Résumé : Koridwen, Jules, Stéphane et Yannis ont entre 15 et 18 ans. Ils ont survécu au virus U4, qui a décimé 90% de la population mondiale. Ils ne se connaissent pas, mais ils se rendent pourtant au même rendez-vous.
"Je m'appelle Koridwen. Je suis la dernière survivante du hameau de Menesguen. J'ai décidé de me rendre à Paris. 541 kilomètres en tracteur, c'est de la folie, mais toute seule ici je suis trop vulnérable. Ma grand-mère m'a toujours dit que j'aurais un destin exceptionnel. C'est le moment de le vérifier."
Auteur : Yves Grevet
Edition : Nathan Syros
Genre : Young adult
Date de parution : 27 août 2015
Prix moyen : 17€
Mon avis : C’est le second tome d’U4 que je lis et je le préfère à Jules. Koridwen est plus réaliste que lui sans pour autant avoir perdu tout espoir. Même si elle est sceptique quant aux dires de sa grand-mère, qu’elle a découvert dans une lettre que ses parents lui avaient dissimulée, nombres d’événements la font douter et la pousse à espérer que tout puisse être possible.
Max m’énerve. Je sais bien que ce n’est pas sa faute et qu’il a un handicap mental, mais je serais incapable de montrer la patience de Koridwen devant ses crises et ses caprices.
C’est intéressant de lire ce tome en retrouvant certains passages vus dans Jules mais d’un point de vu différent.
Je m’étais rendu compte dans Jules qu’on passait directement de la partie 2 à la partie 4. Après vérification, c’est le cas dans chaque tome d’U4 mais je n’en comprends pas la raison.
Autre chose dont je me suis rendu compte dans Jules, c’est le fait que l’histoire avec khronos retombe comme un soufflé : on n’a pas vraiment d’explications et on peut dire que beaucoup de bruit a été fait pour rien autour de cette histoire. J’attends d’avoir lu les 4 tomes pour me prononcer mais à part amener les personnages à Paris pour qu’ils se rencontrent, il n’a guère de présence.
Dans ce tome, on n’en sait pas plus sur les motivations des militaires pour leur attitude et c’est un peu frustrant. Pas tellement de ne pas avoir les réponses dans ce tome ci, mais de se dire qu’on risque de ne pas avoir les réponses du tout. J’espère en comprendre un peu plus dans le tome Stephane qui est fille d’un scientifique travaillant pour l’armée d’après ce que j’ai pu comprendre.
La fin de ce tome laisse un goût doux-amer car on peut l’interpréter de deux façons différentes à mon sens.
Un extrait : Comme tous les autres jours, je me suis levée tôt pour nourrir les bêtes. Ce matin, c’était au prix d’un très gros effort. Je n’ai pratiquement pas fermé l’œil de la nuit. À mesure que le temps s’écoulait, mes pensées devenaient plus sombres et plus désespérées. Vers 4 ou 5 heures, j’ai débouché le flacon de poison et je l’ai porté à mes lèvres. Avant d’avaler la première gorgée, je me suis fixé un ultimatum : « Koridwen, si tu ne trouves pas dans la minute une seule raison de ne pas en finir, bois-le ! »
Et là, au bout de longues secondes de noir complet, j’ai vu apparaître dans un coin de mon cerveau la grosse tête de la vieille Bergamote. Jamais elle ne parviendra à mettre bas sans mon aide. Je la connais. J’étais là la dernière fois et ça n’avait pas été une partie de plaisir. Si je ne suis pas à ses côtés, elle en crèvera, c’est sûr. Elle et son petit.
Alors c’est pour cette vache que je suis encore vivante à cette heure. Après son vêlage, il faudra donc que je me repose la question. Depuis que je suis la seule survivante du hameau, je fonctionne comme un robot, sans jamais réfléchir. J’alterne les moments d’activité intense et les temps morts où, prostrée dans un coin, je ne fais que pleurer ou me laisser aller à de brefs instants de sommeil.
Je continue à traire mes bêtes mais je répands le lait dans la rigole. Si j’arrêtais la traite, elles souffriraient quelque temps, puis leur production stopperait d’elle-même. Je continue à le faire parce que ça m’occupe l’esprit et me donne l’illusion que la vie suit un cours presque normal. Je change les litières. Je remplis la brouette avec la paille souillée. L’odeur est forte mais elle est rassurante. Le poids de la charge tire dans mes épaules. Ça m’épuise vite et, le soir, cela m’aide à trouver plus facilement le sommeil. C’est une tâche fastidieuse et pénible mais on voit le travail avancer et, à la fin, on a le sentiment du devoir accompli. Les bruits de la campagne ont changé depuis deux semaines. Le silence n’est plus troublé par le bourdonnement des voitures et des engins agricoles.
Pourtant, il y a quelques minutes, j’ai cru entendre un véhicule approcher. Puis plus rien. Je suis sortie pour voir. Mais il n’y avait personne. Je commence peut-être à perdre la boule.
J’étale maintenant de la paille propre sur tout le sol de l’étable. Les bêtes sont soudain nerveuses, comme avant un orage ou lorsque des taons les agressent l’été. Je sursaute en sentant une présence derrière mon dos. Ce sont deux gars à peine plus âgés que moi. Ils se ressemblent, peut-être sont-ils frères. Je reconnais l’un des deux. Je l’ai vu en ville plusieurs fois avant la catastrophe. Il traînait avec d’autres à l’entrée du mini-market du centre. Ils sirotaient des bières et faisaient la manche. Je ne suis donc pas la seule dans les parages à avoir survécu. J’en éprouve une sorte de soulagement. Mais ce n’est pas avec eux que je vais pouvoir rompre ma solitude. Le regard qu’ils posent sur moi me glace le sang. Je ressens leur hostilité et leur malveillance. C’est le plus vieux qui m’interpelle en grimaçant :
– On a besoin d’outils du genre perceuse-visseuse, scie circulaire, marteau, hache, tronçonneuse. On a des portes et des volets à faire sauter dans le coin.
– Vous n’êtes pas chez vous ici et vous n’avez aucun droit, dis-je en relevant la fourche pour les menacer.
– Hé la gamine, reprend le gars en colère, tu vis sur une autre planète ou quoi ? C’est fini tout ça. Tout le monde est mort, sauf quelques jeunes de notre âge. Maintenant, plus rien n’appartient à personne. Si on veut survivre, on doit se servir. Ceux qui voudront rester honnêtes crèveront.
– Pourquoi vous n’allez pas ailleurs ? Ce ne sont pas les hameaux désertés qui manquent dans les environs.
– Ici, on savait qu’on trouverait de la compagnie, lance le plus jeune. Il paraît que sous ta salopette de paysanne se cache un corps de déesse.
– Arrête tes conneries, Kev ! On n’est pas venus pour ça. Toi, la petite, magne-toi de répondre ou ça va chauffer !
– La clé de l’appentis est sur la porte.
– Merci ma belle.
Le jeune Kevin m’adresse un regard qui signifie que je ne perds rien pour attendre. Je fais mine de reprendre ma tâche et je baisse les yeux. L’aîné est sorti et l’autre me surveille. Je m’approche pour répartir la paille à quelques mètres de lui. Il finit par se lasser de me contempler et se tourne vers la cour. Je me jette alors sur lui, la fourche en avant, et lui plante deux pointes dans la cuisse gauche. Ses genoux plient sous la douleur et il s’écroule à mes pieds. Il semble manquer d’air et ne parvient pas à crier. Je le contourne et cours jusqu’au râtelier planqué dans un placard de l’arrière-cuisine. J’attrape un des fusils de chasse avec lesquels mon père m’a initiée au tir. Je le charge avec des cartouches qui étaient cachées dans le bahut du salon. Je ressors, pénètre dans l’appentis et tire à deux reprises au-dessus de la tête du pillard qui lâche ce qu’il avait pris. Il a la trouille et son visage vire au gris.
– Va récupérer ton frangin et barrez-vous d’ici. Sinon, je vous abats comme des lapins.
Il a compris et se précipite dans l’étable pour ramasser son frère qui chiale maintenant comme un gamin. Il parvient à le relever et glisse son bras sous son épaule. Ils s’éloignent sur le chemin de terre pour rejoindre leur voiture qui était garée en contrebas de la départementale.
Je ne peux me retenir de lancer un conseil :
– Ne tarde pas trop à nettoyer sa plaie, sinon ça va s’infecter.
Sans se retourner, l’aîné lève sa main gauche, le majeur pointé vers le ciel.