Lecture terminée le : 04 juin 2021
Résumé : Ranee migre avec sa famille du Bengale à New York pour une vie meilleure.
Tara, sa première fille, est admirée par tous, mais se sent obligée de jouer un rôle pour continuer à être aimée.
Sonia, sa cadette, rebelle et engagée, provoque un véritable séisme au sein de la famille lorsqu'elle tombe amoureuse.
Chantal, la fille de Sonia, talentueuse danseuse et athlète, est prise dans une lutte entre ses deux grands-mères et ses origines.
Anna, enfin, reproche à sa mère, Tara, de l'avoir forcée à quitter l'Inde pour les États-Unis et doit trouver sa place à New York.
Le fragile équilibre que les femmes de la famille Das peinent à trouver est chaque jour menacé par des blessures qui mettront des générations à cicatriser.
Auteur : Mitali Perkins
Edition : Bayard
Genre : Roman contemporain
Date de parution : 02 Juin 2021
Prix moyen : 14,90€
Mon avis : Décidément, en ce moment, l'Inde sauve mes moments de lecture. J'ai un peu de mal à lire en ce moment et les deux seuls livres dans lesquels j'ai réussi à me plonger sont des livres qui soit se passent en Inde (les veuves de Malabar Hill), soit parlent beaucoup de la culture indienne (Ranee, Tara, Sonia, Chantal, Anna).
J'ai beaucoup aimé cette histoire qui court sur trois générations. La taille du roman et le fait de suivre 3 périodes fait qu'il n'y a pas de place pour les longueurs.
La plume est agréable à lire, et les thèmes abordés intéressants. On voit beaucoup de livres qui observe l'immigration et l'intégration vers l'extérieur : la difficulté de se faire accepter, de s'adapter a un nouveau pays, de devoir faire face aux réactions des personnes déjà installées qui ne voient pas toujours d'un bon œil l'arrivée de nouveaux arrivants.
Ici on observe tout cela de l'intérieur. Le problème n'est pas tant les personnes de l'extérieur que celles de l'intérieur. Comment s'adapter à un autre monde quand votre entourage proche ne supporte pas de vous voir vous éloigner de votre culture?
Tara et Sonia ont beau être nées en Inde, elles ont grandi en Angleterre et émigrent à présent aux États Unis.
Leur mère, Ranee, semble très hostile a tout ce qui n'est pas bengali. Elle continue à s'habiller exclusivement en sari, parle Bengali. Ce qui m'a le plus choquée, surtout pour quelqu'un qui est elle-même confrontée au problème, c'est son racisme avec les noirs. Ca va jusqu'à avoir du mal à supporter que sa fille cadette ait la peau plus foncée que sa fille aînée et elle-même.
Et pourtant, Ranee, assez détestable pendant une bonne partie du livre est celle qui va avoir la plus belle évolution.
J'ai aimé la solidarité qui existe entre les deux sœurs, Tara et Sonia, pourtant si différentes.
Chacune à sa manière veut son indépendance et se détacher de coutumes qui les étouffent. Même si Sonia se montre bien plus déterminée que Tara, cette dernière soutien toujours sa sœur.
J'ai trouvé intéressant que la génération suivant soit confrontée au problème presque inverse avec une adolescente qui ne veut pas abandonner sa culture Bengali tandis que sa cousine ne connaît quasiment pas cette culture.
La cause féministe bat également son plein et on constate quelques dérives, comme par exemple le refus d'accorder de l'intimité aux adolescentes dans leur vestiaire au prétexte que les femmes ne doivent pas avoir honte de leur corps. Les femmes se sont tant battues pour ne plus avoir a cacher leur corps qu'elles en viennent à confondre pudeur et honte.
J'ai trouvé vraiment passionnant de suivre l'évolution de chacun des personnages, de voir comment, chacun à leur manière, elles ont dû concilier leur culture d'origine et leur vie dans leur pays d'adoption.
J'ai dévoré ce roman quasiment d'une traite tant j'avais envie de savoir comment tout ça allait se terminer. Même si, étant une histoire familiale, leur vie se prolonge bien au-delà du mot fin.
Un extrait : Ma ferme les yeux pendant que les hôtesses procèdent aux incontournables démonstrations d’avant le décollage. Son visage (le même que celui de Starry en plus vieux) a les traits tirés par la fatigue. Avec un peu de chance elle va s’endormir. Les préparatifs de ce déménagement à New York ont été épuisants, mais elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Où qu’elle soit, elle n’est jamais satisfaite. Baba lui reproche de nous avoir obligés à quitter l’Inde. On l’a rejoint au Ghana pour quelques mois, mais Ma a détesté ce pays. Après ça, nous sommes restées à Londres pendant que Baba effectuait des voyages professionnels de courte durée à Singapour, en Malaisie, au Cameroun et aux Philippines. Comme il n’avait pas de revenus stables et que les propriétaires n’aimaient pas louer leur appartement à des « bouffeurs de curry », on a dû déménager à trois reprises. Pour couronner le tout, nos demandes de nationalité britannique étaient sans cesse rejetées. Baba a continué ses allers et retours, et chaque fois qu’il revenait à Londres les disputes entre Ma et lui empiraient. Surtout quand Starry a commencé à attirer les hommes en plus des garçons.
Pendant que mon père était en Malaisie, un voisin complètement soûl est venu tambouriner à notre porte en hurlant : « Épouse-moi, ma belle princesse indienne ! » Quand il a appris ça, Baba a voulu nous rapatrier fissa à Calcutta. J’étais furieuse. Calcutta ? Là où mes grands-mères ont pleuré à ma naissance parce que je n’étais pas un garçon ?
– Tu ne vas quand même pas laisser un ivrogne bouleverser nos vies ! ai-je lancé à mon père.
– Le monde est bien triste, Mishti, et j’en suis désolé, crois-moi. Mais il est de mon devoir de vous protéger de ce genre d’idiots, ta sœur et toi.
Pour une fois, Ma s’est rangée de mon côté.
– Pas question de retourner vivre chez ta mère, a-t-elle dit à Baba. Les critiques à tout bout de champ, aucune intimité, aucune liberté, non merci !
En pleine nuit (leur moment préféré pour se disputer), je me suis redressée dans mon lit et ma sœur s’est bouché les oreilles en entendant ma mère hurler à Baba :
– Tu n’as qu’à te trouver un boulot fixe ! Et débrouille-toi pour que ce soit à New York !
C’est ce qu’il a fait.