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Young adults - Page 9

  • [Livre] Ma raison d'espérer

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    Résumé : Emma commence doucement à réapprendre à vivre aux côtés d'Evan et de Sara. Hantée par des cauchemars terribles, elle décide de donner une seconde chance à sa mère, qui l'a abandonnée, espérant trouver un sens à sa souffrance. Mais elle doit aussi affronter le regard des autres : ceux qui s'en veulent de ne pas l'avoir soutenue, ceux qui la jugent mais aussi ceux qui, surgissant de son passé, ont encore bien des révélations à faire sur sa vie d'avant...

     

    Auteur : Rebecca Donovan

     

    Edition : Pocket jeunesse français

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 15 octobre 2015

     

    Prix moyen : 19€

     

    Mon avis : J’attendais avec une grande impatience la sortie de la suite de ma raison de vivre et je n’ai pas été déçue.
    J’ai retrouvé avec plaisir Emma, Evan et Sara (entre autres). L’histoire reprend quelques mois après l’épilogue du tome précédent, c’est donc par flash back ou par la conversation des protagonistes que nous apprenons ce qui s’est passé et les conséquences que cela a pu avoir sur la vie d’Emma et de ses proches.
    Et surtout deux nouveaux personnages importants font leur apparition : Rachel, la mère d’Emma, qu’on avait brièvement aperçue dans le premier tome, et Jonathan, le très jeune petit ami de cette dernière.
    Quand Emma décide de vivre avec sa mère, malgré le fait qu’elle l’ait laissée 5 ans avec son oncle et sa tante sans jamais se poser la question du bien-être de sa fille, je me suis dit qu’elle commettait une erreur et qu’elle aurait du commencer par aller passer quelques jours avec sa mère de temps en temps.
    Très vite l’alcoolisme de Rachel se démarque et tout ce qu’elle fait nous fait nous demander si elle n’est pas sous l’emprise de l’alcool.

    Comme à son habitude, Emma garde pour elle beaucoup de choses, quitte à risquer de se faire un ulcère. J’ai du mal à savoir si c’est par peur de déranger, par honte, par déni… c’est difficile à dire.

    Sara nous fait quelques petites crises, mais c’est un peu revenir à une normalité. A présent elle peut être une adolescente normale et pas une adolescente qui se demande chaque soir ce que sa meilleure amie peut endurer comme tortures.
    Au début, je trouvais Jonathan sympathique et puis il a fini par m’agacer. Il est instable, semblant incapable de prendre la moindre décision claire et quand il s’y essaie, soit il ne tient pas le cap, soit il s’y prend si mal qu’il empire les choses.
    Quant à Rachel, c’est indescriptible. Non contente d’être alcoolique, je l’ai trouvée manipulatrice, pleurnicheuse, hystérique, bref, elle a tout pour plaire.
    J’ai regretté qu’on ne sache pas pourquoi elle voulait tant qu’Emma (qu’elle n’appelle jamais qu’Emily) reste avec elle. Peur de l’abandon ? Intérêt financier ? Comme elle n’arrête pas de souffler le chaud et le froid, c’est difficile à dire.
    Evan aussi m’a un peu agacée dans ce tome. Je comprends la peur qu’il a eue pour Emma et son désir de la protéger, mais il en devient lourd, étouffant, insistant lourdement pour qu’Emma lui révèle la moindre de ses pensées et ne semblant pas supporter l’idée qu’elle puisse vouloir garder des choses pour elle.
    La mère d’Evan est sûrement l’un de mes personnages préférés dans ce tome, elle est plus présente que dans le précédent et se montre vraiment très gentille avec Emma sans jamais être intrusive.
    La décision finale d’Emma m’a surprise et choquée, même si je comprends ce qui l’a poussée à la prendre.
    Au début de ma lecture, j’ai eu l’impression que ce tome était moins captivant que « ma raison de vivre », mais finalement j’ai dévoré les 600 et quelques pages en un temps record (environ 4h je pense).
    Et ça va être très dur de patienter jusqu’en mai 2016 pour connaitre la suite et fin de cette trilogie (en priant pour qu’il n’y ait pas de retard de sortie !)
    Heureusement, les livres pour patienter jusque là ne manquent pas !!!

    Un extrait : Sara était encore sous la douche quand le téléphone a sonné. J’ai pris mon courage à deux mains et décroché.

    — Salut.

    — Ah, tu es là ! s’est exclamée ma mère, prise de court. Je suis tellement heureuse de pouvoir enfin te parler ! Comment vas-tu ?

    — Bien, ai-je répondu, le cœur bondissant dans ma poitrine. Et… euh… tu as des projets pour ce soir ?

    — Une petite fête avec des amis, a-t-elle enchaîné, aussi mal à l’aise que moi. Je… je me disais qu’on aurait pu essayer de… Enfin… Tu sais, je vis à Weslyn, maintenant… Et si jamais tu voulais…

    — Justement, l’ai-je coupée avant de changer d’avis. Je pensais venir vivre avec toi, si ça te va.

    — Oh… euh… très bien, a-t-elle lâché avec un soulagement perceptible. Tu es sûre ?

    — Certaine, ai-je répliqué en m’efforçant de paraître la plus sincère possible. Je vais bientôt partir pour l’université, alors autant essayer de renouer maintenant, plutôt que quand je serai à l’autre bout du pays, non ?

    Je venais de m’inviter chez elle. Vu son silence, elle digérait, comme moi, l’information.

    — Formidable ! Tu penses venir quand ?

    — Je reprends le lycée lundi. Donc dimanche ?

    — Tu veux dire ce dimanche ? Dans trois jours ?

    Sa voix vibrait de panique, et mon cœur a eu un loupé. Était-elle vraiment prête à vivre à nouveau avec moi ?

    — Je n’ai pas besoin de grand-chose, ne t’inquiète pas. Juste un lit, ou même un canapé. Mais si c’est trop compliqué… Désolée, je n’aurais pas dû…

    — N-non ! a-t-elle bégayé. C’est parfait. J’ai largement le temps de préparer ta chambre. Donc, oui… On dit dimanche. J’habite Decatur Street. Je vais t’envoyer l’adresse par texto.

    — OK. À dimanche, alors.

    — D’accord, a-t-elle dit, encore déconcertée. Bonne année, Emily.

    — À toi aussi.

    Quelle mouche m’avait piquée ? Pourquoi avoir proposé un truc pareil ?

    J’ai ramassé mes vêtements et, luttant contre la panique qui m’envahissait, je suis allée remplacer Sara dans la salle de bains. Le temps de prendre ma douche, je m’étais réconciliée avec moi-même : j’avais pris la bonne décision.

     

  • [Livre] Belle époque

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    Résumé : Paris, 1889. Maude Pichon s'enfuit à 16 ans de sa Bretagne natale pour échapper à un mariage forcé et découvre Paris, ville-lumière en ébullition à la veille de l'Exposition universelle. Hélas, ses illusions romantiques s'y évanouissent aussi vite que ses maigres économies. Elle est désespérément à la recherche d'un emploi quand elle tombe sur une petite annonce inhabituelle:

    ON DEMANDE 
    Des jeunes femmes
    pour faire un ouvrage facile.
    Bienséance respectée.
    Présentez-vous en personne 
    à l'agence Durendeau, 
    27, avenue de l'Opéra, Paris.
    L'agence Durendeau propose en effet à ses clients un service unique en son genre:le faire-valoir. Étranglée par la misère, Maude postule...

     

    Auteur : Elizabeth Ross

     

    Edition : Robert Laffont

     

    Genre : Young Adult, historique

     

    Date de parution : 14 novembre 2013

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Ce roman est inspiré de la nouvelle « le repoussoir » d’Emile Zola, que je n’avais pas lu, mais que j’ai eu la surprise et le plaisir de trouver à la fin du roman.
    Il ne s’agit pas ici d’une réécriture, comme on en trouve souvent des œuvres de Jane Austen, mais plutôt d’une suite.
    En effet, le repoussoir raconte en une quinzaine de pages comment Mr Durendeau eu un jour l’idée de faire commerce de la laideur et montre les débuts de son agence.
    Dans Belle époque, l’agence de Mr Durendeau, si elle est discrète, a tout de même pignon sur rue.
    Maude, qui a fuit son petit village breton, son père et une vie de labeur toute tracée auprès d’un homme de plus de 20 ans son aîné a cru qu’il serait facile pour elle de s’installer à Paris. Après tout, sûre de son expérience dans la tenue de l’épicerie familiale, elle ne doute pas trouver rapidement du travail. Mais elle déchante vite, personne ne veut d’une petite provinciale à l’accent prononcé comme il en arrive par dizaines chaque jour dans la capitale.
    Après bien des hésitations et malgré son humiliation, Maude va entrer à l’agence de Mr Durendeau et se louer comme repoussoir.
    Son premier contrat est particulier, en effet, la jeune fille dont elle va être le faire-valoir ne doit pas savoir que Maude est une employée et doit la croire nièce d’une amie de sa mère.
    Maude va devoir jongler entre les exigences de la mère et l’amitié grandissante qu’elle ressent pour la fille.
    Je pense que Maude est aveuglée par la richesse de ses employeurs et qu’elle oublie que l’argent ne fait pas le bonheur. Pourtant, à son niveau modeste, c’est bien un mariage d’argent qu’elle a refusé et fuit : son père la destinait à un commerçant prospère et si sa vie n’aurait pas été oisive, elle aurait eu un toit sur la tête et la table bien garnie, ce que nombre de personnes, à cette époque, n’avait pas.
    Devant les richesses incroyables qu’elle admire chez l’aristocratie parisienne, elle semble ne pas comprendre qu’on puisse vouloir plus que ce confort matériel. Je crois qu’elle voit tout d’abord Isabelle, celle pour qui elle est louée, comme une enfant capricieuse. Et puis, au fil du temps, elle réalise qu’Isabelle veut simplement vivre avec son temps. La monarchie s’est éteinte depuis longtemps, les artistes, les journalistes, les étudiants sont sur le devant de la scène, la tour Eiffel, presque un personnage à part entière tant elle déclenche les passions, est en cours de construction, les femmes ont accès à l’université…
    Malgré tous ces changements, il y a toujours ce petit noyau d’aristocrates qui s’obstinent à vivre comme au temps de la monarchie absolue et l’amitié entre Isabelle et Maude fait se télescoper ces deux mondes.
    La scientifique, la rêveuse, l’aristocrate, la provinciale, chacune cherche à trouver sa voie et sa part de bonheur dans une société qui oscille encore entre traditionalisme et modernité.
    J’ai particulièrement apprécié le fait que ce livre soit un tome unique (et vu la fin, je ne pense pas que l’auteur puisse vraiment nous faire la surprise d’un second tome). C’est agréable d’avoir un début, un déroulement et une vraie fin sans devoir attendre la sortie d’une suite.

    Un extrait : La langue nouée, j’observe à la dérobée ce M. Durandeau dont je ne sais rien. Ses jambes courtaudes peinent à soutenir un corps aussi renflé qu’une barrique et il se rengorge sous son gilet en satin nacré. Il y a une ressemblance frappante avec un pigeon qui plastronne sur le trottoir.

    Il congédie ledit Laurent et retrouve, pas trop tôt, ses bonnes manières.

    — Votre nom, jeune fille ?

    — Maude Pichon, dis-je, la voix rauque.

    — Pichon… où avez-vous pêché un nom pareil ? D’où venez-vous ?

    — De Poullan-sur-Mer.

    Face à sa mine perplexe, j’ajoute :

    — Un village en Bretagne.

    — Voilà qui explique l’accent, mais il faudra remédier à cela, et vite.

    — Un problème avec mon accent ?

    M. Durandeau répond à ma question par une autre :

    — Et votre âge ? Seize ans, dix-sept ?

    — Seize ans, monsieur.

    — Et vos parents ?

    — Rappelés par Dieu l’un comme l’autre.

    Un demi-mensonge ; mon père est vivant mais il pourrait tout aussi bien être entre quatre planches, car il est hors de question que je retourne à Poullan-sur-Mer : non contente de contrarier ses projets de mariage, j’ai aussi dérobé le contenu du tiroir-caisse. Une petite fortune, m’avait-il semblé à l’époque, avant de découvrir que Paris est un ogre qui dévore tout ce que vous avez dans vos poches.

    — Comme c’est triste, répond machinalement M. Durandeau. Ainsi donc, vous avez croisé l’une de nos annonces. Elles ne nous ont pas amené grand-monde jusqu’ici. Quand j’y réfléchis, elles sont peut-être mal formulées.

    L’annonce est avare en informations, je le reconnais, mais un travail, cela ne se refuse pas.

    — Laurent se charge à présent des recrutements, poursuit-il. Un garçon amène, sympathique. Grâce à lui, nous avons de bien meilleurs résultats.

    — Monsieur, en quoi consiste l’ouvrage dont parle l’annonce ?

    Mais M. Durandeau fait la sourde oreille.

    — Les appointements sont plus qu’honnêtes, poursuit-il. Nous vous fournirons une tenue pour chaque sortie. Je vais vous confier aux bons soins de la couturière de la maison, Mme Leroux, au bout du couloir. Elle saura vous préparer une toilette correcte avant l’arrivée des clientes.

    Sur ce, il extirpe une pièce de cinq francs de sa poche et la glisse dans ma main.

     

    — Bienvenue à l’agence, mademoiselle Pichon.

     

  • [Livre] Dysfonctionnelle

     

    Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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    Résumé :Fidèle, alias Fifi, alias Bouboule, grandit dans une famille dysfonctionnelle ; Papa enchaîne les allers-retours en prison, Maman à l’asile ; mais malgré le quotidien difficile, Fidèle vit des moments de joie,  entourée de ses six frères et sœurs aux personnalités fortes et aux prénoms panachés : Alyson, JR, Dalida, Jésus… Cette tribu un peu foldingue demeure Au Bout Du Monde, le bar à tocards que tient le père dans Belleville, théâtre de leurs pleurs et rires…
    À l’adolescence, la découverte de son « intelligence précoce » va mener fidèle à « l’autre » bout du monde : un lycée des beaux quartiers où les élèves se nomment Apolline ou Augustin, et regardent de haut son perfecto, ses manières de chat de gouttière et ses tee-shirts Nirvana. Mais c’est là que l’attend l’amour, le vrai, celui qui forme, transforme… CELUI QUI SAUVE.

     

    Auteur : Axl Cendres

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 7 octobre 2015

     

    Prix moyen : 15,50€

     

    Mon avis : Alors…Comment dire… Il va être très dur de dire ce que j’ai pensé de ce roman sans spoiler mais je vais essayer de ne rien révéler d’important.
    Que la famille de Fidèle soit dysfonctionnelle, c’est le moins qu’on puisse dire si on s’appuie sur la définition qu’a la société d’une famille fonctionnelle, à savoir un papa et une maman, présents, pas violents, qui travaillent (ou avec un des parents au foyer parce que l’autre gagne suffisamment pour le permettre), qui n’ont aucun problèmes graves…la famille Ingalls mais en mieux quoi…
    Et bien au fil de ma lecture, j’ai pu constater que les parents des familles « fonctionnelles » sont bien plus affligeants que la famille de Fidèle. Alors certes, son père n’aime pas l’idée que sa fille soit plus intelligente que lui, certes sa mère a « un grain » provoqué par un traumatisme qui est tout à fait compréhensible, mais quand Fidèle, 10 ans, raconte à son père qu’elle a embrassé sa copine Mélanie sur la bouche, il n’a aucune réaction négative tandis que la famille parfaitement fonctionnelle selon les normes établies de Mélanie retire la gamine de l’école et va jusqu’à déménager pour que cette anormalité ne se reproduise pas… et ce n’est pas le seul exemple que l’on rencontre dans le roman.
    Fidèle nous présente ses frères et sœurs, expliquant leurs prénoms atypiques ; elle nous raconte sa vie, à la maison, auprès de Zaza, sa grand-mère, au Bar de son père, à l’école. La seule chose que nous ne saurons pas, c’est ce qu’il s’est passé quand elle a été placée trois mois en famille d’accueil pendant que son père était en prison, sa mère à l’asile et sa grand-mère jugée incapable de s’occuper des enfants par les services sociaux. Elle nous donne quelques micro-indices, à nous d’imaginer le pire.
    Je suis sans arrêt passée du rire aux larmes, avec un petit détour par l’agacement voire l’indignation.
    Le personnage de Dalida m’a vraiment écœurée, pas tant dans son attitude de tous les jours quand elle était adolescente mais pour celle qu’elle adopte une fois adulte.
    Fidèle n’est pas non plus l’adolescente parfaite, elle fait des erreurs, part un peu à la dérive, s’emporte, mais elle a bon fond, et c’est ce qui est important.
    J’ai adoré le personnage de l’oncle. Avec Zaza, la grand-mère, il se tient toujours légèrement en retrait mais semble être le ciment de la famille, toujours prêt à aider, toujours prêt à trouver des solutions, toujours à l’écoute…
    Certaines réactions complètement contradictoires du père m’ont fait rire (Il défend l’exécution du mouton de l’Aïd comme étant une tradition ancestrale chez les musulmans et donc dans leur famille et à coté de ça, il s’enfile tous les jours du Sauvignon et du saucisson…)
    Bref, on a ici un livre addictif, tendre et dur à la fois et qui inclut l’homosexualité sans appuyer dessus, sans en faire trop, sans brandir une pancarte pour dire « vous avez vu, ici, nos personnages sont homosexuels, on est moderne, hein ? ».
    Comme le dit Sarah, l’amie de Fidèle : « 
    Je pense qu’on ne tombe pas amoureux d’un garçon ou d’une fille, mais d’une personne. ».
    Tout est dit, et cela résume bien l’ensemble du roman : ce qui compte, c’est l’amour.

    Un extrait : « Jésus ?! »
    C’est ce que tout le monde s’était exclamé au bar quand mon père leur avait annoncé le prénom de son deuxième fils. J’avais six ans quand il est né.
    « Mais vous allez en faire un dingo ! » disait l’un.
    « Mais on va le massacrer à l’école ! » renchérissait l’autre.
    « Mais il aura jamais de gonzesse ! » rigolait encore un autre.
    Et ainsi de suite.
    C’est alors que j’ai vu Papa faire ce truc encore plus classe que de sortir son flingue : comme l’objet se trouvait sous le comptoir, il a laissé son bras droit sous le comptoir, et a posé le coude de son bras gauche sur le comptoir, de sorte qu’on ne savait pas si oui ou non, il tenait son flingue…Et puis il a déclaré avec un mélange de calme et de menace dans la voix :
    « Si Natouchka veut appeler son fils Jésus, ce sera comme ça. »
    Et plus personne n’a jamais fait de remarques sur le prénom.

    Parfait mélange polono-kabyle, Jésus avait les traits fins de Maman, le teint clair de Papa, les yeux bleus et les cheveux bruns.
    A cette époque, Maman arrivait au paroxysme de son amour du Christ, l’érigeant au rang de rock-star : poster, portraits et crucifix ornaient sa chambre au dessus du bar – et jusque dans la salle, où elle avait cloué une photo du visage de Jésus ensanglanté…
    « Y’m’fout le bourdon », se plaignit un jour un habitué en le fixant.
    « Change de bar », rétorqua mon père.
    « Sers-moi plutôt un aut’verre, j’ai l’impression qu’y m’regarde de travers… »
    Je soupçonne d’ailleurs cette photo d’avoir augmenté le chiffre d’affaires du bar ; mais je n’ai pas les chiffres pour le prouver.
    Quoi qu’il en soit, le bébé était bien là, et il se nommait Jésus.


    Plus tard, lorsque j’en avais parlé au médecin de ma mère, l’Einstein sans moustache, il m’avait dit sur un ton tout à fait neutre :
    « C’est classique que des survivantes, devenues ferventes catholiques, poussent leur délire jusqu’à croire enfanter le Christ… Votre mère était assez instable pour être diagnostiquée comme déséquilibrée, mais pas assez pour être internée… Si on devait enfermer tous les gens dans ce cas, il faudrait interner au moins dix pour cent de la population française ! »
    Il s’était fait rire tout seul.
    « Votre mère ne vous a jamais voulu aucun mal. Je ne devrais pas vous raconter ça, mais nous connaissons le cas d’une survivante atteinte du même syndrome que votre mère qui a tué tous ses enfants avant de se donner la mort ! »
    Merci de me l’avoir raconté quand même, Docteur.

     

  • [Livre] L'envol

     

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    Résumé : "Je suis différente de la plupart des gens, car mon origine ne se situe pas dans le ventre de ma mère mais dans le cerveau de mon père. Il m'a inventée, voyez-vous. Un jour, il s'est assis et m'a rêvée."
    Frenenqer Paje, à peine dix-sept ans, a vécu dans plein de pays. La seule constante est la main de fer de son père qui l'éduque avec une sévérité qui confine parfois à la cruauté.
    Mais un jour, la jeune fille ose, elle exige de ramener chez elle un chat mourant trouvé au souk. Sachant que chaque pas vers l'indépendance sera contré, que chaque acte de liberté sera puni.
    Le combat entre père et fille s'engage alors, avec un allié inattendu aux côtés de Frenenqer : le chat, qui s'est transformé en jeune homme aux ailes magiques. Avec lui, Frenenqer peut découvrir le monde entier si elle le désire. Mais est-elle prête à s'émanciper à ce point ?

     

    Auteur : Rinsai Rossetti

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 02 octobre 2013

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : J’ai hésité à lire ce livre car j’avais lu pas mal de critiques négatives, notamment sur deux points :
    La phrase du résumé : "Je suis différente de la plupart des gens, car mon origine ne se situe pas dans le ventre de ma mère mais dans le cerveau de mon père. Il m'a inventée, voyez-vous. Un jour, il s'est assis et m'a rêvée." : Beaucoup de lecteurs ont jugé que cette phrase était fausse car Frenenqer n’a pas été crée par son père dans un labo ou autre mais est bien née de sa mère. Mais je ne suis pas d’accord avec eux. J’ai trouvé cette phrase très juste car, même si la jeune fille est bien née d’une femme, on a l’impression que son père n’a choisi sa compagne que dans la mesure où elle respectait certains critères pour qu’il puisse en obtenir sa fille parfaite. Il ne semble avoir quasiment aucune interaction avec sa femme, hormis pour lui faire des reproches et ne s’occupe que de Frenenqer qu’il veut modeler à l’image qu’il s’est faite d’elle bien avant sa naissance. On sent bien qu’il veut qu’elle soit parfaitement conforme à l’image qu’il se fait de la fille (et femme ?) idéale, qu’il veut la contrôler totalement et cela se ressent jusqu’à son prénom atypique, qu’il a choisi parce qu’il veut dire « retenue » dans une langue que l’héroïne ne révèle pas.
    Le second point qui était reproché au livre était des personnages « caricaturaux », là encore, je ne suis pas d’accord. Le père de Frenenqer est un père et mari abusif. S’il n’y a pas de violence physique, la violence psychologique qu’il exerce est inouïe. Et cette violence se porte sur toute la famille. La mère se désintéresse totalement de sa fille, ne cherchant qu’à se conformer aux désidératas de son époux et Frenenqer elle-même est tellement conditionnée qu’elle s’impose une attitude et des obligations sans même que son père n’ait à prononcer un mot. L’attitude du père est facilité par le fait qu’ils vivent dans un pays du Moyen-Orient, dans une ville entourée par le désert et où la toute puissance du père de famille est communément admise.
    Comme tout bon pervers narcissique, le père utilise l’intimidation, la violence sur les animaux (la scène de l’oisillon est quasiment insoutenable), les décisions et règles arbitraires (interdiction de lecture, interdiction de rester dans sa chambre, d’ouvrir la fenêtre…), la culpabilisation (en particulier l’humiliation qui s’abattrait sur lui si Frenenqer se comportait « mal » devant les gens), et surtout la violence verbale.
    La dureté et la brutalité de ses paroles soulèvent le cœur.
    Le roman est très bien écrit, la peur de Frenenqer et les limites qu’elle s’impose à elle-même, que ce soit réellement ou mentalement, sont très bien décrites ainsi que l’ensemble des contradictions qu’elle ressent au fil du roman.
    J’ai vraiment passé un excellent moment et je suis contente de ne pas m’être laissée freiner par les critiques négatives que j’ai pu voir.


    Un extrait : Je marchai en tête, pour lui montrer le point précis où commençait mon histoire. Nous nous installâmes sur le banc de pierre et, par-dessus notre épaule, jetâmes un coup d’œil au champ de tournesols qui dissimulait le sentier de Saint-Jacques.

    – Bel endroit pour être inventée, fit remarquer Sangris.

    – Sans doute. Sauf que mon père s’imaginait une fille qui…

    J’hésitai. Je n’avais encore raconté cela à personne. Mon père me l’avait dit une seule et unique fois. J’avais neuf ans et nous venions de nous installer en Sardaigne. J’avais été punie pour m’être battue avec un gamin à l’école – même si c’était lui qui avait commencé. Il m’avait envoyé un coup de pied dans les tibias et m’avait piqué mon cartable. J’avais calmement riposté de la même façon, ce dont un professeur avait été témoin. Le soir, à la maison, mon père m’avait déclaré, d’une voix à faire trembler l’univers entier : « Ma fille ne lève jamais la main sous l’effet de la colère, même confrontée à un danger de mort. Ma fille est la docilité incarnée. Elle se jetterait du haut d’une falaise si je lui demandais de le faire. Voilà ce qu’il faut que tu sois. C’est à cette fin que tu existes. Pour être la fille que j’ai décidé d’avoir. Une douce et noble créature. Si c’est pour toi chose impossible – si tu devais à nouveau te battre avec quelqu’un –, c’est que tu n’es pas Frenenqer Paje. Que tu n’es rien ni personne. C’est clair ? »


    Sangris grimaça, tandis que son regard errait entre les arbres, les tournesols desséchés et le puits d’eau fraîche.

    – Je ne vois pas en quoi c’est noble de se jeter du haut d’une falaise, dit-il.

    – Parce que ça exige de la volonté. Et de l’obéissance. Les marques d’affection mettent mon père mal à l’aise, ainsi que le fait de se mettre en avant, et tout le reste… C’est pourquoi il rêve d’une fille silencieuse, obéissante et réservée. La femme idéale, en somme.

     

  • [Livre] Vous parler de ça

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    Résumé : Melinda Sordino ne trouve plus les mots. Ou plus exactement, ils s'étranglent avant d'atteindre ses lèvres. Sa gorge se visse dans l'étau d'un secret et il ne lui reste que ces pages pour vous parler de ça. Se coupant du monde, elle se voit repoussée progressivement par les élèves, les professeurs, ses amis, et même ses parents. Elle fait l'expérience intime de la plus grande des injustices: devenir un paria parce que ceux donc elle aurait tant besoin pensent que le mal-être, c'est trop compliqué, contagieux, pas fun. Melinda va livrer une longue et courageuse bataille, contre la peur, le rejet, contre elle-même et le monstre qui rôde dans les couloirs du lycée.

     

    Auteur : Laurie Halse Anderson

    Edition : France loisirs

     

    Genre : Young adult

     

    Date de parution : 09 octobre 2014

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : Avant de lire ce livre, j’ai lu beaucoup de critiques. La plupart étaient bonnes, mais un nombre non négligeable de critiques reprochaient à l’auteur de ne pas révéler clairement ce qui est arrivé à Melinda et de se contenter de raconter sa vie quotidienne.
    Je pense que les auteurs de ces critiques sont totalement passés à côté du livre : le but n’était pas de raconter ce qu’il lui est arrivé (on le devine assez rapidement, rien que le titre est assez évocateur, mais peut être que les ados les plus jeunes ne feront pas la relation tout de suite) mais de montrer l’impact que cet événement a sur sa vie quotidienne : la réaction de son entourage à son quasi-mutisme, la chute de ses notes etc…
    Au point où j’en suis de ma lecture, personne ne semble savoir ce qui lui est arrivé. Personne ne semble vraiment s’en soucier non plus d’ailleurs. Ses parents lui reprochent son silence et la baisse de ses notes (mais la famille ne semblait pas être unie, même avant) ; ses profs lui reprochent son silence et son manque d’implication dans ses études ; enfin ses anciennes amies lui reprochent d’avoir appelé la police lors de la fête donnée à la fin du collège, mais sans se demander pourquoi elle en est venue là. Elle a gâché leur soirée, voilà tout ce qui compte.

    Ses parents sont d’un égoïsme qui laisse sans voix. Même les convocations par le lycée ne les détournent pas de l’explication la moins dérangeante : Melinda est en crise d’adolescence et refuse de parler pour les emmerder. Pour le personnel enseignant, à l’exception du prof d’art plastique, c’est un refus de coopérer et les punitions tombent. Comme si ne pas parler était une insulte faite aux autres. Aucun d’entre eux ne se dit que ce refus de parler cache peut être un malaise.
    Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas savoir les conséquences que l’événement à la fin du bouquin a réellement eu sur les parents de Melinda, sur l’équipe pédagogique du lycée, sur ses anciennes amies qui l’ont rejetée et sur celui qu’elle appelle « ça ».

    Mais que ceux qui se plaignaient de ne pas tout savoir clairement se rassure : dans la seconde moitié du bouquin on apprend tout : le déroulé des événements, les noms… Rien ne nous sera caché, plus de place à l’imagination, Melinda a beau ne rien dire à personne, à nous, elle ne cachera rien.


    Un extrait : C’est la rentrée ; mon premier jour au lycée. Je pars avec sept cahiers neufs, une jupe que je déteste et l’estomac noué.

    À l’angle de ma rue, le car s’arrête dans un chuintement. La porte s’ouvre, je monte. Je suis la première passagère de la tournée. Quand le chauffeur redémarre, je suis encore debout. Bon, où est-ce que je m’assois ? Je n’ai jamais été le genre rebelle qui squatte les places du fond. Si je m’installe au milieu, quelqu’un que je ne connais pas pourrait s’incruster à côté de moi.

    Et si je m’assieds à l’avant, je passerai pour une gamine… mais à la réflexion, c’est aussi le meilleur moyen d’attirer l’attention de mes amies, au cas où

    l’une d’elles aurait envie de m’adresser la parole.

    Ça y est, les élèves envahissent le car par groupes de quatre ou cinq. En s’avançant dans l’allée, celles et ceux que j’avais connus au collège, en sport ou en travaux pratiques de physique-chimie, me jettent des regards noirs. Je ferme les yeux. C’est bien ce que je craignais.

    Lorsque le car a fini de recueillir ses derniers passagers, je suis la seule à ne pas avoir de voisin.

    Le chauffeur rétrograde pour gravir les collines, faisant rugir le moteur. Les types du fond en profitent pour brailler des obscénités. Quelqu’un a eu la main

    lourde sur le parfum, alors j’essaie d’ouvrir ma vitre, mais les petits loquets restent bloqués. Derrière moi, un garçon déballe son petit déjeuner et me balance un truc. Un papier atterrit sur mes genoux – l’emballage

    d’une barre chocolatée.

    On passe à côté des gardiens, occupés à repeindre la plaque du lycée. Le conseil d’établissement a décidé que « Lycée Merryweather – Foyer des Troyens » envoyait un message contradictoire quant à l’abstinence que les élèves sont censés observer ; il nous a donc transformés en Spartiates. Les couleurs de l’école resteront le violet et le gris. Le conseil n’avait pas d’argent à mettre dans de nouveaux maillots.

    Si les élèves de Terminale ont le droit de traîner jusqu’à la sonnerie, on conduit les Secondes dans l’amphithéâtre principal. Des clans se forment, les

    élèves se regroupent plus ou moins consciemment : les sportifs, les bobos, les intellos, les pom-pom girls, les roots, les bling-bling, les graines de fachos, les nanas populaires, les lèche-culs, les artistes maudits, les théâtreux, les gothiques, les métalleux. Je ne fais partie d’aucun de ces clans. J’ai passé la moitié du mois d’août à buller devant des dessins animés débiles – une sacrée

    perte de temps. Pas une fois je n’ai mis les pieds au centre commercial, je ne suis allée ni au lac ni à la piscine, et je n’ai pas non plus décroché le téléphone. Je débarque au lycée avec une coupe de cheveux naze, des

    fringues horribles, un karma pourri. Et, encore une fois, personne ne veut s’asseoir à côté de moi.

    Je suis un paria.

     

  • [Livre] Quelqu'un qu'on aime

     Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture

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    Résumé : Matt a un projet fou : refaire avec son grand-père Gary la tournée d’un crooner mythique des années 50, Pat Boone. Un road-trip pour rattraper au vol les souvenirs qui s’échappent…
    Mais rien ne se passera comme prévu ! Peu avant le départ, Matt apprend qu’il est le père d’une petite Amber de 18 mois – et qu’il doit s’en occuper pour quelques semaines. 
    À l’aéroport, une tornade s’annonce : les avions ne décollent plus. Matt, Gary et le bébé grimpent à bord d’un van de location… et, ultime surprise, deux personnes les rejoignent : Luke, ado en fugue, et Antonia, trentenaire prête à changer de vie.
    Tous ensemble, ils font cap vers l’Ouest du pays. Arizona, Californie, Nevada, sur la piste du passé, des souvenirs et autres histoires bien vivantes. On les suit, d’étape en étape, tandis qu’ils commencent à former une tribu bancale, une petite famille folle et joyeuse, réunie autour de Gary.

     

    Auteur : Séverine Vidal

     

    Edition : Sarbacane

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 26 août 2015

     

    Prix moyen : 15,50€

     

    Mon avis : Ce livre est un véritable tourbillon d’émotions. Il m’a fait rire, ça c’est sûr, beaucoup rire même. Mais il m’a aussi fait pleurer, et pas qu’un peu.
    Je retrouve dans ce livre l’humour de Séverine Vidal que j’avais découvert dans « Il était 2 fois dans l’ouest », mais elle ajoute à son humour une sacré dose de tendresse.
    Le voyage prévu par Gary et son petit fils Matt prend une autre tournure quand une ex petite amie annonce au jeune homme qu’il est papa d’une petite Amber de 18 mois. Le jeune homme ayant perdu sa mère depuis un an après une longue maladie et ne semblant pas avoir de père dans les parages, ce n’est pas les responsabilités qui lui font peur. Il craint plus de ne pas être à la hauteur mais il prend quand même relativement bien la nouvelle.
    Donc, la pitchoune va devoir être du voyage et sur ce, une tempête de neige comme on en a jamais vu au Texas fait que tous les avions sont annulés et comme Gary refuse d’annuler le voyage, ils finissent par louer un van et, comme celui-ci est très grand, ils finissent par embarquer avec eux Antonia qui doit se rendre à un entretien d’embauche et Luke un ado en fugue qui ne fuit pas juste à cause d’une crise d’adolescence.
    Du coup, le voyage ne prend pas le tournant qui était prévu. Mais tout le monde comprend très vite que le seul but de ce voyage est de permettre à Gary de retrouver ses souvenirs d’une tournée qu’il avait suivie quand il était jeune d’un crooner dont il est fan.

    J’ai beaucoup aimé la manière qu’a Séverine Vidal de traiter du sujet difficile qu’est la maladie d’Alzheimer, elle montre avec beaucoup de tact ce que cette maladie implique pour l’entourage mais aussi pour la personne malade qui, dans les deux premières phases de la maladie se rendent parfaitement compte de leur état.

    Séverine Vidal maîtrise
     avec autant de brio la littérature pour enfant et celle pour adolescent.
    Si l’histoire principale est centrée sur Gary et sa mémoire défaillante, chaque personnage a droit à sa propre histoire qui n’est pas oubliée : Antonia qui veut reprendre sa vie en main, Luke et ses secrets, et bien sûr Matt qui, privé de mère et s’occupant d’un grand père malade, doit apprendre à devenir un père.

    Chaque chapitre est raconté du point de vue d’un personnage différent (et pas toujours de la petite bande, Dixie, l’ex copine de Matt et maman d’Amber a également son « heure de gloire ») mais toujours à la troisième personne.

    Il est vraiment difficile de mettre des mots sur le tourbillon d’émotion que provoque ce roman. J’ai oscillé entre rire et larmes pendant toute la seconde moitié.
    En tout ces, c’était une très belle lecture, et je remercie vivement les éditions Sarbacane de m’avoir permis de découvrir ce roman et cet auteur.

    Un extrait : La première fois, il n’y a pas vraiment prêté attention. Il avait « juste oublié ». Oublié où il avait encore posé son porte-monnaie, oublié le prénom de la voisine du dessous, oublié un rendez-vous chez le dentiste. Gary a d’abord mis ça sur le dos d’une rigolote hérédité : sa mère était tête en l’air, comme sa grand-mère, ses deux tantes et la grand-tante Rosa avant elles.

    - Tête-en-l’air de mère en fils ! On peut rien contre ça !

    Voilà ce qu’il avait répondu à Matt qui lui faisait remarquer que le congélateur n’était peut-être pas le meilleur endroit où ranger ses clés.

    - Et puis, si ce n’est pas l’endroit le plus classique, c’est assurément le plus froid, non ? avait enchaîné Gary, comme pour rappeler que dans sa famille, l’humour aussi se transmettait de génération en génération.

    Rien de grave donc.
    Et puis, les alertes étaient devenues de plus en plus nombreuses. Et de plus en plus difficiles à cacher.
    Par exemple, quand il avait commencé à confondre les prénoms de ses deux petits-fils, Matt et Vince, ce qui les agaçait prodigieusement. Un jour, Matt avait perdu patience.

    - Old Gary ! Je suis Matt, pas Vince ! Vince a onze ans et joue encore au cow-boy dans la cour de ton appart. Moi je suis Matt, regarde, j’ai des poils au menton !

    - Désolé, fiston. Si je me goure encore, t’as le droit de m’appeler Helen, comme ta mamie !

    C’était une période où l’évolution de la maladie n’empêchait pas Gary d’en rire.

      

  • [Livre] Le prince d'été

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    Résumé : La ville luxuriante de Palmares Tres oscille entre technologie et tradition, bruissant des scandales sur les castes et les pratiques politiques douteuses. Au milieu de cette métropole vibrante, June Costa est une artiste qui aspire à devenir un jour légendaire. Mais ses rêves de gloire vont se muer en quelque chose de plus grand encore quand elle rencontre Enki, le nouveau et audacieux Roi d'été. Toute la ville est déjà sous son charme (y compris le meilleur ami de June, Gil). Mais June voit bien plus en Enki que ses yeux d'ambre et sa samba mortelle. Elle voit en lui un artiste.
    Ensemble, June et Enki vont mettre en scènes des projets explosifs aux mises en scènes audacieuses, si spectaculaires que Tres Palmares ne les oubliera jamais. Ils vont alors donner l'énergie nécessaire à la rébellion croissante qui s'oppose aux limites strictes du gouvernement en matière de nouvelles technologies. Et June tombera profondément, mais malheureusement aussi, amoureuse d'Enki. Malheureusement, car comme tous les rois d'été avant lui, Enki est destiné à mourir

    Auteur : Alaya Dawn Johnson

    Edition : Robert Laffont

    Genre : Young adult

    Date de parution : 28 mars 2013

    Prix moyen : 18€

    Mon avis : Alors dès les premières pages, une chose me dérange un peu : le livre s’appelle « le prince d’été », or, pas de prince d’été dans cette histoire mais uniquement un roi d’été. Le terme « Prince d’été » n’est utilisé que de manière péjorative, comme pour lui retirer son pouvoir en le rétrogradant. Et nous ne sommes témoins de cette appellation qu’une fois, par la mère de June, la narratrice.
    Dès lors, je me demande pourquoi avoir choisi un titre aussi peu en accord avec l’histoire.

    L’histoire en elle-même est assez intéressante et je n’ai pas ressenti de lassitude à la lecture. Le style est vivant, clair et entraînant.
    Cependant, je trouve que l’univers dans lequel on évolue n’est pas expliqué, l’auteur écrit comme si tout le monde le connaissait déjà, sans faire, comme d’autres auteurs de dystopie, d’explications déguisées. De plus, le texte est parsemé de mots portugais qui ne sont pas expliqués et si certains sont relativement évidents, d’autres, qui pourtant semblent avoir une importance dans ce monde, restent obscurs.
    L’autre « problème » est que je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages. D’ordinaire, quand je lis une dystopie, je tremble pour l’héroïne ou le héros, je peste contre certains personnages importants, je vais jusqu’à haïr les dirigeants et souhaiter leur mort, de préférence dans d’atroces souffrances, je m’insurge contre les règles, les lois, les traditions contre lesquelles les personnages se battent.
    Ici rien, j’ai lu sans ressentir cette empathie pour les « gentils », cette colère contre les « méchants »…
    Qu’une méchante s’en sorte et au lieu de pester, de râler, de dire que c’est injuste, je me suis dit : « bah fallait s’y attendre »
    Qu’un gentil subisse un coup dur et je me suis dit « Ah merde, c’est con ça… »
    A aucun moment je n’ai eu envie d’entrer dans le livre pour mettre une paire de claque à quelqu’un ou pour essayer de sauver quelqu’un d’autre.
    L’histoire aurait pu mettre en scène des opossums qu’elle m’aurait sans doute plus touchée.
    De plus, j’ai trouvé que les personnages ne remettent pas en cause le système, pas vraiment. L’héroïne, June, est presque ridicule avec son « art ». Elle se désigne elle-même comme la meilleure artiste de la ville, mais ne fait pas grand-chose d’autre que se plaindre de ne pas être reconnue à sa « juste valeur ».
    Il n’y a pas de prise de conscience réelle. Les personnages ne se disent pas : « cette loi, tradition, coutume » est ridicule, barbare, anormale, nous allons nous battre pour faire changer les choses.
    Non, pour eux la mise à mort des rois d'été est normale et acceptable du moment qu'Enki, le roi d’été actuel, soit épargné au seul prétexte qu'ils sont amoureux de lui.
    D’ailleurs, c’est encore une chose incompréhensible : Enki et Gil tombent amoureux, June est un peu à l’écart, et d’un coup elle devient au centre de l’attention et on se pose des questions : Est-ce qu’elle aime Enki, ou son art ? Est qu’Enki se sert d’elle ? Est-ce qu’il l’aime ? Est-ce qu’il aime Gil ? Est ce qu’il s’est rapproché de Gil pour atteindre June ?
    Rien n’est jamais vraiment expliqué. On est un peu dans l’optique : je vous balance des scènes et chacun les interprète comme il le sent…
    Après, comme je l’ai dit, elle est bien écrite et je ne me suis pas ennuyée. Mais je suis restée imperméable aux sentiments des personnages.
    Et ça, pour moi, ça reste quand même un gros point négatif, quelque soit la qualité de l’écriture.

     

    Un extrait : J’avais huit ans la première fois que mon papai m’a emmenée au jardin public pour regarder mourir un Roi.

    Je n’ai d’abord vu que des adultes vêtus de bleus, de verts et de rouges éclatants, plumes et sequins sur des étoffes chatoyantes brodées d’or et de pierreries. Des adultes costumés pour le carnaval, qui avaient jeté des manteaux et des châles plus sombres sur leurs épaules afin de se protéger de la fraîcheur matinale. J’ai levé les yeux sur cette foule de grandes comme si on venait de m’abandonner au milieu d’une assemblée d’orixás. Je ne distinguais pas leurs visages, mais j’apercevais leurs mains s’enrouler l’une autour de l’autre ou égrener des chapelets. Certains portaient des bougies, d’autres des fleurs. Ils avaient revêtu leurs habits de fête, mais demeuraient plus silencieux que dans mes souvenirs des années précédentes. Ils se frayaient un chemin en jouant des coudes, pourtant, personne ne dansait. Quelques hommes pleuraient. Pour la première fois de ma vie, je découvrais le carnaval sans la musique.

    Je tenais la main de mon papai. Il ne me regardait pas. Soudain un étrange soupir a parcouru la foule, semblable au hurlement du vent sur les falaises pendant une tempête d’hiver. Une voix de femme s’est élevée sur le jardin public, mais j’étais trop petite, trop près du sol pour comprendre.

    — Je ne vois rien ! me suis-je plainte en tirant sur la main de mon papai.

    En se contorsionnant – nos voisins nous serraient de si près, entraînés par le mouvement de la foule, qu’il avait à peine la place de se retourner –, il s’est accroupi à ma hauteur.

    — Ce sont les rouages du monde, June…, m’a-t-il dit. Tu es vraiment sûre de vouloir les connaître ?

    Je ne comprenais pas sa mine grave, ni les pleurs ni la triste fatalité de la voix féminine dans les haut-parleurs de notre ville. La période du carnaval était pour moi synonyme de fête et de beauté. Je savais pourtant que je devais peser ma réponse avec soin, parce que mon papai ne me posait jamais une question à la légère. Si je répondais « non », il me laisserait par terre, où je ne verrais rien de ce que je ne comprenais pas, et ne comprendrais rien de ce que j’entendrais. Si je répondais « oui », ma vie en serait changée.

    J’ai fait « oui » de la tête. Il m’a alors soulevée, bien que je sois lourde pour mon âge, et installée sur ses épaules. Si je bloquais la vue à quelqu’un, nul n’a protesté.

    Il y avait un holo dans le ciel. Les images étaient projetées à quelques mètres au-dessus de la tête des gens rassemblés dans le parc, près de la cascade où je venais jouer avec mamãe en été. La Reine Serafina se tenait debout dans une austère pièce de bois et de pierre – le Haut Sanctuaire. Je l’aimais beaucoup à cause de sa peau noire et satinée, de ses cheveux aussi doux que la soie. On m’avait même offert une poupée Serafina pour mon anniversaire en juin dernier. Mais aujourd’hui, son visage farouche semblait de marbre et elle tenait un poignard à la main.

    À côté de moi, un homme récitait une prière en secouant la tête. J’ai trouvé ça très beau, et j’ai regretté de ne pouvoir me joindre à lui. Mamãe ne fréquentait guère les sanctuaires de la ville et je ne connaissais pas de prières.

    Puis l’holo est passé en grand-angle, montrant un autel devant une projection miniature de notre cité qui étincelait de toutes ses lumières. Un homme entravé par des cordes y était attaché, et la grande pyramide creuse de Palmares Três lui faisait comme une couronne. Symbole sur mesure pour notre dernier Roi en date, élu il y avait un an jour pour jour.

    — Pourquoi le Roi d’été Fidel est-il attaché ? ai-je demandé à papai.

    — Regarde, June, m’a-t-il chuchoté en me serrant la main.

    — J’honore la mémoire de nos ancêtres sortis de l’esclavage ainsi que l’héritage qu’ils nous ont légué et qui a donné son nom à notre ville, psalmodiait Serafina, impassible et glaciale dans un turban cérémonial immaculé et une simple robe blanche.

    Depuis l’autel, Fidel lui a répondu d’une voix ferme, mais ses épaules tremblaient et ses yeux brillaient du noir artificiel de ses pupilles dilatées à l’extrême.

    — J’honore la mémoire de ceux qui sont tombés comme la canne sous la machette. J’honore la mémoire des hommes qui gisent sous nos pieds et la mémoire des femmes dont la force et la sagesse nous ont sauvés.

    — Héritier du grand Roi Zumbi, tu es corrompu, a poursuivi la Reine, usant de mots presque familiers, mais dont le sens m’échappait au bout du compte. Acceptes-tu de faire à cette grande ville le don du sacrifice ? Au nom de Yemanjá, au nom d’Oxalá, aussi appelé Jésus-Christ, acceptes-tu d’offrir ton âme aux orixás, et ton choix à Palmares Três ?

    Fidel a hoché lentement la tête, comme s’il flottait déjà dans l’océan de Yemanjá. Ses yeux trop noirs se sont ouverts tout grands, m’arrachant un frisson. Nous étions à l’abri dans le jardin public du Niveau Huit, alors qu’il était ligoté sur l’autel sacré du Niveau Dix, mais j’avais quand même l’impression qu’il me regardait.

    — Oui, je le veux, a répondu Fidel avant de se laisser retomber sur la table de pierre.

    À côté de moi, le spectateur sanglotait à présent sans retenue, et même papai s’est essuyé les yeux.

     

    J’avais huit ans, on ne m’avait jamais expliqué ce qui arrivait aux Rois à la fin de l’hiver. 

     

  • [Livre] Les 100

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    Résumé : Dans le futur, les humains vivent dans des villes construites sur des vaisseaux spatiaux en orbite bien au-dessus de l'atmosphère toxique de la Terre. Personne ne sait quand, ou même si, cette planète abandonnée depuis bien longtemps sera habitable à nouveau un jour. Mais, confrontés à la diminution des ressources et à la croissance de la population, les chefs du gouvernement savent qu'ils doivent retrouver leur patrie... Avant qu'il ne soit trop tard.
    Dès lors, cent délinquants juvéniles sont envoyés dans une mission à hauts risques pour recoloniser la Terre. Après un crash brutal au moment de l'atterrissage, les adolescents arrivent sur une planète sauvagement magnifique, qu'ils n'avaient vue jusqu'ici que depuis l'espace. Face aux dangers de ce nouveau monde indompté, ils se battent pour tenter de former une communauté.
    Mais ils sont hantés par leur passé et doutent de leur avenir.
    Pour survivre, ils vont devoir apprendre à faire confiance - et à aimer - de nouveau.

    Auteur : Kass Morgan

    Edition : Robert Laffont

    Genre : Young Adult

    Date de parution : 23 janvier 2014 au 26 mars 2015

    Prix moyen : 18€

    Tomes : T01 – Les 100
                  T02 – 21ème jour
                  T03 – Retour

    Mon avis : La vie sur la colonie est une dictature sous couvert de démocratie. Le conseil est composé de collège de conseillers mais les lois arbitraires, les arrestations, les exécutions, tout désigne une dictature. Parmi les 100, les condamnés mineurs ont été arrêté pour des crimes allant de la simple connaissance d’une infraction non dénoncée au meurtre en passant par le vol de nourriture ou de médicaments ou le simple fait d’être tombée enceinte.
    Le Chancelier Jaha semble croire réellement que ces lois sont nécessaires, et peut être le sont elles dans un monde en orbite où les réserves d’air, d’eau et de nourriture sont faibles. Mais dans le cas de la grossesse par exemple, un avortement obligatoire suffirait, pourquoi condamner à mort ? A part peut être pour faire baisser la population ?
    Le vice-chancelier, Rhodes, cache quelque chose selon moi : tout dans sa description, de son comportement à son physique, laisse transparaître sa fausseté et son machiavélisme.
    Il est impressionnant de constater que même sur une si petite colonie, les être humains réussissent quand même à établir des castes : Phoenix, celle des dirigeants et des riches, Walden et Arcadia sont réservés aux basses classes…
    Du coté des 100, les tensions sont présentes. Ce sont des ados, ils sont furieux contre ce gouvernement qui condamne et exécute à tour de bras, et là que l’occasion leur est donnée de construire une nouvelle vie, leur premier mouvement est de reproduire ces pratiques arbitraires en se mettant dans la position de ceux qui décident.
    A coté de ceux qui veulent s’imposer, il y a ceux qui veulent réellement saisir leur chance. Et puis toujours cette crainte de devoir se plier à nouveau aux ordres du conseil si ceux-ci viennent les rejoindre sur Terre.
    Alors qu’ils tentent de s’acclimater sur Terre, ils se rendent compte que celle-ci recèle des dangers que personne n’avait imaginé.
    Le T01 est relativement calme : l’auteur met en place son histoire, jette des bases solides pour préparer les T02 et T03…
    J’ai eu un peu plus de mal à entrer dans le T02, j’avais l’impression que le style était différent, mais, en revenant au T01, je me suis rendu compte que c’était bien le même. Il m’a fallu un bon tiers du livre pour vraiment entrer dans l’histoire alors que pour le T01 j’y étais entrée quasi instantanément.
    Les ennuis se multiplient pour les 100 : que ce soit les tensions entre eux qui augmentent ou les dangers extérieurs qui se multiplient.
    La fin du T02 est sans réelle surprise, tout dans le tome nous amenait à cet événement.
    Dans le tome 3, les choses s’accélèrent (et dégénèrent un peu). Les colons ont rejoint les 100 et les dirigeants sont bien décidés à conserver le même contrôle que sur la station spaciale, ce qui n’est pas du goût des jeunes « criminels » qui voient tout leur travail quasiment anéanti.
    Si je dois regretter une chose, dans la fin du livre, c’est comment se termine les choses pour le Vice-Chancelier Rhodes.
    Certains passages m’ont fait chouigner un peu, d’autres se sont passés un peu trop rapidement à mon goût. Et une des révélations m’a vraiment surprise. Je pensais bien que ce personnage avait quelque chose de louche, mais je n’avais pas deviné que c’était à ce point !
    C’était tout de même une bonne lecture, même si je ne suis pas une grande fan d’une énième présentation en trilogie.


    Un extrait : Lorsque la lourde porte coulisse, Clarke sait que l’heure est venue pour elle de mourir.

    Les yeux rivés sur les bottes du gardien, elle se prépare mentalement au déferlement de peur panique qui ne va pas manquer de la submerger. Pourtant, tout ce qu’elle ressent lorsqu’elle se redresse sur son lit exigu et décolle de sa peau son chemisier trempé de sueur, c’est du soulagement.

    Parce qu’elle a tué un garde, elle a été transférée à l’Isolement. Clarke n’est pourtant jamais vraiment seule. Où qu’elle soit, elle entend des voix. Ces dernières l’appellent de chaque coin de sa cellule sombre. Elles s’immiscent dans les silences qui séparent les battements de son cœur. Elles crient en permanence du tréfonds de son âme. Ce n’est pas qu’elle veuille mourir, mais si c’est la seule manière de faire taire ces voix, alors Clarke est prête à franchir le pas.

    On l’a condamnée pour trahison. La vérité est toutefois bien pire. Même si, par miracle, elle était acquittée lors de son second procès, elle ne connaîtrait pas de véritable répit. Ses souvenirs sont plus oppressants que n’importe quelle prison.

    Le gardien se racle la gorge, manifestement mal à l’aise.

    — Prisonnier matricule 319, levez-vous s’il vous plaît !

    Il est plus jeune que ce à quoi elle s’attendait. Son uniforme bleu trop large, pendouillant par endroits sur son corps maigre, trahit son statut de recrue récente. Quelques mois de rations militaires ne suffisent pas à gommer les effets de la malnutrition qui sévit à bord des deux vaisseaux extérieurs de la Colonie, Walden et Arcadia.

    Clarke inspire à fond, puis se met debout.

    — Tendez les mains ! lui ordonne le gardien en tirant de sa poche une paire de menottes métalliques.

    Clarke ne peut s’empêcher de frissonner en effleurant sa main. Elle n’a vu personne depuis son transfèrement, et a encore moins été touchée.

    — Elles ne sont pas trop serrées ? demande-t-il d’un ton bourru.

    La note de pitié qui y affleure néanmoins lui donne un pincement au cœur. Cela fait si longtemps qu’à part Thalia, son ex-compagne de cellule et seule amie au monde, personne ne lui a témoigné ne serait-ce qu’un brin de compassion.

    Elle fait non de la tête.

    — Vous pouvez vous asseoir sur votre lit, le médecin ne va pas tarder à arriver.

    — Ils… ils le font ici ? s’inquiète Clarke, la voix rauque – cela fait si longtemps, aussi, qu’elle n’a pas parlé.

    Si le médecin vient directement dans sa cellule, cela signifie qu’ils ne vont même pas prendre la peine de la juger. Voilà qui ne devrait pourtant pas la surprendre. Selon la loi de la Colonie, les adultes sont exécutés dès la condamnation prononcée. Les mineurs, eux, sont isolés jusqu’à ce qu’ils atteignent dix-huit ans. On leur donne alors une ultime opportunité de plaider leur cause. Mais ces derniers temps, la peine de mort a été appliquée dans les heures qui suivent le verdict, pour des crimes qui valaient acquittement il y a quelques années à peine.

    Elle a toutefois du mal à croire qu’ils vont passer à l’acte ici même. Dans un accès de nostalgie un peu masochiste, elle espérait marcher une dernière fois jusqu’à l’hôpital. Elle y a passé tellement de temps comme apprentie médecin… Ce serait sa dernière occasion de goûter à un environnement familier, ne serait-ce que pour sentir à nouveau l’odeur de désinfectant et entendre le bourdonnement de la ventilation, avant d’être privée de ses sens à tout jamais.

    — Il faut que vous vous asseyiez, précise le gardien sans oser croiser son regard.

    Il suffit de deux petits pas à Clarke pour atteindre le bord de sa couchette. Elle a beau savoir que l’Isolement altère la perception du temps, elle ne peut pas imaginer avoir vécu là durant presque six mois. L’année passée avec Thalia et leur troisième codétenue, Lise, une fille aux traits durs qui a souri pour la première fois lorsque Clarke fut transférée ici, lui paraît avoir duré une éternité en comparaison. Mais il n’y a pas d’autre explication qui tienne. C’est forcément son dix-huitième anniversaire aujourd’hui. En guise de cadeau, une seringue qui lui paralysera les muscles jusqu’à ce que son cœur s’arrête. Après, comme le veut la coutume au sein de la Colonie, son corps sera jeté dans l’espace où il dérivera à travers la galaxie jusqu’à la fin des temps…

     

    Les 100 – T01

     

  • [Livre] Ma raison de vivre

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    Résumé : Lycéenne parfaite, athlète accomplie aux notes maximales, Emma n’a pourtant qu’une amie, Sara, et ne sort jamais. Personne ne la connaît vraiment. C’est ce mystère qui attire immédiatement Evan, tout juste arrivé de San Francisco. En quelques jours, il va bouleverser le quotidien bien huilé de la jeune fille, et devenir sa raison de vivre. Mais il ignore qu’en tentant coûte que coûte d’entrer dans sa vie, il la menace directement. En effet, Emma vit chez son oncle et sa tante qui la maltraitent quotidiennement, parfois jusqu’au sang. Et si elle fait profil bas, c’est avant tout pour que personne ne remarque ses nombreux bleus…

    Auteur : Rebecca Donovan

    Edition : PKJ

    Genre : Young Adult

    Date de parution : 15 mars 2015

    Prix moyen : 19,90€

    Mon avis : Ce livre a failli être un coup de cœur ! Pourquoi non ? Tout simplement parce que, encore une fois, on se retrouve ici avec trois tomes sans que rien ne le laisse supposer avant de lire la fin, de se dire « keuwa ?  Ça finit comme ça ? » et de voir sur la page de l’auteur qu’en fait, il y a deux autres tomes à suivre… quand je dis que cette histoire de trilogie est une véritable épidémie.
    Cependant, contrairement au précédent livre pour lequel j’ai eu cette mauvaise surprise, celui-ci est exceptionnellement bien écrit.
    Il est aussi très dur. Malgré tout, même en n’ayant jamais vécu (dieu merci) ce que vit Emma, on n’a absolument aucun mal à s’identifier à elle tant l’auteur nous fait plonger au cœur de ses sentiments.
    C’est clair qu’après ce livre j’ai intérêt à lire un bouquin léger, un truc de nana décérébrée qui fait idiotie sur idiotie parce que je ne crois pas que je puisse encaisser deux bouquins de ce style à la suite. Il est émotionnellement très difficile à gérer. Ce n’est pas compliqué j’ai passé un tiers des chapitres à pleurer et un autre tiers à vitupérer contre la tante d’Emma.
    Car oui, contrairement au quatrième de couverture (c’est moi ou les quatrième de couverture sont de plus en plus bidons ? Soit ils dévoilent tout, soit ils ne reflètent absolument pas le contenu du livre), dès les premières pages, on voit bien que seule sa tante la maltraite.
    Ce qui ne veut pas dire que son oncle soit blanc comme neige. Dans ces cas là, fermer les yeux est aussi criminel qu’être auteur de la maltraitance.
    L’ouverture au monde d’Emma ne se fait pas sans difficulté, et elle se heurte d’un coté à la cruauté de sa tante, de l’autre à l’incompréhension de ceux qui veulent l’aider et ne comprennent pas ses réticences.
    La fin est glaçante et rien que pour savoir ce qu’il s’est exactement passé, je lirai la suite qui doit normalement sortir en octobre.
    Contrairement à ce qu’on peut reprocher, parfois, à certains auteurs, Rebecca Donovan ne se précipite pas, elle prend le temps d’écrire toutes les étapes qui mènent au but qu’elle s’est fixé, chapitre après chapitre.  A aucun moment je n’ai eu l’impression qu’un passage était bâclé, à part peut être la fin, mais je pense que c’était voulu et que les explications seront données au début du prochain tome. Tome que j’ai vraiment hâte de découvrir !

    Un extrait : C’est un léger bruit à ma porte qui m’a réveillée, une heure plus tard. Je me suis redressée vivement et, scrutant l’obscurité de la chambre, je me suis efforcée de reprendre mes esprits.

    — Oui ? ai-je dit, tendue.

    — Emma ? a répondu une voix flûtée tandis que ma porte s’ouvrait tout doucement.

    — Tu peux entrer, Jack.

    Sa petite tête est apparue dans l’entrebâillement. Il a jeté un œil autour de moi avant de me regarder d’un air inquiet. Du haut de ses six ans, il avait déjà compris beaucoup de choses.

    — Le dîner est prêt, a-t-il annoncé en baissant les yeux.

    Il semblait presque malheureux d’être le messager de cette information.

    — J’arrive, ai-je répondu avec un sourire forcé.

    Tournant les talons, il est sorti de la chambre. De la salle à manger m’est parvenu le bruit des assiettes et des verres qu’on pose sur la table, accompagné du joyeux babillage de Leyla. Je connaissais la suite : dès que je rejoindrais la jolie petite famille, l’atmosphère se chargerait d’électricité. Comme si ma seule présence était un outrage à ce bonheur parfait.

    Je me suis armée de courage et, à pas lents et l’estomac noué, je les ai rejoints. Les yeux baissés, je suis entrée. Heureusement, elle ne m’a pas vue tout de suite.

    — Emma ! s’est écriée Leyla en se précipitant vers moi.

    À l’instant où je me suis penchée pour la prendre dans mes bras, j’ai senti cette douleur à l’épaule. Je me suis mordu les lèvres pour ne pas crier.

    — Tu as vu mon dessin ? m’a-t-elle demandé en montrant fièrement une grande feuille recouverte de coups de feutres roses et jaunes.

    Dans mon dos, j’ai deviné son regard meurtrier.

    — Maman, tu as vu mon tyrannosaure ! a lancé Jack pour attirer l’attention de sa mère.

    — Il est très beau, mon chéri, a-t-elle répondu.

    — C’est magnifique, ai-je glissé à Leyla. Va te mettre à table, maintenant, s’il te plaît.

    À seulement quatre ans, elle était à mille lieues d’imaginer que sa démonstration de tendresse avait déclenché les hostilités. J’étais sa grande cousine qu’elle adorait, elle était mon soleil dans cette maison de malheur. Comment aurais-je pu lui en vouloir de son affection ? Mais j’allais le payer cher.

    La conversation a repris et je suis redevenue invisible aux yeux de tous. Après avoir attendu qu’ils se soient servis, j’ai pris à mon tour du poulet et des pommes de terre. Sentant que chacun de mes gestes était épié, je n’ai pas levé les yeux de mon assiette. Ma maigre ration ne suffirait pas à calmer ma faim, je le savais. Mais je n’avais pas osé en prendre davantage.

    Elle parlait sans cesse, racontant dans ses moindres détails sa journée au bureau. Sa voix me retournait l’estomac. George, comme toujours, la réconfortait avec des paroles gentilles. Lorsque j’ai demandé à voix basse si je pouvais sortir de table, il m’a lancé un de ses regards insaisissables et a hoché la tête en guise d’autorisation.

    J’ai emporté mon assiette à la cuisine, ainsi que celles de Jack et Leyla qui avaient déjà filé dans le salon pour regarder la télé. Ma routine du soir commençait : débarrasser, rincer les assiettes avant de les mettre dans le lave-vaisselle, puis laver les plats et les casseroles que George avait utilisés pour préparer le dîner.

    J’ai attendu que tout le monde soit dans le salon avant de prendre ce qui restait sur la table. Après avoir fait et rangé toute la vaisselle, sorti les poubelles et passé la serpillière dans la cuisine, je suis retournée dans ma chambre. Le plus discrètement possible, j’ai traversé le salon où les enfants riaient et dansaient devant la télévision. Personne ne m’a remarquée, comme d’habitude.

    Je me suis allongée sur mon lit, j’ai mis mes écouteurs et ai monté le volume à fond pour laisser la musique m’envahir. Le lendemain, j’avais un match. Je rentrerais tard et n’assisterais donc pas à ce merveilleux dîner de famille. Une journée supplémentaire s’écoulerait, rendant plus proche le moment où, enfin, tout cela serait derrière moi. Quand je me suis tournée sur le côté, la douleur m’a cruellement rappelé ce que « tout cela » était. J’ai éteint la lumière et me suis laissé bercer par la musique pour trouver le sommeil.

  • [Livre] Icones

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    Résumé : NOTRE CŒUR NE BAT QUE S'ILS L'AUTORISENT.

    Tout a changé depuis ce Jour.
    Ce jour où les fenêtres ont explosé.
    Ce jour où l'électricité a été coupée.
    Ce jour où la famille de Doloria a été frappée par la mort.
    Le jour des Icônes et de leur invasion.

    Dol a été épargnée.
    Elle vit une existence simple à la campagne.
    Son ami de toujours lui a préparé une fête pour son anniversaire.
    Son père adoptif lui a offert un livre unique.

    Mais Dol est différente. Elle a un point gris au poignet droit.
    Ce n'est pas un hasard qu'elle ait survécu.
    C'est une conspiration.
    Et elle ne pourra bientôt plus l'ignorer.

    Auteur : Margaret Stohl

    Edition : Hachette jeunesse

    Genre : Dystopie

    Date de parution : 2 octobre 2013

    Prix moyen : 18€


    Mon avis : J’ai un avis assez mitigé sur ce livre. D’abord, le point négatif que je ressens le plus vivement, c’est le fait que rien, ni dans le résumé, ni dans le titre, ni dans la couverture (voyez vous-même), ne laissait supposer qu’il y aurait un tome 2. Or quand on voit comment finit le livre, il est évident que c’était prévu dès le départ. Pour moi, il y a là tromperie sur la marchandise car j’avais choisi ce livre justement parce qu’il semblait être une livre à tome unique (un standalone). A croire que depuis 50 nuances de Grey, les auteurs se sentent obligés d’écrire des trilogies.

    Le bon point du livre est que l’histoire de départ était bien pensée : une dystopie où le monde n’est pas modifié par une élite mais par des aliens dont personne ne connaît le visage, puisqu’ils gouvernent à travers des humains, les ambassadeurs et assurent leur pouvoir avec les icones, éléments dont on ne sait pas vraiment s’il s’agit de technologie ou d’organisme vivant mais qui permet aux aliens, les seigneurs, de tuer instantanément.
    Le problème est venu de l’écriture. J’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire, les personnages ne dégagent aucun charisme qui les rend attachants. Même les grands méchants laissent indifférents.
    Le seul personnage qui fasse ressentir un sentiment est Lucas, et le sentiment est l’exaspération. Et pourtant ses tergiversations sont bien compréhensibles, mais là encore la manière de les décrire, de les amener, ne nous permet pas de ressentir de l’empathie pour lui.

    Les choses se débloquent toujours trop vite, trop facilement, comme si des chapitres entiers manquaient ou que l’auteur voulait arriver à un but sans être capable d’accomplir le chemin nécessaire pour y parvenir.
    L’histoire des points sur les poignets des « héros » m’a un peu fait penser à la série des Lorients (numéro 4, titre du 1er tome et du film).
    La fin est presque bâclée, la dernière page ne veut carrément rien dire. Sans doute l’explication viendra dans le second, et espérons le, dernier tome, mais cette fin ne donne pas envie de le lire.
    Du coup je ne sais pas si je lirais la suite, « idoles », peut être par curiosité, si j’ai le temps, mais ce n’est pas une suite sur laquelle je vais me précipiter.

    Un extrait : Les sensations sont des souvenirs.

    C’est ce que je pense, debout dans la chapelle de la Mission, le matin de mon anniversaire. C’est ce que dit le Padre. Il soutient aussi que les sanctuaires transforment les personnes normales en philosophes.

    J’ai beau ne pas être une personne normale, je ne suis pas une philosophe non plus. Et puis, mes souvenirs et mes sensations sont les deux seules choses que je n’arrive pas à fuir, malgré l’envie que j’en ai.

    Malgré mes efforts.

    Pour l’instant, je m’exhorte à ne pas réfléchir. Je me concentre pour tenter d’y voir. La salle est sombre, mais la porte ouvre sur la clarté aveuglante de l’extérieur. Les matins ressemblent systématiquement à cela, ici. Les petites taches lumineuses picotent et brûlent mes yeux.

    Comme à la Mission, on peut, à la chapelle, faire semblant de croire que rien n’a changé depuis des centaines d’années. Pas comme dans la Chute où, paraît-il, les immeubles se sont effondrés, où les soldats Sympathisants font régner la terreur dans la rue, où l’on ne pense à rien d’autre qu’au Jour. Tous les jours.

    Los Angeles. C’est ainsi que s’appelait la Chute. Los Angeles pour commencer, puis la Cité des Anges, puis les Anges Déchus, puis la Chute. Petite, je m’imaginais les Seigneurs comme des anges. Plus personne ne les traite d’extraterrestres, désormais. Ils nous sont familiers. Bien que nous ne les ayons jamais vus, nous n’avons pas connu le monde sans eux. Ni Ro ni moi. J’ai grandi en pensant qu’ils étaient des anges parce qu’ils ont envoyé mes parents au paradis, le jour du Jour. Du moins, c’est ce que m’ont raconté les missionnaires Glaneurs quand j’ai été assez vieille pour les interroger.

    Au paradis. Pas au tombeau.

    Des anges, pas des extraterrestres.

    Cependant, ce n’est pas parce qu’une créature descend du ciel qu’elle est forcément un ange. Les Seigneurs ne sont pas venus nous sauver. Ils sont arrivés d’un système solaire très lointain afin de coloniser notre planète. Le jour du Jour. Nous ignorons à quoi ils ressemblent à l’intérieur de leurs vaisseaux, mais ce ne sont pas des anges. Ils ont anéanti ma famille l’année où je suis née. Quel ange digne de ce nom ferait un truc pareil ?