du temps "volé" à l'église. Une petite fille qui veut tellement être comme ses parents et avoir la possibilité de les voir plus souvent qu'à l'age de 7 ans, elle signe un contrat pour un milliard d'années. Au ranch, là ou on élève les enfants, elle a le poste d'infirmière: à 7 ans!! Vous imaginez le danger dans lequel cela met les enfants?
    Les enfants servent littéralement d'esclaves, eux, comme les jeunes adultes, subissent de vrais lavages de cerveaux quand ils ne sont pas carrément envoyés dans des "camps de redressement". C'est de la séquestration, pure et simple.

    Sur une durée de près de cinq ans, elle a du voir ses parents deux fois, tout ce qu'elle dit, pense, ressent est analysé, extirpé et retourné contre elle.
    Il faut dire que l'église pense, ou du moins utilise cette excuse, que les enfants ne sont que les nouvelles enveloppes d’âmes plus anciennes, donc déjà adultes.
    Le simple fait de parler quelques minutes avec un garçon peut être vu comme un comportement inadéquat. Et entraîne des sanctions.
    Jenna a pu s'enfuir, car c'est bien le terme "s'enfuir", on ne quitte pas seulement l'église, il faut leur échapper, échapper à leur pression, à leurs menaces, leurs intimidations... Jenna donc a pu s'enfuir parce qu'elle n'était pas seule. Mais combien d'autres jeunes filles et jeunes hommes sont piégés dans une vie qui est la seule qu'ils connaissent mais dont ils sentent bien qu'elle n'est pas "normale".
    Bien entendu, toutes ces brimades, les "stars", les Tom Cruise et autres célébrités qui prônent l'adhésion à cette église, ces stars n'en subissent pas le tiers. Sans doute l'argent qu'ils donnent à l'Eglise les dispensent-ils de subir les mauvais côtés de la doctrine inventés par L. Ron Hubbard qui, rappelons le, est avant tout un écrivain de science fiction doublé d'un grand manipulateur.

    Un extraitLe lendemain, nous devions nous trouver à la base à onze heures du matin et, dès que j’y mis le pied, je compris que la discipline était plus stricte que jamais. J’appris rapidement que l’emploi du temps avait changé. Il n’y avait plus de périodes consacrées aux exercices personnels ; les pauses déjeuner étaient réduites à quinze minutes ; le projet Nettoyage du Navire – le seul moment de la semaine où nous pouvions faire notre lessive et notre ménage – ne durait plus que deux heures ; les privilèges de « cantinage » avaient été supprimés : nous n’avions plus le droit d’acheter quoi que ce soit à la cafétéria, y compris de la nourriture. Depuis trois mois, la base entière était punie, rétrogradée à une condition basse.

    Cette fois-ci, ce n’était pas seulement moi qui avait un problème avec ces traitements : Dallas était également perturbé. Nous étions du même avis sur l’Église, bien plus qu’avant de partir en Australie. Au moment de subir notre débriefing standard d’après-mission, je fus un peu étonnée que Dallas avoue avoir regardé des films et diverses émissions ; cela tombait mal. J’avais décidé d’en dire le moins possible, en particulier sur les sujets dont l’Église n’aurait rien pu savoir, mais la soumission de Dallas rendait cette décision inutile. Pendant mon propre interrogatoire, on me demanda d’estimer quelle quantité d’argent j’avais gaspillée en étant improductive et en gaspillant nos fonds ; je l’estimai donc à trois mois de loyer, plus les tickets de bus et la nourriture. C’est ainsi que se passaient les confessions. Si j’avais émis l’opinion que c’était l’Église qui gaspillait son argent et que nous lui avions bel et bien rapporté 75 000 dollars, j’aurais encore eu des ennuis.

    La situation sur la base était déjà inquiétante, mais le 13 mars, anniversaire de L. Ron Hubbard, nous vîmes clairement l’ampleur des dégâts. Pour des événements de cette importance, nous devions vendre des éditions nouvelles ou révisées des livres ou des conférences de Hubbard, en baratinant les gens comme des camelots. Il nous fallait absolument atteindre notre objectif de ventes, ce qui était toujours impossible. Cette année-là, l’ensemble du personnel, soit cinq cents personnes, resta toute la nuit au Sanctuaire à appeler les gens pour qu’ils nous achètent nos livres. Si nous n’étions pas au téléphone, on nous disait de nous mettre au travail. Il n’y avait ni eau ni nourriture, et nous n’avions pas le droit d’aller en chercher. La sécurité surveillait la porte pour que personne ne sorte avant sept heures et demie du matin.

    Certaines personnes réussirent à sortir plus tôt, comme une femme de soixante-dix ans souffrant d’emphysème, qui partit à trois heures du matin. Cependant, ces gens étaient traités durement au rassemblement du lendemain. Ils étaient appelés à sortir du rang et réprimandés ; on leur disait qu’ils étaient méprisables et que leur comportement était répugnant. En guise de punition, ils devaient nettoyer une benne à ordures pendant une heure. La semaine suivante, on nous avertit que si l’un d’entre nous essayait de sortir des rails, le groupe tout entier se retrouverait puni, à nettoyer des bennes.

  • [Livre] Violentée de Cathy Glass

    Quand une petite fille a vécu l'horreur, la patience d'une mère d'accueil suffira-t-elle à la sauver?

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    RésuméQuand Cathy Glass, mère d’accueil, se voit confier Jodie, huit ans, elle ignore encore qu’elle va vivre le cas le plus terrible de sa carrière. Jodie, qui est extrêmement violente, a le niveau mental et moteur d’une enfant de quatre ans, et souffre de dédoublement de la personnalité... Quelles atrocités ses parents ont-ils bien pu lui faire subir pour la détruire à ce point ? Sa mère d’accueil va découvrir l’horreur absolue...


    Auteur
    : Cathy Glass

     

    Edition: France Loisirs

     

    Genre: Témoignage

     

    Date de parution: 2011

     

    Prix moyen: 7,65€

     

    Mon avis:C'est le deuxième livre de Cathy Glass que je lis. D’ailleurs, j'ai pris les choses à l'envers car ce livre ci a été écrit avant "Ne dis rien" que j'ai pourtant lu en premier (ce qui ne gêne absolument pas la lecture cela dit).
    Dans ce livre on sent bien que l'enfant a de gros problèmes et pendant toute la lecture, on se demande si Cathy va pouvoir l'aider.
    Avec la petite Jodie, à chaque fois que Cathy fait un pas en avant, elle en fait deux en arrière et trois sur le coté. 
    Quand la fillette commence à s'ouvrir, à demi-mots d'abord, puis plus franchement, on commence à reprendre espoir.
    Mais les révélations de la gamine se font par bribes, et vont crescendo...à chaque fois qu'elle s'ouvre, elle décrit un cran supplémentaire dans l'horreur.
    Les vingt ans d'expérience de Cathy semble la laisser désemparée face à cette petite boule de nerfs dont elle est la 5ème ou 6ème famille d'accueil en 4 mois. Après maintes demandes, questionnements, ruses parfois, Cathy finit par comprendre que la fillette a été virée de ses autres foyers parce que les parents nourriciers en avaient peur.
    8 ans, et qui effraie tout le monde. Le challenge est de taille.

    Comme pour "Ne dis rien" Cathy pointe les défaillances du système et celles du personnel. Aucune surcharge de travail, aucun manque de personnel, aucune fatigue, ne justifie l'indifférence coupable de l'assistante sociale censée suivre le cas de Jodie. Une assistante sociale qui ne répond pas même à ses obligations légales en venant voir comment se passe le placement.

    On espère de toutes nos forces un "happy end" pas un "et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" mais presque.
    Et puis pas de happy end. Parce qu'on est pas dans Cendrillon. Mais plutôt une fin douce-amère. Certes on a retiré cette petite fille au monde d'horreur dans lequel elle vivait. Mais va-t-elle pour autant être heureuse? Trouver le bonheur? Vivre? A vous de le découvrir...

     

    Un extraitIl nous fallut presque deux heures pour terminer les achats de la semaine, et lorsque nous arrivâmes enfin aux caisses, Jodie aperçut l’étalage de confiseries, tentation suprême au coin de l’allée. Je commençai à poser les marchandises sur le tapis roulant, et lui dis de choisir un paquet de bonbons en cadeau, parce qu’elle avait été très gentille et m’avait aidée.

    — Un seul, répétai-je tandis que les sachets de sucreries se mettaient à pleuvoir dans le caddie.

    Mais je voyais son désir de coopérer fondre comme neige.

    — Prends les bonbons au chocolat, tu les aimes bien.

    — Je les veux tous ! cria-t-elle.

    Puis elle s’assit par terre d’un air de défi. La femme derrière nous dans la file, manifestement peu impressionnée par mes qualités de pédagogue, me décocha un regard dédaigneux. Je finis de poser les marchandises sur le tapis, bonbons inclus, et replaçai les sachets sur le présentoir. J’observai Jodie du coin de l’œil. Sa colère montait alors qu’elle repliait les jambes, croisait les bras et prenait un air sarcastique. Elle donna un coup de pied dans le chariot, qui me heurta les côtes. Je serrai les dents, feignant de n’avoir rien senti. Je tirai le caddie entre les caisses, tout au bout, prêt à recevoir les sacs.

    — Tu vas m’aider à ranger les affaires ? demandai-je à Jodie, essayant de la distraire. Tu m’as beaucoup aidée dans les rayons et tu me serais bien utile à présent.

    Elle fuyait mon regard ; je commençais à m’interroger sur la manière de la déloger de l’allée, mais j’étais résolue : elle n’obtiendrait pas satisfaction par une scène en public.

    — Je veux pas ces bonbons ! hurla-t-elle soudain. Je les aime pas.

    Je fixai mes yeux sur elle.

    — Ne crie pas, s’il te plaît. Je t’ai dit que tu pouvais en choisir un, mais dépêche-toi. Nous allons partir.

    Les gens nous dévisageaient ouvertement, désormais. De mauvaise grâce, Jodie se hissa sur ses pieds, empoigna un énorme sachet de berlingots et le jeta à la caissière.

    — Jodie !

    Je me tournai vers la caissière, occupée à échanger des regards éloquents avec la femme derrière nous.

    — Je suis vraiment navrée.

    Je payai, renouvelai mes excuses, et nous sortîmes.

     

  • [Livre] Ne dis rien de Cathy Glass

    Comment aider un enfant que la peur a muselé?

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    Résumé : Cathy Glass, mère d’accueil, a l’habitude de recevoir chez elle des enfants au passé douloureux et compliqué. Et pourtant le sort de Reece, 7 ans, va la bouleverser. Placé depuis seulement quelques semaines, il enchaîne les familles d’accueil après n’avoir connu que violence et danger auprès de ses parents. Découvrant jour après jour les terribles secrets que cache ce petit garçon violent et perdu, Cathy va l’aider à se reconstruire.

    Auteur : Cathy Glass

    Edition : France Loisirs

    Genre : Témoignage

    Date de parution : 2012

    Prix moyen : 8€

    Mon avis :Cathy Glass n'est pas le vrai nom de l'auteur, qui, comme elle est famille d'accueil, doit tenir à garder son anonymat pour garantir celui des enfants qui lui sont confiés. D'autant plus que leurs histoires sont souvent très difficiles...
    Je n'ai pas encore lu d'autres livres de cet auteur, mais comme j'adore les livres de Torey Hayden, qui sont sur un sujet assez proche (enfants en difficulté), quand j'ai trouvé celui-ci je lui ai littéralement sauté dessus.


    C'était un livre rapide à lire avec une écriture fluide. L'auteur nous donne les informations dans l'ordre et au moment où elles lui ont été données et on vit en même temps qu'elle l’incompréhension face au comportement de ce petit garçon.
    J'ai bien aimé qu'elle arrive, au fil de son écriture, à ne pas laisser entrevoir ce qu'elle sait, mais qu'elle a appris plus loin par rapport au déroulement du récit. Elle nous emporte vraiment dans son monde, un monde dur, mais plein de tendresse. Elle arrive merveilleusement à concilier la fermeté nécessaire pour "recadrer" ces enfants qui se sont souvent élevés seuls et n'ont eu que des mauvais exemples et une grande tendresse pour les reconstruire et leur rendre l'estime de soi qu'on leur a arrachée.

    Contrairement aux témoignages "direct" d'enfants maltraités, abusés etc... ici l'enfant n'est plus dans un climat de violence puisqu'il est retiré à ses parents et placé par la justice chez Cathy.
    Dans ce livre, on ne voit donc pas de scènes de violence parentale mais on en a des souvenirs, parfois à demi-mots, Reece ne se confiant pas facilement. Cathy met aussi en avant certaines incohérences du système entre assistant social trop nonchalant, directeur d'école hostile, enfant incompris, impossibilité pour elle de prendre certaines choses en main puisqu'elle n'a aucune autorité parentale. Chaque acte du quotidien, comme l'inscription scolaire, prend deux fois plus de temps car il faut passer par le juge, les services d'éducation, passer chercher des papiers à l'école et les envoyer à l'assistant social qui doit les signer puis les lui renvoyer pour qu'elle les ramène à l'établissement...
    A coté de cela, cette mère célibataire ne doit pas négliger ses propres enfants, qui bien que grands adolescents et jeunes adultes vivent parfois assez mal certaines situations ou révélations.
    Ici Cathy doit en plus composer avec une maman très agressive et qui vit à moins d'un kilomètre de chez elle et un enfant qui ne montre pas le même visage à la maison et à l'école sans qu'elle ne puisse comprendre pourquoi.
    Et cette manière qu'a le petit Reece de répondre "j'sais pas" à chaque question qu'on lui pose sur sa famille lui laisse à penser qu'on lui a bien recommandé de se taire. Mais de taire quels secrets?
    Et ce que va finir par découvrir Cathy dépasse tout ce qu'elle aurait pu imaginer...

    Un extrait— Je ne suis pas content du tout, commença celui-ci. On m’oblige à prendre cet enfant dans mon école, or nous ne disposons pas des moyens adéquats. Ce qu’il lui faut, c’est un établissement spécialisé !

    Il avait tout de même pris la peine de se présenter avant de commencer à se plaindre : Tom Fitzgerald.

    — J’ai déjà dit au directeur des services de l’éducation que mon école ne convenait pas. Pour tout dire, j’ai perdu beaucoup de temps à rédiger un dossier dans ce sens, mais il a choisi de l’ignorer. D’après ce qu’on m’a dit, un juge a décidé que Reece devait être scolarisé sans délai, alors on ne me laisse pas le choix : je dois le prendre !

    — Vraiment ? m’étonnai-je.

    J’étais prise au dépourvu. La bonne surprise initiale que représentait le coup de téléphone d’un directeur d’école se transformait en choc. Nous attendions depuis si longtemps ce nouveau départ ! Et voilà que le directeur appelait pour dire qu’il était contraint d’accepter Reece mais ne voulait pas de lui. Je n’avais jamais rien vécu de tel. Tous les directeurs d’école à qui j’avais eu affaire jusqu’alors avaient toujours été très accueillants et s’étaient mis en quatre pour que l’intégration des enfants se déroule au mieux.