Résumé: « J'ai voulu montrer le calvaire que vivent des femmes comme moi. Dénoncer le silence de ceux qui savent mais se taisent. Et répondre à ceux qui se demandent pourquoi une femme battue a tant de mal à quitter son tortionnaire. » Sans doute Alexandra est-elle au début restée par amour. Il y a eu les promesses, également : « Je ne recommencerai plus. » Puis les coups à nouveau, les insultes, les humiliations, les viols, les strangulations, la peur. C'est la peur qui empêche de partir. Peur de se retrouver à la rue avec ses quatre enfants, peur des représailles sur ses proches si elle se réfugiait chez eux. Peur des menaces directes de son mari : « Si tu fais ça, je te tuerai. » Le soir du drame, Alexandra lui a dit qu'elle allait s'en aller. La fureur de son dernier étranglement l'a terrifiée au point de provoquer son geste fatal. En reconnaissant, dans son cas, la légitime défense, la justice française a braqué les projecteurs sur les victimes des violences conjugales. Et le témoignage digne et bouleversant d'Alexandra Lange, adressé à nous tous, est aussi un appel à l'aide pour ces femmes en danger.
Auteur: Alexandra Lange. Jugée à la cour d'assise de Douai, elle a été acquittée le 23 mars 2012 après plus d'un an de détention préventive. L'avocat général lui-même a plaidé en sa faveur.
Edition: Michel Laffon
Genre: Témoignage
Date de parution: octobre 2012
Prix moyen: 17€
Mon avis: Alexandra Lange fait parti des chanceuses. Dans la plupart des cas de femmes battues, la femme parvient tout au plus à fuir. Puis elle passe sa vie à regarder derrière son épaule, redoutant de voir surgir son bourreau. Ou bien alors, l'issue est dramatique et l'histoire nous est raconté par un père, une mère, une soeur, un frès, une amie, qui s'en veut de ne pas avoir agit, de ne pas avoir vu ce qu'il se passait, ou encore par un enfant qui, devenu grand, raconte le calvaire de sa mère.
Mais Alexandra, elle, a réussi à sauver sa vie. Sans le chercher, sans l'avoir prémédité, alors que son mari essayait de l'étrangler, elle a réussi à s'emparer d'un couteau. Il doit être difficile pour elle d'avoir oté la vie à un homme, mais peut être tout aussi difficile de se dire que si l'explosion de colère de son mari avait eu lieu dans la chambre, elle ne serait plus là pour en parler. Comme quoi la différence entre la survie et la mort tient, dans ces cas là, à peu de chose: juste un peu de chance.
Sa propre famille, à cet homme, avait tenté de mettre Alexandra en garde: C'est un homme méchant, pars tant que tu le peux encore. Mais c'était encore une gamine. 17 ans à peine quand elle le rencontre, guère plus quand elle s'installe avec lui. Et ensuite, avec la peur, les possibilité de fuir se sont réduites comme peau de chagrin.
Alexandra raconte les faits avec précision. Elle débute son histoire avec son acquittement parce que c'est là le plus important dans l'histoire. Pour la première fois, la légitime défense à été reconnu pour une femme battue. Pour une fois la justice n'a pas dit: elle n'avais qu'à partir avant! Comme s'il était simple de partir... Ceux qui disent ça n'ont pas entendu des insultes à longueur de temps, ils n'ont pas vécu humiliations sur humiliations, ils n'ont jamais sentit qu'on leur écartait les jambes à coup de genoux en les maintenant par les cheveux, ils n'ont pas pris les coups, ils n'ont pas senti l'air leur manquer pendant que des mains enserraient leur cou... Partir ce n'est jamais simple. C'est se retrouver à la rue, c'est se faire héberger et devoir reconnaitre ce qui arrive, ce qui est souvent humiliant. C'est la peur et la honte qui fait rester.
Je trouve que ce livre se distingue des autres récits, peut être à cause de son issue, mais c'est un livre à lire, un témoignage poignant de ce à quoi on en est réduit parfois. Et qui fait se poser une question: Quand est ce que la société va prendre des mesures? Quand est ce qu'on aidera réellement les femmes battues? Parce que pour l'instant, elles doivent encore se débrouiller. L'avocat général qui a plaidé au procés d'Alexandra l'a bien dit: elle était sur le banc des accusés parce que la société l'a abandonnée et l'a laissée seule, face à son bourreau. Il fallait bien qu'elle se défende. Et elle l'a fait. Ce n'est pas le cas de beaucoup d'autre quand on sait qu'en France, tous les deux jours, une femme décède sous les coups de son conjoint.
Un extrait: Mes premières semaines de vie en caravane ont été une grande bouffée d’oxygène. Je me sentais bien sur ce terrain parfaitement entretenu et dans cette caravane que je jugeais plutôt confortable. On se serait cru au camping ! Je passais mes journées à travailler mes cours et, surtout, à entretenir mon nouvel intérieur en dépoussiérant, briquant et arrangeant ce qui était désormais mon espace de vie. J’étais une véritable petite femme d’intérieur et, déjà, je développais ce sens aigu de la propreté domestique qui deviendra un de mes traits de caractère. Lui, c’est vrai, ne faisait pas grand-chose, si ce n’est regarder la télévision. Mais je ne me plaignais pas. J’étais « chez moi », « avec lui », et cela me suffisait. Nous n’avions pas de grandes discussions sur Freud ou Mozart mais nos conversations les plus anodines et nos soirées à deux devant un film me plaisaient.
Et puis il y avait Claude, son frère, qui travaillait sur les marchés de la région et qui vivait juste à côté de nous avec sa femme et ses quatre enfants, des êtres tout à fait charmants, toujours prêts à rendre service et souriants. J’aimais discuter de tout et de rien avec eux, au pied de l’une ou l’autre de leurs trois caravanes, dès que j’en avais un peu le temps. Il y avait aussi un autre de ses frères, qui était venu poser là sa caravane pour quelques jours, ou encore l’une de ses nièces et un cousin, qui s’arrêtaient quand ils étaient de passage. Ainsi se sont écoulés mes deux premiers mois de « femme libre ».
Deux mois seulement. Et un jour, le premier coup est tombé.