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Biographie et Témoignages - Page 3

  • [Livre] Les filles de Sultana

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    Résumé : Dans ce deuxième ouvrage qui évoque la vie de la princesse Sultana d’Arabie Saoudite, derrière le voile, derrière les murs de la domination masculine, une femme cultivée, intelligente et drôle, critique et raconte un pouvoir absolu.

    Plus que le récit de la vie d’une princesse, d’une épouse et d’une mère de famille, ce livre est le cri d’une femme dans le désert masculin de son pays, ou la moindre velléité de féminisme, la plus minuscule des libertés, sont des péchés.

     

    Auteur : Jean P. Sasson

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 16 Mars 1998

     

    Prix moyen : 5€

     

    Mon avis : Dans ce second témoignage, la princesse Sultana, dont le premier témoignage a été découvert par les hommes de sa famille, persiste dans la dénonciation des actions menées contre les femmes dans son pays. Mais, peut-être est-ce dû au fait qu’elle est plus surveillée, dans ce second tome, elle parle surtout de ses enfants et des actes de personnes étrangères à la famille (bizarrement, son mari, qu’elle accusait de tous les maux dans le premier tome, est ici compréhensif et ouvert). Bien sûr elle continue à ne pas épargner son père, son frère ou sa belle-mère, mais on la sent moins vindicative.
    De ses trois enfants, son fils semble être le plus équilibré : les actions menées contre les femmes le révoltent, au point qu’il va transgresser la loi pour aider un couple d’amoureux à se retrouver malgré l’opposition de la famille de la jeune femme.
    En ce qui concerne ses filles, c’est plus compliqué. Le bon côté des choses, c’est qu’elles ne vivent pas leur adolescence comme l’a vécu Sultana, puisque, contrairement à leur mère, elles ont l’amour de Karim, leur père.
    Mais malgré l’amour qu’il leur porte, la société est ainsi faite, qu’il est plus souvent en compagnie de son fils que de ses filles et que leur frère a nécessairement plus de liberté qu’elles.
    Leurs réactions va être diamétralement opposées : Maha, l’aînée, va traverser une crise où la haine de son frère va être aussi forte que son désir de s’émanciper de la pression des religieux ; tandis qu’Amani, la cadette, va plonger dans une ferveur religieuse qui va la conduire à l’extrémisme, au point d’inquiéter ses parents.
    Sultana va revenir sur la pratique de l’excision, à laquelle elle va être confrontée à travers une de ses domestiques égyptiennes. Son impuissance à intervenir va la plonger dans une profonde affliction et cette pratique va fortement impressionner son fils, qui n’arrive pas à croire que l’on puisse faire cela à des petites filles (toutes les réactions de celui-ci rendent Sultana très fière car il n’a pas cette mentalité qui pousse les hommes d’Arabie Saoudite à asservir les femmes).
    Nous allons également avoir des réponses à certains évènements cités dans le tome 1, comme le sort réservé à Sameera, l’amie d’une des sœurs de Sultana.
    Le livre se termine sur une note à la fois plus sombre, avec un drame qui arrive à l’une des sœurs de Sultana, et plus légère, avec des sœurs unies autour de leur sujet de moquerie préféré, leur frère.
    En anglais, le témoignage de Sultana est une trilogie. Le dernier tome (Princess Sultana's Circle) est centré sur des membres de la famille (une nièce, un cousin et des neveux). Il semblerait que l’éditeur français n’ait pas jugé utile de le publier.
    En 2014, la journaliste qui relate le témoignage de Sultana a publié un quatrième tome.
    La publication d’un tel nombre de tome fait s’interroger sur la véracité du récit. En effet, s’il est si difficile de parler à des journalistes étrangers, comment expliquer que Sultana ait pu le faire tant de fois, alors même que son premier témoignage avait été découvert ?
    Malgré ces interrogations, ces livres restent très intéressants à lire.

    Un extrait : Père n’est pas encore rentré, et apparemment nous sommes les derniers arrivés. Les onze autres enfants vivants de ma mère ont été convoqués, mais sans leurs conjoints. Je sais que trois de mes sœurs ont pris l’avion de Jeddah pour Ryyad, et deux autres sont venues de Taïf.
    D’un coup d’œil, je m’aperçois que Karim est le seul membre extérieur à la famille. Même la dernière épouse de mon père et ses enfants sont invisibles. Je devine qu’on les a confinés dans leurs appartements privés.
    L’urgence bizarre de cette réunion me ramène au livre et mon cœur se serre d’effroi. Ma sœur Sara et moi échangeons des regards angoissés. Elle est la seule de la famille à être au courant de cette publication, ses craintes sont les mêmes que les miennes.
    Tous ceux de mon sang me saluent, excepté mon unique frère, Ali. Et je surprends des coups d’œil sournois et furtifs de sa part dans ma direction.
    Quelques instants après notre arrivée, père pénètre dans la pièce. Ses dix filles se redressent en même temps, avec respect et, chacune à leur tour, rendent hommage à l’homme qui leur a donné la vie – sans le moindre amour.
    Je n’ai pas vu mon père depuis quelques mois ; il me semble las et prématurément vieilli. Au moment où je tente de l’embrasser sur la joue, il se détourne avec impatience, refusant délibérément mon élan. Mes peurs n’en deviennent que plus intenses. Je vois bien maintenant à quel point je me suis montrée naïve en croyant que les Al Sa’ud étaient trop préoccupés par une insatiable soif de richesses pour prêter attention aux libres.
    Je tremble de plus en plus.

     

  • [Livre] Ma vie d'esclave chez les mormons

     

    Je remercie la masse critique de Babelio et les éditions Jourdan pour cette lecture.

     

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    Résumé : Dix ans après son mariage, dans un cas historique qui a secoué la nation américaine et mené à la réécriture des lois, Ann a divorcé de son puissant mari mormon, prétextant la négligence et les traitements cruels.

    En 1876, Ann Eliza a publié une autobiographie intitulée « Wife n° 19 ».

    Elle explique la raison de son écriture : « Si j’entreprends la rédaction de cet ouvrage, c’est pour montrer au monde le véritable visage du mormonisme et dénoncer les pitoyables conditions de vie de ses femmes, réduites au pire esclavage qui soit. Ce n’est pas seulement leur corps qui leur est ravi, mais également leur âme. »

    Son autobiographie est un document poignant révélant comment Brigham Young, président de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, et d’autres hommes mormons vivaient à la tête de nombreux ménages, visitant leurs femmes tour à tour, devenues de véritables servantes.

    Ann Eliza Young a parcouru les États-Unis pour expliquer la dégradation de la polygamie et du mormonisme, mais aussi pour révéler la véritable personnalité de Brigham Young lui-même. Elle a témoigné devant le Congrès américain en 1875. Ses remarques ont contribué à un passage de la loi qui a réorganisé le système judiciaire du territoire de l’Utah, aidant le gouvernement fédéral à poursuivre les polygames.

     

    Auteur : Ann Eliza Young

     

    Edition : Jourdan

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 13 juillet 2016

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Avant de commencer mon avis, il convient de préciser que l’église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours n’est pas considéré comme une secte et rassemble près de 15 millions de membres dont un peu plus de 6 millions aux USA ce qui en fait la quatrième confession chrétienne la plus importante des Etats-Unis.
    Il faut aussi noter que la polygamie a été interdite par l’Eglise en 1889 et qu’aujourd’hui celle-ci prône, comme la plupart des religions chrétienne l’abstinence en dehors du mariage et la fidélité absolue à un seul et unique époux.
    Le mariage plural ou polygamie est toujours pratiqué par une minorité dissidente qui a refusé l’évolution de l’Eglise et se qui se fait appeler l’église fondamentaliste de Jesus-Christ des Saints des derniers jours. L’Eglise officielle ne les reconnaît pas comme des mormons.
    A l’époque où Ann Eliza a écrit son témoignage, du vivant de Brigham Young, la pratique de la polygamie battait son plein.

    Ann Eliza est fortement opposée au mormonisme et à la polygamie et on ne peut pas ne pas le savoir tant elle est virulente sur le sujet.
    Elle veut tellement convaincre du bien fondé de son point de vue, qu’elle en perd toute objectivité et se contredit régulièrement. Elle dit à plusieurs reprises que les mormons sont manipulés par leur leader, Brigham Young, qui n’est ni plus ni moins qu’un malfrat entouré d’hommes de main faisant régner la terreur, puis quelques pages plus loin fait des généralités en disant que tous les mormons sont des êtres vils et violents.
    Concernant la polygamie, elle refuse de concevoir ou d’accepter que d’autres femmes puissent trouver un équilibre dans cette pratique. D’ailleurs elle dénigre non seulement celles qui lui disent y trouver leur compte, mais aussi celles qui déclarent que la polygamie en elle-même n’est pas en cause, mais que c’est la manière de la mettre en œuvre qui est lamentable (mariages forcés, mariages d’adolescentes avec des hommes plus âgés, abandon des épouses plurales par leurs époux qui ne subviennent pas à leurs besoins…). J’ai effectivement eu l’impression qu’au lieu de se serrer les coudes entre elles, les femmes passaient leur temps à s’opposer les unes aux autres sans se préoccuper que certaines d’entre elles avaient été contraintes au mariage.
    Ce trait de caractère entier et manquant d’objectivité apparaît également quand elle parle des indiens. Pour elle les indiens sont des monstres qui ne sont là que pour s’approprier les biens d’autrui par ruse voire violence pouvant aller jusqu’au meurtre. Quand on la voit parler des indiens de la manière dont elle reproche à Brigham Young de parler des non-mormons, on a du mal à lui accorder du crédit sur le reste de son histoire.
    Ann Eliza reproche à l’Eglise mormone beaucoup de chose, certes réelles, mais qu’elle semble croire réservées aux membres de cette religion. Je pense qu’elle a du finir par se rendre compte que quelque soit la religion, il y a des hommes qui abandonnent leurs femmes (la différence est qu’ils divorcent, les laissant sans ressources, pour en épouser une autre), d’autres qui les maltraitent, il y a des pères qui ne s’occupent pas de leurs enfants et des escrocs… je ne crois pas qu’elle réalise que le problème ne vient pas de la religion, mais des hommes en eux même. Quand au fait que les femmes sont considérées comme inférieures… c’est le cas dans la majorité des religions et si aujourd’hui la plupart d’entre elles ont évoluées, à l’époque ou Ann Eliza a écrit son livre, les femmes étaient loin d’être les égales des hommes, quelque soit leur religion.

    Ann Eliza est si pressée de faire valoir son point de vue que son texte, au fil des chapitre, perd en clarté et en cohérence : mots manquants ou au contraire deux mots côte à côte (de toute évidence, elle a voulu mettre un autre mot en oubliant de rayer le premier qu’elle avait choisi), répétition de phrases presque identiques à la suite l’une de l’autre, inversion de termes (ses compagnons et lui de voyage)…
    De toute évidence le traducteur et l’éditeur ont souhaité laisser le texte en l’état, mais je doute du bien fondé de ce choix car le texte est plus difficile à suivre et toutes ces erreurs rendent la lecture fastidieuse. Ca n’aurait pas été dénaturer le texte d’en corriger les coquilles. N’est ce pas là le travail de l’éditeur, même si l’auteur est décédé ?

    Le titre du livre est peut être mal choisi parce que je l’ai terminé et j’attends toujours de voir « la vie d’esclave » qu’elle a mené. De tout le livre, l’auteur ne nous livre que quelques anecdotes de sa vie personnelle au milieu d’un procès général de la religion mormone qui va de sa création par Joseph Smith à son apostasie.

    Puisqu’elle nous livre là un témoignage, j’aurais préféré en savoir plus sur son mariage et sur le traitement cruel qu’elle reproche à Brigham Young (et que vu le personnage je ne remets pas en doute) plutôt que de nous présenter les cas des dizaines de personnes dont elle nous parle.
    Je ne vois pas en quoi les massacres des Gentils (les non mormons) ou des apostats alors qu’elle n’était qu’une enfant, les missions à l’étranger, l’organisation interne de l’Eglise ont à voir avec sa prétendue vie d’esclave.
    Ici j’ai l’impression qu’on nous a promis un documentaire sur la révolution française et que après avoir retracé toute l’histoire de la royauté en France, le documentaire se termine par : « Et puis un jour le peuple a craqué et la révolution française a eu lieu et a mis fin à la monarchie ».
    En gros on reste un peu sur notre faim.

    Un extrait : Les mormons se retrouvèrent dans un pétrin sans nom lorsqu’ils intégrèrent la polygamie à leur mode de vie.
    Si notre famille, qui ne comptait alors que deux épouses, s’en sortait relativement bien, ce n’était malheureusement pas le cas de toutes les familles. Dans celles de mon oncle, par exemple, la transition ne se fit pas si facilement.
    En Illinois, Milo Webb, un des frères de mon père, avait épousé une femme charmante à bien des égards. Elle vouait à son mari un amour absolu et ce dernier le lui rendait au centuple. Tous deux membres de l’Eglise mormone, ils vécurent en parfaite harmonie jusqu’en 1846, date de la construction du Temple de Nauvoo.
    Les hommes que les autorités jugeaient dignes de pénétrer dans l’édifice pour y recevoir les dotations sacrées se virent confier que la polygamie faisait à présent partie intégrante de leur religion. Ils ne devaient pas se déshonorer en se présentant pour la cérémonie de Dotation avec une seule épouse à leur bras. Cette première femme, l’élue de leur cœur, la mère de leurs enfants, leur partenaire et âme sœur, qui ne reculait devant aucun sacrifice, qui s’était liée à eux pour le meilleur et surtout pour le pire, qui croyait que seule la mort pouvait les séparer et qui avait fait sien le Dieu et les proches de son mari, ne suffisait plus désormais. Si un homme avait l’audace de s’en tenir aux dictats de sa conscience et se présentait à la cérémonie accompagné de sa seule épouse, les autorités s’empressaient de le couvrir de ridicule. Brigham et Kimball ne manquaient d’ailleurs jamais une occasion, ni de se moquer, ni de mettre en garde les fidèles qui s’y risquaient : seuls les hommes polygames pourraient entrer dans le royaume de Dieu.
    A l’instar de mon père, mon oncle était un homme consciencieux et fidèle à sa religion. Si c’était là la volonté du Seigneur, il lui fallait obéir sans plus attendre. Il demanda donc en mariage une jeune fille du nom de Jane Matthews. La jeune fille demanda conseil aux autorités de l’Eglise et, comme celles-ci lui confièrent que le salut de son âme en dépendait, elle accepta. Sous le regard de sa première femme, mon oncle et Jane Matthews reçurent donc leurs dotations et furent scellés l’un à l’autre.
    Sa première femme lui avait donné son consentement à contrecœur. Elle ne toléra l’idée de se retrouver dans une relation polygame que par devoir religieux. Ni elle, ni son mari n’avaient mesuré toute l’ampleur du malheur qui allait s’abattre sur leur famille. S’ils avaient su dans quelle impasse ils s’apprêtaient à s’engouffrer, je pense qu’ils y auraient songé à deux fois.
    La nouvelle Mme Webb s’installa dans son nouveau foyer et y demeura jusqu’au départ de Nauvoo. Pendant ce court laps de temps, cette famille jadis heureuse, était devenue méconnaissable ! L’amour et la félicité n’étaient plus ; la discorde et la haine régnaient à présent en maîtres.
    La première épouse se rendit compte très vite que la polygamie n’était pas une mince affaire. Contrairement à ce qu’on lui avait pourtant affirmé, le temps n’arrangeait rien. Elle en vint à détester cordialement la nouvelle venue : elles avaient beau partager le même toit, elle refusait obstinément d’adresser la parole à sa rivale. La jalousie eut presque raison de sa santé mentale ; elle était devenue d’une violence sans nom.

     

  • [Livre] Ma part de Gaulois

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    Résumé : C’est l’année du baccalauréat pour Magyd, petit Beur de la rue Raphaël, quartiers nord de Toulouse. Une formalité pour les Français, un événement sismique pour l’“indigène”. Pensez donc, le premier bac arabe de la cité. Le bout d’un tunnel, l’apogée d’un long bras de fer avec la fatalité, sous l’incessante pression énamourée de la toute-puissante mère et les quolibets goguenards de la bande. Parce qu’il ne fait pas bon passer pour un “intello” après l’école, dans la périphérie du “vivre ensemble” – Magyd et ses inséparables, Samir le militant et Momo l’artiste de la tchatche, en font l’expérience au quotidien.
    Entre soutien scolaire aux plus jeunes et soutien moral aux filles cadenassées, une génération joue les grands frères et les ambassadeurs entre familles et société, tout en se cherchant des perspectives d’avenir exaltantes. Avec en fond sonore les rumeurs accompagnant l’arrivée au pouvoir de Mitterrand, cette chronique pas dupe d’un triomphe annoncé à l’arrière-goût doux-amer capture un rendez-vous manqué, celui de la France et de ses banlieues.
    Avec gravité et autodérision, Ma part de Gaulois raconte les chantiers permanents de l’identité et les impasses de la république. Souvenir vif et brûlant d’une réalité qui persiste, boite, bégaie, incarné par une voix unique, énergie et lucidité intactes. Mix solaire de rage et de jubilation, Magyd Cherfi est ce produit made in France authentique et hors normes : nos quatre vérités à lui tout seul !

     

    Auteur : Magyd Cherfi

     

    Edition : Actes Sud

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 17 août 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Quand j’ai reçu ce livre et que je me suis renseignée sur l’auteur, la seule chose que l’on m’a dite sur lui est qu’il était le parolier de Zebda. On ne peut pas dire que cette information, donnée avec presque des étoiles dans les yeux, m’ait donné envie de le lire dans la mesure où je trouve les chansons de ce groupe très médiocres.
    Concernant « Ma part de Gaulois », l’écriture en soi n’est pas mauvaise, même si, à plusieurs reprises j’ai eu l’impression qu’il manquait des mots pour que la phrase soit correcte et que j’ai regretté qu’il délaisse souvent une écriture simple comme pour montrer que Lui, il sait écrire.
    Au final l’ensemble est brouillon, le récit a beau être chronologique on a une impression de décousue qui n’est pas agréable et qui rend la lecture pénible.
    Du coté des personnages, il n’y en a pas uns pour rattraper l’autre et on se demande si Magyd Cherfi ne grossi pas le trait et ne caricature pas un peu ses anciens camarades tant il y a de hargne, de mépris dans chaque paroles, dans chaque actes. Beaucoup d’insultes aussi, ça, ça m’a gênée. Parce que je veux bien croire qu’il ait été insulté plus souvent qu’à son tour, mais était-il obligé de les écrire noir sur blanc à chaque page ?
    Si on l’en croit, la cité cultive la haine du blanc, du français. La France ils la veulent bien, avec les allocs, le salaire minimum, les soins gratuits, mais surtout sans les français.
    Alors je crois volontiers qu’il y ait des personnes qui agissent et réagissent comme ça, aujourd’hui encore on voit ce genre de comportement et de pensées chez certaines personnes, mais je ne peux pas croire qu’à l’intérieur d’une cité, les habitants soient TOUS dans cet état d’esprit.
    J’ai lu une réaction d’une personne qui vit dans cette cité et qui a très mal pris non seulement le bouquin mais aussi les choses que Magyd Cherfi aurait dites pour en faire la promo. Cela ne m’étonne pas car il fait un amalgame. Après tout, il cite quelques personnes nominativement, puis déclare que tous sont comme ça dans la cité. J’ai eu le sentiment que ce livre relevait plus de la vengeance que du témoignage.
    Pas convaincue du tout !

    Un extrait : Voilà donc qu’un jour je suis sorti sans cacher l’objet de tous les délits. Je me suis assis, sûr de mon fait. Pour une fois sans trembler j’ai ouvert mon livre et tranquillement j’ai basculé dans les jabots, les hauts-de-forme, les gilets de soie, les robes à taille haute remontées sous les seins et largement décolletées du roman « Une vie » de Maupassant. C’est là qu’étaient les miens, ces héros du XIXème, fardés romantiques et sans muscles.
    Je lisais depuis quelques minutes quand trois lascars, Mounir, Saïd et Fred le Gitan se sont approchés de moi…

    - Qu’est ce que tu fais ?
    - Heu…je lis.
    - T’es un pédé ou quoi ? Pourquoi tu fais ça ?
    - Non mais c’est pour l’école.
    - Qu’est ce qu’on s’en fout de l’école, tu veux des bonnes notes, c’est ça ?
    - Non, non…
    - T’as qu’à lui dire à ton prof qu’on est pas des pédés !
    - D’accord
    - D’accord… !? T’es français, c’est ça, tu veux sucer les Français ?
    - Non.
    - Et ça c’est quoi ? Montre !
    - Il m’a arraché le livre des mains, a lu :
    - Une vie…de Mau…passant, c’est un pédé lui aussi !
    - Mais non c’est pas un pédé.
    - C’est quoi alors ?
    - Un écrivain.
    - C’est ça, c’est un pédé.

    Saïd a jeté le livre non sans l’avoir éclaté de la pointe de sa chaussure, j’ai pas bougé et une deuxième coup de pied circulaire me coucha dessus. Le temps de quelques étoiles tournoyantes, je ne savais plus s’il s’agissait de mes rêves récurrents ou d’une banale réalité orchestrée par mes soins. Enfin il était là, le coup de pompe tant attendu. Enfin je le tenais, le prétexte de la rupture.

     

  • [Livre] Journal d'un vampire en pyjama

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    Résumé : « Me faire sauver la vie est l’aventure la plus extraordinaire que j’ai vécue. » 
    Journal intime tenu durant l'année où M. Malzieu a lutté contre la maladie du sang qui a altéré sa moelle osseuse et la mort personnifiée, Dame Oclès.

     

    Auteur : Mathias Malzieu

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 27 janvier 2016

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Dès les premières pages, j’ai su que je ne pourrais pas lâcher ce livre jusqu’à la fin.
    Mathias Malzieu nous emmène dans son univers hospitalier avec un mélange de doute et d’humour déconcertant. Je ne sais vraiment pas comment il a pu garder un tel sens de l’humour au vue des épreuves qu’il a traversé.

    Quand, au tout début du livre, il décrit le prélèvement de moelle osseuse par le sternum, j’ai eu le souffle coupé au moment même où je lisais l’acte tant j’avais presque l’impression d’y être. Je crois même que j’ai eu un gémissement de douleur (et comme j’ai commencé ce livre au boulot, pendant ma pause déjeuner, je vous laisse imaginer le regard des collègues).
    Atteint d’une aplasie médullaire, Mathias Malzieu a besoin de transfusions pour survivre et va faire plusieurs séjour en chambre stérile, d’où le titre : vampire en pyjama. Puisqu’il a besoin du sang des autres et qu’il est très pale car fortement anémié, il se voit comme un vampire.
    Je ne sais pas où il a trouvé la force de faire face à tout cela, peut être grâce à sa compagne, son père, sa sœur ? Très sûrement grâce à la rage de vivre qui l’habite.
    J’avoue que quand il décrit la première fois où il a senti qu’il n’allait pas bien, je suis allée voir le clip de la mécanique du cœur, histoire de voir si, entre les différents plans, on voit que quelque chose ne va pas. Et bien non, il a toujours la même énergie, il saute partout, on n’imagine pas une seconde, quand on voit ce clip, qu’il était déjà atteint de sa maladie, au point de mettre sa vie en danger, sans le savoir.
    J’ai beaucoup aimé son interprétation de l’épée de Damoclès qui devient l’épée de Dame Oclès, une espèce d’enquiquineuse toujours là pour plomber le moral et rappeler que peut importe l’espoir, tout pourrait mal finir. Dur de lui tenir tête, de l’ignorer, de se concentrer sur la guérison en sentant sa présence, juste là, à côté, prête à frapper…
    Dans sa manière d’écrire, Malzieu nous associe à son attente, au fil des pages, des dates inscrites en haut de chaque chapitre, on espère, comme lui, recevoir enfin une bonne nouvelle : des analyses meilleures ? Un traitement qui fonctionne ? Un donneur ? On ressent à quel point il est partagé quand sa sœur fait les tests pour voir si elle est compatible : partagé entre l’espoir qu’elle le soit et que le cauchemar s’arrête, et le refus de la voir entre les mains des médecins, de subir un prélèvement, de ressentir la moindre douleur. Difficile de se protéger soit même tout en ménageant les autres. Rosy semble avoir été une véritable bouée de sauvetage, solide et stable quand tout semble s’effondrer. Et si elle a eu des doutes, on dirait qu’elle a tout fait pour les montrer le moins possible.
    Il y a aussi le dévouement et la présence constante du personnel hospitalier et en premier lieu des infirmières. Elles font tout pour que les hospitalisations se passent bien, pour rassurer, pour rappeler que tout espoir n’est pas perdu.
    Malheureusement, il y en a d’autres, moins sympathiques : ceux qui se lèvent du milieu, qui se disent amis mais abandonnent le malade à son sort, ceux qui regardent comme s’il était une bête curieuse… Celui qui m’a le plus choquée c’est le chauffeur de taxi, ce n’est plus de la connerie à ce stade, c’est la mise en danger délibérée, il mériterait de perdre sa licence. J’espère qu’il a lu le livre, qu’il s’est reconnu, et qu’il est mort de honte ! (Mais j’ai des doutes, ce genre d’abruti ne lis pas ce genre de livre et surtout, ne se remettent jamais en question !)

    J’ai lu ce livre sans avoir jamais rien lu ni écouté de cet auteur-chanteur, à part le début de jack et la mécanique du cœur (juste la chanson « le jour le plus froid du monde ») donc sans aucun a priori ni attente particulière. Je suis vraiment ravie de l’avoir découvert avec ce livre ci.


    Un extrait : 7 novembre 2013

    J’entre dans une de ces boutiques médicales aux allures d’hôpital miniature qu’on appelle laboratoires. Une dose de silence bleu, une piqûre et un sucre plus tard, je suis libéré. « Vous êtes très très blanc, monsieur Malzieu… Ça va aller ? » L’infirmière qui vient de me piquer a ce sourire surentraîné à la compassion qui fout la trouille.

    Nous sommes le vendredi précédant le week-end du 11 novembre, je n’aurai donc les résultats que mardi. Je remonte le boulevard Beaumarchais au ralenti. Une petite vieille avec un mini-chien coiffé comme elle me double sur la place de la République. J’achète L’Équipe et mange des nuggets pour ne penser à rien pendant plusieurs minutes d’affilée. Ça marche un peu.
    Je rentre chez moi. C’est juste à côté mais ça me prend du temps. Je suis crispé de froid dans mon manteau alors que les gens se promènent en pull, peinards. Ça fait des semaines que je ne prends plus l’escalier, aujourd’hui même dans l’ascenseur je suis essoufflé.
    Depuis quelques mois, on me dit tout le temps que je suis blanc. C’est vrai que j’ai un peu une tête de vampire. Pas la catastrophe non plus, il m’est déjà arrivé d’être plus fatigué en tournée. Je m’allonge quelques minutes en écoutant Leonard Cohen et me sens légèrement mieux.

    J’appelle le taxi qui doit m’emmener sur le montage du clip. Entre-temps le téléphone sonne, un numéro que je ne connais pas.

    – Bonjour, monsieur Malzieu ?

    – Oui.

    – Docteur Gelperowic à l’appareil, le laboratoire vient de m’appeler pour me communiquer vos résultats en urgence…

    – Ah bon ? Ils m’avaient dit que je n’aurais rien avant mardi.

    – Ils ont préféré vérifier immédiatement votre hémoglobine, qui s’avère être très basse. Vous êtes très fortement anémié. Le taux normal de globules rouges se situe entre 14 et 17 milligrammes. Vous en avez 4,6. Il faut aller vous faire transfuser immédiatement.

    – Comment ça ?

    – Vous n’avez pas assez d’oxygène dans le sang, il faut aller aux urgences, tout de suite !

    – Tout de suite ?

    – Avec aussi peu de globules rouges, vous ne devriez même pas tenir debout… Surtout évitez les efforts physiques, vous risquez l’accident cardiaque.

    – Quel hôpital je dois appeler ?

    – Le plus proche, ne tardez pas surtout !

    Chaque phrase est une gifle. Je suis assommé.
    Je m’assois sur mon lit pour essayer de trier mes émotions. Toutes mes pensées deviennent floues. Les questions se catapultent, les réponses pas trop. Je me repasse le souvenir de la journée de la veille, à sauter partout comme le plus con des dragons. J’aurais pu me cramer le cœur en direct.
    Le téléphone sonne à nouveau, c’est le même numéro.

    – C’est encore le docteur Gelperowic. Nous venons de récupérer de nouveaux résultats…

    – Alors ?

    – Malheureusement, les trois lignées de globules sanguins sont atteintes. Votre taux de plaquettes est très bas.

    – Les plaquettes ? Je ne me souviens plus exactement…

    – Il s’agit des cellules qui arrêtent les saignements. Vous en avez très peu.

    – Comment ça « très peu » ?

    – La norme est entre 150 000 et 450 000, mais vous, vous en avez 11 500. En dessous de 20 000, on transfuse systématiquement. Vous avez saigné du nez récemment ?

    – Oui.

    – Surtout ne vous rasez pas, ne manipulez pas d’objets coupants et essayez de ne pas vous cogner, pour éviter tout risque hémorragique. Les globules blancs sont également touchés, monsieur Malzieu.

    – Ce qu’on appelle les défenses immunitaires ?

    – Oui. Vous avez 750 polynucléaires neutrophiles alors qu’il vous en faudrait le double. Je ne vous cache pas que c’est inquiétant…

    – On va me transfuser pour ça aussi ?

    – Ces globules-là ne se transfusent pas. En attendant la prise en charge, lavez-vous les mains le plus souvent possible.

    – Mais qu’est-ce que tout ça veut dire ?

    – Il faut vous faire quelques examens complémentaires pour diagnostiquer. On va devoir explorer votre moelle osseuse pour comprendre pourquoi vous perdez votre sang.

    Les battements de mon cœur s’accélèrent. Mon petit appartement paraît immense. Hémoglobine, plaquettes, polynucléaires, transfusion… ces mots avancent sous mon crâne telles des ombres menaçantes. Je tape « moelle osseuse » sur Internet : « A un rôle vital dans le fonctionnement du corps humain. Elle est responsable de la formation des cellules particulières (globules rouges, blancs et plaquettes) appelées cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules produisent l’ensemble des globules indispensables à la vie. »

    Indispensables à la vie ?

     

  • [Livre] Sultana

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    Résumé : Protégée par un pseudonyme, une femme musulmane révèle, pour la première fois, les secrets de son pays, l'Arabie Saoudite. Sultana est née princesse mais la vie qu'elle retrace dans ce témoignage bouleversant est celle de l'esclavage auquel sont soumise toutes les Saoudiennes. Enfance dominée, mariage forcé, lapidation, enfermement à vie, humiliations, soumissions, exclusion... La liste est longue, tout aussi longue que les interdits qui pèsent sur ces femmes dépourvues de tout droit.

    Mais pour Sultana, princesse féministe, ce livre est le commencement du changement, et un message d'espoir.

     

    Auteur : Jean P. Sasson

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 01 Janvier 1994

     

    Prix moyen : 4€

     

    Mon avis : J’ai toujours été partagée en lisant l’histoire de Sultana. Car s’il est vrai qu’elle ne maîtrise pas sa propre vie, son enfance étant dirigée par son père puis sa vie d’adulte par un époux choisi par ce dernier, elle a quand même plus de chance que n’importe qu’elle autre femme ordinaire de son pays ou même de tout autre pays islamiste comme l’Iran.
    Car après tout, sa vie est peut être un long sacrifice, mais comme le dit Marius à Fanny dans la trilogie de Pagnol, elle se sacrifie de bon appétit : des milliers de dollars d’argent de poche, se levant à midi puisque les domestiques s’occupent des enfants, se faisant masser les pieds, vivant dans des maisons immense pourvues de tout le confort moderne, voyageant dans compter entre les différentes capitales, juste pour faire du shopping…
    Quant à ses « manquements » aux règles, ils ne sont guère sanctionnés. Là où toute autre jeune fille serait emprisonnée et risquerait la flagellation ou même la mort, Sultana ne récolte que des regards noirs et des sermons.
    Mais d’un autre côté, c’est cette « protection » que lui donne sa naissance royale (car les hommes de sa famille craignent plus que tout un scandale public et ne peuvent pas punir de manière trop cruelles leurs filles ou épouses, au risque que la raison de cette punition ne se sache) qui lui permet de nous dévoiler les dessous de la vie des saoudiennes, celles qui n’ont pas sa chance.
    Comme la jeune fille de 13 ans, lapidée pour avoir eu des relations sexuelles alors qu’elle a été violée par les amis de son frère en l’absence de ses parents, celle de 17 ans, mariée à un homme de 57 ans au fond du désert pour avoir eu un comportement déplacé, au même âge, et pour la même faute, une autre sera exécutée par son père…
    Sultana nous parle aussi des domestiques, surtout les philippines, qui sont régulièrement battues et violées par les familles qui les emploient.
    Même si la vie de Sultana est contrôlée par les hommes et par les lois clairement faites contre les femmes dans son pays, je la trouve parfois très naïve. Elle vit sur un tapis d’or, son père lui a choisi un époux assez proche d’elle en âge, séduisant, aux idées assez modernes pour un saoudien, elle n’a pas été excisée, son père ayant interdit cette pratique après qu’un médecin l’ait informé que sa femme l’avait fait sur ses trois filles aînée et lui ait expliqué les dangers de la pratique, elle a été éduquée, d’abord enfant, puis en reprenant des études une fois adulte… Je ne sais pas si elle réalise à quel point sa vie est facile comparée à celle des femmes de conditions plus modestes.
    Ce livre est très intéressant car il parle de la condition féminine en Arabie Saoudite, mais il faut parfois remettre les choses à leur place et imaginer les mêmes situations dans une famille qui ne dépense pas 6 millions de dollars comme nous dépensons 5€.

    Un extrait : En 1968, j’ai douze ans et mon père devient incroyablement riche. Malgré cette richesse, il est le moins extravagant des Al Sa’ud. Pourtant, il a décidé e faire construire pour chacune de ses quatre familles quatre palais, à Riyad, Djeddah, Tayf et en Espagne. Les palais sont exactement semblables dans chacune des villes, jusqu’à la couleur des tapis et au choix des meubles. Mon père déteste le changement, il veut se sentir chez lui, dans la même maison, tout en voyageant d’une ville à l’autre. Il exige que ma mère nous achète quatre fois chaque objet personnel, y compris les sous vêtements. Il refuse que sa famille s’encombre de bagages. On se procure mes livres et mes jouets par paquets de quatre destinés à chacun des palais. C’est troublant pour moi de me retrouver dans une chambre à Djeddah pareille à celle de Tayf, identique à celle de Riyad, devant les mêmes vêtements suspendus dans les mêmes penderies.
    Ma mère se plaint rarement mais, lorsque mon père achète quatre Porsche rouges identiques à mon frère Ali, qui n’a alors que quatorze ans, elle gémit tout haut que c’est une honte, un tel gaspillage avec autant de pauvres dans le monde.

    Mais dès qu’il s’agit d’Ali, aucune dépense ne compte…
    A dix ans, Alia reçu sa première montre Rolex en or. Je suis particulièrement jalouse, car j’ai demandé à mon père un lourd bracelet d’or aperçu au souk, et il a brutalement refusé. Pendant deux semaines, Ali fait grand cas de Rolex, puis je m’aperçois, un jour, qu’il l’a oublié sur une table, à côté de la piscine. Morte de jalousie, je prends une pierre et je mets la montre en morceaux.
    Pour une fois, ma méchanceté n’est as découverte et c’est avec un vrai plaisir que j’assiste aux réprimandes de mon père, reprochant à Ali sa négligence et lui recommandant de prendre soin, à l’avenir, de ce qui lui appartient.
    Bien entendu, au bout d’une semaine à peine, on offre à Ali une nouvelle Rolex en or, et ma rancune d’enfant se transforme en réel désir de vengeance.

    Ma mère me parle souvent de cette haine pour mon frère. En femme sage, elle a bien vu cette flamme dans mes yeux, même quand je m’incline devant l’inévitable. Je suis la plus jeune de la famille, donc dorlotée par ma mère, mes sœurs et mes autres parents. En y repensant, je ne peux pas nier que j’étais outrageusement gâtée. A cause de ma petite taille pour mon âge, en comparaison de mes sœurs, grandes et bien charpentées, on m’a traité comme un bébé pendant toute mon enfance. Mes sœurs étaient sages et réservées, de convenables princesses saoudiennes. J’étais dissipée et insoumise, me préoccupant fort peu de ma royale image. Comme j’ai dû abuser de leur patience !
    Mais, aujourd’hui encore, chacune de mes sœurs se précipiterait pour prendre ma défense au moindre danger.
    Triste contraste, pour mon père, je représente, fillette, le summum des déceptions. Et je passe mon enfance à essayer de gagner son affection… Finalement, désespérant d’obtenir son amour, je m’efforce d’attirer son attention par n’importe quel moyen, au risque qu’elle prenne la forme de punition pour mes nombreux méfaits.
    Je me dis que si mon père est contraint de me regarder aussi souvent que possible, il sera obligé de reconnaître mon caractère particulier et se mettra à m’aimer autant qu’il aime Ali. Mais les moyens tortueux et frondeurs que j’emprunte le mènent de la totale indifférence au véritable rejet.
    Ma mère a accepté le fait que ce pays où nous sommes nées prédestine à l’incompréhension entre les sexes. Je suis encore une enfant, le monde est devant moi, j’ai du mal à parvenir à une telle conclusion.

     

  • [Livre] Il m'a volé ma vie

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    Résumé : " Une heure, déjà, que le compte à rebours a débuté. Je me dépêche de faire mon repassage. Après, j'aurai trop mal. –; Trente minutes ! J'ai encore mal au crâne des coups d'hier. –; Dix minutes ! Je prends mon fils dans les bras pour aller le coucher. Je ne veux pas que mon bébé sente ma peur. Yassine a mis de la musique pour couvrir le bruit. –; Viens là ! Trois pas. –; Mets les bras le long du corps ! J'ai l'impression que mon cœur va exploser. Une claque, deux, puis les coups de poing. Quand je tombe, il passe aux coups de pied. –; Je t'en supplie, arrête ! J'essaie de me protéger comme je peux, roulée en boule. " Ces scènes de violence, répétées et programmées, Morgane Seliman les a subies pendant quatre ans. Aujourd'hui, avec courage, elle témoigne de ce cauchemar quotidien, mais aussi de la difficulté de partir, de s'éloigner, d'oublier et de se reconstruire. Un témoignage rare sur les violences conjugales et les mécanismes de l'emprise psychologique. En France, chaque année, plus de 200 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles.

     

    Auteur : Morgane Seliman

     

    Edition : XO

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 1 Octobre 2015

     

    Prix moyen : 12€

     

    Mon avis : Ce livre m’a énervée. Il m’a énervé parce que je pense à ce que dit Morgane Seliman au début : « Pourquoi je supporte tout ça ? Je sais que c'est compliqué à expliquer, que bien souvent les gens me regardent d'un drôle d'air quand je raconte mon histoire. Du moins ceux qui ne connaissent pas les arcanes du harcèlement psychologique, de l'emprise, des mécanismes de la violence. »
    Mais quand on lit le livre, on comprend pourquoi les femmes restent. Comment partir quand les administrations et la police elle-même dévoilent sa nouvelle adresse à l’homme violent ? Quand, lorsqu’on appelle la police pour leur demander de l’aide, on répond qu’il faut appeler pendant les violences ? Quand, une fois qu’on a réussi à s’enfuir, la police ne bouge pas pour faire cesser le harcèlement ? Quand la police et la gendarmerie montre leur réticence à prendre les plaintes ? Quand la justice traite la victime comme une coupable ? Quand ce genre d’homme est relaxé et libre de se lancer à la poursuite de sa proie dans la grande majorité des cas ?
    Parce que la violence ne s’arrête pas parce que la femme a quitté son conjoint ! Morgane Seliman a été espionnée, suivie, harcelée au téléphone, par SMS, menacée de mort… Et personne n’a rien fait. Aujourd’hui encore, elle vit sur le fil du rasoir, parce que non seulement la cour d’appel a allégée la sentence déjà ridicule qui avait été posée en 1ère instance, mais en plus son bourreau se paye le luxe d’aller en cassation. Et pourquoi se priverait-il ? La justice le soutient presque, on lui laisse un accès total aux informations concernant son ex-femme, aucune mesure n’est prise pour la protégée, ni elle, ni son fils. La police néglige de rechercher des preuves et de les verser au dossier, et pas n’importe quelles preuves, des preuves essentielles !
    Je suis totalement écœurée par l’attitude des différentes administrations, peut être encore plus que par Yassine lui-même. Parce que si ce genre d’homme continue à se comporter ainsi, c’est qu’ils savent qu’ils peuvent le faire en toute impunité.
    Alors peut-être que Morgane a commis une erreur en se laissant prendre dans les filets de Yassine, mais si elle l’avait repoussé, je pense qu’il n’aurait pas accepté « non » comme une réponse et qu’au lieu d’un livre sur la violence conjugale, elle aurait écrit un livre sur le viol et la séquestration. Yassine se croit au-dessus des lois, son attitude, même en dehors de celle qu’il a avec Morgane le montre bien. Ce genre de personne devrait être mis hors d’état de nuire. La sentence pour de la violence conjugale devrait être de plusieurs années et non de quelques mois.
    Dans très peu de temps, Yassine sera de nouveau dans la nature, libre de tout contrôle judiciaire, libre de faire de la vie d’une autre un enfer.
    Morgane a vécu un vrai calvaire, d’autant plus que Yassine n’est pas seulement violent, il est sadique.
    Alors oui, elle a été un temps découragée, mais je trouve qu’elle a montré une force incroyable, surtout qu’elle n’a pas eu beaucoup de personnes pour se battre à ses côtés. Son fils peut être fier de sa maman.

     

    Un extrait : Yassine, je le connaissais de réputation et j’avais croisé sa route deux ou trois fois, sans lui parler. C’était un ami du frère de mon petit ami de l’époque, Franck. « Yassine le terrible », c’était un de ses surnoms. Yassine capable de tout. Tout le monde en avait un peu peur, parce qu’on savait dans le coin qu’il ne se laissait pas faire, qu’il réglait ses comptes, et pas toujours avec les formes.

    Le jour où il m’a parlé pour la première fois, j’étais à un match de foot avec mon ami.
    Nous étions installés au bord du terrain, avec plusieurs copains, tranquilles. Yassine est arrivé avec sa démarche caractéristique. Un pas un peu chaloupé, la tête bien droite. Son air de conquérant. De type qui sait qu’il en impose et qui le montre. Il a un petit sourire en coin, content de lui…
    Il s’approche avec ses yeux verts qui pétillent, et lance sans même saluer l’assistance :

    - Franck, j’ai un mot à te dire. Je voulais juste que tu saches qu’un jour, Morgane, elle sera ma femme. Et on aura plein d’enfants. Sur ce, bonne soirée les gars.

    Il se tourne vers moi, plante ses yeux dans les miens et continue :
    - Morgane, à plus tard…
    Là, il fait une sorte de petite révérence, en nous regardant toujours fixement, puis il repart, marchant comme un prince, sans se retourner.
    Mon copain lance :
    - Vas-y, Yassine, va-t-en ! Allez, va-t-en !
    C’est passé bien au-dessus de la tête de Yassine…

    C’était ses premiers mots pour moi et je me suis dit qu’il était franchement culotté de venir, comme ça, dire un truc pareil à mon copain. J’étais estomaquée de son culot, mais aussi flattée, sans le formuler vraiment, de son intérêt pour moi. Avec Franck, nos relations se distendaient, il ne me prêtait plus vraiment attention. Le regard vert de Yassine sur moi, ç’a réveillé quelque chose.


    Je l’ai revu ensuite par hasard, on se croisait parfois le dimanche. Chaque fois, il me souriait, charmeur, et il me disait :

    - C’est avec moi que tu devrais être. Je suis comme toi, moi. Je suis égyptien… je suis comme toi.

    Dès le début, c’est quelque chose qui revenait en boucle dans son discours avec moi. Toujours avec ces étoiles dans les yeux qui me troublaient. Jamais un homme ne m’avait regardée comme ça, en me faisant sentir à ce point qu’il me trouvait belle. Quand je croisais son regard, je me sentais électrisée.

     

  • [Livre] M Train

     

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices 

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    Résumé : Patti Smith a qualifié ce livre de «carte de mon existence». En dix-huit «stations», elle nous entraîne dans un voyage qui traverse le paysage de ses aspirations et de son inspiration, par le prisme des cafés et autres lieux qu'elle a visités de par le globe.

    M Train débute au 'Ino, le petit bar de Greenwich Village où elle va chaque matin boire son café noir, méditer sur le monde tel qu'il est ou tel qu'il fut, et écrire dans son carnet.

    En passant par la Casa Azul de Frida Kahlo dans la banlieue de Mexico, par les tombes de Genet, Rimbaud, Mishima, ou encore par un bungalow délabré en bord de mer, à New York, qu'elle a acheté juste avant le passage dévastateur de l'ouragan Sandy, Patti Smith nous propose un itinéraire flottant au cœur de ses références (on croise Murakami, Blake, Bolaño, Sebald, Burroughs... ) et des événements de sa vie.

    Écrit dans une prose fluide et subtile qui oscille entre rêve et réalité, passé et présent, évocations de son engagement artistique et de la perte tragique de son mari – le guitariste Fred «Sonic» Smith –, M Train est une réflexion sur le deuil et l'espoir, le passage du temps et le souvenir, la création, les séries policières, la littérature, le café...  

     

    Auteur : Patti Smith

     

    Edition : Gallimard  

     

    Genre : Autobiographie

     

    Date de parution : 1 Avril 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Dans ce livre, on ne suit pas Patti Smith la chanteuse de rock, mais Patti Smith la femme, la photographe, l’accro au café, celle qui est capable de prendre une chambre d’hôtel entre deux avions juste pour regarder des séries policières à la télé.
    De son propre aveu, dans ce livre, elle écrit sur rien, parce qu’on lui a dit qu’il était difficile d’écrire sur rien. Alors elle se raconte. Elle ne dit rien d’extraordinaire, mais elle parle. Du fauteuil de son père, des photographies qu’elle prend, de son amour du café, de sa participation au très fermé Continental Drift Club consacré à Alfred Wegener, père de la théorie de la dérive des continents, de tout ce qui fait sa vie.
    C’est un livre qu’on lit facilement, mais qu’on repose tout aussi facilement. Il n’y a pas de coup de cœur, de ceux qui font qu’on ne peut lâcher un livre.
    En fait, à la lecture de la vie de Patti Smith, on se demande ce qu’elle a eu de si extraordinaire pour qu’elle ressente le besoin d’en faire un livre en supposant que celui-ci aurait un intérêt pour un éventuel lecteur. Si ce livre n’avait pas été sur la liste des livres en lice pour le prix des lectrices de ELLE, je ne l’aurais certainement pas lu.
    Mon plus gros problème avec ce livre est l’absence de lien temporel entre les scènes. Plusieurs fois, je suis passée d’un paragraphe à l’autre en pensant que les souvenirs se passaient plus ou moins en même temps, pour me rendre compte au bout de quelques lignes qu’en réalité plus de 20 ans les séparaient.
    Cette manière de jeter les souvenirs sur le papier sans vraiment les organiser m’a dérangé dans la lecture.
    A un moment dans le livre, Patti Smith dit qu’elle a un problème avec les livres, qu’une fois qu’elle les a refermé, quelque soit l’intérêt qu’elle lui a trouvé, elle ne se souvient plus du contenu du livre une fois qu’elle l’a refermé.
    Et bien, on dirait qu’elle a voulu que son livre produise le même effet sur les lecteurs : qu’on l’oubli sitôt lu.
    Si c’était son but, elle a parfaitement réussi. Mais pour ma part, j’aime qu’un livre me laisse un souvenir.
    Ce livre n’est pas pour moi une totale déception, car l’écriture est belle, mais je le termine assez mal à l’aise, sans aucune satisfaction.

    Un extrait : CE N’EST PAS SI FACILE d’écrire sur rien.

    C’est ce que disait le cow-boy au moment où j’entrais dans le rêve. Vaguement bel homme, intensément laconique, il se balançait dans un fauteuil pliant, le dos calé contre le dossier, son Stetson effleurant l’angle extérieur brun foncé d’un café isolé. Je dis isolé car il semblait n’y avoir rien d’autre alentour qu’une pompe à essence antédiluvienne et un abreuvoir rouillé, où des taons volaient en rond au-dessus des derniers filets d’une eau croupie. Il n’y avait d’ailleurs personne dans les parages, mais le cow-boy ne semblait pas s’en soucier ; il se contentait de ramener le bord de son chapeau sur ses yeux, un Silverbelly Open Road, le même modèle que celui que portait Lyndon Johnson, et se remettait à parler :

    — Et pourtant nous poursuivons, nous encourageons toutes sortes d’espoirs fous. Pour la rédemption de ce qui se perd, un éclat de révélation personnelle. C’est une addiction, comme les jeux d’argent ou le golf.

    — Il est bien plus facile de ne parler de rien, disais-je.

    Il n’ignorait pas ostensiblement ma présence, mais il ne me répondait pas.

    — En tout cas, voici mon obole, ma modeste contribution à la discussion.

    — Tu es sur le point de plier les gaules, de jeter les clubs dans une rivière, juste à ce moment tu trouves ton rythme de croisière, la balle roule directement dans le trou, et les pièces remplissent ta casquette posée à l’envers.

    Le soleil se reflétait sur la boucle de son ceinturon, projetant un éclair qui chatoyait à travers la plaine désertique. Un coup de sifflet aigu retentissait et, en faisant un pas sur la droite, j’apercevais l’ombre du cow-boy déversant un autre chapelet de sophismes, en changeant complètement d’angle.

    — Je suis déjà venu ici, non ?

    Il restait assis à contempler la plaine.

    L’enfoiré, je songeais. Il m’ignore.

    — Hé, disais-je, je ne suis pas une morte-vivante, ni une ombre de passage. Je suis de chair et de sang, là.

    Il sortait un carnet de sa poche et se mettait à écrire.

    — Non mais, tu pourrais au moins me regarder, ajoutais-je. Après tout, c’est mon rêve.

    Je m’approchais. Assez près pour voir ce qu’il écrivait. Il avait devant lui son carnet ouvert à une page blanche et soudain quatre mots se matérialisaient.

    Nan, c’est le mien.

    — Le diable m’emporte, murmurais-je.

    Je protégeais mes yeux du soleil en mettant ma main en visière et restais debout à regarder dans la même direction que lui – poussière nuages pick-up boules de broussailles ciel blanc – pléthore de néant.

    — L’écrivain est un chef d’orchestre, disait-il d’une voix traînante.

    Je m’éloignais, lui laissant le loisir d’expliciter la piste sinueuse des circonvolutions de l’esprit. Des mots qui s’attardaient puis se dissipaient tandis que je montais dans un train à moi, qui me déposait tout habillée dans le capharnaüm de mon lit.

    En ouvrant les yeux, je me suis levée, suis allée d’un pas chancelant dans la salle de bains où je me suis vivement aspergé le visage d’eau froide. J’ai enfilé mes bottes, nourri les chats, j’ai attrapé mon bonnet et mon vieux manteau noir, et j’ai pris le chemin si souvent emprunté, traversant la large avenue jusqu’au petit café de Bedford Street, dans Greenwich Village.

     

  • [Livre] Une si jolie petite fille

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    Résumé : 1968. Angleterre. En quelques semaines, deux petits garçons de 3 et 4 ans sont assassinés. Très rapidement, Mary Bell, 11 ans, est arrêtée, condamnée et emprisonnée. Qui est cette fillette vive, jolie et si intelligente ?

    Près de 30 ans plus tard, la journaliste Gitta Sereny la retrouve. Avec elle, lors de longs entretiens, se rejoue l'enquête et se précisent les mystérieux mécanismes qui ont conduit à l'indicible.

    Une seule question subsiste : le mal est-il en chacun de nous?

     

    Auteur : Gitta Sereny

     

    Edition : Plein jour

     

    Genre : Biographie

     

    Date de parution : 11 Septembre 2014

     

    Prix moyen : 23€

     

    Mon avis : Dès le début du livre, l’auteur nous prévient que son livre n’est pas fait pour excuser les crimes de Mary Bell mais pour dénoncer le système judiciaire britannique en ce qui concerne les enfants criminels à travers l’histoire de Mary.
    J’ai beaucoup aimé ce livre et j’ai été très intéressée par l’histoire de Mary. Choquée aussi à de nombreuses reprises. Curieusement, ce qui m’a le plus choqué n’est pas le meurtre des deux petits garçons. Bien sûr c’est affreux, et choquant aussi de constater qu’un tel acte peut être commis par un enfant, surtout en considérant que les parents ne vont pas se méfier de voir une fillette de 11 ans jouer avec leur enfant de 3 ou 4 ans, comme ils se méfieraient de voir un adulte lui tourner autour.
    Malgré tout, j’ai été davantage choqué par la suite. D’abord par le fait que Mary ait été immédiatement incarcérée le temps du procès tandis que Norma était placée dans un hôpital et ensuite par la partialité du procureur. Son attitude envers les deux fillettes a clairement influencé le jury sur le fait que Norma devait être acquittée et Mary, condamnée.
    Si cet homme est encore en vie, ou s’il a de la famille, je me demande s’il ou ils sont fier(s) de cet épisode de sa carrière.
    Autre point extrêmement choquant a été la décision de juger les fillettes comme des adultes. Et cela sous le seul prétexte qu’à onze ans, on doit pouvoir distinguer le bien du mal, sans pour autant que leur passé, leur conditions de vie, leur famille soient évoquées, ni qu’elles soient toutes deux soumises à une sérieuse expertise psychologique. Or, l’enquête de la journaliste a révélé que si, effectivement, Mary pouvait distinguer le bien du mal, elle n’avait pas la notion du caractère définitif de la mort. Elle n’avait dont pas pleinement conscience de son geste. C’est d’ailleurs dans cette optique que l’avocat de Mary a décidé de plaider coupable avec responsabilité atténuée, ce qui aurait du être en faveur de Mary lors du prononcé de la peine. Mais le procureur et le juge ont tellement diabolisé la fillette en parlant d’elle comme d’un monstre, d’une enfant malveillante, de l’engeance du diable etc… que Mary, malgré ses 11 ans, a été condamnée à perpétuité.

    Alors certes, elle a été libérée à 23 ans, mais elle vit en liberté conditionnelle. Elle n’est pas réellement libre. Elle n’a jamais pu choisir librement ou et avec qui elle allait vivre, quel métier elle allait exercer, tout devait être soumis à la validation de son officier de probation. Elle a d’ailleurs  eu de la chance car ses officiers de probation ont été géniales et se sont vraiment battues pour que Mary ait la vie la plus normale possible.
    Pour autant, elle a du changer d’identité à plusieurs reprises, les journalistes, tant anglais qu’étranger, cherchant régulièrement à la retrouver.
    Je ressors toutefois de ma lecture mitigée, non pas à cause de l’histoire en elle-même, car on plonge vraiment dans la tête de Mary Belle, mais à cause de l’auteur.
    Ici, on n’a pas un pur témoignage, comme on peut en lire régulièrement, à la première personne. C’est clairement Gitta Sereny qui raconte, qui donne une voix à Mary mais aussi à d’autres personnes, comme ses officiers de probations, des éducateurs qu’elle a croisé, certaines personnes de son entourage etc…
    C’est un choix de récit intelligent, car, après l’enfance désastreuse (qu’on découvre dans la dernière partie du livre) et les chaos qui ont jalonnés la vie de Mary après son procès, sa mémoire n’est pas toujours très juste et elle confond parfois les personnages et les dates. Le point de vue de personnes extérieures permet donc d’avoir une idée plus précise des évènements.
    Cependant, à plusieurs reprises, Gitta Sereny a poussé Mary dans ses retranchements, malgré l’avis d’un psychiatre qui s’est inquiété de ce travail d’enquête, craignant que faire ressortir des souvenirs si profondément enfouis ne soit préjudiciable à Mary. Il dit clairement que ce travail aurait s’étaler sur plusieurs années et dans le cadre d’une thérapie. Mais l’auteur, obsédé par Mary depuis son procès, auquel elle a assisté, n’a pas semblé vouloir prendre la moindre précaution, le plus important étant la sortie du livre.
    J’ai aussi été assez choquée de voir que dans ses remerciements, Gitta Sereny ne prend pas la peine de remercier Mary Bell. Pourtant, il me semble que cela aurait été la moindre des choses puisque sans le témoignage et le travail de Mary, qui a accepté de se replonger, des mois durant, dans des souvenirs douloureux et pénibles, ce livre n’aurait jamais vu le jour.
    Puisqu’elle a décidé de ne pas la citer comme co-auteur, contrairement à ce que font la plupart des journalistes qui écrivent sur la base des souvenirs de quelqu’un, elle aurait pu au moins la remercier de son implication comme l’a fait Jean P. Sasson, qui à la fin du livre Sultana, dans les remerciements débutent par « Merci Sultana, pour avoir bravement partagé avec le monde l’histoire de ta vie ».
    Ces remerciements sont pour moi une preuve de l’honnêteté de l’auteur, qui reconnaît qu’il n’a fait qu’une maigre partie du travail en retranscrivant la vie d’une autre. Une honnêteté qui semble faire défaut à Gitta Sereny.

     

    Un extrait : À la fin de la première journée du procès, le point de vue du procureur ne pouvait faire aucun doute dans l’esprit de qui que ce fût. Il avait déjà déposé dans l’esprit des jurés les germes de ce que serait le verdict, deux semaines plus tard : non coupable pour Norma, coupable d’homicide involontaire pour cause de responsabilité atténuée pour Mary.

    « Vous verrez, dit-il en achevant son long exposé, que Norma est une jeune fille immature, arriérée. Elle ne se serait jamais trouvée dans la terrible situation où elle est aujourd’hui si elle n’avait pas habité à côté de Mary. Celle-ci, en revanche, ainsi que plusieurs témoins le confirmeront, a une évidente propension à mettre ses mains sur la gorge des enfants plus jeunes qu’elle. Même si elle a deux ans et deux mois de moins que Norma, elle est la plus intelligente des deux, et c’est elle qui domine. C’est elle aussi, d’ailleurs, qui dans l’une de ses dépositions a utilisé la ruse pour tenter d’impliquer un petit garçon parfaitement innocent dans le meurtre de Brian Howe. »

    Ses derniers mots furent pour désigner Mary, non pas comme une enfant malade ou perturbée, mais comme un être mauvais et, sans égard pour son âge, un monstre. Il dramatisa l’histoire du petit A. accusé à tort, puérile et pathétique tentative qu’elle avait faite pour se protéger, et donna à ce fait une importance démesurée par rapport à la vraie tragédie – la mort des deux petits garçons. Il en fit l’acte répréhensible par excellence, à l’aune duquel tout le reste devait se mesurer. « Cela vous donne une idée du genre de fille dont il s’agit », assena-t-il pour conclure.

    Tard ce soir-là, dans le petit appartement au dernier étage du centre d’accueil de Fernwood où elle devait rester isolée sous la surveillance de la police pendant les neuf jours (et les deux week-ends) que durerait le procès, Mary demanda à l’agent, Barbara F., le sens du mot « immature ». Chaque agent réagissait à sa manière face à Mary. Barbara F., quand elle me raconta la scène, me dit franchement qu’elle ne l’aimait pas. « Elle me donnait la chair de poule, vous comprenez ? Mais bien sûr, lorsqu’elle m’interrogeait, j’essayais de répondre. »

    « Alors, si Norma est immature, et si je suis la plus intelligente, tout va me retomber dessus ? » lui demanda Mary.

    « J’ai juste haussé les épaules, conclut la jeune femme. Qu’est-ce que je pouvais dire ? »

     

  • [Livre] La déposition

     

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

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    Résumé : « Quand Guillaume Agnelet a quitté la barre, j'ai baissé la tête, je tremblais. Sur mon carnet j'ai griffonné mise à mort d'un homme. Deux jours après la déposition du fils, la cour d'assises a déclaré son père, Maurice Agnelet, 76 ans, coupable de l'assassinat de sa maîtresse et l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle. L'affaire avait trouvé son épilogue judiciaire.
    C'était l'histoire d'un secret de famille. Personne n'avait rien su, rien deviné. J'avais la scène sans les coulisses, la lumière sans les ombres. J'ai voulu comprendre. J'ai écrit une longue lettre à Guillaume Agnelet. Et tout a commencé."

     

    Auteur : Pascale Robert-Diard

     

    Edition : L’iconoclaste

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 20 janvier 2016

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : Habituellement je lis très vite. Un livre de cette taille, 236 pages, je le lis généralement en une soirée. Mais ici, j’ai voulu prendre mon temps tant l’affaire est complexe.
    Parce qu’il y a les faits, bien sûr, que je vais rappeler, mais il y a surtout ce que l’on découvre dans ce livre, toute la dimension humaine qui a entourée ces près de 40 ans d’attente entre la disparition d’Agnès et la condamnation définitive de son meurtrier.
    Petit rappel des faits, car je me suis rendu compte en parlant du livre autour de moi que tous ne connaissaient pas l’affaire dont il est question. Petit rappel rapide, uniquement de la procédure judiciaire, ceux qui s’y intéressent trouveront de plus amples détails sans difficultés sur internet.
    En 1977, Agnès Le Roux, jeune femme assez fortunée, disparaît sans laisser de traces. Son corps ne sera jamais retrouvé. Très vite, les soupçons se portent sur son amant, l’avocat niçois Maurice Agnelet. Mais suite au témoignage d’une autre de ses maitresses, il bénéficie d’un non lieu en 1985. La maitresse en question ayant fourni l’alibi s’étant rétractée, Maurice Agnelet est remis en examen en 2000 et comparait devant les assises de Nice en 2006.
    C’est là que commence le récit de Pascale Robert-Diard. Sur ce procès qui s’ouvre près de 30 ans après les faits.
    L’affaire, on la suit de l’intérieur, l’auteur ayant bénéficié de l’éclairage du fils du meurtrier, Guillaume.
    Au travers les yeux de ce fils qui pendant plus de 30 ans a apporté un soutien sans faille à son père malgré sa conviction de sa culpabilité, on découvre Maurice Agnelet comme un homme arrogant, sûr d’échapper à la justice, méprisant envers tous et surtout envers ceux qui ne se « prosternent » pas devant lui.
    On cherche à comprendre ce qui a pu pousser ce fils modèle à « trahir » son père tout en louant son courage car il sait, avant même de prendre sa décision, qu’il se retrouvera seul contre tous.
    Devant les assises de Nice, Maurice Agnelet est acquitté. Le parquet fait appel. Renvoi est fait devant les assises d’Aix en Provence. Là il est condamné. 20 ans. Guillaume Agnelet peut respirer. Mais Maurice Agnelet se défend. Il saisi la Cour Européenne des droits de l’homme qui condamne la France en 2013. Un nouveau procès doit avoir lieu.
    Il se tiendra devant les assises de Rennes.
    C’est ce procès qui est le procès de trop pour Guillaume. Il craque et « déballe » tout ce qu’il sait. Son témoignage portera un coup fatal à son père. Son témoignage ou l’arrogance de cet homme qui n’a pas hésité à clamé devant sa famille que « tant qu’ils ne retrouvent pas le corps, je suis tranquille. Et le corps, je sais où il est. ».
    Pascale Robert-Diard nous livre une chronique judiciaire qu’on lit presque comme un roman, même si on ne s’y plonge pas aussi profondément car le style ne nous fait jamais oublier qu’il ne s’agit pas là d’un récit fictif, mais d’une véritable affaire et que Maurice Agnelet est un monstre tout ce qu’il y a de plus réel.
    Voilà d’ailleurs un petit bémol sur cette œuvre : A trop coller au style narratif qui éloigne un peu de la simple chronique judiciaire, j’ai trouvé que c’était par moment « trop long », et j’ai failli décrocher à une ou deux reprises. Je n’ai gardé le cap qu’en m’accrochant aux faits en m’efforçant d’occulter les pensées et sentiments du fils Agnelet.

    Un extrait : Il est le fils du milieu. L’aîné était brillant et épatait son père. Le dernier était handicapé et accaparait sa mère. Les premières années, la famille se serrait au premier étage du 13, cours Saleya à Nice, dans une bâtisse vieil ocre le long du marché aux fleurs, qui abritait l’appartement et le cabinet de maître Maurice Agnelet. L’avocat aimait le reflet de sa silhouette dans le miroir, ses longues jambes serrées dans une toile de velours ras, le pull fin à col romain qui lui rappelait le temps où il se rêvait séminariste et le hoquet de stupeur et d’indignation que provoquait, aux beaux jours, son arrivée au palais, les pieds nus dans des sandales dépassant de sa robe. Il attirait les garçons et plaisait aux femmes, espérait beaucoup de ses amitiés maçonniques, guignait la présidence de la Ligue départementale des droits de l’homme et appréciait que son épouse, Anne, ferme les yeux sur ses infidélités nocturnes.

    Guillaume était fasciné par l’épaisse porte capitonnée du cabinet de son père et par la mallette en peau de crocodile avec serrure à code qu’il avait rapportée de Suisse. Mais ce qu’il préférait, c’était sa moto, une vieille BMW 750 que Maurice Agnelet avait achetée aux Domaines lors d’une vente de matériel de la police et avec laquelle il venait parfois le chercher à la sortie de l’école.
    L’enfant se hissait à l’arrière, ses jambes de 7 ans trop courtes encore pour atteindre les cale-pieds. Le visage collé au dos de son père, il guettait le moment où, passé les faubourgs de la ville, la route devient étroite et serpente dans la montagne. A l’approche de chaque virage, dans l’odeur des pins brûlés de soleil et le sifflement du vent, Guillaume sentait la moto ralentir puis basculer comme si elle allait se coucher dans le fossé avant de se redresser sous l’accélération. Il fermait les yeux de peur et de plaisir en comptant les lacets qu’il leur restait à parcourir, serrait plus fort la taille de son père ; jamais il ne s’est senti plus proche de lui que dans ces moments-là.
    Leur maison se trouvait tout au bout de la route de mont Macaron. La cabane de cantonnier où ils passaient autrefois les dimanches était devenue une grande villa avec terrasse qui dominait toute la baie de Nice. Anne portait les cheveux longs et libres, elle coulait des bougies dans des pots en verre colorés en écoutant Jean Ferrat, Georges Moustaki ou Joan Baez et interdisait à ses fils d’approcher du métier à tisser à deux pédales qui trônait dans le salon. Bientôt, il y aurait une piscine et des fêtes auxquelles Maurice Agnelet, devenu vulnérable de sa loge et conseiller municipal, convierait chaque année plus de monde.
    Dans le jardin, les trois garçons jouaient à dévaler en hurlant le toboggan de métal dont le rouge commençait à faner au soleil. Thomas inventait des blagues qui le faisaient beaucoup rire.
    « Quelle est la différence entre un avion et une pomme de terre ? Réponse : l’avion il vole, et la pomme de terre, elle va dans la terre ».
    Jérôme, l’aîné, avait un privilège que Guillaume lui enviait. Son père l’emmenait une fois par semaine au cinéma voir des films « de grands ». Il avait promis aux deux cadets qu’il ferait la même chose avec eux, plus tard.

    Mais plus tard est arrivée « l’affaire ». Guillaume avait 8 ans. Il ne se souvenait pas que la brune souriante aux yeux noirs qui lui avait offert une glace un jour qu’elle raccompagnait Maurice Agnelet en voiture s’appelait Agnès. Ce n’est que bien après que ce prénom a envahit sa vie.

     

  • [Livre] La petite princesse de papa

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    Résumé : Cathy Glass, mère d’accueil, aime raconter les histoires de ses petits protégés avec toujours à cœur d’insuffler de l’espoir. Le jour où on lui confie Beth, la mission semble anodine : prendre soin de la petite fille pendant l’hospitalisation de son père. Mais très vite Cathy soupçonne une anomalie dans leur relation fusionnelle…

     

    Auteur : Cathy Glass

     

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 2016

     

    Prix moyen : 17€

     

    Mon avis : Le placement de Beth a eu lieu au début de la carrière en tant que mère d’accueil de Cathy Glass.
    Pas facile de gérer un placement d’enfant avec deux enfants à soi de 2 et 6 ans et un mari qui est absent toute la semaine.
    Pas facile non plus de mettre des mots sur une impression vague, quoi que persistante, un certain malaise, sans aucune formation.
    Et encore moins facile de gérer une fillette déboussolée quand on obtient aucune information des assistantes sociales qui semblent penser que les familles d’accueil ne sont là que pour gérer le quotidien et n’ont pas à connaître les détails d’un dossier.
    Dans ce placement, parmi les premiers que Cathy a effectué, tout semble au premier abord très simple : un père, seul, sans famille, souffrant de dépression, a demandé à être admis à l’hôpital pour y être soigné. C’est une réaction très saine pour ce père qui, sentant qu’il n’allait pas bien, n’a pas voulu laisser la situation s’aggraver. Comme il n’a plus de famille, hormis un père très âgé vivant en maison de retraite et que la mère de sa fille les a abandonnés, la fillette doit être placée le temps des soins de son père.
    Ici, il est hospitalisé pour dépression, mais s’il avait été hospitalisé pour une hernie ou pour une appendicite, le résultat aurait été le même, la fillette aurait été confié temporairement à une famille d’accueil.
    Quand elle voit les photos et les vêtements de la fillette, Cathy ressent un malaise qu’elle n’arrive pas à définir. La maitresse d’école de la fillette et l’ancienne compagne du père semblent ressentir la même chose sans pour autant mettre des mots dessus.
    Cathy est inquiète mais ne sait pas comment réagir. Elle trouve que la fillette et son père ont une relation fusionnelle, trop fusionnelle, pas vraiment la relation que l’on attend entre un père et sa fille.
    Il va falloir un signalement aux services sociaux de la part de Cathy, puis de la maitresse et enfin un ressenti direct de l’assistante sociale de ce « malaise «  pour qu’une enquête soit diligentée par les services sociaux.
    Finalement, c’est à un sujet peu connu que vont être confronté les différents acteurs de l’histoire de Beth. Un sujet dans lequel j’ai du mal à trouver un coupable. Peut être y en t-il, mais j’ai eu plus l’impression d’être confronté à plusieurs victimes.
    Du coté de la vie personnelle de Cathy, j’ai trouvé que son mari John, est vraiment minable, surtout vers la fin du roman. Je l’ai trouvé arrogant et puéril. En revanche Cathy a fait preuve d’une grande dignité et d’une grande maîtrise d’elle-même.

    Un extrait : J’étais sur le point de croire qu’ils ne viendraient pas. L’assistante sociale s’occupant de Beth avait téléphoné dans l’après-midi pour m’informer qu’elle l’amènerait « vers l’heure du thé ». Il était 19 heures, l’heure du thé était passée depuis longtemps et Adrian, Paula et moi avions déjà dîné. Je préparerais quelque chose d’autre à manger si Beth arrivait. La nuit était froide et la petite Beth serait déjà assez contrariée d’avoir été séparée de son père, elle ne devait pas en plus souffrir de la fatigue et de la faim. Je savais que, dans le domaine de l’aide sociale, les plans changeaient souvent à la dernière minute, mais j’avais pensé que l’assistante sociale m’aurait appelée pour me tenir informée. Nous étions bien au chaud dans le salon, à l’arrière de la maison, les rideaux fermés nous protégeant de la nuit froide et noire. Paula et Adrian étaient assis par terre. Paula avait construit un château avec des cubes et Adrian feuilletait un livre illustré sur de vieilles voitures et motos, un cadeau de Noël qu’il avait reçu trois semaines plus tôt. Tosha, notre adorable et paresseux chat, était pelotonné sur sa chaise préférée.
    — Je croyais qu’une fille allait venir, s’enquit Adrian en levant les yeux de son livre.
    — Moi aussi, répondis-je. Peut-être que son père n’est pas aussi malade qu’on le croyait et qu’elle a pu rester chez elle.
    À six ans, Adrian avait déjà une idée de ce que l’accueil signifiait; d’autres enfants avaient séjourné chez nous. Paula, elle, n’était pas assez âgée pour comprendre, même si j’avais essayé de lui expliquer qu’une fillette de sept ans, appelée Beth, viendrait peut-être vivre chez nous pendant un temps. De cette enfant, à part son âge, je savais seulement qu’elle vivait avec son père, que celui-ci était malade et allait probablement être admis en hôpital psychiatrique. C’est tout ce que l’assistante sociale m’avait dit au téléphone et j’espérais en apprendre davantage quand elle amènerait Beth. Je me levai du canapé et rejoignis Paula pour l’aider à ranger ses briques.
    — C’est l’heure d’aller au lit, ma chérie, lui dis-je.
    — Mais je croyais qu’une fille allait venir, me répondit-elle en répétant les mots d’Adrian.
    C’était l’âge où elle copiait souvent son grand frère. J’entendis Adrian soupirer doucement.
    — Je ne pense pas qu’elle viendra maintenant, il est déjà tard.
    Mais à l’instant où je commençais à ramasser les cubes en plastique, la sonnette retentit, nous faisant tous sursauter. Les enfants me regardèrent, impatients. Comme mon mari John travaillait loin, j’étais assez prudente si l’on sonnait le soir. Laissant Adrian et Paula dans le salon, je me rendis dans l’entrée, pour regarder par le judas. Grâce à la lumière extérieure, je distinguai une femme et un enfant. Rassurée, j’ouvris la porte.
    — Désolée, nous sommes en retard, s’excusa immédiatement la femme. Je m’appelle Jessie, je suis l’assistante sociale de Beth. Nous nous sommes parlé au téléphone. Vous devez être Cathy ? Voici Beth.
    Je souris et regardai Beth, qui se tenait debout à côté de l’assistante. Elle portait un manteau d’hiver gris, boutonné jusqu’au col. Elle était pâle mais ses joues étaient roses et ses yeux gonflés d’avoir pleuré. Dans sa main, elle serrait un mouchoir qu’elle pressa sur son nez.
    — Oh! ma chérie, tu dois être tellement fatiguée et inquiète, dis-je. Entre donc.
    — Je veux mon papa, fit Beth, les yeux se remplissant de larmes.
    — Je comprends, lui répondis-je en lui touchant le bras d’un geste rassurant.
    Jessie aida Beth à franchir la marche et entra avec une très grosse valise.
    — Nous nous sommes arrêtées chez Beth pour prendre ses habits, expliqua-t-elle alors que je refermais la porte d’entrée. Cela a pris plus de temps que je le pensais. Beth a voulu ôter son uniforme d’écolière. Puis nous avons dû faire la valise. Elle s’inquiétait de son linge à laver et de la nourriture laissée dans le réfrigérateur. Je lui ai dit de ne pas s’en faire, qu’elle pourrait laver son linge ici et que tout irait bien à la maison.
    Je souris à nouveau à Beth.
    — Absolument, tu ne dois t’inquiéter de rien, je m’occuperai de toi, lui dis-je, même si je me demandais comment une fillette de sept ans pouvait penser à la lessive à faire et à la nourriture qui se perd. Veux-tu enlever ton manteau? Nous l’accrocherons ici, au portemanteau dans l’entrée. Beth commença à se déboutonner, puis laissa Jessie lui retirer son manteau.
    Je le suspendis et Jessie fit de même avec le sien.
    — Je veux être avec mon papa, répéta Beth.
    — Cela ne durera pas longtemps, la rassura Jessie, seulement jusqu’à ce que papa aille mieux.