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[Livre] Mon père m'a vendue

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Résumé : Nuala a 16 ans, un petit ami et une folle passion pour un chanteur à la mode. Elle est une adolescente comme les autres jusqu’au jour où son père décide de la marier à l’un de ses riches clients... un veuf de 65 ans, contre 2 500 livres et une voiture. Tout le monde réprouve cette union, mais personne n’ose s’opposer au cruel patriarche. Attachée, violée et battue, Nuala attendra vingt-deux ans avant de raconter son histoire.

 

Auteur : Sean Boyne

 

Edition : France loisirs

 

Genre : Témoignage

 

Date de parution : 2013

 

Prix moyen : 7€

 

Mon avis : Voici un livre qui rappelle qu’il n’y a pas que dans les pays du Moyen-Orient que les mariages forcés existent. Ici, l’histoire se passe dans l’Irlande catholique des années 70. Tout le monde désapprouve, mais personne ne fait rien pour protéger Nuala. Le seul qui aurait pu intervenir, le prêtre, ne savait pas qu’il célébrait un mariage forcé.

Au moment de son mariage, Nuala en « profite » pour quelques petits actes de rébellion dérisoires : elle fume devant son père qui le lui a interdit, et quand celui-ci lui ordonne, avec une violence verbale inouïe d’écraser sa cigarette, elle lui répond qu’il n’a plus d’ordre à lui donner puisqu’elle est mariée. Ce sont des actes sans importance qui, s’ils la soulagent un peu de sa colère sur le moment, ne changeront rien à l’avenir qui se profile devant elle.
Sa mère va essayer de la réconforter en lui disant qu’elle sera ainsi dégagée de l’autorité de son père. C’est vrai que Dan a tout pour plaire : alcoolique, violent, menteur, pédophile… La mère Josey a trop peur pour s’interposer et s’opposer à ce mariage, même si elle tente de faibles protestations.

Mais son père espère trop pouvoir faire main basse sur l’héritage de Paddy, le vieux mari, pour relâcher son autorité sur sa fille. Car même si c’est elle l’héritière, il n’a pas l’intention de la laisser profiter de quoi que ce soit et compte bien hériter lui-même par procuration.
Les évènements, en  particulier la loi qui ne reconnaît pas le viol entre mari et femme, détourne Nuala à la fois de son pays mais aussi de la religion catholique, qui, ni l’un ni l’autre n’ont été capable de la protéger.
Le journaliste que Nuala a contacté pour raconter son histoire attendait cette occasion depuis 22 ans. C’est lui à l’époque qui avait relaté l’affaire dans le journal et la jeune fille avait envoyé un démenti concernant le coté « forcé » de son mariage. Le journaliste avait toujours été persuadé qu’elle avait été forcée à l’écrire.

C’est par hasard que lorsqu’elle a appelé pour raconter cette histoire, ce soit ce même journaliste qui décroche le téléphone. Dès ses premiers mots, il a compris à qui il avait à faire.
Le style est un peu hésitant. L’auteur passe du passé au présent sans la moindre indication de temps : il n’y a jamais un Aujourd’hui Nuala sait, ou Avec le recul, Nuala comprend… Les changements de temps sont abrupts, parfois sans même un retour à la ligne.
Mais le livre est court et, du coup, on arrive à passer au dessus de ce manque de fluidité dans l’écriture pour se concentrer sur l’histoire.

Un extrait : Le vieil agriculteur se tenait près du bel escalier en calcaire du perron tandis que la camionnette arrivait dans un bruit sourd de ferraille qui tranchait avec la tranquillité des champs. La demeure possédait deux étages au-dessus d’un sous-sol qui avait autrefois abrité les quartiers des domestiques. Le propriétaire des lieux arborait une tenue classique : pantalon défraîchi, vieille veste de costume, chemise à carreaux, chapeau cabossé et bottes en caoutchouc.

— Comment ça va, patron ? lança Dan en sortant du véhicule.

— Pas mal, répondit l’homme.

Dan, en excellent vendeur, ne tarda pas à le convaincre qu’il était temps de constituer des réserves de charbon pour l’automne, et parvint à ses fins. Le fermier, de bonne taille, avait encore belle allure malgré son âge. Nuala perçut cependant une certaine dureté ou cruauté dans ses traits burinés. D’emblée, elle se méfia de lui. Un ouvrier agricole d’une cinquantaine d’années, Sylvester, un homme au front luisant et au regard perçant, travaillait avec le vieux fermier. À l’idée que cette maison angoissante et isolée était habitée par ces deux hommes, Nuala se sentit encore plus mal à l’aise. Elle voulait repartir au plus vite.

— Très bien, commence à décharger les sacs, ordonna Dan avec un sourire satisfait.

— Oui, papa.

Le vieux fermier redoubla d’intérêt pour Nuala en la voyant soulever les gros sacs de charbon avec Sylvester.

— C’est un garçon ou une fille ? demanda-t-il à Dan.

— Une fille, répondit-il. La mienne.

Sylvester, lui, semblait l’avoir compris dès le début. Il observait Nuala de pied en cap. Quant à Paddy McGorril, cette révélation parut piquer sa curiosité. « Qu’est-ce qui leur prenait, à ces types ? pensa Nuala. Ils n’avaient donc jamais vu de filles ? »

Quand ils eurent terminé de décharger, le fermier invita Dan à entrer. Son hospitalité ne s’étendit pas à Nuala. Ce n’était qu’une fille, après tout, pourquoi l’associer à une « discussion entre hommes » ? Elle alla attendre patiemment dans la camionnette.

Quand Dan et le fermier finirent par sortir de la maison au bout d’un temps considérable, elle remarqua que son père souriait. Cela n’arrivait pas souvent – seulement quand il gagnait de l’argent ou qu’il arnaquait un pauvre diable. Elle se demanda ce qui avait bien pu se passer.

Les deux hommes s’approchèrent de Nuala.

— Enlève ton chapeau et arrange tes cheveux, lui demanda son père.

Nuala s’exécuta, laissant retomber ses longs cheveux sur ses épaules. Paddy sembla impressionné.

— Oh, joli brin de fille, dit-il en la regardant.

Nuala sentit que les deux hommes avaient parlé d’elle. Son père avait une haleine de whisky — manifestement, l’agriculteur lui avait réservé un accueil généreux. Avaient-ils trinqué ensemble ?

Nuala avait passé le bras par la fenêtre de la camionnette. Il se produisit alors une chose étrange. Paddy se mit à lui tâter les muscles et à la détailler du regard.

Elle eut l’impression qu’il l’observait comme un éleveur évaluerait du bétail sur un marché aux bestiaux. Son père souriait toujours. L’ouvrier agricole la dévisageait, lui aussi ; elle le regarda avec méfiance. « Mon Dieu, ils sont bizarres », se dit-elle. Une idée lui passa par la tête : son père avait peut-être négocié un travail pour elle dans cette ferme. Allait-elle devenir manœuvre ? « Hors de question que je vienne travailler ici avec ces deux-là », pensa-t-elle. Tous les hommes lui inspiraient une certaine crainte, à l’époque, et elle n’avait qu’une envie : quitter au plus vite ce drôle d’endroit.

Elle saisit quelques bribes d’une étrange conversation entre Paddy et son père, mais l’ouvrier commença à lui parler d’une voix traînante, ce qui l’empêcha de comprendre ce que les deux autres hommes se disaient. Elle entendit le fermier expliquer à son père, avec un fort accent rural :

— On s’occuperait bien d’elle. Elle ne manquerait de rien. Il n’y aurait pas de sexe, rien de physique. Ce serait juste pour me tenir compagnie, vous voyez. Elle aurait de l’argent et, à ma mort, un bel héritage.

Il raconta que sa femme était morte deux ans plus tôt et que ses enfants, devenus adultes, avaient quitté le foyer. Il avait envie d’avoir quelqu’un à ses côtés. Tout en parlant, les deux hommes lui lançaient des regards en coin. Le fermier cherchait manifestement une femme.

Le père de Nuala, qui avait alors une cinquantaine d’années, serra la main de cet homme plus vieux que lui et monta dans la camionnette.

— Tu le vois, lui ? lui lança-t-il d’un air détaché. C’est ton futur mari.

 

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