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[Livre] Cadavre exquis

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Lecture terminée le : 15 novembre 2020

 

Résumé : Un virus a fait disparaître la quasi-totalité des animaux de la surface de la Terre. Pour pallier la pénurie de viande, des scientifiques ont créé une nouvelle race, à partir de génomes humains, qui servira de bétail pour la consommation. Ce roman est l’histoire d’un homme qui travaille dans un abattoir et ressent un beau jour un trouble pour une femelle de « première génération » reçue en cadeau. Or, tout contact inapproprié avec ce qui est considéré comme un animal d’élevage est passible de la peine de mort. À l’insu de tous, il va peu à peu la traiter comme un être humain.


Auteur : Agustina Bazterrica

 

Edition : Flammarion

 

Genre : Roman contemporain

 

Date de parution : 21 Août 2019

 

Prix moyen : 19€

 

Mon avis : Âme sensible s’abstenir : ce roman est dur. Il est composé de scènes très difficiles, voire insoutenables.
Je suis loin, très loin d’être végétarienne et je n’ai aucune intention de le devenir, mais je vous garantis que j’ai été contente de ne pas avoir mangé avant de lire ce livre ! Car l’auteur ne nous épargne pas grand-chose (pour ne pas dire rien  du tout).
Je peux vous dire que si ce livre était un film, ce serait un film d’horreur et j’aurais été totalement incapable de le regarder : Mais en livre, ça va, ça passe…
Concernant le virus censé avoir décimé les animaux et qui, à terme, a conduit à ce cannibalisme institutionnalisé, je suis aussi sceptique que le personnage principal. Je trouve que ce virus mortel tombe drôlement bien étant donné les problèmes de surpopulation que rencontraient les différents gouvernements et que tous ceux qui ont osé parler de complot se sont vu rapidement réduire au silence !
Marcos Tejo travaillait dans l’abattoir de son père et aujourd’hui ce même abattoir abat des humains (même si on n’a pas le droit de les appeler comme ça, c’est illégal). Son travail le déprime mais il en a besoin, c’est un travail qui paye bien et Marcos a besoin d’argent pour payer la maison de retraite dans laquelle il a placé son père. Il faut dire que la plupart des maisons de retraite sont plutôt douteuses et que trouver un établissement correct a un prix plus que certain. Marcos ne peut donc pas se permettre de faire la fine bouche (sans mauvais jeu de mot) d’autant plus que sa sœur ne donne pas un centime pour participer aux frais.
J’ai vraiment eu du mal à supporter sa sœur. Elle est stupide, cupide et intéressée. Elle agit comme un mouton et ne pense qu’à ce que les gens peuvent penser d’elle. Elle se fiche totalement de leur père mais affiche l’air concerné d’une bonne fille pour se donner bonne conscience tout en utilisant le soi-disant manque d’argent ou l’existence d’un couvre-feu pour ne s’occuper de rien.
Afin de le remercier pour ses services (ou en guise de pot-de-vin), un éleveur offre à Marcos une femelle « Première Génération Pure », c’est-à-dire une « bête » de qualité supérieure. Pourtant Marcos se révèle incapable de la vendre, la faire abattre ou quoi que ce soit d’autre. Pire, il commence à la traiter en être humain. Et ce n’est pas anodin car les personnes qui donnent un statut d’humain à ceux que le gouvernement considère comme des animaux d’élevage risquent eux-mêmes d’être condamnés à mort et « déclassés » avant d’être conduit dans un abattoir public.
Tejo est un homme à la dérive. Dès les premières pages, on apprend que sa femme est partie vivre chez sa mère, bien qu’on mette assez longtemps à en comprendre la raison.
Le livre offre un contraste frappant entre les descriptions dans les abattoirs qui sont froides et presque cliniques et les états d’âmes de Tejo de ses visites à un ancien zoo à son comportement envers la femelle qu’il a baptisé Jasmin.
Pendant une grande partie du roman, on fait des suppositions sur comment cette histoires va finir, comment elle peut finir. A-t-elle seulement une chance de bien finir au vue de la situation du pays, voire de la situation mondiale ?
J’avais fait de nombreuses suppositions mais je peux vous dire que la fin m’a prise totalement au dépourvue. Je n’ai vraiment rien vu venir et le moins qu’on puisse dire c’est que cette fin est surprenante ! Mais je n’en dévoilerais pas plus !

 

Un extrait : Demi-carcasse. Étourdisseur. Ligne d’abattage. Tunnel de désinfection. Ces mots surgissent et cognent dans sa tête. Le détruisent. Mais ce ne sont pas seulement des mots. C’est le sang, l’odeur tenace, l’automatisation, le fait de ne plus penser. Ils s’introduisent durant la nuit, quand il ne s’y attend pas. Il se réveille le corps couvert de sueur car il sait que demain encore il devra abattre des humains.

Personne ne les appelle comme ça, pense-t-il, en s’allumant une cigarette. Lui non plus il ne les appelle pas comme ça quand il explique le cycle de la viande à un nouvel employé. On pourrait l’arrêter à ce seul motif, et même l’envoyer aux Abattoirs Municipaux pour se faire transformer. « Assassiner » serait le mot exact, mais ce mot-là n’est pas autorisé. En ôtant son maillot trempé, il cherche à chasser cette idée persistante selon laquelle c’est pourtant bien ce qu’ils sont, des humains, élevés pour être des animaux comestibles. Il va au frigo et se sert de l’eau glacée. Il la boit lentement. Son cerveau le prévient que certains mots dissimulent le monde.

Il y a des mots convenables, hygiéniques. Légaux.

Il ouvre la fenêtre, la chaleur l’étouffe. Il fume en respirant l’air calme de la nuit. Avec les vaches et les porcs, c’était facile. Il a appris le métier au Cyprès, la société d’abattage de son père, son héritage. D’accord, le cri d’un porc qu’on met à terre, ce pouvait être épouvantable, mais en utilisant des protections auditives, cela devenait vite un bruit parmi d’autres. Maintenant qu’il est le bras droit du chef, il doit surveiller et former les nouveaux. Enseigner à tuer, c’est pire que de le faire soi-même. Il passe sa tête par la fenêtre. Respire l’air compact, brûlant.

Il voudrait s’anesthésier, ne plus rien ressentir. Agir automatiquement, regarder, respirer, voilà tout. Voir, savoir et ne rien dire. Mais les souvenirs sont là, ils restent.

La majorité des gens a intégré ce que les médias s’obstinent à appeler la « Transition ». Mais pas lui, parce qu’il sait que transition est un mot qui ne dit pas que le processus a été bref et sans pitié. C’est un mot qui résume et archive un événement incommensurable. Un mot vide. Changement, transformation, tournant : autant de synonymes qui ont l’air de signifier la même chose, et pourtant le choix d’employer l’un ou l’autre dit une manière singulière de voir le monde. Les gens ont intégré le cannibalisme, pense-t-il. Cannibalisme, encore un mot qui pourrait lui attirer de sérieux problèmes.

 

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