Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Cette semaine, je vous présente On comptera les étoiles de Fleur Hana
Prologue
— Tu l’as tuée.
Il cligne les yeux. La musique diffusée dans les haut-parleurs est forte, peut-être ne m’a-t-il pas entendue par-dessus la chanson, alors je répète, en élevant la voix :
— Elle est morte à cause de toi !
Six mois plus tôt
La rentrée a eu lieu la semaine dernière et j’ai enfin la version définitive de mon emploi du temps entre les mains. J’avance dans le couloir jusqu’à la salle de cours tout en le relisant et peste :
— C’est encore Robert qui s’est chargé des plannings…
— Robert ?
Je sursaute et me retourne. Je pensais être seule devant la porte de la classe et je me parlais à moi-même, comme souvent. Sauf que d’habitude, je suis vraiment seule. Ou du moins, je crois l’être. Je ne sais pas qui est l’élève qui m’a surprise à râler, et même s’il était dans ma classe, je ne serais pas capable de l’identifier. Je ne connais encore personne, ici, mais je suis presque sûre que nous n’avons aucun cours en commun. Comme il me fixe en ayant l’air d’attendre une réponse, je finis par lui dire :
— Oui, Robert.
— Celui qui fait les emplois du temps s’appelle Robert ?
— Aucune idée.
— Mais tu viens de parler d’un certain Robert, non ?
— Il faut bien que le responsable de ça, je réplique en agitant ma feuille, ait un nom. C’est beaucoup plus facile de s’énerver contre quelqu’un dont on connaît le prénom. Sinon, ça donnerait « c’est encore Monsieur X qui s’est chargé des plannings » et reconnais que ça a tout de suite moins de cachet.
— C’est sûr, mais pourquoi « Robert » ?
Pourquoi est-ce que je continue de m’exprimer, surtout ? Il me fixe sans ciller, très sérieusement. Je me retiens de grimacer et reprends en abaissant les épaules :
— Tu t’appelles Robert, c’est ça ?
— Oui.
Quelles étaient les probabilités pour que la seule personne qui m’entende soit un Robert ? Qui porte encore ce prénom de nos jours, en plus ? Celui qui est face à moi n’a pas du tout une tête à s’appeler Robert. Simon, peut-être. Ou Benjamin, à la rigueur. Mais Robert, non. Je n’imagine pas du tout un Robert avec des cheveux bouclés, bruns, et jusqu’aux épaules. Ni avec des lèvres charnues comme les siennes, ça ne colle pas. Robert n’aurait pas de grands yeux marron et ce visage d’ange.
— Peut-être qu’on devrait te rebaptiser, je lâche sans réfléchir.
— Carrément ?
— Oui, ce serait mieux pour toi. Robert est à l’origine de toutes les idées les plus pourries, c’est trop dur à porter.
— Comme celle de la répartition de nos heures de cours ?
— Oui. Ou les ouvertures faciles.
— Je vois.
Le petit sourire en coin qu’il affiche m’encourage à continuer.
— Les horaires de la poste, aussi, c’est un coup de Robert, je poursuis alors qu’une petite voix dans ma tête me conseille de la boucler.
— Les chaussettes dans les sandales, c’est lui aussi ?
— Sûrement, je ne vois pas qui d’autre.
Il croise les bras et lève un sourcil. Il me dépasse d’une quinzaine de centimètres, à peu près. Je n’ai jamais eu le compas dans l’œil, mais il est plus grand que moi.
— Du coup, on pourrait t’appeler autrement, parce que c’est dur à porter, comme héritage, Robert.
— C’est sûr…
— Rassure-moi, dis-moi que tu te fous de moi et que tu ne t’appelles pas Robert.
— Je m’appelle Samuel.
J’en étais sûre ! Non, je l’ignorais, mais je l’espérais. Parce que ç’aurait été vraiment nul comme premier contact avec un élève de mon nouveau lycée si j’avais démarré en insultant son nom.
— C’est moche ça, Samuel, très moche !
— Tu es en train de me dire que mon prénom est moche ?
— Non ! Mais me faire croire que tu t’appelles Robert, ça, c’est moche.
— Avoue que c’était assez tentant.
— Jamais. J’ai pour principe de ne jamais rien admettre.
Alors, tentés?